Parce que tu es tout ce qui m'importe [PV Ilhanne]

Il s'était porté volontaire pour cette mission, moyennant finances, louant officiellement ses services de Mercenaire auprès d'un riche fermier local qui avait en charge d'aller chercher les premières récoltes au Plateau du Labret. Le voyage aller s'était passé sans encombre et ils avaient progressé rapidement, si bien qu'avant que le jour ne tomba -et grâce à un départ fort matinal- ils étaient arrivés sains et sauf à destination où un repos bien mérité les attendaient tous avant qu'ils ne repartent le lendemain; quartier libre leur étant donné à condition qu'ils soient prêts en temps et en heure pour le départ. Les charrettes seraient remplis au lever du jour par les fermiers qui travaillaient avec acharnement et la faim reculerait enfin au sein de la Cité sitôt que ces denrées fraiches seraient arrivées à Marbrume. Échangeant quelques brèves salutations avec ses collègues de mission, le jeune homme s'était éloigné en quête d'un endroit où il pourrait se restaurer, demandant son chemin à l'un des hommes d'arme chargé de la protection de la zone. Les barricades semblaient encore fraichement montées et il se demanda brièvement si cela était du à une météo défavorable, à une attaque de Fangeux, ou à un cumul des deux. Son armure de cuir sur le dos et son épée au côté, Finn soupira en sentant ses muscles protester contre la journée de marche forcée qu'ils avaient tous dû faire pour parvenir sur place avant la tombée de la nuit. Ce fut une odeur de cuisson qui attira son attention, celle d'une viande en train de griller, probablement au-dessus d'un bon feu. Se fiant à son nez -et à son estomac qui gargouillait férocement- il hâta le pas jusqu'à une immense tente d'où s'échappait bruits de conversations et rires plus ou moins sonores.

- Est-ce ici que l'on peut se restaurer ?

Demanda-t-il à un homme qui venait de quitter l'endroit, lequel acquiesça vivement, un sourire aux lèvres, quoique légèrement sombre. Il lui affirma que l'on pouvait même boire, mais qu'il valait mieux ne pas abuser au cas où il faudrait essuyer une attaque. Face à tant de gravité, Finn acquiesça à son tour et, après une tape sur l'épaule de l'homme et un remerciement, passa l'entrée de l'endroit pour découvrir une série de tables en bois et de bancs faits main, qu'un ancien artisan comme lui ne pouvait qu'identifier comme ayant été faits dans l'urgence. L'endroit respirait bon le repas pris avec plaisir, quoique l'on ne hurla ni ne cria pas inutilement en cet endroit, comme si cela risquait d'attirer des ennuis non désirés, probablement l'attention des Fangeux. Soupirant de soulagement d'être arrivé à bon port, le jeune homme remonta l'allée en direction de l'équivalent des fourneaux, salivant d'avance à l'idée du bon repas qu'il pourrait faire. Tout à son objectif qu'il fixait avec envie, il ne remarqua pas la chevelure rousse à l'orée de son champ de vision, à quelques mètres de là, qu'il dépassa sans s'en rendre compte.

« Bah tien, compte là-d'sus. »

Pis quoi encore que je le laisse dire qu’Anür elle avait des jambes . Il doutait de rien Edwin, à clamer comme ça que c’était lui qui avait abattu le gibier qui mijotait doucement depuis quelques heures. Je l’avais bien vu la trajectoire de sa flèche et c’était celle qui était allé se ficher dans le tronc pas bien loin. Au mieux elle lui aurait égratigné le flanc et on l’aurait eu dans l’os, tu parles d’un exploit. Mais il y tenait à sa version.

Ça faisait quoi ? Une semaine et demie, peut-être deux semaines où j’étais arrivé au Labret, envoyé après avoir été plus ou moins remise sur pied, avec les moyens du bord autant dire pas grand-chose. Et je l’avais senti le manque de moyens, ça avait été long et dur, surtout pour mes nerfs. L’impatiente, infoutue de rester en place que j’étais avait failli avoir l’impression de finir dingue à pas pouvoir se lever, à pouvoir se déplacer de rien et d’une inutilité pesante. Mais là, là, je commençais à reprendre la routine, d’ailleurs je boitais plus, ou presque plus, ça pouvait me reprendre le soir quand j’avais beaucoup marché, que j’étais fatiguée ce soir, si je forçais un peu, ça reviendrait forcément. Les petites habitudes s’installaient.

On était dans ce qui servait de taverne, ou de réfectoire, en fait, ça dépendait des moments des jours, ou plutôt de l’humeur du jour. Ce soir c’était plutôt calme, voir même un peu léger, un soir normal. J’étais au sein d’un petit groupe de gens de Traquemont, des gens de Marbrumes, un peu de tout. Je sociabilisais un peu avant demain, je devais accompagner un convoi, un convoi très important pour la ville en compagnie du Chevalier de Nouet. Ayant été assez bête pour me porter volontaire, je profitais un peu, qui savait ce qui pouvait se passer demain.
Il aurait été aussi compliqué de prévoir ce qui allait se passer alors là de suite.

Quelqu’un était entré, comme ça arrivait souvent dans ce genre d’endroit, j’avais pas regardé qui c’était, occupé à me m’expliquer vivement avec Edwin de ce qui s'était réellement passé. Alors bon, un quidam qui passait la porte, sur le coup, ça m’avait fait ni vraiment chaud, ni vraiment froid. J’avais quand même noté que c’était grand, un peu plus que la plupart des personnes qu’on pouvait croiser comme ça dans là au quotidien. Puis il était passé dans mon champ de vision et là, ça me l’avait coupé net. Il était trop heureux l’autre que je me taise. Mais j’étais pas sûre de ce que j’avais vu.
Je savais que le convoi était arrivé, ça avait parlé que de ça dans tout le village. C’était facile de deviner que si c’était ben Finn, il était arrivé avec eux. Il était mercenaire après tout. Même dégaine, même impression. Ça me faisait bizarre de le voir comme ça, hors des murs, un peu une habitude. Puis en même temps j’étais même pas sûr que s’était lui.

