Visite inattendue [Theodren]

- « Allons, allons, vous renoncerez à mes secrets pour rendre les femmes folles, juste par amour ? L’amour n’existe plus, vous devriez le savoir. Les mariages ne sont plus qu’arrangement, les femmes vont toujours vers un homme par intérêt ou besoin, rien de plus rien de moins. »

Elle est directe Abigaëlle, elle ne cherche pas à mentir, elle est sincère, elle pense vraiment ce qu’elle vient de dire, que cela plaise ou non. En y regardant bien, elle n’a peut-être pas tout à fait tort non plus. Quoi qu’il en soit elle n’avait pas perdu son beau sourire, ni même sa joie de vivre. La prêtresse avisa longuement Theodren, écoutant les conseils qu’elle mémorisa, elle ne s’entendait pas forcément avec beaucoup de ses consœurs, inutile de demander pourquoi. Il faut dire qu’à force d’être trouvé dans des lieux improbables avec des fidèles sa réputation avait fini la précéder. Personne ne voulait lui enseigner quoi que ce soit. Le temple était ouvert d’esprit, mais pas ouvert à tous les points quand même. Quoi qu’il en soit, son sourire sembla soudainement plus sincère, elle aimait apprendre.

- « J’ai dû faire des erreurs alors… Je cautérise beaucoup par réflexe, je me dis que ça évite les infections et puis… C’est plus rapide que ce soit pour nous ou pour les patients… J’suis pas la meilleure niveau soigneuse… »

Cette fois elle culpabilise et c’est le sourire et la petite tape sur la cuisse que lui offre le patient qui la réconforte. Elle se ressaisit presque immédiatement, inutile de montrer une faille à qui que ce soit. Abigaëlle était extraverti, joueuse, souriante et pleine de vie, pas pleine de doute. Prenant une légère inspiration elle appliqua avec beaucoup de douceur le baume cicatrisant. La prêtresse venait d’obtenir le nom, le prénom, le surnom et un lieu de vie, que pouvait-elle demander de plus. Nettoyant doucement les plaies de chaque côté, elle avait terminé, elle n’était pas du genre à recouvrir les plaies d’un tissu, l’air libre il n’y avait que ça de vrai.

- « Vous êtes pleins d’expériences, c’est une bonne chose. Enfin, si je peux me permettre, je ne vois pas trop en quoi préparer un mariage est long et compliqué… Il suffit de voir un prêtre ou une prêtresse de fixer une date, à la limite demain et puis c’est tout bon. Alors, prendre une matinée… J’ai besoin de plus de détails. »

Elle lui fait un nouveau clin d’œil avant de se relever et d’essuyer ses mains sur les plis de sa robe.

- « Bien je crois que nous avons fini ici. Pour la cicatrice elle va en faire tomber plus d’une, ne vous inquiétez pas pour ça. » Elle se tourne vers Theodren « Je suis certaine que votre future épouse va accepter de partager, et puis il faut profiter avant le mariage voyons. Il ne faut jamais s’enchaîner trop vite. Une femme, ça aime être rassuré, sentir l’expérience, il faut s’imposer, sinon elle va fuir. La rendre jaloux,
c'est un véritable succès aussi pour l'impliquer réellement. »

Un nouveau clin d’œil et elle sort puis referme le tissu derrière le guérisseur.

- « Encore un patient en ma compagnie, après promis je te laisse faire ce que tu veux, tu ne peux pas me dire non pas vrai ? »

Elle l’attrape par la main et l’entraîne dans un autre box. Là c’est une jeune femme qui est allongée sur le sol. Pas de plaie ouverte de visible, rien de bien très compliqué, visiblement elle a juste besoin qu’on lui change un bandage à l’épaule. Abigaëlle se souvient l’avoir aidé il y a quelque étant, elle s’était déboîté l’épaule, c’est une autre prêtresse qui lui avait remis sous le regard admiratif de la jeune femme. Elle s’approche du guérisseur et lui murmure à l’oreille, sa chevelure effleurant le visage du corbeau :

- « Je suis désolée… Je ne sais pas vérifier une articulation… Tu penses pouvoir le faire et m’expliquer ? »

Elle se recule en conservant une courte distance, elle espère qu’il accepte, elle a bien dans l’idée de profiter de son professeur et si en plus, il pouvait succomber à ses charmes elle aurait tout gagné.



