[Convocation]Création d'une guilde de mercenaire

8 février 1167 :

Comme mon entretien avec Elphège Lamora s’est bien passer, je passe maintenant à la seconde raison de ma présence dans les faubourgs de Marbrume, et celle-ci est beaucoup plus compliqué. Cela fait quelque temps que je n’ai plus de nouvelle de Victor et je dois penser à mon avenir et surtout trouver une nouvelle source de revenu.

Je ne vais pas bien sûr travailler comme le dernier des gueux, car comme on dit chez moi, chevalier un jour, chevalier toujours. J’ai déjà bien réfléchi à la question et il n’y a qu’une seule tâche qui me corresponde. À Usson, je me suis rendu compte que beaucoup de marchands sont obligé de voyager seul ou en très petit convoi. De plus, la milice ne peut escorter que les convois de nourriture et encore, parfois en sous-nombre, alors que les fangeux, les bandits, les bêtes sauvages et les bannis, peuvent être embusqué sous chaque caillou.

Le but de cette organisation sera de protéger les convois ou les personnes seules, en étant payé soit en monétaire, soit en nature par les marchands ou les simples voyageurs. Il faut que je tourne suffisamment bien la chose pour qu’ils ne pensent pas que je me fais une armée privée. Ça et l’autre partie, c’est de m’autoriser à moi, qui suis devenu banni de Marbrume, à monter mon petit commerce.

Bien sûr, je pourrais le créer dans mon coin, sans rien à demander à personne, mais un jour où l’autre, une de ses escortes va mal se passer. Je pense à des pillards qui attaquent un convoi sous ma protection, il y a des morts parmi les assaillants, on va forcément venir me voir et je ne veux pas être exclu définitivement de la civilisation. De plus, si je veux que mes futurs employés puissent entrer dans Marbrume armé, je dois faire partie d’une organisation officiellement reconnue par le gouvernement en place.

C’est pourquoi je dois faire parvenir un courrier au capitaine Eiden Langlois, après tout, c’est lui le responsable de l’organisation des miliciens dans la cité et on dit même qu’il a supervisé la reconquête du Labret. Je m’approche donc de la porte et vois le coutiller Charles Aubernar, chez qui avait été affecté le temps d’une mission avec Maralina de Bransat il y a quelques mois.

Je lui fait donc signe et il s’approche de moi, me saluant dans les formes, comme l’homme bien éduqué qu’il est. Je lui tends la lettre en lui annonçant :

Pouvez-vous transmettre cette missive au capitaine Eiden Langlois, ? J’attendrais ici la réponse le temps qu’il faudra, et nous serons ainsi quittes.

Oui, je pense qu’il a une dette envers moi, après tout, j’ai sauvé la jeune milicienne sous ses ordres en fonçant dans une maison entourée par quatre bannis. Je ne sais pas si mon argument à porté, mais il hoche la tête pour manifester son accord et je le vois repartir dans la cité, ma missive à la main. Il ne me reste plus qu’à attendre, même si c’est plusieurs jours, du matin au soir, devant la porte.

Contenu de la missive:

Belle journée de février que voilà. Ciel dégagé d’un bleu éclatant, température douce pour un jour hivernal, brise légère et plus fraîche que glaciale. Le capitaine Langlois, dans son bureau, est en train de parler avec les sergents de l’intérieur au sujet de l’organisation prochaine de l’encadrement de la fête des fleurs au sein de la cité lorsque quelqu’un vient taper à la porte. Et voilà que déjà la journée se voit entachée par cette intervention.

Un coutiller entre, le coutiller Aubernard, cet homme plutôt simple et efficace sur le terrain, mais qui a une certaine faiblesse face aux jolies femmes jusqu’à perdre tout moyen et à se montrer terriblement maladroit.

