Marbrume


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 Allonge.

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Lucain d'AgranceBanni
Lucain d'Agrance



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MessageSujet: Allonge.   Allonge. EmptyMer 12 Juil 2017 - 2:17
Le couteau passe le long de ma peau. La lame m’arrache, me pique à vif. Elle me fait légèrement saigner alors qu’elle traverse le long de mon oreille pour descendre sur mes joues creuses et bronzées. J’en tressaillis, un frisson qui me remonte le long de l’échine, tant la mort est proche ; Il est tellement facile pour un être humain de saigner, je pense que c’est ce à quoi il est le plus disposé. Quand il est troué, c’est constamment une curée qui gicle de partout, comme un geyser bouillant à l’odeur et au goût métallique.
Mais le couteau c’est moi qui le dirige, et je ne fais que me raser.

Voilà deux jours que la mansuétude d’Astrid nous permet de crécher chez elle, moi et Malachite. Elle prend un risque sérieusement inconsidéré, il faut l’avouer ; Qu’un seul client de l’auberge reconnaisse la marque sur nos pattes, et nous finirons à danser autour d’une corde. Moi et Malachite, je veux dire. En réalité, je suis sûr qu’on offrirait une peine encore plus terrifiante et atroce à la jeune fille, parce qu’elle est complice, parce qu’elle nous aide à nous cacher et à nous nourrir, parce qu’il faut un exemple et qu’il soit très cathartique. Les femmes, surtout avec les réputations de sorcières, ne font pas vraiment long feu quand la colère s’abat sur eux.
Mais oui, ça fait bel et bien deux jours que nous squattons chez elle. On l’embête véritablement comme pas possible. La nuit on dort à trois dans un lit pour deux, et le matin on grignote du pain et quelques victuailles achetées sur le marché, pour éviter de prendre notre repas dans la salle à manger avec tous les autres résidents, ce qui fait qu’on laisse traîner des miettes de casse-croûte. La salle est petite pour nous tous, et bruyante, et il y a le voisin gênant qui n’arrête pas d’épier et de guetter pour notre sortie, à se poser des questions sur notre présence. Je n’ai jamais aimé ça, les curieux. J’ai peur pour ma vie, mais ça veut dire que lui devrait avoir des raisons de craindre pour la sienne, si vous voyez ce que je veux dire.
La compagnie d’Astrid est pas désagréable. Ça fait du bien de dormir avec une jolie fille qui sent bon proche de soi ; Mais je ne suis pas à Marbrume pour ça, et je suis assez clairvoyant pour savoir que ça va pas durer éternellement. Parce que sa patience a des limites, parce que le courage est une chose changeante, parce que ma quantité d’argent n’est pas illimitée. Parce que je veux pas passer ma vie ici, parce que mon cheval et mes affaires m’attendent dans un village au milieu des marais, parce que j’ai envie de revoir ma famille, tout simplement. Le problème c’est que la réalisation de tous ces objectifs patinent, car l’Astrid a un boulot et qu’elle fréquente des gens, et que ses fréquentations l’empêchent pour l’instant de réfléchir soigneusement à comment elle va accomplir la tâche qu’elle est censée faire, c’est-à-dire amener moi et Malachite aux portes du manoir.

Alors, j’ai décidé de prendre l’Astrid par les cornes, et de régler cette histoire. Je me suis fais beau.

Installé dans la salle d’eau de l’auberge, je profite d’un horaire où peu de gens passent ; Ils se lavent tôt le matin avant de travailler, ou tard le soir en rentrant de l’effort de leur labeur. Le midi c’est un moment stratégique, bien réfléchis, où je ne risque pas de faire la queue ou d’avoir des gens qui tambourinent à la porte pour me presser, et, pourquoi pas, se mettre à me poser des questions reloues sur qui je suis, d’où je connais Astrid, et pourquoi on me voit pas tous les jours pour manger.
Assis sur un tabouret, j’ai mis à ma disposition une grande bassine d’eau et j’ai sorti le couteau. Il y avait du travail à faire. Mes cheveux étaient devenus gras et tombaient tout le long de mes épaules. Ma barbe hirsute cachait des plis et je soupçonnais que des poux n’aient envahi tout ça. J’ai la chance de ne pas avoir un dos velu, mais je ne peux pas dire pareil pour le reste de mon corps, au point où je me suis mis à craindre la gale. Il était temps de me donner une apparence plus « urbaine », quand bien même urbaine voulait dire quelque chose dans un bas-quartier rempli de mendiants, d’éclopés, et de flagellants en tout genre.
Ça a été long. Et fatiguant. Je suis resté là à soigneusement me débrailler, couper partout, et laisser mes poils et mes cheveux choir au fond de la bassine d’eau qui me rafraîchissait. Je grelottais tant la flotte était glacée, mais ça n’a pas réduit ma motivation. Soigneusement j’ai donné des coups de couteau un peu partout. Pourtant, je n’ose pas me donner la même apparence que j’aie pu avoir avant d’être banni, parce que l’on connaît ma tête chez les nobles, et si le bourgeois ou le réfugié commun ne voit rien de spécial chez moi -hormis la marque que je camoufle-, il en va toute autre chose envers tous les gens que je fréquentais là-haut, les chevaliers avec qui je baroudais, les nobles avec qui je buvais, et les dames que je courtisais. En réalité, passé la porte des anges, je crains une rencontre fortuite avec des gens qui auraient eux bien plus d’intérêt à faire du chantage sur ma famille que l’Astrid pourrait jamais imaginer.

J’ai accompli ma besogne et je me suis levé pour observer le résultat, devant une plus grande glace bien visible puisqu’il n’y avait pas la condensation d’un quelconque feu pour faire réchauffer le bain. Mes yeux se sont écarquillés en regardant l’homme devant moi. Je suis pas sûr de m’être réellement penché sur mon apparence depuis l’époque où j’ai été jeté dans les marais. J’avais un air... Différent. En fait j’étais pas étonné que la douce ait pris peur en me voyant arriver, et que je comprenais mieux son aspect de trouille devant ce personnage. Mes joues sont creuses je l’ai dis, creuses au point de laisser apparaître les os. Mon corps est couvert de cicatrices, heureusement sur le visage il n’y a que des bleues et quelques coupures, mais je reconnais à mon épaule une vieille perforation par une flèche, à mon ventre un poignard qui a failli m’enlever la vie, à la cuisse une épée qui m’a tailladée et dont la douleur peut, de façon chronique, se réveiller. Je suis un patchwork d’être humain, et avec mes côtes rendues saillantes par la faim, quand bien même mes bras et mes cuisses sont encore musclées par l’exercice constant qui bouffe mes forces, je sens le besoin irrésistible d’aller cacher ce que je suis sous des couches de vêtement.
J’en suis haletant, j’en ai le cœur qui bat. Pendant des mois je m’imaginais invincible. Je fanfaronnais en répétant à qui veut l’entendre que je suis déjà mort. Maintenant je prends mon délire psychotique au mot ; je suis mort. Et c’est pas beau à voir.

Les nouveaux vêtements sont, heureusement, propres. Ce sont ceux avec lesquels je suis arrivé en fait, mais nettoyés et enfin secs. Des braies communes, un doublet échancré, un pourpoint matelassé, un fourreau pour des dagues et pour une épée courte, le tout que je cache astucieusement sous un grand manteau en cuir qui devait appartenir à un noble ou à un bourgeois, qui garde malgré tous les traces de crottin et de boue même s’il est respirable.
Je rabats la capuche sur le crâne, et je décide de quitter l’auberge.

La cathédrale de Marbrume sonne l’heure de midi alors que j’erre au milieu des ruelles. Je m’y perds à vrai dire ; Je suis plus habitué à naviguer au milieu des tourbes et des clairières de l’Obliance que dans les coupes-gorges et les ruelles insalubres du bas-quartier d’une ville. Ces avenues me vomissent et débouchent dans un coin ou un autre, marqués par un groupe de clodos, par un petit commerce, par des femmes qui filent des vêtements, par un petit attroupement de jeunes gens que j’évite soigneusement puisqu’ils m’ont l’air de brigands. Je n’aime pas cette sensation d’être penaud et perdu, et heureusement que je n’ai pas un air tendre, autrement ils m’auraient probablement bouffés, ces enfoirés.

Mais finalement je retrouve la tente d’Astrid, celle dans laquelle je me suis faufilé secrètement avec les mêmes vêtements, mais des intentions paraissant hostiles, il n’y a pas deux jours. Je sais qu’elle a fermé à cette heure, mais ça ne m’empêche pas de venir pousser le pan de toile de la tente. Je lève ma patte gantée avant de vite calmer celle chez qui je m’introduis, alors qu’elle est en plein milieu de ses cartes.

« C’est que moi. »

Je prends une grande inspiration en reniflant, avant de regarder tout autour. La décoration un peu ésotérique me met passablement mal à l’aise, mais je me rassure dans un coin de mon esprit en me disant que tout ça n’est que boniment. Mais quand même... Quand même, je préfère pas tenter. C’est pareil dans les marais, avec l’Ordre du Saint-Cippe ou les gens de la Secte des Marais ; La religion j’y crois, y faut bien, mais j’ai vu certaines choses qui font que je peux me permettre de devenir très superstitieux. Enfin sérieusement, comment vous pouvez prétendre être cartésien quand des morts se relèvent pour vous croquer ? L’empirisme me porte à véritablement croire que la sorcellerie existe.