La jeune femme venait d’accepter de s’alimenter un peu, il était difficile pour Constance de se positionner. Elle avait envie de rejoindre Theodren, pensant naïvement qu’il était seul à l’extérieur, mais sa qualité de prêtresse et sa conscience l’en empêchaient. Elle s’installa donc à côté de la patiente qui semblait enfin plus encline à lui parler avec plus de sincérité. Visiblement son couple semblait battre de l’aile et les coups n’étaient présents que depuis une année à peine, parce que refusant de tomber enceinte la femme ne souhaitait plus avoir une relation avec son époux. Constance grimaça légèrement, ne sachant pas vraiment quoi dire à tout ça. Et puis la question essentielle ne tarda pas à pointer le bout de son nez, est-ce qu’elle était mariée, est-ce qu’elle avait des enfants.

- « Non, je n’ai pas d’enfant… Mais je vais me marier dans un mois, si monsieur n’abandonne pas l’idée. »
- « Vous avez de la chance, j’espère que celui qui vous accompagnera dans la vie sera aussi doux que vous… »
- « J’en suis certaine… »

Si Abigaëlle aurait pu s’offusquer de la réaction de Theodren il n’en fut rien, elle lui avait offert toujours le même large sourire, tout en pensant qu’il y avait d’autres approches qu’elle n’avait pas encore tentées avec lui. Et puis, le guérisseur il a ce regard qui dit non, mais pas un vrai non, c’est juste une question de temps. Alors elle hausse les épaules, laisse tomber le vrai rentre-dedans pour lui permettre d’être plus à l’aise et de lui enseigner de façon plus convenable les connaissances qu’il accepte de transmettre. La brune comprend bien les arguments même si elle n’est pas entièrement d’accord avec tous, elle ne le formule pas, parce que c’est le genre de débat qui ne l’intéresse pas vraiment. Le fait qu’il soit persuadé qu’elle pourrait être une accoucheuse fantastique la flatte, elle opine simplement. Jamais les autres clercs ne laisseraient une femme frivole réaliser des accouchements. Imaginez un peu qu’elle soit la maîtresse d’un des hommes qui va être père, non, jamais. Quoi qu’il en soit le dialogue terminé, que la prêtresse l’avait entraîné auprès d’une nouvelle patiente à qui il fallait vérifier l’épaule. De nouveau Theodren prit le temps de lui expliquer et elle détaillait le moindre de ses mouvements avec une grande attention, vraiment, elle ne saisissait pas encore comment il faisait pour conserver cette distance et ne pas céder à la tentation qu’elle représentait. Tant pis. La jeune femme prépare l’atèle pendant qu’il explique à la patiente puis vient le poser sur celle-ci alors que son interlocuteur lui annonce qu’il va rejoindre Constance. Abigaëlle relève les yeux vers lui, hausse un sourcil :

- « Constance, celle avec l’énorme balafre sur le visage, on parle bien de la même ? Pourquoi préférer sa compagnie plutôt que la mienne ? Je sais que je suis moins douée que mère parfaite, mais quand même… Autant rester avec quelqu’un qui a besoin d’apprendre non ? »

Rien à faire, la brune ne fait pas encore le lien, elle se relève et accompagne le guérisseur à l’extérieur en prenant évidemment soin de saluer celle qu’elle délaisse derrière elle. Le soin est terminé de toute façon. La prêtresse ne le laisse pas encore partir, cherchant à en savoir un peu plus, pas seulement, elle tient aussi à la remercier, cela lui semble important :

- « Merci beaucoup pour les explications… J’ai un peu de mal à trouver un ou une binôme avec qui je m’entends… Je te suis vraiment reconnaissante. Si jamais tu as besoin d’aide ou d’un service, n’hésite pas. Ne me regarde pas comme ça, promis il n’y a aucun sous-entendu cette fois. »

- « Pourquoi il y aurait un sous-entendu ? » questionne une voix qui provient d’un peu plus loin.

