Une rencontre entre gens de confiance

12 avril 1167

Après avoir déposé Gudrun à Balazuc, toujours en pleine construction, avec ses remparts à moitié achevé, j’ai continué au nord, vers Marbrume, avec une mission très simple, amené des missives très importantes aux autorités de la ville. Il s’agit d’une tâche que j’ai déjà réalisée, mais qui rend la route deux fois plus dangereuse, car aux rencontres de hasard, il faut ajouter les possibilités d’une embuscade.

Mais ce "travail", par les Trois, comme je déteste ce mot vulgaire, est très bien payé et j’ai besoin d’argent pour mettre en place ma guilde de Mercenaire, les Boucliers de Marbrume. Mon quartier général dans les faubourgs de la capitale est maintenant terminé et dès que j’aurais accompli ma tâche, je pourrais accueillir mes premiers clients.

Bien sûr, il va falloir que je recrute, car même si j’ai déjà Alana, une jeune femme sachant combattre, Jean, un soldat expérimenté et Milas, mon suivant, ce n’est clairement pas suffisant. J’en étais là de mes réflexions quand je vois arrivé devant moi, le village abandonné de Piana, l’avant-dernière étape de mon périple.

Alors que j’allais franchir les premières maisons, je vois allongé sur le chemin, une personne, comme elle est sur le ventre, il est difficile de savoir si c’est un homme ou une femme. Rendu prudent par l’expérience, je pense immédiatement à un piège, alors je descends de mon cheval, mon armure de plaque faisant forcément un peu de bruit lorsque je mets pied à terre et dégainant mon épée à deux mains, d’un geste souple, je m’avance à pas compter sur le corps.

Si cette personne est vraiment décidée, je lui couperai la tête pour éviter qu’elle se transforme en Fangeux et je continuerais mon chemin, n’ayant aucune envie de creuser une tombe. Si elle est vivante, je ne sais pas encore, cela dépendra de son état, une chose est sûr, si l’inconnu se montre hostile, je n’hésiterai pas une seconde à lui transpercer le ventre avec mon arme.

Poussière!
Elle retombe...enfin!

Sang?
Hmmm, non, pas le miens...Pour une fois!

Rythme cardiaque?
Normal, tout à été rapide, pas le temps d’accélérer..

Situation?
Normalisée.

Danger?
Étalé sur le bas-côté, inerte, définitivement calmé.

Je cesse donc de regarder dans toutes les directions. Mon assaillant est mort, je n’ai plus qu’à récupérer la pointe de flèche qui est plantée dans sa gorge. Tout le monde sous-estime l’efficacité d’une flèche cassée. Certes, j’ai raté mon tir mais, après quelques instants de lutte, pointe en main, je lui ai percé la carotide. Sa lame a simplement glissé sur mon plastron.
Je m’approche, il a fini de faire des gargouillis.
Imbécile, s’attaquer seul à un inconnu…
Bon, récupérer la pointe et couper la tête. Il ne faut pas qu’il se relève d’entre les morts.

Bruit? Des sabots?
Encore quelqu’un? Décidément, ce chemin est passant aujourd’hui, très passant...Trop passant. Mauvais choix, mauvais itinéraire. Pour moi, croiser des gens, c’est dangereux.
L’épée plantée dans le sol, oreille sur le pommeau...Un seul cheval. Soit homme seul, soit éclaireur.
A la réflexion, je pense plus à un individu isolé. Trop peu de chevaux dans la milice pour qu’il y ait un risque que ce soit un éclaireur.

Repensant à ce que je viens de dire au cadavre qui est face contre terre, je m’écarte du chemin et avise un arbuste dense. Je rabats ma cape sur ma tête et me glisse entre les branches. Sous la canopée, l’ambiance est plus sombre. Les feuilles me dissimulent et seule dépasse légèrement la pointe de flèche, enduite de terre pour éviter les reflets, que j’ai armé à mon arc. Cette fois, si l’individu est hostile, il ne me verra pas en premier.
Je bande mon arc lorsque l’animal s’arrête, silencieux.