« Tu connais un endroit où qu’on peut manger toi et moi ? Je paye. Avant de rajouter, avec une voix un peu penaude : Enfin, que ce soit abordable quand même... »
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Astrid la DouceCartomancienne
Astrid la Douce



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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. EmptyMer 12 Juil 2017 - 18:33
Astrid avait fini par trouver refuge sous sa tente. Ça n'avait pas toujours été ainsi. Avant l'arrivée des deux bannis qui la collaient maintenant, elle avait plutôt considéré sa tente comme une prison dont elle ne pouvait sortir que le soir, et sa chambre d'auberge comme un refuge. Après il y avait eu la prostitution qui avait un peu changé la donne, mais au final son lit restait tout de même un endroit de solitude ou de compagnie choisie. Jusqu'à ce qu'elle se retrouve à le partager avec deux bannis. Ils avaient eu la décence de prendre une bain, mais dormir avec deux inconnus, même propres, dans un lit visiblement trop petit pour tout ce petit monde, ça ne permettait pas vraiment de passer des nuits paisibles et reposantes. Quoique le voisin, lui, avait l'air bien plus reposé.
Astrid avait fini par considérer ses séances de charlatanisme plus ou moins réussies comme une échappatoire à ses problèmes mais ça ne lui permettait pas de les oublier. De toute façon ce serait là la pire de toutes les erreurs. Il fallait au contraire qu'elle s'y concentre, qu'elle se donne toute entière pour cette tâche. Malachite et Lucain allaient passer sur cette fichue Esplanade, ou alors elle ne serait jamais tranquille. Harcelée ou morte, en fonction de ce qui justifiait cet échec ou ce retard. Mais elle était là, sous sa tente, à profiter de ces quelques moments de répit pour ne rien faire. Il devait être midi, à peu de choses près, et c'était soit le meilleur moment soit le pire de la journée. Astrid ne travaillait pas à cette heure-ci, de toute facon il n'y avait jamais personne. Ce qui lui permettait de juger la qualité de sa journée, c'était la quantité d'argent qu'elle avait pu récolter et la puissance de sa faim. L'argent gagné servait avant tout à payer sa chambre, le surplus servait à manger, et elle concentrait donc ses repas en un seul, le soir, quand elle avait atteint son objectif. Sauf les jours exceptionnels, où le matin se trouvait surchargé. Avec l'habitude le sentiment de faim se faisait plus discret, et ses pauses de midi plus agréables puisqu'elle ne tournait pas en rond en regrettant l'époque bénie où elle pouvait manger à sa faim. De toute façon Astrid avait rapidement compris comment elle pourrait réinvestir ce temps libre.
C'était l'heure de la sieste. En général elle se tirait les cartes, elle faisait un petit tour, elle repensait sa décoration ou jouait. Les cartes de divination étaient parfaites pour faire des châteaux de cartes. Mais depuis quelques temps, deux jours environ, son sommeil s'était passablement dégradé. Ce n'était pas juste la place dans le lit qui posait problème. Elle était rongée par l'angoisse que quelqu'un découvre son petit manège, ce qui lui faisait passer de bien mauvaises nuits.
Elle avait voulu se tirer les cartes mais elle se sentait fatiguée, et après avoir baillé en boucle pendant de longues minutes de solitude elle se décida à s'allonger. Elle poussa son tabouret, récupéra son coussin pour s'en servir d'oreiller et ferma les yeux... Une bonne sieste, voilà ce qui lui ferait du bien. Elle avait même laissé ses cartes éparpillées sur la petite table. Ça allait, pour une fois, être le meilleur moment de sa journée...

《C’est que moi. »

Elle ouvrit brusquement les yeux avant de se rasseoir. Elle ne put pas s'empêcher de pousser un profond soupir. Maintenant ils venaient jusque dans sa tente quand elle ne recevait personne. Adieu tranquillité, adieu sommeil... Mais... Qu'est-ce qui lui était arrivé? Astrid écarquilla les yeux, si elle n'avait pas vu les vêtements ou entendu sa voix elle ne l'aurait probablement pas reconnu. Changement de coupe, disparition de la barbe... Ça lui faisait un visage tout à fait différent, bien plus propre et net, mais toujours pas rassurant...

- Oui ?

Il semblait regarder la décoration, mais la cartomancienne se doutait qu'il n'était pas venu ici pour chercher des idées pour refaire le manoir familial. Il devait bien avoir quelque chose à lui dire, sinon il serait sûrement resté dehors, comme le premier jour. Il ne semblait pas très porté sur les choses inutile en règle générale...

« Tu connais un endroit où qu’on peut manger toi et moi ? Je paye.

Astrid ne s'était absolument pas attendue à cette proposition. Elle avait même plutôt pensé qu'elle aurait droit à une autre demande ou à des reproches. Ça cachait peut-être quelque chose... Mais qui pourrait refuser une invitation de ce genre par les temps qui courent ? De toute façon Astrid ne voulait pas vraiment se le mettre à dos.

Enfin, que ce soit abordable quand même... »

Il avait l'air un peu gêné, sans qu'Astrid ne comprenne pourquoi. Évidemment elle n'allait pas l'embarquer dans les quartiers riches ! De toute façon, il lui avait demandé un endroit qu'elle connaissait, et elle mangeait bien plus souvent au Labourg qu'ailleurs. Elle sourit un peu.

- Oui, bien sûr, c'est...

Elle chercha son mot un instant. Ça paraissait gentil mais était-ce désintéressé? Il fallait pourtant qu'elle termine maintenant.

- C'est gentil de m'inviter.

Elle récupéra rapidement ses cartes avant de se lever pour rejoindre Lucain. A force à lz regarder elle s'habituait petit à petit à sa... Nouvelle apparence. Elle se demandait si une remarque à ce sujet serait bien reçue, ou si c'était au contraire quelque chose à éviter.

- Il y a beaucoup de possibilités, tu veux manger quelque chose en particulier ? Même si vu les circonstances le choix est réduit... On ne sait jamais.


Elle sortit de la tente, clignant des yeux pour s'habituer à la lumière bien plus forte à l'extérieur. Bon, elle avait perdu sa sieste mais gagné un repas... Elle ne perdait pas aux changes! Astrid avait tout de même du mal à se réjouir tout à fait. Elle trouvait que ça cachait quelque chose. S'il lui avait vraiment voulu du mal elle serait probablement déjà morte depuis longtemps mais... Elle ne voyait pas comment lui demander s'il voulait lui dire quelque chose sans se montrer désagréable.
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Lucain d'AgranceBanni
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. EmptyMer 12 Juil 2017 - 19:29
Je haussais les épaules avant de renifler au propos de la cartomancienne.

« Nan, écoute, je connais pas du tout ces endroits de Marbrume. C’est toi qui sais où manger, moi je peux pas en dire. »

J’attendais qu’elle prenne ses affaires et ne décide à partir. J’observais faire tout le long, avec une attention tout particulière. Pas tellement suspecte d’ailleurs. Juste une curiosité assez mal placée. C’est assez fascinant tous ces trucs, même si encore une fois je tente de me persuader dans mon crâne que tout ici n’est que charlatanerie. Je sais pas. L’univers au-delà de moi est fascinant et assez merveilleux, pour ça que je me calme et que je fais de grands yeux de gamin quand je vais dans une église.

« T’es prête ? » Je demandais assez candidement, parce que je sais d’expérience que les femmes mettent généralement un temps fou à s’habiller quand on veut les inviter bouffer. Heureusement, par la grâce de Serus, ce ne fut pas aussi long que je l’imaginais. J’avais pas la moindre idée de si elle voulait m’amener dans un boui-boui à ciel ouvert pour grailler un ragoût, ou si elle comptait m’amener dans une vraie auberge réputée, mais je mettais tout de même une condition.

« Pas envie de bouffer dans l’auberge où on dort. Tes voisins y épient trop, y se mêlent de ce qui ne les regarde pas. J’aime pas ça, ça met mal à l’aise. »

Je poussais le pan de la tente pour me retrouver à nouveau dehors. Mais cette fois-ci, une habitude trancha avec mon comportement des derniers jours ; Je ne rabattais pas ma capuche sur le crâne pour me donner un air de sicaire. À présent mes cheveux étaient très courts, et non plus noués en me descendant jusqu’aux épaules. J’avais un air bien plus urbain, mais c’était surtout parce que je ne souhaitais plus me comporter en loup. À Verastre, fait ce que les Verastiens font.
Je posais mon poing sur la hanche afin de tendre le coude vers l’Astrid, et en l’assurant d’un mouvement de tête, je traduisais mon geste.

