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 Un plat qui se mange froid

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Edgar DuvalIngénieur
Edgar Duval



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MessageSujet: Re: Un plat qui se mange froid   Un plat qui se mange froid - Page 2 EmptyLun 2 Aoû 2021 - 20:33
Une chose à laquelle il n’avait effectivement jamais réfléchi, en tant que présupposé homme libre, libre de tout jugement, préoccupé à construire ses édifices plutôt qu’à rentrer dans des jeux de pouvoirs. C’était peut-être pour ça que Victoria l’avait laissé tomber, également. Il s’était sans doute avoué vaincu d’avance face à De Chastain. Mais cette fois, il avait à ses côtés une personne tout aussi extraordinaire, Desmond de Rochemont, qui était non seulement on ne peut plus clair sur ses intentions, mais en plus semblait se seoir de la réputation qui le précédait.

Il s’en était remis corps & âme au chevalier, oubliant déjà la barbarie dont il avait fait montre avec le coutiller félon. Et pour dire, Rochemont lui tournait le dos. L’idée de le trahir lui traversa violemment l’esprit. Comment le sang bleu pouvait-il faire confiance à Edgar ? Était-il si inoffensif que cela ? Non. Edgar était différent de messire de Rochemont. Mais Messire de Rochemont était un allié précieux, et il comptait bien lui rendre la monnaie de sa pièce à Balazuc.

Alors il y pensait en ce moment fatidique. Sans doute le noble voyait Edgar comme un outil, mais ce dernier ne pouvait s’empêcher d’éprouver de la sympathie pour cet homme brutal. Alors il chassa cette idée noire, priant intérieurement Rikni pour que jamais il n’y pense plus.

Il couvrit donc les arrières du noble, montant doucement les marches à son tour, prenant soin de limiter l’appui de sa canne sur celles-ci, au cas où un grincement les trahirait tous les deux.

Les intérieurs de la Balsamine étaient, pour assez dire, somptueux. Edgar n’y avait mis les pieds qu’une fois, au moment fatidique où il devait identifier sa défunte fille. Cette pensée fit battre son cœur à la chamade, comme s’il allait retrouver de nouveau le corps meurtri de sa petite Cassandra. Il restait dos à messire de Rochemont qui progressait dans l’établissement et qui savait visiblement où il se dirigeait.

Et bien sûr, il ne fut pas difficile de reconnaître la chambre où le baron était enfermé avec sa prostituée. Deux loubards, aussi imposants que Desmond, gardaient l’entrée, les bras croisés. L’ingénieur déglutit. Il se pencha vers Rochemont pour lui souffler ses mots :

« Je n’ai jamais eu à neutraliser quelqu’un, ni à m’infiltrer où que ce soit. J’en ai des sueurs froides, alors si vous avez un plan du tonnerre, messire de Rochemont, j’aimerais bien l’entendre. »

Après qu’il eut parlé, on pouvait entendre des gémissements et des bruits sourds provenant de la pièce. On aurait cru à un meurtre. Mais cela ne faisait aucunement réagir les deux gardes. Puis un silence s’en suivit.

L’ingénieur observa autour de lui. Il y avait quelques bifurcations au détour des couloirs dont ils pourraient tirer parti. Il pourrait appâter l’un des gardes et le noble se chargerait de l’autre. Le tout, serait de le faire dans la discrétion absolue. Et les tourtereaux n’avaient pas l’air d’être réguliers dans leur alternatives d’ébats et de repos, ce qui rendait la tâche compliquée s’il fallait agir en douce.

Pourvu que messire de Rochemont eût une idée lumineuse.
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Desmond de Rochemont
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MessageSujet: Re: Un plat qui se mange froid   Un plat qui se mange froid - Page 2 EmptyMar 3 Aoû 2021 - 19:09
Grâce aux Trois, nous ne croisons personne dans les escaliers, il faut aussi dire que j’ai choisi cette heure bien précise car tout le personnel est occupé à servir les clients dans la taverne du bas. Lorsque nous arrivons, Edgar m‘informe qu’il ne pourra jamais venir à bout des types qui gardent l’entrée de la chambre et sa réflexion me fait sourire, c’est pourquoi je lui dis en murmurant, de très bonne humeur malgré le danger :

Ne vous inquiétez pas, personne ne va se battre aujourd’hui.


Enfin, je l’espère du moins, car même les meilleurs plans peuvent voler en éclats quand les Dieux s’en mêlent, leurs desseins étant parfois incompréhensibles à comprendre pour le commun des mortels. Je continue donc sur ma lancée :

Dans quelques minutes, un serviteur va arriver avec des boissons que j’ai moi-même fais commander pour la chambre. Bien sûr, il sera refoulé par les deux hommes et c’est à ce moment que nous allons entrer dans la chambre à côté, car elles communiquent toutes entre elles.

D’habitude, il y a un verrou pour garder une certaine intimité, mais si la prostituée à effectuer son travail, celui-ci est ouverte. Juste quand j’ai terminé mes explications, le serveur arrive, ce qui permet de foncer le plus silencieusement possible au moment même où les cerbères nous tournent le dos et j’entre rapidement dans la chambre, refermons la porte dès que mon acolyte est entré.

Maintenant, c’est la partie la plus difficile de mon plan, c’est là où tout va se jouer et par sécurité, j’ouvre la fenêtre de la pièce inoccupée, encore une précaution que j’ai prise en réservant la chambre sous un faux nom. Je colle l’oreille à la porte et j’entends très distinctement des coups de fouet, des gémissements d’homme et de femme, de souffrance ou de plaisir, difficile à dire.

Mon plan est d’ouvrir la porte, de foncer attraper le noble et de l’empêcher de crier en lui mettant la main devant la bouche. L’effet de surprise devrait fonctionner et nous devrions pouvoir bénéficier d’un petite tête à tête. Mais il s’agit peut-être d’un piège et ils seront quatre dans la pièce, armés jusqu’aux dents à nous attendre.

C’est le moment de vérité et avec mes doigts, j’imite un compte à rebours en commençant par trois, puis deux, puis un et enfin, je ferme le poing, ouvrant d’un seul coup la porte, pour découvrir…

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MessageSujet: Re: Un plat qui se mange froid   Un plat qui se mange froid - Page 2 EmptyMar 3 Aoû 2021 - 23:37
Le baron est seul, debout, un fouet à la main.

