Marbrume


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 Allonge.

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Astrid la DouceCartomancienne
Astrid la Douce



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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. - Page 6 EmptyJeu 3 Aoû 2017 - 21:18
Dormir n'avait rien de bien compliqué pour Astrid, et nul besoin de sorcellerie pour cela. Il suffisait d'être fatigué, et certains facteurs venaient même encore faciliter la somnolence et l'endormissement comme ce qu'elle avait bu ou l'activité physique précédemment partagée avec Lucain. Déjà installée devant le feu, la douce chaleur qui s'en dégageait n'était pas sans effet non plus, et la demoiselle n'eut qu'à s'installer un peu confortablement avec la couverture qu'elle avait récupérée pour que ses yeux se ferment tous seuls.
Mais elle ne rêva pas. Astrid ne rêvait jamais: soit elle ne se souvenait de rien au réveil soit ses nuits étaient hantées par des cauchemars. Quand elle en avait parlé à Johanne il y a déjà quelques années de cela, elle lui avait répondu que c'était certainement une punition des dieux. À force de tenter de connaître l'avenir et d'aider les autres à interpréter leur moindre rêve ou leur moindre pensée étrange, les dieux avaient sûrement trouvé plus intéressant de la priver de la même expérience ou de ne lui offrir que des visions cauchemardesques dans l'espoir de l'en dégoûter peut-être. Astrid ne s'en plaignait pas, elle se moquait d'avoir des visions ridicules ou fausses pendant son sommeil, et personne n'aurait eu envie de l'écouter geindre à propos de ses cauchemars. Personne n'avait envie d'écouter une prostituée se plaindre en règle générale de toute façon, elle était au contraire là pour écouter les problèmes des hommes qui venaient tout oublier le temps d'une légère soirée de la même manière qu'une cartomancienne devait se taire et écouter les questionnements, même absurdes, de ses clients.
Mais au moins, Astrid avait toujours le sommeil lourd. Ça pouvait être problématique dans certaines situations mais bien évidemment cela représentait aussi un certain avantage :difficile de la détourner de sa nuit de sommeil. Une longue nuit de sommeil, fraîche, sur un sol dur, mais où elle n'aurait pas à supporter le corps de Malachite ou de Lucain au milieu de son lit, contre elle, et le vide de l'autre côté.
Elle faillit ne pas entendre les coups de Lucain sur la porte, mais ce n'était pas bien grave. Il ne se serait pas gêné pour venir la réveiller d'une autre manière si elle n'avait pas daigné répondre à sa sollicitation.

« Tu collationneras à l’auberge ; Je t’y accompagne. »

Elle avait envie de lui frapper le visage. Elle avait envie de dormir encore, elle avait un horrible mal de crâne, et elle n'avait pas oublié ce qu'ils avaient fait ni la manière dont ça s'était terminée. Pour une fois dans sa vie, Astrid se sentait d'humeur massacrante en se promettant de ne plus jamais boire une goutte d'alcool et de ne plus jamais se dire de laisser une chance à Lucain. Il avait déjà bien abusé de sa gentillesse et de sa patience. La seule chose qui l'empêchait de lui cracher son agressivité au visage était la conscience qu'au fond il avait raison, il valait mieux partir avant que tout le monde soit levé et les voit s'extirper d'une maison normalement bien fermée. Ça, et la fatigue couplée au mal de crâne qui lui enlevait tout envie d'un quelconque effort en particulier physique.
Déjà, il fallait marcher. Astrid avait plutôt envie de fermer les yeux sans plus jamais les ouvrir mais elle n'en avait pas le loisir: il fallait suivre Lucain et il n'avait pas daigné lui offrir son bras cette fois-ci. Le message était clair. En plus il faisait froid. La journée s'annonçait mal, et Astrid ne s'était jamais sentie une âme de solitaire à ce point. Sa mésaventure de la veille lui donnait envie de mettre les deux bannis à la porte avec leur argent de malheur, mais qui sait de quoi ils seraient capables en représailles maintenant qu'ils connaissaient quasiment tout de sa vie ? Non elle n'en ferait rien. Mais elle trouverait un moyen de se venger de Lucain et de sa froideur, sans se dire qu'au fond elle l'avait certainement cherché si ce n'est mérité.
S'il y avait bien une chose à laquelle elle ne pensait plus c'était le couvre-feu, et voilà qui n'était d'ailleurs pas très malin. Elle aurait pu leur épargner une sacrée déconvenue, il fallait dire qu'il n'était pas très agréable de trouver porte close quand on s'attendait à pouvoir se laisser tomber sur un bon lit. Voilà qui n'améliorait en rien l'humeur de la demoiselle.

« Le propriétaire ferme dans la nuit. Mais vous pouvez peut-être entrer par l’arrière-cour ; J’ai vu un muret simple à enjamber. »

Ah, voilà quelqu'un qui avait l'air sympathique, à proposer ainsi des solutions ! Mais Lucain ne semblait pas de cet avis. Il poussa doucement la cartomancienne derriere lui. Cette tendance à la surveiller et à vouloir la protéger aurait pu être agréable si au moins Lucain se souciait d'elle mais il semblait évident à présent qu'il n'était intéressé que par son passage à l'Esplanade. Elle le repoussa légèrement, signe qu'il ferait mieux de la laisser tranquille et qu'elle était assez grande, malgré l'horrible mal de tête qui lui broyait le cerveau, pour se débrouiller un peu toute seule. Surtout quand on ne l'agressait même pas et qu'au contraire on venait lui donner un conseil qui pourrait s'avérer précieux.

« C’est un quartier tranquille, mais on craint toujours que des truands rodent, eh ? En plus la plupart sont malins, c’est pas des patrouilles de la milice qui vont leur faire peur. »


Astrid avait beau avoir déjà violé le couvre-feu, elle n'était tombée à part la milice que sur un pauvre type visiblement surpris qu'ils aient investi son repaire. Elle ne se sentait pas spécialement plus en sécurité le jour que la nuit, réflexion faite. Et puis honnêtement leur interlocuteur était loin d'avoir une tête de malfrat. Il avait d'ailleurs de jolis yeux très semblables à ceux de la demoiselle, et un air propre sur lui , bien rasé, bien coiffé, qui tendait tout de suite à le rendre agréable. Astrid ne voyait pas tellement de raison de se montrer aussi méfiante que Lucain l'était, même si effectivement ses bras et ses poings ne devaient pas avoir pour seule activité le caressage de chat vu leur taille.
Apparemment ils se connaissaient en tout cas, vu la conversation qui naquit entre eux, et la cartomancienne mit un point d'honneur à suivre ce qui se disait malgré son mal de tête.

– Par pitié, monseigneur... C’était franchement pas difficile.
Mais n’allons pas parler de ça en pleine rue et dans le froid. La demoiselle à votre bras tremble. Vous ne me présentez pas ?


Demoiselle à son bras ? Certainement pas ! Astrid ne se ferait pas avoir deux fois par ces enfantillages, et elle n'avait aucune envie à présent d'être assimilée à Lucain même si c'était déjà bien trop tard vu la manière qu'ils avaient eu de s'afficher ensemble. Une chose était sûre en tout cas, l'homme semblait trouver la vue d'Astrid plutôt agréable. Elle savait reconnaître ce regard qu'il lui lançait, il n'était pas le premier à l'en gratifier mais elle n'avait même pas envie de le relever ou d'en jouer pour le moment. Elle avait froid, comme il l'avait si justement relevé, et rêvait juste de son lit. Avec un peu de chance Malachite n'y serait même pas, et elle aurait un peu plus de place. Tant pis pour le travail aujourd'hui.
L'inconnu s'approcha en lui tendant la main et Astrid n'hésita pas une seconde à lui tendre la sienne même si elle trouvait ce genre de simagrées tout à fait ridicule. Elle ne méritait pas cette politesse, mais si ce type était un ami de Lucain il avait certainement l'habitude des dames de l'Esplanade.

« Oui, je perds un peu mes manières...
Astrid. Je te présente un de mes anciens amis, et un très bon compagnon.
Waldelène, je te présente dame Astrid. »

"Dame Astrid". Voilà, en fait pour que Lucain soit aimable il suffisait de lui parler en public, mais passer une soirée en tête à tête, ou même un peu moins, et le bénéfice de la socialisation du jour n'était plus valable.

- Astrid tout court, ça ira,
reprit-elle en lançant un drôle de regard à Lucain. Enchantée.

Dame Astrid ! Même les nobles qu'elle côtoyait ne prenaient pas la peine de l'appeler ainsi, bien conscient de son infériorité. Elle ne prit même pas la peine de donner son surnom, qui lui tenait presque lieu de nom de famille puisqu'elle n'en avait pas.

- Nous pouvons entrer par l'arrière-cour, dites-vous ? Je ne suis pas contre un peu d'escalade, personnellement. Mais vous préférez peut-être que je vous laisse ? Vous devez avoir beaucoup de choses à vous dire si vous êtes d'anciens amis, et je ne voudrais pas être une spectatrice... Désobligeante.

Elle se doutait un peu, ou croyait au moins, que Waldelène aimerait certainement qu'elle reste encore un peu, ou avoir l'occasion de l'aider à escalader le muret. Elle ne savait elle-même pas trop pourquoi elle proposait ça, sûrement l'appel du sommeil et de son lit, mais elle était tout de même partagée avec la curiosité. Pourquoi Lucain ne semblait pas heureux de le revoir ? Pourquoi son ami serait envoyé par quelqu'un d'autre pour venir le voir ?

- De toute façon je pense que les affaires de monsieur Degrelle ne me regardent certainement pas, je serais surprise que quelqu'un que je ne connais pas veuille me rencontrer de cette manière. J'imagine que ce doit être quelqu'un de très occupé s'il ne prend pas la peine de venir lui-même, je doute qu'il ait du temps à perdre avec moi. Je ferais sûrement mieux de vous laisser entre vous.

Tant pis si Lucain devait se retrouver seul, tant pis si ça ne lui plaisait pas. S'il s'était montré un peu moins agressif ou froid, elle aurait peut-être fait un effort pour lui tenir compagnie volontiers au lieu de tenter de s'éclipser. Et puis c'était la base de la survie dans ce genre de quartiers: ne jamais s'intéresser aux affaires qui ne la concernaient pas directement. Peut-être même qu'elle en savait déjà trop et qu'ils ne la laisseraient pas s'en aller. Ou peut-être qu'elle se trompait, que ce Degrelle dont le nom lui évoquait vaguement quelque chose avait pensé à Lucain ET à elle. Mais ce serait fort étonnant. Ou peut-être que Waldelène lui offirait de boire ou de manger quelque chose, s'il avait envie qu'elle reste, et ça pourrait peut-être la faire changer d'avis.
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Lucain d'AgranceBanni
Lucain d'Agrance



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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. - Page 6 EmptyVen 4 Aoû 2017 - 15:30
La nature est très mal faite. Pourquoi est-ce qu’il faut que Waldelène ait un visage angélique ? Je vous jure, ce mec, il ne fait pas son âge, on dirait un adorable gamin, un poète gentillet, un commis de boucherie sympathique, un rabatteur devant un restaurant ; Toutes les professions qui ont besoin de son joli sourire, de ses yeux doux, de son franc et honnête contact avec autrui. Il parle bien, il est calme, ne transpire de lui qu’un gars aimable et qui met à l’aise, le genre qui pourrait tout vous demander, et vous le lui accorderiez les Bons Dieux sans confession.
Pourquoi est-ce qu’il faut que ce type soit l’homme le plus dangereux de Marbrume ? J’ai envie qu’Astrid se casse loin d’ici, très très loin, car si Waldelène l’observe, ce n’est pas par intérêt lubrique. Ce n’est pas qu’il veut la trousser comme tous les hommes qui regardent Astrid, oh que non, oh que non ! Waldelène n’est pas intéressé par son corps. Il est intéressé par tout autre chose. J’en tremble presque, pris de peur pour elle, et aussi un peu pour moi. C’est très ironique, car pas plus tard qu’hier, je considérais peut-être aller chercher mon ancien « ami » pour lui demander mon aide. Après tout, lui et moi avons passé des années ensemble, et je lui ai sauvé la vie d’un fangeux la toute première fois que nous en avions vu un, il y a quelques mois. Il me doit la vie. Et il sait ce que c’est, une dette de vie.

Du coup, quand Astrid propose de partir remonter à sa chambre, je ne peux qu’approuver. J’agite la tête, avant de continuer en regardant mon camarade.