« Tu prends pas mon bras ? »

Oui, j’y tenais. Vous voyez, c’est une question stratégique. C’est risqué de la part d’Astrid de laisser tout un tas de matériel et de choses de valeur au milieu du Labourg, il y a des tas de cambrioleurs. Mais en s’accrochant à mon bras, ceux qui épiaient en attendant une occasion de venir dévaliser, ils savaient qu’on était lié. Et moi, à force de marcher dans la rue avec mon air débraillé, mon épée en vue, et ma tronche de rufian, ils ont vite compris qu’avoir affaire à moi était une très mauvaise idée. Alors que personne ne connaissait mon nom, je suis certain que ma réputation a déjà fait le tour du pâté de maison.
Non je déconne. Ça c’est l’explication que je me prépare à réserver à Astrid si elle me demande pourquoi. La vérité est d’une simplicité bien décevante. Avoir une fille à mon bras ça me manque. Je le faisais tout le temps quand j’étais là-haut. Là-haut derrière les murs de l’Esplanade qui se dévoilent quand on soulève la tête. Mais là-haut en général, là-haut sur la selle de mon cheval, fier de mon sang bleu, d’où je pouvais sentir le monde trembler à mes pieds quand le cheval marchait en pas avec les bannières et les oriflammes d’un ost ducal. Moi je suis grégaire, comme les loups que je veux imiter. Vous pouvez pas trop m’en vouloir de profiter ?

Et voilà qu’on marche, dans cette poussière un peu désagréable et collante du Labourg. Ici il y a pas mal de lopins de terre exploités, et donc de la boue et des avenues crottées, des sillons creusés dans la terre par les roues des charrettes qui portent les moissons d’été. Elles sont abondantes, par la grâce de Serus ; Mais abondante pour la population originelle de Marbrume, sans compter l’arrivée d’innombrables réfugiés du continent. Ça me fait un peu pincer les lèvres, en me demandant quelle nourriture on allait bien nous servir où Astrid souhaite m’amener, mais je ferai bien avec.
J’ai même déjà mangé du cerf quand la faim m’y a poussé. Le Dieu me pardonne.

« T’as bien dormi cette nuit ? J’ai essayé de pas trop bouger moi. ‘fin... J’sais pas, j’ai pas réussi à trouver le sommeil. Mais je dors peu. J’espère juste que je t’ai pas réveillée.
Bref. Faut qu’on piaille un peu de notre affaire. C’est pour ça que je suis venu te voir. Est-ce que tu as réfléchis à des idées pour... Pour notre affaire ? »
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. EmptyMer 12 Juil 2017 - 22:34

« Pas envie de bouffer dans l’auberge où on dort. Tes voisins y épient trop, y se mêlent de ce qui ne les regarde pas. J’aime pas ça, ça met mal à l’aise. »

De toute façon Astrid n'avait pas l'intention de l'emmener là-bas. Son auberge était peut-être très bien pour dormir, mais elle était intimement convaincue que leur nourriture était immonde depuis qu'elle y avait mangé une fois et ne souhaitait pas renouveler l'expérience. Même si ce n'était pas elle qui payait.
Bizarrement Lucain ne mit pas sa capuche. Enfin, il faisait bien ce qu'il voulait de son visage ça ne regardait pas la cartomancienne, mais elle avait tout de même noté la différence. C'était un peu comme sur la coiffure et le rasage, Astrid n'osa pas faire un seul commentaire. Elle était d'ailleurs en train de l'observer soigneusement à la lumière du jour quand elle vit qu'il... Tendait son coude vers elle ? Elle resta immobile devant ce geste.

« Tu prends pas mon bras ? »

Pourquoi ? Qu'est ce que ça pouvait bien lui faire ? Mais Astrid ne pouvait que saluer le changement. Elle lui avait dit d'être civilisé, il avait dit qu'il était un sauvage, mais il semblait tout à fait décidé à lui prouver que ce n'était pas aussi simple que ça. Astrid laissa échapper un petit rire, avant de prendre effectivement son bras.

- Si ça t'amuses!

Ils se mirent alors en route. Astrid n'avait pas encore tout à fait choisi où elle allait emmener Lucain mais une idée se détachait déjà des autres dans son esprit. Elle connaissait une auberge, minuscule, mais où elle mangeait parfois et où c'était toujours plutôt correct. Ils pourraient échapper aux espèces de purées informes, sans goût, et à la composition douteuse. Pareil pour les ragouts de légumes pourris qui étaient parfois servis dans le coin. Manger quelque chose d'à peu près convenable devenait parfois compliqué ces derniers-temps.

« T’as bien dormi cette nuit ? J’ai essayé de pas trop bouger moi. ‘fin... J’sais pas, j’ai pas réussi à trouver le sommeil. Mais je dors peu. J’espère juste que je t’ai pas réveillée.
Bref. Faut qu’on piaille un peu de notre affaire. C’est pour ça que je suis venu te voir. Est-ce que tu as réfléchis à des idées pour... Pour notre affaire ? »

Astrid se demandait s'il attendait vraiment une réponse au sujet de son sommeil. Évidemment qu'elle avait mal dormi ! Lucain ne l'avait pas réveillée, ou alors elle ne s'était pas rendue compte qu'il était à l'origine d'un de ses nombreux éveils nocturnes, mais est-ce que ça avait de l'importance ?

- J'ai très mal dormi. Mais j'imagine que ça ne doit pas être particulièrement de ta faute.

Le reste de ce qu'il disait lui semblait enfin révéler l'origine de cette invitation. Lucain s'impatientait et voulait se tenir au courant des éventuelles avancées du plan. C'était de toute façon la seule raison logique qu'il avait de vouloir déjeuner avec elle: qu'est ce que son joli minois pouvait bien lui faire ? Elle préférait qu'il en soit ainsi, qu'elle reste un peu une sorcière étrange et qu'on la laisse tranquille. L'objet de l'invitation était au final plutôt rassurant.

- J'ai entendu quelque chose qui pourrait nous aider ce matin, mais je dois me renseigner parce que c'était assez flou.

Elle lança un regard en direction de l'homme duquel elle était au bras. Elle ne se sentait pas particulièrement l'envie d'évoquer tout ça plus en détail maintenant, elle préférerait attendre d'avoir de la nourriture sous le nez, mais ce n'était peut-être pas son avis.
Durant leur petite discussion ils avaient atteint la minuscule auberge où Astrid avait pensé s'établir un instant. S'il restait de la place. La devanture n'était pas particulièrement attrayante, c'était même plutôt le contraire, et ça expliquait qu'Astrid puisse espérer y trouver facilement de la place. Elle souhaitait toutefois que Lucain ne se montre pas trop pessimiste en constatant l'apparence de l'endroit...

- Je pensais manger ici. Je sais, ça ne donne pas trop envie vu de l'extérieur, mais on n'y mange pas trop mal, même en ce moment... Et il n'y a pas grand monde, en règle générale. Ça te dit, ou tu préfères aller voir ailleurs ?
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Lucain d'AgranceBanni
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. EmptyJeu 13 Juil 2017 - 2:20
Le boui-boui sentait mauvais, mais toute la ville en général sent mauvais. Je pince mes lèvres en répondant à son propos qui la fait passer, l’espace d’un instant, pour une fille qui a plus de moyens qu’elle n’en a vraiment.

« Cela ira bien. »

J’avance et j’obéis à la règle de courtoisie, qui est que l’homme passe en premier. Oui, vous m’avez bien entendu ; Contrairement à ce que les jeunes damoiseaux idiots s’imaginent, l’homme ne fait pas passer la femme en premier, il avance bien en avant, et si vous avez de la jugeote vous comprenez que c’est parce qu’on sait pas ce qu’il peut y avoir à l’intérieur, souvent une bagarre de taverne, ou alors des kidnappeurs, ou que sais-je encore. Cette règle de courtoisie très noble je la respecte, et après m’être avancé à l’intérieur, je tire la porte pour qu’elle puisse entrer.
L’endroit est sombre. Les grandes fenêtres sont un peu sales, et l’ambiance est bruyante. Il fait chaud, y a plein de gens, et des mouches volent un peu partout au plafond, cherchant probablement de la viande en cuisine où elles iront pondre des larves et autres joyeusetés. Ça sent fort, fort mauvais, le fromage et le ragoût, et dans les rires et les raclements de chaises, je suis pris un peu au dépourvu.
En nous voyant entrer, je peux observer une serveuse qui soupire. Elle est plus petite que nous deux, rondelette, vêtue de frusques amples mais un peu salies par le gras de sauces qui coulent des plats qu’elle porte. Elle sert une table avant de forcer un grand sourire et de s’approcher de nous. Un grand sourire de dents jaunâtres, mais ses yeux ne sourient pas avec ses lèvres. Moi je lis dans les yeux des gens, je vous ai bien assez saoulé avec ça, vous l’avez compris ; Je ressens donc un profond malaise devant la scène.

