[Convocation]Forger une nouvelle lame

20 Février 1167.

[Convocation]Forger une nouvelle lame - Page 3 Xbrh

Faren observa le dos de sa lame en silence. En effet, Nixeu avait visiblement tapé juste. Beaucoup aurait parut perturbé après autant d’explication sur des mystères si longtemps dissimulé. Mais pas Aeryn qui se contenta d’encaisser, stoïque. Peut-être une légère raideur dans ses gestes qui n’était pas là quelques minutes plus tôt. Aussi forte et seule que sa mère.

- Je ne te demande pas d’être parfaite. Ni moi, ni Judith, ni même Nixeu ne le sommes. Alors si tu me déçois, essaie simplement de t’améliorer. On en est tous là. Et Nixeu n’est peut-être pas très douée avec les autres, mais les cerner c’est son… habitude, dira-t-on. Elle vient parfois à la guilde, pour affaire ou pour discuter. Et je ne doute pas qu’elle serait prête à refaire appel à tes services, si tu te sens d’attaque.

Faren éteignit sa pipe, en écrasant le fond du doigt comme si de rien était, réfléchissant à la demande d’Aeryn. Elle se retourna et lui sourit. Un sourire qui lui allait bien.

- Je doute que ton père soit vivant là dehors, même lui, alors je rejoins ton avis. Mais on n’en serait pas à la première bizarrerie venue. dit-il en haussant ses larges épaules. Il se remit debout sans peine. Je n’ai rien contre discuter à l’occasion, peut-être la prochaine fois ma parleras-tu de toi ? Voilà des années que je serais curieux de connaître. Je suis certain que Pat sera ravi de t’y voir.

Il la salua d’un mouvement de tête et sorti, laissant la jeune femme a ses pensées. Gwen ne reparut pas de la soirée, sans doute occupée aux nombreuses tâches qui semblaient être les siennes. Et après quelques heures, son corps encore fourbu de l’entrainement, la jeune mercenaire fit le choix de se mettre au lit. Elle passa la corde de sécurité autour du loquet et se glissa dans chemise de nuit. Une vieille chemise, qu’elle avait finit par décréter de nuit.

Elle s’allongea, et malgré tout ce qui lui passait par la tête, le sommeil ne tarda pas à la saisir pour l’obliger à plonger profondément dans ses songes. La nuit fut reposante, et le réveil étonnamment agréable. Elle sentait une boule de chaleur agréable contre son buste et passa, dans un demi-sommeil son bras autour pour la serrer contre elle. Elle sentit d’abords sous ses doigts un contact un peu rugueux, comme un tissu mais moins doux, un peu comme du bandage. Puis la petite boule de chaleur se soulevait au rythme d’une respiration lente.

Son esprit s’éveilla alors tout à fait, et la présence agréable devint surtout une présence étrangère, dans son lit ! Tout alla très vite, sa main libre glissa sous son oreiller et saisit le manche de la dague alors qu’elle se redressait en ouvrant les yeux. La forme bondit à bas du lit avec une dextérité surprenante hors de la couverture et roula sur le plancher de la chambre pour se mettre hors de portée du coup.
Aeryn arma son bras, prête à frapper, et découvrit une étrange… personne sur le sol. Pas bien grande, le corps couvert de bandage étroitement serrés, et d’une… tunique ? Une robe ? déchirée et raccommodé tant de fois qu’on peinait à imaginait la coupe d’origine. Une capuche avec une parodie d’oreilles animales avait été cousue maladroitement sur l’ensemble et couvrait la majeure partie d’une tête, bandée elle aussi. La… chose, se frotta la tête et une voix juvénile en sortit.

- Aïe aïe aïe aïe aïe ! Tu n’es pas gentille le matin Rynette ! Pousser les gens du lit comme ça…

La petite… demoiselle, puisqu’il semblait en s’agir d’une, leva ses yeux vers la rousse. Ses pupilles était presque entière dilatée et cerclée d’un bleu vif qui lui donnait un regard presque animal. Les bandages de son visage s’étirèrent, et un joli sourire aux dents blanche apparut. Elle leva vivement la main comme une élève qui veut répondre à une question que personne n’a posé.

