[Terminé] Et toi, où tu vis ? La ferme ! (PV Mathilde et Serena)

Serena s'était fermée durant le repas. Mathilde aurait aimé mettre cela sur le compte de la fatigue, mais il y avait autre chose. Elle écouta Clovis, non sans relever les manières presque nobles de la milicienne tandis qu'elles mangeaient. Mathilde, étrangement, essaya de se calquer sur son invitée. Clovis, lui, parlait tellement qu'il n'avait même pas commencé son assiette.

- Natik et Kador. C'est joli! Elles ont un dressage spécial?

Ainsi Natik s'en irait peut-être chez Lance. Elle serait immanquablement amenée à la revoir. L'espace d'un instant,elle jalousa son ami. Il serait en sécurité avec un chien pour l'avertir du danger, en plus d'un compagnon avec lequel passer ses journées. Les poules, la chèvre, c'était bien mignon, mais ça ne lui offrait aucun sentiment de sécurité, en dehors de l'aspect alimentaire. Sa grosse jument, quant à elle, hennissait même sur les mouches.

- Je trouve que c'est un magnifique don que tu as! Comment on fait pour être un bon maître? Ça doit être difficile de changer les mauvaises manières des maîtres, hein? Je pose trop de questions?

Mathilde rougit légèrement. Elle ne voulait pas être trop envahissante, mais elle avait rarement l'occasion d'accueillir à sa table deux miliciens de bonne compagnie. Ah. Un. Serena se leva pour aller prendre l'air. C'était une chose que Mathilde faisait souvent, surtout quand quelque chose ne tournait pas rond. La fière milicienne avait décidément une attitude étrange, mais Mathilde ne se permettrait pas de lui en faire la remarque.

- Les humains sont parfois difficiles à comprendre, t'as raison.

Elle acheva son repas et se lécha machinalement les doigts. Seule, elle se fichait un peu des bonnes manières.

- Dis, elle a pas peur, ta collègue? Parce qu'il fait nuit, et je voudrais pas qu'il lui arrive quelque chose... dit-elle en se levant. Le temps s'était écoulé, et Serena n'était pas revenue. Inquiète, Mathilde se dirigea vers la porte et empoigna son arc au passage, ainsi qu'une flèche dans le carquois suspendu à côté de la porte. Elle encocha la flèche et ensuite seulement elle ouvrit la porte et chercha Serena du regard.

- Eh oh? Ça va dehors? Je veux pas être impolie mais faudrait pas trop traîner quand même,y a des trucs qui rôdent la nuit.

C'est bin vrai qu'c'est bon. Pour la cuisine, la Dumas, elle se décarcasse et le Clo se fait pas prier pour finir son assiette. Il prendrait même du rab' si ça se faisait. Sauf qu'il a appris à se contenter de ce qu'on lui donne. Le rab', c'est pour ses chiens et ici, ils ont déjà mangé, alors...

- Pas d'dressage spécial. J'leur apprends des ordres simples comme Assis, attaque ou cherche, de r'connaître leur nom et de savoir quand qu'il peut jouer et quand qu'il peut pas. Parce qu'un chien, ça joue tout le temps, sauf pour défendre son maître. Sinon, même quand qu'il mord, c'est par jeu. L'reste, j'les laisse faire. Sont souvent plus malins qu'nous, t'sais ?

Puis viennent une série de question et Clovis répond avec un grand sourire.

- Ouep ! Trop d'question. Les mauvais maîtres sont po méchants, mais ils voient les chiens comme des humains, alors que c'sont des chiens. Alors j'les aide à comprendre. ET si comprennent po bah tant pis, ça s'ra l'chien l'maître. Avant, j'collais des baffes pour que ça rentre, mais paraît qu'c'est po bien. Pourtant ça marche avec les maîtres. Pour les chiens, faut juste qu'il comprend qui qui est le chef de meute, c'tout.

Ca a l'air simple, dit comme ça. Mais pour Clovis, ça l'est. La sortie de Serena ne l'inquiète pas, mais elle inquiète Mathilde.

- La chef, c'est elle la spécialiste du dehors, pour ça que qu'elle m'escorte. Alors, le dehors, elle connait, mais ptet pas vot' dehors. Si vous avez b'soin d'une lame, vous criez. J'veux pas m'faire engueuler parce que que j'l'ai ennuyée, hein !