Mince, complications!
L’homme est en armure de plaque, mes oreilles me l’enseignent. Il n’est pas encore visible mais j’entends ses pas. En approche. Il surgit alors, se dirigeant vers le corps. Immense, impressionnant, un colosse. Sa carapace est étanche aux flèches, mis à part quelques interstices. Il n’est pas loin, c’est jouable. Mais…
Si je rate mon tir ou que quelque chose sous l’armure le protège? Une cotte de maille, un gambison renforcé, n’importe quoi?
Son épée impressionnante me trouvera facilement, à n’en pas douter.

Bilan?
Attaque à distance, compliquée!
Corps-à-corps? Aucune chance…

Funeste résultat en cas de combat, c’est une certitude.
Révision de l’approche!

Toujours dissimulé, je hausse la voix, ferme et assurée.

Je ne veux de mal à personne, je ne suis pas un pillard, mais il m’a attaqué, voici le résultat. Montrez-vous hostile, vous le rejoindrez!

Il me tourne le dos, ma flèche a pour axe la base de sa nuque.

Si vous êtes sans intention belliqueuse, rengainez pour me le prouver!

Au fur et à mesure de ma progression, je peux voir que la personne étalée sur le sol au pavé disjoint, car plus entretenu, est bel et bien morte, il a dû perdre tout son sang, au niveau de sa gorge. Je ne sais pas si sa mort a été rapide ou lente, mais une chose est sûre, elle a été très douloureuse. Je m’apprête donc à lui couper la tête quand une voix d’homme arrête mon geste, m’indiquant qu’il ne veut faire de mal à personne.

C’est plutôt une bonne nouvelle pour moi, mais j’ai un peu de mal à le croire car il m’avoue quelques secondes après, que c’est lui qui a descendu l’inconnu. En plus, il est prêt également à me tuer, ce qui, pour une personne qui vient d’indiquer qu’il ne veut pas faire de mal aux gens, commence à faire beaucoup. Mais ce n’est pas fini, car c’est moi, l’innocent voyageur qui doit prouver ma bonne foi en montrant patte blanche.

C’est vraiment le monde à l’envers et je soupire longuement, examinant mes options. Je peux bien sûr me cacher, mais il risque de s’en prendre à mon cheval, qui lui n’est pas armuré, et je refuse que ce dernier soit blessé, les montures sont très précieuses de nos jours. Je peux également le charger, mais comme il me tourne le dos, je n’ai aucune idée d’où est-ce qu’il peut être, s’il est au niveau du sol, je pourrai sans aucun doute l’abattre, mais s’il est en haut d’un arbre, je serais chocolat.

D’un autre côté, je ne pense pas à une embuscade, car sinon, il m’aurait déjà criblé de flèches, comme les deux bandits à mon arrivée au Labret. De toute façon, je sais dégainer très vite alors si un danger se présente, je pourrais rapidement avoir de nouveau mon épée dans les mains. Je remets donc ma lame dans mon fourreau et je dis à voix suffisamment haute pour être entendu :

Et maintenant, on fait quoi ?

Je ne compte pas rester ici plus longtemps que nécessaire, chaque habitation pouvant cacher un fangeux dans l’ombre.

Derrière-vous!

Il aura hésité quelques instants mais a fini par rengainer son imposante épée, comme je l’avais demandé.

Danger?
Provisoirement écarté.

Confiance?
Non, sûrement pas!

Méfiance?
Toujours!

Aussi, avant de l’avertir où je me situais précisément, je pris soin de lui montrer ma propre bonne foi. Je brandis donc mon arc en dehors du buisson, qu’il puisse constater que ce dernier n’était plus armé en sa direction. Il me demandait alors ce qu’il convenait de faire. Nous n’allons en effet pas rester statique ici.
J’aurais pu envisager de courir à son cheval, je suis bon coureur et lui, engrossé dans sa ferraille, aurait eu du mal à me rattraper, d’autant qu’il me tourne toujours le dos.

