Sujet: [Convocation]Le destin de toutes vies Dim 19 Sep 2021 - 22:00
10 Avril 1167.
Existe-t-il plus belle chose qu’une nature libre d’entrave et de vivre pleinement son expansion ? Milliers sont les œuvres et artistes ayant tenté de dépeindre cette vision au cours des siècles, et ce depuis l’aube de notre temps, si ce n’est avant. Et pourtant jamais l’un d’entre eux n’a pu saisir plus qu’un instant, une image trompeuse de sa vision, un mensonge immobile d’une vérité inarrêtable.
La lutte du bourgeon jaillissant de de la tige pour atteindre l’apogée de la beauté et s’offrir à une mort rapide. Une cruelle destinée qui donne pourtant tout sa magnificence à sa lutte. Une vie qui commence en ayant conscience de sa fin inéluctable, faisant de la mort sa compagne, son aboutissement, et sa valeur. Quelle plaie que l’humanité n’est su se contenter de cette merveille, n’est su accepter la dureté de son destin pour en embrasser la beauté.
Un doux vent printanier faisait se mouvoir avec une lenteur poétique les feuillages de la forêt, comme une mer agitée de vague. Les hauts pics déchiraient au loin une couche nuageuse qui allait en s’épaississant, annonçant un orage prochain. Dans un jour, peut-être deux. Mais aucune inquiétude n’était à se faire. Comme toute tempête, peu importe les dégâts qu’elle causerait, elle laisserait sa place à un temps plus clément, apte au renouveau.
La voix alerta le capitaine de Sombrebois bien avant qu’il ne puisse voir quoi que ce soit au détour de l’imposant virage feuillu qui entravé sa vision. L’homme qui s’en revenait d’un fatiguant voyage loin de sa demeure ne put qu’hésiter à brandir son arc. Un chant n’était pas une menace parmi les hommes, à l’origine. Mais de tels temps étaient révolu et aujourd’hui tout ce qui sortait de l’ordinaire dans les bois prenaient une teinte lugubre pour le voyageur. Mais les notes, bien que mélancoliques, étaient d’une certaine beauté. Le jeune homme blessé s’agita sur la selle de la monture, mal à l’aise sans doute lui aussi. Et Alaric sut qu’il n’avait pas d’autres choix que d’avancer. Il n’allait pas fuir parce qu’une femme chantait. Les paroles devinrent plus claires à mesure qu’il se rapprochait du tournant.
Adieu A tous ces vestiges Plus de fardeaux Plus de dettes à payer
Anür Peut reposer ses vieux os Le poids du monde S’effondre Avec le temps
Au revoir A tous les plans qu'on a faits Plus de contrats Je suis libre de mes actes
Plus de famine Plus de sommeil excepter des rêves Doux et chauds En sécurité Calme
Bon débarras A tous les voleurs A tous les imbéciles qui m'ont étouffée Ils sont venus comme ils sont partis Sans même me regarder Bon débarras A tous
Enfin il la vit, percher sur un immense rocher plus haut et large qu’une charrette, qui obligeait la route terreuse à le contourner. Elle était presque entièrement dissimulée sous une cape dont l’ample capuche rabattue sur son visage si pleinement et profondément que ses traits étaient difficilement discernables à l’exception d’un menton délicat à la peau légèrement hâlé de même que ses mains indiquant de nombreuses heures passées au soleil, régulièrement.
Elle semblait être occupée à sculpter le manche d’un solide bâton de marche avec une petite lame qui aurait déjà eu bien du mal à inquiéter un rat. Elle cessa de chanter à l’instant même où Alaric franchit le dernier arbre l’empêchant de la voir. Elle ne s’était pourtant pas arrêter au milieu d’une phrase, ni s’être interrompue brutalement, juste comme si elle avait fini sa chanson pile à cet instant.
Elle ne releva pas les yeux pour les regarder approcher, elle aurait pu tout aussi bien na pas avoir conscience de leurs présence concentrée qu’elle était sur son ouvrage. Pourtant Alaric eu l’impression qu’elle l’observait, l’étudiait. Il n’y avait rien de menaçant dans cette sensation. Elle était simplement omniprésente, comme l’air qu’il respirait. Ils finirent par atteindre la base de l’immense rocher. Elle souffla doucement sur son œuvre et un fin nuage de copeaux et de poussière s’éleva dans l’air et fut emporter par un courant qui les entraina au loin par-delà la canopée. La femme prit la parole.
- Lourd est le fardeau de celui qui croit pouvoir porter le monde. Commença-t-elle, comme une professeure citant un poète mémorable. Un bien triste constat n’est-il pas ? Seriez-vous par hasard en route pour Sombrebois messires ? Pourrais-je donc vous accompagner en ce cas ? La route est dangereuse pour une femme seule parait-il.
Elle inclina la tête dans sa capuche, sans pour autant tourner celle-ci vers eux. Pourtant Alaric sentit le jeune homme derrière lui frémir de tout son corps comme si un vent froid venait de remonter son échine.
- Hmm, je tâcherais de ne pas vous ralentir. Ajouta-t-elle finalement en bougeant à nouveau la tête.
HRP:
Bienvenue dans cette convocation @Alaric, un risque possible comme pour chaque sortie hors des murs. Voici une interprétation de la chanson que j'ai traduit et inclus dans le rp, pour te faire une idée du style et de la voix du personnage. Bon jeu.
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Mar 21 Sep 2021 - 19:59
Une brise légère caressait la peau d’Alaric, tandis qu’il progressait dans les marais. Il appréciait la douce chaleur du printemps qui revigorait aussi bien la nature que ses muscles. Cependant, il avait observé que le vent transportait avec lui quelques nuages qui, bientôt, s’amasseraient au-dessus du duché, accompagnés de lourdes averses, d’éclairs inquiétants et de grondements dignes des dieux. Qu'importe : il serait arrivé à destination d'ici là.
— Tu vois, le ciel change, souffla-t-il à Isaac.
Le garçon n’avait pas dit un mot depuis leur départ de Balazuc, dans la matinée. Blessé à la jambe – la flèche d’Alaric ne l'avait pas loupé – il se laissait porter par Bravoce, dans une position qui, malgré son confort précaire, lui soutirait une grimace de temps à autre. Les premiers soins lui avaient été administrés et, même si la blessure restait bénigne, il faudrait lui en prodiguer d’autres lorsqu’ils parviendraient à Sombrebois.
— À Sombrebois, on dit “Vent d'ouest, nuit aride ; vent d'est, nuit humide”, ajouta-t-il d’un ton plus enjoué.
Il entendait encore Hector répéter ce dicton avant de rire aux éclats. Un pincement au cœur se manifesta dans sa poitrine, mais étrangement, il ne s’agissait plus d’un sentiment douloureux. Une piqûre de rappel qui évoquait les bons souvenirs qu’il avait partagé avec le baron ; des images qu’il avait envie de conserver, que seule sa mémoire affaiblie par l’âge pourrait lui dérober.