Elle nous a souhaité la bienvenue, avec sa petite voix fluette et faussement guillerette. Moi avec mon ton rauque, je lui ai dis que nous voulions manger à deux. Elle nous a conduit et nous a assuré qu’elle serait bientôt là. J’ai pas oublié de lui dire merci, toujours avec ma voix grave et monotone, sans même une expression un peu plus gentille, et posant mes mains sur la chaise, je tirais celle de la sorcière avant de venir m’asseoir à la mienne.
Tout autour dans la salle ça bougeait. Ça criait. Ça tapait des verres sur la table en riant. Des mousses de bière et des miettes de pain gorgées de bouillons de légume tombaient sur les planches du sol. Tout un tas de gens à l’apparence variée, la plupart portant des tabliers, des braies, de simples vêtements de gens de travail. Non. C’est pas des marchands. Je vois leurs bottes crottées ; Ce sont des paysans. Des gens qui viennent des lopins tous proches du Labourg, qui doivent s’occuper des poules et des cochons, de la moisson des blés et des semailles des légumes. Des locaux, en fait. Peut-être quelques réfugiés, devenus ouvriers agricoles pour l’été. J’observe la scène en grognant au fond de la gorge, avant de murmurer quelque chose.

« Y rigolent ensemble comme si de rien n’était... ça fait pas un an que la fange est là ? Y sont miraculés... C’est leur dernier été heureux. L’hiver venant ils s’entre-tueront comme les ours. »

Je lève mes yeux vers ceux glacés d’Astrid. J’ai parlé à voix très basse, je suis même pas sûr qu’elle ait entendu. En fait je lui parlais pas, je parlais tout seul. Il m’arrive trop souvent de parler tout seul.

« Je suis pas habitué à la foule, je reprends en me faisant entendre d’elle cette fois. J’ai jamais trop aimé ça... »

Je hausse les épaules. J’observe toutes ces bouilles, ces trognes d’hommes honnêtes. Leur idiote les rends honnêtes, c’est ça le truc. Qu’importe qu’ils ricanent bêtement et qu’ils crachent leur soupe en racontant comment un ami s’est vautré dans le caca, ou qu’ils entonnent une chanson grivoise sur les loches de la serveuse. Je crois que je me sens bien au milieu d’eux, car l’intelligence est presque toujours un don de méchanceté. Ça m’arrache même un sourire, un vrai sourire, un beau, pas une de ces grimaces carnassières que j’ai l’habitude d’afficher chaque fois que je m’apprête à me bagarrer.

« Mais ça me manque en fait. Mais bon... Je suppose qu’il vaudrait mieux pour moi comme pour toi que je ne me mette pas à essayer de me faire des amis. »

Du coup, toute mon attention, elle est pour Astrid. Et c’est ses yeux que je regarde. Bon, ses yeux et ses seins. M’en voulez pas bordel ! Je sais que vous aimeriez croire que je suis un gars débordant de classe, mais faut vous rendre à l’évidence que je suis qu’un homme, et que je suis un homme qui a passé des mois sans regarder de femmes, ou alors des femmes qui avaient pas tellement l’idée de faire des choses en tête... Enfin tout ça pour vous dire que je suis qu’un homme et que vous pouvez pas m’en vouloir.
Mais, heu, non, je regardais ses yeux aussi. Oui.

La serveuse s’approcha avant qu’un silence gênant ne puisse s’installer. Elle était un peu essoufflée, mais son même sourire s’affichait sur sa frimousse.

« Pardonnez, mon sieur, ma dame... Que souhaitez-vous manger ?
– ça dépend ce que vous faites,
je répondais d’un ton plus froid que je ne m’étais adressé à la douce.
– Heu, nous... En viande, nous avons la chance d’avoir du sanglier qui a été capturé dans les marais, c’est ce que les messieurs à la table sont en train de manger...
– Eh bien vous m’amènerez une tranche. Avec une soupe. Et un plateau de fromage pour nous deux. »


Elle acquiesça en agitant la tête. Je commandais le plus simple, mais c’était déjà un petit luxe. Après que Astrid eut commandé, la serveuse s’éloigna et disparu entre les tables et les chopes, et moi je recommençais à m’endormir à moitié, pas encore remis de mes mauvaises nuits accumulées dans les marais, en observant la jolie dame devant moi.

« J’suis désolé. J’ai un peu perdu de ma conversation... Y a une époque c’était un peu plus facile pour moi ce genre de chose. Manger face à une fille je veux dire. Enfin quelqu'un. »
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Astrid la DouceCartomancienne
Astrid la Douce



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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. EmptyJeu 13 Juil 2017 - 9:20
L'endroit ne ressemblait pas vraiment aux souvenirs qu'Astrid en avait. Elle n'aurait jamais pensé qu'on puisse y faire tenir aurant de monde. La seule chose qui lui sembla correspondre c'était l'obscurité, et la demoiselle commençait presque à se demander si elle ne s'était pas trompée d'endroit. Tant pis. Ils trouveraient bien quelque chose à manger ici, les autres clients semblaient plutôt heureux de ce qu'ils avaient sous le nez.
Lorsque la serveuse arriva son sourire trop grand ne piègea personne. Elle n'avait pas envie d'être là, dans le bruit, dans la crasse un peu aussi. Pourtant elle faisait des efforts, et tentait même de rendre sa voix plus joyeuse pour leur souhaiter la bienvenue. Astrid laissa Lucain répondre, et lui ne faisait pas semblant d'être heureux.
Une fois arrivés à leur table le banni prit la peine de tirer la chaise pour Astrid, qui ne put pas masquer sa surprise. La transformation en civilisé était bien plus que réussi, et à vrai dire même en sachant que sa famille venait de l'Esplanade Astrid ne s'attendait pas à ce résultat. Il lui avait fait peur avec son histoire de type déjà mort et sauvage qui regarde la folie au fond des yeux des Fangeux, mais finalement il pouvait se montrer bien plus sympathique. Astrid le remercia. Elle observait Lucain qui observait la salle, mais lorsqu'il dit quelque chose elle ne comprit rien à cause du bruit. Elle allait lui demander de répéter, sait-on jamais qu'il attende une réponse, quand il plongea ses yeux dans les siens. Il reprit la parole et cette fois-ci elle put entendre. Il avait dû se rendre compte qu'il parlait trop bas et répéter pour elle.

« Je suis pas habitué à la foule. J’ai jamais trop aimé ça... »

Astrid avait l'habitude mais ça ne voulait pas dire qu'elle appréciait ça, loin de là. Seulement la foule c'était du public ou des clients potentiels, la foule c'était de l'argent. Et dans ces conditions, qui pourrait se permettre de rejeter la foule ? Astrid était persuadée que maintenant il suffisait de payer pour se faire admettre dans des lieux qui ne vous auraient pas acceptés avant la Fange.

- Moi non plus je n'aime pas trop la foule...

Elle se tut parce qu'elle n'avait rien d'autre à dire sur le sujet mais aussi un peu parce qu'elle remarquait, toujours avec étonnement, un grand sourire sur le visage de Lucain. Il avait déjà souri devant elle, même le premier jour au moment de leur rencontre, mais ça lui avait donné une apparence tout à fait différente. Il avait eu l'air un peu dingue, et surtout dangereux. Alors que là il paraissait juste... Content ?

« Mais ça me manque en fait. Mais bon... Je suppose qu’il vaudrait mieux pour moi comme pour toi que je ne me mette pas à essayer de me faire des amis. »

Elle se demanda s'il était triste. Astrid n'avait aucune idée du nombre de personnes qu'un banni était amené à côtoyer dans les marais, mais Lucain lui paraissait chanceux : il avait Malachite. Pouvoir parler à quelqu'un devait lui éviter de devenir complètement fou, même si au bout d'un moment il devenait peut-être compliqué de se supporter. Quand on n'est que deux, il n'y a pas le choix de l'interlocuteur. Astrid se demandait s'il se sentait seul.
Et elle s'efforça de ne pas rire, en voyant les yeux de Lucain descendre jusqu'à son décolleté, plutôt bien mis en valeur comme toujours. Ça faisait partie de son travail de savoir remarquer si elle intéressait les hommes avec qui elle traînait, pour savoir lequel allait être d'accord pour payer. Elle ne savait pas vraiment si Lucain lui trouvait quelque chose, mais ça lui donnait un peu l'impression qu'il venait subitement de se rendre compte, après deux jours passés avec elle, qu'elle était une femme. Mais bon, le banni prenait la peine de regarder un peu ses yeux aussi alors elle ne fit aucun commentaire. Tout le monde n'avait pas cette délicatesse.
La serveuse revint, toujours avec le même sourire mais elle semblait surtout fatiguée à force de courir partout en portant des plats. Astrid écouta ce que demanda Lucain et répondit simplement qu'elle aimerait manger la même chose, avant de sourire à son tour à la serveuse. Le bon côté avec cette affluence, c'était qu'au moins la demoiselle ne s'attarda pas à leur table.

« J’suis désolé. J’ai un peu perdu de ma conversation... Y a une époque c’était un peu plus facile pour moi ce genre de chose. Manger face à une fille je veux dire. Enfin quelqu'un. »

La cartomancienne ne put pas empêcher un sourire amusé de se dessiner sur son visage. Elle commençait à se dire que Lucain n'avait peut-être pas comme unique projet de lui parler du plan. Si ça avait été le cas il serait passé dans sa tente, ils auraient discutés, et ce serait probablement déjà terminé. Mais non, il l'avait invitée à manger, il avait regardé ses seins, et maintenant il lui expliquait qu'il n'avait plus l'habitude de manger face à une fille. Même s'il s'était repris, n'importe qui aurait commencé à avoir des doutes...
Elle aimerait bien lui demander s'il y avait des filles dans les marais, mais elle craignait que quelqu'un surprenne leur conversation malgré le bruit du lieu.