Serena ne l’expliquait pas, mais malgré la nuit qui tombait et l’absence de barrière sécurisante, aucune peur aucune ne l’envahit. Est-ce de l’abus de confiance ? De la folie ? Peut-être, peut-être pas. Toujours est-il qu’elle avait une vision assez globale sur les horizons, contrairement aux marécages et qu’elle restait particulièrement attentive aux moindres bruits. L’air et l’atmosphère du Labret lui parurent mélancoliques. Tout semblait si calme, si paisible. L’odeur du foin et la brise froide, mais pourtant encore douce lui remémoraient de bons souvenirs d’enfance. Elle se sentait bien, si bien qu’elle aurait presque pu oublier la, les tragédies qui l’avait amené à être ici même.

La voix de la fermière la ramena à l’ordre également, la tirant définitivement de sa tranquillité. Lâchant, un bon soupire, la blonde finit par revenir contre son gré. S’affichant ainsi face à la veuve et sa flèche prête à partir, Serena arqua un sourcil.

« Les "trucs" rôdent de jours comme de nuits. »

Une évidence flagrante ? Oui, mais elle ne faisait que répondre à celle que venait d’énoncer la veuve. Sa patience un peu piquée à vif par sa contrariété, Serena dût se faire violence pour ne pas se montre plus froide et désagréable encore. Enfin, elle rentra à nouveau dans le foyer, passant aux côtés de la femme avant de poser ses yeux sur Clovis et de se radoucir.

« Tout est calme dehors, on devrait pouvoir se reposer convenablement et repartir de bonne heure.»

Informa-t-elle simplement avant de se retourner de nouveau vers la propriétaire des lieux. Elle la jaugea un instant avant de lui demander.

« Où accepteriez-vous qu’on passe la nuit ? »

Insciemment, son regard sur posa en direction de l’échelle qui amenait à l’étage, mais elle n’était pas sûre que la femme accepte de partager sa chambre avec eux. Sauf si elle possédait plus d’une chambre. Évidemment, ses instincts voulaient qu’ils se mettent en hauteur, mais elle ne voulait pas la forcer et attendit alors simplement de savoir ce qu’elle pourrait suggérer.

La chef, c'est elle la spécialiste du dehors, pour ça que qu'elle m'escorte.

Mathilde avait été surprise sur le coup, mais ça ne l'avait pas empêchée d'aller voir. Mauvaise idée, visiblement. La milicienne lui paraissait maintenant glaciale. Mais c'était quoi son problème? Elle venait de se faire offrir un bon repas, et allait passer la nuit au chaud et à l'abri contre un petit service rendu.

- La nuit, on voit pas les trucs arriver de loin.

C'était l'archère qui parlait. Mathilde savait que ses chances de survie, en cas d'attaque, étaient nulles si elle se faisait surprendre. Elle évitait la nuit comme la peste, en dépit de la beauté du silence et des étoiles, lorsque le ciel était dégagé. De jour, elle avait le temps de décocher une flèche pour ralentir l'adversaire, et se donner l'opportunité de se mettre en sécurité.

Si Mathilde avait beaucoup de sympathie pour Clovis, un gars tout simple avec un coeur gigantesque pour les animaux, et probablement beaucoup de maladresse avec les humains, elle avait plus de difficulté à cerner Serena. Elle était arrivée en milicienne, droite, fière et chaleureuse. Elle avait insisté pour travailler "comme un homme", avant de manger avec les manières d'une noble, pour finalement scruter les terres comme un paysan le ferait à la fin de sa journée. Elle lui semblait maintenant distante, comme si elle avait été insultée, mais par quoi? Mathilde ne saisissait pas, et était bien ennuyée.

- En haut, c'est plus sage. Les chiens peuvent monter, bien entendu. Il suffit de dérouler les paillasses. Je suis désolée, c'est pas le grand luxe, c'est juste un grand plancher, mais on n'était pas bien riches. Et puis on était nombreux.

Mathilde sourit en repensant aux soirs où, désespérée, sa mère abandonnait le combat et laissait les enfants se lancer des poupées de chiffon et des oreillers de plumes. Le grenier des enfants, un endroit dénué de meubles pour faire plus de place à la magie de la fratrie. Aucune séparation, aucune intimité, un confort très moyen, mais un endroit rempli d'histoire et d'amour.