« Capitaine Langlois, commence-t-il en le saluant. Le che… enfin, Desmond de Rochemont souhaiterait s’entretenir avec vous. »

Il lui tend le parchemin qui n’est, finalement, pas d’une très grande utilité. Langlois hausse un sourcil en le prenant, le déroule pour lire les quelques phrases écrites qui confirment les dires de Charles Aubernard, hausse le deuxième sourcil, visiblement ennuyé en voyant la requête. Belle journée que c’était…

« Desmond de Rochemont… marmonne-t-il d’un air las. Cet oiseau de malheur ne nous laissera donc jamais tranquille ? »

Il passe sa main sur son visage un instant pour réfléchir.

« Le bougre choisit sacrément bien son moment, rajoute-t-il en rendant le parchemin au coutiller de l’externe. Ne peut-il donc pas se faire oublier cinq minutes ? Aubernard, faites le patienter le temps que je finisse la réunion. »

Avec un peu de chance, il s’en ira, lassé d’attendre, se dit Langlois. Mais voilà que lorsqu’il a fini avec ses hommes, le capitaine a la terrible désillusion de voir l’ancien chevalier toujours présent à la porte des Anges. Décidément, non, il n’avait vraiment rien de mieux à faire que de venir lui faire perdre son temps. Que d’étonnant au fond de la part de quelqu’un qui vient de perdre son titre ? Eh bien… il pourrait essayer d’aller accomplir quelques hauts faits pour redorer un peu son image, voilà qui ne serait point de trop !

Langlois passe une main dans sa barbe un instant, pensif, avant d’aller enfin à la rencontre du géant au titre destitué.

« Desmond de Rochemont… commence-t-il d’un ton empreint de sévérité. Je me plairais bien volontiers à croire que vous êtes quelqu’un de réfléchi, mais je dois vous avouer que parfois le doute m’assaille. »

C’est que notre capitaine de l’interne a bien mieux à faire que de gérer un homme qui ne sait pas se tenir tranquille et qui cherche tout le temps à aller au devant des ennuis. Terminer de préparer la sécurité pour l’événement qui se profile dans un peu moins de deux lunes à présent, par exemple, ce qui n’est tout de même pas rien lorsque l’on se souvient de l’attentat auquel a dû faire face la capitale lors du couronnement.

Et ça, Langlois ne veut plus ne plus avoir à le revivre, tout brave et audacieux qu’il puisse être, malgré la renommée que cela a pu lui apporter.

« Je n’ai que peu de temps à vous consacrer, alors nous allons aller à l’essentiel si vous le voulez bien. »

Le capitaine marque une pause avant de reprendre, espérant que l’homme en face de lui comprendra vite et bien le message :

« Ne croyez vous pas avoir mieux à faire après votre sanction que de venir nous demander une faveur ? Le Labret représente de nombreuses opportunités à qui se porte volontaire pour prêter main forte et vous feriez mieux de vous faire oublier quelques temps d’ici que vous arriviez à faire remonter quelque peu votre réputation. »

Pour sûr, la sanction du bailli d’Orsay est encore fraîche et Eiden Langlois n’a pas réellement envie de se trouver mêlé de près ou de loin au dit félon qui en a écopé tant que ce dernier n’aura pas trouvé le moyen de se départir de cette affaire qui a fait grand bruit.

« Vous pourriez aider la population locale en lui apportant votre protection, les Trois savent combien nous manquons d'effectifs là-bas et combien la fange y est présente, alors je vous encourage à tenter votre chance dans cette voie. »

Si le capitaine n’est pas foncièrement convaincu qu’il a à faire à un homme déloyal envers la couronne, il reste toutefois délicat de traiter avec celui qui a été exilé de la citée à cause d’éléments préoccupants contre lui, surtout venant de la part de l’un de ses supérieurs et ce, même si cela a été plus que douteux. Langlois se retrouve donc dans une posture délicate avec cette requête, et malgré toute la bonne volonté dont il pourrait faire preuve, il aimerait bien ne rien avoir à faire avec ce Desmond de Rochemont qui n’est autrement perçu de la milice que comme celui qui attire la malchance.