« Oui, oui... Je vais juste aller l’aider à rentrer à sa chambre, puis je te rejoins et nous irons voir Degrelle. Cela te va ?
– Eeeh, monseigneur... C’est très légèrement plus compliqué que ça... Trois fois rien, hein, ne sois donc pas inquiet. »


Il s’avance après avoir passé sa main dans ses cheveux, et attrape mon bras droit pour me serrer la main, tout en me faisant un câlin. Il s’accroche à moi, et observe Astrid avec le même sourire, tout en me tapant dans les côtes.

« Vois-tu, ce bon maître Degrelle, il vous invites pour prendre un petit déjeuner... C’est une bonne occasion, non ?
– J’aimerais beaucoup, je reprends les crocs serrés. Mais vois-tu, nous sommes trempés, et, pour tout te dire... On a un peu bu hier soir.
– Ha ha !
Il rit honnêtement tout en continuant de serrer mon bras. Ah les cachottiers va ! Mais justement, raison de plus pour me suivre ; Il fait chaud, et en plus, je connais un remède génial contre la gueule de bois. Ça vous évitera de passer la journée cloués au lit.
– Oui, oui, ta fameuse potion, elle marche je le sais... Mais Degrelle habite loin, le chemin prendrait trop de temps... Moi je te suis ça me dérange pas, mais laissons la dame se reposer.
– Oh, mais Degrelle n’est pas Rue des Hytres ; Il est ici, au Goulot, pour affaire. En plus, l’endroit où il mange n’a aucun client, vous ne serez pas dérangés par une foule, ce sera en toute discrétion. Vous en dites quoi ? »


Savez-vous pourquoi Waldelène est en train d’écraser mon bras ? Astrid doit croire que c’est une accolade amicale. Ça arrive souvent entre amis, de se toucher et de se tenir, surtout quand ils ont été séparés de longue date. Mais vous êtes plus intelligents que ça, vous connaissez mes secrets.
Dans ma manche, je vous ai déjà dis que je cache un petit quelque chose. Une lame, avec laquelle je peux égorger en un éclair n’importe qui. Le problème, c’est que mon ancien valet d’armes, il est au courant de cette technique ; En fait, c’est même lui qui me l’a enseignée. Il est extrêmement intelligent, et il devine ma frousse, le fait que je m’imagine dos au mur. Il sait que je peux entendre sa double-conversation, en arrière-plan. Par exemple, quand il dit que Degrelle régale, ce n’est pas que ce bon honnête et sympathique politicien veut offrir du lait de poule ou du lard fumé à une petite amie d’une semaine ; C’est bien qu’il a sûrement deviné pourquoi je traîne avec Astrid, l’affaire qui m’attire à l’Esplanade, et qu’il souhaite bien s’assurer que la fille aux yeux bleus est dans mon camp et ne constitue pas une menace, car il suffit souvent qu’une carte tombe pour que le château entier s’effondre. De même, quand il dit qu’on ne sera pas dérangés par une foule, c’est bien que Degrelle ne souhaite pas qu’il y ait des témoins, toujours utile quand on veut étrangler ou égorger ?
Mon sourire est figé. J’essaye de rester calme, le plus calme au monde, en essayant de subtilement convaincre Astrid de se barrer, chose pas facile vu qu’elle est en froid avec moi à cause de notre fin de baise légèrement malaisante.

« C’est très aimable de la part de maître Degrelle... Mais j’insiste.
– Oh, Luc... Je veux dire, sire Lucain. C’est franchement pas poli. Qu’est-ce qui t’arrive ?
– Il m’arrive que c’est toi que j’ai envie de voir
, je continue en tapant son torse d’un doigt. On a des histoires d’homme à se raconter, et comme la demoiselle l’avoue elle-même, elle serait de trop, tu vois.
– Mais quelle misogynie ! Allons, moi ça ne me dérange pas. Et puis on a plein de choses marrantes à lui raconter. Venez Astrid, vous avez déjà entendu parler de la Mosquée des Vigiles ? Haha ! Allez, je vous jure, je sais faire un super remède contre la gueule de bois, venez. »

Fils de pute.
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Astrid la DouceCartomancienne
Astrid la Douce



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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. - Page 6 EmptyVen 4 Aoû 2017 - 20:42
Astrid aurait bien aimé, par pur esprit de contradiction, s'opposer à Lucain. Seulement, il semblait persuadé que rester seul avec Waldelène était la meilleure chose à faire et sur ce point ils étaient d'accord. Bon, au moins elle rejoindrait vite son lit qui lui manquait tant. Elle pourrait même en profiter sans la présence superflue de Lucain, et cette seule perspective réduisait déjà la douleur qu'elle sentait dans sa boîte crânienne.
Seulement, la proposition du banni ne semblait pas convenir tout à fait à son vieil ami qui se voulait rassurant alors que ses paroles et sa vision "légèrement plus compliquée" des choses ne lui disaient rien qui vaille. Ce qui rassura un peu la cartomancienne fut leur sympathique accolade, qui démontrait certainement que Waldelène ne craignait pas de venir se coller à Lucain et donc qu'il lui faisait peut-être un peu confiance. Il continuait à sourire à Astrid, qui essayait de le lui rendre gentiment malgré son air pas très frais il fallait bien l'avouer.

« Vois-tu, ce bon maître Degrelle, il vous invites pour prendre un petit déjeuner... C’est une bonne occasion, non ?

"Vous" ? Astrid ne trouvait que ce soit le meilleur moment pour rencontrer quelqu'un et faire bonne impression, et elle n'en avait d'ailleurs pas envie. La perspective de nourriture gratuite était alléchante, il était vrai, mais toute cette histoire ne semblait pouvoir lui apporter que des ennuis. Et Astrid ne détestait rien plus que les ennuis. La présence de Lucain en était déjà un bien trop gros pour ses frêles épaules, s'il fallait en plus faire ami-ami avec toutes ses connaissances et rentrer dans d'autres projets louches ça ne l'intéressait pas le moins du monde. Elle n'avait pas non plus très envie de goûter le remède spécial de Waldelène, même si Lucain disait qu'il fonctionnait. La perspective de rester clouée à son lit était de loin la plus plaisante du moment. Malgré le froid entre elle et le banni, elle l'aurait presque remercié de tenter de la faire rester là et de partir tout seul. C'était peut-être même sa manière de se racheter un peu ? N'exagerons rien ça n'était pas son genre. Être seul avec Waldelène et Degrelle devait l'intéresser d'une manière ou d'une autre.

– Oh, mais Degrelle n’est pas Rue des Hytres ; Il est ici, au Goulot, pour affaire. En plus, l’endroit où il mange n’a aucun client, vous ne serez pas dérangés par une foule, ce sera en toute discrétion. Vous en dites quoi ? »

Toujours "vous". Il semblerait qu'Astrid ait voix au chapitre pour une fois. Elle n'aurait pourtant pas voulu s'imposer entre deux si bons amis, qui paraissaient si heureux de se retrouver qu'ils n'avaient toujours pas mis fin à leur accolade depuis tout à l'heure, sauf peut-être juste pour le plaisir de nuire gentiment à Lucain. Son lit était le seul qui méritait pour le moment son attrait néanmoins. Le banni insistait d'ailleurs pour qu'elle reste loin de cette affaire, et il s'agissait toujours d'une opinion qu'ils partageaient. Mais son sourire était bizarre. Même rien que pour elle il en avait fait qui paraissaient plus sincères. Qu'est-ce qu'il était en train de manigancer ? Il avait beau parler d'histoires d'hommes à se raconter virilement rien qu'entre eux, Astrid était de moins en moins convaincue qu'il ne s'agissait que de ça. Elle embobinait des gens à longueur de journée, et même avec son mal de crâne elle avait bien vu que Degrelle semblait peu à peu disparaître du tableau dans cette histoire. Pourquoi les inviter à manger pour les écouter se raconter leurs propres histoires ? Aucun intérêt. Il y avait forcément autre chose, que le beau visage et l'air avenant de Waldelène ne parvenaient pas à dissimuler tout à fait. Ou alors elle devenait trop méfiante? Il avait l'air gentil, il avait l'air d'apprécier réellement Lucain...

– Mais quelle misogynie ! Allons, moi ça ne me dérange pas. Et puis on a plein de choses marrantes à lui raconter. Venez Astrid, vous avez déjà entendu parler de la Mosquée des Vigiles ? Haha ! Allez, je vous jure, je sais faire un super remède contre la gueule de bois, venez. »

Cette discussion n'irait nulle-part. Il ne partirait pas sans eux, l'insistance qu'il mettait dans sa proposition était assez claire. Il valait peut-être mieux accepter avant qu'il se montre moins courtois: quelqu'un de disposé à reporter l'invitation l'aurait déjà fait, sans aucun doute. Mais la demoiselle se promettait une chose : elle ne goûterait pas une seule goutte du fameux remède dont on lui parlait. Ça sentait au moins l'arnaque au pire le poison.

- D'accord,
finit-elle par lâcher sur un ton poli mais qui ne masquait pas tout à fait qu'elle acceptait de mauvaise grâce. Elle était fatiguée et un peu malade, elle n'avait pas tellement envie d'être confrontée à qui que ce soit. Mais j'imagine qu'il serait assez malpoli d'ennuyer monsieur Degrelle avec de vieilles histoires et un remède contre la boisson. À moins qu'il ne doit aussi un de vos bons amis ?

Elle posait la question innocemment, même si elle se doutait que ce n'était pas le cas vu la manière dont ils en parlaient. Et puis avec un peu de chance Waldelène la trouverait un peu bête de poser la question, et il se désintéresserait totalement de sa présence ou non...

- Enfin, s'il ne s'agit que de partager quelques histoires entre nous, vous devriez peut-être vous occuper de vos affaires et nous pourrions manger ensemble une autre fois... Non ?


Elle lança un drôle de regard à Lucain. Cette histoire était trop louche, elle ne savait pas trop quoi faire. Elle voulait simplement comprendre ce qu'on leur proposait exactement.
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Lucain d'AgranceBanni
Lucain d'Agrance



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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. - Page 6 EmptyVen 4 Aoû 2017 - 22:44
« Non non ! Voyons Astrid, il ne s’agit pas que de vous parler. Je suis un ami de sire Lucain, comme vous semblez être une de ses amies... Et les amis de Lucain sont donc mes amis.
Et quel ami vous vous êtes fait ! Enfin je veux dire, c’est pas tous les jours qu’on a un ami de ce genre. »

Il attrape mon poignet et le lève. Il le serre si fort qu’il doit sentir le couteau qui est caché dans la manche. Ses doigts pincent le bout de mon gant, et il le tire. Il a fait tout ceci, sans perdre son sourire, et sans quitter les yeux d’Astrid.

« Cela fait rire que toi, crétin. Rends-moi mon gant.
– Pour sûr, monseigneur, il ne faudrait pas que quelqu’un qui ne soit pas au secret de votre bannissement vous observe... Mais puis-je suggérer une question à monseigneur ? Comment comptez-vous atteindre l’Esplanade sans vous faire repérer quand les trois quarts de ses habitants connaissent votre frimousse ? Non, vous savez quoi, ne répondez pas à cette question ; Je pense que maître Degrelle vous la posera directement. »


Il posa son gant contre mon torse, et me lâcha enfin. Il tourna les talons, tout en nous faisant un petit geste de la main pour qu’on le suive. Et voilà qu’à nouveau, nous nous retrouvions à errer dans la ville. Comme si je le faisais pas assez.

« Vous m’avez manqué sire Lucain.
– C’est pas moi qui te manque ; C’est mon statut d’avant qui te manque. Quand j’étais encore un homme riche et respectable, et que tu pouvais profiter dans ma suite.
– Vous m’imaginez vénal, monseigneur ; C’est assez vexant. Ce n’est jamais votre richesse qui m’a attiré, auquel cas vous ne m’auriez pas attiré du tout. »


Sa blague me fait rire. C’est vrai que niveau argent, j’ai toujours été inconstant ; Je n’ai jamais eu l’âme d’un épargnant, j’étais plutôt du genre à tout flamber sur une semaine, de façon extravagante et atrocement décadente. Parfois ça m’a attiré des emmerdes.
De grosses, grosses emmerdes.