- Je suis Lili ! On va passer plein de temps ensemble toutes les deux ! Alors je suis venue dire bonjour en pleine nuit, mais tu dormais ! Alors j’ai attendu, mais moi aussi j’avais sommeil. Alors j’ai dormi aussi. dit-elle d’un ton si détaillé qu’Aeryn comprit sans effort que la jeune fille l’accusé entièrement de la situation et semblait beaucoup sans amuser.

Elle devait avoir quatorze, peut-être quinze ans, vu sa voix et sa petite taille. Elle était pourtant certaine d’avoir verrouiller la porte. Elle regarda le loquet, la corde était décrochée. Lili avait ouvert, était entrée, l’avait regarder dormir, et pire que tout, c’était glissé contre elle sans même qu’elle ne se souvienne d’un mouvement dans son sommeil. Soit elle avait dormi bien plus profondément que toutes les autres nuits de sa vie, soit la jeune fille était plus dangereuse que son ton enfantin ne le laissait paraitre.

- La petite sœur Falindor est passé te déposer un colis cette nuit devant la porte ! dit Lili toute joyeuse en s’étirant comme un chat après la sieste. Son corps semblait intégralement bandé, même sous la tunique. Était-ce une lubie ou… La peau autour de ses yeux semblait légèrement boursouflée, mais avait était noircie à la suie, et la mercenaire n’était pas certaine de ne pas imaginer les détails. Je l’ai mis sur la table ! continua-t-elle fièrement.

En effet sur la table était posé une toile cirée repliée autour de quelques choses et ficelé. Surement ses vêtements. Le porte-plume avait fait beaucoup d’effort, mais la situation était si aberrante qu’il était difficile d’y penser. Pour rajouter à l’aspect étrange, Lili bondit à quatre pattes et fila vers la table a une vitesse impressionnante et sans même faire ne serait-ce que grincer une latte. Alors qu’elle se hissait sur une chaise, l’image d’un rat des champs ou d’un furet s’imposa à la mercenaire.

- C’est quoi Rynette, c’est quoi ? demanda avec empressement la jeune fille en appuyant sur le paquet du bout du doigt.

HRP:

Évidemment que son père était mort, sans doute depuis longtemps maintenant. D'ailleurs, dans ses cauchemars les plus effrayants, la rouquine rêvait d'une créature à la peau luisante et aux crocs aiguisés arborant les traits de son père et surtout son imposante carrure. Quand elle fermait les yeux, Aeryn pouvait même l'entendre pousser ce hurlement des plus caractéristiques tant il fut redouté. Ce rugissement étrange et trop aigu qui venait des tripes de ces monstres et qui signait votre arrêt de mort lorsque vous vous trouviez à l'extérieur de la cité. Combien de fois s'était-elle imaginée se retrouver face à cette créature-là en particulier ? Combien de fois l'avait-elle vu déchiqueter ses chairs en songes avant de se réveiller en hurlant. Rodrick avait tant souhaité sa mort de son vivant, alors comment ne pas imaginer que ce fut-ce encore le cas à présent ?

Le regard de la mercenaire semblait s'être perdu quelque part, sans doute bien loin de cette chambre devenue silencieuse après le départ du maître-lame. Les sombres images de Rodrick laissées de côté, Aeryn songea à ses frères. Depuis combien de temps étaient-ils partis à présent ? Un mois ? Un peu plus ? Le temps lui parut bien long. Jamais auparavant ils ne l'avaient laissée seule aussi longtemps . Pourtant, la rouquine refusait de songer à leur mort. C'était impossible… Pas Kaël et Ivaad, ces forces de la nature, ces guerriers réfléchis si habitués au monde extérieur qu'ils auraient pu y vivre indéfiniment… Même si cette éventualité lui paraissait des plus stupides.