Voleur?
Non, je n’en suis pas un sans qu’il n’y ait de nécessité.

Cette idée n'est pas celle qui me vient. Je préfère montrer mon arc et l’informer que je me montre.
Arc sortie du buisson, j’attends qu’il se retourne et, ceci fait, je me glisse en douceur hors de ma cachette. Mon arme brandie, l’autre main visible, mon épée courte au fourreau. Je me déplace tranquillement sans trop m’approcher.

Impressionnant!
Brutal, violent, puissant, cet homme renvoie tous les signaux du danger. A côté, je fais presque maigrelet, moi qui suis pourtant grand et assez large. Je m’arrête à distance respectable, me redresse et tombe la capuche. Je cherche son regard afin d’essayer de détecter un éventuel coup fourré. Je lui offre ainsi l’occasion de croiser mes pupilles marrons, nombreux sont ceux que ces dernières mettent mal à l’aise.
J’indique le cadavre.

Il faut que je lui coupe la tête et que je le fouille...

Voleur, non.
Mais il faut bien survivre et sa besace semble garnie.

Je me dirige donc doucement vers le corps encore chaud, passant mon arc dans mon dos et rangeant la flèche. Je ne le quitte pas des yeux en amenant ma main au pommeau de ma lame.

Alors que j’avais posé une simple question, je reçois une réponse m’indiquant qu’il y a quelque chose, comme si je n’étais pas au courant, puis au bout de quelques secondes, je comprends qu’il fait preuve de bonne volonté et qu’il m’incite à regarder derrière moi. L’inconvénient avec une armure, c’est que je ne peux guère tourner la tête et je pivote de tout mon corps pour voir d’abord un arc puis un homme, de haute taille et avec une carrure imposante.

Il enlève sa capuche et je peux remarquer qu’il est aussi chauve que le cul d’une pucelle. Ses vêtements sont simples, indiquant qu’il s’agit d’un homme du peuple, même si je n’avais guère de doute à ce sujet. Sans que je ne comprenne pourquoi, il me fixe des yeux et je lui rends son regard, ne voulant pas lui donner la satisfaction de gagner notre duel de regard.

Il me montre ensuite le cadavre, m’indiquant simplement qu’il doit lui couper la tête, chose que je m’apprêtais à faire avant qu’il ne m’interrompe de manière si cavalière, et également le fouiller. Ces manants n’ont vraiment aucun savoir vivre et je m’écarte pour le laisser passer faire sa sinistre besogne.

Je reste toujours sur mes gardes, même si le danger est maintenant bien moins grand. Avec son épée courte, il ne fera pas le poids contre mon épée à deux mains, je dispose d’une force de frappe et d’une allonge bien plus importante que la sienne, et je suis sûr que je peux le couper en deux, si le besoin s’en fait sentir, en une seule attaque.

Pour le moment, je reste à distance de sa personne et j’en profite pour observer comment il va manipuler son arme, je saurais ainsi si j’ai en face de moi un vétéran ou un bleu. Une fois qu’il a terminé ce qu’il avait à faire, je lui dis simplement :

Laisser le cadavre ici, n’est pas une bonne idée, la plupart du temps, je planque les cadavres derrière une maison.

C’est vrai que cela fait tache de laisser les cadavres au milieu de la route et comme aurait dit mon père ; « dans la vie, il faut de l’ordre et de la discipline ». Donc si mon interlocuteur est d’accord, j’attache le corps avec une corde et je le fais tirer par mon cheval, derrière une petite cabane de jardin, à moitié écroulé. Les différentes bestioles du coin vont pouvoir avoir un véritable festin !

Il fait preuve de méfiance et c’est normal. Je fais de même en me déplaçant lentement. Je ne souhaite pas que mes gestes soient perçus comme des menaces alors qu’elles n’en sont pas. Il ne me quitte pas des yeux, même si je perçois une certaine surprise à ce que je le toise ainsi. Ma foi, c’est une habitude.
Il s’écarte pour me permettre d’en finir avec le cadavre. Je ne me fais pas prier.