- C'est pas grave,
dit-elle simplement en haussant les épaules. Elle regarda Lucain. Ça te va bien, ta nouvelle coupe.

Elle ne voulait peut-être pas dire "bien", elle avait surtout pensé "mieux" mais elle préférait ne pas se reprendre. Ça rendrait son compliment bizarre.
Astrid jeta un regard en direction de la serveuse mais ce qu'elle portait ne leur était évidemment pas encore destiné. Elle était tout de même impatiente, depuis le temps qu'elle n'avait pas mangé un midi... Et de la viande, en plus ! Mais elle ramena bien vite son attention à leur table, et entreprit d'expliquer ce qu'elle avait entendu le matin. Comme ça au moins ce serait fait, et elle pourrait profiter de son plat tranquillement.

- J'ai entendu dire,
commença-t-elle sur le ton d'une discussion légère, qu'un noble cherche de nouveaux domestiques. Apparemment il y aurait un genre d'entretien avec un de ses employés, et ensuite pour ceux qui semblent convenir, un essai dans son manoir. Imagine, ceux qui vont jusqu'à l'essai mais qui ne sont pas retenus ! C'est assez triste, mais au moins ils pourront se consoler, ils auront vu l'Esplanade...

Évidemment c'était une idée assez risquée et qui reposait déjà sur le principe que Lucain et Malachite accepteraient de jouer le jeu mais aussi seraient retenus. Ça s'annonçait compliqué. Astrid n'avait pas arrêté de chercher d'autres idées bien évidemment, mais elle préférait faire part à Lucain de toutes les pistes qu'elle pouvait entrevoir. Et elle observa à nouveau la serveuse avec impatience.
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. EmptyJeu 13 Juil 2017 - 13:49
Le bruit parasite vraiment les oreilles. Beaucoup trop. En fait je crois que c’est moi qui exagère, qui sur-réagit à ce problème. J’en ai un peu mal au crâne, et surtout je crois que j’ai un peu peur. Oui ils sont pas méchants les gens de cette salle, je regarde et eux ne prêtent aucunement attention à moi, ils m’ignorent totalement ces paysans. Pourquoi je me sens pas à l’aise ?

En tout cas l’Astrid est jolie quand elle sourit. Mais je me demande si ces grimaces sur sa frimousse sont forcées, avec condescendance pour me rassurer, ou qu’est-ce qui fait que ses lèvres se plissent ainsi. J’ai tellement l’habitude des sourires hypocrites et mauvais que je suis jamais rassuré.
Mais j’écoute le plan que la Douce prépare, et ça me fait me pincer les lèvres, hésitant.

« Le problème c’est que ma tête elle est connue là-haut. Et par pour de bonnes raisons... Alors si ton noble il m’a déjà vu me battre, ou il a déjà vu ma frimousse une fois la visière de mon casque relevée, ça marchera pas. »

Grande inspiration nasale, qui me fait gonfler le torse. Moi aussi je réfléchis, et soudain mon regard devient un peu plus fuyant, se perdant dans la salle.

« C’est quoi le nom du gars ? Et pourquoi il a soudain les liquidités pour recruter des domestiques ? Pour moi ça peut se tenter, mais les risques sont vraiment grands...
Je suis étonné que ma sœur ait pas parlé de moi. Pourtant ma... Punition n’est pas un secret. »

Je dis bien « punition », et certainement pas « bannissement ». Il y a des gens autour, et même s’ils n’écoutent absolument pas notre discussion, trop occupés à parler des champs et des filles, on est jamais à l’abri d’une oreille indiscrète, qui se mêle de ce qui la regarde pas ; Il y a des mots, comme ça, qui attirent le tympan et l’attention.
Et donc, je peux pas donner trop de détails, notamment sur le fait que je suis noble, ancien chevalier, et que le duc a déjà rigolé à l’une de mes blagues. Ça attirerait trop l’attention.

« Tu sais c’est les histoires de famille. Y a... Une gamine qui est tombée amoureuse de moi. Ça attiré quelques pépins et j’ai pas pu rester là-haut. ‘fin les gens ont déjà eu l’occasion de me voir, je suis juste un peu paranoïaque. »

Je me penche plus en avant devant la table, pour bien regarder l’Astrid et me permettre de baisser la voix.

« C’est une bonne idée pour traverser la porte des anges. C’est jouable, oui. Après il faudrait marcher dans les rues et ça c’est plus compliqué...
C’est quand qu’il souhaite nous recevoir ? »

Astrid n’a pas le temps de répondre. La serveuse arrive avec deux grosses assiettes. Je me recolle au dossier de la chaise alors qu’elle nous accorde notre pitance. Comme prévu, deux minces tranches de viande de sanglier, accompagnées de légumes un poil trop cuit et humides qui forment de la bouillasse, mais qui ira très bien avec du pain et beaucoup de sel.

« Vous oublierez pas de nous amener une bouteille de vin s’il vous plaît »,
je me mis à ajouter avant que la serveuse s’en aille, ce à quoi elle répondit par un sourire avant d’enfin s’éloigner.
« Sinon, ton commerce, ça va mieux ? T’as personne qui te gêne ? »
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. EmptyJeu 13 Juil 2017 - 16:15
Pour quelqu'un qui disait ne pas avoir beaucoup de conversation, Lucain pouvait se montrer étonnamment bavard. La piste qu'elle lui présentait avait l'air de le faire réfléchir, au moins elle n'était pas tout à fait à côté de la plaque, mais il ne semblait pas très emballé. Il allait sûrement falloir qu'elle trouve autre chose.

« Le problème c’est que ma tête elle est connue là-haut. Et par pour de bonnes raisons... Alors si ton noble il m’a déjà vu me battre, ou il a déjà vu ma frimousse une fois la visière de mon casque relevée, ça marchera pas. »


Astrid n'avait pas pensé à ça. Maintenant qu'il le disait oui c'était plutôt évident. Lucain venait de l'Esplanade, il avait eu une vie d'être un banni et cette vie avait été peuplée de relations... C'était normal. Mais pour être tout à fait honnête Astrid doutait que qui que ce soit le reconnaisse maintenant. Il était loin de ressembler à un noble soigné, et il devait forcément avoir quelques cicatrices en plus. Et puis, même en croyant le reconnaître, l'idée de voir un banni sur l'Esplanade était tellement surréaliste qu'ils n'y croiraient peut-être même pas. Lucain avait l'air pensif, il prit une grande inspiration.

 C’est quoi le nom du gars ? Et pourquoi il a soudain les liquidités pour recruter des domestiques ? Pour moi ça peut se tenter, mais les risques sont vraiment grands...
Je suis étonné que ma sœur ait pas parlé de moi. Pourtant ma... Punition n’est pas un secret. »

Astrid ne savait pas encore comment s'appelait exactement l'homme en question. Et elle se moquait bien de savoir d'où il tirait son argent ou pourquoi il voulait plus de domestiques. Si l'information était si importante pour Lucain elle se débrouillerait pour l'obtenir mais personnellement ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Enfin, si ça pouvait se tenter c'était déjà ça. Et puis, Astrid avait déjà quelques idées pour faciliter tout ça... Il faudrait qu'elle y réfléchisse un peu plus.

« Tu sais c’est les histoires de famille. Y a... Une gamine qui est tombée amoureuse de moi. Ça attiré quelques pépins et j’ai pas pu rester là-haut. ‘fin les gens ont déjà eu l’occasion de me voir, je suis juste un peu paranoïaque. »

Tout ça lui était arrivé à cause d'une... Gamine amoureuse ? Astrid était assez incrédule. Elle observa encore une fois le visage de Lucain, essayant de reconstituer ce à quoi il devait ressembler... Avant. Il se pencha vers elle, ce qui lui facilita la tâche, et elle se pencha donc vers lui à son tour.

« C’est une bonne idée pour traverser la porte des anges. C’est jouable, oui. Après il faudrait marcher dans les rues et ça c’est plus compliqué...
C’est quand qu’il souhaite nous recevoir ? »

La cartomancienne ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun son ne sortit parce que son esprit était déjà tourné tout entier vers la nourriture que la serveuse apportait. En vérité ça n'avait rien d'exceptionnel, et dans un autre vie elle n'aurait pas trouvé ça terrible. Cependant, ça lui faisait vraiment envie là tout de suite. Elle ne releva pas la tête en entendant Lucain demander du vin, seulement quand il s'adressa elle.

« Sinon, ton commerce, ça va mieux ? T’as personne qui te gêne ? »
- Mieux ? Mieux que quoi ?

Astrid était curieuse. Elle se demandait de quoi il voulait parler. Du type qui passait sa tête par l'ouverture de la tente ? Ça arrivait rarement. Du peu de clients ? Ça avait toujours été plutôt comme ça. En vérité les affaires, sans être prospères, étaient assez stables.

- Ça va, il y a bien deux ou trois types qui payent pas, mais en règle générale les choses se passent bien.