La fatigue de la journée ajoutée à celle accumulée depuis de longues semaines, finit par avoir raison de la mercenaire qui décida même de se passer du repas du soir pour se coucher tôt. Cette nuit-là, elle rêva de Finn, chose particulièrement étrange puisqu'elle n'avait plus pensé à lui depuis des semaines. Aeryn aurait pu en être étonnée d'ailleurs, si elle en avait eu conscience puisqu'à son réveil toute image du mercenaire aux cheveux blonds avait disparu et il ne lui restait plus qu'une atroce impression d'intrusion. Ce qui n'était pas qu'une impression d'ailleurs.

- C'est quoi ce bordel ?! gronda-t-elle de sa voix d'éveil encore bien rauque lorsqu'elle découvrit l'étrange créature qui venait de bondir hors de son lit.

Elle avisa l'intruse d'un regard sévère à peine troublé par la surprise de la trouver là. La chose parlait et venait même de l'affubler du surnom le plus stupide qu'il lui avait été donné d'entendre au cours de son existence : Rynette… Comment ne pas songer à l'une de ces minuscules grenouilles des bois en entendant cela ?

-J'en ai rien à foutre de qui tu es là, tout de suite. On ne s'introduit pas chez les autres en pleine nuit et on ne s'allonge pas dans leur lit. Tu as eu de la chance que je ne te tue pas, idiote !

Non, ce n'était clairement pas de la chance. La gamine s'était présentée comme étant Lili, l'autre femme de son unité. Alors soit les Falindor s'étaient tous deux moqués d'elle en la plaçant dans le groupe des fous suicidaires, soit cette gamine était plus forte que son allure étrange laissait paraître. Il suffit donc à Aeryn de se souvenir des mouvements de la créature pour comprendre qu'il ne pouvait s'agir que d'un subtile mélange des deux, ce qui n'avait vraiment rien de rassurant pour la rouquine.

-Merci, lui dit-elle en se relevant après que Lili ait évoqué le paquet laissé par Gwen et qui se trouvait à présent sur la table.

Ce dernier semblait d'ailleurs attirer toute l'attention de la momie ambulante qui se déplaçait comme un animal… Aeryn soupira bruyamment en se dirigeant vers la porte qu'elle ouvrit simplement avant de grogner :

-Dégage.

La gamine pouvait bien essayer de répliquer, le ton de la mercenaire était sans appel. Pour l'heure Aeryn se contenait encore simplement parce que Lili faisait à présent partie de son entourage proche. Pour autant, elle restait une inconnue. Une inconnue intrusive ce que la rouquine peinait à supporter.

-Sors d'ici.

20 Février 1167.

L’étrange jeune fille nommé Lili ne sembla pas s’offusquer du ton froid et retenu de la guerrière, à vrai dire elle sembla à peine le remarquer, occupé qu’elle était à observé le paquet. Mais quand la rouquine répéta son injonction, elle se laissa tomber de sa chaise et glissa devant Aeryn comme une ombre, partant dans le couloir en trottinant bizarrement.
Ses pas, pourtant ample, ne firent pas un bruit sur le plancher pourtant soumis aux grincements caractéristique. La guerrière du tendre l’oreille pour entendre le tissu de sa tunique froisser légèrement l’air. Si elle n’était pas entrain d’observer son dos s’éloignant dans le couloir, elle n’aurait certainement pas eu conscience de sa présence. Arrivée au bout, elle se tourna vers elle et agita haut la main pour lui dire au revoir.

- T’es méchante le matin Rynette, mais Lili t’aime bien ! dit-elle guillerette avant de dévaler l’escalier nettement moins silencieusement en riant, laissant la rouquine à sa colère heureusement contrôlée.