Constance vient de sortir du box, celle qui était encore pleine d’émotion venait enfin de s’assoupir et la jeune femme avait préféré la laisser se reposer. Les deux perles vertes de la blonde détaillèrent à la fois Theodren, puis Abigaëlle, son regard passant de l’un à l’autre. Son regard n’exprimait rien de particulier, son visage non plus, quoi qu’une légère fatigue psychologique semble un peu la malmener. En tout cas rien de visible pour ceux qui ne le connaissent pas suffisamment bien. La balafrée s’approche lentement des deux personnes, déposant un bout de tissu sur une chaise qui attendait là. Une fois dans le même cercle que les deux individus, elle reprit doucement la parole :

- « Bonjour Abigaëlle, je suis surprise de te voir ici, il me semblait que tu étais plus du côté confession normalement. »
- « Non j’avais envie de faire un peu de soin aujourd’hui… Enfin, je vous laisse, il y a beaucoup de patients. » Elle se tourne vers Theodren « Theo encore merci, pour tout. » Elle incline poliment la tête
- « Abigaëlle ? » interpelle la blonde « Si tu veux te joindre à nous pour boire une infusion, tu es la bienvenue ? »

La brune fait simplement un geste de la main négatif avant de s’engouffrer dans un nouveau box. Constance laisse échapper un léger souffle de ses lèvres, alors qu’elle avise son amant, sans poser la moindre question. La jeune femme ne semble pas avoir dans l’idée de lui reprocher son comportement, elle préférait oublier un peu.

- « Est-ce qu’une infusion t’intéresse ? » elle tente un sourire faiblard « Est-ce que tu as pu lui apprendre quelques techniques ? »

Constance prend la direction du petit lieu ou les clercs font des pauses, il la connaît, il est déjà venu là-bas. La balafrée pousse doucement la porte puis referme derrière elle et son tendre, la salle est vide, personne ne reste longtemps ici, ce n’est qu’une zone de passage. La prêtresse va immédiatement faire chauffer un peu d’eau alors qu’elle indique d’un signe de tête au guérisseur une chaise. Elle vient ensuite déposer deux tasses avec des plantes, puis après un petit temps y rajoute l’eau chaude avant enfin de s’installer. La journée est mouvementée l’air de rien, riche en émotion en tout cas. Elle offre enfin un sourire en direction de son futur époux.

- « Alors tu as pu faire des soins intéressants ? Ça s’est bien passé avec Abigaëlle, c’est bien d’être venu l’aider, ça a dû lui faire plaisir. »

Constance ne répond pas franchement à l’interrogation de son tendre, non, elle n’est pas fatiguée simplement soucieuse de bien faire et de ne pas réussir à trouver les mots pour apaiser un fidèle. Elle s’était pincé l’intérieur de la joue, tout en portant la tasse chaude à ses lèvres, buvant une longue gorgée. La jeune femme écoutait les mots qu’il employait pour qualifier Abigaëlle, l’avis qu’il s’était fait d’elle en si peu de temps. Elle n’infirma pas ni ne confirma pas ses propos, simplement parce que la position de Constance vis-à-vis de cette femme était plutôt délicate. Cependant elle ne le dirait ni le formulerait jamais.

