Marbrume



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 Et l'hiver sera rude...

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Janke “Jan” LaDoloyreÉgorgeur
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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 3 EmptyVen 19 Aoû - 12:08


J’guettais d’une oreille l’boucan qu’le Volène faisait dehors, et j’me demande s’il était pas en train d’essayer d’grimper. J’m’en faisais pas trop étant donné l’genre d’construction qu’c’était, qui n’avait pas d’prise sur la façade autrement qu’l’échelle qu’j’avais dézinguée. Même si ça m’maintenait quand même un peu sous tension, j’essayais d’faire abstraction en remplissant mon sac d’grain sans trop m’fatiguer. Et j’me disais, même si on l’piétinait, on l’ferait bouillir avant d’le manger, et on risquait pas trop d’se choper une saloperie. Enfin, pas plus qu’d’habitude. Vlad s’marrait un peu aussi, et j’pense qu’on aurait eu l’air d’deux fous — qui n’l’était pas dans ce genre d’situation — ou d’deux poivrots en train d’décuver notre gnôle dans les auges d’la basse-cour d’à-côté. J’crois bien qu’ça faisait un moment qu’j’avais pas ri comme ça, et pourtant c’était rien d’grandiose, j’me bidonnais pas comme une baleine non plus. Mais ça faisait du bien, au milieu d’la tension.

JANJ’vais pas m’avancer va. Si ton histoire tient l’route, c’est qu’t’es pas l’moitié d’un con et qu’tu fais c’qu’il faut, aye ?


Est-c’que j’soupçonnais qu’son histoire c’était du pipeau ? Peut-être bien. L’bourges savent mentir, j’ai presque envie d’dire qu’ils sont élevés pour ça. Alors est-c’que ça m’surprendrait si c’était l’cas, pas vraiment. Mais quand j’vois sa façon d’se déplacer, j’peux pas m’empêcher d’me dire qu’il y avait plus que d’la tchatche derrière ça. Il m’disait peut-être pas tout, et en même temps, est-c’que j’lui étalais ma vie ? Non plus. On restait un peu dans l’feutré d’nos propres affaires, histoire d’donner un peu, mais d’pouvoir aussi reprendre. J’tournais un peu la tête dans sa direction, il avait eu l’décence d’tomber sur ma gauche au moins, pour l’fixer d’mon seul œil. Il s’était bien amoché l’front en s’jetant sur l’échelle comme un forcené.

JANHmph, pour sûr qu’ça m’va
, que j’lui soufflais.

C’était évident qu’ça m’allait, l’magouilles m’tenaient au corps comme une fourrure en hiver. Non pas qu’j’aurais craché pour une bonne couverture là, parce que mine de rien, l’soleil s’couchait petit à petit et passer l’nuit dehors sans feu allait pas être très plaisant. Mais j’étais résistante, j’ai passé trop d’temps dans la rue pour m’faire surprendre par le froid. J’me surprenais un peu à espérer qu’l’autre s’réveille l’lendemain, parce qu’il allait falloir dormir à un moment donné. Et n’pas s’laisser aller.

JANOye, d’longues années ? ‘l’a d’l’ambition l’minot, aye !


J’pouvais pas m’empêcher d’sourire, l’genre d’grimace dans l’coin d’la gueule qui t’donne des airs d’bâtard mais qui veut bien dire c’qu’elle veut dire. L’Vlad avait une façon bien à lui d’être ce genre de petit connard arrogant d’la noblesse, qui m’faisait vraiment perdre mon sang-froid, avant. Alors qu’là, ça avait presque l’don d’me rassurer, et d’me dire qu’j’allais pas être la seule à m’battre dans cette fosse à purin.

JANQui t’dit que j’compte moi. J’vais viv’. J’vais m’faire des couilles en or, manger à ma faim, et m’payer l’tête du Duc en pissant su’ s’tombe.


Et c’était une promesse que j’me faisais. Sortir — encore une fois — d’la misère, et leur chier dans l’cou, à tous. Ils viendront manger dans l’creux d’ma main et s’prosterneront. On s’battra pour avoir mes faveurs, et j’aurai une pelletée d’sous-fifres à diriger à la baguette. J’roulais l’toile du sac d’grain à moitié rempli, et j’le calais sous ma tête comme un oreiller. J’étais pas encore prête à fermer l’œil, mais un peu d’confort n’allait pas m’tuer.