***

Quand Aeryn arriva sur le terrain d’entrainement en début d’après-midi, il ne fut pas difficile repérer le carré un peu décentré où s’entrainait son équipe. Pas tant à cause de sa vision perçant la foule qu’à la très peu discrète Lili qui sautillait en agitant les bras pour qu’elle la voit, comme si elles étaient les meilleures amies du monde.
Alors qu’elle s’approchait, un claquement de langue fit cesser la jeune fille qui baissa les yeux et noua ses mains dans son dos comme prise en faute. A coté d’elle surveillant les échanges dans le carré, se tenait un homme au torse large entièrement équipé d’une armure mêlant plaque et cuir bouilli lui offrant plus de souplesse qu’un chevalier, mais sans être qualifié de protection légère. Ses cheveux roux voleté dans le vent et ses yeux, ou plutôt son œil, puisque l’autre était d’un blanc laiteux et entouré d’une vilaine balafre, surveillait avec précision le combat qui se déroulait devant lui.

Un homme bondissait en tout sens pour éviter les coups d’épée dévastateur de son adversaire, des balayages qui soulevaient de la terre autant qu’ils battaient l’air. Les deux styles étaient radicalement différents. L’un en souplesse l’autre en puissance brute, et pourtant économe de tout mouvement superflu.
Aeryn vint se positionner à coté de son nouveau chef, que ce soit pour attirer son attention ou observer le duel, mais celui-ci leva la main, et le combat cessa aussi tôt. Tout le monde se tourna vers la nouvelle venue.

- Je vous présente la nouvelle membre de notre petite meute, Aeryn. dit le rouquin en lui tendant la main. Je suis Pat. Voilà Braan, Corin, et tu connais déjà Lili si je ne me trompe pas.

Le dénommé Braan, celui tout en souplesse planta son épée de bois dans le sol et vint la saluer à son tour avec un grand sourire qui malgré son aspect enjôleur, semblait sincère.

- Bienvenue parmi nous.

L’autre homme lui accorda un hochement de tête sec, mais ne s’avança pas. En réalité, il semblait à peine conscient de la situation, son visage peint d’une croix rouge, il semblait regarder derrière eux, les yeux exorbités comme si une menace intangible s’approchait et que seul lui pouvait la voir. Malgré sa conviction que rien ne se tenait derrière eux, Aeryn du faire un petit effort pour ne pas jeter un coup d’œil par-dessus son épaule.

Lili trépignait d’un pied sur l’autre, mal l’aise et vint se poster devant la mercenaire sans la regarder des les yeux, fixant obstinément le sol entre elles.

- Je suis désolée d’être entrée dans ta chambre, et je promets que je ne recommencerais plus. dit-elle comme une enfant qui a appris une excuse pour ne pas se tromper.

Elle glissa un regard en coin à Pat qui hocha la tête et alla s’installer d’un pas moribond, accroupie sur un des rondins qui formait le carré. Corin et Braan s’éloignèrent boire de l’eau, la laissant plus ou moins discrètement seule avec son nouveau chef de groupe.

- J’aurais dû prévoir qu’elle ferait quelque chose de stupide comme ça. Commença le guerrier en lissant ses cheveux qui repartirent en bataille immédiatement. Lili est toujours… compliquée à gérer, mais depuis qu’on a perdu Kéva, elle est intenable. Aussi bizarre que ça puisse paraître, pour elle, c’était vraiment un moyen de se rapprocher de toi. Je ne dis pas ça pour l’excuser, juste pour que tu comprennes un peu le personnage. Elle ne recommencera pas.

Un sourire apparut sur son visage épais, et celui-ci lui allait étonnamment bien vu son air de gros dur.

- Pas comme ça en tout cas. Mais je te conseille de rester prudente, elle t’aime bien j’ai l’impression, et on n’est pas à l’abri d’autre bizarrerie du genre. Evite juste de la tuer. plaisanta-t-il faute de mieux. Mais j’ai besoin que vous sachiez fonctionner ensemble, même si elle t’horripile. Prend des armes d’entrainement, affrontement en duo.

