Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ? Mar 27 Avr 2021 - 21:20
La nuit d’Alaric n’était pas paisible. Ce n’était pas à cause de la tempête qui ne décolérait pas : il avait l’habitude de ce temps capricieux. Ce n’était pas non plus la faute des fangeux : depuis que Victor de Rougelac avait fait construire la palissade, bien qu’encore fragile, les murs du château étaient un peu plus à l’abri ; le soldat n’avait plus à combattre jour et nuit pour sa propre survie. Il n’éclairait plus, le grondement du tonnerre s’était estompé. L’orage dans son cœur battait toujours à tout rompre. La pluie, froide et tempétueuse, n’avait pu calmer la rage qui lui perforait la poitrine.
Il marchait, de long en large, d’un pas pressé, comme si le temps pouvait avancer plus vite, s’adapter au rythme de sa marche. Eve lui avait demandé ce qu’il faisait là, il n’avait pas dû réfléchir pour lui fournir une réponse, mais pourtant, maintenant qu’il était seul, perdu avec lui-même, il se remémorait leur discussion. Qu’est-ce qu’il faisait là ? Attendre, encore et encore. Attendre ses proches, attendre des nouvelles, attendre quoi ? Pour quelqu’un qui avait pris la résolution de vivre chaque instant comme si c’était le dernier, il ne s’en sortait pas très bien. Mais c’était une décision qu’il avait prise avec elle, que pouvait-il faire désormais ? À chaque fois, Alaric avait la sensation que chacun menait sa vie et qu’il restait là, sur le côté, à voir la sienne défiler. Au fond, peut-être bien qu’il était plus en colère contre lui-même. Pas contre, Sydonnie, pas contre les Trois. Avec l’arrivée d’Eve et de ses étranges conseils, il avait la possibilité de prendre son destin en main, ainsi que celui de Sombrebois. Et si les divinités avaient envoyé cette mystérieuse messagère dans ce but ? Et si c’était le plan qu’elles avaient pour lui ?
Perdu dans ses pensées, il sursauta lorsque Rodron vint à sa rencontre pour le relayer. Alaric voulut protester, mais accepta finalement de rentrer au sec. Il passa quelques minutes par le séjour où rougeoyaient encore quelques cendres afin de se réchauffer, puis gagna le second étage. Devant la chambre proposée à Eve, Hilde montait la garde comme demandé. Il devina à ses yeux et son maintient qu’elle était fatiguée. Comme eux tous.
- Rien d’anormal ? demanda-t-il alors qu’il connaissait déjà la réponse.
La rousse secoua la tête.
- Rien, je pense qu’elle dort à poings fermés. - Tant mieux. Tu peux aller te coucher, je vais reprendre la garde. - Ton visage fait peur, Alaric. Que veux-tu que cette fille fasse le reste de la nuit, seule, dans la forteresse ? le sermonna-t-elle.
Elle n’avait pas tort. Si Eve avait voulu agir, sans doute serait-elle déjà passé à l’action. Puisqu’il n’avait pas bougé d’un pouce, la bucheronne lui lança un regard peiné avant de gagner ses propres quartiers, tout au fond du couloir. Alaric la regarda s’en aller, sa silhouette se fondant dans la pénombre. Il soupira, donna un dernier coup d’œil à la porte de la messagère, puis ouvrit celle juste en face. Malgré le temps qu’il avait passé dans le château, il n’avait pas embelli sa chambre d’une décoration futile. Une grimace sur les lèvres, il toisa son lit qui n’attendait que lui. S’allonger, au moins, lui ferait du bien.
***
Il faisait calme en ce début de matinée ; les enfants n’étaient pas encore debout. Le soleil était à peine levé, mais peu de lumière filtrait à travers la couche épaisse de nuages. Au moins, la pluie avait cessé. Hilde et Rodron, en silence comme à leurs habitudes, terminaient de prendre un petit-déjeuner frugal. Après une énième insistance de Pénélope, Alaric s’était mis à table à son tour. Dire qu’il avait réprimandé Rosen un nombre incalculable de fois parce qu’elle refusait de s’alimenter correctement.
- Quand je reviendrai avec notre invitée, j’espère que tu auras fini ta soupe ! le prévint Pénélope, qui s’en allait chercher Eve.
Une fois que la cuisinière eut quitté le séjour, Hilde le taquina gentiment.
- C’est pour bien grandir, Alaric.
Il sourit presque. La rousse s’en aperçut et c’est un peu plus joyeuse qu’elle les quitta, afin de s’acquitter de ses tâches quotidiennes. Quant à Rodron, imperturbable et taciturne soldat, il se contenta de lui donner un bref signe de tête avant de quitter la pièce. Son regard parlait pour lui : « Je te laisse seul avec l’invitée. » En compagnie de Pénélope, celle-ci ne devrait plus tarder. Il pouvait bien l’attendre pour manger, non ?
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ? Mar 27 Avr 2021 - 22:41
Comme chaque nuit, c’était un cauchemar qui l’avait tiré de son sommeil. Une passerelle de pierres au cœur d’une nuit noire, la pluie battant les capes et les corps de ceux qui se tenaient droit sur celle-ci, comme bravant les éléments. Non pas tous, pas tous… Ce regard doux et plein de tendresse, lui transmettant sa compassion, tranchant en elle comme la plus aiguisée des lames. Un éclat d’argent, et elle se réveillait. Cette némésis de son sommeil était à présent devenue si familière qu’elle ne bondissait même plus dans son lit. L’époque où elle hurlait de peur et de désespoir était si loin à présent…
Elle avait ouvert les yeux, les mains légèrement moite et crispée sur sa couverture. Un ciel bleuissant lui indiqua que l’aube était proche au travers de la minuscule lucarne. Elle se leva en s’étirant, basculant ses jambes nues par-dessus le rebord du lit, et glapit en posant ses pieds au sol. Maintenant que sa chaleur corporelle était revenue à la normale, la pierre était bien plus froide qu’elle. Ce n’était pas vraiment désagréable, mais saisissant. Elle remua les orteils pour en apprécier la sensation avec plus de contrôle.
L’air aussi était différent, plus sec et renfermé, mais avec un soupçon de nature qui manquait en ville. Depuis combien de temps n’avait-elle pas dormi hors des murs plus d’une nuit, et à plus d’une poignée d’heure de la cité ? Une éternité lui sembla-t-il… Alors elle apprécia cette sensation différente pendant de longues minutes. D’être juste là, loin de tout. D’être juste Eve. Au bout d’un moment, elle se décida tout de même à faire quelque chose de ses dix doigts, elle n’avait jamais vraiment été du genre à flâner. Elle examina ses affaires, les bottes étaient sèches, le pantalon un peu moins, mais assez aux endroits stratégiques pour éviter de futurs échauffements en montant.