JANSilence a d’bonnes chances d’survie, et si Dugo’ l’suit à la trace, ça d’vrait êt’ d’bons alliés. J’attends d’voir c’que va donner l’type au camp, Griff’, l’gars couillu qu’est chauve ‘vec la peau grêlée comme si c’tait un Fangeux là. ‘m’a l’air prometteur, et mieux vaudra s’ranger d’son côté l’moment v’nu, j’crois.


Des petites infos qu’le blond saura utiliser à d’bonnes fins. Ça n’coûtait rien.


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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 3 EmptySam 20 Aoû - 4:46
Le gros premier du nom faisait autant de bruits que des chiens en ruts en train de se la mettre ; mais pour une raison qui te parut saugrenue, cela te sembla finalement peu désagréable. Ta tête te tournait et tu n’étais certainement pas en sécurité ; Rikni te soufflait que ta voie était la bonne, même s’il ne s’agissait pas là d’un chant de sainte figure.

« J’aurais pas eu instinctivement l’idée de foutre un coup de hache dans la diversion… mais je ne suis pas du genre à laisser passer des opportunités, » ricanas-tu.

La folie était une bien mièvre notion pour ceux qui n’avaient que trop peu d’imaginations ; coincés dans le carcan de ce qu’on leur inculquait, sans jamais remettre en question ce qu’il y avait autour d’eux, à leur naissance ou dans leur entourage plus ou moins lointain. Oh, tu ne remettais pas grand-chose en question, toi non plus ; mais les idées allaient et venaient, les plus pernicieuses ou les moins utiles filant plus rapidement que des étoiles dans les ciels sans lune.

« Quand on fait de la contrebande, on sait forcément compter ! »

Ton rire s’étouffa dans ta gorge ; tu t’étranglais. Le froid vous retrouverait vite et cela faisait bien une demi-journée que tu n’avais pas bu d’eau. Quand tu tâtas ton flanc à la recherche d’une précieuse gourde, rien ne flatta suffisamment tes doigts pour te contenter ; diablerie, tu avais du la faire tomber ou l’égarer pendant vos multiples courses. Tu haussas les sourcils, puis les épaules, dans une bref égarement avec toi-même ; et enfin, tu pensais à t’éponger suffisamment le visage avec ta manche pour te redonner un vague aspect digne. La faim… la soif… et la fatigue, presque une toute nouvelle trinité qui ferait assurément ressortir le meilleur de toi-même ; mais dans l’immédiat, ça te faisait quand même sacrément chier.

« Oh ! »

Tu te redressas, pas trop vite pour ne pas brusquer tes muscles endolories ; d’ailleurs, tu t’étais probablement déchiré quelque chose, vu la constante brûlure sous ton genou droit, mais bon. Tu décidas de ne pas t’en inquiéter et de piocher la petite sacoche que tu avais emporté. Dispersant la poussière entre toi et Jan du revers du gant, tu étalas sur le sol le drapé qui couvrait les quelques fruits séchés que tu avais récupéré. Tu gobas immédiatement le plus petit aux teintes orangées ; tu ne connaissais pas son nom, amis tu savais que c’était ton préféré. Et puis, bon, tu voulais bien partager avec une gueuse, mais il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin dans la bouteille avariée !

« J’ai trouvé ça en passant, maigre repas mais ça nous fera du sucre dans le sang pour la prochaine course. »

Tu paraissais probablement aussi détendu que d’habitude ; mais la fatigue te creusait les traits plus que jamais. Tu écoutas ce qu’elle avait à te dire ; Griff, oui, tu voyais de qui il s’agissait. L’un de tes intrigants était en place depuis quelques jours de plus que toi mais n’avait pas encore gagné ses bonnes grâces ; tu ferais en sorte de lui revenir utile, en tout cas. Et Rikni s’occupera de veiller silencieusement sur le reste.

« L’idée m’avait traversé l’esprit, en tout cas. Dans l’immédiat, il y a tout de même une personne dont j’espère acquérir prochainement les faveurs, » dis-tu sans t’enorgueillir d’un sourire en coin, mais plutôt d’un regard glissé.




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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 3 EmptyDim 21 Aoû - 16:16
JANL'coup de hache, c'juste mon âme d'artiste.


