Visite inattendue [Theodren]

Criminel c’est le mot. Constance opine lentement, il s’est relevé lui a donné sa robe, elle a fermé la porte de la chambre, enfilant sa tenue, elle transpire, ne sent pas particulièrement bon. Son regard émeraude se dépose sur les draps fronçant légèrement les sourcils à cause du sang, instinctivement elle dépose sa main sur son bas ventre, puis se répète que c’est normal pour la première fois. Elle roule tout en boule, dépose le tout dans un coin, remonte sa chevelure en une queue de cheval haute, puis en un chignon. C’est une coiffure très rapide, trop rapide, mais au moins l’apparence reste convenable. Elle ouvre la porte rejoint Theodren, le regarde remettre le potage sur le feu. Lentement un long soupir s’échappe de ses lèvres, elle doit reprendre le comportement de la prêtresse. Elle s’appuie doucement sur la table, les joues encore légèrement rosées. Gauthier entre et vient immédiatement se fourrer dans les bras de la jeune femme, elle le serre doucement dans ses bras, puis prend sa voix plus sévère :

- « Jamais tu viens ici tout seul, jamais tu m’entends ? C’est trop dangereux Gauthier. Va dire bonjour à Theodren maintenant, tu ne l’as même pas fait. »

Le petit hésite, mais finit par se détacher de la jeune femme pour venir tendre la main vers Theodren, il le regarde de haut en bas, puis regard de nouveau la prêtresse. Il fronce lentement les sourcils, puis recommence son manège. Après plusieurs secondes à regarder autour de lui il finit par demande :

- « Sur quoi est-ce que vous travaillez, il n’y a rien de sorti ? »

Il s’installe sur une chaise puis regarde tour à tour les deux jeunes gens. Constance semble gênée, comme souvent, elle tire la chaise, s’installe dessus et lance un regard désespéré vers Theodren. Finalement elle se racle doucement la gorgée, puis prend la parole :

- « Nous étions en train de discuter de notre avenir….Commun. »

Silence. Elle cherche du regard Theodren, un peu de soutien, un sourire rassurant.

- « Comment ça commun, il veut devenir prêtre ? » il se tourne vers lui « Tu veux devenir prêtre ? C’est super on sera en formation ensemble. »

Elle secoue doucement la tête, se pince la lèvre inférieure, elle ne sait pas vraiment comment l’annoncer, elle appréhende. Alors finalement, elle le dit à une rapidité déconcertante.

- « Nous allons nous marier. »

Silence. Encore silence. Re Silence. Il la regarde avec de gros yeux ronds, comme des billes, la bouche entrouverte, il fronce les sourcils, regarde Theodren, puis Constance, puis Theodren, plusieurs fois, de nombreuses fois, sans rien dire. Difficile de savoir s’il est content ou non, difficile d’appréhender la réaction. Puis la réponse est sans appel :

- « MAIS tu es a moi. » rétorque-t-il vers le guérisseur « C’est ma prêtresse, c’est moi qui vais l’épouser quand je serais plus grand, c’est moi qui prends soin d’elle et qui fait tous les soins avec elle… TOI tu n’es pas là depuis très longtemps, tu n’as pas le droit de me la prendre ! » Il croise les bras sur son torse et regarde le guérisseur avec de gros yeux.

Constance le regarde, elle ne s’attendait pas à ça, elle regarde de nouveau Theodren, prend une longue et intense inspiration puis reprendre la parole.

- « Gauthier ça suffit. Cela ne change en rien l’affection que j’ai pour toi, ni du travail que nous faisons ensemble… Theodren va simplement faire partie de notre vie… Il va devenir mon époux et je veux que tu sois avec nous ce jour-là. »

Il fait de nouveau silence, regarde le guérisseur, puis demande les yeux larmoyants :

- « Tu me la prêteras encore un peu hein… dis ? Constance c’est comme…. » ma maman c’est ça qu’il avait voulu dire.

Le petit attends, Constance ne sait plus vraiment quoi dire non plus… Cette journée semblait bien complexe.