« Bah t’vu un fantôme ? »

Y'avais qu’un seul moyen de le savoir de toute façon.
Je m’étais levée et avais slalomé entre ce qui servait de table pour poser ma main sur son bras, je serrais pas, je voulais pas risquer de m'ne prendre une. Au pire si c'était pas lui, je pourrais prétexter d’un mauvais équilibre et partir en clopinant

Il était là, l'objet de sa convoitise, celui qui laissait échapper un délicieux fumet de viande odorante dont la simple fragrance suffisait à lui donner l'eau à la bouche. Ses pieds le menaient tout droit vers son objectif, dans un élan impétueux que ni le vent, ni la pluie, ni la tempête et encore moins les Fangeux n'auraient pu arrêter ! Oh que oui il allait dévorer cette viande, mordre à pleines dents et se remplir l'estomac d'autre chose que ces lanières de bœuf salé et séché qui lui servaient de repas lorsqu'il devait voyager, ou même ce morceau de pain qui n'avait pas suffit à le caler totalement, bien qu'il se soit offert le luxe d'un petit bout de fromage. Non mes amis, c'était d'une bonne viande bien juteuse dont il avait envie et il était en route, en avant pour manger et rien ne le... Une main, sur son bras, à peine posée, même pas oppressante, mais qui suffit à le stopper net et à lui faire tourner la tête. Mais au lieu d'un solide gaillard qui voudrait lui chercher quelques ennuis dont il se passerait bien, c'était une chevelure rousse surmontant un visage merveilleusement familier et dont les yeux le fixait avec un mélange incertain d'appréhension et d'hésitation. Le choc fut le même pour Finn que celui qui frappa la jeune femme quelques secondes plus tôt, puis ce fut un immense sourire qui prit place sur ses traits, éclairant son expression et chassant la fatigue de la journée d'un battement de cils surpris.

- Ilhanne !

La joie, le bonheur à l'état pur, se reflétèrent dans les yeux clairs du jeune homme, lequel sous une impulsion soudaine, pris le visage de la Chasseuse entre ses mains et l'embrassa devant tout le monde sans se soucier des regards indiscrets. Trop heureux, il ne s'éternisa pas cependant, ses lèvres s'écartant des siennes alors qu'il se redressait, gonflé à bloc du plaisir de la voir.

- Mais qu'est-ce que tu fais là ? Tu es en mission pour Traquemont ? Si j'avais su, quelle bonne surprise !

Une chance qu'il ne soit pas davantage expansif, sans quoi s'il avait écouté le coup de folie de son cœur, l'aurait-il faite tourner dans ses bras comme dans ces chansons contées par les bardes voyageurs. Au lieu de ça, il entreprit de l'observer des pieds à la tête, ses sourcils se fronçant légèrement en notant, consciemment comme inconsciemment, certains légers détails déplaisants.

- Tu as l'air fatiguée, la chasse a été rude ces temps-ci ?

Pauvre naïf qui n'imaginait pas un seul instant que s'il n'avait point eut de nouvelles durant plusieurs semaines, ce n'était pas parce que la belle rousse était débordée de travail, mais parce qu'elle avait du endurer maintes souffrances entre les mains d'un Banni. En tout cas son bonheur de la revoir n'était pas feint et son sourire revenait déjà à la charge.

Oh merde, c’était bien lui.

C’était bien, enfin je crois, mon cœur c’était emballer d’un coup. Lui, il avait semblé sur le cul, mais égale à ce que j’avais vu de lui-même, peut-être même un peu trop, il s’était remis à sourire. Un grand sourire, tellement spontané et sincère. Ça avait fait éclater ma petite bulle, il était bien là, il était bien vrai et j’avais peut-être fait une connerie.

L’idée m’avait effleuré l’esprit juste un peu, juste une fraction de seconde, parce qu’il venait de semer la confusion, rendant tout ça encore plus réel. Ses lèvres sur les miennes, ça avait quelque chose de légèrement familier, d’affreusement plaisant, comme si ça m’avait manqué. Mais ça n’avait duré qu’un instant, un instant au milieu d’un endroit public. Oh merde.
Je crois que j’avais piqué un fard, mais j’étais pas sûre, je me sentais juste particulièrement embarrassée. Heureusement, la moitié qui était là en avait eu plus ou moins rien à battre, et l’autre moitié avait juste jeté un coup d’œil, au pire un peu indigné, au mieux neutre, en passant par attendit ou amusé. Il n’y avait que le petit groupe avec qui j’étais quelques instants avant qui avaient sifflé.

Trop de questions d’un coup !

La chasse… C’était pas ça, c’était pas ça qui m’avait complètement détraqué. Mais je pouvais pas lui dire, j’avais cette certitude. Il c’était montré compréhensif, oui, mais aussi protecteur et excessif. J’avoue, j’avais aucune idée-ci ça lui ferait quelque chose ou pas, c’était juste un pressentiment. Puis même ça faisait mal, et pas seulement physiquement, à l’ego aussi, à la fierté, avouer qu’on s’était fait choper casser et séquestrer par un taré, ça faisait un peu que remuer le couteau dans la plaie.