- Faites comme chez vous. Ma paillasse, c'est celle qui est près de la cheminée. Elle est déjà dépliée.

... Mathilde espéra que Clovis ne le prendrait pas comme une invitation à s'y installer. Elle était frileuse, mais n'aurait jamais le courage de lui demander de choisir une autre paillasse.

- Vous savez, en mars, avec les semis, il y aura du travail pour dix aux champs. Si vous avez envie de vous planter les mains dans la terre en guettant les attaques potentielles, je refuserai aucune aide.

Pour la première fois de la journée, Mathilde s'accroupit et tendit la main vers Natik, qui semblait n'attendre qu'un signal pour réclamer des caresses. La fermière sourit à boule de poils, en se disant qu'un chien serait réellement une bonne idée. En plus d'être un compagnon du quotidien, il l'avertirait du danger et ferait la course aux corneilles. Elle accueillit la tête de Natik dans le creux de ses mains et glissa ses doigts sous sa gorge pour la flatter doucement.

- Plus maligne que nous, hm? C'est évident. Ça se voit que t'es brillante.

Clovis a fini son assiette et la remplit de viande séchée pour le cas où ses chiens auraient faim la nuit. Il remplit aussi les bols d'eau pour ses deux chiens pour la nuit et profite que la porte est ouverte pour permettre à ses deux chiens d'aller courir un peu et de faire leurs besoins, avant de les rappeler à l'intérieur, laissant les femmes discuter sans intervenir. Va falloir dormir en haut, ça ne le dérange nullement, mais quand elle lui dit que les chiens peuvent monter, il sourit.

- J'sais qu'j'suis un bon dresseur, mais j'leur ai pas appris à monter les échelles. Elles s'ront bin en bas, y'a l'eau et la bouffe puis la place d'un chien n'est pas dans un lit.

Le clo' peut faire comme chez lui et cela le ravit. Il monte, voit la paillasse de Mathilde et la lui laisse. Si que quelqu'un lui prend son lit à la Milice, le Clo' l'en sort en l'jetant au loin. Y'a po d'raison pour qu'la Mathilde elle abandonne son lit à elle. Bon, vu qu'il est prêt d'la ch'minée, le Clo' en conclut que c'est là où qu'il fait le plus chaud. Il défait une autre paillasse et la place de l'autre côté de la ch'minée, pour Serena et y ajoute une couverture. Son paillasse à lui, il la met dans un coin. Dormir trop près des madames, c'est des coups à avoir des problèmes et s'il peut choisir, il préfère éviter. Il se dévêt, plie ses vêtements, se glisse dans sa paillasse et se met en chien de fusil pour dormir. Il a bien l'intention de bien dormir. Pour l'heure, il a surtout fait du ch'vaux, ça tape un peu sur l'cul mais c'est po bien fatiguant. Mais demain, ils seront à Najac et là, va falloir bosser. Gérer une meute de chien, repérer les problèmes et les résoudre, ça lui prendra du temps et de l'énergie. Et si en prime les miliciens sur place sont chiants, car il y en a et qu'ils se connaissent pas, faudra bien toute sa concentration pour travailler et faire les bonnes recommandations.

- Bonne nuit !

Ah, les madames sont pas encore montées. Natik est contente de l'attention que l'humaine lui porte, même si elle voit pas en quoi elle doit être récompensée. Ptet parce qu'elle a bien fait pipi dehors ? Oh, qu'importe, c'est agréable, les papouilles. Kador n'est pas demandeuse, elle sent que son maître se repose tôt, signe que demain, ça sera agité, aussi s'allonge-t-elle face au feu et émet-elle un gros baîllement en jetant un oeil sur l'humaine, pour le cas où elle tenterait de faire du mal à sa fille. Mais son instinct lui dit que non. Déjà parce que Natik ne grogne pas.

Lançant un regard perplexe en direction de la veuve, Serena se demanda s’il était en train de la provoquer ou si c’était une sale habitude de la fermière de vouloir toujours avoir le dernier mot. Une dernière option s’offrait dans son esprit, celle de la bienveillante femme qui ne faisait que s’inquiéter et s’informer. Mais cette idée ne lui fit pas plus plaisir que les autres, car cela signifiait qu’elle la surestimait grandement au point où milicienne qu’elle était, n’était même pas capable de connaître le danger extérieur.