Telle fut la retranscription psychique d’Edgar alors qu’il vit dans l’embrasure de la porte la silhouette du bourreau de feu sa femme et sa fille. C’était bien le baron Jocelyn de Chastain. C’était un homme tout à fait ordinaire et propre sur lui. Il avait le poil noir, les yeux marrons, le regard inquisiteur, la barbe soigneusement taillée. Il était ni trop musclé, ni trop fétiche ; l’archétype de l’homme parfait à qui peu de femmes résistent. Mais ici, il était pris au dépourvu. Il avait fait volte face, voyant débouler sur lui comme un monstre, pire encore qu’un Fangeux qui allait le faucher : Desmond de Rochemont. Manque de chance pour les deux acolytes, Jocelyn n’était pas bâillonné par la prostituée comme l’aurait souhaité le chef de la Guilde des Boucliers. Le baron eut à peine le temps de faire voltiger son fouet en direction de messire de Rochemont, dans son élan de stupeur.

Edgar, lui, se rua du mieux qu’il pût en direction de la prostituée. Elle avait le corps ensanglanté et végétait, comme si elle était sur le point de tomber dans les pommes. Ainsi c’était ça, la cruauté du baron. Il la délia du mieux qui put, les mains tremblotantes, craignant de subir un coup de fouet perdu.

« Restez calme… Ne paniquez pas… Nous allons vous sortir de là… »

Il avait parlé d’une voix très douce, très faible aussi. Mais estropié et peu habitué aux situations aussi critiques, il n’inspirait, pour ainsi dire, guère confiance. Il aida la jeune fille à se redresser, rabattit la couverture sur elle pour ne pas la laisser nue, et la guida dans l’autre pièce, jusqu’à la fenêtre ouverte. Là, d’après les directives de messire de Rochemont, il devait y avoir, au pied du mur, une charrette remplie de foin pour amortir la chute. C’était la seule échappatoire possible.

Avant d’entreprendre quoi que ce soit, il jeta un œil par la fenêtre et…

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MessageSujet: Re: Un plat qui se mange froid   Un plat qui se mange froid - Page 2 EmptyMer 4 Aoû 2021 - 10:00
Dans la rue où se trouve Milas, quelques minutes après que Desmond de Rochemont et Edgar Duval soit entrés dans la maison de passe.

Allez petit, dégage, tu gênes le passage.

C’est ainsi que le suivant de l’ancien chevalier se fait houspiller par la Milice. Le jeune garçon grince des dents, pour une fois que la garde de la cité fait son travail, cela tombe sur lui ! Toutefois, il n’ose pas protester, ne voulant pas attirer l’attention de la soldatesque, il se contente d’un simple :

Tout de suite, messire !

Il frappe donc l’arrière du cheval, pour le faire avancer, il compte faire le tour du pâté de maison, avant de revenir à la même place, priant les Trois pour que les deux aventuriers n’aient pas besoin de ses services pendant son absence forcée.


Retour au temps présent, dans la chambre du noble :

Sacrebleu ! Je vois le fouet volé dans ma direction et je pare comme je peux avec mon avant-bras, ce qui occasionne une belle entaille, le sang commençant immédiatement à couler. Sans y faire attention, j’attrape sans aucune douceur mon assaillant et je mets immédiatement la main sur la bouche pour ne pas qu’il crie. Plus je lui dis, d’une voix extrêmement menaçante :

Un mouvement de ta part et je te brise le cou.

Il doit avoir compris que je ne plaisante pas, car il ne bouge pas un muscle et comme je vois que mon acolyte a libéré le lit, c’est donc tout naturellement que je l’y allonge, n’ayant plus qu’à le bâillonner et l’emprisonner grâce aux liens déjà présente. Tout est vraiment de bonne qualité ici, on sent que le baron prend un soin particulier à trouver le matériel le plus solide qu’il soit, même si, sur le moment, il doit s’en mordre les doigts.

Je remarque du coin de l’œil que l’extraction de la jeune femme ne s’est pas passé comme prévu, mais ce n’est pas bien grave, la prostituée est tout à fait sacrifiable. Je retourne donc voir Edgar et je lui indique :

Pose tes questions mais fais bien attention à ce qu’il n’appelle pas à l’aide.

Il y a toujours les malabars à l’extérieur, et notre séance ne doit pas durer trop de temps. Je lui tends également une dague, afin de maintenir l’homme en respect. Quant à la prostituée, je la porte jusqu’au lit à côté, verse dans une bassine un peu d’eau et je lui dis calmement :

Nettoie tes blessures et rhabille-toi, on part dans quelques minutes.
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MessageSujet: Re: Un plat qui se mange froid   Un plat qui se mange froid - Page 2 EmptyMer 4 Aoû 2021 - 16:34
Le sang-bleu, eût-il essuyé quelque dommage, avait gardé son sang-froid, malgré l’avant bras ensanglanté et l’absence de son collègue prêt à aider à leur exfiltration. Sur le coup, l’ingénieur, encore déboussolé, ne trouvait aucun autre moyen de sortir sans grande difficulté. L’état déplorable de la prostituée le tenait alerte et c’était sans compter que sa némésis se trouvait dans l’autre chambre, attendant le possible interrogatoire de l’ingénieur. Ce dernier reçut par ailleurs des mains de Desmond une dague. Il en trembla, s’emparant de l’objet. Il n’avait pas pour réelle habitude de manipuler des armes blanches, quand bien même la lame dissimulée dans sa canne en cyprès faisait exception.

Il boita en direction de la chambre où le baron attendait sagement, le visage souriant, presque rieur. La vue de la dague de semblait pas l’impressionner le moins du monde. Edgar le tenait en joue, d’une manière tremblante, sans assurance, tandis qu’il ôta le bâillon de la bouche du noble.

« Enlève ton masque, Duval. Je sais tout. »

L’ingénieur se figea. Au vu de sa réaction, le noble laissa s’échapper un petit rire.