C'est vrai qu'le Bardaux n'méritait pas ça, s'il fallait s'soucier d'ça. C'tait un bon gars, qu'avait d'la force, pas beaucoup d'jugeote mais c'est pas vraiment c'que j'attendais d'ce genre de gus. Il était plutôt discret à côté d'Volène qu'était un pessimiste fini. Son seul défaut, ça a été d'se retrouver sur l'chemin entre moi et ma survie. Mauvais endroit, mauvais moment, c'est c'qu'on dit. Perdre des renforts était jamais sans risque, et j'me donnais pas pour objectif d'décimer nos maigres forces. Mais si l'Bardaux n'avait pas retenu son collègue transformé, on y serait passés. Et j'préférais tabler sur des cerveaux capables d'faire la différence sur l'long terme. Des bêtes d'bât, on en retrouvera à mesure d'enfoirés jetés d'la ville. Cet hiver, les températures allaient pousser tout l'monde à rester enfermé et à n'faire que de petites affaires. Mais dès qu'le printemps va repartir, j'm'attendais à devoir capter un sacré reflux de petites et grosses frappes.

J'voyais Vlad chercher un truc sur lui, autant dire qu'j'étais un peu moins euphorique d'un coup, même s'il aurait probablement pas été aussi indiscret s'il cherchait une lame. Et à un moment, il s'exclame un "oh" en tirant sa sacoche pour fouiner dedans. Il avait peut-être un joli caillou à m'montrer, comme les gamins qui s'excitent à l'idée d'te faire voir leur dernier bonhomme en bouts d'bois avec un peu d'ficelle. J'lorgnais quand même la besace au cas où, d'où il sortait une poignée d'fruits secs. C'était pas con. J'avais qu'des noisettes, des amandes et des cerneaux d'noix. L'genre que j'partageais pas avec les gars du camp. Alors en échange, vu que j'voyais pas d'gourde à sa ceinture — pourtant j'croyais lui avoir rappelé — j'attrapais la mienne. J'en débouchais l'goulot pour mieux m'enfiler une bonne rasade d'eau d'pluie, qu'avait un goût un peu acide, mais qui f'ra l'affaire. Puis j'lui tendais.

JANTiens. Laisses-en pour l'retour, j'pense pas en trouver ici.


Du coup, mon dû payé, j'piochais dans un petit morceau brun-noir, peut-être une mûre séchée, va savoir. Sous mes dents, j'sentais pas trop la différence, j'ai jamais vraiment eu l'goût des bonnes choses. Mais rien qu'un peu d'sucre était suffisant pour redonner un petit coup d'lucidité à tout ça. Tout en mastiquant, j'cherchais ma prochaine victime dans l'poignée dispersée parmi l'grain, m'enfonçant à moitié dedans.

JANAye, qui ça ? Y a d'aut' p'tits génies qui s'planquent ?


J'avais pas vu son expression, si bien que j'savais pas trop d'qui il parlait, ou s'il m'avait laissé une indication pour l'comprendre. Dans l'espèce d'lucarne qu'l'ouverture du silo laissait sur l'ciel, on remarquait l'descente du soleil et l'extérieur qui s'parait d'rose et d'orange. L'chaleur allait rapidement chuter.

JAN'Falloir qu'j'dise aux deux aut' d'rester barricadés ou d'nous r'joindre fissa… Y a pas grand place, mais on pass'ra mieux l'nuit si on s'tient chaud.


Et en m'débattant dans l'grain, j'attrapais l'trappe du silo pour essayer de hisser ma tête dehors, en espérant les voir d'là. J'me libérais une main pour siffler entre mes dents, l'regard vissé sur l'fenêtre d'où l'arbalétrier nous avait canardé. Y avait plus sa silhouette et son foutu chapeau d'paille, c'qu'était déjà une bonne nouvelle en soi. Mais un autre mouvement attirait mon attention, et j'devinais la tête d'Dugommier. J'essayais d'lui faire un geste en balayant l'air, pour qu'il comprenne qu'il devait s'magner, lui et son collègue. Pas la moindre idée d's'il m'avait comprise, j'me laisser tomber dans l'silo tellement j'étais assommée d'fatigue et qu'mes muscles refroidis m'tiraillaient d'toute part. Et j'en profitais pour râler un bon coup en massant mes épaules et mes cuisses, qui faisaient pas loin d'la taille d'Vlad tout entier.



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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 3 EmptyJeu 25 Aoû - 0:15
Ton esprit errait jusqu’à retrouver les quelques secondes fatidiques que vous retiendrez comme le le coup de hache. Tu te revis non loin faire un quart de tour pour aller en partie achever ce pauvre Badaux qui, certes, peut-être mériter mieux dans cette vie ; mais au moins s’était-il trouvé une utilité dans sa fin. Cela te suffisait, tu ne t’embarrassais pas spécialement des codes moraux que la plupart des hommes aimaient à porter comme un étendard, une bannière supposée les préserver des malheurs de ce monde. Finalement, tu ne rajoutas aucun commentaire ; tu ferais en sorte de rester du bon côté de son épaule si elle devait se pencher dans ta direction, comme tu souhaitas intimement que ne te vienne jamais l’envie de la voir du mauvais côté des Purificateurs ; ou tout simplement de ta lame.