«Tu sais, ça dépend des jours … Aujourd'hui on a eu d'la chance.»

Dans un sens, c’était pas faux. C’était dans un moment de chasse que j’avais fait la sale rencontre. Un jour je le retrouverais et je lui payerais mon due à ce connard fini. Mais pas maintenant, je remarchais à peine bien, j’avais clairement pas les moyens d’aller à la chasse au banni psychopathe.

« J’ai été envoyé ici y'a pas longtemps. Traquemont a participé à la reprise du Labret, donc il y a des gens du fort ici, je suis arrivé y pas longtemps. »

Je n'étais encore pas très à l’aise à cause de son accès d’affection spontanée. Je savais pas trop quoi faire, j’allais pas demander ce qu’il faisait là, je le savais déjà, enfin y'avais de très grandes choses que sache pourquoi.

« Tu… euh … tu peux nous rejoindre si tu veux pas être tout seul. Ou je … je peux rester avec toi si tu préfères. »

Le petit groupe était calme, au moins autant qu’il était capable, ça se prenait la tête sans grandes conséquences.

Il était là et bien là, mais surtout la retrouver ici semblait avoir chassé la fatigue accumulée durant cette longue journée de marche et, bien que ça soit une illusion du à l'adrénaline, il se sentait capable de courir et bondir en tous sens, n'eut été son estomac vide qui ne cessait de se tordre. Ilhanne avait l'air fatiguée, mais probablement cela était-il du au rythme qu'elle tenait lorsqu'elle n'était pas à Marbrume et, ne désirant pas la noyer sous un flot de questions, Finn parvint à s'abstenir de demander davantage de précisions, chose assez surprenante chez lui pour être notée. Il écouta avec attention l'information sur l'aide qu'apportait Traquemont au Labret, hochant avec un peu plus de gravité la tête, avant de sourire légèrement, jetant un regard à la tablée qui avait sifflé quand il l'avait embrassé. Ses yeux clairs croisèrent quelques regards plus ou moins curieux, voir même amusés, avant qu'il ne reporta son attention sur la jeune femme, semblant se calmer un peu, se radoucir à vue d’œil.

- Comme tu préfèreras, du moment que je peux manger, moi cela me convient.

Et tout en disant cela, il reprit son chemin en direction de la viande, le pas plus tranquille et s'assurant d'un petit geste que la Chasseuse le suive. Jamais il n'aurait cru qu'il aurait la chance de la revoir ici et son cœur battait la chamade dans sa poitrine, un coup à faire vibrer son armure de cuir vu le rythme effréné.

- Je repars demain matin avec le convoi de nourriture pour la Cité, c'est un gros fermier qui gère tout ça et qui nous a embauchés, moi et quelques autres volontaires. Des fois qu'on croiserait une menace en route.

Arrivé devant le feu crépitant et l'homme qui faisait office de chef cuisinier, le Mercenaire du ravaler sa salive avant de demander la plus grosse part qu'on puisse servir, expliquant ce qu'il venait de dire à la rousse concernant le fait qu'il participait à protéger le fruit de leur labeur à tous. On le servit comme les autres, peut-être avec un peu plus de jus de viande, mais il fallait bien rationner et, son morceau de pain en prime dans l'assiette, on le laissa s'éloigner avec Ilhanne en lui souhaitant bonne chance pour le lendemain.

Ça m’avait arraché un petit souffle amusé. La faim elle nous tiraillait tous plus ou moins ces derniers temps. Au labret, c’était un peu moins pire, mais ce n’était pas non plus comme avant. Aujourd’hui on avait eu la chance de tomber sur quelque chose d’assez imposant ça avait fait pas mal de viande.
J’avais pas eu tord de penser qu’il était là pour le convoi. En même temps la coïncidence aurait été trop grande si ça avait été autre chose, puis il pouvait pas être là depuis plusieurs jours, le village était pas si grand je l’aurais forcément vu un moment, avant. Parfois il ne fallait pas chercher trop loin, la solution la plus probable était la bonne.

J’étais retourné m’asseoir à la table de mes acolytes du soir et plus largement de ces derniers jours. J’avais peur de dire ou faire quelque chose que j’aurais regretté si j’étais resté seule avec lui maintenant. Heureusement aucun d’eux savait vraiment ce qui m’était arrivé, au mieux ils m’avaient vu boiter, mais avec un peu de chance ils n’y feraient pas allusion.

« Salut le joli cœur. »

Qu’il l’avait pas loupé Edwin, quand Finn était arrivé. Bah oui fatalement, c'était leur nouveau sujet d’intérêt. On s’amusait avec ce qu’on pouvait ici.

« Tu fais partie d’ceux qui sont arrivé avec les convois de demain ? Ilhanne aussi elle y ‘ra, je crois qu’elle accompagne un chevalier. »

Fatalement ils avaient pas entendu les quelques mots de mon mercenaire, tout à l’heure, enfin plutôt quelques instants aux parts avant. Je me serais bien passé de l’allusion au fait que j’allais faire partie de l’escorte du lendemain.

« J’pensais pas qu’elle avait un régulier la rouquine avec son sale carafon. »

Ça m’avait fait soupirer et faire une moue pas très convaincue, parce que bon, c'était un peu gratuit, mais pas tant que ça au final. C’était vrai que je faisais rien pour vraiment lisser le sale caractère que je pouvais me taper parfois.

« T’dis ça seulement parce que je te laisse pas t’attribuer le mérite de ma chasse sans moufter.