« C’est le goût de l’aventure qui m’a attiré vers vous, monseigneur ! C’est pas avec n’importe quel peigne cul que j’aurais pu traîner ma carcasse aux quatre coins du monde.
– Ne commençons pas à ressasser de vieilles histoires de ce genre, Waldelène... Excepté celles où tu me dois la vie. N’oublie jamais la dette que tu me dois.
– C’est cela monseigneur, ne parlons pas de vieilles histoires. Après tout, je suis sûr que la pauvre Astrid en a plein les oreilles, de vos histoires.
N’est-ce pas, demoiselle ? Je suis sûr qu’il a pas pu s’empêcher de vous parler sans arrêt et sans arrêt de choses qui lui sont arrivées ! Du Lucain tout craché, ah ! Un vrai moulin à parole !
– Pas de désobligeance
, je rouspète en fronçant les sourcils.
– Je le dis pas à mal monseigneur ! Je plaisante !
Mais en vrai le défaut de monseigneur Lucain, c’est qu’il aime beaucoup parler de lui, mais il aime pas beaucoup parler des autres. Je suis sûr qu’il n’a à absolument aucun moment mentionné qui j’étais, je me trompe ?
– Je souhaite conserver un peu de pudeur chez elle, Wald’. »


Il rit. Un vrai rire sincère, pas un rire faux et hypocrite. Mais je comprends pourquoi il rit ; Il rit parce que la blague est drôle à deux niveaux.
Elle est drôle au niveau d’Astrid, parce que c’est une pute qui vend son corps, et que la pudeur, valeur trinitaire, est inexistante dans son corps et dans son âme.
Et elle est drôle à mon niveau également ; Parce que c’est pas la pudeur que je voulais conserver en évitant de mentionner qui était Waldelène. C’est sa sanité mentale.

Mais le grand talent de cet enfoiré, c’est d’être capable de rire sans qu’on le prenne pour soi. C’est uniquement un ou deux jours après, qu’on se rend compte, dans un minuscule déclic, qu’il se fout de notre gueule.

« Oui, je vois bien le genre en fait... Vous n’avez pas changé du tout, monseigneur Lucain.
Allez Astrid, disons-le clairement : Cela se voit que vous avez batifolé ensemble. Mais vous ne savez absolument rien l’un sur l’autre. Eh, pas comme si je vous en tenais rigueur, simplement, je ne trouve ça ni vraiment avenant ni vraiment galant.
Alors dites-moi tout. Pas comment vous vous êtes rencontré, ça c’est pas important, c’est le genre de détail que Degrelle veut savoir... Non, juste. D’où est-ce que tu viens, Astrid ? Tu m’as l’air très voyageuse ; Tes yeux bleus, ça ne vient pas vraiment de Marbrume.
– Elle a les mêmes yeux que toi, Wald’.
– J’ai remarqué aussi. Si ça se trouve, nous venons du même bled. Nous sommes peut-être cousins. »
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Astrid la DouceCartomancienne
Astrid la Douce



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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. - Page 6 EmptySam 5 Aoû 2017 - 8:00
Les amis de Lucain n'étaient pas forcément ses amis, quoi qu'en dise Waldelène. Surtout quand ils avaient la merveilleuse idée de lui enlever son gant en pleine rue rien que pour la blague en les regardant avec le sourire. Astrid trouvait ça d'un très mauvais goût. Si quelqu'un apercevait quoi que ce soit elle aurait aussi des ennuis maintenant. Et qu'est ce que son ami espérait ? Voir si elle était au courant ? Évidemment.
Et puis, elle n'était même pas persuadée que Lucain soit son ami. Elle avait pensé qu'il pouvait l'être la veille, mais visiblement beaucoup de choses avaient changé depuis. Quant à l'intérêt d'avoir un ami banni, il était limité.
Waldelène était au courant de leur projet, et apparemment Degrelle aussi. Astrid lança un regard aussi surpris que mauvais à Lucain. S'il parlait de ça à d'autres personnes elle aurait imaginé être au courant. Elle se trouvait bien plus compromise maintenant, surtout qu'elle ignorait tout de ces gens. Et dire que Lucain lui avait fait un beau sermon en exigeant de connaître toutes les personnes à qui elle demanderait de l'aide! Elle aurait mieux fait de les dénoncer tiens, et de demander de l'aide à Viktor. Il n'était peut-être pas trop tard.
Mais non, elle était là à suivre un inconnu en compagnie d'un banni. Quel lendemain de soirée! Même s'il avait paru tout à fait charmant au début, Astrid trouvait qu'il ne méritait à présent que sa méfiance. Il en savait trop à son goût. L'avait-il appris seul ou de la bouche de Lucain ? La cartomancienne les écoutait parler bien plus légèrement, évoquant des souvenirs en se disant qu'ils feraient mieux de les laisser derrière eux. Apparemment Lucain avait sauvé la vie de Waldelène, mais la demoiselle trouvait qu'il avait une drôle de manière de montrer sa gratitude pour le moment. Elle ne dit rien, ce n'était pas son affaire.
Elle les entendit rire mais elle n'y participa pas, son mal de crâne lui en ôtait l'envie. Et ce qu'ils racontaient n'était pour l'instant qu'une espèce de mise au point sur leur ancienne relation qu'Astrid n'avait pas connue. Rien de palpitant pour elle, dont le coeur ne battait plus que pour son lit et ses couvertures depuis de longues minutes déjà. En plus il fallait marcher, toujours marcher, et Astrid avait l'impression de traîner sa carcasse au travers des rues de Marbrume comme un cheval mené à l'abattoir. Elle aurait préféré faire autre chose à cette heure ci, et elle allait finir par en vouloir à Lucain de l'avoir sortie de la cabane où ils avaient passé la nuit.
Mais tout de même le coup de la pudeur c'était osé. Astrid avait carrément levé les yeux au ciel en entendant ça. C'était ridicule. Risible, oui, Waldelène avait raison de rire. Mais pour le coup il était seul à rire, même si Astrid ne se sentait pas vraiment visée par la blague. Pour le moment. Ça lui viendrait peut-être plus tard, ou pas du tout parce qu'elle n'avait pas été particulièrement attentive.

« Oui, je vois bien le genre en fait... Vous n’avez pas changé du tout, monseigneur Lucain.
Allez Astrid, disons-le clairement : Cela se voit que vous avez batifolé ensemble. Mais vous ne savez absolument rien l’un sur l’autre. Eh, pas comme si je vous en tenais rigueur, simplement, je ne trouve ça ni vraiment avenant ni vraiment galant.


Et alors ? Avait-elle vraiment besoin de connaître tous ses amis d'enfance, l'âge de sa mère, le nom de son premier cheval et sa pâtisserie préférée pour ce genre de choses ? Certainement pas. Ils avaient eu envie de s'amuser, ils avaient essayé, ils avaient échoué, certes. Mais ça n'avait aucun rapport avec ce dont Waldelène lui parlait. Ou peut-être simplement que si elle connaissait mieux son caractère Astrid je se serait pas fait avoir. Mais le vieil ami de Lucain semblait se soucier de choses qui ne le regardaient pas, et la cartomancienne n'aimait pas trop ça. Elle avait encore bien le droit de coucher avec qui elle voulait sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit, encore moins à des inconnus.

Alors dites-moi tout. Pas comment vous vous êtes rencontré, ça c’est pas important, c’est le genre de détail que Degrelle veut savoir... Non, juste. D’où est-ce que tu viens, Astrid ? Tu m’as l’air très voyageuse ; Tes yeux bleus, ça ne vient pas vraiment de Marbrume.

Elle ne prêta même pas attention aux deux phrases suivantes, à propos de ses yeux et de ceux de Waldelène. Elle avait senti son coeur se serrer à l'évocation de ses origines et cherchait quoi dire. Elle pensa à mentir mais vu son état on le verrait sûrement. Ça pourrait indiquer très clairement qu'elle n'avait aucune envie d'en parler mais ça risquait aussi d'attirer la méfiance sur elle et ce n'était pas son objectif. Elle regarda Lucain d'un air surpris, mais ne trouva aucun soutien dans ses yeux. La question lui paraissait sans doute aussi anodine que normale. Il avait de la chance.

- Je sais pas.

Elle soupira. Elle savait très bien que maintenant elle allait devoir expliquer, parce que pour quelqu'un de bien né comme Lucain rien ne devait justifier, sans doute, qu'on ignore d'où on venait.

- J'ai été abandonnée à la sortie d'un village, et les gens qui m'ont trouvé ont pas su me dire lequel. Ils voyageaient beaucoup, et puis c'était pas important pour eux. Ils ont oublié, et de toute façon maintenant ils doivent être morts. Mais oui sinon, j'ai beaucoup voyagé moi aussi.


L'ambiance avait pris un sacré coup dans l'aile mais ce n'était pas de sa faute après tout, ce n'était pas elle qui avait posé ce genre de questions. Il ne manquait plus qu'une question sur son nom de famille pour achever de la rendre aussi triste que mal à l'aise. Mais au moins c'était dit, et elle n'avait pas menti. Elle avait voulu le dire sur un ton dégagé mais ça n'avait pas très bien marché, on sentait clairement que le sujet je lui plaisait pas trop. Elle espérait qu'ils seraient vite arrivés, qu'il ne leur arriverait rien, et qu'elle pourrait retourner se coucher et oublier l'indélicatesse de ce genre de questions. Elle aurait préféré qu'il lui demande son âge.

- On arrive bientôt?

Elle priait pour avoir assez montré sa réticence et pour que l'interrogatoire prenne fin. Quoi de mieux que montrer son impatience d'être arrivée à destination ? En tout cas elle tenait plus ou moins Lucain pour responsable de ce que son ami lui disait, et quand elle le regarda le message était clair : il allait le regretter si ça continuait comme ça. De toute façon elle n'avait aucune envie de se trouver un lien de parenté avec Waldelène.
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. - Page 6 EmptySam 5 Aoû 2017 - 21:48
« Oui, on est juste arrivés. Par là. »

Waldelène leva son bras et pointa le doigt vers une clôture. Un tout petit champ, une sorte de potager, et à l’intérieur, une minuscule petite chaumière de paysan. De son toit sortait la fumée d’une cheminée, les murs étaient en torchis, l’herbe moyennement bien entretenue. Wald’ s’arrêta devant la petite porte de la clôture et la tira. Moi je restais là, sur le chemin, les lèvres retroussées.

« Degrelle est là-dedans ?
– Oui.
– Degrelle. Ferrand Degrelle. L’un des hommes les plus riches et puissants de Marbrume ?
– Lui-même.
– Et il est là en train de prendre son petit déjeuner au milieu d’une chaumière de gueux ? Tu vas me faire croire ça ?
– Vous allez surtout rentrer à l’intérieur, sire Lucain. »

Il attrapa mon bras et me poussa mollement dans le jardin. Si je n’étais pas en pleine récupération de mes moyens causées par l’alcool et le froid, je n’aurais probablement pas titubé. Mais sitôt que j’avais fais trois pas chancelants, je me retournais en arrière, et le doigt levé, Waldelène le bascula lentement de gauche à droite, pour dire « non » comme à un enfant. C’est une menace. Une menace claire, mais beaucoup plus insidieuse et pleine d’espièglerie, bien plus que de simplement mettre la main à l’épée.

« Toi aussi Astrid. Allez hop, tous les deux. »

Malgré tout il n’attrapa pas la belle. Il se contenta de lui sourire et de lui indiquer le chemin avec le plat de sa main. Ensuite seulement, il décida de nous suivre et de fermer la clôture, et de marcher tout droit les pas qui nous séparaient de la mince porte d’entrée.
Nos pas écrasaient des cailloux et la porte s’ouvrit avant que nous soyons sur le perron. Un homme en sorti. Un grand, rasé, mâchoire carrée, brigandine bien en vue. Je le reconnais. C’était le lansquenet qui gardait Degrelle quand moi et Malachite sommes entrés dans un de ses établissements en ville. Je fermais les yeux en soupirant, et la main de Waldelène attrapa mon épaule pour arrêter mon mouvement.

« Tout doux mon sire.
– Putain de merde...
Je soufflais d’un ton peiné.
– Du calme ça va bien se passer.
– Contre le mur »
, répéta le grand rasé avec son accent Töter.

Les deux hommes d’armes m’attrapèrent chacun un bras et m’écrasèrent la tête contre le mur en bois. Le lansquenet se tourna brusquement en arrière, indiqua Astrid de la main, et aboya vers elle.