Constance écoute, observe Theodren qui semble beaucoup plus sociable que sa petite personne. Il utilise des mots simples, avec une voix douce et un débit de parole lent, il rassure Gauthier, tout en le remettant à sa place aussi. Personne ne peut savoir véritablement ce qui se passe dans la tête de l’enfant qui n’articule plus aucune parole depuis que le guérisseur a commencé son dialogue. La prêtresse non plus ne dit rien, ses deux émeraudes passant de l’un à l’autre avec cette sensation d’être à sa place, d’avoir fait les bons choix. Sans s’en apercevoir, son amant venait de la rassurer à un point qu’elle ne pensait pas pouvoir attendre un jour. Oui, en voulant rassurer l’enfant, il rassurait sa future épouse et c’est naturellement qu’un sourire naquit sur ses lèvres. Le petit le remarque, en fut le premier surpris, puis regarde avec cette admiration, l’homme qui n’était certes pas bien grand et pas bien large, mais qui à ses yeux avait réussi un véritable miracle, la faire sourire, elle.

- « Elle a raison » rétorque l’enfant « Il faut faire un beau mariage, comme elle réalise, avec des fleurs. Elle est prêtresse alors ça sera un mariage ouvert, comme tous les prêtres et prêtresses qui disent oui, c’est comme ça. »

Constance secoue doucement la tête, elle ne lui a pas encore parlé à Theodren de cette envie de grandeur, du moins, de ce besoin de permettre à tous d’assister à l’union. Elle en avait rencontré du monde en confession, alors elle ne se voyait pas refuser une présence au sein du temple ou au lieu de la cérémonie. Elle se pince la lèvre, puis reprendre la parole d’une voix douce, comme pour ne rien précipiter, pour ne pas mettre de pression à celui qu’elle aime. Elle n’est pas sotte, elle a compris qu’il rêve d’un mariage rapide et intimiste.

- « Nous verrons tout ça plus tard. Je demanderai certainement à père Marcel de célébrer notre union, il n’est pas spécialisé pour Anür, mais je suppose qu’il est en mesure de le faire. »

La bouche de l’enfant forme un ‘O’ comme-ci il comprenait dans les paroles de son mentor qu’elle envisageait de ne pas célébrer le mariage dont elle avait toujours rêvé, ou du moins envisageait. Gauthier n’est pas franchement d’accord, d’ailleurs il s’apprête à le dire, mais l’enfant est coupé dans son élan par le guérisseur qui poursuit son raisonnement. La voix de l’homme est apaisante que ce soit pour la jeune femme, ou pour le petit si bien que tous deux font silence pour l’écouter avec cette attention si spécifique. Les soupes sont servies, mais personne n’y touche, écoutant toujours les propos d’un homme qui semblait bien plus poser que ce que la jeune femme aurait pu imaginer. Après autant de dialogue, Gauthier fait la moue, réfléchit se gratte la tête, puis reprendre la parole :

- « D’accord, je te la prête. » Constance fait les gros yeux « mais quand je serais en âge, alors je viendrais la rechercher et si elle veut venir avec moi alors tu n’auras pas le droit de dire non. »

Il est sincère le môme, c’est autant amusant que difficile à entendre. La jolie blonde laisse un soupir s’échapper de ses lèvres, alors qu’elle secoue doucement sa tête de droite à gauche. Elle ne veut pas briser ses rêves, alors elle ne formule pas cette négation à voix haute. De toute façon elle n’a pas vraiment le temps de répondre que déjà, le petit homme reprend la parole, comme-ci il négociait un contrat d’une valeur capitale, ce qui pour la balafrée semble touchant :

- « Ensuite, j’veux bien que tu m’apprennes, et je veux bien partager son cœur, mais juste partager hein. Par contre, je veux qu’elle soit toujours souriante et qu’elle ne pleure pas à cause de toi, enfin qu’elle ne commence pas. Parce que j’sais qu’elle est triste parfois mère Constance, même si elle le dit pas. Alors si jamais elle devient triste par ta faute, alors non, j’te la prêterai plus. Et puis faut tout lui offrir et faut qu’elle mange aussi, parce qu’elle mange jamais, elle me donne toujours à moi ou aux autres enfants, mais avec toi elle doit manger, j’veux qu’elle prenne du poids. Sinon Serus il ne pourra jamais l’aider à porter un enfant… OH et y a ça aussi, si elle doit avoir un enfant avec toi, alors j’veux pouvoir vous aider… j’veux être là… j’veux lui apprendre tout ce que j’sais. »

Si Constance commençait seulement à accepter le fait de se projeter, l’enfant lui ne semblait absolument plus avoir aucune limite. S’imaginant parfaitement faire les vas et vient entre le domicile du couple et le temple. Hors de question qu’il se débarrasse de lui. Les joues de la blonde s’étaient teintés du rose typique de la gêne, alors qu’elle essayait de trouver des mots, quelque chose à dire, puis elle le coupe brusquement :