- On a d'ja dit qu’ta flèche, s'était celle dans l’arbre bordel ! »

- Bah tien. »

Lui, il s’était un peu énervé, mais moi j’étais resté calme. J’avais eu envie de me rapprocher de Finn mais j’osais pas tellement, pas là, au milieu de tout le monde et pas en ne sachant pas comment il allait prendre le fait que j’allais être de la partie demain.

Suivant Ilhanne avec un air de bonne humeur, Finn entreprit de s'assoir à côté d'elle à la tablée du groupe avec lequel elle semblait d'accointance, accueillant la salutation d'un des hommes avec un sourire en coin indiquant qu'il prenait cela comme un compliment, sans doute par excès de confiance en soi quant à l'effet qu'il pouvait produire. Acquiesçant à la question de celui qu'on lui présenta comme étant Edwin, le Mercenaire prit les premières bouchées de son repas avec un soulagement qu'il dissimula à peine, affamé qu'il était après cette longue journée de marche.

- Comme quoi elle cache bien son jeu.

Lâcha-t-il avec un clin d’œil en direction de la rousse, tout espérant qu'il n'allait pas s'en prendre une pour cette remarque à double sens caché. Il demeurait un homme ayant l'habitude de ce genre de conversations, de même qu'il entendait trop souvent parler des femmes compétentes comme si c'était de parfaites incapables, ce qui ne manqua pas de se reproduire une fois encore. Aussi tout en écoutant l'échange, mangea-t-il -ou plutôt dévora-t-il- sa viande avec appétit, avant de rire un peu après avoir avalé le dernier morceau, secouant la tête comme si tout cela l'amusait, ce qui était le cas.

- Mouais, j'ai vu comment Ilhanne savait y faire, je préfère pencher sur sa flèche dans la cible et la tienne à côté, sans rancune. Elle m'a déjà montré ce qu'elle savait faire, même moi je ne tire pas aussi bien à l'arc.

Ce qui venant d'un homme d'arme apparemment expérimenté n'était pas peu dire, cependant si le dénommé Edwin tentait quoi que ce soit, il risquait fort de trouver preneur, l'épée au côté du jeune homme ne demandant qu'à servir, sans parler de sa dague. Tendant la main, il vint saisir une boucle rousse qu'il observa brièvement, avant de la relâcher et de reporter son attention sur la tablée, la désignant du pouce avec un large sourire.

- Moi j'vous l'dis ! On sera bien content de l'avoir demain, nous ne serons pas assez nombreux en cas d'attaque et mieux vaut limiter au maximum les pertes en ayant de bons éléments. Qui sait, une de ses flèches m'évitera certainement de me faire mordre le cul par un Fangeux.

Rire de la tablée, alors que Finn arborait ce large sourire plein d'entrain qu'on lui connaissait toujours, même s'il avait les traits légèrement tirés par la fatigue. Il sauçait à présent le jus de viande avec son pain, savourant la fin de son repas avec l'envie d'en manger davantage. L'inconvénient des missions, c'est qu'on devait se plier aux aléas de l'approvisionnement et c'était bien la preuve qu'il était temps que de nouvelles denrées ne parviennent jusqu'à la Cité et ses alentours.

J’avais pas rougi cette fois, mais j’avais levé les yeux au ciel. J’avoue, ça m’avait arraché une risette amusée. Ça les avait fait siffler encore, ça les avait fait glousser. Heureusement que demain je partais ça m’aurait sûrement poursuivi longtemps, un double sens comme ça. Si il savaient, mais ils savaient pas. Ils en savaient rien du tout, tous, rien de ce qui s’était passé juste avant de partir pour le labret. Et ils ne sauraient jamais sûrement, surtout pas. J’en étais pas vraiment fier, pas fier de lui avoir fait ça.

J’avais passé la main dans mes cheveux, c’était un geste moins connoté, plus inoffensif que secouer la tête, mais pour moi, c’était pareil, je voulais chasser les souvenirs nébuleux de cette soirée, les sensations qui pouvaient revenir diffusent. Mais ça me laissait pas tellement tranquille.
Heureusement le changement de sujet était arrivé, d’ailleurs ça m’avait fait lever un sourcil. Il m’avait vraiment vu manier un arc . Si oui je n’en avais aucun souvenir. Je me souvenais du reste, de la première rencontre, pas vraiment plaisante pour moi, de la deuxième, de la discussion du baiser de la frousse de tout, de la troisième des thermes…

Ne pas penser à ça maintenant, c’était une mauvaise idée.

N’ayant quand même pas résisté à m’approcher m’installer plus à côté de lui. Edwin s’était mis à se marrer avec les autres, il était fier le gars, mais ce n’était pas un sale con, parfois il s’emportait un peu … beaucoup. Mais généralement quand on le faisait redescendre sur terre, ça se passait bien.

« Prie quand même un peu, parce qu’une seule flèche ça l’arrêtera pas le mordeur. Mais je maintiens qu’ma flèche c’est celle qui a fini dans la gorge de la bête ! N’en déplaise à môsieur. »

Ça m’avait juste fait soupirer, parce que de toute façon ça servait à rien, c'était un débat complètement stérile. Moi je savais que ma flèche s’était la bonne, lui il se démerdait.

« Eh beh, il avait faim le joli cœur, j’espère qu’il dévore pas la rouquine aussi vite. »

Premier sous-entendu graveleux, fait par une autre femme, elle était plus âgée que moi, devant approcher les trente ans. On avait parfois tendance à se regrouper, être ensemble ça nous rassurait, ensemble les hommes hésitaient plus à venir nous chercher la merde. Ça changeait pas nos vies, ça les dissuadait pas complètement, mais au moins pendant un petit moment dans notre temps libre on avait plus ou moins la paix.