Naturellement, elle voulut lui lâcher quelques phrases désagréables, mais se ravisa bien vite se souvenant qu’elle était avant tout celle qui lui offrait un repas et un toit. Rapidement, Serena avait ramené son attention sur Clovis, essayant tant bien que mal à restreindre sa mauvaise humeur. Un peu plus sereine, elle avait osé se réadresser à la propriétaire des lieux pour lui demander l’endroit où ils pourraient tous deux dormir.

Un soulagement la traversa lorsque la femme accepta de les accueillir à l’étage. Là, ils pourront réellement essayer de se reposer sans crainte d’une mauvaise surprise. Un nouveau, mais léger, sourire se dessina alors sur les lèvres de la blonde, profondément reconnaissante malgré tout.

« Merci. »

Alors qu’elle s’apprêtait à suivre son collègue, Serena se stoppa à la dernière remarque, information que la fermière prononça. Sur le coup, la milicienne n’était pas sûre de savoir comment prendre la nouvelle. Essayait-elle de se rattraper ou simplement profiter de la situation ? Un peu méfiants, ses yeux détaillèrent longuement son hôte sans exprimer la moindre émotion.

« J’y penserai. »

Oui, elle y pensera. Est-ce qu’elle y viendra, rien n’était moins sûr. Elle-même restait encore un peu septique, mais se disait qu’une fois sa mauvaise humeur passée, elle se montrerait peut-être plus ouverte à cette proposition. Mais que la veuve se rassure, si Serena ne se montrait pas, elle en tira bien un mot à quelques collègues qui seraient heureux de prêter main forte.

Après cette conclusion énigmatique, Serena finit par rejoindre l’étage constatant ainsi que Clovis s’était déjà bien installé. Non sans lui adresser un sourire, Serena retira simplement son pantalon et son équipement avant de prendre place dans la paillasse.

« Merci, Clovis. Et bonne nuit. »

Encore assises, ses mains détachèrent soigneusement sa chevelure avant de vérifier qu’elle a facilement accès à ses lames. Là, elle avança ses jambes contre elle et attendit simplement que la veuve les rejoigne. Elle n’osait imaginer les sentiments de cette dernière en voyant deux étrangers prêts à dormir dans la mienne pièce.

« J’espère que note présence vous laissera tout de même trouver le sommeil. »

Mathilde rit en entendant la remarque de Clovis. En effet, un chien sur une échelle, c'était du jamais vu, mais elle aurait pu utiliser un draps pour les monter. Pendant que le milicien s'occupe des chiens, Mathilde débarrasse la table, met soigneusement de côté les restes du souper et fait une rapide vaisselle.

Clovis monte. A en juger par les bruits, il n'a pas choisi la paillasse de la fermière, qui en est bien heureuse. Le plancher craque, puis se fait silencieux. Il doit être couché. Tandis que Serena monte s'installer à son tour, Mathilde profite d'un instant de répit pour mêler quelques ingrédients dans un grand bol. Si elle en avait connu l'existence, Mathilde aurait sans doute comparé la milicienne à un iceberg. Elle nageait toujours dans l'incompréhension, et rendit les armes. Elle ne s'en ferait pas une alliée, finalement. Et elle ne valait peut-être pas mieux que les autres. Arrête de t'en faire, elle est probablement seulement fatiguée. Mouais.

Mathilde forme des boules de pâte, qu'elle aplatit avant de les déposer e soigneusement sur la pierre plate bordant le foyer. Quelques instants suffisent pour que les galettes d'avoine cuisent, fournissant un petit déjeuner acceptable pour demain. Elle a sacrifié le pain qu'elle avait pour la semaine, elle va devoir ruser pour combler le manque avec des noix et des galettes.

- J’espère que note présence vous laissera tout de même trouver le sommeil.
- Vous inquiétez pas pour ça. Famille nombreuse, m'endormir n'a jamais été un problème.

Mathilde ramasse les galettes et les dépose en hauteur, pour que les chiens ne les mange pas durant la nuit. Les chiens restent des chiens, hm. Elle se rince les mains, tresse rapidement ses cheveux, remet deux grosses bûches sur les braises, et s'assoit un instant par terre face aux flammes qui reprennent. Un instant de solitude, avant de monter pour se coucher à son tour, habillée, non sans avoir remonté l'échelle.