Non, Langlois ne risquera jamais de remettre en cause l’autorité visant à préserver celui qui l’a formé et qui a fait de lui le capitaine qu’il est devenu à ce jour.

Je vois arriver le capitaine, il a toujours avec une certaine prestance, on pourrait même le prendre pour un noble, même si je n’ignore pas qu’il est né parmi les gens du peuple. En tout cas il ne semble pas particulièrement heureux de me voir, mais il est prêt à m’écouter et c’est tout ce que je veux. Je hoche d’ailleurs la tête quand il m’indique de réaliser quelques exploits et je lui dis calmement, essayant de convaincre mon interlocuteur :

Je suis d’accord avec vous, j’ai déjà tué quelques bandits, sauvés des fermiers, mais comme vous le savez déjà, le Labret est grand et je ne peux être partout, c’est la raison de ma visite ici, aujourd’hui.

Je m’arrête une seconde pour bien ordonner mes pensées, puis je continue :

Je ne vais pas vous faire perdre votre temps, comme l’indique ma missive, je sollicite votre autorisation pour ouvrir une guilde de mercenaire. Le but n’est pas de remplacer la milice mais assurer la sécurité des convois non essentiels sur les chemins. Ce seront les marchands qui nous payeront pour leurs propres protections et nous rendront ainsi les routes plus sûres.

Je continu, toujours concentré:

Tout ce que j’ai besoin de votre part, c’est une simple lettre de votre part indiquant que vous me permettrez d’ouvrir une guilde, j’ai déjà trouvé un nom, il s’agit des Boucliers de Marbrume. Une fois ce document en ma possession, je retournerai à Usson et vous ne me verrez plus dans les faubourgs de la capitale.

Voilà, j’ai avancé tous mes arguments, je n’ai pas osé essayer de le corrompre, car je n’ai jamais entendu d’histoire de corruption sur sa personne. Les intimidations ne vont pas fonctionner car je n’ai plus aucun pouvoir ici, il ne reste donc que la persuasion à ma disposition. J’espère que le nom lui plaira, j’ai essayé de trouver un nom simple qui ne fasse pas peur au pouvoir royal et qui rassure les éventuels clients.

J’ai quand même bon espoir que ma requête soit acceptée, ce ne sera pas la première guilde de mercenaire à être créer au Labret et je sais qu’il existe aussi beaucoup d’indépendant là-bas. Tout ce que j’ai à faire, c’est de les recruter, accompagner moi-même les convois les plus importants et prier les Dieux que les fangeux nous laissent tranquilles. Si cela marche d’ailleurs, il faudra que j’aille au temple d’Usson pour faire une belle offrande, car ce sera le signe que les Trois sont vraiment avec moi.

Langlois fixe de son regard sévère et perçant le chevalier déchu lorsque ce dernier lui parle d’avoir tué des bandits et sauvé des fermiers. Il aurait pu se contenter de ça, mais il en rajoute pourtant une couche en disant qu’il ne lui fera pas perdre son temps. Joue-t-il aux sots ou l’est-il réellement ?

Le capitaine aimerait croire que le géant devant lui le fait exprès, mais malheureusement, tout porte à croire le contraire. Et ses yeux d’un brun châtaigne se plissent durement devant celui qui semble avoir décidé de lui faire perdre son précieux temps.

« Je pense que vous n’avez pas compris ce que je viens de vous dire, lui répond posément Eiden Langlois, faisant preuve d’une grande patience. Je vous demande de vous faire oublier, pas de continuer d’attirer l’attention sur vous en assassinant des gens pour jouer les justiciers. »

Et quel justicier, parlons-en ! Notre brave Langlois aimerait vite en finir avec celui qui est venu lui présenter sa requête.