- « Gauthier, nous n’en sommes pas là. Nous envisageons simplement le fait de nous unir devant les trois… Il faut qu’on trouve un lieu pour vivre et puis après… On verra. »
- « Oui, mais une fois ça suffit » qu’il répond sans savoir l’impact que cela pouvait avoir « Alors si vous voulez vous marier vite, il faut trouver la maison vite. Parce que Serus vous accompagnera après le mariage et il faudra lui faire honneur. Une prêtresse comme toi, c’est obligatoire que les trois vont tout vous offrir de biens et de beaux ! »

Constance se pince doucement la lèvre, dévisageant l’enfant qui vient de soulever un point qu’elle n’avait absolument pas pris en considération ‘une fois ça suffit’, son regard émeraude se porte vers Theodren avec cette pointe d’inquiétude, et si… Non. Elle secoue doucement la tête, puis choisi la fuite, la vrai :

- « Cesse de dire des bêtises et mange ta soupe. »

L’enfant lance un regard vers le guérisseur d’un air de dire ‘mais aide-moi à la raisonner’, et Constance en fait de même, le regard suppliant de cesser cette conversation. D’autant plus avec un enfant qui approche seulement de la dizaine d’années sans pour autant l’atteindre encore. Il est bien trop malin Gauthier, il réfléchit beaucoup trop vite. Cependant, il obéit, il boit sa soupe, il est heureux d’être là, il s’imagine déjà apporter les rubans et prépare déjà une multitude de plans pour informer tout le monde de l’union à venir, en approche. Si cela devait rester secret un temps, cela n’allait pas l’être très longtemps.

- « Je vais le dire à tout le monde ! Vous allez voir, y aura pleiiiiiiiiiiiin de monde ! »

- « Non, non je ne veux pas vérifier » murmure la jeune femme dont les joues s’empourprent déjà.

Si elle avait pu paraître amusée par tout ça, la jolie blonde semblait à présent particulièrement gênée. Elle lança un bref regard vers Theodren, avec cette envie de se glisser dans un trou de souris, de disparaître. Elle s’enfonçait doucement sur sa chaise, évitait de prononcer la moindre parole trop forte, non, il ne fallait surtout pas attirer l’attention. Le gamin lui semblait parfaitement à l’aise, tel un grand homme de terrain il avait formulé son contrat, il avait froncé à plusieurs reprises les surprises, pas forcément très ravi d’avoir un homme face à lui qui semblait avoir un peu plus d’autorité que la jeune femme.

- « Oui, oui, j’ai compris » bougonna le gamin en buvant un peu de sa soupe

Il s’enferme dans le silence et opine simplement, comprenant qu’en prononçant des paroles aussi brutes, il a blessé sa prêtresse. Le regard de la blonde semble s’être perdu entre son bol de soupe qu’elle a délaissé et la table. Elle n’a rien prononcé de plus, elle semble plus subir la discussion qu’y participer activement. La tête lui tourne un peu, ça fait beaucoup pour une seule et même personne, un projet de maison, de mariage, une première fois, un enfant qui la nomme ‘maman’ et qui semble vouloir la protéger alors que ce n’est pas son rôle et un futur époux tout aussi protecteur. C’est beaucoup, beaucoup trop. Elle ne regrette rien, mais semble comme avoir un peu de mal à respirer, comme-ci quelque chose venait lui compresser avec force la cage thoracique, elle ne dit rien, du moins n’expriment aucune douleur ou angoisse oralement. La balafrée sursaute même quand elle sent le regard de son amant se déposer sur elle, elle n’a réellement suivi la fin de la conversation, alors elle opine bêtement. Quand elle sent qu’on attend quelque chose d’elle, qu’elle perçoit les regards sur son bol de soupe, elle fait le lien. Alors elle le prend en main et le bois entièrement, sans vraiment prendre le temps de le savourer. Elle n’apprécie pas forcément qu’on intervienne dans sa façon de voir les choses, ou qu’on lui impose de faire quelque chose dont elle ne voit pas toujours l’intérêt. Son regard émeraude se redepose sur Gauthier, puis sur Theodren, avec cette sensation qu’elle va s’effondrer là, sans raison. C’est comme si la totalité de ces émotions qu’elle avait soigneusement mises dans un coin de son esprit était en train de la submerger, ses yeux sont vibrants, s’embrume, elle déglutit un instant, cherche du regard une façon de fuir, puis prend son bol vide, se relève et va le laver dans le bac d’eau un peu plus loin. Elle fait dos aux deux personnes, ça lui permet de prendre une respiration. Elle frotte aussi fort qu’elle le peut le récipient et quand elle sent le silence s’installer à cause de son comportement, elle se fait violence pour reprendre la parole, pour réinstaller un paraître plus ou moins convenable.