Elle délaissa le corsage et les gants de monte, laissant sa chemise bouffer dans son pantalon étroit et entreprit d’explorer la petite chambre. Pas qu’il y ait grand-chose à voir dans ce carré de pierre, mais elle avait plus ou moins garanti à Alaric qu’elle ne poserait pas de problème. Se mettre à gambader dans les couloirs auraient surement peu plu au capitaine de la garde. Elle dénicha tout de même au fond du seul et unique meuble un pichet d’eau, mais surtout, un peigne, dont il restait à peine quatre dents, mais quand même ! Elle tendit victorieusement son butin en hauteur.
- Aaaah ah ! dit-elle de son petit ton satisfait. Elle passa donc la demi-heure suivante à quelques ablutions, et à démêler ses longs cheveux noirs.
C’est ce qu’elle faisait encore quand la dénommée Pénélope frappa à sa porte. Eve vérifia qu’elle avait bien reboutonner chemise et pantalon avant de l’inviter à entrer. Toujours de cette voix chaleureuse, la bonne femme l’invita à prendre à souper avec les autres en bas. Le ventre de Eve grommela presque immédiatement. Elles se jetèrent un regard stupéfait, et rire d’un commun accord.
Malgré sa plus petite taille, Pénélope avalait les mètres avec aisance, presque autant qu’Alaric, et Eve devait allonger sa foulée pour la suivre jusqu’à la salle où elles trouvèrent Alaric seul, son assiette à peine entamée, ce qui lui attira un regard à mi-chemin entre courroux et inquiétude de la cuisinière. Celle-ci lui fit signe de s’asseoir et disparu dans la cuisine.
- Bien le bonjour Alaric ! le salua-t-elle, penchée, ses mains croisées dans le dos, le visage pâle mais souriant.
Elle s’avança vers la table, mais au lieu de s’asseoir face à lui de l’autre coté de la table, elle tira bruyamment une chaise jusqu’à ses côtés, et la retourna, s’assaillant dessus, et posant ses bras sur le dossier, un regard faussement sérieux, presque rendu comique par ses sourcils trop froncés, posé sur le jeune homme. Et elle resta coite. Tenant la pose. Du moins jusqu’à ce que revienne la cuisinière avec un bouillon de poule et un morceau de pain sec !
- Voyons, ce n’est pas comme ça que doit s’asseoir une dame ! se fit-elle gronder par le ton maternel de celle-ci, ce qui lui arracha un grand sourire, sans pour autant qu’elle cesse de regarder Alaric.
- Je crois bien que vous avez raison ! J’ai vu quelqu’un faire cela il y a peu et j’avais trouvé cela assez impressionnant, mais je dois bien admettre qu’avec moi c’est surtout ridicule. dit-elle amusée, avant de tirer sa chaise pour la remettre normalement, tout en s’installant juste à coté du seul occupant de la table. Pénélope déposa son trésor devant elle, et Eve se pourlécha une lèvre d’appétit.
- Merci beaucoup Péné ! Je me cacherais dans ta cuisine en permanence si j’avais le choix !
La cuisinière cligna des yeux, surprise de la familiarité franche de la nouvelle venue, mais finit par sourire et hausser les épaules en se détournant.
- J’ai bien assez de pique-assiette à chasser comme ça, reste loin de ma cuisine ou moi et mon balai, on ne répond plus de rien !
Eve gloussa en portant la première cuillère à sa bouche tandis que Pénélope disparaissait par la porte avec une allure de matrone qui la rendait encore plus attachante. La noble reporta son attention sur Alaric.
- Vous n’avez pas l’air d’avoir beaucoup dormi, ça va aller ? se contenta-t-elle de dire pour lancer la conversation.
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ? Jeu 29 Avr 2021 - 23:06
L’entrée d’Eve aurait pu être accompagnée d’une fanfare, tant elle respirait la gaieté. Au moins, il y en avait une qui avait bien dormi. En tout cas, c’était l’idée qu’elle renvoyait. Le soldat n’avait pas oublié que l’étrange messagère jouait à des jeux dont il ne pouvait comprendre toutes les règles, portait des masques qu’il ne pouvait déchiffrer. Avec sa chemise négligemment rentrée dans son pantalon serré, elle donnait déjà une tout autre image que la veille.
Un sourcil relevé, il la regarda s’assoir comme il l’avait fait le jour avant. Avachie sur la chaise retournée, elle avait tout l’air d’un bandit des chemins, sans en avoir le charisme, ni une once d’intimidation. La situation était des plus cocasses. Le soldat manqua de lui faire une remarque, mais Pénélope le devança, réprimandant l’invitée. Alaric secoua la tête, puis pencha son visage vers son assiette afin de masquer son sourire amusé. Il n’avait pas envie de rire et pourtant, il n’avait pas pu s’en empêcher. Peut-être parce que cette situation semblait si… Naturelle ?
- C’est ridicule, confirma Alaric avant d’avaler une cuiller de soupe.
Il ne lui avait pas échappé qu’elle se moquait gentiment de lui. Décidément, il avait du mal à cerner cette mystérieuse jeune femme. Ce matin, elle rayonnait, se comportait comme si elle était chez elle, sans complexe. Lorsque Pénélope les laissa – enfin – seuls, Alaric se retourna vers Eve et se renfonça un peu plus sur sa chaise, les bras croisés sur son torse.
- J’ai fait des rondes toute la nuit, non je n’ai pas beaucoup dormi.
Il avait répondu d’un ton moins sec qu’il ne l’aurait voulu. Comme si le sourire qu’elle avait fait naître chez lui était encré pour le reste de la matinée. Et pourtant, une part de lui ne voulait pas de ça ; il préférait ruminer dans son coin et avoir la paix. Le soldat ne ressentait plus la fatigue, il ne savait même plus comment il tenait éveillé. Dans quelles forces puisait-il pour rester debout ? Pour l’heure, la curiosité et l’intérêt qu’il portait au comportement de Eve avaient le mérite de lui changer les idées.
- Vous faites quoi, au juste ?
Il s’était penché sur la table afin de parler d’un ton plus bas : même à Sombrebois, les murs avaient des oreilles. Surtout lorsque Pénélope n’était pas loin.
- Est-ce que vous essayez de vous faire bien voir des habitants du château ?
Focalisée sur Eve et ses dires, il était parvenu à terminer son assiette sans s’en rendre compte. Le poing fermé sur la table, seule séparation entre eux deux, il ne la quittait pas des yeux. Il se doutait pourtant qu’il ne possédait pas les compétences requises pour lire dans les pensées de son interlocutrice.
- Votre petit jeu marche peut-être avec Pénélope, mais pas avec moi, affirma-t-il.
Il aurait voulu avoir l’air plus sûr de lui.
- Je vous suis reconnaissant pour ce que vous m’avez dit hier soir, mais je sais que vous ne me dites pas tout.