« N’essayez pas de vous enfuir ! Pas bouger ! »

Je tentais de me débattre en grognant. J’ignore si c’est le mercenaire ou le tueur en série qui m’a empêché de bouger, mais je sentais une clé de bras dans mon dos et une main qui plaquait ma tête. Ils me palpaient tout le corps, avant que je sente que l’on tirait de l’intérieur de mon manteau le baudrier sur lequel je cachais une dague, et à l’intérieur de ma manche, le fameux couteau qui aurait dû me servir à égorger le lansquenet sur le palier, un plan auquel j’ai pensé une fraction de seconde juste avant que Wald’ aille m’accrocher contre le mur. Sans mes armes, je me sentais aussi nu que si je n’avais pas eu de frusques, à la différence que je me sentais réellement humilié et sans pudeur. Le lansquenet continua l’humiliation en serrant son bras autour de mon cou, m’obligeant à me baisser, et en liant mes mains dans mon dos. Waldelène, lui, brailla à mon intention.

« Ne vous débattez pas, monseigneur ! Siegfried va t’étouffer, mais c’est pas pour te tuer, c’est juste pour te faire un peu perdre connaissance. Ne lutte pas et rien de mal t’arrivera !
Maintenant, la demoiselle ; J’espère que vous allez pas vous débattre autant que lui. Je vais juste fouiller que vous n’ayez pas de couteaux. Non pas que je ne me fie pas à votre parole, mais il serait malheureux que vous... Eh bien... Commettiez quelques impairs avec une lame entre vos doigts. Ce sont de jolis doigts non ? Quelle vilainie qu’ils puissent se poser sur une arme ! »


Il attrapa Astrid par le bras, mais sans pour autant la bousculer comme il avait fait avec moi. Il la fit monter sur la terrasse devant la chaumière, la tourna, et se mit à la palper rapidement et avec professionnalisme de partout. Moi je continuais de lutter, de bouger dans tous les sens, mais comme Waldelène avait prévu, le-dit Siegfried m’empêcha de respirer et de crier. Je me mis à voir des mouches devant les yeux, à chanceler alors que mes semelles glissaient sur le bois mouillé par la pluie d’hier, et à entendre les pulsations de mon cœur dans le creux de mes oreilles.
Une fois qu’ils furent tous deux assurés que ni moi ni Astrid n’avions d’armes, nous purent enfin entrer à l’intérieur. Pas véritablement de notre grès d’ailleurs. J’aurais bien aimé tout casser, mais Siegfried m’avait presque envoyé dormir. Nous entrions dans un minuscule couloir avant de nous balancer à travers une porte ouverte à droite, et quel ne fut pas mon étonnement de voir là, assis sur une table, Ferrand Degrelle en train de manger.

C’était saisissant. Le bourgeois était là, attablé, sur une de ces tables médiocres des pauvres gens, les pieds sur des planches de bois qui craquaient un peu. Il était en bout de table, la place du chef, dans cette pièce mal éclairée, vétuste, même s’il fallait admettre que la demeure n’était pas non plus indigente. Elle était chaleureuse, avec des rideaux sur des fenêtres en verre, un brasero un peu mieux forgé que celui d’à la lueur duquel Astrid m’était monté, et puis il y avait des coffres et des chaises, et un tapis déployé par terre. Degrelle ne leva même pas la tête pour nous regarder. Il regardait dans son bol, où se trouvait du yaourt mélangé à des fruits, qu’il amenait vers sa bouche grâce à une grosse cuillère. Il n’était pas seul. Trois autres personnes étaient attablées ; Une jeune fille bien habillée, un monsieur d’un petit âge petit et famélique qui avait un grand vêtement noir et un insigne de sacerdoce trinitaire autour du cou, et un homme plus âgé vêtu pauvrement qui avait son coude sur la table et qui reposait la tête sur sa main. Si Degrelle n’avait absolument pas réagit, les trois autres paires d’yeux étaient dirigées vers nous.
Dans le dos de Degrelle, il y avait également un homme debout. Grand, cheveux blonds, musclé, avec une épée rangée dans un fourreau à son flanc. Nul doute un autre garde du corps sous sa paye.

« Ne vous occupez pas d’eux, dit Degrelle aux gens attablés. C’est une affaire qui me regarde pour tout à l’heure.
– Maître, dit Waldelène en s’avançant dans la salle à manger en baissant la tête. Où voulez-vous que je les mette en attendant que vous terminiez de déjeuner ?
– Dans le salon. Tant qu’ils sont calmes et ne disent rien, ça ne devrait pas trop me troubler.
– Bien maître. »


Degrelle devait avoir l’habitude de diriger les gens dans un grand manoir ou une vaste demeure. Parce que le salon il était pas séparé de la cuisine de beaucoup de choses ; En fait, en trois pas, on entrait du salon à la cuisine. On nous remit dans le couloir pour ouvrir cette fois-ci la porte de gauche, alors que Siegfried fermait la porte d’entrée, et voilà que nous étions dans une pièce minuscule, dans laquelle se trouvait pas grand-chose. Les fenêtres avaient une vue sur la cour, et donc le maigre potager qui était élevé à l’extérieur. Il n’y avait nul canapé, nulle étagère, rien, sinon de grandes planches au plafond et des banquettes pour y dormir et pour y protéger la nourriture, car les rats, les fourmis et les cafards marchent au sol.
On invita Astrid à s’asseoir gentiment sur une banquette, et je me disais bien que les singes savaient obtenir d’eux qu’on obéisse gentiment. Si la pauvre cartomancienne se mettait à résister, on la ferait obtempérer de force. Moi c’était déjà un peu le cas. Wald’ s’arrêta devant mon visage qui devait être en train de rougir sous la semi-asphyxie provoquée par le lansquenet.

« Sire Lucain. On peut faire ça dignement ou non. Vous pouvez vous arrêter de vous débattre et me jurer de ne pas faire quelque chose de stupide, et on vous laisse vous asseoir normalement, libre de vos mouvements. Ou alors vous continuez de vous débattre, et alors nous n’aurons pas d’autres choix que de devoir vous ligoter.
Je vois dans vos yeux que vous êtes en colère, monseigneur... Mais comprenez, je vous connais trop. Vous n’êtes pas du genre à vous laisser faire. Dites-moi que vous n’avez à aucun moment songé à m’ouvrir. On a beau être trois, je sais que ça vous empêchera pas de prendre une option suicidaire. Alors regardez-moi et dites-moi que vous allez vous calmer et ne rien tenter. »


Je continuais de me débattre pendant un moment. Mais malheureusement, cela ne servait qu’à m’épuiser. Je tentais sur le fait que le lansquenet derrière moi vacille, qu’il montre un instant de faiblesse, mais aucune opportunité n’arriva. À la place, je n’arrivais plus qu’à ressembler à un chat qui voulait échapper aux câlins de son maître, bougeant dans le vide, alors que Waldelène continuait de m’observer, impassible, droit comme un i.
Dans l’autre pièce, on entendait une conversation qui reprenait, et les gens qui mangeaient, qu’importe qu’un certain malaise venait d’arriver.
Finalement, j’arrivais à bout. Des larmes me montaient aux yeux, et je faisais « oui » de la tête à mon ancien valet d’armes.

« C’est bon Siegfried. Tu peux le lâcher. »

Sitôt la prise du lansquenet desserrée, je faisais un vif pas en avant tout en remuant les bras. Je me retournais, et levait la tête pour regarder dans les yeux l’enfoiré qui m’avait étranglé. À défaut de pouvoir le tuer avec une lame, je le tuais du regard, avec une grimace pleine de promesses de meurtres et de souffrances à l’égard du mercenaire.
Il ne répondit qu’en m’indiquant le lit sur lequel Astrid était assise. Bouche ouverte, sourcils froncés, je m’en approchais pour asseoir mes fesses, et regarder droit devant.

Waldelène quitta la pièce. Siegfried resta sur le pas de la porte. Dans son dos, je pouvais observer Degrelle, plus ou moins, c’était compliqué vu que le mercenaire bouchait la vue. Pour l’heure, je me mis surtout à tenter de parler avec Astrid, en chuchotant. Mais ma voix se faisait rauque, probablement parce que je venais d’être étranglé.
C’était quoi le plus important de lui dire ? Qui était Degrelle ? Comment il était au courant du fait que j’étais un banni ? Qu’est-ce que moi et Malachite avions à faire avec lui ? Est-ce qu’on risquait d’être en danger ? Tout ça c’était des informations importantes, des questions qu’elle devait se poser. Dans le même temps, j’aurais peut-être pu la prévenir que Waldelène était un psychopathe qui prenait du plaisir à tuer des gens, et qu’elle lui avait tapé dans l’œil. Maintenant aurait été le bon moment pour lui dire que j’étais désolé, qu’elle méritait pas d’être dans ce tas d’emmerdes, que j’allais la protéger, que hier soir c’était pas ouf mais que c’était ma faute et pas la sienne, tout un tas de paroles qui seraient sacrément importantes pour son esprit mental, pour pas qu’elle se mette à faire une crise de panique ou d’hystérie alors que nous étions au milieu d’une pièce mal éclairée, avec trois types prêts à nous ouvrir en morceaux sans que l’on puisse s’échapper ou se défendre.
Ah non, je sais ce que je vais lui dire.

« Sacré lendemain de soirée, hein ma belle ? Si tu m’avais mieux sucé on en serait peut-être pas là. »
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Astrid la Douce



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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. - Page 6 EmptyDim 6 Aoû 2017 - 15:18
Finalement Astrid n'aurait pas dû se montrer si pressée d'arriver. L'endroit que lui désignait Waldelène ne lui disait rien qui vaille, et Lucain semblait du même avis. Il fallait dire que si Degrelle correspondait effectivement à la petit description donnée par le banni il n'avait rien à faire là, et ça augmentait grandement l'impression que tout ceci était un genre de guet-apens.

– Vous allez surtout rentrer à l’intérieur, sire Lucain. »

Waldelène attrapa Lucain par le bras, bien décidé apparemment à ne pas lui laisser le choix. Astrid eut un léger mouvement de recul devant cette scène : il n'était peut-être pas trop tard pour s'enfuir et aller voir ailleurs. Elle n'avait certainement rien à voir ce qui se passait ici, elle ignorait la raison de sa présence et n'était pas sûre d'avoir envie de la découvrir. Le banni avait fait quelques pas mal assurés, poussé en avant par son vieil ami -si tout cela n'était pas un mensonge. Astrid avait du mal à concevoir que deux amis puissent se traiter ainsi, mais elle ne connaissait sans doute pas assez leur histoire ou les affaires qu'ils entretenaient actuellement pour juger.

« Toi aussi Astrid. Allez hop, tous les deux. »

Elle leva la tête en direction de celui qui avait les mêmes yeux qu'elle, un peu perdue. Elle sentait bien qu'il s'agissait du genre de proposition qu'on n'était pas censé refuser mais il fallait surtout avouer qu'elle commençait sérieusement à avoir peur de ce qui allait se passer. Waldelène avait beau sourire et lui indiquer gentiment de suivre Lucain, Astrid avait bien compris qu'elle n'avait pas plus le choix que lui. Elle se résigna à obéir gentiment.
Tout avait l'air particulièrement bien prévu et ils semblaient même attendus, parce que la porte de la chaumière s'ouvrit avant même qu'ils l'atteignent. Un type était là, et ça ne plut apparemment pas au banni qui tenta un mouvement bien vite arrêté par Waldelène et celui qui devait être son acolyte. Chacun saisit un bras de Lucain pour finalement plaquer sa tête contre un mur. Astrid n'eut pas le temps de penser qu'il risquait de se prendre des échardes parce que son cerveau, devant cette violence dont elle n'était habituellement jamais témoin, ne lui criait plus qu'une chose. Finit le mal de crâne, finit le rêve de son lit, il n'y avait maintenant plus que la fuite . Astrid n'était pas courageuse, ce n'était pas nouveau. Elle était peureuse et angoissée, et le combat n'avait pour elle aucun attrait.

« N’essayez pas de vous enfuir ! Pas bouger ! »

Le type la regardait et avait même sa main vers elle, mais c'était un peu comme s'il ne parlait pas à Astrid. Elle voyait tout ça de loin, comme si elle n'était pas directement concernée, parce qu'elle n'entendait que la fuite rugir dans son esprit. Pourtant elle était là, immobile mais tremblante, tétanisée par la peur. Qu'est-ce qu'ils allaient lui faire dans la maison ? Pourquoi était-elle là alors qu'elle n'avait rien fait et ne connaissait personne à part Lucain dans toute cette histoire ?
Profitant que le banni était bien installé contre son mur et ne bougeait pas, les deux autres hommes lui ôtèrent ses armes sans ménagement mais pas seulement.

