Marbrume


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 Pour le prix de quelques herbes sauvages [Martin Lapierre]

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Martin LapierrePrêtre
Martin Lapierre



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MessageSujet: Re: Pour le prix de quelques herbes sauvages [Martin Lapierre]   Pour le prix de quelques herbes sauvages [Martin Lapierre] - Page 4 EmptyJeu 18 Jan 2018 - 12:22
En tant que dévot autrefois solitaire et égoïste, Martin n’avait jamais été à l’aise avec les histoires de mariage. Depuis la nuit tragique qui avait succédé à l’union de sa sœur – qu’il avait organisée et célébrée – le sujet était même devenu tabou. Ses changements récents vers une attitude plus altruiste n’avait guère dénoué ce problème épineux.
Ainsi, malgré le respect et l’admiration qu’il vouait à la jeune Violette, la tournure de la conversation soulevait chez lui un agacement et une irritation croissantes. Les mains du prêtre s’ouvraient et se refermaient nerveusement sur le tissu de sa toge qui recouvrait ses cuisses, protégées des regards par la table qui séparait les deux adultes.

Fort heureusement, la guérisseuse lui offrit une merveilleuse échappatoire en évoquant une solution pour se passer d’époux ou de mécène. Violette était loin d’être la première femme seule que le prêtre rencontrait, et beaucoup d’autres se tournaient vers ses consœurs du temple – pour des raisons évidentes, les prêtresses comprenaient mieux leurs problèmes que leurs homologues masculins.

- Malheureusement, on compte beaucoup de veuves et d’orphelins de père à Marbrume. Des légions de soldats et miliciens ont péri depuis l’invasion de la Fange. Plus récemment, des cohortes de volontaires courageux ont rendu l’âme sur le Plateau du Labret afin que nous puissions manger à notre faim.
Rendez-vous compte qu’aujourd’hui, les femmes ont même le droit de grossir les rangs de la milice ! C’est un signe fort du manque d’hommes robustes et valides pour protéger la ville. La réalité, c’est qu’il ne reste pas suffisamment d’hommes pour s’unir aux femmes en âge de gérer un foyer.
C’est tragique, mais ce déséquilibre démographique nous épargne des maux plus terribles encore : comment pourrions-nous accueillir plus de nouveau-nés dans la situation actuelle ? Marbrume se trouve déjà au bord de la famine. Si les couples se mettaient à procréer comme autrefois, je ne préfère même pas imaginer les choix difficiles que les autorités devraient prendre pour assurer notre subsistance.


Après une interruption si brève qu’elle ne laissait guère le temps à Violette de placer une phrase, Martin enchaîna sur l’idée qui avait germé dans son esprit quelques semaines auparavant.

- Voyez-vous, dans la situation inédite où nous nous trouvons, je pense qu’il faut sortir des schémas passés et envisager des solutions novatrices. Dans le respect de la parole des dieux, bien évidemment.
Comme je vous l’ai déjà dit tout à l’heure, je crois fermement en la coopération. Peut-être que vous pourriez organiser une forme d’association avec les femmes qui affrontent des difficultés semblables aux vôtres ? En mutualisant vos efforts et vos ressources, vous serez plus fortes pour supporter le présent et affronter l’avenir. Et vous trouveriez des mécènes bien plus facilement. Un peu comme une confrérie, mais avec des femmes sans mari et des enfants sans père.


Le prêtre poursuivit sur un sujet plus familier, avec une élocution plus fluide que précédemment.

- D’ailleurs, nous ne procédons pas différemment au temple. Chacun assure une part du travail au bénéfice de la collectivité. Qu’il s’agisse d’éplucher des patates, préparer des remèdes, enseigner aux novices ou nettoyer les locaux.
Quand pareilles taches sont accomplies dans un esprit d’entraide, elles ne sont plus ressenties comme des corvées, mais comme un don de soi, un acte d’amour envers sa communauté. C’est là un bel enseignement pour les enfants, même si les plus jeunes manquent souvent de maturité pour le comprendre…


Revenant à des considérations plus concrètes, Martin posa son regard sur le visage de son interlocutrice, à qui il s’adressait maintenant directement.

- Vous êtes une jeune femme intelligente avec un métier très respecté, surtout auprès des femmes ayant des enfants à charge. Si vous parvenez à surmonter votre timidité, je pense que vous pourriez initier un tel mouvement. Car vous seriez vite très bien entourée et épaulée, notamment par les prêtresses du temple. Et vous avez deux excellentes sources de motivation qui vivent sous votre toit.
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Violette LevannierGuérisseuse
Violette Levannier