« Tu es encore plus pitoyable que je le pensais. En revanche, je dois te dire que je ne m’attendais pas à ce que cette joyeuse sauterie prenne pareille tournure. Ton ami est encore moins discret que ton illustre personne.
Pourquoi ? se résuma à demander Edgar.
C’est quelque chose que tu ne comprendras jamais. Tu es ce qu’on appelle un génie idiot, incapable de comprendre les clefs du pouvoir. Tu te fais manipuler par un noble bien moins scrupuleux que moi encore, pour quoi au final ? Assouvir quelque désir de vengeance ? Il fera de ta vie un enfer.
Il n’a pas tué ma femme et ma fille, lui.
Victoria ne m’a raconté que du bien de toi, par ailleurs. Elle t’a toujours pris en pitié. Pour ce qui est de ta fille, elle m’a manqué de respect, alors je l’ai envoyée au casse-pipe ici même. Elles sont aussi stupides que toi à ne rien comprendre : j’ai du pouvoir, je sers la famille de Sylvrur, et tu sais très bien ce qu’il t’en coûtera si tes actes dépassent l’entendement. Il ne fait pas bon avoir la couronne comme ennemi.
Personne ne saura que je t’ai tué.
En es-tu si sûr ? J’ai demandé à mon bâtard de s’occuper de toi s’il m’arrivait quelque chose, et autant te rappeler qu’il ne t’a jamais porté dans ton cœur, lui. Personne, parce que tu n’es pas de ceux qui méritent le respect ou l’amour, tu es une aberration de la nature, Duval. Et lorsque ce gros tas n’aura plus besoin de toi, il te balancera aux oubliettes. Tu as vraiment cru que tu pouvais rentrer dans les grâces de l’ogre de Rougelac ?
Rougelac ? demanda Edgar. »

Il trembla de plus belle et fut soudainement épris d’un vertige.

« GARDES ! tonitrua le baron. »

Frappé de stupeur, ni une, ni deux, il enfonça la lame blanche en travers du crâne, arrachant un dernier cri d’horreur au noble tandis qu’il entendit dans son dos un bruit de porte grincer et des pas se rapprocher. La canne encore en main, il décida de faire volte face, la faisant voltiger sans nul doute en direction du crâne d’un assaillant, fût-ce un acte de défense bien désespéré…

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MessageSujet: Re: Un plat qui se mange froid   Un plat qui se mange froid - Page 2 EmptyMer 4 Aoû 2021 - 18:14
La jeune femme obéit à mes instructions rapidement et je pars écouter ce qu’il se dit entre les deux hommes, mon épée à mon côté, faisant toujours bien attention à ne pas faire de bruit. Finalement, le baron est bien une personne intelligente et a sans doute fais suivre l’ingénieur mais il ne devait pas se douter que nous interviendrons ici.

Je hausse les épaules à ses paroles, l’un de nous est allongé sur le lit avec une dague sous la gorge alors il n’a pas aussi bien géré que cela. Mais d’un coup les choses s’accélère car notre prisonnier se met à appeler à l’aide et au lieu de la faire taire en lui remettant son bâillon, il lui enfonce la dague, le tuant sur le coup !

Je reste comme paralysé, comme les choses ont pu se passer aussi mal ? Mais ce n’est pas fini car les deux molosses rentrent dans la pièce et après une courte tentative de résistance d’Edgar, le tienne en joue. Franchement, j’ai bien envie de l’abandonner après ce fiasco, mais la pièce n’est pas finie, alors je le tire vers moi, prenant complètement pas surprise nos adversaires.

Une fois dans l’autre pièce, je referme la porte de communication et j’entends presque aussitôt des coups frappés sur le battant, c’est sûr que la porte ne va pas durer longtemps. Je dis à l’ingénieur :

Sautez par la fenêtre.

Puis je prends la prostituée à moitié nue qui commence à crier et je la jette dans le vide, avant de faire de même. Si le chariot est présent, nous allons y atterrir dessus sans trop de dommage, dans le cas inverse, le corps de la jeune femme fera comme un matelas. Heureusement pour cette dernière, Milas est bien présent et malgré quelques hématomes, nous en sortons sans dommage.

J’attends de voir ce que va faire mon comparse, laissant passer un peu de temps si besoin puis j’indique à mon suivant :

Amène-nous au lieu de rendez-vous.

J’enlève également ma veste pour couvrir la nudité partielle de la prostituée et nous arrivons rapidement à une boutique de tailleur. J’y rentre rapidement, avec la jeune femme, pendant que Milas va cacher le chariot à côté et que je dépose une petite bourse à l’intention du propriétaire qui déjà prévenu, quitte les lieux.

C’est donc à l’abri que je commence à réfléchir, essayant de trouver un plan pour m’en sortir.
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MessageSujet: Re: Un plat qui se mange froid   Un plat qui se mange froid - Page 2 EmptyMer 4 Aoû 2021 - 23:42
Tout était allé si vite.

L’ingénieur, après qu’il eut éloigné d’un geste ample les deux loubards, sentit comme une patte d’ours lui agripper le bras, depuis l’embrasure de la porte, jusqu’à le happer dans l’autre pièce avant que la porte ne se referme lourdement. C’était Desmond qui l’avait tiré in extremis d’un très mauvais pas. On entendait depuis la pièce voisine des cris, des appels à l’aide. Et des tentatives d’enfoncer la porte également. L’ingénieur, lui, sentait de l’adrénaline lui parcourir le corps. Il arrivait même à tenir sur ses deux jambes ! Il en profita pour intercaler la canne sous la poignée, afin de donner plus de difficulté aux assaillants. Il semblait autre, arraché à lui-même, sous l’effet d’une drogue nouvelle, encore plus puissante que le pavot somnifère. L’adrénaline.

Il exécuta les ordres de Rochemont, sauta par la fenêtre sans se soucier de ce qui allait lui arriver. La chutte ne fut pas mortelle, mais rude. Il ne sentit pas la douleur. Même sa jambe gauche semblait ne pas lui faire mal autant que d’habitude. Il crut que Rochemont allait fendre le chariot en deux avec son poids ; pire, allait lui administrer un plaquage paralysant, comme dans un jeu où des dresseurs font combattre des créatures entre elles qu’ils enferment dans des boules mi-rouges, mi-blanches.

Il tremblait de tout son corps dans le chariot, le visage fendu d’un sourire terrifiant, le regard vif, comme s’il venait de goûter à un nouveau fruit défendu. Le meurtre, par la vengeance. Il en avait les dents qui claquaient. La lame avait pénétré avec une aisance certaine à travers la chair, jusque dans la cervelle. Il était mort sur le coup.

C’en était fini du baron Jocelyn de Chastain, désormais.

« Anur ait son âme, murmura-t-il à lui-même. »

Il demeurait silencieux, tremblotant, encore sous le choc pendant tout le voyage. Parfois il sursautait, comme s’il était prix de visions d’horreurs. Il regardait ses mains encore tremblantes. Au fur et à mesure que l’adrénaline redescendait, son corps suintait de plus belle, comme si on l’avait jeté puis sorti de la mère.