Elle mourait d'envie de commencer à manger mais puisque Lucain l'invitait elle préférait attendre qu'il lance les hostilités. Elle repensa un moment au type que Viktor avait frappé devant sa porte dans son ancienne auberge. Il y avait parfois des problèmes mais elle finissait toujours par s'en tirer.

- Pour l'entretien d'embauche... Je n'ai pas de rendez-vous pour vous. Je préfère vous en parler avant. Et j'ai pas fini de me renseigner encore... Mais, s'il s'agit bien de qui je crois, je pourrais peut-être vous épargner le rendez-vous préalable... Enfin, j'aurai peut-être besoin d'un peu d'intimité pour ça.


Elle ne comptait pas préciser à quelle activité elle prévoyait de peut-être se livrer avec le recruteur pour faciliter les choses. En vérité elle ne se faisait aucun doute sur la capacité de Lucain à remplir les conditions requises, mais elle se rendait bien moins compte des capacités de Malachite.
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. EmptyJeu 13 Juil 2017 - 16:39
« Je veux juste savoir son nom, c’est pas compliqué. Y a des gens que je connais. Plus ils sont haut bonnet plus ils sont censés reconnaître ma trogne. Suffit que le gars il soit mondain et forcément il me reconnaîtra. Et je peux te dire que les gens de là-haut ils ont des raisons de m’inquiéter. Tu sais bien ce qu’on risque, à savoir des trucs sur moi.
Alors pas besoin d’aller coucher avec lui pour moi. Même si c’est sacrément impressionnant la manière désinvolte que t’as de suggérer ça. »


La serveuse revint nous apporter une cruche remplie de vin et deux gobelets un peu sale qu’elle posa. Je tirais le pot pour nous remplir les deux godets, avant de vite venir nettoyer ma panse remplie de sanglier rôti et de pain broyé ; L’alcool était pas vraiment bon, un peu trop fermenté, il montait à la tête et brûlait la gorge contrairement au vin de table habituel. Sûrement un fond de cuve qu’ils étaient en train de vider, mais c’était rare de toute manière de trouver du bon alcool ces derniers temps.

« Enfin je veux dire... C’est tout ? Tu sais qu’un mec veut recruter des domestiques et tu sais pas qui il est ? Et puis même, je doute que n’importe qui peut y aller. Faut forcément avoir un nom, des marques, faut être connu, pas que le paysan normal du Labourg ou un réfugié quelconque puisse se rendre dans son manoir. Moi mon idée c’est qu’il fait sûrement une annonce auprès de la mairie de Marbrume, mais ça va se régler au népotisme avec une poignée de bourgeois qui vont se faire marquer sur une liste. En fait je suis même pas sûr qu’on irait recruter quiconque du bas-quartier ! Si le noble est logique il va plutôt chercher ses employés du côté des familles nobles qui ont perdu des leurs. ‘fin imagine, la famille qui a perdu ses fils face aux fangeux et qui a plus besoin de huit valets pour pouvoir uniquement à un vieux qui a la goûte.
Non moi je trouve que c’est trop bancal... Sauf si tu y as déjà réfléchis à tout ce que je dis, et que tu vas m’apprendre un truc que je sais pas. »
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. EmptyJeu 13 Juil 2017 - 22:50

- La polyvalence est une qualité qui rapporte, tu sais.

Voilà la seule réponse qu'Astrid lui fit au sujet de sa première proposition, avant que la serveuse ne revienne avec le vin que Lucain lui avait demandé. Le banni rempli deux verres, mais Astrid ne but pas. Elle porta le goebelet jusqu'à ses lèvres mais l'odeur la dissuada d'y toucher. Elle préféra se concentrer sur la nourriture, pendant que Lucain reprenait.

- J'ai rien à t'apprendre de plus. J'ai pensé à ça ce matin parce qu'une vieille est venue me demander si son fils allait réussir l'entretien, j'en avais jamais entendu parler avant et je pouvais pas poser un miliard de question. Dans ce métier les gens apprécient la discrétion. Je comptais me renseigner ce soir, mais je crois bien que c'est pas la peine finalement. T'as sûrement raison, c'était pas une bonne idée.

Astrid avait la mine basse, et elle regardait la nourriture sans lancer un seul regard à Lucain. Elle ne sortirait jamais vivante de cette histoire. Elle ne trouverait jamais l'idée qui allait arranger tout ce bordel. Elle allait mourir parce que ça échouerait, ou parce qu'on la découvrirait avant. Ça n'avait rien de réjouissant.

- Et toi ? Une idée...?

Elle savait bien que ce n'était pas son rôle. Que c'était elle qui devait trouver, et les aider, parce qu'elle était payée pour ça. Mais à ce stade d'angoisse elle préférait l'assurance que tout se passe bien à celle de recevoir de l'argent. Qu'ils gardent leur or si elle s'en sortait vivante sans en être responsable. Astrid préférait encore sa vie même un peu pathétique, à une mort idiote mais lui promettant des richesses.
Mais elle était là, à manger dans une auberge en craignant de ne jamais trouver quoi faire. C'était un peu ridicule.
Elle n'osait pourtant pas parler de son doute, elle craignait trop de s'attirer les foudres de Lucain. À quoi s'était-il attendu en la choisissant elle ? Une pauvre cartomancienne prostituée? Tout ça parce qu'elle connaissait sa soeur... Et qu'elle devait être assez impressionnable ou idiote pour accepter son marché. Comment avait-elle fait pour s'attirer de tels ennuis...

- Dis moi... Est-ce que tu as choisi de faire appel à moi ? Ou est-ce que... Tu n'avais personne d'autre?


La curiosité était un de ses vilains défauts.


Dernière édition par Astrid la Douce le Ven 14 Juil 2017 - 9:12, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. EmptyJeu 13 Juil 2017 - 23:07
La polyvalence ça lui rapportait. Dommage que j’aie pas l’argent pour la payer elle. Enfin, si, je la paye, mais pas pour ce genre de choses. Et je me sais suffisamment repoussant pour qu’elle ne vienne pas dans mes bras par pur plaisir. Ça me faisait un peu bouder, et je me retrouvais à serrer les dents en rêvassant à moitié d’elle à poil alors qu’on serait serrés l’un l’autre.
Pour vite chasser ce genre d’idées de mon crâne, je décide de reprendre la cruche pour remplir mon godet, et ainsi pouvoir me siffler un second verre qui irait me détendre et me requinquer.

J’écoutais très attentivement comment cette idée elle s’en débarrassait. Voilà que la Douce devenait soudain hésitante. Ça m’a fait lever un sourcil, et mon regard se retrouvait à nouveau à la soutenir. La bouche pleine de nourriture, je me mettais à lui répondre, en essayant de rester laconique sur les détails.

« J’ai entendu ton nom. Comme je te l’ai dis, le fait que... Je ne vive plus avec ma famille ne veut pas dire que je n’ai plus aucun contact. Il y a... Je m’arrêtais le temps de toussoter. Il y a un valet, qui erre dans les faubourgs quelque fois, qui me parle de ce qui se passe là-haut. Qui m’aide un peu. Qui m’a parlé de toi et des nombreuses visites que tu rends à ma sœur. Il m’a dit que tu lui faisais peur, que t’étais bizarre, trop gentille pour être honnête.
Et voilà quoi. Une personne qui a accès à l’Esplanade, et qui est pas honnête, je pense que c’est une sacrée qualité d’embauche. »


Et je baissais d’un ton, ma voix se faisait plus graveleuse, et je m’approchais devant la table pour lui chuchoter ces quelques mots.

« Je fais pas confiance aux gens respectables. C’est dangereux. Souvent quand on se frotte à eux c’est comme s’enfoncer dans le sol meuble, on s’en sort pas... Tu dois t’en rendre compte en errant dans les rues de l’Esplanade, comment c’est rempli de faux-culs qui vendraient leurs potes pour une officine. C’est pareil dans le bas-quartier remarque ; J’avais pas envie de demander l’aide d’un truand ou d’un criminel, ces gens-là sont attardés et méchants, et souvent trop gourmands quand on leur lance quelque chose.
En réalité quand je suis entré dans ta tente je savais pas à quoi m’attendre. J’t’ai foutu les jetons, j’ai bien vu comment t’as sorti ton couteau... Mais... Mais je sais pas. J’ai du mal à te cerner. D’habitude je cerne très bien les gens. T’es jolie et libertine, pourtant j’ai pas l’impression que t’es une garce, enfin si tu me permets l’expression. Tu fricotes avec les nobles mais on dirait pas que ça t’es monté à la tête. T’es prêt à me cacher et je pense pas que t’aies envie de me trahir, ce qui est un peu incompréhensible car plein de gens seraient prêts à payer pour ma peau, la milice, la famille du gars que j’ai handicapé, des usuriers qui veulent me faire chanter...
J’ai du mal à te cerner. C’est pour ça que je t’aime bien. »


Je me redresse et je reprend mon repas normalement, quelque fois en sirotant mon verre. Je suis bien empressé de me remplir la panse. Ça fait longtemps que j’ai pas aussi bien mangé.

« Le plus important c’est juste de traverser la porte des anges. Pour ça faut un motif, et c’est pas forcément bien compliqué, ce qui est compliqué c’est la preuve de ce motif. Tu vois, ton idée de passer pour des servants elle est géniale, mais ça sera juste la garde devant qui est gênante.
L’endroit où qu’on doit aller, c’est l’échevinat. T’sais, l’endroit avec les fonctionnaires élus, le prévôt des marchands, tous ces secrétaires qui sont censés faire tourner une machine qui existe pas. Le problème c’est que ce genre de gars il faut les corrompre, et on a pas l’argent, et t’as beau être magnifique, même tes charmes ça va pas séduire les cœurs de ces types-là, c’est des putains d’automates.
Non y a qu’un truc qui marche avec eux.
Le chantage. »
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. EmptyVen 14 Juil 2017 - 12:56
Lucain buvait son deuxième verre, Astrid n'avait toujours pas ingurgité ne serait-ce qu'une seule gorgée du contenu de son gobelet. Ce truc avait l'air dégoutant au possible, et sentait tellement fort que la cartomancienne avait l'impression qu'elle pourrait rouler sous les tables rien qu'en le regardant. Pourtant Lucain buvait tranquillement, comme si de rien n'était.
L'explication qu'il lui donna la fit presque sourire. "Trop gentille pour être honnête". Astrid n'arrivait même pas à savoir si c'était un compliment. Oui, elle mentait beaucoup et elle faisait souvent l'hypocrite. Mais elle ne faisait jamais de mal à personne, elle se retenait simplement de leur cracher au visage le dégoût qu'ils pouvaient lui inspirer. Pouvait-on vraiment être toujours sincèrement gentil ? Elle n'en était pas persuadée. De toute façon pour garder ses clients il n'y avait pas de solutions infinies, mais au moins une évidente: attirer leur sympathie. Ou être indispensable. Jongler entre les deux.
Lucain baissa d'un ton et s'approcha. Astrid comprit qu'il voulait lui dire quelque chose que personne d'autre ne devrait entendre, et s'appliqua à présenter son plus beau sourire à la serveuse qui les regardait de loin. Comme si le banni était en train de lui murmure des mots doux, ça devrait la tenir éloignée de leur table si "romantique".
Ce qu'il lui disait n'était pas déplaisant, mais c'était tout de même loin d'être une déclaration. Enfin, Astrid était plutôt heureuse de ce qu'il lui disait sur elle, parce qu'elle s'appliquait justement à rester à sa place. Devenir une garce ce serait s'attirer trop d'ennuis ou de haines ridicules qui ne pourraient que lui nuire. Oublier son statut à force de fréquenter les nobles était la pire erreur qu'elle pourrait faire, parce qu'eux, malgré toutes leurs belles paroles, n'oublieraient jamais qu'elle leur était inférieure. En ce qui concernait le reste... Astrid n'avait aucun intérêt à trahir Lucain parce qu'aux yeux de tous elle était déjà complice. On lui laisserait croire qu'elle s'en sortirait parce qu'elle avait rendu service et on lui passerait ensuite la corde au cou parce qu'au fond on préfère encore les brigands déclarés que les traîtres. Astrid ne voyait pas vraiment ce qu'il y avait d'incompréhensible à vouloir éviter qu'une manigance illégale dans laquelle elle était embourbée ne s'ébruite.
Lucain se redressa et Astrid en fit de même, remarquant que finalement la serveuse s'était désintéressée de leur espèce de petit couple.
Il avait dit qu'il l'aimait bien, mais la cartomancienne ne savait pas si ça lui faisait vraiment plaisir. Elle n'avait aucune envie de se le mettre à dos, évidemment, mais de là à se réjouir qu'il l'aime bien... Au moins elle gagnait un repas. Elle était d'ailleurs en train de se demander si elle l'appréciait ou non, même un peu, lorsqu'il reprit au sujet de leur projet.

« Le plus important c’est juste de traverser la porte des anges. Pour ça faut un motif, et c’est pas forcément bien compliqué, ce qui est compliqué c’est la preuve de ce motif. Tu vois, ton idée de passer pour des servants elle est géniale, mais ça sera juste la garde devant qui est gênante.
L’endroit où qu’on doit aller, c’est l’échevinat. T’sais, l’endroit avec les fonctionnaires élus, le prévôt des marchands, tous ces secrétaires qui sont censés faire tourner une machine qui existe pas. Le problème c’est que ce genre de gars il faut les corrompre, et on a pas l’argent, et t’as beau être magnifique, même tes charmes ça va pas séduire les cœurs de ces types-là, c’est des putains d’automates.
Non y a qu’un truc qui marche avec eux.
Le chantage. »
- Merci du compliment.

Il venait tout de même de dire qu'elle était magnifique, ça méritait d'être relevé. Au sujet du reste de son propos... Astrid avait toujours évité soigneusement d'avoir affaire à quoi que ce soit qui puisse être qualifié d'administratif. Les fonctionnaires c'était la peste, et à chaque fois que quelqu'un en croisait un c'était toujours parce qu'il lui devait de l'argent. Elle fit signe à Lucain de se rapprocher pour lui murmurer quelque chose à son tour.

- Donc si je comprends bien... Tu proposes de faire chanter des représentants de l'autorité du Duc ? C'est vrai que c'est beaucoup moins dangereux comme plan...
Rajouta-t-elle pour se moquer un peu. Moi j'ai rien pour les faire chanter ceux-là, je les évite comme la peste, et si jamais y en a un qui est venu me voir il s'est pas présenté par la fonction. Tu veux faire quoi ? T'as quelque chose toi ? On va quand même pas les suivre jusqu'à trouver quelque chose à leur reprocher, ça va prendre des mois ou des années... Et je compte pas enlever leurs enfants, on a déjà bien assez d'ennuis... Fais un sourire et imagine toi que je viens de te dire un truc mignon, la serveuse arrive.

Astrid se redressa, avec son air sous le charme qu'elle savait si bien contrefaire. La serveuse devait sûrement se demander ce qu'ils faisaient ensemble, parce qu'ils étaient bien mal assortis, mais à force de passer leur temps à moitié affalés sur la table pour parler discrètement, il fallait bien au moins sous-entendre qu'il se passait un petit quelque chose entre eux. Parce que la bande de paysans d'à côté ne prenait pas la peine de ce genre de rapprochements, et que quand on a rien d'illégal à dire on peut le dire à voix haute... Sauf si c'est particulièrement privé...

- Tout se passe bien ?

Elle avait les jours rouges à force de courir partout, et venir déranger un petit "couple" était certainement la pause la plus agréable qu'elle pouvait se permettre sans donner l'air de ne rien faire.
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. EmptyVen 14 Juil 2017 - 15:12
La serveuse vient m’ennuyer. Je comprends pas trop la comédie qu’Astrid essaye de jouer. En plus je suis pas très fort pour feindre des sourires ; ça me fait juste plisser les lèvres dans une sorte de grimace horrible et désagréable. Je suis nul pour sourire si ça me fait pas vraiment sourire.
Du coup le lève juste mes yeux, sans même bouger la tête, en coupant vite sa phrase d’une voix très froide.

« Oui. Ça va très bien.
Pourriez-vous nous redonner un peu de vin s’il vous plaît ? »


Je prends la cruche et lui tend. Il y en a encore pourtant, de l’alcool, mais dans ma phrase il faut plutôt entendre « va voir ailleurs si j’y suis ». Étant donné que je paye et qu’elle est à mon service, elle ne prend pas la mouche et se casse accomplir son travail.
Assez pour que je puisse recommencer à piailler avec Astrid.

« Tu as raison. C’est compliqué et ça demande du temps mon plan. Mais il faut toujours que je trouve un moyen de traverser la porte des anges. L’horloge tourne pas vraiment, y a pas de temps contre moi, mais c’est juste que le plus tôt j’aurai franchi la porte, le plus tôt tu seras débarrassée de moi et Malachite et ainsi profiter de ton lit tranquillement.
Moi ça fait longtemps que je suis plus à Marbrume, et je suis pas habitué au Milieu... Je peux tenter de parler tout seul à des truands et des ruffians, pour tenter de trouver un type qui serait susceptible de me faire passer, mais bon, c’est un peu toi que je paye aussi... Alors tu vas te rendre utile.
Renseigne-toi sur le noble en question. Moi de mon côté je me renseignerai du côté de la prévôté. On se retrouvera et on décidera de comment agir. »


Je continue de manger, mon couteau et ma fourchette raclant un peu l’assiette dans un bruit désagréable.

« Tant que je suis là, si je peux te rendre un service, hésite pas à demander. Ça peut être pratique un gars qui a une lame dans le bas-quartier. Remarque le Labourg c’est assez tranquille, mais si tu vas au port ou au goulot c’est pas pareil... »
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Astrid la DouceCartomancienne
Astrid la Douce



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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. EmptySam 15 Juil 2017 - 0:35

- Un service ? Non, non merci, je... Je me débrouille.

Elle avait déjà suffisamment d'ennuis en ce moment, ou au moins d'angoisses, hors de question d'aller envoyer un banni pour régler ses menus problèmes. Ça ne pourrait que lui retomber dessus. Et puis quoi ? Qu'est ce qu'il voulait faire avec sa lame ? Aller menacer des gens ? Il n'avait donc aucun meilleur plan pour se la jouer discret ?