HRP:

Le réveil de la rouquine fut éprouvant. Aeryn détestait cruellement ce genre de surprise plus particulièrement lorsqu'elle se trouvait aussi vulnérable. Une fois que l'étrange gamine fut partie, la mercenaire vérifia de nouveau la porte et plaça même une chaise sous la poignée comme pour s'assurer d'une protection supplémentaire. Ceci fait, elle s'accroupit à même le sol passant une main lasse sur son front. Lili ne s'en était visiblement pas rendue compte, mais Aeryn aurait pu la tuer. Elle l'avait même désiré ardemment tant sa surprise fut importante. Le sommeil de la rouquine n'était jamais aussi paisible. Généralement, celui-ci se voyait même peuplé de cauchemars apportant chaque fois leur lot de stress et d'effroi. Ce fut probablement pour cela que Ryn avait pu se retenir cette fois. Elle avait dormi du sommeil du juste et ne se sentait point aussi énervée qu'à l'accoutumée. Mais que serait-il advenu de la gamine si tel n'avait point été le cas ? Mieux valait donc pour elle de s'assurer qu'une telle situation ne se reproduise plus …

*****

Comme convenu la veille, Aeryn rejoignit sa nouvelle unité. Le petit groupe s'entraînait à l'écart dans un carré d'où s'échappait un épais nuage de poussière. "Ils n'y vont pas de main morte," se dit-elle en s'approchant de celui qui semblait être leur chef. L'homme la salua avant de faire de rapides présentations en guise d'accueil.

-Merci, rétorqua-t-elle simplement, ne sachant qu'ajouter de plus.

Elle observa tour à tour ces nouveaux visages avant de leur adresser un léger salut à chacun. Quel étrange rassemblement… Entre Lili et son comportement plus qu'original et l'homme au regard particulier, Ryn se demandait clairement ce qu'elle fichait là et à quel point le certain Corin pouvait être bizarre lui aussi. Qu'avait vu Judith en elle pour lui choisir cette unité en particulier ? Pourrait-elle réellement trouver sa place parmi eux ? Par habitude, Aeryn en doutait...

La petite Lili, toute penaude, vint ensuite lui présenter ses excuses pour son comportement du matin. Elle semblait sincère même si toujours aussi instable. Avait-elle été réprimandé pour cela ?

- C'est bon… Je ne t'en veux pas. Mais ne recommence plus, il serait dommage que je te blesse par mégarde, lui répondit-elle en s'efforçant de lui offrir un sourire rassurant.

La gamine s'éloigna pour aller se placer à l'écart… Elle semblait bien jeune pour se battre, beaucoup trop, même pour la rouquine à qui l'on avait pourtant placé dans ses mains sa première véritable épée lorsqu'elle n'avait que dix ans. A ses yeux, les enfants ne devaient pas avoir à se battre, ils devraient profiter et savourer le moindre petit instant d'insouciance et ne pas avoir à tuer pour survivre.

Pat profita de l'éloignement de la petite chatte pour donner quelques informations pouvant justifier son comportement étrange. Il évoqua une personne qui, selon ses propos, devait être morte… Lili devait s'être profondément attachée à cette personne, peut-être l'avait-elle même prise pour modèle… Il était donc fort possible que la gamine tente une approche avec Aeryn - certes très spéciale - dans l'espoir de retrouver ce qu'elle avait perdu avec le décès de cette Kéva… Ou ce Kéva ? Peu importe. Aeryn n'était pas cette personne, elle n'avait rien d'un modèle et n'était pas assez stable pour être seulement rassurante. Cette pauvre Lili risquait donc d'être déçue de ne pas trouver en la rouquine une Kéva de substitution.

-Je ne peux rien vous promettre, rétorqua Aeryn en affichant un sourire plus carnassier que réellement amical. Mais je sais faire la part des choses, je n'en suis pas à ma première compagnie… Je ne suis pas une débutante non plus. Vous n'avez donc pas de soucis à vous faire pour cela.