Il aurait voulu savoir qui il avait en face de lui. Pas son prénom – s’appelait-elle seulement Eve ? – ni son nom ou son rang. Non, pour lui faire confiance, il devait apprendre à connaître la jeune femme assise à quelques centimètres de lui : ses intentions réelles, son caractère originel, son vrai visage.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ? Ven 30 Avr 2021 - 11:23
La jeune femme se contenta d’hocher la tête sans sembler percevoir, ou accorder d’importance au ton plus mordant d’Alaric, lui-même ne semblait pas entièrement convaincu de cette approche, et elle était bien décidée à ne pas laisser les nuages tempétueux de son mal-être nuire au moment. Le garde se faisait bien assez souffrir seul pour qu’elle n’en rajoute pas en prenant la mouche pour le moindre ton peu courtois.
- Vous n’aviez qu’à rester dormir… le taquina-t-elle.
Elle se mit à passer machinalement le bout du doigts sur une fissure dans le bois qui constituait la table, trempant le pain sec dans le bouillon avant de le porter ses lèvres, soufflant dessus pour éviter de se brûler. Si elle avait une quelconque remarque sur la frugalité du repas, son visage n’en laissait rien transparaître et elle attaqua son plat avec un appétit crédible. Elle machait lentement la mie pour en faire jaillir le liquide chaud quand Alaric repris la parole. Elle haussa un sourcil surpris
- Euh… Je déjeune ? commença-t-elle, mais le capitaine de la garde poursuivit et se montra plus explicite dans son ressenti, autant par la tournure de ses mots que par le fait qu’il parlait désormais plus bas. Eve jeta un coup d’œil par-dessus son épaule, avisant la porte par laquelle venait de disparaître l’aimable mais autoritaire Pénélope. Elle se retourna vers Alaric et pris un ton de conspiratrice, même si son sourire teinté d’ironie et son regard un peu plus sombre marqua un subtilement changement dans son humeur. D’une certaine façon, qu’il l’accuse de manipuler Pénélope la blessait plus que son statut d’allié et d’invité indésirable.
- Quelle piètre image de moi je vous ai donné pour vous faire croire que je ne peux pas simplement apprécier une personne pour ce qu’elle est.
Elle hocha cependant la tête.
- Mais vous avez raison, mieux vaut la prudence que le regret. Si le fait que j’apprécie certaine personne ici vous gêne, je m’en abstiendrais, ou du moins d’en faire étalage. Je ne tiens pas à passer pour une manipulatrice plus que nécessaire.
Elle finit à son tour son maigre repas et repoussa le bol sur la table avec un soupir satisfait. Elle fit tourner sa chaise vers Alaric afin de lui faire face, bien moins comédiennes qu’il y a quelques minutes quand elle l’avait singé pour s’amuser et le dérider légèrement.
- Vous n’avez pas confiance en moi. Je ne peux pas vous en vouloir, car en effet je ne vous dis pas tout. Telles sont les règles de ce genre de jeu. Ainsi que le prix à payer. Et je comprends que vous abhorriez ce genre de chose.
Elle croisa les jambes avec naturel et leva les yeux pour observer les ouvertures par laquelle entrait la lumière blafarde de l’aube. Elle sourit et revint posé son regard sur l’homme en peine.
- Il est encore très tôt, je peux attendre quelques peu avant de reprendre la route. Pourquoi ne pas jouer à un autre jeu alors, dont les règles sont plus simples, « Vérité et Confiance ». D’habitude cela se joue une bière à la main, mais comme je viens de le dire, il est tôt.
Elle passa une mèche de cheveux noir derrière son oreille et enroula un instant son doigts de celle-ci avant de la libérer, petit tic réflexe qu’elle avait depuis sa plus tendre enfance.
- Si vous n’avez jamais joué, c’est très simple, nous ne ferons qu’une manche. Vous pouvez poser n’importe quelle question, gênante, intime, stupide, exception faîtes de mon nom et de la raison de ma présence ici, je vous ai donné tous les détails que je pouvais sans me mettre en difficulté. Je vous donne une réponse que je dis être la vérité, et vous devez me faire confiance sur parole. Ensuite je vous retourne une question. Le premier de nous deux qui ignore, refuse de répondre, ou détourne la question met fin à la manche, et vu que c’est sans bière, au jeu.
Elle se pencha vers Alaric, posant son coude sur son genoux et sa main dans sa paume.
- Une partie ? Peut-être que ça vous aidera à comprendre ce que je suis… lui proposa-t-elle, mutine.
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ? Ven 30 Avr 2021 - 22:07
Vous n’aviez qu’à rester dormir. Même si Alaric avait accepté sa proposition, la veille, il était à peu près certain qu’il n’aurait pas découvert son vrai visage pour autant. Sans aucun doute, Eve avait l’habitude de ce genre de propositions indécentes. À moins qu’il ne se trompât complètement à son sujet ? Le ton qu’elle employait désormais, après moqueries et railleries, sonnait différemment. Il aurait pu croire qu’il l’avait blessée, il en était étonné. N’était-ce pas le propre des dames de la cour et de leurs intrigues ? Manipulations et manigances n’étaient-ils pas leurs maîtres mots ? Lui qui pensait l’avoir percé à jour se retrouvait à culpabiliser face à ses paroles qui, en apparence, semblaient sincères.
- Ce n’était pas ce que je voulais dire, marmonna-t-il.
Bien sûr qu’elle pouvait apprécier Pénélope. D’ailleurs, qui n’affectionnait pas la cuisinière de Sombrebois ? En y réfléchissant, n’était-ce pourtant pas ce qu’il avait voulu dire ? S’il devait être complètement sincère envers lui-même, il n’avait pas cru la noble capable de fraterniser par envie, mais uniquement par intérêt. Au fond, il ne la connaissait pas. Il ne se fiait qu’à sa conduite et à ses gestes, à ses sourires mielleux, à sa voix sensuelle.
Comment pouvait-il inverser les rôles ? Pour une fois, il aurait voulu poser ses propres règles. Mais le monde ne fonctionnait pas de cette manière : les roturiers courbaient l’échine devant les protocoles. Il pensa à Sydonnie, à son caractère bien trempé, à son pouvoir au sein de la milice. Au départ, personne n’aurait pu parier qu’elle deviendrait sergente, que des coutelleries typiquement masculines ploieraient le genou devant ses ordres. Des ordres qu’elle ne craignait pas de donner. Vérité et confiance. Était-ce l’occasion dont il avait besoin pour changer la tendance ? Son instinct lui hurlait de ne pas tomber dans ce piège si joliment tendu.
Alaric se rendit compte qu’il ne l’avait pas quitté des yeux depuis qu’elle avait ouvert la bouche. Il avait détaillé chacun de ses faits et gestes : ses iris pétillant de malice, ses sourires en coin, ses doigts fins enroulés autour de ses cheveux peignés avec soin – quand avait-elle trouvé le temps de s’en occuper ? – sans pour autant manquer l’une de ses paroles.
S’il n’avait pas le droit de poser de question sur son nom ou les raisons plus précises de sa venue, à quoi bon jouer ?
- Je n’ai pas vraiment du temps à perdre avec des jeux futiles.
Le visage ronchon de Sydonnie s’imposa à lui une fois de plus. Poser les règles, ne plus les subir.
- Mais, comme vous le dites, il est tôt.