- De toute façon, je ne suis pas persuadée que ce soit une bonne idée de t'envoyer faire quoi que ce soit avec ta lame. Tu risquerais de t'attirer des ennuis, et on en a pas besoin.

En cherchant bien elle trouverait forcément des gens à intimider, mais elle préférait encore que personne ne se mêle de ses affaires. Son passage à tabac n'était pas si vieux, malgré le fait que les traces aient disparu, et elle se souvenait encore très vivement de la gêne qu'elle avait ressenti en étant aidée par Viktor.

- Je vais me renseigner pour le noble, si tu penses que ça vaut le coup. Et si jamais par hasard j'entends quelque chose d'autre qui pourrait nous être utile, je te tiens au courant évidemment.

Elle termina de manger. Qu'est-ce que ça faisait du bien ! Il fallait aussi avouer qu'elle ne s'était pas laissée déconcentrer par le vin - ou la chose alcoolisée qui gisait dans son verre en se faisant passer pour du vin. Alors, maintenant que son estomac relâchait son emprise sur elle, elle repensa à ce que Lucain lui avait dit sur lui. Elle se rendait bien compte que la répartition des informations était plutôt inégale: il lui avait dit beaucoup de choses et elle rien. Ça m'a faisait un peu sourire parce que c'était toujours comme ça. Les gens ne la voyaient que rarement comme une vraie personne, c'était un peu comme si elle était née pour leur lire les cartes et qu'elle ne pouvait pas avoir de vie à côté. Et le soir, il fallait écouter les problèmes des hommes pour mieux les consoler, sans qu'ils demandent quoi que ce soit de plus que son prénom.
Et pourtant, même avec ce déséquilibre, Astrid restait curieuse. Si Lucain lui posait des questions elle lui répondrait sûrement mais sa vie de bohémienne ne devait pas l'intéresser. Et elle, elle ne se priverait pas de poser des questions.

- Tu l'as revue, la fille ? Celle qui était amoureuse, mais qui t'a valu des ennuis.
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Lucain d'AgranceBanni
Lucain d'Agrance



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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. EmptySam 15 Juil 2017 - 1:18
Je grogne un peu après avoir fini le repas. Si j’étais pas face à une fille, nul doute que j’aurais roté de contentement, mais j’ai malgré tout une certaine trace de savoir-vivre héritée de mon temps en tant que chevalier. Repu, je prends mon godet pour finir le vin. J’ai l’impression d’avoir fini la coupe à moi tout seul, et il semblerait effectivement que l’Astrid soit pas très portée sur la boisson. C’est pas forcément un bon signe d’ailleurs, les gens qui boivent pas ils sont bizarres. Surtout s’ils veulent vous empoisonner. Retenez-le.

Mais du coup, maintenant, je me retrouve à planifier dans ma tête. Moi qui pensais qu’Astrid allait résoudre tout ça en une journée, voilà qu’il allait falloir que je joue au maraud du côté de l’échevinat. Et par où je commence, moi ? J’ai déjà fréquenté des ruffians et des coupes-jarrets, ils ont déjà marché dans l’ost que je suivais, ils ont rendu de bons services sous ma bannière... Mais c’est pas vraiment mon monde. Oui, aussi étonnant que ça puisse paraître quand on me voit me balader dans la rue, le pas un peu titubant, le sourire de méchant garçon sur le visage, la barbe de trois jours qui salit le crâne et le torse un peu visible par mon pourpoint crasseux et débraillé, on pourrait croire que je suis un de ces gens du Milieu, ces faux-éclopés de la cour des miracles, ces gens-là qui savent écouter aux portes, trousser les bonnes gens et casser des nez et des bouches quand il le faut. Pourtant tout cet univers je l’ai à peine découvert. Moi où je suis un poisson dans l’eau, c’est sur les lices de tournoi, ou dans les beuveries mondaines des banquets. Je sais danser, je sais un petit peu chanter, alors apprendre à filer un type ou forcer une serrure, c’est tout nouveau, j’improvise constamment ; Heureusement que je peux compter sur des types comme Malachite ou le clan Clahauser de ce côté-là.

Bref. Je me préparais à partir, conscient de ce sur quoi ma journée allait porter, quand la demoiselle devant moi s’interrogea sur une question un peu bizarre. J’en avais élevé un sourcil, en me demandant bien d’où cette interrogation lui venait.

« Non je l’ai pas revue. D’ailleurs, je l’ai à peine vue pour tout te dire. J’ai rien fait avec elle, même pas un bisou sur le coin de sa joue, que dalle. J’trouve même ça carrément ironique, genre une punition des Dieux, ils sont cruels dans leurs voies ces trois-là. »

Je vois ses yeux et son sourire. Je prends un grand sourire ironique en grognant au fond de ma gorge.

« Aaaah. Mademoiselle est curieuse, hein ? Je commence à dire avec un ton monocorde comme je sais faire. Bah aussi étonnant que ça puisse te paraître, fut un temps où je faisais tourner des têtes. Même toi, je suis sûr j’aurais pu réussir à te faire rougir. J’pense que c’était un peu à cause de ma trogne, mais surtout grâce à mon armure. Les gamines, tu sais... Dès l’enfance pour les endormir on leur raconte l’histoire de preux chevaliers qui vont les aimer, faut vraiment pas que les parents s’étonnent que des fistons au sang bleu comme moi ont aussi peu de mal à faire battre des cœurs.
Bah j’en ai eu des relations. Mais tu sais, je le dis même pas par bravade ou cavalcade, genre que j’veux faire le beau d’à quel point j’ai eu plein de conquêtes. C’était maladif. Je pouvais pas m’en empêcher, même si ça m’attire des emmerdes, et ça m’en a attiré des emmerdes. Tu me crois si je te dis que j’ai couché avec la fille d’un comte du Morguestanc ?
Mais la gamine elle m’intéressait pas. Et puis, pour la première fois de ma vie, j’essayais de me contrôler. Imagine ; L’Esplanade, c’est rempli de nobles venus des quatre coins des Langres, et beaucoup de gens qui m’aimaient pas pour telle ou telle raison. En plus il y avait mon oncle, mes cousins, et j’avais vu la fange de mes propres yeux. Ça calme sacrément l’ego et la passion quand on voit des morts-vivants devant soi, leurs yeux et leurs dentitions maculées de sang ; Un peu comme les jolis crocs d’orfèvre que je t’ai offert, tu pourrais t’en faire un collier. La gamine je sais pas quand elle s’est amourachée de moi ; Peut-être qu’elle me regardait m’entraîner, peut-être qu’elle a lu un des poèmes débiles que j’ai écris à une époque où j’étais encore un damoiseau qui sortait de son pucelage. Toujours est-il que cette jeune effrontée s’est mise à m’envoyer des lettres, et des cadeaux, et à me proposer qu’on se voit. Mon erreur ça a été de pas lui dire clairement que j’avais pas envie d’elle, j’ai été trop chevaleresque, j’ai essayé de ménager ses sentiments...
Bah du coup elle a continué. Et son frérot l’a découvert. Alors il a pris son épée, il est venu avec sa mesnie me voir et il s’est mit à m’insulter et tout. Au départ j’ai rigolé, je lui ai dis de laisser courir ; Surtout, je lui ai prévenu que j’avais interdiction de me battre en duel, un ordre du bailli en personne, parce que j’avais déjà rossé quelques écuyers et puis un gras-du-bide pour d’autres affaires de vieille vengeance qu’ils voulaient assouvir, par rapport à des vaches que j’ai volé ou une dame que j’ai troussée, là aussi c’est toute une histoire, je te gêne pas avec... Bref, j’étais dans mon bon droit, et j’aurais pu juste l’ignorer et faire ma vie sans problème.
Ça a pas été le cas. J’ai été trop fier. Ses insultes m’ont piqué à vif. J’ai tiré l’épée et techniquement, c’est moi l’ai défié ; Lui, il m’a juste insulté et traité de lâche, mais il portait même pas l’épée, c’est son valet qui le faisait pour lui. Tu vois la petite technicité judiciaire ? Le détail de merde ? Le truc qui m’a puni ?
On a croisé le fer. Comme ça. Moi torse-nu, lui en doublet. Si on avait porté un gilet de maille, rien que ça, ça aurait tout changé...
Mais non, je l’ai touché. Et pas tué, hein ; C’est juste que maintenant il arrive plus à bouger les jambes et il a besoin d’un domestique pour lui vider les fesses de sa crotte. »


Je prends la coupe de vin. Elle est vide. Je soupire de façon lasse.

« Elle est sympa cette histoire, hein ? D’habitude je mets un peu plus d’ambiance et je fais les gestes. Ça amuse beaucoup ceux à qui je la raconte... Et puis je me vante d’avoir troussé la gamine, ça fait une conclusion plus marrante et lascive.
Bref. Je suppose que tu voulais savoir en te demandant si on pouvait avoir son aide, hein ? Bah le pire c’est que, probablement ; Mais elle est pas trop discrète, et ça voudrait dire se frotter à son frère, un gars assez puissant pour avoir forcé ma punition. Tu crois vraiment que ça en vaut la peine ? »
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Allonge.
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