- « Nous reparlerons du mariage plus tard, si tu veux bien. » Elle déglutit une nouvelle fois « Je ne sais pas vraiment encore ce que je veux. » Pour la cérémonie, mais elle ne précise pas « Gauthier termine ta soupe, nous allons te ramener au temple on a du travail qui doit nous attendre. » elle poursuit son mouvement de frottement puis rajoute « Mh, laisse-moi informer tout le monde pour Theodren et moi, merci. »

Parce que ce n’est pas évident tout ça, parce qu’elle ne sait plus vraiment où elle se trouve, alors elle a ce besoin de revenir à l’essentiel. A ses soins. Enfin en passant par les thermes, parce qu’elle se sent sale. Elle ne sait pas vraiment comment fait Theodren pour se projeter pour être aussi serein vis-à-vis de tout ça, eux qui n’avaient vécu qu’essentiellement en solitaire, envisageaient de s’installer ensemble, de vivre ensemble, de fonder quelque chose… Elle avait l’impression d’être encore sur la ligne de départ et son amant sur la ligne d’arrivée, elle se pinça la lèvre inférieure alors qu’une petite perle salée dévala sa joue. Ce n’était pas qu’elle était triste, non, c’était juste un trop-plein d’émotion, qu’elle conservait depuis trop longtemps. Elle se mordit avec plus de force la lèvre, ravala sa salive avec l’objectif d’oublier ce flot incontrôlable, ingérable.

- « Ramenez-moi vos bols, nous n’allons tout de même pas partir en laissant autant de bazars partout. » Surenchérit-elle avec cette simplicité déconcertante.

Concentrée dans sa vaisselle et prise dans ses pensées, la prêtresse n’a pas forcement entendu son amant s’approcher, elle a sursauté quand il l’a prise dans ses bras, sans pour autant son extraire. Loin de la gêner, cela l’apaise. Elle respire de nouveau son odeur, apprécie la chaleur de son corps qu’elle sent à travers les tissus. Elle n’est pas vraiment dans son assiette, cela se sent, cela se voit, mais contrairement à ce qu’elle aurait cru, ce ne sont pas des émotions négatives qui la malmènent, mais toutes les positives. Constance ne peut retenir un frisson quand il vient lui murmure à l’oreille, elle affiche un sourire puis réajuste dans une voix douce et peu forte :

- « Comme nous voulons, toi et moi. »

Hors de questions de lui imposer les envies de grandeurs, ou les façons de faire des autres prêtres. Constance aimait aussi la discrétion, il lui semblait donc naturel de faire des compromis entre les besoins des deux. De toute façon à l’extérieur de la ville, il y avait des monstres, le risque de mort n’était que grandissant, alors savoir si il y a aurait deux ou vingt-cinq personnes à leur mariage, cela ne lui semblait plus si important. Entre son envie d’enfant et son envie d’adulte, un énorme gouffre semblait s’être installé. Pour éviter tout flot d’émotion trop important, la prêtresse ne s’était pas retournée, préférant conserver pour elle les doutes, l’angoisse, la peur, qui commençaient à la ronger. La balafrée n’avait nullement envie d’inquiéter son tendre, si bien qu’une fois finie son activité, elle se retourna doucement déposa un bisou sur sa joue, puis évita davantage de contact. Elle ne lui avait pas dit qu’elle l’aimait aussi, mais elle avait affiché un sourire, simplement pour lui signifier qu’elle avait bien entendu. La blonde savait qu’elle allait devoir retrouver une certaine force, ce n’était pas à lui de tout supporter sur ses épaules.

