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 Et l'hiver sera rude...

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Vladémir de la SayettePurgateur de Rikni
Vladémir de la Sayette



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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 2 EmptyLun 18 Juil 2022 - 13:29
Il te fallut un instant avant de reconnaître les figures profondément sales et malhonnêtes du gros tas que vous aviez abandonné comme un renard fauché par une roue sur le bas-côté de la route. Ton sourire s’était crispé en grimace agacée, tes doigts agités tapotant le bois sur lequel tu reposais sans parvenir à calmer toute ta frustration. Volène était à toi ; Rikni aurait du le laisser en vie plutôt que de vous faire subir un tel empressement. Vu sa taille, il t’était désormais impossible d’assouvir ta soif de vengeance et d’autorité ; peut-être s’en sortait-il bien, quelque part.

« Il aurait tout de même pu faire un effort et attendre notre retour, » lâchas-tu dans un flegme aberrant au vu de la situation dans laquelle vous étiez.

20px Mais cela faisait partie des choses qui te passaient parfois au-dessus de la tête. Tu vis une goutte de sang provenant de la hache de la rouquine s’éclater contre le front boursoufflé de feu Volène ; tu manquas d’éclater de rire en le voyant agiter ses gros bras comme une tortue retournée avant de se redresser. Il grognait, claquait des dents, peut-être encore suffisamment malin pour chercher un moyen de vous atteindre ; heureusement pour vous, plus rien ne restait de l’échelle que des morceaux de bois éparpillés, pourris et démembrés à même le sol. Tu te redressas sous le rire éminemment nerveux de ta compagne de fortune, guettant tout de même son geste quand elle rangea son arme sanguinolente ; si elle voulait te tuer, elle l’aurait déjà fait, mais mieux valait être un peu trop paranoïaque que pas assez soucieux de son environnement. Tu te rassemblas non loin d’elle, les jambes grandement étendues sur la surface de ce plafond miraculeux qui vous séparait des presque jappements d’outre tombes. L’odeur était inconvenante, suffisamment pour que tu ne pinces ton visage à plusieurs reprises, peu convaincu sur la possibilité de t’y habituer.

« Je ne suis dehors que depuis quelques jours, j’admets avoir été chanceux, jusque-là. Je les entendus, entraperçus, mais jamais aucun ne m’avait couru après. »

Rieur, l’homme usa de quelques forces pour lever son bras comme pour trinquer une bière.
« Ca vaudrait presque le coup de fêter ça… mais je ne vois que de la paille, de la pourriture et des rats crevés ici, donc ça pourra attendre. »

Une main passa dans ta chevelure faussement lignée puisque toute aussi crasseuse de celle de n’importe qui dans ces marécages ; tu transpirais à grosses gouttes, ne gardant pour noblesse qu’un visage presque contenu, mais tout de même suffisamment expressif pour laisser libre court à une quelconque analyse comportementale ; pour peu que l’on veuille s’y intéresser.

« Toi par contre, t’as largement l’air d’y avoir été confrontée plusieurs fois. Chance ou malchance ? » demandas-tu en levant un sourcil curieux.





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Janke “Jan” LaDoloyreÉgorgeur
Janke “Jan” LaDoloyre



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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 2 EmptyLun 18 Juil 2022 - 22:23



J’prêtais pas attention à c’qu’il y avait en bas. L’échelle avait semé ses barreaux un peu partout et les efforts d’Volène étaient pas très concluants. J’le voyais grimper sur une botte d’foin enfoncée, une auge où deux rats morts s’décomposaient en des nuées d’vers et d’mouches, même sauter pour essayer d’choper les premières planches d’l’étage où on s’était réfugiés à défaut d’avoir pu aller plus loin. Hache en main, j’me tenais prête à lui sectionner une patte s’il arrivait à s’accrocher là-haut, peu importe ce qu’on a vécu ces quatre derniers mois, il était passé à l’ennemi comme un gros con, et n’pouvait s’en prendre qu’à lui. Même si finalement, c’pas dans cet état qu’il aurait eu conscience d’sa bourde. Un sacrifice nécessaire, comme on dit dans l’jargon. J’passais une manche sur ma trogne pour absorber la sueur qui m’trempait d’la tête aux pieds, c’qui était pas plus mal pour l’instant compte tenu que s’retrouver ici en hiver, c’était pas l’assurance d’finir au chaud les doigts d’pieds en éventail devant l’âtre.

JANPour sûr, l’aurait pu attendre c’t’enfoiré. Ç’nous fait quat’ bras d’moins pour l’prochain coup.


Ma compassion s’arrêtait bien là. Ces cinq gars étaient là pour s’assurer qu’je survive, ni plus ni moins. Pas d’pitié pour les abrutis ou les impatients, encore moins pour les opportunistes qu’savaient pas choisir leur moment. J’fermais l’œil un moment, l’autre que j’sentais plus depuis des années était tellement sec qu’y passer une paupière valait bien d’la fermer sur un bout d’verre. L’Vlad était à ma gauche, à portée d’vue, et j’voyais bien que l’odeur d’la putréfaction, du bétail et d’la pestilence l’dérangeait particulièrement. D’temps en temps, il portait une main à son nez comme pour rester en apnée quelques secondes et s’purifier. Quelle lopette. On voyait à son allure trop propre qu’le type avait été bourgeois ou pire, gentilhomme. D’la trempe d’ces lâches qu’emploient l’gens comme moi pour faire leurs sales besognes et faire disparaître un concurrent avec une trop grande gueule. En l’état, l’rôles s’inversaient et y avait un goût d’satisfaction au fond d’ma gorge qui f’sait passer l’puanteur ambiante.

C’est qu’il était relativement bavard, l’blond. I’ tchatchait sans grand mal malgré l’évidente différence d’statut, c’qui me rendait méfiante mais aussi relachaît un peu la tension accumulée par l’trajet aller. Alors quand il m’répondait, j’opinais pour lui faire comprendre qu’j’avais bien entendu c’qu’il me disait. En effet, ça faisait pas bien longtemps que j’le voyais rôder dans l’village des marais, mais pour quelques jours à peine et d’la soie autour du fion toute sa vie, sa condition physique était particulièrement bonne. Et c’était une information importante à garder dans un coin d’la tête, parce que les rares bonnes gens qu’ont daigné passer chez nous ont pas fait long feu, et lui, j’sentais qu’j’allais me l’coltiner un bon moment…

JANChaque fois qu’on sort d’not’ planque, y a un risque qu’ça capote. Là, on s’en tire pas mal. On fêt’ra ça ‘vec une auge d’blé chaud si on a ‘core b’soin d’manger en rentrant.


L’Volène allait et v’nait, grognait, avait comme l’air d’pester. C’tait pas l’premier qu’se faisait avoir mais à chaque fois ça m’foutait les glandes. Pas une question d’amitié, ici y avait qu’des alliés d’fortune, mais plus on perdait des gars pour nos missions, plus ça devenait compliqué d’rapporter assez d’bouffe pour tout l’monde. Et la situation au village dépendait d’ça avec l’hiver qu’était déjà assez installé pour faire trembler ceux qu’dépendent d’nos ravitaillements. L’premier hiver déjà. Et certainement pas l’dernier. L’chefs allaient râler, Griff’ aussi, mais il savait c’que ça coûtait d’s’aventurer dehors quand rentrer entier était pratiquement un miracle des Trois. Et ceux-là, bien au chaud dans leurs temples et palais divins, ils pouvaient bien aller s’faire foutre. J’regardais l’plafond un moment, qui n’était pas suffisamment haut pour m’laisser la place d’me redresser debout.

JANAye, j’m’en su’ coltiné que’ques-uns d’puis. Pas d’morsures pour l’moment mais j’conseille pas l’griffes non p’us. Dis voir. Si j’dégomme une planche ou deux d’là-haut, ou qu’tu passes par l’lucarne là et qu’tu grimpes su’l’toit… T’as moyen d’voir s’y a un silo à grain et surtout, si on peut passer par-d’ssus les baraques ?


J’lui montrais l’plafond en question, ou la lucarne en bout d’pass’relle où un corps plus fin qu’le mien pourrait passer, au risque d’se casser la gueule en grimpant. Ma hache en main droite, s’il fallait que j’démonte l’étable pour avancer plutôt que d’faire du sur-place, j’étais partante.