Faisant face à l’imposant inconnu, baissant les yeux sur le corps, je dégaine ma lame dans un tintement et d’un mouvement rapide et précis, j'exécute ma tâche sans réelle émotion. L’homme est déjà mort. Je me doute que le gaillard en armure ne ferait de moi qu’un vulgaire tas de viande, je l’ai vu dégainer son arme, qui tient plus d’une poutre plate que d’une épée, plus vite que je ne dégainerais jamais ma courte lame. Aussi, afin qu’il n’y ai pas la moindre ambiguïté, j’essuie mon épée dans ma cape avant de la remettre au fourreau. Je m’empresse de récupérer la sacoche de l’individu étalé au sol, récupérant au passage ma pointe de flèche. Avisant rapidement le reste du corps, je constatais qu’il n’y avait pas grand-chose d’autre à ramasser. Je fourrais son couteau dans mon sac ainsi que son épée, qui s’était brisée dans notre lutte. Cela pourrait toujours s’échanger. J’y ajoutais sa cape et le tour était fait.

Dans le même temps, le guerrier me suggéra de dissimuler le cadavre derrière un bâtiment quelconque afin qu’il ne reste pas à traîner le long du chemin. L’idée était en effet bonne, en plus d’être logique.

Vous avez raison.

Je sortis alors de ma propre sacoche un bout de corde qui me permis d’attacher les pieds du corps. Il en restait une longueur suffisante pour être attaché ensuite à la monture de l’inconnu, s’il le permettait. Cependant, étant son cheval, je lui fis face, corde en main et la lui tendis.

Plus rapide avec le cheval, si vous êtes d'accord!

Une fois que le corps n’est plus qu’un ancien souci, je lui parlais de nouveau.

On est d’accord que contre vous je n’ai aucune chance et qu’ainsi vous ne risquez pas une attaque de ma part?

Je lui tendis la main.

Eric!

Le geste de l’inconnu est précis, rapide et me semble issu d’une longue pratique, peut-être un ancien soldat, à moins que j’aie en face de moi, un mercenaire. Il le dépouille littéralement, je me demande même s’il va lui piquer ses sous-vêtements, mais grâce aux Trois, il ne le fait pas, m'évitant un triste spectacle. Il prend ensuite une corde dans sa besace et il a la même idée que moi, utiliser mon cheval, ce qui prouve qu’il est intelligent.

Aussitôt dit, aussitôt fais et je transporte le corps à l’abri du regard puis je lui rends la corde, n’étant pas un voleur. L’homme qui me fait face est vraiment intelligent, car il a tout de suite compris qu’il vaut mieux ne pas m’attaquer et il me tend la main, tout en indiquant son prénom. J’avoue que je suis assez circonspect, je n’ai guère l’habitude de serrer la main aux gens du peuple, mais si je veux que ma guilde fonctionne, je vais forcément avoir des clients ne venant de la noblesse, alors autant m’y habituer.

Je lui sers donc la main, faisant attention avec mon gantelet à ne pas lui écraser la main et je lui indique :

Je suis Desmond de Rochemont.

Bien sûr, je n’indique pas que j’ai perdu mon titre récemment, je me contente juste de ne pas annoncer que je suis chevalier. Une fois les présentations faites, je lui demande, d’un ton dégagé :

Et à part tuer les gens sans vouloir leur faire de mal, vous faites quoi ici ?

Il est, en effet, de croiser des personnes seules ici, la plupart du temps, ce sont des bannis, chose qui m’étonnerait, car il semble être en bonne santé ou des bandits. À moins que ma première hypothèse soit la bonne et qu’il soit mercenaire, dans ce cas, je pourrais toujours le mettre à l’épreuve avant une éventuelle embauche, car je cherche toujours du personnel.

Le corps est vite écarté.
Nous nous serrons la main et j’apprends alors qu’il s'appelle Desmond. Le reste, De Rochemont indique un titre mais je n’en ai cure. Sa tenue impliquait de toute façon que ce n’était pas un roturier. Je retiens son nom de famille par respect, mais ce n’est qu’une information comme une autre.

Je ne lui donne pas mon nom de famille car il n’apporte rien. Je suis un petit, un plouc, mon nom il s’en fout.

J’essaye de survivre, rien de plus. Ce qui est loin d’être aisé hors des villes, mais je dois les éviter.

Il est évident qu’après m’avoir vu dépouiller le mort, je n’allais pas lui laisser une image glorieuse de moi. Mais j’assume, il faut ce qu’il faut.

Et vous? Ainsi équipé on pourrait croire que vous montez rejoindre le front...Mais il n’y en a pas, pas vraiment. Vous devez être en mission.

Il allait en direction de Marbrume, ce qui n’était pas spécialement une bonne idée pour moi. C’était étrange. Quelque chose me laissait penser que cet homme pouvait changer mon existence. Mais j’étais bien incapable de deviner si c’était en bien...ou non.

Mon interlocuteur indique qu’il essaye de survivre, comme nous tous d’ailleurs, mais une information me rend mal à l’aise, pourquoi est-ce qu’il doit éviter les villes ? N’étends guère porté sur la finesse, je lui pose frontalement la question :

Les villages et surtout Marbrume, sont les endroits les plus sûrs de toute la zone, alors pourquoi ne pas y aller tout simplement ?

Il m’interroge à mon tour et je lui réponds simplement, ne voulant pas lui donner plus de détails sur ma mission, car dans ses terres désolées, on n’est jamais assez trop prudent :

J’ai plusieurs affaires à traiter à la cité.

Plus j’y pense, et plus je me dis qu’avoir une personne qui s’y connaisse au maniement de l’épée, serait une bonne idée, surtout que le terme qu’il a utilisé, celui de « front » est vraiment typique d’un militaire, c’est pourquoi je lui propose :

J’ai fondé récemment une guilde de mercenaires, les boucliers de Marbrume, qui a pour travail principal la protection des convois sur les routes. Notre base principale est dans les faubourgs, il n'y a donc pas d’obligation d’entrée dans la capitale.

J’essaye de voir s’il est intéressé, avant de continuer :

Nous n’avons pas de code comme ces boys scouts des lames de Morguestanc, à la place il n’y a qu’une seule épreuve à faire, survivre à un combat contre moi, c’est une simple formalité.

J’attends donc sa réponse, car si elle est positive, cela fera un pas de plus vers mon rétablissement en tant que noble, après tout, on me demande d’aider la Milice pendant six mois, ayant commencé depuis fin mars, il ne me reste plus que cinq mois pour atteindre mon objectif. Une fois sa réponse entendue, j’entends des bruits venant d’un buisson non loin, et aussitôt, je pose la main sur le fourreau de mon épée, car comme je l’ai dit plus haut, on n’est jamais trop prudent.

Question pertinente de mon interlocuteur. Réponse délicate à apporter. Je peux cependant, comme lui, répondre sans vraiment apporter d’élément précis. En même temps, j’estime que cet homme ne se satisfera pas d’un simple “pas prudent pour moi d’aller en ville”. Il pourrait même imaginer des choses.

Autant rester factuel?
Oui, factuel!

Disons que la milice n’aime pas particulièrement revoir des types qui lui ont fait faux bon, de fait j’essaye autant que faire se peut de ne pas me rappeler à elle.

Je réajuste mon arc sur mon épaule et ajoute tranquillement:

Pas d’escorte ? Les choses se sont moyennement passées pour vous en ville aussi. Un homme de votre statut aurait obligatoirement été accompagné par un détachement, quand bien même vous n’en auriez pas eu besoin.

Explications supplémentaires, Desmond m’informe avoir fondé une guilde de mercenaires. Il semble me proposer de l’y rejoindre. Pas de passage par la ville.

Points positifs? Fini la survie en solitaire, moins de complications à se nourrir, activité d’utilité publique.
Points négatifs? Devoir fréquenter nombre d’inconnus, risque de croiser des coutilleries de l'extérieur sur les gros convois.

Balance bénéfices - risques?
Favorable, si la milice me reconnait au moins ne serais-je pas seul!

Votre proposition présente plusieurs aspects qui me seraient certes profitables, même si la condition d’entrée me semble surprenante. Comme je l’ai déjà dit, je sais pertinemment que ma survie contre vous ne serait dû qu’à la chance ou à une erreur de votre part...Vous ne semblez pas homme à erreur de combat.

Tout comme lui, le bruit me parvient et il ne me faut que très peu de temps pour présenter mon arc face au buisson, flèche à poste et prête à filer.

Je vais tâcher de survivre à un combat à vos côtés, nous verrons ensuite si je le peux contre vous!

Un déserteur ! J’ai en face de moi un déserteur ! Tout s’explique maintenant, pourquoi il veut éviter les foyers de peuplement, son adresse à l’épée et le fait qu’il fouille des cadavres. Il essaye ensuite de découvrir les raisons de mon arrivée sur la route, mais je me contente de hausser les épaules, comme si cela n’avait pas vraiment d’importance.

Il m’indique ensuite qu’il serait intéressé par rejoindre mes rangs, mais qu’un petit combat ne l’enchante guère, ce qui est dommage, comment puis-je juger de la valeur d’une personne si je ne l’affronte pas ? C’est sur le champ de bataille que l’on se rend compte de la véritable valeur d’un individu, le face-à-face avec la mort, montre l’âme.

En tout cas, c’est mon point de vue. Mais je n’ai guère le temps d’échanger avec lui sur ce sujet, car il a entendu comme moi le bruit suspect et se met aussitôt en position, encore un bon point ! Il faut vraiment qu’il intègre mon équipe, car avec lui, je suis sûr que les convois arriveront à bon port. Mais avant cela, je dois survivre à cette journée.

Je vois sortir des buissons un homme d’une trentaine d’année, ressemblant beaucoup à celui qui était allongé sur le sol, il y a quelques minutes et à côté de lui, se trouve une belle jeune femme. Tous les deux sont habillés avec des vêtements rapiécés, une cape et à leurs côtés, se trouve une épée courte. Ils ont l’air surpris de nous voir, mais ils se reprennent vite et l’homme nous demande d’une voix menaçante :

Où est Robert ?

Je n’aime guère son ton et je lui réponds aussitôt :

Dans ton cul.

Oui, c’est vulgaire, mais de temps en temps, j’aime bien me défouler. Je vois alors la jeune femme tendre la main en direction de la flaque de sang, seul indice de la décapitation réalisé par mon acolyte et nous demander :

Qu’avez-vous fait à notre frère ?

C’est grâce à cette phrase que je comprends que j’ai en face de moi, la famille du bandit. Je regarde donc Eric, attendant de voir sa réaction et s’il va essayer de parlementer, même si pour moi, il n’y a qu’une seule solution à ce conflit, et elle va être sanglante.

Chance?
A voir!

Ce n’est pas un fangeux, on peut donc dire que ça en prend la voie.

Danger?
Inexistant à faible!

Un trentenaire accompagné d’une donzelle émerge du buisson, vêtus d’une cape et portant tous deux une épée courte semblable à la mienne.

Statut?
Effrayés et inquiets.

Aptitude physique?
Moyenne, maniement de l’épée médiocre.

L’homme pose une question sur un ton menaçant. Le cadavre avait un prénom. Mon acolyte se charge de la réponse et cette dernière, si elle n’est techniquement pas exacte, est en revanche amusante.
C’est alors que la jeune-femme remarque la tâche de sang sur le sol, ce qui la pousse à poser une nouvelle question tandis qu’elle la montre à son ami.

Paramètre supplémentaire?
Le mort était leur frère!

Révision du statut?
Effrayés et furieux!

Danger?
Faible à moyen!

Aptitude physique?
Rageuse et désordonnée!

Je tiens l’homme en respect de mon arc avant de répondre à la femme.

Mort! Robert est mort! Il m’a attaqué mais il a perdu! Si lui a perdu contre moi seul, je vous invite à calculer vos chances de survie face à nous deux.

Dans un sifflement rapide et précis, une flèche se plante entre les jambes de l’homme et, sans doute, aura t’il sentis les plumes d'empennage lui chatouiller l'entrejambe en passant.
Une nouvelle flèche est de nouveau prête à fuser.

Je vous aide dans le calcul: Vos chances de survies sont quasi nulles, tout comme le risque pour nous d’être blessés.

J’attendais leur réaction ainsi que celle de mon comparse. S’il dégaine son impressionnante épée, les deux autres pourraient bien se carapater rapidement.

La réponse de mon acolyte est à l’image du personnel, simple et direct. Il donne toutes les informations dans un minimum de mots ; j’ai tué Robert, partez. Je le vois même tirer, ce qui est une bonne idée, la défense est la meilleure des attaques ! Mais il loupe misérablement, sa flèche s’enfonçant dans la terre ! Ce n’est qu’après que je comprends qu’il voulait juste les intimider.

L’homme et la femme qui nous font face, n’ont pas eu l’air impressionné par la prestation de l’ancien milicien et après s’être regarder, sans doute pour se coordonner, ils avancent de quelques pas et dégainent rapidement un couteau de lancer et le lancent vers nous dans le même mouvement. Je pends celui de la jeune femme, qui s’enfonce dans la jonction de mon armure, traverse légèrement ma cotte de mailles et est pratiquement stoppé par mon armure matelassée.

La pointe c’est quand même enfoncé un peu dans la chair, ce qui me fais très mal ! Je les vois partir l’un à gauche et l’autre à droite et je poursuis celle qui m’a tiré dessus. Je sais bien que je gêne, à cause de ma charge, l'éventuel tir de riposte de mon compagnon, mais je n’en ai cure, car je déteste qu’une donzelle se croie tout permis, elle a besoin d’une bonne leçon, et je vais me faire un grand plaisir de lui donner.

C’est pourquoi je la suis quand elle entre dans une habitation à moitié en ruine. Je ne dégaine pas mon épée à deux mains, car cela peut être plus une gêne qu’autre chose dans un environnement étroit et sort ma dague, bien mieux adapté. Je suis prêt à tout et j’entre en faisant bien attention, car c’est maintenant devenu un combat à mort, en plus elle peut avoir encore des couteaux de lancer, ce qui la rend d’autant plus dangereuse.

Mes sens aux aguets, j’inspecte les lieux, quand je vois un mouvement suspect en hauteur et dans un grand fracas, une poutre tombe au sol, manquant de m'écraser, accompagné quelques secondes plus tard du corps de la jeune femme, qui a tenté de jouer les équilibristes sur un toit en mauvais état, ce qui est une bien mauvaise idée.

Je m’approche d’elle et je peux constater qu’elle est juste assommée, alors je la désarme simplement, lui lie les mains avec son propre ceinturon et la met sur mon épaule, celle qui n’est pas blessé.

Je n’ai plus qu’à faire le chemin en sens inverse, espérant que mon futur employé sera venu à bout de son adversaire, si ce n’est pas le cas, il fera une bien mauvaise recrue.

Du temps où j’étais milicien, on m’avait plusieurs fois demandé pourquoi je m'encombrait d’une cape même lorsque la météo se montrait plutôt clémente. Ma réponse était toujours la même, à savoir que pour être discret, une cape casse la forme du corps humain et facilite donc le camouflage. Ce que, je n’en doute pas, Desmond sait également, c’est qu’une cape ample peut agir comme une armure face à des dangers modérés.
C’est donc ce qu’il se passa lorsque le type en face me lança son couteau.

Je fais un tour sur moi même, jambes fléchies et, le mouvement de ma cape déviait le couteau avant qu’il ne m’atteigne.
L’individu dispose donc d’une arme de moins à disposition.

Puis les choses s’enchainent.

Mon acolyte prend en chasse la donzelle tandis que l’autre mon fonce dessus, épée en main. Arc en main, je n’ai que peu d’options. Soit je tire pour l’abattre ou au moins le neutraliser, soit je balance arce et flèche pour dégainer. Je n’aurais pas le temps pour la seconde option, pour le coup, l’amplitude de ma cape entrave trop mes gestes pour permettre un dégainé rapide.

La flèche siffle droit sur son épaule pour s’y planter profondément. L’instant suivant, profitant que sa charge soit stoppée nette par le choc de la flèche tirée d’aussi près, je bondis sur son côté pour lui asséner un violent coup d’arc sur la tempe.

C’est à ce moment que le toit de la cabane s’effondre sur Desmond. Jugeant mon camarade apte à survivre à ce genre d'événement imprévu, j’extrait en hâte mon bout de corde pour ligoter le bandit.
J’entends des bruits de mouvements provenant de la bâtisse, il y a donc toujours du monde vivant.
En hâte, je viens étendre le corps inanimé devant l’entrée avant de me précipiter dans un arbre dont les branches croissent au-dessus de la porte.

A l’instant même où un mouvement apparaît à la sortie, je lâche ma grande cape dessus. A moins que l’individu qui sort ne regarde en l’air, il, ou elle, se prendra ce grand morceau de toile sur la tête.

Alors que je sortais du bâtiment en ruine, je vois avec satisfaction le corps du second malandrin allongé sur le sol, cet ancien milicien est vraiment quelqu’un d’efficace ! C’est donc sans aucune méfiance que je m’avance en-dehors quand je vois un objet atterrir sur moi, qui en plus, sent très mauvais. Je ne peux m’empêcher de lâcher un :

Sacrebleu !

Avant d’essayer de me dépêtrer de ce qui me semble être une cape. Je mets quelques secondes pour y arriver, étant gêner par la jeune femme, toujours inconsciente sur mon épaule. Finalement, j’y arrive et je regarde en l’air pour voir confortablement installé sur une branche, Eric, je lui dis donc d’une voix faussement amusée :

C’était très drôle, descends maintenant.

J’attends qu’il me rejoigne puis je pose ma captive sur le sol. Cette action m’a donné soif et je prends donc une lampée de ma flasque puis je la tends au déserteur, lui indiquant :

C’est de l’alcool de cerise, venant directement d’une petite ferme du Labret, une pure merveille.

Je le laisse accepter ou non ma proposition et je vois nos deux prisonniers, se réveiller doucement. Le frère et la sœur ont de beaux hématomes et le frangin à en plus une flèche dans l’épaule. Ne sachant pas si la pointe est barbelée, je la laisse à l’intérieur et je demande à voix haute au potentiel nouveau mercenaire, afin que tous les gens présents puissent nous entendre :

On dirait que tu as du mal à te faire des amis.

Je lui souris, content de ma blague et je continue :

Maintenant que fait-on d’eux ? Je suis sûr que leurs têtes sont mises à prix, je propose donc de nous amuser avec la femme, puis de les tuer tous les deux et de ramener leurs têtes à la milice.

Je souris une nouvelle fois à mon interlocuteur pour lui préciser :

Je vais être sympathique, je te laisse y aller en premier.

Personne ne peut dire après cela, que moi, Desmond de Rochemont, n’est pas une personne généreuse et ayant la main sur le cœur. Bizarrement, le destin funeste que j’ai prévu pour la fratrie ne semblent guère leur plaire, car ils nous regardent les yeux exorbités. Pour ma part, j’attends patiemment les suggestions de mon camarade de combat.