— Tu découvriras tout ça quand on sera arrivés. Nous n’en sommes plus très loin. — Je préférerais apprendre à tirer à l’arc, bougonna l’enfant, une moue renfrognée sur le visage.
Alaric lui sourit ; il était enfin parvenu à lui soutirer plus que des soupirs excédés ou fatigués. Il s’apprêtait à lui répondre qu’il se ferait une joie de lui enseigner les bases de la discipline qu’il chérissait tant, lorsque les premières notes parvinrent à ses oreilles. Aussitôt, il s’arrêta et raffermit sa prise sur la bride de sa monture. Il tapota les flancs de Bravoce qui lui rétorqua un renâclement agacé, avant d’attraper son arc et d’ouvrir son carquois, lassé à sa cuisse. Le hongre pouvait râler, le soldat savait qu’il ne tenterait pas de fuir ou de rebrousser chemin. Si Bravoce avait bien envie d’une chose, c’était de poser ses jambes dans les écuries du bourg et de se goinfrer de foin.
Il lut de l'inquiétude dans les yeux d'Isaac et lui intima de se taire d’un regard appuyé. Les hauts pins lui barraient la vue ; il détestait se sentir aussi démuni face à l’inconnu. Pour autant, une voix mélodieuse n’était, en général, pas une source de problèmes. Mais dans les marais, Alaric se méfiait de tout. De tout et de tout le monde.
Le soldat ne connaissait pas les paroles du chant, ce qui ne l’empêcha pas d’en apprécier les intonations nostalgiques ainsi que la clarté de la voix. C'était comme si les marais reprenaient quelques couleurs, comme s’ils perdaient de cette aura de noirceur, pour devenir plus mystérieux et pourtant moins dangereux. À moins que ce ne soit qu’un simple effet des rayons du soleil qui s'infiltraient entre les arbres et dissipaient l’humidité de la terre ?
Alaric n’en oublia pas l’arme qu’il maintenait contre lui, une flèche encochée. Une fois le dernier arbre contourné, il aperçut la source de la mélopée : assise sur une haute pierre, encapuchonnée, le visage caché dans l’ombre, l’inconnue – car il s’agissait bel et bien d’une femme – achevait son œuvre de sa voix cristalline. Sur ses gardes, le soldat s’avança, Bravoce sur les talons. Même la monture avait cessé ses plaintes, aussi préoccupée par cette nouvelle présence que ses deux compagnons. D'une voix tout aussi harmonieuse, elle énonça un proverbe, avant de s’adresser au garde de Sombrebois, pas tracassée le moins du monde par l’arc qu’il tenait en main. La présence de cette femme le mettait mal à l’aise. Un frisson remonta le long de son échine ; son instinct lui soufflait de se méfier. Elle dégageait quelque chose d’insaisissable, comme si elle n’était qu’une silhouette dont il ne percevait que les contours. Ce qui, pour l'heure, était sensiblement le cas.
— Dangereux pour tout le monde, confirma-t-il.
Alaric tâcha de reprendre ses esprits, de mettre de côté le sentiment étrange qui l’avait enveloppé lorsqu’il avait posé les yeux sur elle. Le soldat ne comptait pas se laisser décontenancer par de jolies ritournelles. Un gémissement s’échappa des lèvres d’Isaac ; Alaric se retourna et lui offrit un sourire qui se voulait rassurant. Pour un peu, et il était presque en train de regretter que l’enfant l’ait accompagné... Et si Aeryn apprenait qu’il lui était arrivé quelque chose... Pourtant, rien n’indiquait que la chanteuse leur voulait du mal. Fais attention sur la route, d’accord ? Je t’aime. Il réprima une grimace et tendit une main vers elle afin de l’aider à descendre, le trait rangé dans son carquois.
— Vous pouvez, concéda-t-il, mais j’aimerais d'abord voir votre visage et vos avant-bras, ajouta-t-il, alors qu’il attendait qu’elle glisse ses doigts fins entre les siens. Que voulez-vous faire à Sombrebois ?
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Sam 25 Sep 2021 - 5:19
10 Avril 1167.
Des fins doigts se glissèrent dans la main offerte du capitaine. La peau était douce, agréablement fraîche et pourtant on pouvait sentir une forme de rugosité sur ses phalanges, comme de fine cale bien trop discrète pour atténuer la beauté de sa peau halée. Elle dégagée une odeur d’herbe fraîchement coupée et de fleur sauvage, presque sucrée. Elle bondit de son perchoir sans aucune difficulté et n’aurait visiblement eu aucunement besoin de l’aide offerte. Mais elle l’avait acceptée et fit glisser ses doigts habilement autour de ceux offert. Arrivé au sol, elle tenait la main du combattant devant elle, paume vers le ciel.
- Quelque chose de nouveau ? murmura-t-elle pour elle-même sans pour autant faire mine de parler trop bas pour être intelligible. Libérant les doigts elle reprit. Merci bien.
Elle ne rechigna pas à montrer ses bras, remontant les tissus de sa tenue pour ôter tout doute sur son appartenance aux marqué. Comme ses mains, ceux-ci étaient halé par de nombreuses heures exposées à la lumière et la nature. Elle semblait finement musclée, mais féminine, ce que confirma amplement l’étape suivante. La capuche, bien plus large qu’on aurait pu le penser glissa pour tomber bas sur ses épaules et dévoilé son visage. Aussi délicat qu’une fleur printanière, d’une beauté à couper le souffle de beaucoup d’hommes. Elle aurait eu sa place au coté d’un roi sans dépareiller. Et pourtant, elle semblait parfaitement adaptée à ce décor l’environnant. Un royaume de verdure et d’animaux sauvage pour une reine sans trône.
Les choses les plus notable furent l’apparition de sorte de bijouterie plus visiblement taillée pour le combat que l’élégance, protégeant ses épaules et sa gorge sans jamais perdre en beauté. Mais surtout… ses yeux. Un naturel cercle noisette en dessinait les contours. Mais un artiste hivernal avait semble-t-il choisit de briser les portes la logique pour incruster de fins cristaux de glace sur tout le centre de l’iris, leur donnant un bleu froid éclatant et éclaté, reflétant la lumière aussi intensément et douloureusement que la neige d’un haut pique.
Elle le fixait, avec un sourire calme, presque maternel comme attendant qu’il soit satisfait de son observation. Mais ses yeux semblaient vouloir percer tout ses secrets. Non ! Ils POUVAIENT percer tous ses secrets, il en fut convaincu, même si rien ne venait appuyer ses dire. Cette glace pouvait le déchiqueter et mettre à jour chaque chose. Cette glace était presque effrayante. Et pourtant, un sentiment de confiance s’empara de lui, factice ou non, il n’en savait rien. C’était rassurant de se sentir découvert et pourtant en sécurité. La maison de son père lui revint en mémoire, un repas frugal à une vieille table de bois, mais de la douceur et de l’amour. Une caresse sur son front avant qu’il ne s’endorme. C’est elle qui détourna finalement le regard le libérant par la même de sa fixation et de sa rêverie.