« Quant à me faire perdre mon temps, c’est déjà le cas. Alors je vais reformuler ma réponse afin qu’elle soit plus claire : je ne peux pas me permettre de signer une telle autorisation, ni aucune autre autorisation de ce genre. D’ailleurs, j’aimerais n’avoir à vous signer aucune autorisation de quelque genre que ce soit, et dans une plus large mesure, j’aimerais que vous vous teniez à l’écart de la capitale désormais, Desmond de Rochemont. »

Peut-être va-t-il le comprendre à présent, mais dans le doute, notre capitaine préfère être encore plus explicite, afin que celui-ci comprenne définitivement et le laisse retourner à ses affaires de bien plus haute importance :

« Vous avez été banni de la capitale et cela inclut que vous ne vous en approchez plus. Et si je suis assez tolérant pour vous laisser repartir, d’autres miliciens pourraient bien être tentés de vous arrêter pour suspicion de tentative criminelle et vous envoyer au gibet. Vous êtes accusé d’avoir cherché à porter atteinte à la couronne, ne l’oubliez pas, et vous n’êtes plus protégé par votre titre. Votre présence, même seulement aux alentours de la cité, n’est pas la bienvenue et amène de nombreuses inquiétudes. »

Si le géant aux multiples surnoms ne veut pas tenir compte de l’avertissement avisé de l’héroïque capitaine, ce n’est qu’à ses risques et péril qu’il peut tenter de rôder autour de Marbrume. Pour sûr, la muraille de Rougelac se heurtera pendant encore un peu de temps à celle de Marbrume.

« Je vous souhaite de trouver un projet à la hauteur de vos espérances et si vous tenez réellement à vivre de mercenariat, sachez qu’il ne tient qu’à vous de vous débrouiller par vous même pour réaliser cela. Mais si vous vous attirez encore des ennuis, je ne pourrais nullement en être tenu pour responsable car je ne vous donnerai pas mon aval. Maintenant si vous n’avez plus rien à me dire, je vous demanderai de circuler. »

Et c’est ainsi que Langlois met fin à la discussion, espérant pouvoir retourner au plus vite à ses tâches militaires.

[Convocation]Création d'une guilde de mercenaire Ei5i

Les deux hommes n’étaient qu’à quelque pas de la porte lorsque le cheval la franchit. Il était haut au garrot, même pour un étalon des plaines, et ses jambes musculeuses indiquaient sans peine l’endurance sans doute extraordinaire de cette monture. Son poil noir n’était éclairci qu’à de rares endroits par des cicatrices blanchâtres indiquant sans peine son passif difficile.
Si un connaisseur aurait sans doute pu dire que la bête était âgée, et surement dans la seconde partie de sa vie, pour le chaland qui le contournait à cet instant, il était sans aucun doute le cheval de guerre le plus impressionnant qu’il est pu voir.
Il en éclipsait d’ailleurs partiellement son cavalier qui pourtant d’une carrure honorable et le visage couturé de vielles cicatrices aussi, semblait minuscule sur l’animal.

Equipez d’une armure complète d’un acier de bonne qualité, mais penser pour l’efficacité plus que la prestance, elle était en grande partie recouverte d’une cape verte de milicien. L’homme observa un moment la discussion non loin. Son cheval trépignant sous lui. Il était curieux de la tournure des choses, mais douté en réalité très peu de leur finalité.
Eiden était un capitaine de qualité, et sans aucun doute l’un des meilleurs atouts du royaume, mais c’était un homme droit et dont la flexibilité morale était, au mieux, tout juste envisageable. Rochemont n’avait strictement aucune chance selon lui d’obtenir son soutien. Pas avec les événements récents.

Le message lui était remonté rapidement, comme il l’avait espéré en surveillant les actes du colosse suite à son bannissement. Malgré tout il avait craint d’arriver trop tard si Langlois se montrait trop expéditif. Et voilà qu’il se retrouver à poirauter comme un brave petit soldat. A quand remonter la dernière fois que c’était lui qui avait dû attendre qu’on soit prêt à le recevoir ?
L’époque des campagnes et des ordres lui manquait. Il éperonna sa monture à l’instant où le capitaine se mit à tourner les talons. Visiblement il en avait fini.