Lorsqu'il lui demanda de se saisir d'une arme d'entraînement, Aeryn obtempéra sans discuter et attrapa une épée courte. Son choix ne devait pourtant rien au hasard puisqu'elle se basait uniquement aux armes de ses adversaires dont la portée - plus importante que ses dagues adorées - nécessitait une certaine équivalence. Comme à son habitude, la rouquine la fit tournoyer dans sa main droite afin de jauger de son poids, son équilibre et surtout pour s'y habituer. Satisfaite, la mercenaire pénétra dans le carré et invita Lili à la rejoindre. Aeryn aurait pu très bien ne pas la prendre au sérieux la jugeant bêtement sur sa taille ou seulement sur son apparence fluette. Mais la mercenaire était malgré tout suffisamment bien placée pour savoir qu'il ne fallait jamais se fier aux apparences souvent bien trompeuses. Pour autant, la finesse de la gamine, sa manière de se mouvoir assuraient une preuve certaine de son agilité. Cela aussi, Aeryn l'avait pris en compte lorsqu'il lui fallut choisir son arme. Pour combattre ensemble, il fallait être complémentaire et même si ce premier combat faisait office de galop d'essai il fallait malgré tout essayer d'anticiper un maximum.

Répondant à l'invitation de son aînée, la petite créature au corps entièrement recouvert de bandages vint la rejoindre dans le carré. Ryn ne fut nullement surprise de la voir se saisir d'un stylet, une arme qui lui ressemblait tant qu'elle ne pouvait que lui aller comme un gant. Le signal donné, le combat commença en douceur. Tous se jaugeaient, se testaient comme pour tenter d'anticiper les coups suivants. Mais, rapidement, les coups s'intensifièrent. Chacun des combattants présents jouaient tantôt de leur force, tantôt de leur vivacité au point de donner des airs de ballet à cet entraînement qu'Aeryn semblait trouver aussi amusant que vivifiant. Si la gamine à son côté jouait de malice pour esquiver avant de riposter vivement donnant ainsi l'image d'un furet rapide et agile, la rouquine ressemblait bien plus à un chat. Elle réfléchissait vite, réussissait à prévoir la prochaine attaque pour mieux l'appréhender. Naturellement, Lili et elles réussirent à s'accorder suffisamment pour ne jamais se fixer sur un seul adversaire. Elles dansaient, interchangeaient leur place avec une aisance déconcertante pour tous les spectateurs ayant laissé leur repas de côté pour observer l'entraînement de l'équipe de Pat.

20 Février 1167.

Ce premier entrainement en groupe permit vite à la jeune mercenaire de jauger ses nouveaux partenaires, ou du moins leur capacité respective au combat. Braan, bien qu’il sache se servir de son épée courte, ne semblait pas vraiment à l’aise au corps à corps et comptait bien plus sur son esprit que sur son bras pour passer sa garde. Il s’offrait juste assez pour qu’on tente de l’attaquer tout en s’assurant de la présence de son partenaire non loin, et se désister de l’affrontement lorsque Corin, bien plus frontal, se lançait à la charge. Alors il attendait de bonnes opportunités pour frapper par de longs estocs. En face à face, elle n’aurait eu aucun mal à s’en débarrasser.

De son coté, le guerrier au regard un peu fou était, de base, bien plus dangereux. Ses coups de tailles semblaient aptes à vous trancher en deux, et il n’était pas rare que Aeryn doivent caler le plat de sa main sur celui de sa lame pour en stopper un quand elle ne pouvait ni esquiver ni dévier. Il était économe et plein de force. Mais heureusement un peu impatient. Il avait besoin de conflit et avait rarement l’intelligence d’attendre son moment et de profiter d’une ouverture, il préférait la créer lui-même. Ce qui pour une guerrière entrainée comme elle lui offrait plusieurs angles d’attaque. Elle n’aurait pas été certaine de l’emporter contre lui seule, mais sans aucun doute en serait-il sorti gravement blesser, même si elle devait trépasser sous un de ses coups brutaux. Si ça n’avait été l’inverse.