- « Je ne suis pas certaine que sa place soit dans les soins. C’est une femme charmante, avec une dynamique agréable, contagieuse je dirais même. Cependant, elle n’a pas encore la posture qu’un guérisseur, un chirurgien doit avoir. Elle panique rapidement, ne cherche pas à être précise, elle fait ce qu’elle doit faire sans y prendre de plaisir, sans chercher à faire ce qui semble être le mieux pour le patient. Si pour les soins basiques ce n’est pas véritablement un problème pour ceux plus poussés, c’est vraiment problématique. » Elle fait une pause, surveille sa réaction puis ajoute « De plus, peu de clercs acceptent de la prendre en charge, elle n’est pas entièrement acceptée. Si elle est encore là c’est parce qu’elle vient d’une famille ayant un peu d’influence. »

Nul changement dans la voix de la blonde, difficile de savoir de quel côté elle se positionne, elle évoque simplement des faits sans jamais donner son point de vue propre. Elle n’a pas envie de le partager ni de fausser l’opinion que son amant semble s’être fait de la jeune femme, opinion qui ne la dérange nullement. Constance, ne semble pas ressentir la moindre jalousie, ou alors peut-être fait-elle aveuglement confiance ? Quoi qu’il en soit, la jeune femme ne l’interroge pas davantage sur la jolie brune, simplement parce qu’elle n’en voit pas l’intérêt et qu’elle est certaine que Theodren l’aurait informé si quelque chose l’aurait chiffonné.

- « Tu veux déjà qu’on se sépare pour aujourd’hui ? » demande la blonde un peu inquiète « Je ne suis pas vraiment fatiguée, c’est ma patiente, je ne sais pas vraiment comment m’y prendre… je crois que je t’en veux un peu aussi de l’avoir provoqué et de m’avoir abandonné là-bas avec elle. » La franchise trahit ses traits.

Les mots qu’elle emploie sont beaucoup trop fort, il est évident que si elle lui tenait rigueur de son comportement, elle ne serait pas face à lui en train de siroter de l’eau de chaude. Elle culpabilise déjà de l’avoir dit, alors elle complète :

- « Je comprends ton choix… Je ne sais pas si j’aurais fait le même, pour ce genre de cas, je préfère laisser la personne installer une confiance, puis l’amener doucement à la réflexion. J’ai failli la voir partir et je crois que si je n’avais pas réussi à la faire rester, je m’en serais énormément voulu… »

La voix de la prêtresse est calme, particulièrement douce, elle l’avise d’un regard rempli de bienveillance et de beaucoup de tendresse. Elle fait parfaitement la distinction entre l’homme qu’elle aime, le guérisseur et celui plein de doute, ainsi durant ce petit moment de calme et d’intimité entre eux elle ajoute :

- « Je ne veux pas attendre pour te faire douter, je ne vais pas renoncer. J’ai envie de partager ma vie avec toi, de la découvrir en ta compagnie, mais que toi aussi tu découvres des choses avec moi, pas en te remémorant des paroles qu’on ta dites. Si tu juges que le plus important c’est de nous unir rapidement, alors c’est ce que nous ferons. Si tu peux attendre, sans éprouver de la souffrance, alors on fixera la date dans un mois. Simplement pour avoir le temps de le préparer, de renforcer notre union, simplement pour que tout le monde soit au courant de notre choix. Parce que je n’ai plus envie de te présenter comme un collègue, mais comme mon futur époux. » Elle se pince la lèvre, pleine de culpabilité vis-à-vis de ce qu’elle lui demande.