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MessageSujet: Re: Pour le prix de quelques herbes sauvages [Martin Lapierre]   Pour le prix de quelques herbes sauvages [Martin Lapierre] - Page 4 EmptyMar 6 Fév 2018 - 8:15
La conversation prenait un tour étonnant, mais qui interpella Violette. Martin avait raison lorsqu'il parlait de sortir des anciens schémas, mais dans la bouche d'un prêtre, ce genre de propos formulés si ouvertement... Eh bien, elle ne s'y attendait pas. Non que ce soit irrévérencieux envers leurs dieux, mais c'était simplement... Surprenant.
Elle l'écouta sans l'interrompre, pesant ses arguments et ses propos au fur et à mesure. Elle tenait son foyer à bout de bras depuis plus de quatre ans, poursuivre dans cette voie ne l'inquiétait pas sur le principe. Elle redoutait simplement ce qu'il adviendrait de ses frères et sœurs si elle venait à disparaître.
Allister n'était pas très loin de l'âge qu'elle avait lorsqu'elle était devenue soutien de famille, mais... La situation était différente. A cette époque, Violette était pleinement formée à son métier de guérisseuse, tandis que son frère avait débuté tardivement son compagnonnage. Même s'il n'était plus très loin de pouvoir travailler à son compte, il n'avait pas encore quitté le statut de compagnon, et si Marbrume avait grand besoin de guérisseurs, les vanniers avaient un peu plus de mal à vivre de leur travail...
Si elle mourrait demain, elle laisserait Primerose, dont la formation était loin d'être achevée à la charge d'Allister. Aucun des deux n'était prêt à s'assumer...

Toutefois, les solutions proposées par Martin lui permettrait peut-être de les mettre à l'abri si jamais quelque chose devait lui arriver...
Elle n'avait pas osé réclamer l'aide du Temple par elle-même. Non qu'elle s'en soit sentie indigne, mais elle n'avait simplement... pas osé. Aveline lui avait transmit très tôt la volonté de garder le contrôle de son existence et la honte de demander de l'aide. Aujourd'hui, en dépit de l'amour qu'elle gardait pour le souvenir de sa mère, elle commençait à réaliser que ce mode de vie appartenait au passé. Martin avait raison, l'avenir passerait par l'entraide et la collaboration.

Lorsqu'elle se remit en tête les propos du prêtre sur les enfants, elle grimaça sans s'en rendre compte.

- Je ne veux pas d'enfant. Pas dans le monde qui est le nôtre. Je sais que ça aurait pu être perçu comme un affront à un éventuel époux, ou que ça pourrait courroucer les Dieux, mais j'ai les moyens de m'en prémunir...


Elle jeta un regard vers son orgue de plantes avant de revenir à Martin.

- Vos propos sont sages, mais seront-ils entendus par la plupart de nos concitoyens? Beaucoup se rattachent au passé dans l'espoir d'un retour à ce qu'ils connaissaient... En ce qui me concerne, je partage votre avis. Mais je m'inquiète pour le reste de la population. Même si les hommes manquent...

Elle ferma les yeux un instant, songeant au nombre de nourrissons malingres qu'elle avait dû soigner lorsque c'était possible, et à tant d'autres qu'elle n"avait pu que soulager avant que leur brève existence ne prenne fin.Non, elle ne voulait pas d'enfant. Elle ne voulait pas mettre au monde un petit être fragile qui risquait de mourir en lui brisant le cœur, ou de ne pas lui survivre si elle disparaissait. Pour ne pas céder à la mélancolie que lui inspirait cette image, elle se raccrocha au reste du discours de son ami.
L'esprit d'entraide. Un concept qu'elle parvenait à comprendre. Elle n'était toutefois assez proche de personne pour avoir pu établir un tel lien de confiance avec quiconque jusqu'ici. Mais à travers le Temple, peut-être...
Une des propositions de Martin lui revint, et elle secoua la tête avec un sourire contrit

- Je ne suis pas très douée pour rassembler vous savez. Je ne sais pas si je saurais trouver les bons mots, la bonne manière d'inciter des femmes seules avec des enfants à charge à se regrouper pour œuvrer ensemble. Souvent, elles sont nombreuses à avoir des meurtrissures que mes plantes ne peuvent soulager... Et je suis celle qui aurait pu se débarrasser d'un encombrant fiancé, ne l'oubliez pas...


Violette n'avait pas l'âme d'une meneuse et elle le savait. Son tempérament discret et silencieux la poussait à ne montrer son plein potentiel d'action que dans un cercle relativement restreint. Elle eut un sourire sans joie, mais releva la tête avec un semblant d'espoir.

- Toutefois, je veux bien essayer. Je ne peux garantir le résultat, mais je serai indigne de l'amour de Serus si je ne menais pas mon devoir de soigneuse jusqu'au bout.

Il fallait juste qu'elle trouve comment gagner leur confiance. Ce ne serait pas une moindre tâche, mais l'enjeu en valait la peine. Et même si elle trouvait une certaine satisfaction à la perspective de venir en aide à d'autres femmes dans sa situation, un petit détail la motivait plus encore que le reste: si cette idée de confrérie voyait le jour, ses frères et sœurs ne seraient jamais seuls. Ce fut cette pensée qui la décida.

- Je ferai tout mon possible. Merci Martin.

Elle réalisa qu'elle ne tremblait plus. Le choc de la veille l'habitait encore, mais à présent, elle trouvait en elle un second souffle pour le surmonter. Elle avait un but. Grâce à lui.
Et le sourire qu'elle lui adressa était encore plus chargé de gratitude que ses mots.