Jetant un œil à Finn. Merde, j’étais en train de me dire que j’aurais peut-être pas dû le ramener ici, qu’on aurait du reste tous les deux.

Finn n'avait jamais vu Ilhanne tirer à l'arc, de même qu'il ne l'avait jamais accompagnée à la chasse, mais au vu de l'arrogance du type et de la droiture qu'il connaissait de la jeune femme -sans parler des élans de son cœur- c'était donc elle qui avait le bénéfice du doute et non Edwin. Qu'à cela ne tienne, sa plaisanterie sur le Fangeux lui mordant le cul eut le mérite de détendre l'atmosphère et, bien qu'il y eut une dernière remarque sur la flèche, au moins l'affaire semblait-elle classée. En lieu et place, un sous-entendu graveleux venant de l'autre femme du groupe attablé ne manqua pas de faire hausser un sourcil au Mercenaire, avant qu'un large sourire amusé n'éclaire son visage.

- Les jolis cœurs ont toujours besoin de bien manger pour se battre avec force, mais pour ce qui est de Ilhanne...

Il tourna la tête vers la rousse et la fixa, d'un regard bien plus appuyé et profond, presque intime alors que leurs regards se croisaient, puis il reporta son attention sur celle qui avait parlé, reprenant un air seulement amusé et joueur, sans plus.

- C'est un secret.

On le charria, on le hua gentiment et on tenta bien de lui extorquer des détails, mais le jeune homme secoua la tête en riant, semblant visiblement dans son élément au milieu des mâles du groupe, bien qu'il sembla demeurer fidèle à lui-même, tout au plus forçait-il le trait de sa personnalité pour mieux s'intégrer. On lui offrit un verre d'alcool qu'il accepta, buvant en toussant à peine et comparant le breuvage à un "petit lait chaud avant d'aller dormir", ce qui fit se gausser les gars présents qui affirmaient que c'était une boisson d'homme.

- Je vais vous dire, si vous voulez vraiment être au mieux de votre forme, il n'y a que l'entrainement qui peut vous aider. Il faut placer la barre au-dessus de vos capacités, pour vous dépasser.

La discussion dérivait sur les faits d'armes et sur le maniement de ces dernières, ce à quoi Finn semblait être davantage passionné, chose peu étonnante quand on y réfléchissait.

- Après j'vais vous dire, le marteau sur la tête du Fangeux, ça peut vous dépanner si vous êtes désarmé et que vous n'avez rien d'autre à portée. Croyez-moi, faut pas plus de trois ou quatre coups pour que ça explose comme un fruit trop mûr.

Et ça riait, ça riait, mais si le Mercenaire souriait, une petite lueur au fond de ses yeux clairs indiqua qu'il pensait à un souvenir précis et, finissant le second verre qu'on lui avait servit, se leva en tapotant discrètement l'épaule de Ilhanne. Il s'étira, puis leur fit un signe de la tête.

- Sur ce j'vais aller me dégourdir les jambes avant de dormir ! Tu m'accompagnes ?

Demanda-t-il à la rousse, bien conscient que quoi qu'il dise, les autres allaient de toute façon se faire des idées et qu'ils n'étaient plus à ça près depuis l'instant où il l'avait embrassée devant tout le monde. Qui sait, peut-être que de savoir qu'elle avait un "régulier" dissuaderait certains de trop s'approcher.

Il voulait dire quoi ce regard . Il essayait de me faire passer un message . Fallait que je passe à la casserole ce soir sinon il m’aimait plus . Ou alors il essayait de sonder mes souvenirs. Bordel heureusement que c'était pas possible en deux moins il s’était passé tellement de choses qu’il valait mieux pas qu’il sache que j’en avais presque pas de regret de pas lui en parler. Presque parce que quand même mentir, même pas omission, ça me plaisait pas des masses, surtout à quelqu’un qui faisait tant d’efforts.
Puis je restais pas fière.

« Ah non tu la gardes ton horreur, la niôle faite avec les moyens du bord j’ai déjà donné et je ne suis pas prête de recommencer ! »

On m’avait traité de fillette pour avoir refusé un verre du tort boyau local. En plus de me rappeler toute seule comme une grande de cette soirée, le monde faisait bien en sorte de me la remettre en mémoire. Les effluves d’alcool, ça faisait remonter des impressions des sensations. Les rires ils faisaient écho à ceux des gardes du fort. Finalement j’aurais peut-être dû le prendre ce verre, ça aurait peut-être noyé tout ça.

Heureusement la discussion n’avait rien à voir. Ça parlait de tout, de rien, ça bâchait, ça piaillait, ça me faisait oublier. J’avais aucun mal à me prendre à la conversation, j’étais peut-être pas la personne la plus sociable du monde mais dans un groupe que je connaissais déjà, j’avais rarement des soucis pour parler, même si j’avoue qu’au début la présence de Finn m’avait un peu … elle m’avait fait ma retenir sur certains points. J’étais déjà loin d’être parfaite et l’idée de lui déplaire ça me plaisait pas vraiment au fond.

Ça avait conclu en parlant de coups de marteaux sur la tête d’un fangeux Fatalement, la manière dont il avait présenté ça nous avait fait tous rire, puis j’avais vu cette petite étincelle et ça m’était revenu Il devait forcément parler de ça … Je lui avais pris la main un peu maladroite, juste quelques instants, de toute façon après une embrassade en public, une main tenue j’étais plus à ça près.

Aïe marché… Marcher pas trop longtemps j’espèrerais, si ça s’éternisait trop ça risquait de tirer dans ma jambe et je risquais de boitiller voire de boiter complètement et là j’échapperais pas aux questions.