Mais tu ejectas rapidement ce genre de considérations de tes pensées ; car tu avais soif, et faim. Il te fut difficile de savoir si le geste de Jan te surprit ; tu la vis te tendre sa gourde et tu la pris dans une main, l’observant un instant pour à la fois te raisonner et ne pas boire tout le contenu, ainsi que réfléchir à quel point le genre humain était intéressant. Finalement, tu pus te redresser pour n’en prendre que deux gorgées, légères et équilibrées afin de laisser suffisamment d’eau pour une nouvelle urgence ; mais aussi pour tout de même un peu de désaltérer. Le partage des fruits à coque se fit assez naturellement ; ta fatigue générale t’empêchait de pleinement réaliser le coup de doute et de méfiance que venait d’avoir ta compagne.

« Ah, tu as vu les autres ? » demandas-tu avec une curiosité presque innocente.

Dans l’urgence, tu n’avais pas pris le temps de jeter un œil nulle part ailleurs que là où tu devais aller ; et c’était déjà bien assez éreintant avec ta vision qui rétrécissait à mesure que le temps passait et que l’épuisement s’accumulait dans ton corps.

Tu ne sus pas exactement combien de temps passa entre vos derniers échanges qui relevèrent plutôt de banalités et le moment où le muet et son deuxième se ramenèrent. Tassés comme vous l’étiez dans le silot, tu te retrouvas pile à l’opposé de Jan ; ce qui était une chance comme une malchance. Tu parvins à te reposer, ton corps requérant plus de temps que tu ne le lui en aurais permis ; si tu pensas à ce que l’un de tes confrères eut la folie de te poignarder dans ton sommeil, le manque de danger immédiat (et ce malgré Volène et son raffut inégalable, quoiqu’un cri le repoussa plus loin quelques temps auparavant, ou peut-être plus tard ? Tout était si confus dans ta tête) te fit comprendre que tu n’avais plus grand-chose à craindre dans l’immédiat.

Finalement, le jour se leva et quatre personnes respiraient toujours dans le silo ; heureusement ni une de plus, ni une de moins. Tu laissas à Jan le soin de répartir les poids et de donner les ordres ; tu avais trop peu goûté à la position de gentil mouton qui suivrait son chien de bergerie, mais l’expérience avait quelque chose de fascinant. Toi qui aimait être le guide, prendre une place plus humble n’était pas désagréable ; même si cela voulait dire adoucir ton caractère et ta manière de pensée pour quelques heures.

Tu récupéras les affaires du Badaux sur le chemin du retour ; ah, tu regrettais de ne rien avoir pour le faire cramer, et tu n’étais visiblement pas le seul puisque Jan s’agita un temps avant de prendre une autre décision. Vous rentrâtes tant bien que mal jusqu’au village ; tu ne comptas pas les heures, estima plus ou moins un temps diablement long à mesure que tes pieds brûlaient de cette douleur propre aux muscles et aux os indisciplinés à un exercice.

Il fallut déposer votre gain qui, mine de rien, fut relativement conséquent ; ou en tout cas, proche de ce qui vous avez été demandé par Griff. Mais peut-être arrivait le moment le plus opportun pour toi, le plus complexe pour Jan ; car il fallait relater des événements, et tu avais tout intérêt à suivre la version de ta compagne.

En tout cas, tu ferais en sorte d’aller dans son sens sans paraître la brosser dans le sens du poil. Un petit exercice comme tu les aimais tant…




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MessageSujet: Re: Et l'hiver sera rude...   Et l'hiver sera rude... - Page 3 EmptyJeu 25 Aoû - 0:20
JANAye, j'pense qu'i's ont buté l'tireur.


Il s'fallait que d'quelques dizaines de minutes pour qu'les deux surins débarquent sur l'sommet du silo. L'choc de leurs pas m'faisait même sursauter, tellement l'repos dans ces marais était rare. Dugommier s'pointe le premier, tombe dans l'grain et s'colle à moi pour laisser d'la place à Silence qui suit. On était clairement serrés, pas loin du plafond, mais en refermant la trappe, l'chaleur allait rester. Et on en aurait besoin, parce que la nuit… con de nuit. Au village, dans l'marécage, on avait l'loisir d'se planquer un minimum du vent. Là, en hauteur, dans un cylindre d'bois qu'laisse passer les courants d'air glacés d'l'hiver à travers les planches, un enfer. Ça, et surtout l'Volène qui faisait des siennes. À s'en taper l'tête contre les murs, j'te l'dis. J'ai à peine fermé l'œil, moi qu'ai horreur des endroits clos, j'en avais des sueurs froides tout du long. Il s'peut qu'j'aie collé mon coude dans les côtes d'mon voisin qui remuait trop alors qu'il pionçait comme un bébé. Et les cauchemars, ces saletés de cauchemars…

L'aube s'est levée bien trop tôt à mon goût, j'étais coincée d'partout. Silence a été l'premier à ouvrir l'porte et sortir avec l'aide d'Dugommier. À notre tour, c'était l'moment de remplir nos sacs d'grain. Sept sacs et demi, huit si l'un d'eux avait pas été percé dans l'boucherie d'la veille, mais qu'Silence a réparé avec c'qu'il a pu trouver dans l'cabanon du tireur d'carreaux en ardoise. On les empilait sur l'toit avant d'sortir, et d'les lier deux par deux avec un cordage qu'Dugo avait pris avec lui en partant. Ça nous facilitera la vie, avec une quasi dizaine d'kilos à trimballer chacun en marchant avec d'l'eau croupie et d'la vase jusqu'à mi-cuisse.

S'posait la question d'savoir comment échapper à Volène. On retournait l'sujet pendant une bonne partie d'la matinée, coincés sur nos tuiles et nos charpentes. Mais un hurlement à glacer l'sang jaillit d'la forêt, bien plus à l'est d'notre position, le long d'la route qui menait à Sarrant, ou peut-être bien jusqu'à Marbrume. J'avais déjà entendu c'genre de son, c'cri aigu, strident même, qui t'perce les tympans même à des lieues d'là. Un truc qu'était capable d'attirer les Fangeux d'n'importe où, et on voyait Volène s'affoler en contrebas. C'était sans doute une sorte d'signal d'rassemblement, quelque chose qu'ils reconnaissaient instinctivement et vers lequel ils se ruaient toujours. C'était notre seul fenêtre d'survie, le seul moment où un Fangeux pouvait lâcher sa proie et abandonner sa traque. On devait rebrousser chemin, s'vautrer dans l'trou laissé par Vlad dans la charpente puante d'moisissure, pour arriver sur l'terre ferme. Et Serus sait qu'j'aime la terre ferme, moi et les hauteurs, on n'est pas amies. L'chemin vers le sud était tout tracé, et passait notamment par l'champ où on avait laissé Bardaux. Si c'tait maintenant une d'ces créatures d'Etiol, lui aussi aurait dû suivre l'appel. Pourtant, il était encore l'nez dans la boue, au milieu des cadavres d'sangliers et d'chiens.

Il n'restait qu'une chose à faire, au moins lui trancher l'tête, car elle se serait pas recollée dans sa résurrection. J'avais pas d'quoi l'faire flamber, mais j'attrapais sa crinière poisseuse pour jeter sa trogne plus loin, à donner à n'importe quelle bestiole encore bien vivante qui passerait dans le coin. Et Vlad en profitait pour récupérer c'qu'il avait emporté. Une dague, une matraque, et ses deux sacs d'jute. On n'en avait jamais d'trop, et ça nous permettait même d'consolider ceux qu'on avait déjà.

Il nous aura fallu cinq heures. Cinq putain d'heures pour rejoindre l'village, au fort d'la journée. La fatigue, l'manque d'eau et d'nourriture, l'effort d'porter ces kilos d'blé et d'lever encore le pied quand toute la boue voulait bien d'tes bottes, c'était un enfer pour n'importe qui, même l'gus l'plus aguerris comme j'l'étais. L'endurance m'faisait pas peur, mais j'en voyais vraiment pas l'bout. C'est presque si j'ai pas eu du mal à m'redresser après avoir déposé les sacs pleins au centre d'notre petite place barricadée. Les deux confrères remerciaient l'bourgeois d'avoir tenu jusqu'au bout, enfin, Dugommier parlait pour Silence, lui qui crachait pas un mot.
Mais il m'restait le plus important : faire l'inventaire d'c'qu'on avait vu, entendu, perdu, ramené. Si on avait été accueillis en héros par ceux qu'bougeaient moins leurs culs, on comptait aussi des pertes qu'allaient m'valoir des remontrances, j'le sentais à la tronche qu'tirait Griffith quand on allait s'isoler dans sa piaule.

Moi, tout c'que j'voulais… c'est prendre un satané bain.
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