En arrivant à son niveau leur regards se croisèrent et Langlois afficha sa surprise sans la masquer un tant soit peu. Un type honnête. Ça en manquait par les temps actuels. Il s’apprêta à prendre la parole mais fut coupé aussitôt par le cavalier.

-Je ne suis pas là capitaine, et vous avez surement d’autres tâche à remplir que de trainer devant la muraille. dit-il de sa voix profonde.

Un instant de silence puis Eiden hocha la tête et reprit sa route sans plus lui accorder d’attention. Pas plus qu’à l’ancien chevalier. Il le regarda s’éloigner avant de reporter son regard sur le colosse. Après une bien longue seconde il reprit la parole.

-Je suis Morn de Sarssel et j’ai un marché pour toi, Desmond de Rochemont. Intéressé ?

Déçu, je suis même très déçu devant les paroles du capitaine Langlois. Je pensais pourtant que j’avais en face de moi une personne intelligente et courageuse, mais tout ce qu’il me demande, c’est de ne pas faire de vague. Sécuriser le Labret, avoir une force de plus pour maintenir l’ordre, développer le commerce, tout s’efface devant un seul impératif me faire partir le plus rapidement possible.

Je suis surpris par cette attitude, j’ai l’impression de le gêner considérablement, malgré mes nombreuses victoires contre les cultistes. Il m’intimide même, comme quoi je pourrais être arrêté, car je suis trop près des murailles, ma simple présence est une nuisance pour lui. Je commence sérieusement à me demander si je n’ai pas devant moi un cultiste ou du moins un sympathisant de ces fous.

En plus, je ne comprends pas comment je peux réaliser des exploits si je dois faire profil bas. Mais de toute façon, cela ne sert à rien d’essayer de convaincre mon interlocuteur, il n’a qu’une seule idée en tête, revenir le plus rapidement à Marbrume, la gestion de l’extérieur ne l’intéresse pas, ni la sécurité de ses habitants.
Je me demande si j’étais comme cela avant, ne m’intéressant qu’à ma personne sans avoir une vue d’ensemble et je suppose que la réponse est oui. Mais j’ai changé rapidement, contrairement à d’autres, qui ne pense qu’à conserver leurs pouvoirs sans construire quelque chose de durable et qui puisse faire progresser l’humanité. Donc lorsqu’il me demande de m’en aller, je lui réponds respectueusement :

J’ai bien compris, je quitte les lieux de ce pas et ne reviendrais pas vous solliciter.

Ça, c’est sûr, je préfère que l’on m’arrache toutes les dents plutôt que lui demander à nouveau son aide. Et alors que j’allais repartir vers l’auberge où se trouve ma monture, je vois arriver un homme dont le visage me semble familier sur un imposant étalon. Il est bien équipé pour un milicien et je comprends vite pourquoi quand il annonce son nom, Morn de Sarssel, le très fameux Boucher d’Arence ! Une véritable légende vivante ce type !
Autrefois général, il a pris une décision de génie et c’est sans doute lui qui a permis à Marbrume de survivre en empêchant une horde de se former à partir de la cité d’Arence. C’était vraiment une époque héroïque, mais aussi de grands sacrifices, les soldats tombants comme des mouches. Il congédie plutôt rudement le capitaine et m’indique qu’il a un marché pour moi !

Malgré ma haute taille, je suis obligé de lever la tête, vu qu’il est sur son immense monture, mais je reste courtois, car il s’agit d’une opportunité à ne pas rater. J’ai devant moi un proche du Roi, doté d’une grande marge de manœuvre et qui en plus est membre du conseil, alors je lui souris et je lui réponds d’une voix calme :

Bien sûr, je suis très intéressé par tout ce que vous pourrez me dire.

Après tout, à part mon âme, je n’ai plus rien à perdre.