Constance écarquille doucement les yeux, ne comprenant pas vraiment cette réaction. Elle ne lui a nullement dit la raison pour laquelle personne ne veut pas la former, elle entrouvre les lèvres prêtes à corriger cette erreur, mais la situation se complique se dégrade. Plus il parle, plus elle se ferme avec cette impression de ne pas le comprendre, de ne pas comprendre. Là où elle avait choisi d’exprimer ce qu’il la tracassait sans faire le moindre reproche à qui que ce soit, lui percevait une agression, là où elle avait eu envie de lui prouver son amour, d’exprimer son inquiétude vis-à-vis de sa propre performance, lui ne retient que le négatif, le peu qu’elle a formulé bien maladroitement. Elle le regarde, avec cette impression qu’un élément lui échappe, elle se laisse glisser contre son siège, comme une enfant se faisant remettre à sa place. Bien que la manière était finalement plutôt douce et calme, elle n’en était pas moins violente dans l’esprit de la prêtresse qui semblait passer à travers diverses émotions. Son regard émeraude commençait à doucement s’intensifier, vibrant de cette intensité si particulièrement. Puis le ponpon ne tarde pas à arriver, il se lève et s’en va et devant la porte qui vient de se fermer, Constance reste sans réaction aucune. Son regard avise la tasse qui se trouve face à elle, elle ne comprend pas. Sa poitrine la fait souffrir, elle avise cette porte qui ne semble pas avoir dans l’idée de s’ouvrir, il est vraiment partit. Le mot vient raisonner de nouveau dans son esprit, elle sent la tristesse l’envahir mélanger à la colère. Elle croise les bras sur la table, laisse sa tête s’enfouir entre ses avant-bras, elle soupire, essaie de conserver un rythme respiratoire convenable. La porte s’ouvre et c’est la brave Abigaëlle qui rentre. Relevant brusquement la tête, le regard de la jeune femme s’assombrit soudainement :

- « J’ai changé d’avis finalement » qu’elle lui dit la brune.
- « Je suis ravie de l’apprendre » qu’elle grogne la blonde
- « Tu n’as pas l’air bien, tu n’es plus avec le beau brun ? Tu as vraiment mauvaise mine, vraiment Constance tu devrais plus prendre soin de toi. Comment tu veux séduire qui que ce soit comme ça. »

Cette fois, c’est la goutte de trop, la blonde sent qu’elle va vriller, qu’elle est à deux doigts d’exploser. Le respect c’est bien beau, une vie en vaut une autre, ça aussi c’est bien beau, mais avoir en face cette briseuse de ménage qu’en plus Constance vient de tenir responsable du départ de Theodren. Là, non, elle ne peut pas.

- « Tu ne veux pas la fermer un peu ? » la brune écarquille les yeux sous le choc « Non parce que critiquer ma cicatrice tu sais faire, sous-entendre dans un magnifique sourire que je suis hideuse ça aussi… MAIS fermer tes cuisses ça non, ce n’est pas possible pour toi, c’est trop compliqué pour toi… Alors tu ne vas pas bien m’écouter, je sais que les hommes mariés c’est ton truc à toi, mais tu t’approches pas de Theodren tu m’entends, tu ne l’effleures même pas et si jamais je te vois juste essayer quoi que ce soit, je te préviens tu vas le regretter. Tu as brisé le mariage de suffisamment de personnes comme ça. Ce n’est pas prêtresse que tu aurais dû faire, tu as dû confondre avec femme de joie. Coucher avec les fidèles ça ne suffit pas, les hommes mariés non plus, faut que tu viennes essayer avec d’autre… Tu n’es vraiment qu’une pauvre fille.»

Jamais Constance n’a parlé à qui que ce soit de la sorte, Abigaëlle en prend largement conscience et se demande ce qu’il peut bien arriver à mère parfaite pour que pour la première fois de sa vie elle perde le contrôle de sa patience légendaire et au lieu de l’apaiser et de la rassurer, la brune fait l’unique chose qu’elle sait faire, piquer, provoquer.