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Vladémir de la SayettePurgateur de Rikni
Vladémir de la Sayette



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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 2 EmptyMar 26 Juil 2022 - 12:51
Ton calme revenait progressivement à mesure que les échappées lyriques de ta chère Rikni te soufflaient que tu étais en sécurité passagère. Jan n’avait plus vraiment de raison de te jeter par-dessus bord puisque le danger, même pour elle, s’était écarté ou du moins écrasé contre le sol à de multiples reprises. Sans être tranquille, tu gardais les yeux ouverts tout en basculant la tête contre le bois pourris par le temps dans ton dos. Un sourire barra ton visage, crispé, agacé, mais tout de même rassuré de ne pas t’être toi-même fais bouffer la gorge. Tu prendrais le temps de taper sur quelque chose pour te faire passer la pelote de nerfs à ta poitrine, mais plus tard ; vous étiez nimbés dans une discussion au moins autant que l’odeur terrible te bloquer les narines.


« Pénible, tout de même. Enfin, j’ai quand même cru comprendre que les fangeux ne se déplaçaient qu’en groupe. Peut-être a-t-on la chance de passer après un premier groupe de personnes qui les auraient attirés ailleurs. »

Tu haussas les épaules ; clairement désintéressé par cette probabilité. Tu étais curieux, mais pas au point de vouloir autre chose que ta santé et ta survie. Sans le savoir, ou en tout cas au travers de la simple devinette, Jan et toi partagiez quelques rapprochements moraux qui pouvaient promettre tout le meilleur comme le pire de vos existences respectives.


« Je ne compte pas périr de sitôt, alors va pour correctement nous récompenser quand il en sera temps. »

Tu ne t’intéressais plus aux allers retours du gros Volène, presque disparus comme une ombre dans la nuit alors que tu l’entendais s’échiner à vous rejoindre. Même mort, cet imbécile se noyait dans une incapacité crasse qui manqua de te faire rire ; mais tes zygomatiques étaient bloqués par la fatigue.


« Ni morsure ni griffure… c’est soigneusement noté. »

Tu levais la tête à sa mention de dégommer des planches ; l’idée était bonne, mais tu étudias calmement le bois au-dessus de vos têtes pour ne pas répondre inutilement vite. Tu pris soin de palper tes muscles des jambes, vérifiant non seulement que tu n’étais pas blessé, mais aussi que la crispation te permettrait tout de même de te déplacer dans les hauteurs.


« Par les Trois, moi qui pensais qu’on aurait l’occasion de jouer aux cartes avant de se déplacer… »

Tu plias puis déplias ta jambe droite, puis la gauche, avant de hocher la tête.


« Je préfère les osselets. Oh, quoique, les cartes c’est bien aussi… mais oui, ça devrait le faire. Je ne vais certainement pas pouvoir courir à nouveau pour fuir un de ces oubliés des Trois, mais pour de la grimpette, ça sera sans problème. »




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Janke “Jan” LaDoloyreÉgorgeur
Janke “Jan” LaDoloyre



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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 2 EmptyMar 26 Juil 2022 - 20:24



À force d’tchatcher, l’agacement du Volène en d’ssous n’faisait qu’grandir. Et plus il était gavé, plus il s’fatiguait à essayer d’nous atteindre. L’problème des Fangeux, c’est leur obstination. D’jà que d’son vivant, c’était pas l’type l’moins borné d’la bande avec ses idées à la con dont il fallait l’dissuader pendant des heures, dans sa première mort, ça s’traduisait par l’fait d’essayer d’grimper aux murs en espérant peut-être attraper un r’coin d’planche ou un crochet qu’aurait supporté son sale poids, d’sauter à notre hauteur, pas encore assez futé pour empiler tout un tas d’piles d’foin décomposé pour nous atteindre. Mais j’prévoyais pas non plus d’atteindre qu’il en soit capable et d’me faire avoir comme un bleu. Plus vite on bougeait, plus vite on mettait l’main sur l’grain qu’on v’nait chercher, plus vite on pourrait penser à comment s’barrer d’ici sans s’faire bouffer jusqu’au dernier. Alors j’me relevai et optai pour la solution la plus pratique pour moi et ma carrure d’débardeur de quai : amocher l’toit de l’étable pour pouvoir y grimper en m’servant des caisses au bout d’notre estrade. J’touchais facilement les planches pour déterminer où j’allais frapper sans faire s’effondrer l’restant d’notre plafond qu’avait déjà pas bonne gueule, et insérais l’tranchant d’ma hache entre deux lattes pour m’assurer qu’elle passe entre deux.

JANJ’te conseille d’fermer les yeux.


Non pas qu’mon intervention allait être d’une violence qu’allait l’faire s’pisser dessus, mais la poussière et les échardes qu’ça allait engendrer allaient pas lui plaire. Pas plus qu’à moi d’ailleurs. J’remontais directement l’espèce d’châle en toile déchirée qui m’servait d’cache-col sur le nez, et en ajustant l’tir, donnais un grand coup d’tranchant dans l’planche qui supportait l’poids des autres. En l’état, ça m’donnait rien, et fallait qu’j’ouvre une entaille dans l’autre sens pour créer une trappe sans trop d’dégâts. Sur l’toit, la neige s’était pas encore trop accumulée, mais l’sciure m’faisait déjà tousser, en plus d’l’odeur d’putréfaction qui stagnait là-haut, coincée par l’humidité. Alors j’me lâchais d’un autre coup qu’allait écorcher les nœuds du bois, avant d’me servir d’la hampe pour faire office d’levier. D’quoi arracher un morceau d’toit, le jeter en contrebas et agrandir l’crevasse qu’allait nous permettre d’sortir d’ici et d’respirer l’air frais. Un peu.

JANViens là, j’te fais la courte’.


Hache retournée au ceinturon, j’me penchais légèrement en nouant mes doigts pour fabriquer un marchepied d’fortune. Pas plus d’temps à perdre. C’était l’hiver, et si on s’refroidissait, ça allait pas nous mener loin avec le petit repas qu’on avait fait l’matin même – à peine trois grains d’riz pour ma taille, peut-être de quoi nourrir l’minot avec moi. On avait pour l’moment l’avantage d’avoir qu’un seul Fangeux aux trousses, et c’était une aubaine. Parce que comme il l’disait, ces saloperies-là ont pas tendance à faire cavalier seul.

JANEt aye, comme t’dis, l’Fangeux sont rar’ment en solitaire. ‘s aiment chasser en meute, et s’appellent l’s uns l’s aut’. Volène vient à peine d’se transformer, ‘l’a pas encore trouvé sa p’tite famille dégénérée, mais ça tard’ra pas. Alors on avance c’qu’on peut.


J’le laissais prendre appui sur moi pour monter à l’étage tout juste créé, l’effort était pas intense, d’ma hauteur, j’passais déjà pratiquement l’tête entière par l’trou béant du toit. Restait qu’à déterminer l’chemin à prendre, si c’était faisable. Un toit assez proche, un saut maîtrisé, peut-être une planche ou deux pour jouer l’funambules, être banni réclamait sa dose d’ingéniosité et d’risque à prendre. L’habitude d’évoluer dans les airs me venait d’là, avant ça, on pouvait difficilement faire plus terre-à-terre. J’préférais les souterrains aux arbres, l’caves aux combles, et depuis quatre mois, regardez-moi ça. Une femme renouvelée.

JANAlors, y a moyen d’rejoindre l’centre d’Monpazier par là-haut ?!


Parce que mine de rien, mine de crayon, l’Volène avait les moyens, maintenant, d’nous avoir à l’usure… Il fait bon vivre d’être mort, j’te l’dis.
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Vladémir de la SayettePurgateur de Rikni
Vladémir de la Sayette



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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 2 EmptyJeu 28 Juil 2022 - 11:07
Si tu ne fermas pas les yeux comme ta camarde du jour le consignait, tu lui tournas tout de même le dos le temps de son opération. Tu en profitas pour masser les muscles endoloris de tes jambes, cherchant les nœuds inconnus que tu pourrais démêler par quelques pressions. Tu sentis à l’ombre de ton cou se mêler transpiration et petits éclats de bois, te poussant à passer une main contre ta nuque pour chasser les sensations les plus désagréables. Un nouvel éclat de voix et tu te retournais, accroupis, heureusement moins grand que Jan mais toutefois relativement gêné par la bassesse du plafond qui ne te permettrait pas de te redresser complètement. Un reniflement, et tu observais l’ouverture sur une fraîcheur relative, comme si la neige immaculée ne pourrait plus jamais te faire oublier l’odeur de la pourriture d’ici bas. Un doux rappel à l’ordre qu’au moins, vous aviez encore un nez pour sentir et pour être gênés.