Le maître des lames hoche la tête sans surprise, comme si une autre réponse à sa proposition n’était pas envisageable selon lui. Il saute à bat de sa monture et le rapport de taille change du tout au tout. Pourtant le militaire n’est pas un petit homme, mais face au colosse, tout ce qui ne ressemble pas plus ou moins à un gros rocher doit sembler petit.

Si cette carrure impressionne ou intimide le balafré, il n’en montre rien. D’un léger mouvement de tête il indique l’une des nombreuses bâtisses abandonnées des faubourgs. Une ancienne porcherie si ses souvenirs sont juste, une histoire de sorcière qui leur aurait jeté un sort. Les deux fils étant mort attaqué par un fangeux, les parents avaient périclité jusqu’à perdre le peu qu’ils possédaient. Morn n’avait aucune idée de ce qui avait pu advenir d’eux, ni de la sorcière. Comme s’appelait-elle déjà ? Un nom en rapport avec fleur… Satané mémoire !

Il claudique en silence tenant sa monture par la bride, l’autre main sur le pommeau de son épée, suivit de près et tout aussi silencieusement par la montagne de muscle. Ce qu’il apprécie. L’ancien général n’est pas vraiment homme de bavardage.
Arrivé devant la bâtisse, il s’empare d’une outre suspendue à la selle et s’enfonce dans l’ouverture, sans le moins du monde se soucier d’attacher son étalon. Le jour où quelqu’un à par lui pourra prendre les reines de cette vielle carne sans se faire piétiner, il sera surement entrain de picoler avec Sérus dans un bar à pute.

L’endroit sent le moisi et la poussière, mais il a connu pire. Il tire une vieille chaise et s’y installe avec moult grognement et soupir. D’un geste il indique face à lui la place vacante de l’autre coté de la petite table.
Il débouchonne tranquillement son outre et y boit une longue rasade avant de la tendre au banni.

-Je suppose que ta petite entrevue avec le capitaine n’a pas eu l’effet escompté ? Eiden est un type bien, mais pas forcément le plus souple sur les règles. Tu as déjà de la chance qu’il soit venu jusqu’aux portes. Après tout, tu es banni…

Il prend un air songeur, mais sans vraiment que cela semble lié à ses paroles, simplement comme s’il venait de se replonger avec nostalgie dans un souvenir. Sa voix reprend pourtant forte et profonde sans une trace de cette absence.

-…Ou du moins tu sembles l’être. Avec un peu de d’huile de coude de ta part et une intervention de la mienne, la séparation en être et sembler changera du tout au tout ta situation.

Il s’empara à nouveau de la gourde et bu. Le cuir claqua quand il la reposa sur la table sans ménager sa force.

-N’y allons pas par quatre chemins, j’ai besoin d’un tueur, d’un putain de salopard près à trancher en deux du fangeux quitte à risquer sa vie. Et comme tu t’en doutes vu ta situation, j’en ai besoin d’un que je peux sacrifier sans trop y regarder s’il foire. Si tu réussis, oublié ton petit souci de bannissement, et même quelques honneurs possibles. Si tu foire, y a peu de chance que tu sois encore là pour réfléchir à comment faire fructifier un groupe de mercenaire.

Un sourire peu amène éclaira le visage du vieux soldat.

-Et pour que ce soit encore plus amusant, tu devras protéger quelqu’un pendant toute la durée de ton expédition. Sa vie passe avant la tienne et celle des miliciens qui vont vous accompagner. S’il le faut, tu les abandonnes. Seul lui ou ses résultats ont de l’importance. Si tu ne reviens ni avec l’un, ni avec l’autre, et bien… En fait tu ferais mieux de ne pas revenir.

Nouvelle gorgée.

-C’est une mission sale et qui ne doit pas faire de bruit. Je dis pas que c’est ce que tu mérites, mais c’est tout ce que j’ai à te proposer. Alors Desmond, t’es le genre de tueur que je recherche ou je me suis trompé sur ton compte ?