« Bien sûr. »

J’avais entendu quelques réflexions salaces en sortant, puis plus que des bruits étouffés par la porte en bois. Dehors s’était calme, la nuit venait juste de tomber, il faisait sombre, pas encore noir, mais les rues du village étaient presque désertes malgré les solides palissades qui l’entouraient. Le bruit de la nature les grillons, les vents, ce genre de chose qu’il n’y avait pas vraiment ni dans les marais, ni dans Marbrume.

« Je peux te raccompagner si tu veux, ça nous changera. »

Que je m’étais gentiment moqué. C’était vraie que c’était toujours lui qui jouait au gros bras au grand cœur et qui m’escortait jusque devant chez moi ou devant l’auberge du vieux Charles. Ici j’étais dans une espèce du bâtiment qui tenait lieux de dortoir pour tout ce qui était féminin et qui avait pas un rôle de femmes comme on l’entendait, les miliciennes, les chasseurs, les mercenaires ce genre de choses. C’était un foutoir sans nom, et le changement incessant d’occupantes aidait pas.

Mais en même temps, je savais pas non plus où lui il allait dormir ce soir.
Avant de nous mettre en route je lui avais attrapé le bras.

« Finn je … fin … tu m’as manqué. »

Et de me blottir un peu contre lui. C’était vrai qu’il m’avait manqué, même si finalement j’en prenais vraiment conscience que maintenant.

S'il ne s'était pas attendu à ce que Ilhanne vienne lui prendre la main, Finn n'en montra cependant rien de plus qu'un rapide et discret coup d’œil, avant de serrer ses doigts contre les siens avec un mélange entre besoin pressé et apaisement. Il prit congé en réussissant à se faire accompagner par la jeune femme et, une fois qu'ils furent enfin seuls au-dehors, expira fortement sans se cacher du soulagement qu'il éprouvait. Sociabiliser, il savait faire, mais la fatigue n'aidait pas et nécessitait qu'il se contrôla plus que d'ordinaire pour paraitre enjoué.

- Je veux bien oui, d'autant que je n'ai aucune idée de l'endroit où je suis censé dormir.

On ne lui avait rien dit, chacun étant partit vaquer à ses occupations et lui-même ne s'en étant guère préoccupé sur le coup, ne cherchant qu'à se restaurer avant toute chose, s'assoir un peu et, de ce fait, profiter un peu de cette soirée. Le Mercenaire venait à peine d'amorcer un pas qu'une main sur son bras l'arrêta, le faisant pivoter vers la Chasseuse qui, comme dans le réfectoire, l'arrêtait avec une douceur aussi surprenante que les paroles dont elle usa... et surtout de l'étreinte qui s'ensuivit.

- ... Tu m'as manqué aussi.

Souffla-t-il d'une voix un peu basse, passant ses bras autour de la rousse pour la serrer plus étroitement contre lui, déposant un doux baiser sur son front avant de soupirer de nouveau, se détendant visiblement à son contact. Il ignorait si c'était leur dernière entrevue qui avait permis d'en venir à de telles démonstrations de tendresse, mais il en était des plus heureux et espérait pouvoir rassurer celle à qui il tenait plus que tout.

- Tu es sûre que ça va ? Tu as l'air... soucieuse.

Le terme n'était sans doute pas le bon, mais Finn ne parvenait pas à déceler la chose qui le dérangeait, songeant que sans doute il se faisait des idées. Sa main vint caresser la joue de Ilhanne avant qu'il ne lui offre un tendre sourire, la couvant de ce regard éperdu d'amour qu'il n'avait que pour elle seule. Assurément, il était irrattrapable dans son genre.

- J'aimerais beaucoup qu'on passe cette soirée ensemble, j'ai beaucoup de choses à te raconter et je n'ai pas envie de dormir tout de suite alors que tu es ici avec moi.

Sans aller jusqu'à parler de romantisme, l'on pouvait sans se tromper affirmer que le jeune Mercenaire avait un petit côté fleur bleue qu'il cultivait en présence de la rousse, seule habilitée à voir cette facette de l'homme qui, en d'autres circonstances, était capable de tuer froidement quiconque était désigné comme cible à abattre par la Compagnie des Lames ou au regard de ses propres principes.

Fin avait semblé raide, tendue, enfin ça ne se voyait pas tant, mais surtout que j’avais senti ses muscles se relâcher contre moi. J’aurais pas pensé que ce genre de discussion lui aurait été éprouvant. C’était normal de pas tout connaître, de pas tout comprendre de Finn, finalement, même si j’avais souvent l’impression de la cerner facilement, je le connaissais pas, pas plus que ça, pas plus que quelqu’un que j’avais vu trois fois. C’était quelque chose à ne pas oublier.

Mais je savais pas trop, contre lui je me sentais bien, ça avait pas grand-chose de logique en fait, voir je trouvais ça un peu con, mais c’était pas comme si c'était quelque chose que je pouvais maîtriser, éprouver.

Je venais de me rappeler de quelque chose, là, en l’écoutant parler, enfouie, blottie contre son armure de cuir.

« Finn, l'seul endroit où t’peux dormir quand tu viens ici sans être un milicien ou un paysan, ou quoi que ce soit envoyé ici par quelqu’un c’est ici, dans l’auberge. Mais on peut faire le tour de la place du village et peut-être un peu plus s’tu veut. »

Fatalement, je m’étais moqué, un peu, un tout petit peu. Usson c’était un gros village, mais bon ça tournait un peu au ralenti, tout se concentrait sur l’essentiel, le vital, on avait pas le temps et surtout pas les moyens de s’occuper de superflu, de confort. Les places en sûreté étaient suffisamment chères pour ne pas se permettre d’en gaspiller trop.