Alaric se renfonça sur sa chaise, bras croisés sur son torse.
- Je commence ?
C’était une question purement rhétorique. Il ne comptait pas perdre la main dès le début de la partie. Tout bien considéré, il ne pouvait rien perdre : il n’avait aucun détail croustillant à lui fournir, rien qui pourrait l’intéresser. Lui, en revanche, pouvait glaner toutes les informations qu’il pouvait espérer, s’il plaçait ses questions avec intelligence.
Alaric la toisa quelques secondes, manqua de se perdre dans ses yeux clairs, puis demanda d’une voix distincte :
- Ne craignez-vous pas que quelqu’un apprenne que vous m’avez prévenu ?
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ? Sam 1 Mai 2021 - 6:27
Eve s’apprêtait à répondre qu’un homme qui n’aime ni les jeux important ni les jeux futiles devait bien s’ennuyer dans la vie, histoire de continuer à taquine le capitaine. Mais celui-ci la pris de court en revenant de lui-même sur ses paroles, acceptant sa proposition. Elle n’avait pas crû qu’il accepterait. Espéré, oui, afin de continuer à approfondir la connaissance qu’ils avaient l’un de l’autre. S’ils devaient se faire confiance, un peu plus de compréhension mutuelle ne pourrait qu’être la bienvenue.
Mais comme il venait de le souligner, elle était pour lui une manipulatrice cachant son jeu, et donc par principe non digne de confiance. Ce qui n’était qu’à moitié faux. Alors à quoi bon jouer à « Vérité et Confiance » avec elle ? Elle pensait donc voir son espoir se heurter au mur de la raison. Mais Alaric la surprenait agréablement une fois de plus.
Elle hocha la tête à sa proposition de débuter, même si cela ne semblait être que de pure forme et attendit la première question. Les secondes s’égrenèrent lentement alors que son regard vif, entre doute, colère, et une pointe d’autre chose moins hostile qu’elle n’arrivait pas vraiment encore à identifier mais qu’elle ne trouvait pas désagréable, était planté dans le sien.
- Si en effet. répondit-elle sans prendre la peine de réfléchir, ou de s’arranger pour trouver une réponse suffisamment ambiguë pour camoufler son ressenti. Après tout, elle avait proposé de jouer, autant donner le bon exemple.
C’est aussi pour cela que sa réponse était si laconique, le jeu consistait aussi à choisir ses questions suffisamment subtilement pour qu’on ne puisse répondre par un oui ou un non, ou toute autre formule approchante. Mais Alaric avait commencé dans la simplicité, elle ferait donc de même, le temps que tout deux prennent le tempo. Elle lui fit un sourire étincelant en réponse à sa mine morose et pris son tour.
- Préfériez-vous votre père ou votre mère ? Questionna-t-elle donc, en choisissant un sujet, à première vue, tiré au hasard.
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ? Sam 1 Mai 2021 - 12:49
Qu’Eve réponde du tac au tac le rassura : c’était pour lui un gage d’honnêteté. Maintenant qu’il savait qu’elle ferait preuve de sincérité au cours de cette partie peut-être pas si futile que ça, il pouvait essayer de poser des questions plus complexes et intimes, obtenir des réponses qui pourraient lui être utiles. Au moins, il était assuré d’une chose : la messagère avait pris plus d’un risque pour venir à Sombrebois, autre que le temps désastreux ou la présence accrue de fangeux dans la région. Il était même possible qu’elle retarde son retour vers Marbrume à dessein, même si Alaric supposait qu’elle s’était déjà absentée plus que nécessaire. La fugue d’une jeune noble d’un rang élevé – ce qu’il imaginait à son sujet – n’était pas facile à camoufler, d’autant plus pendant plusieurs jours.
Le tout était de savoir qui craignait-elle. Il aurait pu poser cette question ensuite, mais il la présumait suffisamment habile pour jouer sur les mots et ne pas lui livrer la réponse qu’il attendait. Ou pire, elle pourrait décider de ne pas répondre, mettant déjà un terme à la partie. Perdre si tôt, cependant, ne lui ressemblait pas.
Sa question à elle le prit complètement de court.
- Que, mais, comment voulez-vous que je réponde à ça ? s’exclama-t-il.
Il avait levé les bras en signe d’impuissance, avant de les croiser à nouveau sur son torse.
- On ne peut pas choisir entre…
Alaric laissa sa phrase en suspens et la dévisagea derrière ses mèches de cheveux trop longues. Avant l’arrivée de la fange, le soldat avait eu tout d’une vie heureuse. Pauvre, il était vrai, sans pour autant manquer de quoi que ce soit. La ferme de ses parents avait été suffisamment rentable pour qu’ils aient à manger tous les jours. Néanmoins, il savait qu’il avait vécu dans un monde complètement différent de celui d’Eve. Vu ses traits, ils devaient avoir le même âge, mais la jeune femme n’avait pas dû passer ses après-midis dans les champs au côté de son père ou à la cueillette de plantes médicinales avec sa mère dès l’aube. Oui, sans doute Eve pouvait-elle choisir plus facilement que lui.
- Ma mère, elle était douce, mais stricte, et mon père il…
Sans s’en rendre compte, il s’était plongé dans de vieux souvenirs. Avec une seule question à priori sans intérêt, Eve venait de glaner sur lui des informations qu’il n’était même pas censé lui fournir.
- Ma mère, répondit-il enfin.
Les anecdotes qui lui étaient liées étaient plus tendres : il n’avait pas dû l’abandonner dans les marais, il n’avait pas dû entendre ses hurlements, ni le craquement de ses os et le déchiquetage de sa chair, tandis qu’il fuyait.
Alaric n’avait aucune idée comment provoquer la même chose chez son adversaire du jour. Il lui manquait trop de cartes en main, d’expérience aussi ; il n’était pas assez adroit avec les mots. Le seul atout dont il disposait était celui de la surprise. Alors, espérant qu'il avait l'air plus sûr de lui, il demanda :
- Au fond, que désirez-vous vraiment ?
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ? Sam 1 Mai 2021 - 16:55
Alors que les premiers rayons de soleil direct commençaient à darder dans la salle, Eve haussa les épaules sans se départir de son sourire, indiquant au jeune homme qui levait théâtralement les bras que c’était à lui de trouver le moyen de répondre à sa question. Son amusement se ternit légèrement quand il commença à lui fournir cette réponse. La chose semblait en partie douloureuse pour lui, et si, cela la rendait d’autant pus curieuse de la réponse, elle ne souhaitait pas donner l’impression de se moquer ou de prendre la chose à la légère.
Elle se fit des plus attentives à son ton, glanant autant de chose qu’elle le pouvait des rares mots qu’il lui accordait au-delà de la réponse. Elle imaginait sans doute mal la vie du jeune homme avant tout ça. Ils étaient tout bonnement trop différent dans leurs origines. Mais au moins leurs mères avaient des points commun… Alaric avait donc perdu ses parents. Elle s’en doutait, mais le temps de ses mots et l’émotion de sa voix lui confirmaient. Elle opina quand il pris finalement le parti assez lucide de répondre prestement à sa question plutôt que de s’égarer dans sa mémoire et confier des choses qu’il ne souhaitait pas.