« Ne vous débattez pas, monseigneur ! Siegfried va t’étouffer, mais c’est pas pour te tuer, c’est juste pour te faire un peu perdre connaissance. Ne lutte pas et rien de mal t’arrivera !

Astrid, effrayée, se demanda s'ils allaient l'étouffer elle aussi. Si elle allait finir avec le bras énorme du dénommé Siegfried autour de son petit cou fragile, et s'ils allaient aussi lui attacher les mains dans le dos. La panique commençait à la gagner peu à peu, mais elle luttait pour que rien ne la trahisse, prenant de longues et calmes inspirations...

Maintenant, la demoiselle ; J’espère que vous allez pas vous débattre autant que lui. Je vais juste fouiller que vous n’ayez pas de couteaux. Non pas que je ne me fie pas à votre parole, mais il serait malheureux que vous... Eh bien... Commettiez quelques impairs avec une lame entre vos doigts. Ce sont de jolis doigts non ? Quelle vilainie qu’ils puissent se poser sur une arme ! »

Évidemment la cartomancienne n'avait aucune arme sur elle. Déjà elle n'en possédait qu'une, et en plus lorsqu'elle la portait le fourreau pendait bien en évidence à sa ceinture, ce qui n'était pas le cas ici. Mais ça, le gardien des lieux n'en savait rien et ne la croirait d'ailleurs probablement pas si elle le lui expliquait. Elle ne répondit rien, il n'y avait rien à dire et surtout pas sur ses doigts qui ne devraient pas tenir d'armes. Contrairement à Lucain elle faisait une des seuls choses qu'elle maîtrisait à part la fuite: profil bas. Elle ne dit rien non plus quand il la saisit par le bras, il lui faisait trop peur, et Astrid le suivit sans discuter là où il voulait l'emmener. Quand il glissa ses mains contre elle à la recherche d'une arme elle ne tenta pas le moindre mouvement de rébellion et tout ce qu'il dut sentir comme agitation fut les tremblements qui la secouaient.
Alors, ils firent entrer leurs deux... Prisonniers ? Otages ? Invités forcés? Astrid ne savait pas ce qui décrivait le mieux leur situation parce qu'elle ne savait toujours pas ce qu'on lui voulait. Elle avait juste bien retenu qu'en se montrant tranquille elle avait droit à un meilleur traitement que Lucain et que de toute façon ils n'avaient pas l'air de trop craindre quelque chose de sa part à elle. Sentir la présence de quelqu'un derrière elle suffisait à lui interdire tout espoir de fuite, et la présence de Lucain devant elle n'avait rien de bien rassurant.
Astrid était livide, plus pâle encore que d'habitude, tandis que les mêmes questions résonnaient dans sa tête.
Elle entra sans discuter dans la salle où se trouvaient déjà quatre personnes qui n'avaient pas vraiment l'air d'être tous au courant de leur venue. C'était vraiment étrange, un peu comme si deux mondes se trouvaient soudainement mélangés par hasard : celui de ceux qui mangeaient tranquillement sans problème apparent, et celui de Lucain et Astrid qu'elle n'aurait pas su expliquer parce qu'elle ne le comprenait pas. L'endroit était assez sympathique, mais la cartomancienne n'était pas vraiment en état d'être touchée par la décoration. Elle voyait les choses sans rien en penser et sans vraiment les imprimer dans son esprit. Elle comprit simplement, en entendant Waldelène parler, lequel était Degrelle. Elle se demanda un instant ce que faisaient là les trois autres, qui semblaient particulièrement surpris d'être interrompus de la sorte. Mais elle était incapable de mener une réflexion correcte à ce sujet.
Elle sentait la panique croître en elle, elle avait les yeux brillants de larmes, et pourtant ils ne l'avaient même pas touchée ni vraiment menacée contrairement à Lucain qui avait été à moitié étranglé sous ses yeux. Elle resta un peu trop immobile, pas assez réactive, et il fallut la pousser un peu pour qu'elle prenne effectivement le chemin du salon. Demi-tour, porte opposée dans le couloir, et les voilà dans une autre pièce.
Si la cartomancienne ne se fit pas prier pour s'asseoir ce fut surtout parce que ses jambes tremblaient tellement qu'elle craignait de tomber, et Waldelène et Siegfried se montreraient peut-être peu patient face à ce genre de choses. Astrid ferma les yeux, et voulut presque se boucher les oreilles pour échapper aux remarques du vieil ami de Lucain à celui-là même. Le voir se faire traiter ainsi éveillait en elle un mélange de terreur et de pitié qu'elle avait beaucoup de mal à supporter, et l'incertitude de sa condition ainsi que de la raison de sa présence devenait de plus en plus insoutenable quand on voyait de quoi les gardes de Degrelle étaient capables. Et il y avait, de l'autre coté du couloir, des gens qui mangeaient paisiblement.

« C’est bon Siegfried. Tu peux le lâcher. »

Astrid rouvrit les yeux et aperçut les grands mouvements de bras de Lucain finalement libre de ses mouvements... Dans une certaine mesure. D'ailleurs, comment faisait-il pour avoir encore l'envie de provoquer Siegfried avec ses grimaces ? Il ne pouvait pas simplement s'asseoir et arrêter de faire n'importe quoi ? Ah, apparemment si. Et en le voyant finalement assis tranquillement, Waldelène sortit et l'autre resta simplement sur le pas de la porte.
Astrid aurait pu poser ses questions à Lucain, essayer de comprendre et de se rassurer, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle essayait déjà de calmer le tremblement de plus en plus prononcé de ses mains, et de toute façon Degrelle avait dit qu'ils ne devaient pas parler. Ça ne gêna pas Lucain visiblement.

« Sacré lendemain de soirée, hein ma belle ? Si tu m’avais mieux sucé on en serait peut-être pas là. »

Elle lui lança un regard tellement agressif qu'on pouvait légitimement douter qu'il vienne vraiment d'elle. Cette simple phrase de Lucain venait de faire naître en elle une animosité qu'elle n'aurait jamais soupçonnée si forte, et combinée à la terreur qu'elle ressentait cela poussait Astrid à laisser libre cours à sa haine grandissante

- Ferme ta gueule,
chuchota Astrid en réponse. Déjà rappelle toi que t'as pas voulu que je te suce, avant de raconter des conneries. Et puis, ouais, peut-être que si tu fermais un peu plus ta grande gueule au lieu d'aller raconter ta vie et tes plans "secrets" à n'importe qui, on n'en serait pas là. C'est bien beau de venir me faire chier mais moi je t'avais rien demandé, j'avais une vie tranquille, et j'avais jamais eu autant d'emmerdes que depuis que je te connais. T'es qu'un salaud Lucain. Tu pourris ma vie et tu le regrettes même pas. Si ça se trouve, je vais mourir dans ce trou à rats j'en sais rien, et je saurai même pas pourquoi. Je sais même pas ce que je fous ici, j'ai rien fait et je les connais pas ces types. Tu pouvais pas te faire étrangler sans public hein ? C'est pas assez tragique pour monsieur Lucain ?

Visiblement ses chuchotements n'étaient plus assez discrets pour que Siegfried décide de passer outre, parce qu'il grogna quelque chose, comme quoi ils devaient se taire sinon ils auraient encore plus d'ennuis parce que le maître serait mal disposé envers eux, ou quelque chose comme ça. Enfin, venant de lui, ça faisait le même effet qu'un "ta gueule" pur et dur et Astrid en devint muette.
Les larmes qu'elle avait retenues jusque là coulèrent brusquement de ses yeux, ses mains tremblèrent de plus belle, et elle sentir véritablement la panique et l'angoisse prendre possession de son corps comme de son esprit. C'était comme à Sombrebois, quand elle avait vu devant elle l'épée de l'homme qui avait voulu la tuer, l'épée prête à la transpercer et à mettre fin à sa misérable vie. Elle ne contrôlait plus rien.
Astrid respirait trop vite, c'était comme si sa gorge était resserrée et ne laissait plus l'air passer : elle avait le sentiment que d'un instant à l'autre elle allait étouffer. Le problème, c'était que c'était particulièrement bruyant et qu'elle n'y pouvait rien. Il n'y avait que deux possibilités : soit elle parvenait à se calmer, soit elle paniquait encore plus et elle finirait sans doute par tomber dans les pommes aussi efficacement que si Siegfried l'avait effectivement étranglée.
Elle ramena ses jambes contre elle, ce qui ne l'aida pas du tout à respirer mieux mais avait au moins un côté rassurant. Elle crut que leur gardien lui parlait mais ce n'était même pas sûr et puis à ce stade elle ne comprendrait de toute façon pas grand chose si ce n'était pas clair et répété. Ils auraient pu y penser avant de l'embarquer dans ce genre de plans foireux sans même la prévenir du sujet de conversation. Sans doute que le gardien ne savait pas trop quoi faire pour la faire taire. Et l'idée de l'avoir en plus énervé, de risquer en plus qu'on lui fasse du mal, de craindre des représailles pour cette panique qu'elle ne pouvait pas faire taire, disons que ça ne l'aidait en rien. Elle suffoquait, serrait ses bras autour de ses jambes repliées et priait à moitié les Trois avec le peu de conscience qui lui restait pour elle. Elle ne pardonnerait jamais cette visite à Lucain.
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. - Page 6 EmptyDim 6 Aoû 2017 - 18:19
Woosh. Susceptible l’Astrid. Pour une fois que sa langue se délie, j’ai cru qu’elle allait me sauter dessus, et pas dans le bon sens. C’est fou la capacité que j’ai à me faire haïr des bonnes femmes. La vindicte est lourde là. J’ai tourné la tête vers Siegfried et j’ai essayé de lui sourire, de faire une blague du genre : « Ah les femmes, hein ? » avec le tact et la classe que vous connaissez, mais je me suis vite ravisé. Le lansquenet n’a absolument pas l’air d’un homme sympathique. On dirait un vrai chien de garde.

Du coup, bah, j’ai juste gardé une tête neutre et silencieusement j’ai tenté de continuer d’observer derrière le töter. J’ai regardé Degrelle qui mangeait son yaourt à la petite cuillère. Et j’essayais de comprendre la conversation qu’il avait avec les trois autres personnes attablées.

« Je... Heu... Vous... Vous voudriez peut-être que je vous laisse tranquille ? Demandait le petit homme famélique en tremblotant.
– Non, non mon père. Allons, pas de peur. Continuons notre discussion et ne prêtez pas attention aux deux personnes dans le salon.
Vous disiez donc ? Vous avez à vous plaindre de violences ?
– Heu, ahem
, reprit le prêtre en dégageant sa gorge. C’est... Juste un simple problème dans la chapelle Sainte-Aure... C’est depuis que nous avons dû arrêter les distributions de nourriture, par ordre du bailli. Il y a toujours des mendiants qui continuent de venir, et voilà, hier soir, lorsque nous leur avons dit que nous ne les servirions pas, l’un d’entre eux a agressé un diacre... Il n’y a eut aucun blessé, il faut le dire ! C’est juste que les gens désespérés deviennent quelques fois violents... Enfin du coup, le prêtre de la chapelle refuse de reprendre le service là-bas. De toute façon le quartier est délabré, il n’y a plus beaucoup d’honnêtes gens.
– Oui, oui, c’est infesté de migrants. Mais vous n’allez pas abandonner un lieu de culte tout de même ! Allons mon père. Dites à votre confrère de revenir à sa congrégation. Quant à moi, je me chargerai moi-même de parler au bailli de la ville pour qu’il mette en place une patrouille de la milice près de l’édifice, pour empêcher que des bandes de voleurs rodent.
– C’est très généreux de votre part, maître Degrelle. »


Et blablabla. Ils discutaient de quelque chose qui ne m’intéressait pas, et qui n’avait rien à voir avec une affaire me concernant. Il était en train de s’occuper de ses affaires courantes. Il était en train de s’assurer de ses alliés, de sa réputation, que tout le monde sache qu’il est mécène de cette ville.
Mais dans quel intérêt ? Pourquoi gâcher son argent avec des gueux et des pauvres ? Il y a des endroits sûrement plus stratégiques où mettre ses pions.