Il faudrait qu'elle dise à Lance d'arrêter de lui envoyer du monde.

Clovis s'est endormi avant que les deux femmes ne le rejoignent. C'est l'avantage quand on a la conscience tranquille, on dort bien. Et la conscience tranquille, Clovis l'a, pour une raison très simple : il ne se pose pas mille et une questions. Si par hasard il a un problème, il réfléchit à une solution et s'il a l'ébauche d'une, il a l'esprit en paix, même si sa solution c'est "En parler avec la chef". Il a déjà tapé trop fort et envoyé des collègues chez les soigneurs, fait des arrestations trop musclées, loupé des indices importants dans des enquêtes, mais comme à côté les boxs des ch'vaux étaient bien nettoyés, il avait quand même la satisfaction du travail bien fait. Les remords, ça ne le concerne pas. Et ici, il part en mission, il est toujours vivant et ça lui suffit. Savoir que demain il va devoir assurer ne l'inquiète pas, car demain, c'est loin.

L'inconvénient, quand on s'endort vite, c'est qu'on se réveille plus tôt que les autres, avant même le chant du coq. A la Caserne, il en profite pour prendre de l'avance sur son déjeûner ou faire une ou deux corvées, ou s'entraîner. Sauf qu'ici, il est en extérieur et que l'extérieur, ben on peut pas sortir. Alors, les ablutions matinales, non, les corvées, il peut pas, il est pas chez lui et courir s'entraîner non plus. Il s'habille en silence et repère la trappe qui mène au rez-de-chaussée une fois ses yeux habitués à l'obscurité et saute en bas dans un bond relativement silencieux vu son gabarit. Il remet une bûche dans l'âtre presqu'éteint, pour que ces dames aient chaud. Peut-être qu'il pouvait pas, mais ses chiens apprécient aussi la chaleur. Au pire, il ira en fendre une ou en ramènera une.

Bon, les chiens dorment encore, alors Clovis fait des exercices : pompes, abdos surtout. Faut bien se maintenir en forme, les muscles, ça s'entretient et c'est son gagne-pain après tout. Sortir la nuit, il peut po, mais au ptit matin, il peut, et le ptit matin, c'est quand que l'coq il chante. Alors il sort, aussi histoire de faire taire le volatile histoire que les madames elles dorment et en profite pour laisser sortir ses chiens et il se dirige vers l'écurie, pour s'occuper d'apprêter les chevaux et donner aussi à manger à c'lui d'm'dame Mathilde. Il se lave ensuite, rempli l'abreuvoir et retourne dans la maison, prêt pour partir en mission. L'a bien vu les galettes qui ont l'air bin bonnes, mais au pire, ils mangeront à Najac, de toute façon.

« Je vois. Merci encore et bonne nuit dans ce cas. »

Fit-elle simplement avant de s’allonger dans paillasse. Malheureusement, elle n’avait pas l’aisance de Clovis. S’endormir, n’était jamais chose aisée pour la milicienne encore moins quand elle se trouvait en présence d’inconnu ou d’inconnue. Pour autant, elle se laissait bercer par l’ambiance familiale et chaleureuse de la maison modeste. Modeste, peut-être, mais tellement plus agréable que les manoirs qu’elle avait pour habitude de côtoyer.

Perdue dans ses pensées, Serena fixait le plafond. Elle se remémorait sa journée, son passé, ses rencontres, ses tragédies, puis sa mission. Se focaliser sur sa mission, son travail lui permettait d’oublier, un peu. Finalement, quelques heures plus tard, l’épuisement l’emporta.

La nuit ne fut pas aussi bonne et reposante qu’espérée. Agitée, la blonde combattante se réveilla régulièrement et facilement. Malheureusement, il n’était pas aussi facile regagner le sommeil. Ce n’était pas chose surprenante, Serena souffrait régulièrement de trouble du sommeil depuis… Depuis tout cela. Pourtant, le lendemain matin, lorsqu’elle rouvrit les yeux, Clovis était le premier à s’être levé.

Sans attendre et parfaitement réveiller, la milicienne se rhabilla en silence avant de regagner le rez à son tour. De là, elle salua d’un sourire amical son collègue avant de l’observer faire toutes les corvées.