Ils arrivèrent à bon port dans une boutique de tailleur, dont le propriétaire fut promptement congédié après avoir reçu froidement un petit pécule de la part du noble. Décidément, messire de Rochemont connaissait du monde et savait y faire tant avec les hommes qu’avec les femmes. Ce n’était pas l’allié du notoire Comte de Rougelac pour rien. Il imaginait déjà dans sa tête les fâcheuses conséquences de son acte. Pourvu que la couronne ne leur tombe pas dessus ; ça n’était pas les hommes les plus recommandables du monde, mais l’ingénieur était responsable seul de ce qui s’était produit.

Il se remit de ses émotions. La prostituée, elle attendait dans un coin de la pièce, apeurée, jetant tantôt un regard à Desmond, tantôt à Edgar. Ce dernier prit la parole, les yeux rivés sur le plancher, pensif.

« Voici comment j’entrevois les choses. Vous me cachez à Balazuc, le temps que j’honore ma dette. En parallèle, je réfléchis à un moyen de trouver grâce aux yeux de la justice. Peut-être que cette piste sur les félons Lombeth et Lucifer pourrait nous aider. Messire de Rochemont, je comprendrais si vous voulez me livrer aux autorités pour ce que j’ai fait. J’ai la conscience tranquille et je n’en veux plus au baron désormais. C’est à Anur de décider de son sort… »

Il redressa la tête, à l’attention de messire de Rochemont.

« Vous avez certainement une meilleure idée. »
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MessageSujet: Re: Un plat qui se mange froid   Un plat qui se mange froid - Page 2 EmptyJeu 5 Aoû 2021 - 16:32
Alors que j’étais en pleine réflexion, mon partenaire dans le meurtre du noble m’indique un plan très alambiqué et surtout complètement aléatoire, comptant sur la miséricorde de la justice royal pour s’en sortir, ce qui est une mauvaise idée, j’en sais quelque chose, je lui réponds donc très sérieusement :

Vous avez tué un noble, c’est la peine capitale qui vous attend, je doute même qu’il y ait un procès.

Les faits sont là, un homme du peuple ne peut pas s’en prendre à un sang bleu, c’est comme cela. Puis il me demande si j’ai une meilleure idée et je commence par me lever, ayant trouvé une porte de sortie, j’indique d’abord à la jeune femme :

On fait comme on a dit, vous allez quitter la ville en conduisant la charrette, un de mes hommes va vous emmener dans le Labret, où vous travaillerez dans une ferme.

Je pense aux trois sœurs vivant dans le village d’Usson et à qui j’ai sauvé la vie. Ce sont elles qui me livrent également cet excellent alcool de cerise, je les ai déjà prévenus via un de mes hommes et je suis sûr qu’elle sera en sécurité là-bas. Mais avant cela, j’ai quelques petites choses à lui faire faire :

Vous allez d’abord vous habiller en prenant un vêtement de paysanne pour passer incognito, ensuite je souhaite que vous me disiez tout ce que le baron a pu vous faire et vous a dit qui pourrait être compromettant.

Je prends un parchemin et une plume dans le magasin et je note avec difficulté, car l’écriture n’est pas mon point fort, les petits secrets du noble, qui s’est quand même bien lâché, aussi bien dans ses gestes que dans ses paroles, avouant sans problème une bonne dizaine de crimes, lors du fameux repos du guerrier.
Une fois, ceci fait, j’indique à la jeune femme de sortir et je me tourne vers l’ingénieur :

Je suppose que j’ai ma part de responsabilité dans ce meurtre, je vous ai indiqué à plusieurs reprises que la vengeance est douce pour celui qui l’obtient et vous avez mis ce conseil en application, d’ailleurs, vous semblez bien plus calme que la première fois où l’on s’est rencontré.

C’est vrai, je ne lui ai même pas proposé de boire dans ma flasque, je le vois juste un peu tendu, presque souriant, alors qu’il risque la mort par décapitation. Je lui expose donc mon plan :

Actuellement, la version des faits qui pourrait être officielle, est qu’une prostituée a tué le baron et s’est enfuit. Tous les indices mènent à ce constat, la dague étant une dague de femme, ils étaient seuls dans la pièce et personne n’a vu d’autres visiteurs à l’intérieur. Il n’y a que les deux gardes pour nous contredire, de plus le fils de Chastain a été averti que nous en allions en prendre à son père.

Je pense avoir fait un bon résumé de la situation, et c’est là que j’indique mon idée :

Nous allons tout simplement aller le voir, juste après nous être changé, en grande pompe, que nous soyons bien identifiés par tout le monde. Je suis sûr qu’il nous recevra et comme vous m’aviez indiqué qu’il appréciait sa sœur, il devrait être d’accord avec notre geste.


C’est une carte à jouer et j’attends de voir la réaction de mon interlocuteur avant de me changer.
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MessageSujet: Re: Un plat qui se mange froid   Un plat qui se mange froid - Page 2 EmptyVen 6 Aoû 2021 - 11:09
L’ingénieur laissa le noble prendre la parole, lui rappeler ce qui l’attendait jusqu’aux directives à l’attention de la prostituée. Il ne serait pas le seul à faire profil bas, décidément. Il recommença à se tenir fermement sur sa canne, au fur et à mesure que l’excitation du meurtre redescendait et que sa guibole ne puisse plus le soutenir sans une douleur prononcée. Il écouta ainsi le noble expliquer son plan, qui paraissait louable, mais auquel Edgar s’enjoignit d’apporter quelques précisions.

« Vous avez raison, messire de Rochemont. Cependant je me permets de préciser que Samuel était davantage attaché à sa mère qu’à Cassandra ; du moins, c’est ce que je pouvais observer. Je pense que s’il considérait au fond sa demi-sœur comme une véritable sœur sympathique, il y a toujours eu un semblant de rivalité entre eux. Aucun des trois rejetons de Jocelyn ne m’a appelé « père », et je n’ai jamais rien forcé en ce sens. Toujours est-il qu’il doit peut-être voir cette crise comme une opportunité… Notre feu baron à deux fils légitimes qui risqueraient peut-être de se disputer quelque héritage ; et le bâtard au milieu qui profiterait peut-être de la situation pour agir à son compte. Je pense que Jocelyn était très riche, sans quoi les prostituées n’auraient jamais accepté de subir de pareils traitements… Et Victoria ne lui aurait jamais témoigné cette confiance à deux reprises… »

Il baissa à nouveau le regard, de nouveau pensif, un brin triste. Il avait certes obtenu vengeance, mais à défaut d’honorer la mémoire de ses femmes, cela ne les ramènerait certainement pas. Il ajouta, les yeux toujours égarés sur le sol de la boutique.