« Ce n’est point une question de générosité. J’ai à cœur la justice et l’ordre dans notre cité. Que l’on ose s’attaquer à des hommes du clergé, voilà qui est répugnant. Je le prends très personnellement, depuis cette sombre histoire de reliques qui ont été volées, et revendues en secret sur le marché noir.
– Oui, oui ; D’ailleurs, les Triérarques vous ont déjà probablement remercié, mais... Moi également, maître, je dois répéter à quel point vous avez géné-... Je veux dire, à quel point vous avez été un excellent fidèle de la Trinité, en vous arrangeant pour racheter ces reliques et les remettre à leur place d’origine.
– Mais sous bonne garde cette fois.
Tant que nous en sommes ici, mon père. J’aimerais que nous discutions de l’éducation de ma fille...
– Papa...
Murmura la demoiselle attablée.
– Pas de « papa » maintenant, Sybelle. Voilà bien la raison de la venue de père Serlon ici ; Il nous faut discuter de tes exécrables résultats en lettres anciennes ! »

J’y crois à peine putain. La fille qui est assise là, c’est la fille de Degrelle. Le mec il est en train de bouffer avec le prof’ de sa gamine, ici, dans le Labourg. Et c’est qui le dernier mec attablé, le vieux qui repose sa tête dans sa main ? Un notable local ? Un petit représentant du quartier ? Un patriarche qui s’est fait porte-parole des paysans de la zone ? Et de quoi il est en train de parler ? Des récoltes ? Du beau temps ? D’une charrette qui est cassée, et qui fera que Degrelle lui promettra de lui en vendre une nouvelle à très bon prix, lui qui a commencé sa fortune dans la vente de fournitures pour chevaux ? Et pendant qu’il mange son yaourt aux morceaux d’abricot, à piailler avec un gueux terreux et le précepteur de sa grognasse, moi je suis là, et ils ont put tous voir comment je me suis fait étouffer ?
Je commence à me demander si c’était réellement prévu, cette cabriole devant la porte d’entrée. Vu le malaise passable du prêtre Serlon et comment Ferrand Degrelle s’empresse de changer de sujet, je suppose que c’est vrai. Peut-être que tant que la gamine est là, j’ai moins de chances de me faire égorger.
Je tourne la tête pour regarder l’Astrid, et... Et elle est en train de pleurer ? Ah non c’est pas le moment ! J’ai horreur des filles qui pleurent ! Ça m’est arrivé trop de fois dans ma vie ça. C’est un son tellement insupportable, et l’une de mes seules faiblesses critiques ! C’est horrible quand une fille pleure, ça me chamboule tout entier, voilà que je me retrouve à avoir les sourcils qui s’obliquent et que je prends un air peiné. Quand une fille pleure, je suis capable d’avoir des pensées absurdes, genre que quelque chose de mal arrive par ma faute ou que je dois me sentir coupable de quelque chose, vous savez, des idées ridicules et qui n’ont pas de sens.

« Chuut, hé, Astrid, calme-toi, je commence à faire avec une voix douce, tout en lançant de petits regards vers Siegfried pour m’assurer qu’il ne se mette pas à aboyer comme tout à l’heure. Tout va bien se passer ; Degrelle c’est pas un gars mauvais, c’est juste un politicien, je continue sur le ton de la blague pour essayer de détendre un peu l’atmosphère, car tout le monde aime se moquer des politiciens. Personne va te faire de mal, y sont brusques mais t’as vraiment aucune raison de te mettre dans des états pareils. Regarde, moi, est-ce que j’ai peur ? Hein ? Regarde-moi dans les yeux Astrid ; Je les laisserais pas te faire de mal. T’es en sécurité avec moi. »

J’attrape sa main et je la serre très fort. Mais j’ignore si elle va se débattre ou se laisser faire. Faut voire si j’arrive à être suffisamment convaincant dans ma tentative de la rassurer. C’est peut-être le moment de la mettre au secret.

« J’ai dû faire un boulot pour lui. Il était au courant de mon identité dès que j’ai foutu les pieds à Marbrume ; Le passeur bossait pour lui. Maintenant, je suis aussi surpris de toi d’avoir revu Waldelène, mais je te jure que c’est un ancien ami, lui aussi. Peut-être que tu es en danger, je te le cache pas. Mais c’est pas une raison pour paniquer comme ça. Tu vas pas attiser leur pitié. Alors, je t’en supplie, respire lentement, calme-toi, reprends tes nerfs. Essaye de devenir une louve. Tu peux pas passer ta vie à fuir toutes les confrontations. Parfois faut savoir plonger dedans. La folie c’est une armure. Tu peux me croire. »
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. - Page 6 EmptyLun 7 Aoû 2017 - 15:33
Ce n'était pas Siegfried qui lui dit quelque chose, mais Lucain. Astrid ne l'écoutait pas vraiment, à vrai dire elle n'entendait quasiment rien d'autre que sa respiration emballée et les pensées funestes qui hantaient son esprit sans qu'elle parvienne à s'en détacher. Elle essayait de comprendre, elle se rendait bien compte qu'il parlait doucement, mais le sens de ses phrases ne parvenait pas à être décrypté. Si, il avait dit regarde , et la demoiselle se força à maintenir ses deux yeux grands ouverts en direction du banni. Elle voyait un peu flou, sans savoir si c'étaient les larmes ou le manque d'oxygène qui en était la cause.
Il avait attrapé sa main et la serrait fort, si bien qu'Astrid n'essaya même pas de retirer ses doigts de cette emprise. Elle se mit à tousser aussi fort que si elle était en train d'étouffer, avant de prendre quelques inspirations aussi profondes que rapides mais légèrement plus calmes qu'avant. Même si ce n'était que Lucain, à savoir un salaud, avoir quelqu'un près d'elle était toujours plus rassurant que si elle était seule, et essayer de se concentrer sur ses paroles la détournait du cercle vicieux d'angoisses dans lequel elle s'apprêtait à plonger.

« J’ai dû faire un boulot pour lui. Il était au courant de mon identité dès que j’ai foutu les pieds à Marbrume ; Le passeur bossait pour lui. Maintenant, je suis aussi surpris de toi d’avoir revu Waldelène, mais je te jure que c’est un ancien ami, lui aussi. Peut-être que tu es en danger, je te le cache pas. Mais c’est pas une raison pour paniquer comme ça. Tu vas pas attiser leur pitié. Alors, je t’en supplie, respire lentement, calme-toi, reprends tes nerfs. Essaye de devenir une louve. Tu peux pas passer ta vie à fuir toutes les confrontations. Parfois faut savoir plonger dedans. La folie c’est une armure. Tu peux me croire. »

Astrid n'avait aucune envie d'inspirer de la pitié à qui que ce soit, ce n'était pas fait exprès. Si elle avait pu se tenir dignement sur sa banquette et attendre tranquillement qu'on vienne lui dire ce qu'on lui voulait, elle ne se serait pas gênée! Mais elle n'était pas du tout du même avis que Lucain au sujet des confrontations. Elle se voyait très bien éviter les ennuis toute sa vie, et ne comprenait de toute façon pas pourquoi elle devrait subir des confrontations avec des types qu'elle ne connaissait pas ni ne dérangeait. Elle voulut répondre, mais une série de hoquets lui échappa d'abord et secoua sa poitrine. Il avait quand même dit qu'elle était en danger, peut-être. Pourquoi ? Astrid espérait surtout qu'on ne la menacerait pas pour essayer de tirer quelque chose de Lucain, parce que dans ce cas là elle n'allait pas vivre très longtemps encore.
De sa main libre et tremblante elle essuya vainement les larmes de son visage, même si son état de panique et de pleurs n'était pas encore terminé elle faisait un effort.

- J'ai rien à voir avec ça, moi
, se mit-elle à balbutier de manière à moitié compréhensible entre deux sanglots et hoquets. Pourquoi je suis là? Et... Et... Pourquoi en danger ?

Elle serra finalement la main de Lucain, qu'elle n'avait pas encore lâchée. Ça allait un peu mieux mais elle était loin d'être calmée. De toute façon un retour complet à la normale ne pourrait se faire que lorsqu'elle serait libre, dehors, et assurée que personne ne viendrait l'assassiner dans son sommeil.

- Je veux pas mourir Lucain...

Astrid se mit à pleurer de plus belle, mais au moins la crise d'angoisse semblait doucement s'éloigner pour ne laisser que les pleurs. C'était un peu bête, de tenir autant à une petite vie misérable, mais c'était ainsi. Il valait peut-être mieux moisir au fond d'une tente de gitan que ne pas vivre. Lucain comprendrait sûrement. Qu'est-ce qui pouvait le faire vivre, banni, hors des murs pendant la Fange, si ce n'est qu'il ne voulait pas mourir ?
Un bruit attira l'attention d'Astrid: les chaises, ou les tabourets elle ne se souvenait plus, devaient certainement racler le sol. Le repas semblait être terminé, ce qui n'était pas étonnant parce qu'ils en étaient déjà au yaourt quand ils étaient arrivés. Peut-être que ça allait être leur tour, qu'ils allaient enfin savoir le fin mot de cette histoire. Ou pas. Astrid aperçut le visage curieux d'une demoiselle qui passait dans le couloir et tentait visiblement d'observer ce qui se passait du côté d'Astrid et de Lucain d'un air mal assuré et timide. Bien vite rattrapée par quelqu'un d'autre d'après les bruits de pas, elle détourna le regard comme si elle n'avait rien vu et en silence.

- C'est qui celle là ?
Demanda Astrid à Lucain en reniflant puisqu'elle n'avait pas suivi la conversation un peu plus tôt.
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. - Page 6 EmptyMar 8 Aoû 2017 - 0:29
« Tu vas pas mourir. »

J’aurais dû lui dire : « Tu vas pas mourir espèce de conne », tout en lui filant une claque pour qu’elle reprenne ses esprits. Je l’ai déjà fais à beaucoup de gens ça. Franchement, de quoi Astrid se plaint-elle ? Est-ce qu’on l’a plantée ? Est-ce qu’elle a une flèche qui lui a perforé le corps ? Non elle va très bien ! Avoir peur de mourir c’est trop tôt pour elle. Bon sang, si seulement elle ne s’était pas mise à chialer, je vous jure ! Le pire c’est que je regarde le Siegfried, et il me met mal à l’aise, à la regarder chialer. Il ne semble pas avoir le moindre mouvement ou changement d’émotion, oh que non, et c’est peut-être tant mieux que lui monte la garde, car Waldelène serait devenu passablement excité en voyant qu’elle se met à verser des larmes.
Bah du coup j’ai serré la main d’Astrid. Puis j’ai posé une main dans son dos pour le frotter vivement. Je savais pas quoi faire d’autre ! Un câlin ? Allons, ce serait un peu exagéré, pas maintenant, on a pas le temps. Moi si elle était pas là, j’aurais surtout cherché à regarder tout autour dans la pièce s’il y a des objets que je peux utiliser comme arme ou distraction, dans le cas où je dois tenter de m’échapper, par une porte ou en explosant une fenêtre. Elle réduit fortement mes moyens d’échappatoires.

La porte d’entrée s’ouvre et voilà que Degrelle discute encore dans le couloir avec le paysan et monsieur Serlon. Il ordonne à son garde du corps, le troisième énergumène dont je n’ai pas le nom, d’aller raccompagner sa fille « au manoir », puis serre vivement la main des deux hommes. Quand enfin la porte est fermée, voilà qu’on entend ses pas, puis ceux de Waldelène, qui font craquer les planches. Je lâche la main d’Astrid et me lève. Immédiatement, Siegfried pose sa main droite sur la garde de son épée. Il s’attend déjà à ce que j’adresse son patron.

« Du calme, sire Lucain. Vous ne voulez pas faire quelque chose d’idiot. Pas quelque chose de plus, tout du moins.
– Vous saviez que moi et Waldelène nous nous connaissions ?
– Oui, heureux hasard. Mais sire Waldelène m’a énormément parlé de vous. C’était important, pour son embauche. Votre ancien valet d’armes a un certain nombre de qualités qu’il a pu développer auprès de vous.
– Et j’ai même pas eu besoin d’écrire une lettre de recommandation. »


Waldelène ferme la porte. Siegfried et lui se tiennent au ras du mur. Ferrand, lui, ne me fais même pas face ; Il me considère, de côté. Il m’observe longuement, de la tête aux pieds, avant de détailler Astrid à nouveau. Sa face a un aspect blasé, froid, impassible. C’est marrant le flegme qu’il a. Il a une bonne physionomie, sans avoir la douceur de Waldelène ; Disons qu’il fait bien politicien qui serre les mains. Il est fort bien habillé, mais de façon digne et humble, pas avec les frusques des nouveaux riches ou des jeunes nobles. Il est dans une bonne quarantaine, mais peut-être qu’il est plus vieux et fait simplement plus jeune, grâce à l’usage de crèmes et d’onctions. Il est très légèrement plus grand que moi, mais aussi beaucoup plus fin, élancé, comme un gressin qu’on pourrait casser en deux. Cela ne l’empêche pas d’être imposant autrement. Il est imposant par sa voix, une voix calme, posée, un peu rocailleuse. Pas une voix de chef qui rugit comme la mienne ; Mais une qui a l’habitude de commander dans le calme des salles feutrées et des palais de justices qui résonnent.
Il m’a percé. Il m’a percé plus que la miséricorde que j’enfonçais sous l’aisselle de mes semblables chevaliers. Il m’a percé plus que Astrid avec son commentaire qui m’a ramené à la réalité de ma situation. En un instant, il a vu à travers moi ; Il a vu à travers mes vêtements mouillés et boueux, à travers mes yeux caves et injectés de sang, à travers mon visage marqué de cicatrices. Il a vu à travers mon corps pour lire dans mon âme ; Mais il n’a pas encore fait la même chose à Astrid. Pour l’heure il a mis ses mains dans le dos, et il s’est avancé plus loin dans la pièce, qui craquait à chacun de ses pas.