- « Oh, c’est toi la fiancée ? Laisse-moi rire, comment tu serais capable de satisfaire qui que ce soit… »

Constance se lève, passe en poussant brusquement la brune en grommelant un « ne t’approche pas de lui, je te le dirais qu’une fois. » Évidemment qu’au fond d’elle Constance culpabilise déjà, et encore plus quand elle ouvre la porte et qu’elle découvre plusieurs clercs visiblement attirés par les haussements de voix. Personne ne lui jettera la pierre, cette femme est une vipère. La surprise n’est présente qu’uniquement dans le fait que ce soit Constance qui se soit emporté, cela n’arrive jamais. Elle fait un geste de la main, inutile d’essayer de la réconforter, elle n’a pas envie qu’on la prenne dans ses bras, pas envie d’être réconforté. Elle veut juste le trouver lui. Elle se dirige vers les soins, pensant naïvement qu’il cherche du réconfort là-bas, passe entre les box, demande aux différents guérisseurs présents si ils n’ont pas vu passer Theodren, tout est négatif, jusqu’elle capte une conversation de deux prêtres qui s’offusquent d’avoir vu monter un fidèle sur les hauteurs. Inutile d’en savoir davantage, cela ne peut-être que lui. Elle ne sait pas pourquoi elle n’y a pas pensé tout de suite, alors elle soupire. Elle essuie une larme qui vient de s’échapper, puis une seconde et maudit mentalement les poussières qui flottent dans l’air. Cherchant à ce convaincre que l’émotion qui s’acharne sur elle n’est pas réelle que c’est juste une poussière dans l’œil, les yeux. Elle monte rapidement les marches en soulevant lentement sa robe, passe entre les clercs et les diverses personnes qu’elle croise, ses yeux sont devenus rouges à force d’essayer de contenir les larmes. Elle rumine le moment, elle rumine encore les paroles qu’elle a prononcées vis-à-vis d’Abigaëlle, même si la plupart des choses dites étaient méritées, c’est bien la première fois que la blonde s’emporte ainsi. Quand elle arrive enfin au niveau des toits, quand la silhouette de Theodren n’est plus qu’à quelque pas, elle se sent soulagée, bien plus qu’elle ne le devrait. Elle s’approche doucement de lui, lentement, avec cette crainte de le voir disparaître, la blonde ne cherche pas plus loin, demande l’autorisation dans un regard larmoyant puis vient s’engouffrer dans ses bras, avant d’éclater en sanglot. Elle pleure, avec une sincérité à fendre n’importe quel cœur. Elle ne voulait pas qu’elle murmure entre deux sanglots, elle s’excuse encore et encore. Parce que ce n’était pas son intention de lui faire du mal, ce n’était pas son envie de le faire partir ou de le blesser… Elle voulait juste dire les choses, parce qu’on a de cesse à répéter que pour un mariage heureux il faut communiquer.

- « Je suis désolée… Pardon… Je ne voulais pas.. Pardon… Excuse-moi »

Elle a l’impression que son cœur va exploser, elle est certaine qu’il va lui annoncer que tout est terminé, qu’il refuse de s’engager avec quelqu’un comme elle. Alors elle se sent obligée de s’expliquer de justifier tout ce qu’elle a dit, au moins pour avoir l’illusion d’avoir tout essayé, avant de se résigner :

- « Si personne s’occupe d’Abigaëlle, c’est parce qu’elle est connue pour briser les couples, elle veut prouver à tous que l’amour n’existe pas, elle brise les couples, elle couche avec les fidèles, avec les hommes en couple, elle s’arrange toujours pour se faire surprendre avec un homme. » Elle prend une inspiration ne lui laisse pas le temps d’en placer une « Si j’ai sous-entendu que j’étais déçue, c’était parce que j’avais envie que tu restes avec moi, d’affronter cette femme et sa souffrance ensemble. » Elle enchaîne « Si j’ai dis que je ne voulais pas que tu penses aux explications, c’est parce que j’avais l’impression de ne pas t’avoir satisfaite moi ! Parce que… parce que j’voulais te faire ressentir autant que tu m’as fais ressentir » elle inspire de nouveau « Et si je t’ai dis que je voulais bien revenir sur la date, ce n’était pas pour tourner autour du pot, mais parce que j’avais envie de te faire plaisir ! Parce que je me suis dis que tu avais raison que notre amour suffisait largement. »

Cette fois elle a fini, elle croit, elle enfouit sa tête dans son cou, elle laisse couler les larmes, elle est persuadée qu’il va la repousser, qu’il va lui dire de partir, qu’il n’a plus envie de la revoir. Elle ose à peine lui dire qu’elle a agressé Abigaëlle pour une raison inconnue, alors elle se contente de pleurer, d’évacuer dans les bras de l’homme qu’elle aime, elle se montre faible, sentimentale et triste. Tant pis pour le reste, elle aura essayé au moins.