S'il savait, j’étais pas certaine qu’il veut réellement rester là, rester avec moi. Sûr qui le prendrait mal.

« C’est rien, c’est demain qu’m’inquiète un peu… »

En soi, c’était pas encore un mensonge, c’était juste pas toute la vérité, mais s’était vraie que ça me rendait pas vraiment sereine, encore moins maintenant que je savais que lui, que Finn y seraient. C’était facile de deviner qu’on serait une cible facile.
Mais je l’avais entraîné une peur dans les ruelles larges qui couraient autour de la place du village, elle était toujours si peu peuplée. J’avouais pas réellement envie de m’attarder trop dehors. Techniquement c’était sûr, mais on ne savait jamais, les fangeux pouvaient être moins stupide qu’on pouvait le penser, même si ça ne sautait pas toujours aux yeux, masqué par leur brutalité.

« T’as tant d'choses que ça à m’dire ? T’as rencontré une autre fille ? Une mieux ?! »

J’avais vaguement ris de ma propre connerie, mais dans ma jambe, ça me tirait déjà un peu, sans que pour le moment ce soit vraiment très difficile de faire illusion.

C'était toujours ainsi lorsqu'ils étaient seuls l'un contre l'autre, Finn n'éprouvait plus qu'une seule envie, celle de garder Ilhanne dans ses bras et de ne plus bouger. Cependant la nuit n'allait pas tarder à tomber et déjà le ciel s'assombrissait, il lui fallait songer à un endroit où dormir et la proposition de la jeune femme lui fournissait ainsi un temps de réflexion supplémentaire sur le sujet. Dormir à l'auberge, il pourrait le faire sans problème, cela dit puisqu'à présent il avait droit à la présence de la Chasseuse, peut-être que les choses se passeraient autrement, qui sait.

- Je veux bien oui, c'est la première fois que je viens, tu vas pouvoir me faire visiter un peu.

L'idée que la rousse joue à la guide n'était pas pour lui déplaire, même s'il n'y avait quasiment rien à voir de spécial à l'heure actuelle. Tôt ou tard cet endroit allait prendre de l'ampleur et le Labret deviendrait un incontournable suffisamment protégé et sécurisé pour qu'on désira y demeurer plus longtemps que le strict nécessaire. Sa question quant à ce qu'éprouvait sa vis-à-vis trouva une réponse qui, s'il ignorait qu'elle était totalement véridique, eut le mérite de le convaincre. Hochant la tête, le Mercenaire songea qu'effectivement la route empruntée était bien trop dégagée pour ne pas représenter un danger et le fait qu'ils n'aient pas été attaqués à l'aller ne signifiait pas qu'on ne les avaient pas repérés ni qu'on allait pas guetter leur retour. Frottant de ses mains les bras de Ilhanne, Finn lui offrit un sourire qui se voulait rassurant.

- Ne t'en fait pas, tu ne seras pas seule et nous ferons tous très attention. En cas d'attaque, tu n'auras qu'à venir près de moi et je te protègerais.

Si seulement il avait su ce qui allait se passer, probablement le lendemain aurait-il exigé d'être au même niveau qu'elle, certainement d'ailleurs aurait-il refusé de la laisser seule l'espace d'un instant, mais la vie était ainsi faite et la Trinité seule possédait ce pouvoir. Tout en devisant sur le sujet, les deux jeunes gens arpentent des rues désertes et atrocement calmes, chose qui changeait radicalement de Marbrume où il semblait toujours régner quelque sourde agitation, quand bien même l'on ne faisait que la deviner au loin. Le Mercenaire ne pu retenir un rire quand la Chasseuse parla du fait qu'il ai pu rencontrer une autre femme qu'elle et, secouant la tête, jeta un regard alentours au cas où il y aurait un étrange mouvement, ne se sentant pas totalement à l'aise en terrain découvert, si loin de la Cité.

- Non du tout, quoique j'ai eu l'occasion de croiser de jolies demoiselles durant quelques missions que j'ai pu faire en ton absence. En vérité, c'est surtout que j'ai enfin acquis assez de pratique pour utiliser une meilleure arme que mon épée bâtarde et j'en suis assez fier.

Un large sourire éclaira son visage, trahissant effectivement cet élan de fierté qui venait grossir son égo d'homme d'arme, alors qu'il haussait les épaules d'un air faussement nonchalant.

- J'ai beaucoup économisé et je pense qu'après cette mission pour le Labret, j'aurais assez pour m'offrir une Claymore de qualité. Bien sûr il faudra que je m'entraine encore énormément, mais je pourrais certainement l'utiliser dans quelques temps en combat réel.

Contre des humains, mais également contre des Fangeux, quoique sur ce point son Capitaine ait affirmé qu'il serait encore trop tôt et que plusieurs mois d'entrainement seraient encore nécessaires avant qu'il ne manie suffisamment bien cette arme, qui nécessitait une technique quasi parfaite contre les Mordeurs. L'air de rien son armure de cuir se faisait trop étroite et le Mercenaire songeait également à se faire forger une armure de métal pour ses prochaines sorties en extérieur, bien que ce ne soit pas encore là son objectif. Encore fallait-il trouver un artisan qualifié pour se faire.

J’avais rien dit, de toute façon qu’est-ce que je pouvais dire ? Que s’était bien . Oui, et non en même temps, en fait, ça me faisait pas grand-chose. Pour lui c’était une bonne chose, il devait avoir l’impression de s’améliorer, mais pour moi s’était pareil, il serait toujours dehors avec juste une épée et sa rancœur pour se protéger.