- Je ne sais pas encore vraiment ce qui m’y amène. Depuis le départ de la châtelaine les lieux semblent retenir leur souffle. Peut-être pour le retour de quelqu’un d’autre ? Elle sourit en levant les yeux au ciel où une nuée d’oiseau passa à grand coup d’aile pour lutter contre un vent inverse. Un bon moment pour y faire un tour, ne croyez-vous pas ? J’ai toujours laissé ma curiosité me guider. Quelques dangers ne m’en empêcheront pas surtout maintenant que j’ai deux protecteurs.
Le pouce de son autre main parcourait le bois récemment sculpté comme pour en repérer les imperfections. Elle haussa les épaules sans raison apparente.
- Et vous, qu’est-ce qui vous conduit en des lieux si reculés ? Vous n’avez pas l’air de marchand, à moins que vous ne vendiez un jeune garçon ? Il est un peu maigrichon je pense. plaisanta-t-elle faisant s’empourprer le jeune Isaac sur la monture.
Elle se mit tranquillement à avancer, encourageant visiblement la reprise du trajet, pas plus inquiète que cela de voyager avec deux inconnus qui n’avaient pas encore montrer patte blanche comme elle.
Dernière édition par Dame Corbeau le Jeu 4 Nov 2021 - 11:48, édité 1 fois
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Dim 26 Sep 2021 - 11:25
Alaric fronça les sourcils, sa paume tournée vers le ciel, les doigts fins de l'étrangère emprisonnant sa main. Quelque chose de nouveau ? Qu'avait-elle voulu dire ? Le soldat crut avoir rêvé lorsqu'elle relâcha sa prise avant de le remercier, comme s'il avait imaginé ce bref instant. Tout était inquiétant avec cette inconnue ; son malaise s'agrandit lorsqu'elle laissa tomber sa large capuche sur ses épaules.
Elle était plus jeune que ce qu'il avait cru– du moins le semblait-elle – et, par les Trois, beaucoup plus jolie que ce que sa capuche laissait présager. Alaric déglutit sans pour autant la quitter des yeux. Il lui était impossible de détourner le regard de ses prunelles bleutées qui semblaient le sonder jusqu'au plus profond de son être. Le soldat se sentait infiniment petit, une goutte perdue au milieu de l'océan tandis que la glace le scrutait, mettant au jour chacun de ses secrets. Jamais le garde de Sombrebois n'avait perdu son sang-froid face à l'adversité ; il avait combattu plus de fangeux que la plupart des mortels sans faillir, sans craindre pour sa vie. Son instinct dictait ses gestes avec précision, son habilité lui permettait d'agir avec rapidité et en souplesse. Et pourtant, face à ces pupilles glaciales, ses mains demeurèrent suspendues le long de ses flans, aucun son ne franchit ses lèvres, tout au plus son corps effectua un pâle mouvement vers l'arrière. Alaric était subjugué. Aucune voix lui intima de riposter, comme si son sixième sens lui faisait défaut pour la première fois. À moins qu'il ne se trompât pas ? À l'instar du chant, elle était énigmatique, sans pour autant être menaçante. S'insinuant sous sa peau, s'imprégnant dans ses os, cette fascination soudaine se mua en une agréable chaleur, une joie toute simple qui prenait sa source dans ses souvenirs d'enfance.
Enfin, sa douce rêverie prit fin lorsque l'inconnue brisa le contact, se dissipa brusquement lorsqu'elle répondit à sa question.
— Quoi ?! s'exclama-t-il, sous le coup de la surprise. La châtelaine est partie ? Roxanne du Val d'Asmanthe ? Mais, pourquoi... Que s'est-il passé ? Est-ce Rosen... ?
Ses moult questions cessèrent de franchir ses lèvres, mais en silence, continuèrent de vagabonder dans son esprit. Son menton posé sur ses doigts, Alaric réfléchissait à toute vitesse, sans pour autant être capable de comprendre ce qu'il s'était passé durant son absence. Trop de possibilités s'offraient à lui. D'abord, pouvait-il faire confiance à cette femme ? Il releva le visage vers elle, croisa à nouveau ses yeux singuliers et fut persuadé qu'elle disait la vérité. Lorsqu'il avait quitté Sombrebois, la tension entre la châtelaine et la baronne s'était pourtant estompée, il avait cru avoir choisi le bon moment pour s'éclipser. Partir et obtenir des réponses notamment au sujet de la rousse... Quel manque de chance ! Ils avaient dû se croiser de peu, s'il n'était pas resté aussi longtemps à Marbrume... Si ça se trouve, Eve était déjà au courant pour ce revirement de situation. Alaric se pinça l'arrête du nez et inspira profondément. Il n'avait qu'une envie, celle de faire demi-tour et de gagner la capitale à nouveau, mais il devait d'abord comprendre ce qu'il s'était passé dans le bourg. Et puis, il y avait Isaac. Il lui avait assuré qu'il l’emmènerait à Sombrebois pour qu'il y mène une nouvelle vie. Mais qu'en était-il désormais ? Le soldat devinait sans mal que quelque chose avait mal tourné pour que Roxanne quitte les lieux précipitamment.
Plongé dans ses pensées, il avait à peine entendu la suite du discours de l'étrangère. Qu'avait-elle demandé ? Son nom peut-être, ou la raison de sa présence dans les marais ?
— Je suis Alaric, le chef de la garde de Sombrebois, et voici Isaac.
Il balaya l'air de la main, signifiant qu'il ne comptait pas s'épancher plus longuement sur ces présentations.
— Vous comprenez donc que j'ai besoin de savoir ce qu'il s'est passé avec la châtelaine. Et qu'en est-il de la situation actuelle dans le bourg ?
Mais au fait, comment cette femme était-elle au courant ? Où avait-elle pu obtenir cette information ? À Marbrume, mais lui-même en revenait et il n'avait rien entendu à ce sujet. Si tu avais prêté plus d'attention à ta mission qu'au corps de Eve, peut-être t'en serais-tu rendu compte, lui souffla une petite voix. Son trouble était perceptible à la coloration de ses joues qui s'empourprèrent à la remémoration de souvenirs qu'il chérissait plus que de raison.
— Qui êtes-vous ? demanda-t-il enfin.
Il la suivit à son tour, se débarrassa de son arc en le refixant sur le dos de Bravoce, et récupéra la bride de sa monture de sa main gauche. La droite se porta à sa dague acérée, mais pour une fois, ni sa présence ni son toucher ne le rassurèrent.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Mer 29 Sep 2021 - 17:22
10 Avril 1167.
L’inconnue aux yeux perlé de glace se laissa rattrapé sans effort par le pas du capitaine et se cala naturellement sur son enjambée, s’appuyant tranquillement sur le bâton de marche qui se balançait ainsi tel un étrange métronome.