« Je refuse d’admettre que vous soyez responsables de tout cela, messire de Rochemont. J’insiste sur ce point : faisons en sorte que j’honore ma dette, puis livrez-moi aux autorités. Je suis prêt à subir la peine capitale s’il le faut. J’ai fait ce que j’avais à faire. Regardez-moi ! »

Son regard se planta à nouveau dans celui du noble.

« J’ai quarante-cinq printemps. Je n’ai plus la moindre descendance. Je suis un vieux pilier de comptoir croulant qui n’aurait jamais été capable de faire de mal à une mouche sans votre aide. On me trouve une certaine utilité dans les travaux civils mais je suis quelqu’un de remplaçable. Personne ne saura que vous m’avez aidé s’ils savent que je suis l’assassin du baron. Qu’ils aillent tous crever. Ils auront simplement affaire à un vieil infirme qui n’a rien à offrir, rien à perdre, et leur ressentiment sera encore plus long que le mien. Tant pis pour eux ! Ils croyaient rendre la justice ? Leur cœur sera souillé. “Merde, on a juste pendu haut et court un ingénieur fauché…”. Alors je l’attends de pied ferme, moi, leur peine capitale, messire de Rochemont ! Je préfère vivre dans la certitude de mourir que dans l’incertitude d’être condamné pour meurtre, alors, pour la dernière fois : employez-moi, laissez-moi honorer ma dette, et livrez-moi aux autorités ou laissez-moi me dénoncer seul. Vous seriez d’autant plus célèbre pour avoir retrouvé l’assassin du baron Jocelyn de Chastain… Pour le reste… »

Il se redressa et navigua dans l’échoppe, jetant des coups d’œil épars dans la ruelle voisine.

« Si vous estimez qu’il nous faille rendre visite à Samuel, alors soit. Mais il nous reste peu de temps avant le coucher du soleil. Quand cela nous ferait-il partir pour Balazuc, au final ? »
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MessageSujet: Re: Un plat qui se mange froid   Un plat qui se mange froid - Page 2 EmptyVen 6 Aoû 2021 - 12:03
Edgar commence bien sa réponse, en m’indiquant que j’ai raison, ce qui est une bonne chose. Le reste me confirme dans mon idée d’aller voir le reste de la famille à l’Esplanade, si Samuel était vraiment attaché à sa mère, il sera sympathique envers les personnes qui ont vengé sa mort. Mais ce n’est fini, puisqu’il se la joue victime expiatoire, voulant se sacrifier, quitte à être décapité.

Pendant qu’il parle, je me suis changé, prenant des vêtements bien plus conforme à mon rang et j’indique à l’homme qui m’accompagne, d’un ton sans réplique :

Changez-vous et nettoyez-vous.

Son visage est très sale à cause de son camouflage. Pour ne pas perdre de temps, je lui réponds également :

Vous avez raison, ce serait bien plus facile de mourir, plus lâche aussi. Vous me rappelez les gens qui marchent en hiver, et qui tombent sur le bord de la route, car ils ont trop froid, alors qu’un abri est présent à quelques mètres.

Le regardant droit dans les yeux, je lui exprime clairement ma façon de penser :

Vous avez perdu votre femme et votre fille, mais il vous reste encore trois enfants que vous avez élevés et vous avez puni l’assassin, c’est bien plus qu’ont la plupart des gens et je connais des milliers de personnes qui seraient prêtes à échanger leurs vies avec la vôtre, alors ne me parler plus de mourir ou de vous rendre, vous allez me faire le plaisir de vous battre, ou je vous emmène par la peau du cou, jusqu’à la résidence.


Je suis sérieux dans mes propos et je conclus simplement :

Balazuc pourra attendre, on va d’abord régler définitivement cette affaire.

Je n’aime pas laisser les choses en suspens et une fois que l’architecte est plus présentable, je hèle un beau carrosse qui en passant par la porte des Anges, nous dépose devant la résidence de Chastaing, les lieux sont assez calmes, je suppose donc que la mort de Jocelyn est, pour le moment, encore gardé secrète, ce dernier ayant été assassiné dans un bordel, il faut un certain temps de préparation. Je descends pour que tout le monde puisse nous voir et j’indique à voix haute aux gardes de l’entrée :

Desmont de Rochemont et Edgar Duval souhaitent s’entretenir avec Samuel de Chastaing.
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MessageSujet: Re: Un plat qui se mange froid   Un plat qui se mange froid - Page 2 EmptySam 7 Aoû 2021 - 11:04
Il avait écouté le noble la tête haute, sans contester quoi que ce soit qu’il eut dit. Messire de Rochemont avait cet esprit combattif que n’avait jamais habité Edgar. Ce dernier avait l’impression de vivre une descente aux abîmes depuis l’arrivée de la Fange, et il avait effectivement envisagé l’idée de finir en martyr, pendu haut et court pour s’être vengé. Et voilà que l’ogre de Rougelac lui enjoignait de se battre. Quitte à vivre dans l’incertitude de se faire attraper par un milicien… Ou toujours et encore par un Fangeux.

C’était peut-être ça, vivre, après tout.

Ainsi, il acquiesça silencieusement, attrapant des fripes qui semblaient lui avoir été destinées par messire de Rochemont et disparut dans l’arrière salle. On entendit un bruit d’eau, il s’était frotté le visage avec de l’huile de coude, et quelques parties de son corps qui avaient transpiré, après qu’il s’eut dévêtit. L’odeur des vêtements propres dissimulaient l’odeur de la sueur. Il revint, propre sur lui, toujours le menton redressé pour faire montre de prestance et de détermination. Messire de Rochemont eût-il été salvateur, il n’en demeurait pas moins perturbé à l’idée d’être un criminel qui allait faire face au fils de l’homme qu’il avait tué.

« Allons-y, conclut-il d’une voix ferme. »

Après qu’ils arrivèrent à bon port, ils firent fasse à une bâtisse à la façade arrogante, imposante, superbe. L’ingénieur eut presque le souffle coupé. Il se demandait qui et comment avait pu concevoir un monument pareil, lui qui était rompu aux ouvrages du bois, ses mains ne semblaient jamais vraiment avoir caressé le marbre, qui était somme toute un matériau d’un autre monde.