« Savez-vous à vous vous trouvez, sire ? Il répète avec toujours l’intonation déplaisante au mot « sire ».
– Vous êtes étonnamment latitudinaire dans la manière dont vous me prodiguez des informations sur votre identité, maître.
– « Latitudinaire » ?
Répète Ferrand en grimaçant et avec dédain, trouvant certainement ridicule que je sorte des mots intelligents. Et à votre avis, pourquoi je suis... Latitudinaire ?
– Parce que...
Je prends le temps de réfléchir, hésitant. Parce que vous voulez montrer que vous êtes pellucide.
– Arrêtez cela tout de suite.
– Vous faites le mec qui a rien à cacher. Vous pensez qu’en accédant facilement à votre intime, on est plus en confiance. Vous souhaitez une confiance de ma part.
– Ce n’est absolument pas ça, sire. Rasseyez-vous je vous prie. Je ne vous ai pas permis de vous mettre debout. »


Il cesse maintenant de me regarder et continue de marcher plus loin dans la pièce. Moi mon regard croise vite celui de Siegfried et de Waldelène. Si le regard méchant et la position hostile, flanc gauche présenté du lansquenet me donne envie de me battre, le regard tendre, les lèvres retroussées et le petit mouvement de tête de Wald’ me convainquent d’obtempérer... Pour l’instant. Je décide donc de me rasseoir et de chuchoter gentiment à Astrid d’être calme et que je vais la protéger, répétant ma promesse de tout à l’heure.

« Vous voyez le lit sur lequel vous êtes assis ? C’est le lit sur lequel mon grand-père est né. Il y a trois générations de cela, l’époque de mon arrière-grand-père... C’est une époque sur laquelle je me suis beaucoup penché. À cette époque, les murs de la basse-ville n’étaient pas encore construits, seuls ceux de la vieille ville, de l’Esplanade, tenaient haut, commença à réciter Ferrand en désignant la fenêtre du bout du doigt. J’ai eu la chance de connaître mon grand-père. Cela n’arrive pas souvent. L’espérance de vie n’est pas très grande pour les petites mains. Ce qui m’a toujours marqué chez lui, c’était... Son humilité. Son humilité constante. Vous auriez dû le voir. Quand il marchait dans la rue, il baissait tout le temps les yeux, il ne haussait jamais la voix, il ressemblait à un petit chiot battu. Cela ne faisait pas de lui un lâche ; Il était très protecteur de sa famille. Il s’acharnait au travail. Constamment, il travaillait. Mais même quand il a commencé à obtenir des moyens financiers, même lorsque son fils, mon propre père, s’est enrichi, même quand moi j’étais un enfant promis à un grand avenir, il n’arrêtait jamais de garder la même routine simple et pieuse. Il mangeait peu, il allait souvent à la chapelle, il accordait beaucoup de temps à la communauté ; Il était pauvre, mais même pauvre, il donnait à ceux encore plus pauvres qu’eux.
Je n’ai pas souvent de certitude. Mais je suis persuadé que là où il est, Anür le protège de tout son être. »


Voilà que Ferrand se retourne. Sa face a toujours le même air blasé, sa voix est toujours aussi lente et douce. Il n’y a rien qui transparaît. Pas un moment de haine, de tristesse, ou de nostalgie. Toujours, le même air absolument constant et alcyonien.
Ça en est flippant.

« Vous avez connu votre grand-père également, sire.
– Mon grand-père a l’âge de votre père
, je réponds avec un sourire narquois en coin.
– La famille est importante. Le sang est plus épais que l’eau. La solidarité familiale, je pense que c’est ça qui dirige l’humain ; Après tout, nous ne sommes de passage que pour une très courte durée sur cette terre, et la seule chose qui restera de nous, ce sont nos héritiers. Ce sont ceux que nous avons fait naître, nourris, soignés, éduqués. Les reflets de nous-même ; De nos enveloppes physiques ainsi que de nos âmes.
Vous devez le savoir, en tant que fils de la noblesse, fier de son sang-bleu. Votre grand-père et le mien avaient beaucoup en commun. Retirez immédiatement ce sourire de votre visage, je n’aime pas cette expression ; Oui, croyez-le ou non, mon grand-père si pieux, si humble, au visage baissé, naissant dans cette bicoque remplie de cafard, il avait beaucoup en commun avec votre illustre grand-père, si riche, si décadent, qu’il passait ses journées à se rendre ivre au champagne et à l’hydromel, et à entretenir des courtisanes comme si ça avait été un harem.
– Waldelène a également été latitudinaire avec mes souvenirs...
– Leur point commun, c’est d’avoir tant donné à leur famille. D’avoir été si... Concentrés sur l’objectif de garantir un patrimoine, et un enseignement, à ceux qui sont de leur chair.
C’est pour cela que vous souhaitez voir votre oncle sur l’Esplanade, n’est-ce pas ? Parce que vous savez que malgré toutes les raisons qu’il a de vous repousser, il acceptera tout de même de trouver un moyen de vous mettre à l’abri. Qu’importe vos problèmes entre vous, vous êtes son neveu. Il fera tout pour vous protéger.
– Bien maître. Vous vous permettez de penser à ma place. C’est très impressionnant. »


Bien, bien, maître Degrelle a deviné que Lucain d’Agrance il voulait revenir à Marbrume pour rencontre son tonton qui s’appelle d’Agrance. Oh oui félicitation mec. Mais quel génie ! Mais quelle perspicacité ! On voit comment l’homme a bâti sa fortune ! Mais quelle analyse ! C’est pas comme si n’importe quel crétin aurait pu deviner, hein, absolument pas. Surtout quand cette raclure de Waldelène a dû raconter des histoires sur moi et mon oncle, sur notre relation, encore des putains de conneries à raconter. Eh, quoi, alors ? Je vais déballer mon linge sale en public ici ? Je suis sûr que Degrelle me dit ça parce qu’il veut participer à cette opération pour me faire passer au-delà de l’Esplanade, et...
...Et attendez.

Oui, oui c’est ça. C’est exactement ça. C’est pour ça que Degrelle veut me voir. C’est obligé. Sinon, pourquoi avoir envoyé Waldelène ? Pourquoi ne pas avoir envoyé un autre de ses gardes du corps ? C’est ça ! Il ne veut pas me tuer ou quoi que ce soit, il veut juste m’accorder son aide, probablement en échange d’argent, ou pour faire chanter mon oncle. C’est tellement évident. J’ai un poids qui se retire de mes épaules. Ouf. Je peux me détendre et recommencer à sourire comme un connard.

Ferrand Degrelle me voit d’ailleurs, prendre une posture plus lâche. Et voilà que, toujours sans changer d’expression, il se tourne pour regarder Astrid.

« Vous êtes un peu plus un mystère, vous. Et pourtant j’ai déjà vu votre visage, bien avant ce jour. Je vous ai déjà vu au bras de puissants nobles. C’est incroyablement drôle de vous voir à nouveau au bras d’un autre sang-bleu, même lorsque celui-ci a absolument tout perdu et n’a rien à vous offrir.
Pourquoi vous l’aidez ? Qu’est-ce que vous avez à gagner là-dedans ? »


Et là, maintenant, je panique. Parce que je me rends compte de pourquoi nous sommes dans cette maison. La vraie raison. C’est pas pour moi qu’il est là.
C’est pour elle.

Je fronce mes sourcils et je me met à analyser rapidement la pièce pour pouvoir m’échapper, en attendant que Astrid cherche une réponse ; Sachant qu’il n’y a que quelques bonnes réponses.
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. - Page 6 EmptyMar 8 Aoû 2017 - 16:51
Astrid ne comprit pas pourquoi Lucain se leva si vivement en entendant des bruits de pas. Que comptait-il faire de toute façon? Foncer sur Siegfried pour s'échapper, alors que deux autres hommes étaient dans le couloir ? La cartomancienne, séchant avec peine ses larmes, ne bougea pas de là où elle était.
Ils se retrouvèrent tous bien vite dans la même pièce, et il y eut un moment étrange et gênant empli de silence pendant lequel Degrelle observa de son air impassible ses deux otages du jour. Comment faisait-il pour ne rien laisser paraître? Elle n'en avait aucune idée, mais elle aurait beaucoup apprécié être capable de se montrer si froide, au lieu d'avoir encore ses joues humides et ses yeux brillants.
Il n'avait pas l'air trop méchant cependant, probablement comptait-il sur ses employés pour ça. Quoique, Waldelène était tout à fait avenant. Peut-être que toute cette mise en scène n'avait pas un but aussi funeste que ce que le début d'étranglement de Lucain laissait imaginer...
Astrid ne comprit pas les mots utilisés par Lucain au début de sa discussion avec Degrelle. Elle lui aurait volontiers suggéré d'arrêter de faire le malin si tout le monde n'aurait pas entendu sa remarque. Alors elle se tut, elle entendit que cela dérangeait effectivement le maître des lieux, et elle tenta surtout de suivre la conversation sans trop trembler. Elle saurait peut-être enfin ce qui l'amenait ici.
Lucain, après avoir évalué la situation, obéit gentiment et revint s'asseoir à côté de la cartomancienne en lui demandant de se tenir tranquille et de se rester calme. Astrid en avait bien l'intention, et même si elle doutait d'y arriver elle comptait essayer de mettre en application le conseil du banni.
Pour l'instant ce n'était pas trop dur de faire bonne figure, parce qu'on ne lui parlait pas. Le sujet de discussion n'avait rien à voir avec elle, de toute façon elle ne pouvait même pas se sentir concernée parce qu'elle n'avait pas de grand-père connu, et elle se contentait d'observer un peu tout le monde discrètement dans dire un mot et surtout sans bouger. Comme ça, elle n'embêtait personne.
D'ailleurs, elle ne voyait pas du tout où Dregelle voulait en venir avec ses histoires de famille. Elle se demandait ce qui était censé la diriger, puisqu'elle ne pouvait pas faire preuve de solidarité familiale, mais surtout elle commençait à trouver tout le petit discours du maître un peu ridicule. Tout ça pour en arriver à la conclusion que Lucain voulait voir son oncle ? Waldelène avait eu l'air au courant du passage programmé sur l'Esplanade, c'était presque étrange que Degrelle prenne la peine de détailler tout ce que Lucain pouvait avoir comme motivations pour cela d'après lui. Enfin, le banni avai peut-être compris lui, parce qu'il sembla soudainement se détendre. Bon signe, ça! Astrid s'en serait presque sentie un peu soulagée, si elle n'avait pas senti le regard froid de Degrelle passer sur elle.

« Vous êtes un peu plus un mystère, vous. Et pourtant j’ai déjà vu votre visage, bien avant ce jour. Je vous ai déjà vu au bras de puissants nobles. C’est incroyablement drôle de vous voir à nouveau au bras d’un autre sang-bleu, même lorsque celui-ci a absolument tout perdu et n’a rien à vous offrir.
Pourquoi vous l’aidez ? Qu’est-ce que vous avez à gagner là-dedans ? »


Elle était loin de trouver la situation drôle. Jetant un regard particulièrement inquiet à Lucain elle envisagea un instant de se murer dans le silence mais ce n'était certainement pas l'attitude à adopter. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire à lui ? Pourquoi Degrelle se posait des questions sur ses motivations ? Avait-il peur que la mission échoue à cause d'elle ? Ou... Qu'elle réussisse?
Astrid était gênée. Parler d'argent, ce serait passer pour un simple mercenaire qu'on pouvait acheter pour tout à n'importe quoi, elle n'inspirerait que de la méfiance. Faire croire à de la pitié en voyant un banni si désireux de retrouver sa famille ne serait absolument pas crédible, même si elle mentait bien. Et la vraie raison... Était-ce une bonne idée de révéler le déroulement des choses ? D'expliquer sa panique, sa peur de ne pas être crue si elle allait les dénoncer, sa peur de passer pour une complice et de se faire tuer par la milice ? Son choix limité, la décision de les aider pour en être débarrassée et pouvoir reprendre le cours tranquille de son existence, voilà de quoi elle aurait dû parler. Mais Lucain avait dit qu'il ne fallait pas attirer leur pitié, parce que de toute façon elle n'y arriverait pas. Répondre d'une mauvaise manière à cette question ce serait un peu le trahir... La cartomancienne ne savait pas quoi dire. Il ne lui restait qu'une seule solution, il allait falloir la jouer mystique .

- Les cartes m'ont dit de l'aider,
répondit-elle si bien que personne ne devrait savoir que ce n'était pas vrai. Elle mentait à longueur de journée, elle avait joué l'actrice des années pour sa troupe, et son air perdu ferait sûrement pencher la balance du côté de la sincérité. Comment une fille si fragile et si perturbée par la situation pourrait leur mentir ? Elle passerait juste pour une illuminée, mais personne ne savait ce que lui racontaient les cartes ni ce qu'elle en pensait. Sauf Lucain, qui savait évidemment qu'elle racontait n'importe quoi. Apparemment c'est mon destin, continua-t-elle d'un air convaincu.

Elle espérait avoir choisi une bonne option. Elle espérait que tout allait bien se passer. En tout cas les cartes ne lui avaient pas prédit ce moment. A vrai dire, depuis l'arrivée de Lucain elle avait refusé de se les tirer pour elle-même, craignant trop ce qu'elle pourrait y lire.
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. - Page 6 EmptyMar 8 Aoû 2017 - 23:08
La réponse d’Astrid provoque un silence. Un silence gênant. Waldelène pouffe de rire, la bouche ouverte. Siegfried grogne en fronçant les sourcils. Mais Ferrand, lui, ne réagit pas. Je n’ai rien vu sur sa face. Ni consternation, ni amusement. Pas un tic, pas un mouvement de joue ou de sourcil. En fait, voilà qu’il agite lentement la tête.
On dirait qu’il prend au sérieux Astrid. On dirait que, contrairement à ses deux gardes du corps, il pense que c’est une réponse envisageable.

Qu’est-ce que je suis heureux qu’Astrid n’ait pas dit qu’elle était là contre son gré ! Ou pour l’argent ! Dans ce cas, je devine ce qui se serait passé. Ferrand lui aurait souris, l’aurait invité à manger, il lui aurait parlé de sa fille, de sa famille, de tout un tas de choses pour la mettre en confiance et cesser de la faire pleurer... Et alors qu’elle mange tranquillement, elle aurait soudain senti sa gorge se serrer alors que dans son dos Waldelène commence à l’étrangler avec une corde.
C’est un test pour Astrid, voilà tout. Ferrand n’a pas peur de moi, il a peur d’elle. Peur qu’elle trahisse, qu’elle se plaigne à la milice, ce qui voudrait dire qu’on m’arrêterait moi, que je dénoncerai Degrelle, et qu’ainsi lui soit menacé. Vous voyez jusqu’où il remonte pour garder ses ouailles proches de lui ? C’est un type intelligent. Pas étonnant qu’il soit encore en place cet enfoiré, s’il réfléchit comme ça.

« C’est... Tout ? Les cartes ?
Vous... Pourriez être plus explicite ? »
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. - Page 6 EmptyMar 8 Aoû 2017 - 23:29
Waldelène avait l'air de trouver la réponse d'Astrid tout à fait comique. Siegfried avait l'air de la trouver tout à fait étrange voire louche. Mais Degrelle ne dit rien. Il avait l'air de croire ça possible, et de ne pas trouver que c'était une mauvaise réponse. Astrid sentait son coeur qui battait la chamade. Ce n'était pas le moment de se relâcher, il fallait continuer à se montrer convaincante, parce qu'apparemment ils n'allaient pas en rester là...

« C’est... Tout ? Les cartes ?
Vous... Pourriez être plus explicite ? »

Le rôle de la mystique c'était un rôle facile. Astrid tendait parfois à s'en éloigner pour éviter les problèmes avec les clercs mais Degrelle se moquait bien de sa religion. Il voulait savoir si elle était assez convaincue par ses cartes, et si elle ne les laisserait pas tomber. Ça n'était pas dur à comprendre.

- J'imagine que vous n'ignorez pas que je suis cartomancienne... Alors je me tire les cartes aussi, évidemment. J'ai eu une vision grâce à elles, vous savez, et je suis persuadée qu'elle représentait Lucain.

Elle le regardait avec ses grands yeux humides et presque candides. Des années de comédies qui n'avaient encore jamais été si utiles. Même Lucain en serait surpris, elle en était sûre, lui qui l'avait vue si fragile, si faible, et terriblement elle-même. Elle avait l'air tout à fait persuadée par son propre mensonge.

- Les cartes ne mentent pas. Elles révèlent la volonté des dieux. Qui suis-je pour m'y opposer ?


Son grand-père si pieux, tout ça tout ça... Peut-être qu'elle arriverait à quelque chose en essayant de creuser du côté d'une espèce de piété envers ses cartes, même s'il considérerait sûrement qu'elle n'était qu'une illuminée parmi tant d'autres.

- Je dois aider Lucain, c'est tout. C'est comme ça, c'est écrit, je l'ai vu.

Elle détourna les yeux, pour observer le banni. Pitié, qu'il la soutienne. Qu'il la traite de folle s'il en avait envie, ça ne ferait que renforcer son côté Oracle perturbée. Il était censé être témoin de cette dévotion aveugle, de toute façon.
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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. - Page 6 EmptyMer 9 Aoû 2017 - 0:44
Ferrand mit ses mains dans les poches. Il fit un nouveau pas en avant, faisant craquer le parquet. Seul le silence, régnait. Mais voilà bien la qualité des gens comme Degrelle ; Le silence chez eux a toujours un son. Il a une présence et une pesanteur. Ce sont des artistes qui vivent dans ce silence qu’ils savent imposer sans un bruit. Chacun son talent, et lui, il est tout trouvé.

« Qu’est-ce que tu en penses, Waldelène ? »

Mon ancien valet d’arme ferme sa bouche et lève un sourcil. Sa tête se déplace légèrement de côté, pour regarder maître Degrelle, puis il observe à nouveau la cartomancienne. Il fait un petit bruit buccal avant de répondre à la question.

« J’en pense que c’est de la putain de pisse de chat, maître. Mais je vois que sire Lucain n’arrête pas de se trouver des originaux à sa suite.
– C’est toi le pire de tous
, je grogne à voix basse.
– Ah bon ? Et pourquoi ça ? C’est toi le pire de toute la bande. Tu veux que je te rappelle de ce qui s’est passé à la Mosquée des Vigiles ? Hm ?
Héhé, regardez-moi ça. Il suffit que je lui dise ça, et il ne pipe plus un seul mot. »


Il a soudainement cessé de me vouvoyer pour me rappeler ce souvenir, cet enfoiré de psychopathe. J’ignorais l’avoir autant piqué à vif. En tout cas, maintenant je grimace à son attention. Mais je ne réponds pas à sa provocation. À nouveau, notre maître est le silence. Puis Degrelle interroge son second coutelas :

« Et toi Siegfried ? Qu’est-ce que tu en pense ? »

Le lansquenet affiche une horrible mine de dégoût en assassinant Astrid du regard.

« Was denke ich ? Sie ist eine Hexe. Ich mag seine Ton nicht, oder seine Augen.
– Quel est le problème ? Pourquoi tu ne t’exprimes plus clairement ?
– Je crois que Siegfried
, répond Waldelène à sa place, exprime quelques réserves quant à la nature de la divinatrice. Une qui n’est pas très sainte.
– C’est bien le problème. Notre Royaume n’a pas l’unité d’une réellement principauté, et tant de nations vivent à l’intérieur. Nous avons un culte des Trois, une Église qui se veut unifiée ; Mais il y a tant d’hérésies, de schismes, d’ésotérisme qui sont attachés aux méthodes païennes qui dataient d’avant notre calendrier, d’avant qu’un illustre Roi ne soit sacré par un Saint-Synode...
– C’est pas ça
, décida de soudainement dire Siegfried en parlant dans une langue qu’on pouvait comprendre. C’est... Son air. Y a un truc qui se dégage d’elle.
Elle ressemble à die Erlkönigin. »
– Le quoi ?!
Demanda Degrelle après avoir pouffé de rire.
– Une pute qui vit dans les forêts...
– Une légende de folklore
, corrigea Wald’ avec un joli sourire, en regardant son patron. La Reine des Aulnes, une monstruosité qui prend la forme d’une jeune fille pour ensorceler les hommes puissants, et les conduire à commettre l’irréparable. »

Ferrand mouva son visage pour considérer Astrid. Il l’observa rapidement. Siegfried, lui, semblait véritablement croire ce qu’il disait, et étonnamment, Degrelle lui accordait du crédit. Je ne pense pas que le grand et riche homme croie son lansquenet par superstition ; Je pense que Degrelle est plutôt un homme intelligent mais très ouvert d’esprit. C’est le genre d’homme qui ne croit pas au conte lui-même, mais à la morale qu’il peut en tirer. Non, Astrid n’est probablement pas une sorcière démoniaque qui peut se changer en monstre... Mais peut-être qu’il y a un sous-entendu, une métaphore, une... Leçon à tirer de cette observation.

« Hé bien... Ce serait très intéressant, ce genre de connaissance. Une Reine des Aulnes.
Vous comprenez Astrid... Je suis un homme d’une certaine notabilité, et d’une certaine respectabilité. Beaucoup de gens seraient prêts à... Eh bien, profiter de ma position pour exploiter ceux qui ont connaissance de mes projets et de mes complots, et ainsi, j’ai rarement l’occasion de m’avancer sur un quelconque terrain sans prévoir quelques moyens pour me protéger et me récuser.
Alors comment je peux vous faire confiance, Astrid ? Vous êtes... Dévouée, à Lucain ? Hm ? Comment ne pas croire mes subalternes ? L’un pense que vous êtes dangereuse, l’autre que vous êtes une menteuse. Que dois-je faire de ces accusations ? »
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Astrid la DouceCartomancienne
Astrid la Douce



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MessageSujet: Re: Allonge.   Allonge. - Page 6 EmptyMer 9 Aoû 2017 - 12:19
- Lucain habite chez moi. Nous mangeons ensemble. Je me promène à son bras à la vue de tous. J'ai clairement affiché ma dévotion, moi. Dites moi pourquoi je mentirais? Je suis déjà sa complice, si j'allais le dénoncer qui pourrait croire que je ne savais rien jusque là et que je viens de le découvrir ? Personne. On me pendrait, ou sûrement pire parce qu'on aime encore moins les traîtres que les criminels. J'écoute les cartes mais ça ne veut pas dire que je suis suicidaire : j'ai tout intérêt à ce que tout se passe bien.
Alors quoi ?
Elle s'arrêta une seconde pour reprendre sa respiration et pour risquer un regard en direction du visage de Degrelle, même si elle n'attendait pas de réponse de sa part avant de continuer. Vous craignez peut-être que les cartes changent d'avis et moi avec ? C'est parce que vous n'y connaissez rien. Je n'ai jamais vu un seul d'entre vous sous ma tente de toute façon. Les dieux sont parfaits, leurs volontés ne peuvent pas changer. Ils voient plus loin, plus vrai que nous, ils savent . Les cartes peuvent affiner la vision du futur, mais elles ne se contredisent jamais, parce qu'elle dévoilent ce que les dieux prévoient pour nous, tout simplement.

Astrid était vraiment douée pour faire la mystique. Elle le faisait souvent pour convaincre ses clients avant que la sédentarité ne lui fasse risquer l'arrestation pour hérésie. Mais c'était le genre de choses qui ne s'oubliaient pas.

- Si ça vous amuse de me traiter de sorcière ou de pute des forêts, allez-y,
dit-elle à l'attention de Waldelène et Siegfried, et pas de Degrelle. J'ai l'habitude. Mais moi au moins, je n'étrangle pas mes amis, et je ne parle pas devant les gens dans une langue qu'ils ne comprennent pas comme s'ils n'existaient pas. Ou pour les insulter plus tranquillement.
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