- Je ne puis vous apprendre grand-chose qui soit de première fraîcheur… Capitaine. J’ai discuté avec une charmante femme de Ménerbes, une ancienne sage-femme qui a eu la bonté de m’offrir le gîte il y a peu. La douceur et la compréhension incarnée si vous voulez mon avis. Toujours est-il qu’elle a assisté il y a une dizaine de jours à un étrange événement. Elle ne m’a point donné chaque détail, mais la baronne aurait semble-t-il retrouvait le corps de son époux enterré là il y a peu avant d’être rattrapée et escortée par la châtelaine. Du moins une femme aux cheveux de feu avec toute l’autorité d’une noble mais aussi d’une guerrière. Elles sont reparties, toutes deux, mais celle-ci serait repassée récemment dans l’autre sens, accompagnée d’une petite escorte. Je ne saurais vous en dire plus, je n’ai que peu de connaissance sur le monde des puissants.
Tout dans son être faisait ressentir l’inverse. Pourtant il lui manquait peut-être un peu de ce sentiment de supériorité que dégageaient beaucoup de nobles, même parmi les plus honorables et accessible.
- Et puisque comme vous je me rends à Sombrebois, je n’ai malheureusement pas de nouvelles à vous transmettre sur ce qui s’y déroule à présent.
Elle se retourna d’un pas dansant, avançant à reculons pour faire face à Alaric, un charmant sourire aux lèvres, bien plus humain que ses yeux. D’une douceur maternelle mais d’un amusement espiègle. Elle lui fit un salut appuyé rappelant quelques bardes qu’avait parfois pu convier Hector à sa table quand l’occasion s’y prêtée. De bien rare fois pendant la difficile survie du bourg.
- Je suis Odalie, chanteuse, actrice, voyageuse et parfois diseuse de bonne aventure avec les esprits qui ont besoin de réponse. répondit-elle à Alaric sans entrer plus que lui dans les détails. Rarement les voyageurs se confiaient-ils leurs vies avant l’alcool et les bons feux.
- Il y a eu beaucoup de remue-ménage près de Balazuc, je n’ai point osé m’approcher. Y étiez-vous ? Y a-t-il par là-bas quelques choses que je pourrais trouver à conter ? Comment un chevalier a trouvé son écuyer ?
Ses yeux alternèrent entre Alaric et Isaac sans se fixer sur aucun d’eux mais sa curiosité débordant de son être comme la chaleur d’une flamme. Mais sans savoir pourquoi, quelque chose sonnait faux dans cette sensation. A l’image d’un talentueux artiste sur les planches d’une scène, elle semblait apte à jouer chaque émotion mais semblait au milieu d’une représentation et non pas dans un moment… réel ? Peut-être avait-elle passé tellement de temps à interpréter des rôles que cela avait teinté sa propre personnalité ? Oui… peut-être. - Un jeune garçon piégé, du bon chemin dérouté. Qu’un brave capitaine sauva, pour le remettre au pas ? Hum, ce n’est pas très bon. dit Odalie d’un petit rire en se tournant à nouveau vers la route pour marcher à coté de Alaric. Content de rentrer ?
Dernière édition par Dame Corbeau le Jeu 4 Nov 2021 - 11:48, édité 1 fois
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Mer 29 Sep 2021 - 20:52
Elle a retrouvé le corps de son époux. Hector. Alaric serra les poings sans s'en rendre compte. Le regard baissé, les yeux perdus sur les quelques touffes d'herbes qui parsemaient le sol meuble des marais, il adressa une prière silencieuse aux Trois. Le soldat avait cherché après le baron pendant des jours, hurlé son prénom durant plusieurs nuits, scruté l'obscurité depuis les remparts, tandis que l'espoir le quittait peu à peu. La mort de son ami était devenue inéluctable, mais l'apprendre de vive voix ne l'affecta pas moins. Au moins une part de lui pouvait être soulagée : il savait qu'il n'était plu, que son corps ne s'était pas relevé pour errer inlassablement dans le duché. Comment Rosen l'avait-elle retrouvé ? Il manquait de nombreux détails dans l'histoire de la chanteuse, mais le garde devait s'en contenter. Déjà, il comprenait un peu mieux le drame qui avait frappé Sombrebois durant son absence. La baronne avait dû être victime d'une de ses crises de folie en apprenant la nouvelle, ce qui n'avait pas dû plaire à la châtelaine. Qu'est-ce que la blonde avait-elle pu lui dire pour que Roxanne quitte – semblait-il – ses fonctions ? Un nouveau soupir franchit ses lèvres. Rosen n'avait jamais été une personne stable et cet équilibre précaire s'était d'autant plus effondré avec la découverte du cadavre de son époux. Oh, Alaric ne pouvait la blâmer complètement et puis, il ne tenait pas à la critiquer avant de connaître son point de vue et le fin mot de cette histoire. Mais tout de même... Que deviendrait Sombrebois désormais ? La couronne continuerait-elle d'aider le bourg ? Qui le dirigeait ? Le soldat lança un bref coup d’œil à Isaac : amenait-il ce jeune garçon dans un nouveau climat de guerre ?
Alaric reporta son attention sur l'inconnue. Elle avait pourtant tout l'air de connaître ce que mijotaient les puissants... Et tous les autres. Cependant, elle avait l'air sincère. Avait l'air. C'était pauvre, mais c'était tout ce qu'il possédait à son sujet. Peut-être pouvait-il essayer d'en apprendre plus sur les intentions de l'étrangère, lui soutirer des informations à son insu ? Il n'avait pourtant pas l'impression d'être capable de soutirer quoi que ce soit à ces yeux de glace, si ce n'est une pointe d'amusement.
Il inclina poliment la tête lorsqu'elle se présenta enfin. Voilà qui expliquait au moins l'élégance de sa voix, la justesse de ses mots. Il devina Isaac se crisper sur sa selle lorsqu'Odalie mentionna les événements survenus à Balazuc. Apparemment, certaines choses lui échappaient effectivement. À moins qu'elle ne s'amuse de la situation.
— Rien qui ne vaille la peine d'être chanté, assura le garde de Sombrebois.
Il n'avait aucune envie de relater la bataille entre les miliciens et les bandits, de rappeler l'épisode douloureux à son jeune compagnon. Il était persuadé qu'Isaac entendait encore les cris de ses alliés, percevait l'odeur métallique du sang, entendait toujours les bûchers crépiter à l'extérieur du camp.
Content de rentrer ? La question était anodine. Alaric y avait toujours répondu positivement. Sombrebois, c'était chez lui, sa maison, sa liberté. Cette fois, l'affirmation mourut sur ses lèvres. Il aurait pu dire « oui » si Odalie ne lui avait pas annoncé ces funestes événements. Il ne savait pas à quoi s'attendre. Dans quel état serait Rosen, Eïlyn était-elle au moins toujours à Sombrebois ? Qu'en pensait le sergent de Morguestanc ? Et surtout, que penseraient-ils de lui, qui s'était absenté sans donner de grandes précisions ? Il ne trouverait réponse à toutes questions qu'une fois rentré.
— Oui, murmura-t-il, mais il sonnait faux à ses propres oreilles.
Il lança un coup d’œil discret à la chanteuse.
— C'est donc la curiosité qui vous amène à Sombrebois ? demanda-t-il.