Un majordome se tenait de l’autre côté d’un portail noir, derrière deux gardes. Il entendit la requête de messire de Desmond, dévisageant les deux personnages. Il semblait reconnaître Desmond de Rochemont, à qui il accorda un regard méfiant. Le fait d’ouïr la particule ne faisait que renforcer sa crainte, au contraire, comme s’il semblait bien au fait des jeux de pouvoir qui se tramaient sur l’Esplanade. Puis son regard se posa sur Edgar.

« Edgar Duval ? Celui qui a élevé mon maître ? »

Edgar arqua un sourcil. Lui qui n’avait jamais eu d’accroche véritable avec Samuel, il en tomberait presque des nues.

« Lui-même, de répondre l’ingénieur.
Je m’en vais immédiatement prévenir mon maître.
Le temps nous est compté, cher monsieur. »

Le domestique, qui avait tourné les talons, regarda à nouveau par-dessus son épaule. Il y avait des gardes, et Samuel était en sécurité. Que risquait-il ?

« Bien. Gardes, faites-les entrer et patienter dans le salon. Je m’en vais chercher messire de Chastain de ce pas. »

L’ogre et le boiteux furent donc amenés à un salon richement décoré. Il avait loisir à pénétrer dans de pareilles bâtisses lorsqu’il officiait en tant que précepteur, ainsi la prestance des décors ne le surprenait guère, si ce n’est quelques détails architecturaux qu’il dévorait d’un œil curieux, avide. Il avait prit place, aux côtés de messire de Rochemont, rasséréné, sa canne entre ses deux mains. L’atmosphère était calme, et il était impossible ne ne pas s’y détendre un peu.

Le maître de maison ne tarda pas à honorer les visiteurs de sa présence. Un jeune homme d’apparence soignée, dont le regard était habité de la même tristesse que celui d’Edgar. Il ne se laissa point décontenancé cependant ; il était bâtard certes, mais il portait le nom d’un baron et possédait la particule.

« Si j’avais su plus tôt que messire de Rochemont m’honorerait de sa présence en ce jour même, je dois dire que j’aurais joui d’un sentiment de gaieté prolongé. Quelle excellente surprise ! »

Il détailla ensuite l’ingénieur du regard. Sa mine changea du tout au tout.

« … Edgar. Je suppose que vous êtes là car vous avez besoin d’argent ? »

Le vieil homme échangea un instant un regard avec messire de Rochemont avant de reporter son attention sur Samuel.

« Penses-tu que je suis tombé aussi bas, Samuel ? C’est toi qui as toujours eu de l’argent à me prendre, et non l’inverse. Enfin. Nous sommes là pour t’annoncer que j’ai tué ton père aujourd’hui. »

Il avait parlé sans ambages. La mine de Samuel se figea. Il porta une main à sa bouche, comme horrifié. Puis, après qu’il comprit réellement ce qu’il s’était passé, il reprit la parole, les yeux comme éclairés.

« Il a eu ce qu’il méritait ! Cette enflure a tué ma mère et a vendu Cassandra à une maison de passe avant qu’elle finisse assassinée…
… Par un de ses hommes, coupa Edgar. Je sais tout. Son cas est également traité. Si tu estimes avoir une dette envers qui que ce soit pour ce service, c’est à messire de Rochemont ici présent que tu l’honoreras. Pour ma part, je n’ai rien de plus à te dire, je t’ai élevé comme mon fils, je suis content de te savoir bien portant, mais tu n’es plus sous ma juridiction désormais. »

Le vieil homme avait comme jeté un froid. Son regard, imperméable, s’était posé dans celui de Samuel, qui restait interdit. Comme s’il s’était étonné que l’homme qu’il n’avait presque jamais respecté puisse être aussi dur.

« C’est un service que je te rends. L’on m’a pris tout ce que j’aimais. Si tu te tiens loin de moi, tu survivras. Nous avions un intérêt commun à ce que ton géniteur tombe. Je viens te l’annoncer ici, face à face, par acquit de conscience. Pour le reste, dors sur tes deux oreilles. J’ai une profession passionnante, un endroit où dormir, des activités qui me stimulent intellectuellement et, les dieux m’en gardent, encore une jambe valide. Tu pourras décider de me dénoncer comme de garder le silence sur ce qu’il s’est passé. Si cela a causé des remous au sein de la noblesse et que tu t’en trouvasses mêlé, j’ai envie de te dire : c’est ton problème… Ou ton opportunité de grandir. »

Il se tut, laissant un silence de plomb régner dans le salon, devant la mine interdite de Samuel dont les sentiments vacillaient entre la reconnaissance et la frustration, comme s’il connaissait à son tour l’abandon. Edgar tourna à nouveau le regard vers messire de Rochemont.

« Avez-vous quelque chose à ajouter à tout cela, ou nous pouvons prendre congés ? »
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Desmond de Rochemont
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MessageSujet: Re: Un plat qui se mange froid   Un plat qui se mange froid - Page 2 EmptySam 7 Aoû 2021 - 18:53
Un majordome nous fait entrer dans la grande bâtisse et nous nous retrouvons ainsi à attendre le maître des lieux, bien installé. Il arrive et ne nous propose même pas à boire, alors que j’aurais tué mon prochain pour un verre d’absinthe ! À la place, il dit une phrase que je ne comprends pas, comme quoi je rends les gens heureux ou un truc du genre, ce qui n’est pas exactement vrai, d’habitude, les gens chez qui je débarque ont un peu peur.

J’ai droit à une petite passe d’armes entre l’architecte et l’enfant qu’il a élevé, avant que le premier n’annonce tout de go qu’il a tué son père ! Je me considère comme une personne qui annonce frontalement les choses, mais Edgar me bat de plus de cent coudées ! Samuel est bien sûr surpris par cette révélation et alors que je m’apprêtais à batailler pour sortir ici vivant, le jeune homme nous dit soulagé et qu’il connaissait déjà toute l’histoire !

J’ai droit à un monologue de la part de mon acolyte, puis il me demande si j’ai quelque chose à ajouter et je souris à mes deux interlocuteurs, avant de prendre la parole :

Messire de Chastain, Edgar est devenu une personne alcoolique, dépressive, handicapée et je lui donne environ un mois à vivre avant de le retrouver pendu.