Même si à présent, elle aurait apprécié discuter quelques heures de ses parents. Pour le comprendre. Le second tour lancé par Alaric s’avéra déjà plus compliqué, elle allait pourtant répondre vite mais…
- Je… Elle s’interrompit, hésitante. Au fond…
Elle se mordilla doucement la lèvre inférieure, son regard perdu dans le vide au-dessus de l’épaule d’Alaric. Le fait qu’il rajoute ces deux mots rendait son choix de réponse plus compliqué. Elle voulait beaucoup de choses, trop sans doute pour une vie. Mais savoir ce qui lui servait de moteur derrière tout cela était plus compliqué… ou l’était-ce vraiment ?
Elle se remémora, la passerelle de pierre, la pluie battante, les silhouettes, et le regard plein de compassion, l’éclat d’argent. Non elle savait ce qu’elle désirait au plus profond elle, elle n’avait simplement pas l’habitude de mettre un mot dessus.
- La justice. finit-elle par répondre sur un le ton désolé de celle qui fournit finalement une réponse très banale après avoir fait durer le suspense. Elle enchaina aussi tôt.
- Quelle définition personnelle donneriez-vous à l’amour ?
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ? Sam 1 Mai 2021 - 22:12
L’assiette reculée, Alaric avait posé son coude sur la table, sa tête posée sur sa paume ouverte, ses yeux ancrés dans ceux de la messagère. Cette fois, il lui était plus difficile de répondre ouvertement. Il nota avec satisfaction qu’elle se mordait la lèvre inférieure, incertaine quant à la suite de sa réponse engagée. Il lut dans ses prunelles qu’elle se remémorait des souvenirs, qu’elle pesait le pour et le contre. Et peut-être, pour la première fois depuis leur rencontre, il lui trouva un intérêt. Envolés la superficialité, les sourires taquins, les railleries sulfureuses.
La justice. Ce petit jeu avait le mérite de lui dévoiler ce qu’il avait brûlé d’apprendre. Eve aussi avait souffert ; personne n’éprouvait un sens de la justice aussi élevé sans avoir subi de sérieux préjudices. Alaric hocha la tête d’un air entendu, faisait fi de son air désolé. Il était vrai que sa réponse demeurait vague et pourtant, elle venait de lui offrir plus que ce qu’il n’avait espéré. Il ne se sentait plus aussi méfiant vis-à-vis de la jeune femme, mais plutôt intrigué.
Eve avait l’art de le troubler avec ses questions. Le soldat ne comprenait pas le fil conducteur de ses pensées, la destination de son interrogatoire décousu. En plus, l’amour, ce n’était vraiment pas le sujet qu’il maitrisait le mieux. Une définition personnelle, elle avait dit, il ne pouvait même pas essayer de citer un proverbe ou les vers d’un barde mélancolique. C’était le genre de question qui ne possédait pas de bonne réponse, le genre de question dont le ressenti était propre à chacun.
- C’est…
Le plus dur était de mettre des mots sur des émotions qu’il avait ressenties.
- Un sentiment qui me donne envie de protéger, de partager… Un sentiment qui me rend heureux et me pousse à rendre heureux… Même lorsque le bonheur de l’autre, c’est de ne plus me voir. Son regard s’obscurcit d’un voile malheureux et se perdit derrière Eve, un point sur le mur qu’il ne distinguait pas. C’était cruel et injuste : il fallait être deux pour construire une relation, mais un seul pouvait décider d’y mettre fin. Il soupira, puis reporta son attention sur la jeune noble. La partie était toujours en cours, il ne devait pas se laisser distraire plus longtemps !
- Quel est votre plus grand regret ? murmura-t-il, comme s’il osait à peine prononcer ces quelques mots.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ? Lun 3 Mai 2021 - 19:55
Petit à petit, question après question, Alaric semblait se prendre au jeu qu’elle avait proposé. Pas forcément comme de l’amusement, du moins pas encore, mais il semblait apprécier la facilité de ce type d’échange, et pouvoir découvrir un peu plus de choses sur sa partenaire de jeu en choisissant lui-même quelles informations lui faire dévoiler. Pendant ces quelques minutes, il n’avait pas à se demander si elle lui parlait ou formulait ses réponses dans un but précis pour le manipuler, mais uniquement pour lui donner l’information attendue, même si elle était minime.
Et à dire vrai, Eve aimait cela aussi. C’était d’ailleurs un des jeux qu’elle pratiquait le plus lors de ses soirées à la mouette chantante. Là-bas, en compagnie des marins et de leurs compagnes, elle pouvait se contenter d’être Eve, et tout le monde se fichait bien de ses origines, sans pour autant manquer de curiosités sur ses passions ou ses rêves. Elle sourit à la réponse d’Alaric. Lui aussi s’amuserait bien dans un tel endroit, si un jour elle parvenait à le dérider réellement de son air sombre.
C’était un homme simple. Pas stupide ni simplet, mais simple. L’amour dans sa bouche semblait si agréable et positif. Une forme de sécurité et de partage, comme un feu de cheminée pour l’âme. Eve ne savait pas si la personne qui faisait tant souffrir le cœur de cet homme était en vie, mais pour sûr si c’était le cas, elle se plantait dans les grandes largeurs ! Bien que tout juste chuchoté, elle entendit les mots d’Alaric aussi clairement que s’il lui avait hurlé à l’oreille. Elle n’en fut pas surprise. Son choix découlait assez logiquement de la question précédente, mais elle lui serra tout de même le cœur au point de lui faire mal. Elle n’hésita pas à répondre pour autant, une fois encore, elle connaissait parfaitement la réponse à cette question.
- D’avoir été lâche quand d’autres personnes, biens meilleures que je ne le serais jamais, se sont montrées courageuses pour moi. dit-elle la voix se cassant presque sur la fin de sa phrase. Elle avait voulu se contenter de dire « d’être lâche ». Mais ça aurait été manquer de respect à celle et ceux qui avaient tout donnés, en les oubliant.
Elle avait honte de ce fait, et s’était promise de ne plus jamais commettre une telle faute à nouveau. Mais jamais elle ne s’accorderait le droit à l’oubli pour autant. Comme un brasier, elle nourrissait cette honte de sa colère et de ses regrets, en faisant l’incendie à l’origine de sa volonté.
- Tueriez-vous par amour, même en sachant votre compagne, ou compagnon… elle lui haussa un sourcil plein de curiosité pour ce détail, mais ne gâcha pas sa question non plus. …coupable dans cette affaire ?
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ? Mer 5 Mai 2021 - 21:10
Le cœur d’Alaric se serra. Il n’avait pas imaginé qu’Eve puisse enfouir de tels regrets en elle. Des remords capables de briser sa voix, suffisamment profonds pour altérer l’ambiance, devenue bien plus lourde. Bien sûr, pour que la jeune femme n’ait d’autre désir que celui de rendre justice, le soldat avait deviné qu’elle avait souffert par le passé. Cependant, il n’avait pas cru provoquer de tels souvenirs douloureux. Il s’en voulu et hésita à s’excuser ; la messagère ne lui en laissa pas l’occasion, adressant sa nouvelle question.