« En forme à ce que je vois ! »

Dit-elle plutôt contente avant d’aller l’aider à préparer sa jument et rassembler ses affaires. Oh, elle ne comptait pas partir comme une voleuse, non, mais il était hors de question qu’elle laisse absolument tout faire, ce n’était pas son domestique après tout.

Chose, faîtes, prêts à partir, Serena retourna à l’intérieur pour présenter ses respects vers la veuve dont elle osait trop se faire opinion.

« Bonjour, Madame. J’espère que la nuit n’a pas été trop courte. Nous n’allons pas vous déranger plus longtemps, alors si vous le voulez bien, nous allons reprendre la route. Merci encore pour votre hospitalité et je l’espère à bientôt. »

Ou peut-être pas. Serena ne savait pas vraiment quoi penser. Dans tous les cas, elle lui était tout de même bien reconnaissante pour son aide cette nuit et lui adressait donc un sourire plus sincère que la vieille, bien qu’un peu distant.

La dernière debout. Non mais franchement, de quoi avait-elle l'air, l'hôtesse qui ne savait même pas accueillir ses invités dès le lever du soleil avec une table prête et... Assise dans son lit, Mathilde leva les yeux au ciel. Pas de déjeuner. Quelques noix tout au plus, et une petite galette pour tenir aussi loin que possible dans la journée.

Elle avait veillé tard, tenue éveillée par ses réflexions et ses angoisses. Comment allait-elle s'en sortir, cette année, seule sur la ferme? Enfin seule... avec un aide, de temps en temps, qui viendrait en redoutant, à chaque trajet, de tomber sur un fangeux. Préparer la terre, les planches de culture, semer, arroser, surveiller les moindres traces de maladie des jeunes pousses, biner, bêcher, ratisser, couper, récolter, planifier. La lune était probablement haute dans le ciel lorsqu'elle avait fini par s'endormir. Elle n'avait pas entendu Clovis se lever, mais la porte que l'on ouvre eut le mérite de la sortir de son sommeil profond. Puis des bruits de pas la persuadèrent d'ouvrir un oeil, puis l'autre. Les deux paillasses étaient vides, repliées.

L'avantage, quand on s'endort habillée, c'est qu'on est plus vite prête le lendemain. Mathilde sortit de sa paillasse et descendit rapidement l'échelle. Elle défroissa rapidement sa robe de quelques gestes pressés, défit sa tresse pour rassembler ses cheveux en un chignon presque ordonné et passa ses mains sur son visage pour se donner l'impression d'être très bien réveillée. Elle mit un châle sur ses épaules et sorti. L'air frais acheva de la réveiller.

Elle entendit du bruit du côté de l'écurie et préféra ne pas s'y rendre, pour ne pas déranger. Elle fit le tour de la maison pour en ouvrir les volets, puis rentra et rassembla les galettes préparées la veille. Deux pour chacun des miliciens, le reste pour elle. Elle grignota une miette et sentit sa bouche immédiatement envahie par la salive. Serena entra à cet instant.

- Bonjour! Je me croyais matinale, j'avais tort. Si vous êtes sur le départ, prenez ces galettes pour le voyage. Vous avez encore de la route à faire, et je m'en voudrais de vous laisser la faire en étant affamés.

Elle lui présenta deux petits paquets soigneusement emballés dans de vieux morceaux d'un tissu propre mais usé.

- Et désolée si je vous ai froissée hier. C'était pas volontaire. J'étais contente d'avoir de la visite, Clovis est de bonne compagnie et vous rencontrer m'a fait réaliser qu'une femme peut passer outre la tradition patriarcale et devenir aussi bonne qu'un homme. P'tre même être meilleure que lui. Vous avez tout mon respect.

Mathilde rougit légèrement, soudainement mal à l'aise. Elle s'était livrée, peut-être un peu trop. Elle fourra les paquets dans les mains de Serena, lui sourit et se retourna pour réveiller la braise dans l'âtre.

Elle sortit après Serena pour aller saluer le grand Clovis et ses chiens. Elle s'accroupit pour gratouiller la gorge de Natik. C'est qu'elle y prenait goût.

- Salut Natik. J'espère te revoir bientôt ma toute belle! Lance serait un super maître, je suis sure.