La clerc termine de tout ranger, de tout laver pendant que Theodren récupère ce qu’il a besoin sous le regard pointilleux du petit guérisseur. Il le suit partout, vérifiant le matérielle qu’il utilise, il reste silencieux parce qu’il sait qu’habituellement Constance n’est pas une grande bavarde. Il se retourne vers elle quand Theodren annonce qu’il va devoir affronter le temple, elle anticipe avant même qu’il ouvre la bouche :

- « Non, tu ne viendras pas avec nous. Tu vas prendre tes cours d’écritures et de lecture et faire les activités qui te sont assignées aujourd’hui. Inutile de me faire les yeux doux, c’est non. »

Le petit ronchonne, bougonne, fait la tête, puis finit par opiner, il sait qu’elle a raison, il n’a pas que le soin à apprendre. Constance lui autorise suffisamment de choses comme ça, pour qu’il ne s’offusque pas durant les rares refus qu’elle formule. La blonde récupère sa cape, qu’elle replace sur ses épaules, réajuste la capuche sur sa tête, puis avise les deux hommes. Ils sont visiblement prêts alors elle ouvre la porte, prenant une grande bouffée d’air. S’il faisait encore nuit quand elle est arrivée, à présent le soleil est bien présent. Elle laisse passer le petit devant, il sautille un peu partout, visiblement content de retrouver sa prêtresse et peut être même un peu le guérisseur. Une fois que Theodren a fini de verrouiller la porte, elle fixe son rythme de marche au sien, sans pour autant lui prendre la main. Pas parce qu’elle n’en a pas envie, simplement parce que normalement un couple avant le mariage ne se permet pas un rapprochement particulièrement visible. Même s’il y a de fortes chances qu’elle cède à son envie. La blonde entrouvre les lèvres puis murmure de façon à ne se faire entendre que par lui :

- « Je suis désolée d’être aussi hésitante pour tout… Tu es vraiment… patient avec moi. Je t’en suis reconnaissante. »

Elle est sincère, plus qu’elle ne l’a certainement jamais été, aucun homme, aucune personne n’avait eu la patience qu’il avait avec elle. Tous avaient toujours abandonné, mais pas lui. Finalement, elle était venue glisser sa main dans la sienne, tant pis pour le reste, pour les regards, pour les sourires. Elle n’avait pas envie de cacher cette relation qui de toute façon allait finir par très vite se savoir. Si avant il n’était pas ensemble la fréquentation et le temps qu’il passait à deux n’était pas passé inaperçu. Le petit Gauthier se retournait de temps en temps vers eux, tout sourire, ravi finalement de cette relation. Le temple commençait à pointer le bout de son nez, et déjà l’enfant c’était mis à galoper vers le lieu sacré, faisant un petit geste de la main en direction des deux amoureux. Constance resserra davantage la main de Theodren, cherchant peut-être un peu de courage au milieu de tout ça.

- « J’aimerai me rendre aux thermes avant de travailler… juste pour… »

Pour oublier, pour se laver de ses remords, pour se rincer simplement ? Elle n’ajouta en tout cas rien, puisqu’une jolie jeune femme vint à la rencontre des deux jeunes gens. Une prêtresse à n’en point douter.

- « Tiens, vous officialisez enfin ? » demanda la clerc donc la longue chevelure brune était mise d’un côté « Je m’en doutais. Vous aviez ce petit quelque chose dans le regard tous les deux. Tu nous présentes Constance ? »

La jeune femme ne relâche pas sa main de celle de Thoedren, avec toujours cette angoisse de le voir disparaître, de le voir fuir, elle lui lance un petit regard. Il doit bien la sentir se crisper, cependant, elle ne semble pas avoir l’envie de se mettre dans un trou de souris.

- « Bonjour Isabelle » murmure constance « Theodren, je te présente isabelle, prêtresse de Rikni, Isabelle je te présente mon futur époux, Theodren, guérisseur. » Elle affiche un petit sourire.

Un petit silence s’installe alors que la plus ancienne des deux clercs semble jauger celui qui vient d’être présenté comme le futur époux. Ainsi, Constance venait de se positionner clairement et cela semblait étonner véritablement la brune qui était certaine que la jeune femme aurait éludé la question, comme elle savait si bien le faire.

- « Je suis agréable surprise » déclara Isabelle « J’ignorais que tu avais cette envie, Constance. Il était grand temps. Félicitation monsieur de la remettre sur le bon chemin. Bien, la date est fixée pour quand ? Que je prévienne les autres, une prêtresse qui… »
- « Non, on veut quelque chose de discret. » Cette fois, la blonde s’était de nouveau positionnée.
- « Tu plaisantes ? Monsieur le Guérisseur ce n’est pas vous qui lui avait mis ça dans la tête ? D’ailleurs, si vous me parliez un peu de vous ? Si vous faites des rêves, n’hésitez pas à venir me voir, je serais ravie de vous aider à les expliquer. »

Constance lance un regard vers Theodren, passablement agacée par le comportement de la plus âgée. S’il était vrai que chaque prêtresse qui disait oui recevait toujours une cérémonie grande et belle, Constance était prête à laisser ce besoin de côté pour le bien être de celui qu’elle avait choisi.