Alaric sentit ses épaules se contracter. Il détourna le regard, fixa un point sur la table qui semblait avoir absorbé toute son attention. Pour Sydonnie, aurait-il été prêt à tout pour la protéger ? Il y avait des détails à prendre en compte : la gravité des faits, l’importance des conséquences. Plus il y réfléchissait, plus il avait l’impression qu’il se cherchait des arguments pour pouvoir dire « non », car c’était bien là la seule réponse rationnelle, n’est-ce pas ? Pourtant, il avait déjà été dans cette situation. Quelques mois plus tôt, il avait assassiné une jeune femme de sang-froid parce qu’elle représentait un danger pour Sombrebois. Et s’il ne s’était pas occupé personnellement de ses trois autres compatriotes, le résultat était le même : leurs sangs poissaient encore ses mains. Il avait tué pour protéger les siens. Certes, les habitants du château n’avaient commis aucun crime, la question d’Eve ne s’appliquait donc pas à ses macabres souvenirs. Cependant, les rescapés d’Hendoire qu’il avait abattus n’avaient pas non plus réalisé la moindre faute ; ils avaient représenté un danger minime, mais un danger tout de même.
Alors, s’il avait été prêt à tuer dans cette situation-là, pourquoi serait-ce différent, d’autant plus pour une personne qu’il aimait ? Après ce qui avait dû sembler durer une éternité, il plongea ses yeux dans ceux de la jeune femme et avoua d’une voix claire :
- Oui.
Il n’y avait rien de plus à ajouter. Ce n’était pas un sujet sur lequel il pouvait s’épancher. Au fin fond de son coffre, posé dans sa chambre, recouvert de chemises et de couvertures, brillait toujours l’œil noir du corbeau que sa victime lui avait offert.
Il chassa son visage de son esprit et se reconcentra sur le jeu. Le jeu. Il n’en avait plus que le nom, tant les questions étaient sérieuses. Alaric estimait qu’il avait tout appris et en même temps pas assez au sujet d’Eve. Il savait désormais que c’était une personne bien plus complexe qu’elle n’y paraissait. Mais après tout, il n’était pas doué pour juger les autres dès la première rencontre. Il n’avait plus envie de voir son visage se décomposer à l’écoute de sa nouvelle question, aussi opta-t-il pour un sujet qui était – peut-être ? – un peu plus léger. Ses questions à elle tournaient autour d’un seul et même thème : l’amour. À croire qu’Eve était bien plus romantique que ce qu’elle ne laissait présager.
Compte tenu de leurs échanges, Alaric préféra laisser tomber les barrières polies de la langue, qu’il jugeait désormais inutiles, et lui demanda :
- Es-tu déjà tombée amoureuse, Eve ?
Après tout, n’avait-elle pas dit qu’elle était, ici, « juste Eve » ?
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ? Jeu 6 Mai 2021 - 5:11
Comme elle, quelques instants plus tôt, sans aucun doute, elle vit l’attitude d’Alaric change, se durcir un instant, non pas contre elle, mais pour se protéger lui-même, rappelant un animal près à bondir devant une menace. Elle ne regretta pas sa question, elle voulait la poser depuis plusieurs minutes déjà, mais elle ne put s’empêcher de se demander si elle l’avait finalement formulé par curiosité, ou pour blesser le jeune homme, le repousser dans ses retranchements comme il venait de le faire avec elle. Après tout, lui-même ne l’avait vu jusque là que comme une intrigante ne jouant que pour le pouvoir et faisant fit de la moralité. Et si c’était lui qui avait raisons. Si derrière ses beaux principes elle n’était qu’une gamine revancharde et sans morale ? Elle espéra très fort que ce ne fut pas le cas, et d’avoir l’occasion de se le prouver, au moins à elle-même.
La réponse du capitaine ne la surpris qu’à moitié. Oh pas vraiment qu’elle soit positive. Cela était tout à fait possible. Derrière son tempérament un peu bourru et sa volonté de faire les choses bien, Alaric souffrait visiblement de la force de ses sentiments, et devait donc forcément leur être soumis en grande part. Non, si elle t était surprise, c’était part le ton de l’homme coupable qu’il avait pris en lui répondant. Comme un homme avouant son crime à son confesseur. Il regrettait profondément cette réalité. De se savoir près à sacrifier des vies qui ne le méritaient pas pour sauver celle d’une personne aimée et pourtant coupable. Il le portait comme une condamnation, comme un pilori d’un bois mental. C’était comme un aveu de son échec en tant que personne, en que quelqu’un de bien. Alors qu’il lui retrounait une question plus douce dans sa forme et dans son fond, se dont elle lui fut intérieurement gré, elle ne put s’empêcher de réagir à la détresse qu’elle avait ressenti en lui.
- Ne te condamne pas trop sévèrement d’être simplement humain Alaric, on ne contrôle ni son cœur, ni les actes que l’on commet pour lui. Ils sont comme le fait de respirer, tout ce qu’on peut y faire c’est le retenir quelques instants avant de s’y soumettre parce qu’on en a besoin. Parce que ça nous rend vivant. Dit-elle en passant aussi à un ton plus familier, validant avec plaisir l’initiative de son interlocuteur. Elle agita les doigts comme pour chasser un insecte, balayant le sujet lourd pour l’âme des deux personnes dans la pièce et poursuivis en répondant finalement à sa question.
- J’ai cru l’être une fois. Mais j’étais surtout naïve et en quête d’une romance comme celle des grands livres. J’ai au moins eu la chance de tomber sur une personne qui n’a pas trouver intéressant d’en profiter. déclara-t-elle d’un sourire mi-amusé, mi-dépité. Elle en disait plus que nécessaire, surtout selon les règles, mais elle appréciait les attentions du garde pour la soulager, et n’avaient pas envie de rendre leur échange informel par soucis d’une victoire toute éphémère. Alors je dirais que non, je n’ai jamais été amoureuse comme toi. Tenta-t-elle simplement pour lui faire entendre que malgré tout elle essayer de comprendre la peine qui l’animait.
Elle posa son coude sur son genou et se rapprocha d’Alaric en posant son menton contre sa paume, ses yeux pétillants d’une malice renouvelée. Elle allait perdre un tour, mais bon, il fallait bien satisfaire sa curiosité même la plus stupide !
- Est-ce vrai qu’Hector et la baronne pouvaient se transformer en ours à la nuit tombée ? On dit en ville que leur hurlement bestial peut être entendu de Sombrebois à Piana !
Le pire c’est qu’elle ne plaisantait qu’à moitié, c’était vraiment l’un de bruits de couloir les plus récurrent qu’on pouvait entendre parmi les nobles. Comme si cette raison abracadabrante rendait leur exclusion plus justifiée et moins arbitraire.