Alaric préférait changer de sujet : il ne pouvait pas se morfondre pendant le reste du trajet et s'il ne parlait pas d'autre chose, son esprit allait imaginer le pire.
— Vous prenez de grands risques pour trouver un peu d'inspiration.
Sans doute que le bourg et les histoires dramatiques du château fourniraient assez de matière à la conteuse pour élaborer de nouveaux vers. Le soldat grimaça : il n'avait aucune envie de se retrouver représenté au détour de quelques rimes.
— À moins que rien ne vous effraie ? supposa-t-il, l'air interrogateur.
— Tout le monde devrait avoir peur des marais, lâcha Isaac de but en blanc.
Le gamin frissonnait. Il avait vécu dans ces étendues morbides, trop jeune pour parvenir à les apprivoiser. Il détourna le regard, les joues rosies, comme s'il prenait conscience qu'il avait pensé à haute voix. Isaac n'avait pas tort : tout le monde devait craindre les marais. Mais Odalie n'avait clairement pas l'air d'être n'importe qui. Alaric lui-même ne les avait plus redoutés pendant un temps, s'amusant des dangers dont ils regorgeaient.
Avec insistance, le garde de Sombrebois observait la chanteuse. Alors, pourquoi ne pas les craindre ? demandait-il en silence.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Dim 17 Oct 2021 - 15:09
10 Avril 1167.
Odalie ne sembla à première vue pas s’apercevoir du trouble qui animait le capitaine de la garde. Pourtant elle hocha la tête avec une douce compassion quand il finit par répondre par l’affirmative à sa question. Comme une mère qui accepte le mensonge de son enfant pour ne pas écorché ses sentiments. Elle ne sembla pas non plus s’offusquer de l’aspect très laconique de sa réponse sur les évènements survenu à Balazuc, qui, comme sa négation, cachait visiblement une réponse très différente.
-[color:d939=# fb9300] De la curiosité à la nécessité, il n’y a parfois qu’un infime pas Capitaine. Je ne sais pas encore tout à fait laquelle des deux me mène vers votre foyer.
L’intervention d’Isaac sembla l’interrompre au milieu de sa réponse, mais la chanteuse sourit joyeusement, comme pour réagir à un trait d’humour qu’aucun d’eux n’avait fait.
- Une remarque des plus pertinente jeune homme. Est un idiot celui qui croit que les marais ne lui prendront rien. J’espère ne pas être idiote ! plaisanta-t-elle. Mais je vous l’ai dit, je lis la bonne aventure. Peut-être bien que je connais le lieu et la date exacte de ma fin. Une fois ce mystère levé, pourquoi m’inquiéter des étapes qui m’y mèneront ? Aussi difficile seront-elles, elles ne seront au final jamais plus que cela. Des étapes.
Elle sembla tendre l’oreille pour écouter quelque chose alors que le vent soufflait vers eux, mais rien dans le bruit des bois ne sortait de l’ordinaire à l’oreille experte du soldat qui les avait si souvent parcouru.
- Et sans vouloir vous offenser, vous et votre protéger, je trouve la compagnie des hommes rarement plus rassurante que celle des dangers des marais. Tant de possibilité, tant de merveilles et pourtant les chances offertes ne cessent d’être gâchées. Qu’il est douloureux de voir un tel potentiel foulé au pieds. Heureusement, parfois, bien que trop rarement, un homme ou une femme sort du lot et fait quelque chose d’admirable. Au prix de sa vie quand cela l’exige.
Elle haussa les épaules.
- Me voilà encore à palabrer sur des sujets aussi insaisissables que le vent. Quoi qu’ai-je connu un homme qui avait su l’apprivoiser et en faire son allié… Vous auriez dû le voir, glisser sur ses courants. dit-elle en jetant un coup d’œil à Alaric qui la surveiller visiblement. Pardonnez-moi si je vous ennuie, je n’ai qu’assez rarement de la compagnie sur la route et j’ai la fâcheuse tendance à me perdre dans de vieilles histoires à narrer. Vous…
Odalie s’interrompit au milieu de sa phrase et cessa d’avancer, en découvrant à quelques dizaines de pas de là, au milieu de la route une masse sombre. Même assis sur son postérieur, la créature était plus massive qu’un homme adulte. Elle léchait sa patte griffue lentement un liquide rouge et sombre s’écoulant par un mince filet de celle-ci dans le pelage sombre avant de gouter au sol. L’ours releva la tête vers les nouveaux arrivant en délaissant son ouvrage. La femme s’était écartée d’un pas et observait Alaric d’un air tranquille, visiblement peu inquiète de la présence de l’animal en lui-même, mais très curieuse de voir le comportement qu’adopterait le soldat face à cet étrange évènement.
- Que fait-on Capitaine?
Dernière édition par Dame Corbeau le Jeu 4 Nov 2021 - 11:48, édité 1 fois
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Dim 17 Oct 2021 - 22:39
Alaric croyait en ses dieux, pour autant, il n'appréciait guère les charlatans et autres diseuses de bonne aventure. La dernière qu'il avait rencontré était une vieille saltimbanque qui avait, entre autre, organisé une véritable boucherie dans un manoir, après avoir laissé rentrer des bannis entre ses murs sinistres. Il ne se souvenait plus ce qu'elle lui avait prédit, c'est dire qu'il ne lui avait accordé aucune attention, à l'inverse de Rosen qui avait dû insister pour qu'on lui lise les cartes. En vérité, une seule raison le poussait au scepticisme : si, comme Odalie le laissait sous-entendre, la mort de chacun était écrite à l'avance, quel était l'intérêt de leurs actions au cours de leur vie ? Alaric ne pouvait se résoudre à accepter une telle éventualité : ce serait refuser sa vie, embrasser un destin dont il ne voulait rien.
La chanteuse dût lire le doute dans ses yeux clairs, avant que le soldat n'ouvre la bouche. Ses sourcils froncés et sa mine revêche trahissaient les pensées qui venaient de lui traverser l'esprit.
— Alors, quand est-ce ? Votre dernière étape, demanda-t-il d'un air désintéressé, prouvant à son interlocutrice qu'il ne croyait pas un traître mot de ses histoires.
Pour le reste, le garde de Sombrebois n'était pas en total désaccord avec Odalie : trop peu de bonnes personnes foulaient les restes du duché. Avant, Alaric ne témoignait que peu d'intérêt à ses camarades, il avait entendu trop d'histoires qui le dégoûtaient encore – la milice en regorgeait – vu trop de scènes dont il avait détesté être le témoin. Il avait cru que ses origines ne l'avaient simplement pas préparé à faire face à ces mésaventures : lui, petit fermier, habitué à de vastes champs et quelques habitations, débarquait dans Marbrume, où chacun ne pensait qu'à son profit au détriment des autres. Sombrebois lui avait permis de garder la tête hors de l'eau, de ne pas sombrer dans cette vie malsaine qui caractérisait tant la ville fortifiée. Et puis, il y avait les personnes d'exception ; Alaric pouvait les comptait sur les doigts d'une main.
— De qui parlez-vous ?