Je laisse passer quelques secondes avant de continuer :

Honnêtement, le but de l’opération n’était pas de tuer votre père et je suis sûr qu’Edgar voulais commettre une sorte de suicide assisté en le faisant. En parlant de cela, tout a été mis en œuvre pour que ce soit une prostituée qui porte le chapeau. Celle-ci a quitté la capitale et est en sécurité maintenant, les seuls témoins sont les deux gardes de votre père, que je vous conseil de faire taire, d’une manière ou d’une autre.


Je sors ensuite le parchemin où j’ai noté les histoires entendues par la jeune femme et je le mets sur la table, indiquant simplement :

Voilà toutes les histoires entendues par la jeune femme, certains parlent de meurtre, d’autres de chantage, cela devrait vous aider à assoir votre pouvoir.

Je me lève comme pour partir et je conclus simplement :

Edgar a besoin d’aide, il ne va clairement pas bien, nous quittons Marbrume quelques temps, pour qu’il puisse voir autre chose et se changer les idées, mais à notre retour, il aura besoin de parler des deux personnes qui ont aujourd’hui disparus, et vous les aimiez tous les deux.


Voilà, je pense avoir terminé, si Edgar veut partir maintenant, je le suivrais, s’il reste, j’espère que nous pourrons boire un verre, j’ai la gorge sèche !
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MessageSujet: Re: Un plat qui se mange froid   Un plat qui se mange froid - Page 2 EmptySam 7 Aoû 2021 - 20:51
Edgar demeurait interdit, le regard éhonté, presque colérique, à l’idée que Desmond mette le doigt entre l’écorce et l’arbre, à balancer les travers du boiteux quant à l’alcool et à ses humeurs. Il ne pouvait de toute façon rien faire. Protester et le frapper de sa canne ? Ça serait peu urbain ; il finirait cassé en deux de toute manière. Il garda contenance, il n’avait somme toute pas d’autre chose à faire. Il se tut donc, laissant le noble résumer la situation. Il finit par déposer le document qu’il avait griffonné avec difficulté. Samuel le lut, le visage défiguré, comme s’il n’y comprenait pas grand-chose.

« Faites-moi penser de vous enseigner la calligraphie, dit-il sèchement à Desmond, faussement contrarié par ses paroles à son sujet. »

Samuel replia le parchemin avec un sourire en coin et reprit son sérieux à la vue de la mine sévère de messire de Rochemont. Il parut autant surpris qu’Edgar que l’ogre de Rougelac fasse preuve d’un semblant de sollicitude. L’ingénieur, quant à lui, s’il pouvait se douter que messire de Rochemont fût investi d’arrières pensées, demeurait coi et grave ; les paroles étaient solennelles, empreintes de vérité. Samuel aussi demeurait pensif. Il finit ensuite par briser le silence, d’une voix portante.

« Marcel ! Tu peux nous rapporter trois bourbons ? »

Puis, après un ou deux bémols :

« La mort d’un tyran, ça se fête. Et je propose que nous buvions à la mémoire de Victoria et Cassandra aussi. Nous referons la chose lorsque vous serez revenus à Marbrume, festoyant en compagnie d’Agenon et de Jade cette fois.
Que deviennent-elles ? questionna Edgar.
Agenon a épousé un marchand de sel. Jade va devenir vieille fille je pense. Elle dit avoir des amants par ci par là, elle vit sur la rente officieuse du paternel. Enfin, avec ce que vous avez fait, ça va changer la donne. Elle va sans doute frapper à ma porte dans les jours qui suivent… »

Le maître de maison demeurait pensif. En attendant, Marcel déposait les breuvages. Edgar prit le sien et le tendit devant lui, regardant tantôt son beau fils, tantôt son acolyte.

« À Cassandra et Victoria. »

Il porta le breuvage à ses lèvres, secondé de ses hôtes. La sensation était agréable ; un frisson lui parcourut le corps.

« J’ai géré une partie des affaires officielles de mon père. Il a un fils légitime, Ambroise de Chastain, mais de vous à moi, je le dis objectivement, c’est un fanfaron, un toupet qui ne comprend rien aux affaires. Il a mieux fait de se tenir à mon écart et il sait qu’il héritera de la fortune familiale. Si je vous dis ça, c’est que je risque d’avoir des ennuis avec lui. J’ai le sens des affaires, il ne l’a pas. Il porte la légitimité des De Chastain, je ne la porte pas. Cela l’ennuie au plus haut point que j’ai de l’argent parce que je suis utile. Il va vouloir devenir baron et le deviendra, c’est certain. Tout ça pour vous dire qu’un problème en cache toujours un autre.
Cela devait survenir tôt ou tard.
Certes… Ça me fait mal de vous le dire, mais je pense qu’il serait dans notre intérêt à tous que je devienne baron à sa place. S’il hérite de la fortune familiale et du titre, mon petit doigt me dit qu’il suivra les traces du paternel pour ce qui est des perversions, en plus de dilapider tout ce qu’il possède. Comme il sait que j’administre une partie de ses actifs, il s’en prendra à ma vie, j’en suis sûr. Le mieux est que nous le fassions disparaître, j’en ai peur. »

À nouveau un silence pesant envahit l’atmosphère.

« Vous n’êtes jamais fatigué de tous ces jeux de pouvoirs ? demanda Edgar à Samuel et, dans une moindre mesure, à Desmond.
Oh si, bien sûr. Mais en tant que bâtard j’ai ma fierté, et ça je la dois très certainement à toi, Edgar. C’est pourquoi je refuse de me faire marcher sur les pieds par un sous-fifre sous prétexte que son sang est pur ; et ce sans offense, messire de Rochemont. Mon beau père est certes devenu un ivrogne dépressif et handicapé, mais c’est quelqu’un qui a nourri cinq bouches avec une solde d’architecte alors que d’autres perçoivent des revenus de la rente. J’apprécie la compassion que vous avez pour lui, mais j’aimerais que vous compreniez qu’il a tout fait pour sauver les meubles avec la Fange, et que son état aujourd’hui n’est pas anodin.
Eh, merdeux, j’ai pas besoin d’ta pitié. J’ai jamais fait ça pour les beaux yeux de qui que ce soit, je l’ai fait parce que je vous aimais tous les cinq sans condition. Et si aujourd’hui je marche de traviole, c’est mon problème, ni le tien, ni celui de messire de Rochemont. Alors soit vous arrêtez de me prendre en pitié, soit vous allez vous faire voir ! Tous les deux ! »

Il serra sa canne et termina son bourbon cul sec.