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ? Sam 8 Mai 2021 - 21:49
Alaric frissonna. Il ne pensait pas qu’Eve réagirait à sa réponse, ni à ses paroles muettes, audibles par ses gestes et son comportement. N’être qu’un simple mortel parmi d’autres, il en avait déjà pris conscience. Que les Trois lui pardonnent, des erreurs, il en ferait encore. Il ne cessait d’agir le plus justement possible, mais sa raison lui jouait parfois des tours. D’ordinaire implacable, elle se soumettait de plus en plus à son cœur et à ses sentiments. Il aurait tellement voulu contrôler ses émotions, être capable de faire des choix plus logiques. Mais ces derniers temps, il s’était découvert des traits de caractère qu’il n’avait jamais devinés : on ne devinait jamais comment on réagirait face à des situations extrêmes. Souvent, on s’évaluait mal : c’était tout ce qui lui était arrivé. Il n’aurait jamais cru assassiner des innocents, ni tomber amoureux d’une personne aussi inaccessible que Sydonnie de Rivefière… Mais Eve avait raison : il ne s’était jamais senti aussi vivant qu’à ces instants. Et il voulait revivre ça. L’adrénaline qui coulait dans ses veines, l’exaltation qui lui permettait d’avancer.
- Et toi, arrête de croire que tu n’es pas courageuse, murmura-t-il, en réaction à sa réponse précédente. Aucun lâche ne vient seul à Sombrebois.
Alaric ne savait pas lire, mais il avait une bonne idée des grandes romances des contes que l’on racontait encore, rythmées de luth et autres instruments à corde, au coin d’un bon feu ou dans une taverne animée. Il n’en avait jamais rêvé, parce qu’il ne s’était jamais senti concerné par ces histoires sentimentales. Cependant, il n’avait jamais aspiré qu’à une vie tranquille, une épouse à ses côtés, des enfants s’épanouissant dans les champs qu’il aurait cultivés. Cet idéal était loin, à présent. Eve avait eu de la chance d’être tombée sur quelqu’un qui n’avait pas profité de sa naïveté : ces hommes étaient rares et Alaric pouvait se targuer d’en faire partie. Un pâle sourire étira ses lèvres. Alors je dirais que non, je n’ai jamais été amoureuse comme toi. Pourquoi l’acceptait-il mieux maintenant qu’elle était partie ? Il n’aurait jamais osé se l’avouer lorsqu’elle était toujours là… Sans doute parce qu’il savait que l’idée lui aurait déplu. Pas de promesse, pas d’attache.
Proche de lui, son joli visage posé dans sa paume, Eve avait des yeux pétillant de malice, une curiosité couplée d’un amusement éloquent ancré dans son regard et son sourire. Il comprit à son attitude que la messagère préférait, elle aussi, alléger l’ambiance et le poids de leurs différentes questions. Il lui en fut reconnaissant, même si sa dernière trouvaille le renfrogna. Ou était-elle allée chercher ça ?
- Bien sûr que non, rétorqua-t-il, ses bras croisés sur le torse.
Alaric était à peu près certain qu’Eve ne croyait pas en ces racontars ridicules, mais sans doute devaient-ils existé au sein du peuple de Marbrume. Même si, en y réfléchissant, il discernait la vérité sous-entendue de cette métaphore amusante. Rosen et Hector s’étaient créé une réputation détonante ; le fait qu’elle ne soit qu’une roturière n’avait qu’enjolivé les ouï-dire.
- Hector, il lui manque beaucoup. À moi aussi. Sans lui, je n’aurais jamais quitté Marbrume. Je sais ce qu’on lui reprochait, expliqua-t-il. C’était pas une mauvaise personne. On peut dire ce que l’on veut, mais ils s’aimaient…
Ce qui l’amena à sa nouvelle question.
- Qu’as-tu pensé de leur mariage ? Crois-tu que ce soit idiot, de marier quelqu’un par amour et non pour son rang ?
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ? Sam 8 Mai 2021 - 23:43
Eve pouffa, répondant à sa remarque avec une pointe de reconnaissance dans la voix qu’elle n’assuma pas totalement.
- Sauf si en plus d’être lâche, je suis stupide ! plaisanta-t-elle pour balayer le sujet par un trait d’humour tandis qu’il bougonnait sur le sujet d’Hector. Elle se doutait bien que plaisanter sur le sujet n’était pas la matière favorite du jeune homme. Mais même sa façon de s’offusqué doucement de sa plaisanterie était plus honnête et simple que leurs échanges de la veille.
Sans parler un quelconque instant de confiance, Alaric s’autorisait à être un peu plus lui-même et moins sur la défensive qu’avant. C’était somme toute, tout ce qu’elle souhaitait de cet échange. Que chacun voit l’humain qui se cachait derrière le rôle qu’ils devaient tout deux jouer. Elle appréciait de le voir parler d’Hector, elle avait connu le baron aux nuances barbares et haut en couleur, de par sa réputation et ses actes à la cour, mais Alaric avait fréquenté l’homme. Et visiblement, l’avait apprécié.
Elle prit quelques instants pour réfléchir à la question qu’il lui retourna, le sujet était plus complexe qu’un simple avis sur le oui ou le non de façade. Elle pianota donc du bout des doigts sur son menton, l’air pensive, se retenant difficilement de venir jouer avec sa mèche.
- Est-ce que moi, personnellement en tant que femme, je lui tiens rigueur de cette décision ? Non, si l’homme a pu être heureux et amoureux, grand bien lui fasse. L’amour devrait plus souvent être un moteur qu’un frein. dit-elle d’un ton sincère de femme exprimant son avis sur une situation. Mais…
Son regard se fixa plus intensément sur le capitaine de Sombrebois. Emplit d’une mélancolie liée de détermination. Elle n’aimait pas vraiment l’idée qu’elle allait formuler, sans pour autant pouvoir en rejeter la logique simple. Hector, tout comme moi sommes des nobles. Nous devons être meilleurs que cela. Elle leva sa main libre pour lui demander de patienter, de la laisser finir avant de réagir.
- Je ne te parle pas d’une quelconque supériorité de sang ou de naissance Alaric. Je connais les origines de la plupart des grandes familles, et rare sont celle qui ont commencé bien plus haut qu’une Rosen, même s’ils ont tendance à balayer ces lointaines vérités derrière le bouclier de leur ego. Non.
Elle sourit, d’une manière un peu triste, soulignant une réalité devenue fardeau.