Constance écoute simplement les deux individus s’exprimer, elle tait sa pensée, avise Isabelle d’un œil un peu perdu. Tout le monde semble bien plus emballé qu’elle à préparer la cérémonie, à prévenir les autres. Elle reste là, sans bouger à regarder de ses grands yeux verts son futur époux en se demandant pourquoi il s’était senti obligé de dire qu’il n’était pas bien vu. Elle hausse lentement les épaules, elle a juste envie de fuir cette conversation, de travailler, de résoudre des blessures physiques. Elle entrouvre les lèvres pour signifier qu’ils ont du travail, mais déjà Isabelle rebondit sur une phrase qu’il a prononcée :

- « Eh bien vous avez choisi la bonne épouse pour redorer votre réputation, une prêtresse, c’est parfait. » Elle a un sourire ravageur « Mon mariage était parfait, comme toute prêtresse peut le rêver, entouré de ses fidèles, de ses amis, de sa famille, les autres prêtres. Il s’est déroulé ici même. Le temple était magnifiquement décoré, mon mari m’attendait avec le prêtre à l’intérieur du temple, nous avons prononcé nos vœux, puis ensuite nous avons pu fêter cette union à l’extérieur. » Elle fronce légèrement les sourcils « Rassurez-moi, monsieur Hilaire, vous avez déjà assisté à une cérémonie, les rubans, les alliances, vous connaissez ? Un barda n’a rien à faire dans une cérémonie, mais plutôt après celle-ci pour fêter.. » elle le regarde avec de gros yeux ronds.

Constance se sent dans l’obligation de réagir :

- « Ma sœur, nous avons beaucoup à faire… Nous en reparlons… plus tard. »

Isabelle opine, abandonnant le couple dans un large sourire entendu nul doute n’était possible quant au fait qu’elle allait partager la nouvelle avec autant de personnes possibles. Constance prit une légère inspiration, satisfaite de la voir s’éloigner. Elle détailla un instant Theodren, hésitante avant de prendre la parole de sa voix douce :

- « Tu ne devrais pas te dénigrer ainsi, chaque profession est importante, peu importe… » elle se pince la lèvre inférieure « Enfin, est-ce tu veux passer par les thermes aussi ? Avant de rejoindre les soins, histoire de se détendre un peu… Pour le barde, ça me semble être une bonne idée, après la cérémonie. Pendant c’est très calme tu sais, toute l’attention est sur le couple et le clerc réalisant la cérémonie. »

Au fond, elle ne lui laisse pas trop le choix, elle glisse de nouveau sa main dans la sienne et l’entraîne avec elle dans la direction des thermes. Elle a besoin de se détendre, de discuter avec lui là où personne ne pourra venir les interrompre. Elle descend lentement les marches, lui offre un joli sourire pour qu’il ne se fasse pas de souci. Une fois en bas, elle lui lâche la main, il doit se souvenir où se changer, elle n’en doute pas, elle tourne sur la droite, abandonne sa tenue de clerc pour s’enrouler dans une grande serviette, elle ressort, l’attends un peu, puis lui indique d’un signe de tête la direction qu’elle veut emprunter, la même que la dernière fois. Pendant le trajet elle reprend la parole d’une voix douce :

- « Si tu me disais comment tu vois les choses, toi ? En laissant de côté la prêtresse, comment toi tu imagines nos noces… Tu sais normalement, la cérémonie doit se dérouler au temple, il sera ouvert à tous, la cérémonie en elle-même n’est pas longue, le prêtre demande au couple si n’est pas sous la contrainte, les époux s’échangent les vœux, le clerc récite quelques textes anciens puis déclare l’union… » elle réfléchit à ce qu’elle pourrait lui dire d’autre « Le plus important pour moi, c’est que tu te sentes bien. »

Elle tourne dans le petit recoin qu’elle avait emprunté la première fois qu’il était venu ici. L’endroit isolé, toujours vide ou presque, cette fois, il est vide. Ils ont de la chance, elle s’approche du bassin, abandonne sa serviette sur le sol, avant de rentrer dans l’eau chaude, elle plonge la tête sous l’eau, y reste un instant avant de remonter. Elle se sent déjà mieux, adieu petite trace de sens, adieu sensation de ne plus être propre. Non, l’eau lui fait définitivement du bien.