Elle se redressa pour saluer le grand gaillard.

- Au revoir Clovis. Je sais pas si je pourrais faire une bonne maîtresse, mais si un jour tu as un chien à confier et que tu penses que je peux être une bonne maîtresse, bah viens me voir. Et apprends-moi!

Clovis est ravi de voir la chef réveillée relativement rapidement aussi et il ne maugrée pas quand elle l'aide. C'est pas son boulot, son boulot à elle est de le conduire lui, intact, à Najac, mais il ne se voit pas dire à celle qu'il voit comme sa chef de le laisser faire tout seul. L'arrivée de la veuve alors qu'ils allaient partir le met en joie.

- C'est trop bien le Labret. Les gens, ils y sont gentils, personne il veut se battre cont' moi et en plus on mange tout le temps. J'sais po si tout le monde il est comme to, m'dame, mais bon sang, soit vous êtes vraimetn super gentille, soit tout le Labret il sait qu'vous avez b'soin d'un dresseur. Mais ça m'donne vraiment envie d'réussir ma mission, si c'est qu'ça peut vous aider vous !

Bon apparemment, y'a eu un souci la nuit, la veuve elle aurait froissé la Serena, mais il a beau y r'garder, il voit pas où l'uniforme de sa chef il serait abimé ou même froissé. Pour le reste, il a décroché à "tradition patriarcale", qui ressemble quand même à un gros mot, même si qu'il le comprend po. Mais comme que ça s'termine avec "tout mon respect", c'est qu'elles ont fait la paix, alors ça lui va bien.

La femme salue ensuite Natik, qui se laisse faire sans que Clovis maugrée, puis elle le salue lui et lui fait une demande.

- La main, c'est pour caresser, pas pour frapper. Les chiens pas dressés, il le sait pas. Alors faites po ça à un chien sans son maître, il pourrait vous bouffer la main.. Pis un chien, c'est un nanimal, pas un humain. Quand qu'on lui fait une caresse, c'est pour le récompenser. Et Natik, elle a rien fait pour être récompensée. Alors elle aime bien mais elle comprend po. Vaut mieux faire des trucs qu'elle comprend pour en faire son amie. Sinon, avec son tempérament, elle voudra deviendre le chef et ça s'ra bin compliqué. Tout doit être à sa place avec les chiens. Voilà pour la première l'çon, m'dame.

Clovis monte sur sa monture et s'adresse à Serena.

- Ca prend du temps d'observer une meute et faut que j'fais vite pour éviter les problèmes nouveaux et résoudre ceux qui sont déjà là. J'espère que qu'c'est juste un problème de chien. Si c'est un problème avec leurs maîtres, ça risque d'être trop long et la coutilière, elle apprécierait pas que j'reste des s'maines.

Il se tourne pour saluer Mathilde d'un salut bien militaire et met son cheval en marche. Ses deux chiens se mettent en route automatiquement.

Les yeux posés sur les deux paquets à l’allure misérable, mais à la valeur inestimable, elle écouta les paroles de la veuve. Surprise, non pas par son geste, mais par ses paroles, elle releva son regard avant de retenir un ricanement, le sourire à nouveau sur ses lèvres. Évidemment, ce qu’elle lui confia la touchait énormément, plus qu’elle ne l’aurait cru.

« Vous n’avez rien à m’envier. » Fit-elle tout en jetant un dernier regard sur sa ferme. « Vous êtes une femme forte, pleine de ressources…et ce que vous accomplissez ici est remarquable. » Lui adressant un sourire un peu plus sincère et complice, Serena apposa alors doucement une main sur son épaule. « Ne laissez jamais personne vous dire le contraire. »

Contente de pouvoir partir le cœur plus léger, elle espérait pouvoir converser davantage avec cette dernière une prochaine fois. Enfin, après avoir soigneusement rangé les galettes, elle grimpa sur sa monture laissant ainsi Clovis faire également ses adieux.

« Portez-vous bien, Ma’am Dumbas. Que les Trois veillent sur vous et vos récoltes en espérant vous revoir bientôt dans de meilleures circonstances. »

Un clin d’œil amical, puis la milicienne se remit en route en direction de leur destination finale : Najac. En espérant que le problème pourra se régler sans trop de difficulté, mais là, ce sera à Clovis de jouer.

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