- « Pardon… Pars pas… Me laisse pas… »

Constance ne se fait pas repousser, elle le serre dans ses bras, dépose sa tête sur son épaule. Hoquette alors que les larmes dévalent sur ses joues, la blonde vient de comprendre qu’elle n’a pas envie de le perdre. Elle a eu peur, elle tremble encore légèrement alors qu’elle débite ses justifications tout en faisant des pauses pour renifler un peu. La balafrée n’a pas envie de le voir sortir de sa vie ni de lui mettre une quelconque pression, elle augmente son emprise pour le serrer plus fortement contre sa poitrine, elle respire son odeur, sent sa respiration puis finit par se calmer très lentement alors qu’il reprend la parole. La jeune femme l’écoute, dépose ses deux perles vertes sur son visage, il lui paraît particulièrement flou, peut-être encore à cause des larmes. Quoi qu’il en soit, il la rassure, comme il le fait toujours si bien. D’abord sur leur ébat, ensuite sur la date, elle opine simplement le 21 novembre c’est très bien. Ses lèvres vibrent encore un peu sous le flot de ses émotions, alors qu’elle s’autorise enfin à se reculer pour qu’il puisse respirer un peu, elle passe le dos de sa main sur ses yeux pour essuyer les larmes. Elle prend une longue inspiration qui se termine de nouveau dans un petit hoquement. Comme un enfant qui vient de faire une colère, Constance à les joues roses, le regard marqué par les larmes. La blonde ne peut pas détacher son regard de celui de Theodren et quand enfin il l’embrasse, elle ne peut s’empêcher de prolonger l’échange avec beaucoup plus de fougue et de désir. La jeune femme se sent rassurée, son cœur lui donne l’impression qu’il va exploser dans sa poitrine et une multitude de frissons parcourent sa nuque et ses avant-bras.

- « Et moi à toi » murmure-t-elle en stoppant le baiser une fraction de seconde

Elle le pousse légèrement, tout en l’embrassant jusqu’à ce qu’il soit coincé dans un angle entre la fenêtre et le toit, elle laisse glisser ses mains sur son torse exerçant une très légèrement pression. Constance a envie de lui prouver qu’elle ne regrette rien, mais une discussion approchant la fait stopper immédiatement ses agissements. La prêtresse se recule immédiatement reprenant une posture convenable. S’appliquant à calmer son souffle, son rythme cardiaque. Son bas ventre commence déjà à remuer, à faire des mélis-mélos, signe qu’elle commence à reconnaître pour l’avoir vécu une fois plus tôt dans la journée. Elle se pince la lèvre et quand les deux prêtres passent devant la fenêtre, elle fait mine d’être en pleine conversation extrêmement sérieuse.

- « C’est pourquoi il est préférable d’utiliser la saignée, cela permet au patient de se
détendre, je ne suis pas très fan de l’utilisation de bestiole pour la technique… » elle lance un bref regard derrière elle, attend que les deux individus passent puis reprend la parole, sans quitter des yeux Theodren « … J’ai envie de rentrer… Je pense qu’on a suffisamment fait pour aujourd’hui… Est-ce que je peux… dormir chez toi, ou est-ce que tu préfères que je reste ici ? »

La question est sincère, elle peut parfaitement comprendre qu’il puisse avoir envie de profiter d’un moment de solitude, elle ne s’en offusquerait pas. Cependant, elle préfère poser la question, s’il souhaite encore partager quelques moments avec elle, dormir dans sa demeure ne la dérangerait pas, bien au contraire… Ce n’était qu’une question de besoin, ou d’envie.