Heureusement pour moi, mon interlocuteur descend de sa monture avant que j’attrape un torticolis et il m’amène dans une sorte de taudis où nous pourrons discuter tranquillement. Je reste sur mes gardes, car il peut cacher son jeu et être une sorte de sodomite, on n’est jamais trop prudent, car quand je disais que je n’ai rien à perdre, j’ai toujours une sorte de virginité et je compte la garder jusqu’à ma mort.

Nous nous asseyons à table qui menace à tout moment de s’écrouler mais qui tient uniquement par la volonté des Trois. Il boit un bon vin et comme il m’en propose, je ne me fais pas prier et j’en bois une bonne gorgée. Comme il a été sympa avec moi, je sors ma petite flasque d’alcool de cerise et j’en bois un peu pour montrer que la boisson n’est pas empoisonnée avant de lui tendre le flacon, l’avertissant quand même au passage :

Production locale de Usson, on peut s’en servir pour tuer les rats.

C’est en effet, extrêmement alcoolisé, mais on sent bien la cerise. J’attends donc la réaction de mon vis-à-vis, puis j’écoute ce qu’il a me dire, il commence d’ailleurs par un rapide résumé de ma situation avant d’en venir au fait. Il a besoin d’une personne sacrifiable pour mener une sorte d’expédition avec une personne encore non identifiée et des miliciens.

Quand il me demande si je suis le genre d’homme qu’il recherche, je lui souris, car à mon avis, il ne sait pas tout ce que j’ai pu faire au cours de ma carrière, j’ai tué des dizaines d’êtres humains, je pense d’ailleurs que je ne dois pas être loin d’une centaine, torturé autant alors une petite balade ne me fais pas peur. Je pourrais lui poser des questions, lui demander des précisions, mais de toute façon, s’il y a une chance que je retrouve mon titre de noblesse, je ne vais pas ergoter, alors je lui réponds simplement :

Vous ne vous êtes pas trompé, dites-moi où et quand et je serais présent.

Voilà, pas besoin d’en dire plus, j’espère qu’il ne s’agira pas de capturer un fangeux, j’ai horreur de ces monstres et c’est la seule chose qui le fout la trouille. Affronter des bannis, des bandits, des cultistes, des loups, des ours, pas de problème, car si on se prend un sale coup, soit on meurt, soit on guéris, mais une goule, ça te fait devenir un monstre et j’avoue que cette simple idée me terrifie. Heureusement pour moi, je suis sûr que ce ne sera pas le cas ici, seuls les fous prendraient ce risque.

Morn s’empara du flacon sans se soucier du possible empoisonnement. Desmond était le genre de gars à vous exploser la boite crânienne entre ses mains ou à vous raccourcir d’un bon mètre à coup d’épée. Le poison c’était pas pour lui, pas au point de se balader avec un flacon empoisonnée sur lui en tout cas.
Il y but et le tord-boyau lui arracha agréablement la gorge. C’était horrible, et donc délicieux. Il rendit sa mixture au chevalier déchu en lachant un “aaah“ de satisfaction. Il ne s’attendait pas vraiment à un refus de son interlocuteur. C’était des guerriers, tout les deux, des tueurs qui n’avaient pas hésité à se salir les mains tout au long de leur vie.
Ils partageaient une lueur dans leurs regards qui ne trompait pas. Morn s’esclaffa.

-A mon avis, tu regretteras bien vite cette assurance, mais ça fait plaisir à voir ! Je te laisse le vin, vois-y un premier paiement pour fêter notre petite affaire. Dans trois jours, à l’aube, hum cette porte sera très bien. Je m’occupe des vivres et de l’équipe. Toi de ton épée, et de ta sobriété de préférence, t’en auras besoin.

Il se leva de sa chaise en s’appuyant sur sa jambe valide pour soulager son poids et contourna la table. D’un geste franc et un peu brusque il offrit son bras au géant qui lui saisit l’avant-bras. Un salut de combattant à combattant.