« Pour ton histoire avec le gamin du baron, démerde-toi aussi. Comme toi, il a pas choisi de sortir de ses robignoles. Et si tu veux t’en débarrasser salement, vois avec messire de Rochemont, moi j’ai fait ce que j’avais à faire. Et laissez-moi noyer mon chagrin dans l’alcool si j’en ai envie ! Ça m’empêche pas de bosser avec l’efficacité qu’on me connait et de gagner ma croûte, et puis rien ne ramènera les morts à la vie. Rien ! »

Son regard jonglait tour à tour entre l’ogre de Rougelac et le bâtard.

« Donc soit vous réglez cette question maintenant pendant qu’on y est, soit on s’en va. Tout ça ne me concerne plus jusqu’à mon retour et mes retrouvailles avec tous les trois pour ce qui nous liait à Victoria et Cassandra. Me suis-je bien fait comprendre ?! »


Dernière édition par Edgar Duval le Dim 8 Aoû 2021 - 19:36, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Un plat qui se mange froid   Un plat qui se mange froid - Page 2 EmptyDim 8 Aoû 2021 - 12:27
Ce petit con sourit à la blague d'Edgar sur mon écriture, alors que je lui donne ces renseignements sans aucune contrepartie, certains sangs bleus manquent vraiment de reconnaissance, c’est dingue ! Puis je me rends compte qu’il n’est qu’à moitié noble et c’est ce qui explique son comportement, heureusement, il se rachète rapidement en nous servant, enfin, de l’alcool !

Juste après ils commencent à parler des membres survivants de leur famille et je dois encore attendre, mais finalement le maitre des lieux porte un toast et je peux enfin boire, reconnaissant un excellent bourbon. Jocelyn était peut-être un mari violent et un beau-père indigne, mais il savait choisir ce qu’il y a de mieux et cela rachète en partie ses fautes.

Samuel continu à s’étendre, apparemment complètement en confiance avec nous, allant même jusqu'à critiquer son ainé, comme quoi il serait un imbécile puis nous indique qu’il faut le supprimer ! Voilà des paroles lourdes de sens et je m’assure qu’aucun serviteur ne soit à portée d’oreilles, ce qui est heureusement le cas.

L’architecte refuse de s’en mêler, ce qui ne m’étonne guère, choisir entre les enfants qu’il a élevé est un choix difficile à faire. Quand il se lève, je me dépêche de finir mon verre pour ne pas gâcher cette excellente boisson et je me lève à mon tour, indiquant simplement à notre hôte :

Votre beau-père m’a indiqué qu’ils ne voulaient à aucun moment que vous ne soyez blessé et j’ai accédé à son souhait. Respectueux de ma parole, je ne peux donc pas me mêler de vos histoires de famille, mais j’ai quand même un conseil, votre sang ne vous permettra jamais d’être accepté parmi les nobles de l’Esplanade, alors essayez de vous entendre avec votre beau-frère, quitte à lui fournir un revenu régulier, les choses seront ainsi bien plus simples.

Voilà, je pense avoir tout dit et j’indique au boiteux :

Maintenant, nous sommes prêts à partir, je vais vous raccompagner chez vous, pour que vous puissiez vous préparez.

Il n’y a aucune raison de différer la chose, un départ, demain ou après-demain, sera parfais. Je pense déjà à la tête des ouvriers sur place quand ils me verront arriver avec le célèbre architecte Edgar Duval ! Mon prestige ne pourra qu’augmenter.
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MessageSujet: Re: Un plat qui se mange froid   Un plat qui se mange froid - Page 2 EmptyDim 8 Aoû 2021 - 19:48
À nouveau un conseil avisé de Desmond, qui sembla caresser la raison de Samuel, qui restait silencieux tant il était sensible aux sermonts d’Edgar, qui l’avait élevé une partie de sa vie sans faire cas de quoi que ce soit. Il se contenta de hocher la tête. Edgar, quant à lui, était redescendu aussi vite qu’il était sorti de ses gonds. Les hommes échangèrent quelques regards en silence. À nouveau le sang bleu prit la parole, proposant de raccompagner Edgar chez lui.

« J’ai une dette envers messire de Rochemont, dit Edgar à Samuel. Je serai hors des murs de Marbrume un certain temps. Voir du pays me permettra sans doute d’avoir les idées claires et de me mettre au vert, surtout après ce qu’il s’est passé. De toi à moi, j’aime autant te dire que tu ne nous as jamais vus ici, ni moi, ni messire de Rochemont. Tu as peut-être une carte à jouer entre le fils légitime et les miliciens félons… Lombeth et Lucifer je crois. »

Samuel s’empressa de prendre note des deux noms, griffonant quelque part sur le document qu’il avait reçu des mains de Desmond.

« Que les Trois te gardent, Samuel. »

Il adressa un dernier regard, profond, à son beau fils. Ni triste, ni joyeux, ni émouvant. Le vieil homme se sentait, pour la première fois depuis longtemps, maître de lui-même. L’excitation du meurtre était redescendue. Il risquait certes de souffrir l’incertitude d’être ligoté pour être pendu haut et court, mais quelque chose en lui s’était rabiboché. Il sortit en compagnie de messire de Rochemont, retournant dans le carosse qui avait attendu jusque là. Il s’installa en face de lui avant que la diligence ne rebrousse chemin.

« Je n’apprécie pas votre manière de m’insulter d’alcoolique sur le fil du rasoir. L’alcool est une commodité et jamais je n’ai bâclé quelque travail que ce soit à cause de ça. Vos conseils vis-à-vis des possibles ingérances de Samuel était bienvenus, mais je vous saurais gré de ne pas me couvrir de ridicule devant qui que ce soit à l’avenir. Pour le reste, j’apprécie évidemment votre aide et je m’acquitterai noblement de ma dette en bon sujet, messire de Rochemont. »

Leur voiture s’arrêta devant l’atelier d’Edgar. Ce dernier regarda un instant par la fenêtre, ouvrit la porte et, avant de quitter le transport, adressa un dernier regard à Desmond de Rochemont.

« J’ai des projets plus ambitieux que de bâtir monuments et défenses à travers le duché de Morguestang. La mort de mon ennemi juré est derrière moi et il est temps que j’aille de l’avant, en votre compagnie pour l’instant. Mais si tant est que vous cherchiez argent, pouvoir et prestige, j’ai l’intime conviction que notre collaboration saura aboutir à des résultats plus que satisfaisants si vous continuez à me témoigner votre confiance, chevalier. J’attends vos instructions pour nous rendre à Balazuc ; puisse mai nous être profitable et puissent les Trois veiller sur nous. »
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