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MessageSujet: Re: Pour le prix de quelques herbes sauvages [Martin Lapierre]   Pour le prix de quelques herbes sauvages [Martin Lapierre] - Page 4 EmptyDim 18 Fév 2018 - 16:42
Martin n’avait rien d’un bâtisseur. Il n’en avait ni les connaissances théoriques ni la moindre expérience pratique. Contrairement à la plupart des garçons, il ne s’était jamais amusé à bâtir des châteaux de sable sur les rivages de Marbrume, ou à empiler des galets pour ériger une mystérieuse tour porteuse de secrets.

À son modeste niveau, il aimait néanmoins construire des ponts. Ou plus exactement, jouer un rôle dans leur construction.

D’abord ceux qui relient les gens entre eux comme la trame soyeuse d’une toile d’araignée.
Rares sont les vrais solitaires, ces personnes qui se suffisent à elles-mêmes et dont la compagnie des autres n’apporte rien, sinon de l’inconfort. Depuis la Fange, la plupart des survivants et réfugiés souffraient au contraire du manque d’autrui, de l’absence irrémédiable de personnes aimées. Tels des fils déstructurés que porte le vent, il était utile de les attraper, de les rassembler, de les tisser en un motif harmonieux pour reprendre le cours d’une vie brisée.

Ensuite, les ouvrages qui permettent de franchir les obstacles qu’un individu seul ne saurait franchir.
En dépit de sa beauté et sa douceur, une pièce de soie restait fragile. À l’opposé, Martin avait toujours gardé en tête cette image du roseau fragile qui devient remarquablement solide une fois agglutiné, permettant la construction d’une multitude d’objets élégants et utiles au quotidien. Ensemble, les hommes et les femmes étaient eux aussi beaucoup plus résilients et capables de surmonter les pires épreuves, d’accomplir de grands exploits. Mais bien souvent, cela exigeait l’intervention d’un artisan – ou d’une main divine – pour les regrouper de façon opportune, car les roseaux poussent côte à côte sans oser se toucher.

Enfin, il y avait ces projets plus audacieux qui ouvrent à de nouveaux horizons comme autant de jalons.
Si les dieux donnaient aux prophètes un mince aperçu de l’avenir, soufflaient aux génies créatifs l’ébauche d’une œuvre à accomplir, il fallait toujours une armée d’intermédiaires et de besogneux pour concrétiser ces visions d’avant-garde. Telles les murailles d’une fortification, chaque avancée se concluait par une phase de consolidation plus ou moins longue. Ces barrières du conformisme étaient nécessaires pour assurer la pérennité du progrès, mais les idées nouvelles s’y brisaient dans leur élan. C’est pourquoi il était nécessaire d’établir une échelle de compétences dont chaque barreau avait son rôle à jouer, suffisamment haute pour dépasser l’existant et marcher vers l’inconnu qui se trouve au-delà.

Avec Violette Levannier, le prêtre avait l’impression d’ébaucher plusieurs de ces ponts. Une personne aussi respectable méritait d’être respectée, et même d’inspirer les autres. Pas d’être odieusement agressée en rentrant chez elle ou d’être inquiétée pour ses choix de vie. Établir des liens fructueux avec le temple, les autres commerçants, le voisinage et les familles sans père lui permettrait non seulement de vivre plus sereinement, mais aussi d’apporter des changements positifs chez beaucoup d’autres habitants de Marbrume.

- Je ne suis ni un prophète ni un génie. J’ignore donc autant que vous comment les gens vont réagir ou si un tel projet peut se concrétiser. En revanche, j’ai l’intime conviction que les dieux ont insufflé une parcelle d’audace et de courage en tout individu. Les malheurs que nous traversons actuellement ont pour effet d’exacerber ces qualités, ou au contraire de les recouvrir d’un voile d’amertume. Parfois les deux états se succèdent. L’humain a toujours été le théâtre d’une lutte intérieure que les événements extérieurs stimulent.
Peu importe que vous possédiez ou non les qualités nécessaires pour diriger un mouvement. Vous serez victorieuse par le simple fait d’essayer. Et si l’heure de mettre en œuvre cette idée est venue, alors des liens s’établiront et d’autres que vous viendront apporter ou renforcer les compétences qui vous font défaut. Même si vous échouez, l’idée sera peut-être reprise et concrétisée ultérieurement, comme une graine attendant les conditions propices pour germer. J’ai la naïveté de penser qu’aucune bonne action n’est perdue à jamais.
Vous savez, les épopées héroïques d’individus exceptionnels forment de belles histoires, mais dans le monde réel, c’est le travail de milliers d’anonymes qui forme le socle de notre société et qui bâtira les édifices de l’avenir. On se souvient peut-être du premier seigneur de Marbrume, mais ce qui reste de l’humanité est le travail d’innombrables petites mains qui ont construit ses habitations, élevé son temple et ses murailles, défendu son territoire face aux hordes d’agresseurs et cultivé son sol pour nourrir ses habitants.


Et peut-être que demain, tous les ponts s’écrouleront et les survivants mourront dans leur isolement.
Une dernière pensée que Martin se garda d’exprimer.
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