« OK. Je suis un peu plus lourd que j’en ai l’air. »

Moins une mise en garde qu’une formule explicative ; c’était une remarque que l’on t’avait déjà faite et, surtout, tu savais que tu te donnais un air parfois plus jeune et plus menu en partie à cause du noir qui t’habillait la plupart du temps. Tu ne doutas pas de la force de Jan, mais presque par une politesse décharnée de toute substance, tu frottas ta botte mouillée de bouillasse contre le bois du sol avant de t’appuyer contre ses mains ; en t’allongeant dans les hauteurs pour passer la tête au travers de la fissure, tu te tractas à l’aide de tes bras jusqu’à finir à genoux sur le toit, fragilisé mais encore suffisamment épais pour te permettre de te tenir dessus.

« Voyons voir… bonne nouvelle, » soufflas-tu en penchant la tête vers Jan, « Je ne vois pas de nouveaux fangeux. »

Tu étudias les alentours avec un œil fatigué mais toujours alerte ; après avoir confirmé qu’il n’y avait pas de nouvelles créatures, tu t’avanças un peu plus sur le toit qui grinçait sous ton poids. Le gros de Monpazier se tenait juste en face de toi, dans un regroupement de maisons de bois et de pierres, la plupart dans un état qui n’avait pas encore été mis au périple du temps. L’accès n’y était pas le plus aisé, sauf peut-être pour quelqu’un comme toi ; habitué à la grimpette à des endroits qui n’étaient pas fais pour, tu étais certain de pouvoir sauter d’un toit à un autre, pour peu que ces derniers soient aussi solides que tu l’espérais. Tu doutais un peu plus de la souplesse et de l’agilité de Jan, mais certainement pas de sa volonté de survivre ; il y avait tout une série de toits qui s’ouvraient devant vous, mais seul le premier était tout de même à un peu plus de deux mètres.

« Jan ? Tu n’aurais pas quelque chose pour nous aider à traverser, autour de toi ? Ou alors, on tente tous les deux un saut de deux mètres pour atteindre le toit le plus proche. Je devine une grosse bâtisse à quelques maisons de là, certainement là où ils mettaient les récoltes. On peut rester dans les hauteurs, normalement, mais je devine une ou deux zones où on risque quand même de passer au travers des tuiles. »

Quand tu te rappelas que vous n’étiez pas supposés être que deux, un murmure te fit tourner la tête vers la direction par laquelle vous étiez arrivé. Bardeaux gisait sur un lopin de terre, mais il ne s’était pas relevé ; mort ? Toujours en vie ?

« On aura peut-être un deuxième fangeux sur les bras si Bardeaux vient à mourir, » notifias-tu, « mais je saurais pas te dire son état de là où je suis, il est juste dans sa marre de sang. »



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Janke “Jan” LaDoloyre



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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 2 EmptyJeu 28 Juil 2022 - 22:49

Mine de rien, il m’faisait marrer avec ses mimiques d’princesse, l’minot aux boucles d’or. J’me moquais un peu d’lui, faut l’avouer, parce que c’était pas vraiment l’genre d’endroit pour jouer les pucelles, mais franchement, c’était presque attendrissant. Il pèse plus lourd qu’il en a l’air, qu’il m’dit ? Vas-y mon grand, essaie d’me faire sourciller. J’le voyais essuyer sa botte comme si j’allais m’soucier de c’qui allait m’atterrir dans l’creux des mains alors qu’j’étais née dans la crasse. C’était peut-être ça qui nous différenciait, finalement, nous autres vermines d’la rue et eux, ces chiens au cul bordé d’soie. Ce souci d’être toujours correct dans les pires moments. Enfin, correct… lui, il en tenait une couche, quand même. Une fois monté là-haut, j’voyais qu’le toit tenait encore malgré la saillie, et c’était une bonne chose. Surtout pour moi. Pas d’Fangeux à l’horizon, pour l’moment, mais j’avais toujours l’Volène dans les pattes et ça, c’était déjà un sacré morceau. Et j’oubliais pas qu’le Bardaux avait littéralement l’tarin dans la merde, un peu plus loin dans c’qui était un champ avant tout ça.

C’est là que le blond m’interpelle pour savoir si j’ai pas un truc pour servir de passerelle sous l’main. Comment dire, j’suis pas venue avec tout un arsenal d’outillage, mais y avait sans doute moyen d’en fabriquer une avec l’moyens du bord. Même si l’bord était vraiment pas bien équipé. C’est là qu’j’ai eu un éclair d’génie. La rambarde qu’nous servait d’garde-fou était constituée d’trois longues planches clouées perpendiculairement à d’autres bouts d’bois, assez pour faire passer un homme sans trop jouer les équilibristes. Alors j’m’en allais taper dans l’piquets qui la maintenaient en place, en la tirant à moi pour n’pas la laisser tomber sur l’Volène.

JANTiens-toi prêt, j’t’envoie un gros paqu’tage !


J’achevais mes travaux d’bûcheron assez rapidement, fallait pas passer trois heures sur quatre piquets à élaguer. Le jeu, maintenant, ça allait être d’les passer à travers l’ouverture du toit et qu’le Vlad soit assez costaud pour en tirer l’poids qui valait son pesant. L’rambarde décrochée, j’allais m’chercher une caisse encore assez en état pour supporter ma propre masse, et grimper à moitié dessus pour commencer l’percée d’notre salut à travers le trou béant du toit. L’bestiau était vachement plus lourd qu’le nobliau, et j’poussais l’poids mort en l’air autant qu’je l’encourageais à tirer encore ou à s’interrompre le temps d’en caler les aspérités dans l’axe d’la tranchée. Un travail déjà bien crevant si on rajoute l’départ très matinal, l’peu d’nourriture du matin, l’traversée du marais, l’course avec les revenants et la grimpette depuis. On s’en tirait pas si mal, pour l’instant, et j’voyais l’bout de l’ascension d’notre prochain chemin. Au moment où les planches reliées étaient passées, j’grimpai à mon tour avec un peu de prudence pour n’pas faire céder l’toit en y sautant comme une furie.

Une fois sur l’manteau neigeux, j’pouvais souffler un moment, même si l’humidité qui m’rentrait dans l’cou m’a vite calmée. J’me redressais à moitié, histoire d’regarder un peu la vue d’là-haut. Bardaux était pour sûr encore bien bien mort ou au bout d’son agonie. C’est là qu’j’me rappelais la remarque d’mon coéquipier du moment.

JANL’Fange soigne pas, de c’que j’en ai vu. Un cul-d’jatte d’son vivant rest’ra un cul-d’jatte dans sa mort. Pour ça qu’j’ai niqué l’guibole d’Bardaux. Ç’en f’ra un Fangeux boiteux, dans l’pire des cas. Mais j’sais pas quand. ‘s ont tous une période d’transformation différente. L’Volène était même assez rapide. Pour une fois…


Sur cette touche d’humour noir, j’me relevais enfin pour guetter l’chemin qu’il avait pu voir sur les toits d’ce maudit patelin. Certains allaient probablement m’donner du fil à retordre, mais j’me savais assez tenace pour pas m’donner au fléau gratuitement. Du bout de la botte, je jetai la neige par dessus bord, histoire de repérer des points faibles dans la toiture actuelle avant d’me lancer dans l’dangereuse opération d’traverser sur un garde-corps. Un garde-corps dont j’me saisissais pour le redresser d’abord horizontalement.

JANOn va d’jà tenter d’la positionner, p’is l’reste… On s’en r’mettra à Rikni, aye ?


Et c’était l’moment pour nous d’commencer à faire basculer l’bête à trois pattes jusqu’à la toiture d’à-côté. Un “à-côté” qu’était un peu loin, j’te l’accorde l’ami. Mais il dépendait beaucoup d’choses d’cette combine, et j’avais tout intérêt à c’que ça fonctionne. Dans l’idée, j’voulais pas l’basculer et l’faire tomber sur l’autre toit, au risque qu’elle casse ou pire, tombe en bas en rebondissant. Alors fallait y aller en douceur, et s’cramponner sur les lattes d’notre étable d’survie pour n’pas tomber avec elle. Globalement, l’entreprise était pas si déconnante qu’ça, et on avait assez d’prises pour s’y mettre à deux et tenir l’bon bout d’notre canot d’sauvetage. Mais si c’était qu’ça… Parce que l’moment redoutable, c’était surtout l’fait d’devoir y grimper et passer en face.

JANJ’me lance. Si ça s’fragilise ou quoi, j’pourrai t’rattraper d’l’aut’ côté s’tu veux sauter.


Est-ce que j’attendais vraiment une réponse ? Au lieu d’jouer les funambules, j’avais une autre option. Pas spécialement séduisante, mais qu’avait fait ses preuves dans d’autres circonstances : avancer à quatre pattes, voire en rampant, pour répartir mon poids et n’pas péter la passerelle en deux. Vlad allait avoir l’meilleure vue du monde sur mon derche, mais en l’état, c’était peut-être l’dernière d’mes préoccupations. Alors j’y allais. Un genou sur chaque planche, étirée au possible pour pas causer trop d’pression, j’progressais comme un bœuf ralenti par l’festin d’foin qu’il venait d’grailler, mais au moins, ça avançait sûrement. J’voulais pas savoir c’qu’il y avait en dessous, et encore moins c’qu’il y avait derrière. N’restait qu’à mon collègue d’pas jouer au con, d’toute façon, on était peut-être condamnés sans ça. J’arrivais au milieu d’la planche sans trop me hâter, mais l’craquement du bois m’tendait comme une corde à linge. D’ailleurs, dans cette situation, j’étais l’linge en question. J’m’allongeais cette fois, pour m’traîner comme j’pouvais, jusqu’à toucher l’premières tuiles d’la maison voisine. L’soulagement putain…

Il fallait assurer mon passage, j’tâtais l’ardoise qu’avait l’don d’être fragile, mais constatait qu’ça avait l’air de tenir l’coup. Accroupie, j’tenais l’extrémité d’la barrière en poussant l’blond à m’rejoindre fissa.
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Vladémir de la SayettePurgateur de Rikni
Vladémir de la Sayette



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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 2 EmptyLun 1 Aoû 2022 - 9:45
Tu aimais de plus en plus l’efficacité de ta collègue qui eut la bonne idée de ne pas diriger ta hache contre toi ; bien qu’elle trouva le moyen de faire disparaître son corps imposant de ta perception visuelle, les grognements et la frappe d’une lame contre du bois te fit rapidement comprendre ce qu’elle fabriquait. Tes jambes s’engourdissaient entre le froid et la position accroupie ; pas que tu ne voulais pas te redresser, mais tu craignais de ne pas voir arriver suffisamment vite ce qu’on t’enverrait si tu le faisais. Mais heureusement, nul colis complètement envoyé buta contre ton torse ; il y avait tout de même un sacré poids à récupérer et tu manquas de basculer en avant plusieurs fois. Tu n’étais pas le plus costaud des hommes, mais ton expertise de l’équilibre et de l’assassinat t’avait au moins appris à connaître tes capacités, ton équilibre et tes limites ; trois choses qui, si elles ne te rendirent pas spécialement rapides, te permirent tout de même de réceptionner plus ou moins correctement la rambarde arrachée. Tu suivais les directives de Jan, ne la voyant presque plus au-delà d’une touffe de cheveux blanc et auburn.

Tu suais à grosses gouttes, tous tes muscles sollicités dans une manœuvre que tu n’avais pas eu le temps d’expérimenter ; mais malgré tes airs de nobliauds, tu te savais enclin à n’importe quelle tache. La nausée manqua de te gagner au milieu de l’épuisement musculaire et du manque de nourriture ; mais au bout de quelques minutes qui parurent peut-être comme des heures, vous parvîntes à être tous trois, le paquet, Jan et toi, sur le toit en partie enneigé. Tu reniflais ta fatigue et hochais la tête sans répondre dans l’immédiat ; sauf quand Jan eu la bonté d’en appeler à ta déesse.

« Je ne doute pas qu’elle nous fasse survivre tous les deux aujourd’hui ! » t’enthousiasmas-tu.

L’heure de l’amusement peinait à poindre le bout de son nez. Le village n’était pas plus agité que tout à l’heure, mais tu guettais tout de même la porte de la grange par laquelle vous étiez entré, ainsi que le corps du Badeaux à quelques dizaines de mètres de là. Toutefois, le jeu continuait sur une drôle de note ; il ne fut pas trop difficile, à votre poids et votre force à tous les deux, de maintenir votre échelle de fortune jusqu’à la déposer avec délicatesse contre le toit de l’autre côté. Jan passa en première ; tu n’étais pas du genre à reluquer outre mesure les choses et les gens, mais ce n’était pas comme si tu avais grand-chose à regarder non plus. Tu observas sans honte ce que tu voyais des hanches et des jambes de ta compagne, notant les traits purement féminins qui ne se dissimulaient finalement pas sous une carrure que tu attribuais généralement à un homme.

« Bon, à mon tour ! »

Tu te savais agile, mais l’état de ce que vous utilisez comme plateforme te fit emprunter une direction similaire à celle de Jan. Tu n’avais jamais vu de singe de ta vie, mais tu étais persuadé que tu en figurais proprement l’apparence, avec ton cul en l’air et tes jambes dépliées tandis que tes mains attrapaient un barreau ou un autre. Plusieurs fois tu t’arrêtas en entendant le bois se crisper sous toi ; tu n’avais pas de problème à regarder le sol sous toi, funambule de nature que tu étais, mais tu guettais tout de même le moindre mouvement d’herbe que tu pensais voir. Par l’envie de Rikni, certainement, tu parvins à rejoindre Jan sans que rien ne s’effondre, sauf peut-être quelque chose dans la grange que vous aviez quitté.

« Volène a probablement cassé quelque chose… bien. J’ai repéré un chemin par là, on devrait s’en sortir avec peu d’acrobaties… et profitons-en pour vérifier si nos deux collègues sont encore en vie. »

Nul hurlement s’était annoncé en dehors du gros tas dans la grange, mais peut-être que vos camarades s’étaient brusquement mordus la langue. Quoiqu’il en soit, tu ouvris la marche par-dessus les toits, essayant de repérer les morceaux les plus fragiles pour soigneusement les éviter. Vous passâtes un premier toit, puis un deuxième ; il y avait pas mal de rebords, quelques cheminées qui vous permettaient de vous rééquilibrer à plusieurs endroits. Il y eut un arrêt forcé quand ton pied s’enfonça dans le bois trop pourri d’un toit mal isolé ; tu te retrouvas à moitié coincé, contraint à l’immobilisme alors que tu cherchais à savoir si quelque chose pourrait te tirer par le dessous ; ce qui heureusement n’arriva pas.

« Attention donc… à ce toit-ci. Eh, puis-je te quémander une main ? Je crois que je ne peux pas me redresser tout seul. »




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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 2 EmptyMar 2 Aoû 2022 - 11:30

C’tait à son tour. J’guettais sa traversée – j’voyais qu’il suivait mes traces, en s’mettant à genoux sur l’long d’la passerelle – et j’me disais qu’il avait au moins l’décence de pas être trop précieux ou pire, bourré d’orgueil au pire moment. Parce que j’en avais vu, des p’tits bourgeois trop propres pour croquer dans l’carcasse d’un rat dont on venait fraîchement d’briser la nuque, ou piquant une crise d’enfant parce qu’ils n’voulaient pas dormir sur l’plancher miteux d’nos baraquements. Alors montrer son cul au tout venant ? Ils seraient restés à crever sur l’toit d’la grange sans aucune hésitation. Pendant c’temps, moi, j’reprenais mon souffle. On en était qu’au zénith, l’restant d’la route allait être longue, et on avait déjà fourni énormément d’efforts pour l’peu qu’on avait à bouffer au village. Y avait plus qu’à espérer qu’Serus nous envoie une mouette piégée dans une barrière ou un mulot sans réflexes, j’les aurais bouffés crus sans même ciller. L’blond arrivait à bon port, j’l’aidais à s’redresser et j’jetais un œil par dessus mon épaule pour voir l’suite des évènements. Vlad m’indiquait l’tas d’toits qu’il fallait encore traverser, et on était pas au bout d’nos peines. Surtout des miennes, quand j’voyais l’gabarit du minot, j’m’en faisais pas trop pour l’tuiles et l’charpente, mais moi…

JANAye, ouv’ l’marche, j’te colle au train.


J’devais avoir l’grâce d’un lamantin qu’essayait danser l’gigue sur un fil d’pêche, mais l’essentiel, c’est qu’je survive à tout prix. L’ardoise était glissante d’temps à autres, et j’me suis fait quelques frayeurs sur l’premiers toits qu’on venait conquérir, quand mon poids me faisait repartir en arrière pour peu qu’une cheminée m’aidait pas à m’redresser.. Surtout qu’derrière nous, l’Volène commençait à forcer l’porte d’la grange qu’avait été coincée par l’supports de l’échelle qu’on lui avait balancée dessus, et par l’foutoir qu’il avait amassé devant en essayant d’monter sur notre îlot d’fortune. Un toit d’plus, et l’silo à grains qu’était pas loin d’la place centrale du village se distinguait d’mieux en mieux. Il nous restait quatre sacs. Quatre, sur douze. J’allais vraiment m’prendre une volée en rentrant putain, méritée sans doute, mais j’semais des jurons sur l’chemin.

JANJ’aim’rais b’en savoir où sont l’s aut’ pour sûr, mais c’s’rait pas très malin d-


J’m’interrompais en voyant l’taille du collègue réduire d’moitié quand il disparaissait presque d’mon champ d’vision, comme avalé par l’tuiles d’ardoise qu’on cédé dans un craquement qui faisait presque froid dans l’dos. Mon premier réflexe, ça a été d’reculer d’un pas, et surtout pas d’avancer. Va savoir si c’était pas un Fangeux en d’ssous, qu’allait m’attraper dans la foulée. Jamais. Mais petit à petit, en l’voyant observer autour d’lui, j’ai compris qu’le support avait juste cédé sous les infiltrations d’eau qu’y avait eu ces dernières semaines. Alors j’lui tendais spontanément une main pour l’tirer d’sa mauvaise posture, lui choppant l’poignet en m’accrochant au rebord d’une cheminée pour n’pas plonger moi aussi, bien ancrée sur l’poutres d’soutènement que j’visais pour n’pas atterrir sur les endroits l’plus fragiles des toitures.

JANHmpf… Viens là… ! que j’marmonnais en le tirant. C’est vrai qu’il était plus lourd qu’prévu, finalement. Marche l’long d’poutres, ‘sait jamais.


Il nous restait grand maximum deux toits à parcourir, et plus on s’approchait, plus l’maisons étaient faites d’pierre brute, marquant bien l’centre du patelin, dont j’voyais la place en contrebas. C’était plutôt rassurant s’tu veux mon avis, parce que tomber maintenant allait vraiment pas nous aider. On reprend l’chemin après qu’il ait retiré la moisissure d’ses frusques, le toit suivant était en dur, et même si j’savais pas trop quel bâtiment c’était, j’m’y attardais pas plus qu’ça. Mais c’qui allait suivre allait vraiment m’laisser sur le cul – au sens figuré. J’entendais un truc siffler à mon oreille et un choc métallique sur l’pierre d’la cheminée où j’me tenais, puis sur l’pavé que j’écrasais sous mes bottes crasseuses. En m’baissant pour ramasser c’truc, j’ai remarqué qu’c’était un carreau d’arbalète qu’avait cassé sous l’choc, c’qui en principe n’arrivait pas. Mais mieux encore, c’carreau était fait d’ardoise, une roche quand même trop friable pour être fiable au tir. Ni une ni deux, j’me jette derrière l’cloison d’ce puits à fumée, et tire Vlad contre moi pour s’mettre dans l’même alignement.

JANL’fot-en-cul ! Que j’sache, l’Fange nous tire pas d’ssus ‘vec d’la pierraille à arbalète, r’garde ça !


J’lui montrais les débris du carreaux artisanal, remontée comme l’marée. J’me tournais pour pouvoir observer l’place et les habitations alentour, à l’recherche du chiabrena qu’nous canardait depuis une fenêtre ou une autre.
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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 2 EmptyJeu 4 Aoû 2022 - 19:36
Ce nouvel environnement avait l’avantage de te laisser sous une pression permanente. Il fallait réfléchir au moindre pas, rassembler tes connaissances sur les matières dont étaient faites les toits dans une campagne que tu n’avais pas souvent vu, sauf peut-être une fois au chalet d’un lointain cousin coincé au nord du pays de Langres. Tu te fias une à deux fois à ton pur instinct, écoutant les murmures de l’indéfinissable, aussi friable que la grisaille qui roulait sous tes bottes.

Tu ne le relèverais pas, mais la faim et la fatigue t’avaient fait voir de travers à plusieurs reprises. Ah ça pour une épreuve, c’en était une plus grosse que le magistral fessier de Jan, observé quelques minutes auparavant. Rassuré de ne pas sentir ta botte se faire croquer par des dents pourries, elle te redressa après avoir vérifié que la bucheronne ne risquait pas de traverser elle-même le plafond. Sa poigne te remonta sans qu’il ne te semble voir ses muscles se crisper ; ton cerveau embué d’adrénaline finalisait l’image presque aussi glamour que sale de ta compagne de fortune, pic de roche au milieu de la forêt. Mais par pitié par un pic d’ardoises ; on s’y tient pas à grand-chose, râlas-tu intérieurement. Tu t’exécutas, cherchant les poutres quitte à être un peu plus patient que ce que tu avais été jusqu’à maintenant. Ta confiance en Rikni et en tes propres compétences ne sauraient rivaliser en l’instant ; une frayeur dans les hauteurs était suffisante.

Tu crus entendre un sifflement, mais la chose étant passé plus loin de toi, tu ne réalisas pas aussi vite que ta camarade pourquoi elle vous coinçait tous les deux derrière l’épaisseur d’une cheminée. L’odeur rance de vos transpirations mêlées te saute au nez ; de même que le sang qui avait du couler quelque part sur l’un de vos tissus. Tu prends pourtant le partie de ne pas bouger malgré l’inconfort que tu ne caches pas, ton corps légèrement arqué comme pour repérer un signe ou un autre. Tes sourcils froncés, tu secouas la tête avant d’étirer tes lèvres en un sourire.

« Non, en effet… des habitants en vie dans ces ruines, d’autres bandits, ou peut-être nos camarades ? »

Ce qui était sûr, c’est que tu n’avais entendu aucune source de combat en dehors du gros Volène qui galérait toute sa race de mort-qui-marche pour se sortir de la Grange. Te sachant plus petit et plus agile, tu fis un signe de la tête à Jan pour lui signifier que tu allais bouger. Tu retrouvas avec ses consignes probables la direction supposée du tireur, et découvrit légèrement ta tête ; tu ne l’avais pas vraiment remarqué, mais il était vrai que le toit sur lequel vous étiez était assez dégagé. Légèrement plus bas que le reste des maisonnées, un long mur montait sur votre gauche tandis qu’à droite s’ouvrait une allée centrale en sable abîmé par les affres du temps et des denrées pourrissantes d’un potentiel ancien marché. Tu remarquas les quelques ouvertures dans un bâtiment moins large mais plus haut que le vôtre ; tu remarquas à peine la silhouette à une ouverture, surmontée d’un chapeau certainement en paille que le bruit caractéristique d’une corde claquée te fit reculer. Tu évitas un nouveau projectile qui s’écrasa sur la paroi près de vous. Tu te repenchas pour voir le dos courbé de ce qui devait être un homme ; son arbalète de fortune lui donnait du fil à retordre.

Ainsi continua le souffle de Rikni.

« Suis-moi, vite ! »

Et sans crier gare, profitant de ce que tu pensais être une fenêtre d’action, tu te ruas vers le trou que tu avais toi-même formé un peu plus tôt pour sauter à l’intérieur. Vous auriez du mal à avancer sur un toit tout en étant canardé ; tu savais lancer ton couteau, mais pas d’aussi loin et pas sans risque de le perdre définitivement ! Ton corps s’écrasa sans agilité sur un parquet grinçant, mais qui heureusement avait l’air suffisamment solide puisque recouvert de quelques meubles en différentes textures. Un nuage de poussière te fit éternuer plusieurs fois tandis que tu te décalais ; finalement curieux de voir si Jan allait te suivre ou rester en hauteur.



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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 2 EmptyDim 7 Aoû 2022 - 14:50

Foutrechiasse. Manquait plus qu’un péquenaud qu’voulait jouer les héros en canardant ceux qu’essaient d’survivre. J’pensais pas qu’il restait des habitants ici, avec l’morts-vivants qu’rôdent par centaines, milliers probablement, l’plupart auraient dû crever lorsqu’leurs voisins tout aussi bornés ont fini par claquer, d’faim, d’froid, ou d’une sale morsure purulente. Mais il fallait qu’des vieilles carnes s’présentent comme des justiciers quand nous aussi on crève la faim dans c’marais d’merde, et qu’ils ont du grain pour l’patelin entier qui durera pas l’hiver avec l’humidité d’la région. Vraiment, faut tout leur apprendre… Et l’pire, c’est qu’ils sont ingénieux ces forbans, des carreaux d’arbalète en ardoise ? Faut vraiment qu’il passe son temps à tailler la pierre des toits pour faire c’genre d’pointe, tout ça pour quoi, trouer l’premier venu ? Jarnidieu ! Vlad a manqué d’peu de s’en prendre une belle en travers d’la tempe lorsqu’il s’est penché pour voir où était l’faquin. Mais l’temps qu’le type recharge son arbalète, j’l’entends me dire de l’suivre et j’le vois disparaître dans l’trou qu’il a laissé en s’enfonçant dans l’toit pourri. J’pouvais rien faire d’ma position, l’bougre était trop loin pour que j’puisse courir et sauter à sa fenêtre, et j’allais encore moins y lancer ma hache. J’me plaquais un instant contre l’cheminée pour m’préparer à filer à mon tour en leurrant l’tireur, mais c’est en m’retournant qu’j’aperçois l’arrivée d’Silence et Dugommier d’l’autre côté du bâtiment infranchissable. Mes gestes étaient limités par l’alignement d’mon dossier, mais il fallait qu’je tente de les alerter. Est-c’que je prenais plus de risques en sachant l’Volène dans sa grange qu’allait finir par céder, et peut-être m’entendre ? Possible. D’toute façon, si un Fangeux lâche sa proie, c’pour un meilleur buffet, et à la ronde, y en avait pas cent. Alors d’deux doigts entre les dents, j’sifflais pour attirer l’attention des deux p’tits futés.

ARBALÉTRIERBast, ribauds d’mes deux ! Rapin’rez pas not’ grain !


L’manant s’adressait à moi, pensant que j’l’interpellais. C’était pas plus mal, j’entendais un autre carreau faire vibrer les cordes d’son arme et s’écraser un peu plus loin sur l’toit où j’rôdais. À voir mes deux collègues s’vautrer au sol pensant s’faire repérer, j’pestais. En restant à l’abri d’ma barricade d’pierre, j’essayais d’leur faire des gestes frénétiques pour qu’ils regardent dans ma direction, d’faire refléter un rayon d’soleil dans ma tête de hache, n’importe quoi. Dugommier a été plus futé qu’son voisin, en voyant qu’j’essayais d’communiquer. Restait à leur dire d’s’occuper du maraud…

JANT’en auras b’en trop pou’ t’remplir l’panse, vieux bag’naud !


J’engageais l’dialogue – paye la conversation – histoire d’l’occuper alors que j’me confondais en mimes pour désigner l’fenêtre du tireur et surtout, l’fait qu’c’en soit un. J’tendais un bras pour étirer l’autre contre ma joue, l’air d’singer un archer. Va savoir c’qu’ils y comprenaient, d’là-bas, mais Silence m’pointait la bâtisse comme pour confirmer. Alors j’confirmai. Après tout, dans l’pire des cas, ils allaient l’occuper pendant qu’j’me ruais vers l’silo. Avec c’deux-là, ça faisait huit sacs. Huit. C’était vachement plus flatteur qu’quatre auprès d’Griffith, surtout avec l’gars qu’on a perdus sur l’chemin. Les p’tits sournois s’sont mis en marche, et j’profitais d’ce moment pour aller voir c’qu’il s’passait du côté d‘la grange. Toujours pas d’déplac’ment d’Volène qui d’vait avoir fichu un tel boxon dans l’étable qu’il s’retrouvait coincé dans les débris d’auges, d’échelles et d’planches qu’avaient dû lui barrer la route. C’était notre veine. Et l’silo était en vue, dans un recoin d’la place marchande, derrière l’pourriture des étals qu’avaient cédé depuis l’invasion. J’avisais l’trou à travers duquel j’repérais un peu l’mouvement d’Vlad qui d’vait s’impatienter là-d’ssous, d’où j’sentais la décomposition d’va savoir quelle bestiole, et j’lui murmurais assez fort pour qu’il entende sans qu’l’arbalétrier s’en soucie.

JANVlad ! J’peux pas t’remonter d’là. L’voie est bientôt libre vers l’silo, dès qu’j’te l’dis… T’sors et t’traces jusqu’à l’échelle et j’t’y r’joins. Dans trois… !


L’tireur s’retourna quand un bris d’verre faisait du vacarme dans l’rue parallèle, et j’entendais qu’ça s’insultait et s’battait depuis son étage. Mes deux gars sûrs ont dû s’frayer un chemin jusque chez lui, leur toit était d’la même hauteur, mais j’pouvais pas forcément garantir l’fait qu’ils s’en tirent ou pire, qu’le type revienne pas à sa fenêtre pour m’envoyer une pointe dans l’dos.

JANDeux… !


J’avisais l’grange, toujours rien. Pas d’Bardaux en vue non plus. Et rien du côté d’la place, ni rôdeur, ni autre archer. J’me préparais déjà à traverser l’deux trois toits qu’il m’restait avant l’espèce d’cuve à grains dont l’ouverture s’faisait sur l’dessus et où on grimpait par une échelle. Ça s’jouait à rien.

JANUne… !


J’frappais un coup dans la charpente chaque fois qu’je marquais une seconde, histoire qu’il m’entende s’il rejoignait l’rez-d’chaussée. Puis j’assurais d’un dernier regard l’chemin qu’j’allais devoir parcourir sans m’vautrer sur les tuiles ou m’enfoncer dans d’la chaume.

JANVA !


Sans m’faire prier, j’prenais appui sur l’cheminée pour m’élancer sur les poutres d’soutènement d’là où j’me trouvais et taper une course en direction du silo. Un toit. Celui-là était en bois, j’passais heureusement pas au travers, il faisait partie du centre du patelin qu’avait l’air bien moins mal en point. Un deuxième, qui donnait sur l’rue d’où émanent des odeurs d’tout et n’importe quoi, mais surtout d’œuf pourri à force d’macérer dans l’humidité et l’soleil du jour. D’quoi donner la nausée. En contrebas, j’guette l’blond, en espérant qu’il s’soit pas pris l’pieds dans l’tapis. Façon d’parler, hm ? Un dernier saut. J’atteins l’sommet du silo et son échelle que j’tiens aussitôt pour laisser l’temps à mon comparse d’grimper, tout en observant les alentours. Si un Fangeux débarquait à c’moment-là, c’en était fini.

Et j’crois bien qu’la grange venait d’céder…

Pour les petits curieux...:
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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 2 EmptyMar 16 Aoû 2022 - 3:06
Les descentes en lieux inconnus étaient toujours moins effrayantes quand tu étais persuadé de faire les bonnes choses. Une roulade te réceptionna sur les meubles en bois au milieu de la poussière ; bon, la roulade de quelqu’un qui manqua de se stresser de tomber dans une crevasse, mais elle valait ce qu’elle valait pour empêcher tes chevilles et tes genoux de céder sous ton point. Alors que tu parcourais du regard ton nouvel environnement, une pensée fugace pour B’ et ses entraînements idiots sur les toits de Marbrume te rappela à quel point vivre dans les marais était presque tranquille, en comparaison. Peut-être qu’à la différence de l’entraînement des toits, ta vie dans les marais avait une odeur de permanence non négligeable.

Tu ne mis pas longtemps à percuter que Jan en appelait à ta personne, de là où elle était ; difficile pour toi de te manifester outre mesure et, en l’espèce, tu ne te voyais pas vraiment gaspiller ton énergie alors que la brigande tapait déjà du pied pour seules indications. Sans réfléchir plus avant, un souffle d’adrénaline te porta au travers d’un escalier pour atteindre le rez-de-chaussée, où tu découvris un bol avec de petits fruits secs que tu empoignas avant de les fourrer dans une de tes poches ; ces trucs là ne périssaient jamais vraiment, et vous pourriez toujours en être garants une fois cette histoire d’arbalétrier fou déconstruit. Tu ne tombas sur rien de trop compliqué alors que l’autre beuglait des débilités incroyables, comme si vous étiez les méchants d’une histoire qui ne comptait plus aucune bienveillance depuis des siècles, à se demander qui en tenait la plume depuis si longtemps !

« Certainement un piètre écrivain » , soufflas-tu en zigzaguant au milieu des meubles parfois renversés sur ton passage.

Tu manquas bien de trébucher sur un morceau de tapis non seulement pourri d’avant la fange mais surtout humide d’un liquide jaunâtre sur lequel tu ne préféras pas t’arrêter. Une fois à l’extérieur, tu devinas l’appel de Jan plus que tu ne l’entendis réellement, guettant les mouvements de l’arbalétrier qui semblait en proie à d’autres problèmes. Tu embrassas du bout des lèvres les murmures de Rikni alors que tu fonças en direction des étals renversés ; nulle tomate garnie de vers ni pommes de terre avariées ne surent te ralentir ; malgré ta taille raisonnable tu avançais tel un buffle au milieu de choses trop fragiles ; le Silo n’était pas si loin ; tu sentis une brûlure soudaine à ton épaule sans réaliser qu’un carreau de fortune t’avait frôlé suffisamment pour te couper. Ta langue rencontre le dos de tes dents, mais ta fortune fit que ta camarade était là en train de te tenir l’échelle ; la réminiscence de votre aventure de la Grange te fit accélérer le pas ; rien ne te courrait après, sauf peut-être le temps lui-même, mais tu ne préféras pas risquer avoir réveiller une vieille créature coincée dans l’ancien marché et accéléras aussi vite que tu le pus. Tes jambes manquèrent de se dérober dans ta course, faisant que ton front rencontra subitement le bois de l’échelle, faisant trembler tout l’objet. Après t’être secoué comme un rat sortie d’une mare, tu grimpas jusqu’à presque sauter à plat ventre sur le toit du Silot ; tu soufflais, fort, trop pour entendre la porte de la Grange cédé.

« Ah… mer… merci… oh ? Ce… ce sont nos deux… avec le… ? »




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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 2 EmptyMer 17 Aoû 2022 - 14:12

L’soleil s’tirait déjà derrière l’plateau du Labret quand j’atteignais l’silo en attendant mon collègue. Ça puait, vraiment. J’me voyais pas enterrée de suite, mais on allait rester l’nuit dans c’trou à rats et va savoir si l’lendemain y aurait pas dix fangeux sous notre cul à attendre qu’on daigne descendre ou crever dans l’tas d’grain. Ça puait. Salement. J’avais pas envie d’crever d’faim au milieu d’la bouffe, ça aurait été un comble, sans déconner. J’voyais Vlad arriver quelques secondes après, et j’entendais qu’ça s’agitait dans, ou autour d’la grange. Si l’Volène l’interceptait…
L’blond approchait d‘la tour, avec l’épuisement, v’là qu’il se ramasse contre l’échelle au point d’sentir l’vibrations dans mes bras. Va savoir s’il y a pas perdu une dent ou deux. Il s’jetait sur les barreaux, j’le chopais par le col — dans une vague impression d’déjà-vu, hein ? — et j’le tirais au sommet. L’tout, c’était d’réussir à déboîter l’échelle d’son socle avant qu’la bestiasse n’se ramène. J’le laissais reprendre son souffle, l’type était au bout d’sa vie, et l’adrénaline m’faisait un peu tourner la tête avec l’fatigue et l’manque d’nourriture. C’tait pas encore ce soir qu’on allait s’gaver d’grand chose, à défaut d’pouvoir manger l’grain cru. Alors j’attrapais ma hache d’bûcheron, une vraie camelote qu’allait quand même m’servir un bon moment, et j’attaquais les supports qui retenaient l’échelle à la paroi du silo. J’avais pas grand temps. Juste d’quoi faire une entaille… Une p’tite entaille.

Les grognements et l’course du Volène m’ont fichu une d’ces pressions. Il arrivait au coin du pâté d’maisons quand j’m’acharnais à donner d’sales coups d’pied dans les barreaux. J’entendais l’bois craquer, et l’échelle s’décoller d’plus en plus jusqu’à s’plier en deux et s’fracasser en contrebas. L’Fangeux gueulait, et pour cause, ça faisait deux fois qu’on s’en tirait à rien. Mais j’allais pas regarder en contrebas, l’fatigue et l’soleil qu’m’avait tapé sur l’crâne toute la journée m’foutaient la gerbe. L’trappe qui ouvrait l’silo était pas bien lourde, j’la basculais pour laisser une ouverture.

JANAllez… On y est. P’us qu’le r’tour d’main.


J’en étais au point d’à peine marmonner tellement l’chute d’tension m’prenait l’casque. Alors j’me mettais au bord d’l’entrée du caisson à blé pour m’laisser tomber dans l’tas d’granulés. La récolte avait pratiqu’ment pas été touchée depuis l’exil d’toute la population d’Monpazier, si bien qu’j’pouvais encore m’sortir de là sans avoir b’soin d’échelle. J’m’affalais tout bonnement dans l’ventre du village, comme si j’me baignais, claquée comme pas deux. Et j’regardais un moment l’ciel par la p’tite tranchée carrée où j’étais passée, en m’demandant bien c’qui nous avait tous amenés là. L’Trois devaient bien s’foutre de nous, à batailler comme ça pour trois repas. Ces enflures dont on t’rabâche les préceptes pour mieux t’les mettre à l’envers quand t‘es dans l’besoin et qu’t’essaies d’survivre. J’sais pas si c’était aux dieux qu’j’en voulais, ou juste aux Hommes. Alors j’fermais l’œil pour pas m’prendre la tête avec ça maintenant.

JANJ’espère qu’les deux p’tiots auront d’la ripaille à r’filer s’i’ restent là-haut. D’quoi assurer l’trajet qu’nous reste ‘core à faire.


Parce qu’au retour, on avait des sacs d’grain à porter, tout en évitant ces saloperies qu’allaient peut-être s’amasser autour d’ce patelin. Putain, il nous fallait vraiment trouver d’quoi les éclater ou les repousser, un jour…

JANDis !


J’attendais pas d’réponse, il d’vait être encore à moitié en train d’crever sur l’toit. Faut dire qu’c’était pas une mission simple, pas comme aller chasser l’sanglier autour du village, ou r’joindre une route pour guetter si d’autres parias passaient pas par là.

JANC’ment ça s’fait qu’un rupin d’ton genre finisse ici ? Tu f’sais d’l’ombre à un type haut placé, t’as volé l’femme d’un prêtre ?


Après tout, j’lui avais pas encore demandé. J’doutais un peu qu’il m’réponde vraiment, ou en tout cas qu’il m’dise la vérité. Mais c’est pas comme si c’était primordial. Et au pire, s’il m’racontait une histoire, ça ferait passer l’temps… On en avait à tuer.
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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 2 EmptyJeu 18 Aoû 2022 - 3:52
Quelques secondes suffirent pour que tu sentes couler un peu de sang contre ton front. Tu aurais éclaté de rire si l’essoufflement n’était pas aussi intense ; tes poumons brûlaient d’un air qui, quelques minutes auparavant, paraissait si doux. Rikni ne rechignait jamais à te pousser hors de tes limites, comme si tu n’étais qu’un enfant récalcitrant à apprendre la nage ; tu te plias à ce dernier exercice, jusqu’à ce que la poigne de ta compagne ne te porte une nouvelle fois. Tu cognas genoux et coudes sur le bois puis sur le toit, rampant sans grâce avant de de te mettre à genoux. La faim, la fatigue, tout t’exaltait autant que cela ne creusait un peu plus les couleurs peu gracieuses sous tes yeux. Tu souriais dans une crispation inhumaine, le voile sur ton esprit inspiré par une sensation de calme qui revenait progressivement sans s’imposer. Jan du dire quelques banalités sur le fait que vous étiez momentanément hors de portée de tout danger, tu hochas la tête dans un automatisme décharné sans avoir réellement entendu ce qui était dit.

Tu la suivis sans trop savoir par quels moyens ; surement que Rikni et ses murmures te poussèrent sur la bonne voix avant que tu ne t’écrases non pas sur le ventre mais sur le dos. Tu observas les couleurs se mélanger au gré de ta fatigue visuelle comme physique dans son ensemble ; tu remarquas que les tâches brûnatres se dispersaient plus difficilement que les autres. La sueur te rendait collant, probablement moins appétissant d’un point de vue mondain, mais par les Trois que ton cœur n’avait jamais été aussi agité ! Tu ne dépréciais pas totalement ton état actuel en dépit de la brûlure à ton épaule et du coup porté contre ton propre front qui le rendait poisseux.

C’est en plein milieu de l’interjection de Jan que tu tombas toi aussi au milieu des sacs de grains. Rien ne sentait le pourri, ni le sang, ni les tripes ; autant de bonnes nouvelles qui suffirent à laisser ton corps se décompresser comme d’un seul coup, rappelant à ton cerveau abruti par l’adrénaline l’image d’un soufflé percé dès le départ de cuisson.

« Mmh ? »

Tu pris le temps de l’entendre, réellement, cette fois. Les murmures s’arrêtèrent même le glorieux temps de te faire écouter la question ; un début de rire s’annonça dans ta gorge déshydratée.

« Allons, un belâtre comme moi, jeté aux fosses pour une femme de prêtre ? Non, non, Rikni ne l’aurait jamais permis. »

Tu ris, pouffas sans pouvoir t’arrêter, trop conscient qu’au contraire, cela aurait pu être intéressant.

« Ma femme… ma femme. »

Ca ne remontait pas à si longtemps ; ah, la pauvre petite. Tu l’aimais bien, dans le fond ; elle était ta toute première victoire.

« Elle était persuadée que notre fils était possédé par le démon, alors elle l’a tué. Vu son état, je l’ai achevé elle pour ne pas risquer ma propre sécurité. »

Tu n’étais pas parti pour être honnête, mais cette partie là de l’histoire méritait tout de même d’être racontée ; tu n’étais que Vlad, ici, un nobleux qu’on ne prendrait pas le temps de connaître ; un Purgateur qu’on ne verrait jamais le temps d’arriver. Le soupir aux lèvres, tu haussas difficilement les épaules.

« D’un côté, tu n’avais pas tort de penser que c’était une histoire de femme… et toi alors ? Un brigand étranglé, un rival éliminé, ou peut-être étais-tu trop endettée ? » ricanas-tu en ne croyant que très peu à ta dernière option.




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Janke “Jan” LaDoloyreÉgorgeur
Janke “Jan” LaDoloyre



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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 2 EmptyVen 19 Aoû 2022 - 1:08
L’noblaillon s’décidait enfin à descendre dans c’puits d’blé. J’crois bien qu’à c’moment-là, j’en avais plus rien à taper d’la Fange, d’la faim, d’la crasse, d’l’odeur. Rien qu’le fait d’arriver à bon port, même s’il nous restait encore d’la route, était déjà une victoire en soi. Et j’m’en contentais. Il fallait dans c’monde d’chiure. Serus savait qu’c’était pas la joie tous les jours dans c’trou à rats d’duché du Morguestanc. J’me suis quand même demandé à c’moment si c’était pareil ailleurs. Ou si tout l’monde avait canné, et qu’il restait finalement plus qu’nous deux et c’tas d’grain. J’aurais préféré m’taper Volène dans son état, peut-être même Bardaux crevé dans l’champ d’pourriture, que baiser une précieuse. L’idée m’faisait marrer quand même, probablement parce que ma tête tournait.

JANEh, j’ai du nez !


J’sais pas si j’devais vraiment m’emballer, même si j’me marrais grassement quand il m’disait qu’c’était improbable qu’il marie une bigote. Moi ça m’choquait pas. L’histoire qu’il m’sortait avait quand même l’air d’avoir du vrai, ou alors c’tait un bon conteur. Qu’il ait une femme, ça m’choquait pas, l’mariage s’faisait tôt dans c’genre d’familles, et on était loin d’se soucier d’savoir si leurs épousailles s’faisaient au nom d’l’amour ou d’l’oseille. Du coup, qu’il ait un gosse, même régime, fallait bien consommer la nuit, même si franchement l’imaginer en paternel, ça m’en bouchait un coin. Tu m’diras, moi aussi j’ai…

Aye, parlons pas d’ça. L’épouse avait l’air timbrée, et l’gamin en avait pâti. Dommage. L’tarées couraient les rues, mais quand ça t’arrive, t’fais moins l’malin pour sûr. Sur l’moment, j’me disais qu’il avait bien fait. Qu’venger l’marmot était un principe auquel j’aurais clairement pas dérogé. Alors j’hochais l’chef, histoire d’la jouer compréhensive.

JANL’famille, c’quand même b’en l’merde… Mais j’trouve qu’c’était l’bon choix. J’aurais fait pareil, j’pense.


J’allais quand même pas m’garder d’donner mon avis, eh. Et puis c’tait l’vérité, ça. Alors il m’demandait en retour comment j’en étais arrivée là, forcément, j’allais pas y échapper. Est-c’que j’avais un quelconque intérêt à lui cacher ? Est-c’que j’en avais un à parler ? J’pesais l’bon du mauvais, et trop parler durant l’prémices d’notre collaboration allait pas m’être bien utile. J’ressentais pas l’besoin d’parler d’Ulrich. Pas plus que j’ressentais l’besoin d’dire qu’j’étais pas partie seule d’Marbrume. Mais c’tait une histoire que j’voulais enterrer, même si dans l’situation actuelle, elle avait plus d’chance d’ressortir d’sous les pissenlits pour venir m’croquer l’coin d’la gueule. J’passais une patte en travers d’ma tronche pour éponger la sueur qui m’coulait sur les tempes d’un revers d’manche. L’respiration s’calmait, petit à petit.

JANAffaire d’contrebande, ha. J’étais d’jà dans l’collimateur d’la garde à l’époque, ça a été l’coup d’trop. I’ f’saient pas dans l’dentelle en septemb’ aye. P’is j’faisais pas l’maline non p’us après.


J’me marre encore, l’faim m’sort vraiment par tous les orifices, mais c’est comme si j’venais d’avaler d’la fumée d’je sais pas quelle herbe d’apothicaire. L’adrénaline retombée avait l’don d’me laisser profiter d’un certain moment d’flottement.

JANS’tu d’vais parier su’ ta survie là dehors, t’dirais qu’t’en as ‘core pou’ combien d’piges ? Deux mois à manger d’grain cru et d’la fougère ? Six, l’temps d’revoir l’été arriver ?


Pour une obscure raison, j’me voyais bien vivre. Tout court. Et n’pas m’laisser abattre par la Fange ou j’sais pas quelle autre merde il pouvait y avoir dehors. J’chopais l’un d’mes sacs d’jute, à moitié écrasés sous mon cul, pour les tirer hors d’ma ceinture. J’restais allongée sur l’dos, mais j’foutais vaguement des poignées d’grain dans l’première toile… C’est pas comme si on avait pas toute l’nuit.



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Vladémir de la SayettePurgateur de Rikni
Vladémir de la Sayette



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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 2 EmptyVen 19 Aoû 2022 - 4:51
Du nez, de la force, de la carrure, tu t’amusais à faire les comptes des qualités qui pouvaient autant être des défauts selon les points de vue de ta charmante compagne ; enfin, au moins aussi charmante que pouvait être une pièce de bouchée à moitié tournée près de laquelle tournaient les mouches. Ton souffle revenait progressivement, mais tu avais la sensation qu’un bouchon de bois s’était coincé dans ton poumon. La réponse de Jan, que tu n’attendais pas vraiment te poussa à réellement réfléchir à cette histoire de bon choix. Bien sûr que tu étais persuadé d’avoir fait le bon choix ! Mais tu trouvas amusant que l’on puisse être d’accord avec toi, sans savoir que tu avais provoqué tout du long la situation de ta défunte épouse et de son fils.

« Va savoir si ça reste une bonne chose ou non que l’on se ressemble, » ricanas-tu.

Tu passas une main à ton front ; le sang se colla contre ton gant noir que tu finis par retirer. Tu en observas longuement le mélange de mucus et d’hémoglobine qui se dispersait contre ta peau blanche, alors que ton index se frottait à son pouce voisin.

« De la contrebande… malin. Dommage de s’être fait choper, mais j’imagine bien l’idée. Oh, ça te va bien, d’ailleurs, quand j’y pense. »

C’était presque naturel pour vous de commenter l’aventure de l’autre. Tu estimas qu’elle faisait comme toi ; dire la vérité tout en dissimulant le plus croustillant, ou alors le moins important à ses yeux. Ce n’était pas une donnée importante ; il était même probable que Rikni et toi aimiez cette partie de Jan qui viserait à être plus maline que le buffle qu’elle présentait être.

Vint une question qui te surpris, non pas pour son rythme, mais pour le courant électrique que cela te fila de tes bras à tes cuisses. Malgré la fatigue, tu te redressas sur les coudes, un demi-sourire fatigué en coin.

« Parier sur ma survie ? Et tu me parles de quelques mois. »

Tu jouais l’étonné pour le plaisir de le faire ; les murmures se réhaussaient à tes oreilles, te poussant à bouger la tête d’un côté puis de l’autre.

« Ne compte pas te débarrasser de mois avant de longues années. Je survivrai à Marbrume ! Et je n’ai aucun doute là-dessus. »

Tu haussas un sourcil, amusé de la pensée que tu venais d’avoir.

« Pourquoi, tu comptes ta survie en jour, peut-être ? Il n’y a que les gens comme Volène pour penser comme ça. »




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