Et quel âge avait cette femme ? Elle avait de l'âge sans être vieille, mais parlait comme si ses souvenirs remontaient à des temps immémoriaux. Ses dernières paroles avaient piqué sa curiosité sans qu'il ne sache pourquoi ; ses propos étaient teintés de mystères, enveloppés d'une brume que l'artiste se plaisait à employer. Un tour de saltimbanque, sans aucun doute. Alaric n'eut pas le temps de creuser un peu plus ses dires, ni d'obtenir une réponse. L'interruption d'Odalie l'interpella, de même que le glapissement d'Isaac derrière lui. Bravoce fourra son museau dans son dos, comme pour le presser de faire demi-tour ; il était pourtant trop tard. L'ours les avait repérés et, bien qu'il n'ait pas avancé vers eux, il les fixait de ses petits yeux noirs. Vu ses nombreux trajets entre Sombrebois et Marbrume, le garde avait déjà eu l'occasion d'en observer – jamais d'aussi près, cependant. Ni une bête blessée, nota-t-il en découvrant les taches de sang peinturant le sol. Il réprima un grognement : s'il avait prêté plus attention aux alentours plutôt qu'aux balivernes de la chanteuse, peut-être aurait-il pu repérer les traces de l'animal. Et si, et si, et si... C'était toujours la même rengaine.
— Je sais pas, répliqua-t-il tout bas, mais d'un ton acerbe, c'est vous la voyante. Que faut-il faire ?
Il ne lui laissa pas le temps de répliquer ; malgré sa réponse, il savait ce qu'il devait faire. Du moins, en théorie.
— On reste calme et on s'éloigne.
Alaric guida Bravoce vers la gauche, dans l'espoir de contourner la bête. D'un regard autoritaire, il intima à Odalie de les imiter. Les oreilles de l'ours s’aplatirent sur son crâne, ses babines se retroussèrent légèrement, tandis qu'il ne quittait pas les étrangers des yeux. Le soldat ne cilla pas non plus : il avait dans l'idée de prouver à la bête qu'il ne lui voulait aucun mal, tout en affirmant son ascendant sur la créature. Un drôle de tableau pour un soldat pas bien épais, d'une carrure en rien colossale et d'une taille somme toute banale.
— On s'en va, dit-il à l'ours avec calme. Et on ne te veut aucun mal...
Il grogna pour toute réponse et fit un pas dans leur direction. Il n'alla pas plus loin. Peut-être parce que sa blessure l'aurait trop fait souffrir, peut-être parce que la stratégie d'Alaric avait été la bonne, le soldat n'en savait rien. Quoi qu'il en soit, le petit groupe fut trop heureux d'échapper à leur possible prédateur, prenant soin d'effectuer un large détour à travers les marais, afin de ne pas le brusquer. Une fois certain que l'ours ne poserait plus problème, le garde de Sombrebois reprit la parole :
— Odalie, vous devriez monter sur Bravoce, dit-il, ordonnant plus qu'il ne le proposait.
Avant qu'elle ne puisse protester, il ajouta :
— Cet ours était blessé. Je crains plutôt celui ou ceux qui lui ont causé cette blessure.
Il doutait fortement que la bête se soit fait cette plaie toute seule.
— Il saura vous conduire à Sombrebois, si les choses tournent mal.
Alaric haussa les épaules, avant de balayer l'horizon du regard. Il n'y avait pourtant rien qui alertait ses sens, rien qui lui indiquait que quelque chose rôdait près d'eux. Mais bandits, bannis ou fangeux demeuraient capables de le surprendre, malgré toute son expérience. La vie avait beau être constituée d'étapes, chacune d'entre elles demeurait obscure et sa réussite ne dépendait que de ses choix... et de ceux des autres.
— Mais j'oubliais... Vous pouvez prédire de quel côté viendrait le danger, ajouta-t-il, narquois.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Mar 19 Oct 2021 - 17:58
10 Avril 1167.
Pendant toute la scène Odalie avait observée le capitaine de ses yeux étranges. Elle avait obéi sans mots dire ou rebuffade mais ne sembla rien éprouver d’autre qu’une forte curiosité pour les décisions du garde, comme si l’ours en lui-même n’était qu’un simple détail provoquant une situation inattendue. Pas plus qu’une flaque au milieu de la route. Cependant, malgré sa docilité temporaire, elle ne fit pas mine de se diriger vers la monture, se contentant d’avancer d’un pas sûr sur le sol piégeux du marais dans un axe qui les ramènerait sur la route un peu plus loin.
- C’est votre cheval Alaric. Si quelqu’un doit y poser son séant en cas de danger, je crois que cela devrait être vous. Et je ne suis pas à l’aise sur un animal, quel qu’il soit. Surement que je m’imagine trop être à sa place. répondit-elle sans paraît plus inquiète que cela à l’idée d’être celle laissée en arrière. La chose qui lui a fait ça est morte, vous ne devriez pas vous en faire outre-mesure à ce sujet.
Elle tapota du bout du baton ce qui ressemblait à une pierre couverte de mousse, et celle-ci s’effondra complètement révélant un traître nid de poule où elle aurait pu mettre le pied. Elle se contenta de l’enjamber et poursuivit.
- Pour ma part j’aurais surement cherché à examiner sa blessure, mais je n’ai pas d’autres vies que la mienne à protéger. Ce qui m’offre certainement plus de liberté de décision que vous. Et puis, je suis curieuse de nature. ajouta-t-elle en pouffant.
Elle leva un bras et tendit l’index devant eux dans un angle fort précis et se contenta d’ajouter en esquivant un autre point d’appui dangereux.
- Pour vous, il viendra de par-là. expliqua-t-elle comme une réponse logique à sa dernière question sans pour autant s’y attarder alors qu’ils revenaient sur la route. Malgré la distance qui les en séparait encore, et les quelques virages de la route qui les attendaient, le capitaine sût très exactement quelle direction pointait le doigt d’Odalie. Sombrebois.
- Ah voilà qui est nettement plus agréable. Commenta la femme alors qu’ils avançaient à nouveau sur le sol ferme de la route, reprenant une allure plus correcte.
- Il s’appelait Lucian. C’était un très beau garçon, doux et malicieux. Il jouait des tours à tout le monde, mais jamais par cruauté. Et il était de fort bon conseil quand vous preniez la peine de l’écouter. Un jour, je l’ai vu sauter d’une falaise. Et croyez-moi ou non, il a volé ! C’était un spectacle incroyable, que bien trop peu on eut l’occasion d’admirer. Peut-être qu’un jour il acceptera de recommencer.
Elle jeta un coup d’œil au jeune garçon qui grimaçait parfois au pas un peu trop lourd de Bravoce. Son visage se teinta pendant un bref instant, un battement de cœur à peine, d’une mélancolie douloureuse et sans limite qui serra la gorge du capitaine presque par réflexe empathique. Le temps qu’il s’en aperçoive, la chose était passée et Odalie souriait calmement.
- Tu as l’air de souffrir Isaac, veux-tu quelque chose pour soulager ta peine ?