- Nous devons être meilleurs par devoir envers ceux que notre charge nous somme de protéger. Qu’a apporté ce mariage aux Sombreboisiens si ce n’est plus de fardeau à porter ? Oh la baronne n’est pas la seule origine de vos problèmes, je le sais. Mais cela n’a fait que renforcer une situation qui n’avait déjà rien d’enviable pour les sujets d’Hector. N’aurait-il pas mieux valu qu’avec patience et sacrifice celui-ci fasse la cour à une banneret ou une baronne assez proche de la couronne pour atténuer l’hostilité provoquée par sa blessure ? Une femme dont la famille aurait pu permettre à ses sujets de connaître plus vite cette aide que doit aujourd’hui négocier la baronne malgré elle ? A la tête d’un des seuls domaines libre restant hors des murs, il aurait pu améliorer la vie de ses sujets en sacrifiant ego et amour sur l’autel du devoir. Il en avait le pouvoir, au prix d’un grand sacrifice. Il n’en a rien fait. Il n’a pas servi au mieux son peuple, sans pour autant avoir mal agis à l’origine.
Elle conclut.
- “Noblesse oblige”. Connait-on ce dicton à Sombrebois ? C’est de cela que nos titres de nobles découlent à l’origine. Si tu as le pouvoir d’agir sur une situation et d’aider ceux qui doivent être protégés, même au prix d’un sacrifice personnel, c’est ton devoir d’agir. C’est en ce cas que je comprends pourquoi Hector n’aurait pas dû épouser la baronne, malgré leurs sentiments.
Elle dédramatisa quelque peu sa tirade, consciente qu’elle-même avait enfreint ses devoirs de Noble à de nombreuse reprise. Même si, elle l’espérait, ce dicton, guidait la majeure partie de ses actes, même si d’une façon plus détournée que ne l’exigeait l’étiquette liée à son rang.
- Mais comme tu peux le voir, je ne suis pas la mieux placée à ce sujet. Les frasques sont plus mon style que les règles étroites d’esprit de la cour. A moi donc… dit-elle d’une voix tranquille, prise dans le rythme de l’échange.
- Penses-tu que le duc a eu tort de se faire couronner ?
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ? Dim 9 Mai 2021 - 17:42
Alaric n’avait pas vraiment réfléchi à sa question : elle avait coulé de ses lèvres, lien logique avec sa propre introspection. Il avait simplement voulu partager cette discussion avec Eve, parce qu’en tant que femme et en tant que noble, elle avait forcément un avis sur ce mariage insolite. Les doigts fins de la messagère tapotaient son menton, comme s’ils dirigeaient le fil de ses pensées. Au fond, le soldat fut rassuré par les premières paroles de la jeune femme. En soi, il n’était pas surpris : Eve avait dénoté un intérêt certain pour l’Amour avec un grand A, son interprétation et ses conséquences. Le « mais » qui s’ensuivit fit froncer les sourcils du soldat, mais il se contenta de l’écouter jusqu’au bout. Nous devons être meilleurs que cela. Alaric n’était pas certain de ce qu’elle voulait dire, il n’était pas certain de le savoir tout court. Cependant, la mélancolie qu’il avait perçue dans ses yeux clairs et la main qu’elle avait levée, anticipant sa réaction, le persuadèrent de patienter encore un peu.
Étrangement, il comprenait ce qu’elle voulait dire. Non pas qu’il y avait pensé : de par son piètre rang, Alaric n’avait jamais vu les choses sous cet angle. C’était joli sur le papier et il lisait dans les paroles d’Eve qu’elle pensait ce qu’elle lui disait. La vérité, néanmoins, était toute différente : peu de nobles profitaient de leurs rangs pour aider les plus pauvres. En un sens, c’était ce que le soldat avait ressenti, lorsqu’Hector de Sombrebois lui avait proposé de le suivre dans son domaine, lui avait offert le gîte et le couvert ainsi qu’un solde respectable – du moins, au début.
- Ce que tu dis est bien beau… Mais je connais peu de nobles qui agissent comme tu le dis, releva-t-il. La plupart m’a pas l’air très responsable de nous… Je crois…
Il hésita un instant, avant d’ajouter :
- Ce n’est pas une question de devoir, mais une question de regard. Si les autres n’avaient pas vu ce mariage comme une hérésie, alors Sombrebois ne souffrirait pas autant.
Bon, Hector avait commis d’autres frasques que celle d’épouser Rosen et, bien qu’il fût son ami, Alaric n’avait jamais approuvé tous les choix du baron, souvent pris à chaud, impulsifs. Hector avait toujours été un passionné. Un défaut aussi bien qu’une qualité.
Le jeune homme aurait voulu lui demander pourquoi Eve aimait tant jouer avec les risques, pourquoi semblait-elle refuser sa noble condition. Hélas, ce n’était pas à son tour de poser les questions, et, de toute manière, il préférait ne pas trop l’interroger sur ses origines et son nom. Cela faisait partie de leur marché.
La nouvelle épreuve de la messagère était rude. Le duc avait-il eu tort de se faire couronner ? Pour une fois, Alaric avait le sentiment qu’il y avait une « bonne réponse ». Il n’avait pas été présent, lors de son couronnement, mais lorsqu’il l’avait appris, la nouvelle ne l’avait pas déconcerté. Ni dérangé. Il réfléchissait à ce qu’il pensait réellement du nouveau monarque, mais également à ce qu’elle avait laissé sous-entendre, la veille. Qui d’autre que la couronne avait les moyens nécessaires pour aider Sombrebois ? Pour sûr, valait-il mieux annoncer haut et fort sa fidélité au souverain de Marbrume. Une loyauté qu’Alaric avait toujours ressentie, même lorsqu’il avait quitté la milice, encore ducale.
- Je ne pense pas. En devenant roi, il est devenu… Comme un symbole, tu vois ? dit-il, peu sûr que ses propos soient clairs. Le peuple avait besoin de l’unité qu’il renvoie. Marbrume est, pour ainsi dire, seule au monde et il en est l’unique dirigeant. Donc non, je ne pense pas que ce soit une mauvaise idée.
Il marqua une petite pause, lui offrit un regard désolé. Il se sentait dépassé par ce genre de questionnement, il ne pouvait saisir tous les enjeux que cette transformation avait enclenchés.Alaric se sentait si petit.
Quelques rayons du soleil inondèrent de clarté la table de la salle du château. Les cheveux de jais de la jeune femme brillaient d’un rare éclat, sa peau si pâle était baignée d’une lumière qui sublimait ses traits fins, presque juvéniles. Puis, aussi rapidement qu’ils étaient apparus, les rais de l’astre disparurent, cachés par d’épais nuages qui parsemaient le ciel. Pour Sombrebois et la saison, il faisait beau. Le temps était idéal pour une promenade dans les marais ! Eve ne devrait plus traîner. Mieux valait qu’elle profite du temps clément. Alaric soupira et détourna son regard pour fixer la fenêtre. La jeune noble s’apprêtait à effectuer un nouveau périple dangereux et l’idée ne lui plaisait guère.
Il reporta son attention sur ses yeux clairs. Il pouvait bien poser encore une petite question… Il aviserait ensuite.
- J’ai cru comprendre que tu avais commis de nombreuses frasques… Quelle était la pire que tu aies faite ?
Et pour la première fois depuis qu’Eve avait mis les pieds à Sombrebois, elle put reconnaître de l’amusement dans la voix habituellement monotone du soldat.
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Sujet: Re: [Convocation]Un garde qui ne prend pas garde ?