Ça m’énervait, ça me taraudait tout ça. J’étais pas d’une honnêteté à toute épreuve et finalement, pas lui dire pour on petit séjour dans cette cabane au milieu du marais attachée et malmenée par l’autre tarée, ça m’allait, ça m’allait très bien, trop apeuré par le fait qu’il se mettrait à devenir très protecteur, trop protecteur. Pourtant, ne pas lui parler de cette soirée, cette soirée où j’avais dérapé, ça, j’en étais pas fier, ça, ça me tordait les boyaux. Je savais ce qui allait pas, je trouvais pas ça juste, je trouvais pas ça bien. L’injustice, ça m’avait toujours fait chier, mais bon, quand s’était pas moi qui en étais la cause, j’arrivais à me dire que de toute façon, c'était le monde qui était pourri alors que s’était en quelque sortes normales. Mais quand c’était ma faute s’était différent.

Le calme du village aidait pas non plus, ça couvrait pas le bruit de ma mauvaise conscience. Le pire, s’était que cette soirée, finalement je m’en souvenais pas tant que ça, je me rappelais de quelque fulgurance de quelques moments, d’un brouillard agréable, mais pas réellement de détails.

On était arrivé dans une petite cour plus ou moins cachée qui se trouvait sur la côte de la chapelle de là du hameau. S’était vide bien sûr, j’étais même pas sûre qu’il y est encore un prêtre ici. Peut-être que si en fait, avoir la bénédiction de Rikni pour les convoyeurs.

Je tenais plus.
J’étais morte de trouille, j’avais aucune foutue idée de comment il allait réagir si je lui disais. D’ailleurs, je savais même pas si c’était vraiment une bonne idée de lui dire. Peut-être que finalement c’était mieux comme ça, mieux de tout cassé avant que ça devienne vraiment quelque chose.

« Finn, il faut absolument que je te dise quelque chose… »

C’était presque sorti tout seul, presque contre moi.

« Y’a ptètre deux semaines j'ai … »

Bordel, comment je pouvais sortir ça ?!

« J’ai … »

Putain la pastille était dure à cracher. Elle devrait être aussi dure à entendre.

« J’ai embrassé une fille et ... plus. »

C’était pas la clarté incarnée, mais j’avais sorti ça d’un trait parce que de toute façon, si je réfléchissais plus pour faire mieux, j’aurais jamais eu le courage de tout dire. D’ailleurs j’avais même pas vraiment le culot de regarder Finn. Je regardais par terre ou ailleurs, en me demandant ce qui avait pas tourné rond chez moi pour avoir fait ça ?

Il est toujours amusant de voir le contraste de deux esprits au sein d'une même situation. L'un peut être agité quand l'autre est d'un calme presque paisible, si bien que lorsqu'une révélation tombe soudain entre eux, le choc n'est pas le même, mais est ressenti avec tout autant d'impact et de violence, tel un ouragan venant balayer tout sur son passage et vous laissant là, seul et médusé, la bouche entrouverte de surprise et le cerveau essayant d'analyser ce qu'il venait d'entendre. C'est à peu de choses près ainsi que se retrouva Finn, à cligner des paupières suite à l'annonce de Ilhanne qui avait de quoi surprendre. Aïe, pourquoi est-ce que ça faisait aussi mal tout à coup ? L'homme d'arme tenta bien de sourire, mais ce fut davantage un rictus grimaçant qu'autre chose qui apparu sur son visage, avant qu'il n'expire bruyamment pour essayer de se redonner contenance.

- Ah ben... merde alors...

Fut tout ce que parvint à lâcher le jeune homme avant de passer nerveusement une main dans ses cheveux courts, s'humectant les lèvres tout en dardant un regard partagé entre le choc, l'indécision, l'incompréhension et un début entre vexation coléreuse et dépit. La rousse n'avait pas l'air d'en mener large elle non plus et, n'eut été toute l'affection sincère qu'il lui portait, il y avait fort à parier qu'un autre à sa place l'aurait invectivé sans retenue, ou pire encore.

- C'est pour ça que tu m'as dit que tu ne l'avais jamais fait ? C'est parce que tu... tu préfères les femmes ? Ahah ! Et moi qui croyait que je n'étais pas assez joli garçon pour te plaire ! Ahahah !

Un rire nerveux lui échappa pour de bon et il recula d'un pas, cherchant à son tour une réponse sur le sol entre eux deux, comme si elle avait du se trouver là, comme un mémo sur ce qu'il convenait de dire ou de faire dans ce genre de situation. Mais non, rien n'était écrit dans la terre et il finit par inspirer un grand coup, relevant la tête et son regard clair sur la Chasseuse, avec le vif sentiment d'être un parfait imbécile qui lui étreignait le cœur.

- Je comprends, je... Mais du coup, ça veut dire que tu ne m'aim-que tu n'aimes pas les hommes ? Explique-moi, je suis un peu perdu.

Et il était planté là, à songer qu'il avait douté de l'attraction qu'il pouvait avoir eu sur la jeune femme, repensant au baiser qu'il lui avait donné quelques instants plus tôt, commençant à regretter, craignant de lui avoir forcé la main... Et il recula d'un pas supplémentaire, la regardant avec un mélange certain de chagrin et de volonté de bien se comporter. Il avait déjà entendu dire que parfois les femmes faisaient des choses ensemble, mais il ne pensait pas qu'il se retrouverait confronté à ça et que c'était davantage des sortes de caprices entre les couples ou ce genre de choses. Ah, si le Mercenaire connaissait bien des choses, question amour pur, il avait encore des leçons à prendre de toute évidence.