Dernière édition par Dame Corbeau le Jeu 4 Nov 2021 - 11:48, édité 1 fois
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Mer 20 Oct 2021 - 18:47
La chose qui lui a fait ça est morte. Alaric dévisagea Odalie, sans se départir de son air sérieux. Il l'observa éviter facilement un nid de poule, armée de son bâton et de ses connaissances approfondies des marais. Il aurait voulu lui répliquer que même s'il avait un cheval, il était capable de survivre sans ce dernier en ces terres hostiles. Mais à la regarder ainsi, il devina que la chanteuse était tout aussi à l'aise que lui... Si pas plus. Peut-être ne prenait-elle rien au sérieux parce qu'elle était persuadée que son heure n'était pas venue ? Le soldat ne croyait pas en ses balivernes, mais Odalie devait être persuadée de ses dires. Même lorsqu'Alaric ne faisait plus grand cas de la mort, jamais il ne s'était montré aussi imprudent. En tout cas, il n'aurait pas approché un ours blessé pour déterminer la cause de sa blessure.
Le garde releva les yeux vers l'endroit qu'elle lui indiquait : Sombrebois, sans l'ombre d'un doute. Il n'y avait pas besoin d'être une voyante pour deviner qu'il allait au devant du danger. Rentrer dans le bourg fortifié équivalait à se jeter dans la gueule du loup... Mais Marbrume ne lui semblait pas moins nuisible. De toute façon, il avait décidé de ne plus se préoccuper des propos infondés de l'artiste. Sa description d'un certain Lucian lui confirma son jugement. Elle parlait de lui au passé, mais cet être étrange vivait encore, au vu de sa dernière phrase. Alaric ne rentra pas dans son jeu et ne lui posa pas de questions. L'écouter un peu plus tôt l'avait fait manquer la piste de l'ours, il ne comptait pas réitérer cette erreur. Il préféra se concentrer sur les environs, sur l'odeur des épicéas qui parsemaient les étendues boueuses des marais, sur les piaillements des quelques oiseaux d'humeur à chanter et le sifflement du vent qui ne lui rapportait aucune rumeur inaccoutumée. À croire qu'Odalie n'avait pas tort, que l'adversaire de l'ours ne les guettait pas, tapi derrière des épineux...
Alaric aussi fut heureux de remettre les pieds sur le chemin, bien que son pas fut sûr, malgré la boue et les inégalités de terrain. À l'instar de la chanteuse, il était capable de repérer racines fourbes, roches glissantes et étendues vaseuses. Tout comme lui, elle remarqua la faible grimace sur le visage d'Isaac, une moue que le jeune garçon tâcha de masquer. Sa blessure s'améliorerait une fois qu'il serait allongé et qu'il bénéficierait des soins nécessaires. En attendant, il allait devoir tenir bon pendant le reste du trajet.
— Je n'ai pas si mal, se défendit Isaac, sans doute trop fier pour avouer les douleurs lancinantes qui déformaient ses lèvres. Que pourriez-vous faire ? demanda-t-il cependant, curieux.
Il hésita un instant avant d'ajouter :
— Comment Lucian pouvait voler ?
Alaric sourit avant de reporter son attention droit devant lui, la bride de Bravoce toujours dans sa main. Il était plus aisé de convaincre un enfant de ces histoires ; si au moins lui narrer quelques aventures extraordinaires lui permettaient de ne pas trop souffrir le reste du chemin, alors le soldat n'était pas contre les racontars d'Odalie. Malgré lui, il laissa traîner une oreille discrète, afin de ne pas perdre une miette des explications de la chanteuse. Tandis que cette dernière discutait avec Isaac, Alaric fit mine de ne pas y prêter attention, balayant les marais du regard. Par chance, il repéra un plant qu'il pensa reconnaître. S'écartant quelque peu du sentier, il lâcha Bravoce qui continua lentement sa marche, comme s'il savait que le soldat n'en avait pas pour très longtemps. Il se pencha pour observer un peu plus l'arbuste tortueux, décoré de délicates feuilles blanches pourvues de cinq pétales. Leur cœur d'un jaune pâle dégageait une odeur d'amande qui lui tira un sourire ; les feuilles, dentelées, dissimulaient des baies qui commençaient à peine à rougir. Avec délicatesse et prenant garde aux épines, Alaric entreprit de récolter quelques fleurs ; infusées dans de l'eau chaude, elles avaient pour vertu d'apaiser le sommeil et autres angoisses... Des propriétés qui seraient utiles à la baronne de Sombrebois. Un soupir franchit ses lèvres lorsqu'il pensa à Rosen.
— Et où peut-on le trouver, ce Lucian ? demanda-t-il, alors que la chanteuse terminait sa phrase.
Il avait placé les fleurs dans sa besace, mais avait également attrapé une grappe de baies, qu'il brandit devant Odalie. Les fruits qui devenaient rouges étaient souvent plus venimeux que bienfaiteurs, encore fallait-il reconnaître l'espèce végétale afin de les distinguer.
— Vous les mangeriez ? questionna Alaric, une leur de défi dans le regard.
À quel point connaissait-elle les terres hostiles du duché ?
HRP:
Je me suis rendu compte que tu n'avais peut-être pas vu à quoi ressemblait Isaac ! Alors le voici :)
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Mar 26 Oct 2021 - 11:40
10 Avril 1167.
Odalie ne sembla pas remarquer ou du moins se sentir vexée ou concernée par la soudaine indifférence d’Alaric à ses histoires. Sans doute n’est-il pas essentiel qu’on l’écoute pour qu’elle se sente intéressante. Ou alors était-elle trop déconnectée de la réalité pour que des choses si triviales ne l’atteignent. Elle répondit néanmoins à Isaac avec gaieté.
- Il me reste quelques bâtons de brède à mâchouiller, c’est rudement efficace pour occuper l’esprit et faire passer une partie de la douleur. dit-elle en extirpant quelque chose de sa besace. C’est un ami qui me les a offert. On ne fait pas plus amer ! Mais ça reste rudement efficace !
Les « bâtons » en question n’avaient pour justifier cette appellation qu’une forme vaguement allongée et biscornue rappelant un morceau de bois. Pas plus long qu’un doigt, ils semblaient fait d’une mixture de plante et de racines séchés. Sans explication, ni besoin évident, elle en piocha un et le porta à sa bouche pour le mastiquer distraitement en écoutant la question du jeune garçon que Alaric avait bien soigneusement évité.
-Oh il a essayé de bien des façons, dont toutes ont échouée de manières plus ou moins ridicules. Ce qui nous a offert bien des divertissements bienvenus lors des longues journées sur les monts d’Assel. Mais il n’a jamais voulu en démordre. commença-t-elle avant de basculer son objet de mastication de l’autre coté de sa bouche et de poursuivre. Un jour alors qu’il gravissait une pente en quête de solitude, il rencontra un Corvus Corax.
Devant la confusion visible du jeune homme et Alaric lui tournant le dos à cet instant, penché qu’il était sur un arbuste, Odalie s’interrompit et tendit le bras le remuant comme une grande aile et imitant avec une précision surprenante le cri d’un corbeau.