L’enthousiasme de Theodren réchauffe le cœur de la jeune femme qui affiche un large sourire, peu importe ce que pouvaient bien penser les autres sur le fait qu’elle ne dorme plus au temple. Elle avait fait son choix, lui, rien que lui, juste lui. Elle s’approcha à nouveau dépose ses lèvres sur celle de son tendre, s’amusant à le faire avec une lenteur et une douceur bien exagérée. Juste pour le tenter, lui donner envie de plus, juste un peu. Constance se recule de nouveau, l’observe avec cette intensité indéfinissable dans le regard.

- « Je m’en fiche de ce que les autres peuvent penser. » un sourire discret en coin

C’est la première fois que la prêtresse le voit rougir autant, du moins qu’elle le remarque à ce point. La jeune femme trouve sa touchant, peu importe le temps qui passe, elle le découvre encore et encore. Avec lui, elle est presque certaine de ne pas se lasser, elle lui prend la main, peu importe les pensées des autres, puis l’entraîne dans sa compagnie dans les escaliers pour retrouver la sortie du temple :

- « Si tu veux dormir ici, ce n’est pas un problème, mais tu risques de dormir dans les bras d’un bel homme brun ou blond, certainement pas dans les miens…. Enfin, comme tu veux. » elle se met à rire doucement « Mais si tu insistes je vais prévenir les prêtres… »

Elle sait parfaitement que cela ne va pas l’enchanter, qu’il a autre chose derrière la tête. Elle fait néanmoins mine d’aller vers les dortoirs des hommes, qui sait peut-être que cela lui donnerait des idées. Elle le tire, resserre ses doigts dans les siens, puis se stoppe brusquement pour l’attirer à lui, le temps de s’engouffrer dans un petit recoin. Elle l’embrasse langoureusement avec désir et envie, Constance joue clairement avec le feu, c’est un lieu de passage, d’ailleurs des bruits résonnent un peu plus loin. La jeune femme s’arrête lui lance un regard joueur avant de l’attirer de nouveau dans le couloir, prenant le chemin inverse, affichant un sourire en direction du prêtre et de la prêtresse que le couple vient de croiser. Les deux clercs semblent surpris, descendent leurs regards vers les deux mains qui s’entrelacent, mais ne disent rien, saluant simplement le couple d’un hochement de tête. Constance assume, pleinement, entièrement, elle n’a plus envie de l’inquiéter, de lui montrer ses doutes. La jeune femme ne veut d’ailleurs plus douter. Rapidement les futurs époux arrivent en haut des marches du temple, à l’extérieur. Un bref regard vers le ciel indique que la journée c’est passé très vite, trop vite. Le duo poursuit son chemin vers les bas quartiers, Constance ne relâche jamais la main du guérisseur, pire elle le provoque régulièrement avec des regards remplis de sous-entendu.

La blonde finit même pas relâcher la main de Theodren pour venir la glisser jusqu’à ses hanches, essayant de glisser ses doigts sous sa chemise, puis cesse son agissement pour lui offrir un large sourire enjôleur. Elle le provoque dans un énième regard, puis passe devant lui visiblement emballée dans l’idée de passer une nuit ailleurs qu’à l’intérieur du temple. Ils arrivent rapidement jusqu’à la porte de la demeure, elle le laisse passer devant avec toujours ce grand sourire illuminant les traits de son visage. Une fois la porte déverrouille, elle s’engouffre à l’intérieur, referme la porte qu’elle verrouille et appui son dos contre celle-ci. Visiblement toujours dans l’idée de le tester, de le taquiner, Constance lui laissa le temps de ranger ses affaires.

- « Je prendrais bien une infusion… Je n’ai pas eu le temps de terminer la mienne tout à l’heure… J’y tiens beaucoup… »