Lili était… Lili. Son style était si étrange qu’on en venait à se demander si elle en avait un. Quand elle ne roulait ou ne sautillait pas en tout sens, elle se tenait accroupie, une main posée au sol, l’autre tenant son arme et ondulant comme un serpent. Mais ses attaques ressemblaient un peu plus aux coups de queues d’un scorpion, spontané et rapide.
Elle n’échangeait pas de passe d’arme comme eux, ne prenait pas de position défensive, évitait chaque coup avec des gestes qui semblaient gauche et maladroit au premier abord. Mais il ne fallut que quelques minutes à sa partenaire pour se rendre compte de la dangerosité de la jeune fille. Lili n’était pas une combattante, c’était une tueuse.

Chaque coup qu’elle portait, s’il ne semblait pas décisif à première vue, étaient en réalité fait pour éliminer son opposant, mais pas comme l’aurait fait un guerrier près à vous décapiter ou à vous transpercer de part en part. Non, pour elle, un coup bien porté au foie ou à la hanche pour toucher une artère suffisait, elle ne te tuait pas sur le coup lui-même, mais même en survivant au combat ou en l’abattant, une telle blessure t’emporterait facilement dans la tombe en quelques minutes. C’était sale, indigne d’une certaine façon, mais sacrément efficace. Si son arme n’avait pas été de bois, leurs deux adversaires seraient déjà en train de se vider de leur sang par les coups qu’elle avait porté chaque fois que Aeryn lui avait ouvert une brèche. C’était étrange à reconnaître mais ce « style » peu honorable, se mariait étonnamment bien à son propre talent.

Cela finit d’ailleurs visiblement par agacer Corin qui devait sentir les nombreux bleus douloureux de leurs coups respectifs. Son regard se fit plus sombre et colérique et il se fendit brutalement, interceptant Lili en plein bond d’un coup horizontal dont elle parvint tout juste à réduire la puissance en positionnant sa lame sur la trajectoire. Ce qui ne l’empêcha pas de voler sur deux bons mètres et de rouler au sol jusqu’au bords du carré sous les yeux des curieux.
Pat frappa dans ses mains et les échanges cessèrent immédiatement, Braan et Aeryn, bien plus maître d’eux que leur compère sauta d’un pas en arrière, séparant leurs lames. Ce dernier la salua d’un signe de tête en se massant l’épaule, visiblement impressionné et conscient de leur différence de niveau. Alors qu’on aurait pu la croire assommée la seconde d’avant, Lili bondit sur ses pieds avec un grand sourire dont le blanc était quelque peu tâché de sang.

- Tu as vu Rynette ! On l’a mis en colère à force de le battre ! clama-t-elle moqueuse en pointant Corin du doigt, qui se renfrogna. Pat intervint.

- On recommence, Lili et Corin contre Aeryn et Braan. lança-t-il d’une voix autoritaire qui mit fin à toute idées de querelle.

Ainsi se poursuivit la première après-midi de Aeryn au sein de sa nouvelle « meute ». Elle gouta désagréablement aux coups douloureusement placés de Lili, mais lui fit aussi comprendre de nombreuses fois qu’elle paierait ses tentatives, n’étant pas aussi lente et orgueilleuse que Corin et consciente de la dangerosité de l’étrange jeune fille.
Braan était un compagnon certes moins capable, mais réfléchit et qui savait lui offrir de bonnes opportunités. Ils tournèrent encore une fois, et elle se retrouva logiquement avec Corin. Ils firent un duo dangereux. Et emportèrent cette manche sans vraiment d’effort, mais Aeryn, comme Pat sans doute, eut vite conscience qu’ils étaient moins efficaces, juste plus fort. En réalité, s’ils se battaient côte à côte, ils ne se battaient pas « ensemble ». Chacun faisait sa petite affaire, et seuls leurs plus grands talents respectifs leur permettaient de l’emporter. Avec Lili, elle aurait pu affronter un adversaire plus doué qu’elle voir un duo dangereux, et avec Braan elle n’aurait pas eu à surveiller son dos pour éviter un coup que son compagnon n’aurait pas voulu dévier. Pat mit une dernière fois fin à l’échange.