-Tu donneras les ordres, mais n’oublies pas ta priorité. Notre ami te donnera les détails, et je l’espère d’ici là, peut-être même un lieu de recherche. J’espère que c’est le début d’une collaboration prospère, “Chevalier“. déclara-t-il en insistant sur ce dernier mot. Les hommes près à faire ce qu’il faut manque. Viendra le temps pour les gars comme Eiden, mais seulement si des types comme nous lui prépare le terrain, quitte à semer quelques cadavres en route.

Il lui claqua l’épaule et sortit sans un mot de plus, pas même un aurevoir. Morn avait pris l’habitude de ne pas revoir vivant les gens sous ses ordres et avait décidé depuis des années de se passer de ce genre d’absurdité.
Il lui offrirait un autre verre dans le meilleur des cas. Sinon il jetterait son nom au sommet de la pile de tous les cadavres qu’on lui attribuait. Il avait arrêté de compter bien avant Arance.

Son étalon redressa la tête de la touffe d’herbe qu’il s’échignait à arracher du sol et lui lança un regard éloquent. Le maître des lames eu envie de lui balancer un « moi aussi je t’emmerde », mais il n’était pas encore assez ivre pour parler à son cheval.
Il lui mit une claque sur le museau quand celui-ci essaya de le mordre alors qu’il montait en selle, et les deux vieux complices reprirent le chemin de la cité.

HRP:

Ma décision semble faire plaisir à mon interlocuteur et me laisse même le vin de bonne qualité de son outre, ce qui est un beau cadeau. Le rendez-vous est donc pris et j’arrive à glaner quelques informations supplémentaires, comme quoi je serais le chef de notre petite expédition et évoque un certain Eiden, sans que je sache si c’est la personne que je dois protéger.

Il faudra de toute évidence aller dans un certain endroit pour faire des recherches, et je suppose, puisqu’on a besoin de moi, que le lieu est question est éloigner de la civilisation. Il s’en va ensuite, après m’avoir serré le bras comme un guerrier et je lui dis pendant qu’il passe le pas de la porte, deux simples mots :

Je reviendrai.

C’est à la fois une promesse et une vérité, car quoi qu’il se passe, je reviens toujours. Après tout, je possède le titre de Meilleur épéiste à deux mains, une armure de plaque en bon état et une monture robuste alors je suis prêt à défier le monde entier et rien ne m’arrêtera. J’ai survécu à l’invasion de mon domaine, la famine, et même les cultistes n’ont pas eu raison de moi, je suis indestructible, car comme aurait dit mon père, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir et comme l’espoir fait vivre, tout ceux qui ne baisse jamais les bras sont immortels.

C’est vrai que mon père est mort empoisonné par ma belle-mère, mais le dicton reste valable, en plus je n’en connais pas d’autres. Je sors à mon tour de la maison délabré, avec mon outre bien sûr, ne voulant pas abandonner un tel trésor. Je passe le reste de la journée à boire et à réfléchir sur ma future mission, essayant différentes hypothèses, mais les indices sont trop maigres pour arriver à un résultat satisfaisant.

Finalement, je m’endors avec plus de questions que de réponses. Les jours suivants sont dédiés à ma préparation physique, je m’entraîne plus durement que jamais, patrouillant sans relâche dans les faubourgs, au pas de course, améliorant mon endurance, tout en restant attentif à mon environnement. Je fais également des exercices martiaux, un des habitants, soulagé de me voir aussi présent, m’a fabriqué un mannequin de bois et je passe de nombreuses heures, chaque jour, pour le frapper, encore et encore.

Les enfants ont pris l’habitude de venir me voir et même si certains essayent de m’imiter avec des bâtons, je reste concentré sur mon objectif et c’est donc plus préparé que jamais que je reviens quelques jours plus tard sur le lieu de notre première rencontre, prêt à affronter tous les dangers.

HRP: