Une rencontre entre gens de confiance

Par les Dieux, c’est de la véritable torture ! J’ai de nouveau fait plein de pâté sur le document que j’étais en train d’écrire alors que j’avais presque terminé ! En plus, comme le papier coûte cher, je gratte l’encre pour économiser mais c’est de plus en plus illisible. Dès que j’aurai gagné assez d’argent, j’engage un scribe qui s’occupera de toute la paperasserie.

J’hésite même à aller dans la cité pour faire appel à un écrivain public, mais il y a toujours la queue dans ce genre d’endroit et cela ferait bizarre qu’un noble comme moi, soit vu, à attendre avec le reste de la populace. Je devrais pourtant avoir l’habitude d’en écrire, mais j’ai toujours autant de difficulté.

Finalement, au bout d’une heure, j’y arrive enfin, et met les différents sceaux que je possède, d’abord celui de ma famille, puis celui de ma guilde, sous la forme d’un bouclier stylisé, en brulant un peu de cire. Le résultat est finalement pas mal du tout, mieux que je l’avais craint et c’est donc de bonne humeur que je rejoins mon nouvel acolyte, qui n’est pas encore sorti du bain !

Je décide donc de prendre soin de mon étalon, Guerre, dans l’étable reconvertit en écurie. Je l’étrille et le brosse comme tout bon chevalier sait le faire, puisque sans monture, un noble n’est rien et quand je reviens, j’aperçois enfin l’ancien déserteur, qui semble méconnaissable, rasé de près et surtout lavé. Même sa cape ne pue plus la mort, ce qui est une bonne chose, pour lui et son entourage.

Je peux enfin lui présenter le reste des agents de la Guilde qui sont réunis dans la grande pièce à vivre, un convoi devant partir demain matin, à l’attention de Balazuc, toujours pour la reconstruction de ce village :

Messieurs, je vous présente Eric, qui intègre notre équipe. Eric, voici mon suivant Milas.

Le gamin de douze ans s’avance et fais une gracieuse révérence, comme pour se moquer, son père est marin (il boit beaucoup) et il a une sœur qui fréquente un certain Gaston qui est lui aussi suivant. Sa mère est morte, tué par les Faucheurs. Puis se présentant au fur et à mesure, nous avons Jean Mangefeuille et Jacques Lepetit. J’indique alors au petit nouveau :

Il manque Alana Vieilgarde, qui est déjà en mission.

Voilà, pour le moment, nous ne sommes pas très nombreux, mais j’ai confiance en l’avenir.

A peine sortie de mon bain et vêtue d’habits blancs, mes affaires séchantes, que Desmond m'entraîne à sa suite. Par réflexe, je faillis prendre ma cape mais en un tourbillon de tissus sentant le savon, elle retourna sur son crochet.
Je le suivais donc, bouclant tout de même mon ceinturon portant mon épée. Heureusement que l’aspect n’est pour moi qu’une chose superficielle, parce que là…
Habillé d’un pantalon et d’une tunique ample, tous deux blanc, pieds-nus et épée à la ceinture, je n’arborais pas vraiment l’aspect mercenaire. C’était d’autant plus vrai à côté du noble, toujours dans son armure, mais également des quelques personnes qu’il me présenta.
Tous avaient la dégaine que l’on est en droit d’attendre d’un mercenaire.

A côté, je ressemble plus à une lavandière…

Enchanté!

Je prononce cet unique mot en prenant soin de scruter chacun dans les yeux au fur et à mesure que le chef nomme les individus. Même le gamin, son suivant, à le droit à mon regard. Mais, s’il n’est qu’un enfant, je décèle immédiatement une grande résilience chez ce petit. Il est animé d’une volonté farouche qui ne devrait pas avoir place dans le regard d’un gosse.
Malgré la révérence exagérée et assurément moqueuse, je sais déjà que ce môme est du genre à faire confiance mais sur la durée. Pour le moment je suis un inconnu, alors il se montre brave, à juste titre j’en suis certain.
Aussi, je réponds à sa plaisanterie en m’inclinant.

Me vient alors un constat.

C’est une petite troupe. C’est bien, c’est plus discret.

Sans laisser de temps à personne pour rebondir, j’enchaine.

La prochaine mission est pour quand et pour où?

Eric semble satisfait des hommes que j’ai rassemblés et c’est vrai que même si elle ma guilde est encore petite, tous ces hommes sont des vétérans, même le gamin a déjà réalisé de nombreux trajets depuis qu’il est avec moi et il déjà plus d’une fois frôlé la mort en arrivant à fuir un fangeux. Je peux même dire que l’ancien déserteur est motivé, car il demande immédiatement qu’elle est la prochaine mission et je lui réponds sans problème, car je l’ai déjà annoncé aux autres membres présents :

On part demain matin, à l’aube, pour escorter un convoi important de matériaux de construction pour le village de Balazuc. Si j’en crois les dernières nouvelles, le camp fortifié est terminé depuis plus d’une semaine et ils ont en train d’installé une palissade sur toute la partie nord.

Les travaux avancent bien et avec ce que l’on va leur apporter, je suis sûr qu’ils auront fini rapidement cette étape de sécurisation indispensable, après je pense que ce sera au tour de la route, puis de l’Auberge et enfin du Temple. Il ne manquera plus qu’une maison de passe pour que je puisse considérer l’endroit comme étant civilisé. Je continue donc sur ma lancée :

Nous serons les seuls à protéger le convoi, alors je vais vous demandez à tous de la rigueur, n’oubliez pas la seule règle qui compte quand nous sommes à l’extérieur, c’est qu’il n’y a pas de règles, restez tous en vie, c’est le plus important.

Je les vois hocher la tête gravement et chacun s’éparpille pour se préparer. De mon côté, je donne quelques instructions à Milas, mon écuyer et je sors du bâtiment, car il me reste encore de nombreuses choses à faire. L’une d’elle est d’aller au quartier de la Milice où j’entre facilement grâce à ma réputation, ici, tout le monde me connaît. Je frappe à la porte d’un certain sergent et refermant la porte derrière moi, je lui laisse une petite bourse sur le bureau, contenant différents objets précieux, lui disant en souriant :

Merci d’avoir choisi ma Guilde pour ce convoi.

Je vois mon interlocuteur ramasser prestement son dû et me répondre, d’un air très satisfait :

Ravi de faire des affaires avec vous.

Alors que je m'aprêtais à partir, une dernière chose me vient à l'esprit et j'indique à l'officier:

Deux bandits ont essayé de me dépouiller, je les ai accroché à un arbre, à l'entrée du village de Piana.

C'est donc avec la certitude du devoir accomplis, que je quitte les lieux.