- Bien, ça demandera un peu de travail, mais il y a du potentiel. Demain même heure pour tous, nous verrons comment améliorer cela. Aeryn, il faut que je te parle une seconde. dit-il en autorisant d’un geste le groupe à se séparer.

Corin ne se fit pas prier et parti sans un regard, au contraire de Lili qui s’éloigna dans la cour sans la lâcher des yeux. Braan se contentant de les saluer avant de s’éloigner vers la zone dédiée aux arcs, visiblement heureux de retrouver son domaine de prédilection. Le grand rouquin l’observa des pieds à la tête d’un œil mêlant satisfaction et critique.

- Je suis content qu’on me propose une candidate valable cette fois. Si tu es plus à l’aise avec une autre arme, il faudra que je voie ce que ça donne. Tu ne m’as pas semblé à ton plein savoir-faire, mais c’était un bon choix. La furie de Ve… il grogna pour s’interrompre lui-même.

- La maître-lame Judith. se corrigea-t-il pour respecter l’étiquette. S’entraîne ici une heure avant l’aube trois fois par semaines, sa prochaine séance est demain. Elle a émis l’idée que tu pourrais bien vouloir y participer. Ce qui ne te privera pas de nos entrainements de groupe, peu importe ton état, donc à toi de voir. Mais il est rare qu’elle accepte de la compagnie… sauf si tu as des questions, tu peux y aller.

HRP:

L'entraînement fut grandement enrichissant pour Aeryn. Chaque mouvement de ses partenaires, chaque regard lui apprirent beaucoup sur tous ces gens qui allaient graviter autour d'elle à compter de ce jour-là. Ainsi, elle réalisa la dangerosité de la jeune Lili, dont les attaques, toujours bien placées, étaient presque impossibles à prévoir. Corin était brutal, agressif… Peut-être réfléchis mais elle sentait que les coups qu'il pouvaient portés n'étaient guidés que par sa haine et sa colère. Elle-même se battait comme cela par moment, lorsqu'elle se trouvait face à des fanatiques, simplement parce que sa haine à leur égard faisait tout disparaître autour. Mais cela n'était pas valable tout le temps. Aeryn avait appris à faire la part des choses sans doute grâce à son expérience acquise bien avant la fange. Ou pas… Braan, même s'il se débrouillait plutôt bien, ne semblait pas réellement à l'aise avec un combat au corps à corps. Cela se voyait comme le nez au milieu de la figure bien qu'il faisait visiblement de son mieux. Un archer, sans nul doute. Sa manière de combattre lui rappelait tant son frère Elwin qu'elle ne put s'empêcher de sourire. C'était un excellent appuis en combat, tout comme Lili à bien des égards… Mais elle se méfierait probablement de Corin un moment.

Pat annonça la fin de la cession, chacun d'eux furent libérés pour l'instant. Aeryn ne put retenir un sourire en voyant Braan se diriger à grand pas vers les carrés de tir. Le chef de meute la félicita avant de lui demander si elle était plus à l'aise avec une autre arme que l'épée.

-J'ai en effet une certaine préférence pour les dagues, mais je connais leur limite. L'épée, même courte, m'assure une meilleure portée… J'essaie toujours de m'améliorer, rétorqua-t-elle simplement.

L'idée de pouvoir s'entraîner avec la maître-lame en parallèle sembla lui plaire. Pat dû s'en apercevoir en voyant quelques petites lueurs illuminer le regard de la rouquine lorsqu'il évoqua cette possibilité.

-Je peux le faire! s'écria-t-elle avec une certaine assurance enjouée. Je peux faire les deux.

Elle était sûre d'elle en disant cela. Après tout, son père n'avait pas été tendre avec elle lors de ses entraînements. Même couverte de bleus, les muscles courbaturés, Aeryn n'avait jamais manqué le moindre entraînement de toute sa vie. Il n'y avait aucune raison que cela change.

N'ayant point de question, Aeryn s'éloigna à son tour pour entamer ce qui deviendrait sa nouvelle routine parmi les Lames du Morgestanc.