- Le grand corbeau! expliqua-t-elle. Quand-il déploie ses ailes, il te dépasse en taille. Une bête impressionnante. Et intelligente. Enfin, la plupart du temps. Celui-ci avait fait preuve de bêtise en se coinçant la patte dans un collet. Lucian proposa un marché à l’animal. S’il détachait la corde, alors devrait-il lui confier le secret du vol. Le corbeau, se pensant très intelligent choisit de le tromper en acceptant le marché, prêt à s’envoler dès que sa liberté serait retrouvée. Mais Lucian était le plus malin, et surtout le plus malicieux de tous, malgré son jeune âge. Suspectant la duplicité du corbeau, Il fit mine de détacher la corde, mais en réalité, extirpa simplement un bout de ficelle de sa besace et vint l’agiter devant les yeux de l’oiseau.
Elle rit, comme si la blague était particulièrement amusante.
- Il claqua du bec et dit « La prochaine fois, tu demanderas à être payé avant d’accomplir un bêtise mon garçon ! » et tenta de s’envoler. Malheureusement pour lui, sa patte toujours attachée l’arrêta net dans sa course et il s’écrasa sans aucune grâce à un mètre de là, le bec dans la terre. Lucian s’approcha et dit alors « Bien le bonjour ami, je voudrais bien t’aider, mais un sage être m’a dit que je devrais toujours demander ma récompense avant de fournir mon aide ». Pour son ingéniosité et sa répartie, le corbeau apprécia l’esprit de Lucian et reconnu sa défaite. Alors cette fois-ci le marché fut conclu dans des termes acceptables et le corbeau confia le secret du vol au jeune homme pour retrouver sa liberté. Le lendemain, vêtu d’une cape de plumes aussi noire que le plumage du corbeau, Lucian se jeta sous nos yeux du haut d’une falaise. Nous avons crié de terreur, mais les plumes formèrent des ailes immenses et contre toute logique, il vola. L’impossible n’a jamais était une barrière pour lui. conclut-elle avec un sourire nostalgique.
-Un homme qui vole avec une cape de plumes, c’est ridicule et impossible. dit Isaac de sa logique implacable de jeune garçon qui essaie de se convaincre qu’il comprend le monde. Odalie rit doucement.
-Aussi ridicule et impossible que des morts qui marchent, nous sommes d’accords. dit-elle en lui tendant l’un des bâtonnets, qu’il saisit après un instant d’hésitation.
La question qu’Alaric posa en revenant dans la conversation sembla pour la première fois être capable de mettre mal à l’aise la femme qui fui un instant son regard comme pour éviter qu’il puisse y lire une quelconque culpabilité. Elle finit cependant par reprendre la parole.
-Je ne sais pas. Nous ne nous sommes pas séparés dans les meilleurs termes et pour le moment je n’ai réussi qu’à retrouver de vieilles pistes qu’il a emprunté il y a trop longtemps pour pouvoir le suivre. Mais je crois qu’il est par ici, même si je ne suis pas certaine qu’il n’essaie pas simplement de me faire perdre mon temps pendant qu’il s’éloigne…
Elle observa les baies dans la main du capitaine avec curiosité avant que ses yeux ne glissent vers ceux de celui-ci.
-Essayeriez-vous de me prendre en défaut Capitaine ? demanda-t-elle avec un ton légèrement amusé mais son regard douloureusement fixé au sien. Même parfaitement mûre, les baies de l’aubépine ne sont pas les plus savoureuses à manger si vous voulez mon avis. En confiture, sur du pain frais par contre… faites attention à ne pas abuser de ses vertus. La personne que cela calme aura peut-être besoin d’être en plein possession de ses moyens dans les temps à venir.
Changeant radicalement de sujet, elle enchaina.
- Savez-vous dans quelle direction se trouve le village de ceux qu’on appelle banni ? Personne aux alentours de la cité ne semble bien certaine ne serait-ce que de sa direction, voire de son existence. Mais peut-être que vous qui vivaient plus loin dans les terres avaient une meilleure perspective sur cette question ?
Dernière édition par Dame Corbeau le Jeu 4 Nov 2021 - 11:49, édité 1 fois
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Mer 27 Oct 2021 - 11:03
L'histoire de cette femme, se dit Isaac, ressemble plutôt à l'une de ces fables que l'on raconte aux enfants qu'à une vraie histoire. La mine sceptique, il attrapa néanmoins le bâton qu'Odalie lui proposait, avant de se mettre à le mâchonner à son tour. Une grimace, non pas due à la douleur, mais à l'amertume de la préparation, déforma sa bouche, alors qu'il s'empressait d'en retirer le bâton. Trop tard, malheureusement : le goût emplissait déjà son palais, et il étouffa un juron. Le retour d'Alaric vers le duo fut bienvenu. La chanteuse ne le verrait pas lancer des éclairs au bâtonnet, tandis qu'il le mordillait en espérant en retirer des effets bénéfiques.
Le soldat, quant à lui, n'avait pas perdu une miette de l'histoire relatée par la conteuse. Il n'avait jamais entendu parler de cet énorme corbeau, pas plus que d'une prétendue cape de plumes noires. Même Isaac n'avait pas gobé cette légende. Pourtant, même si l'instant fut bref, Alaric vit qu'elle détournait le regard à sa question. Il ne comprit pas pourquoi, mais ses paroles étaient teintées d'un sentiment nostalgique, débarrassées du ton amusé qu'elle s'était plu à employée jusqu'alors. Pour la première fois, il eut la certitude qu'elle ne mentait pas : que ce Lucian existe ou non, Odalie était peinée par leur séparation.
Le test de l'aubépine eut pour effet de détendre un peu l'atmosphère ; un sourire fleurit sur les lèvres du garde de Sombrebois. Oh non, avant de lui lancer ce défi, il s'était bien douté qu'elle serait capable de trouver la bonne réponse. S'il n'était toujours pas certain de pouvoir se fier à cette étrangère, malgré le regard doux qu'elle leur avait témoigné, il était sûr d'une chose : Odalie était une habituée des marais, une experte de la survie qui en savait sans aucun doute bien plus que lui. Non loin d'être un fardeau pour le duo qu'il menait avec Isaac, elle pourrait devenir une aide précieuse.
Alaric fronça les sourcils, puis haussa les épaules.
— À l'ouest des marais, dit-il vaguement.
Il pouvait se targuer de connaître par cœur la zone entre Sombrebois et Marbrume ; Balazuc, Piana, Conques et Ménerbes, les pièges entre ruines et restaurations de villages, les chemins à suivre, les zones d'ombre à éviter. À l'ouest de Balazuc, cependant, il s'agissait là de terres inconnues dans lesquelles il ne s'était jamais perdu. La végétation y était plus dense, de surcroît la luminosité plus ténue. Il ne fallait pas être très intelligent pour deviner que rien de bon ne se cachait dans cette partie des marais.
— Il existe plusieurs groupes, marmonna Isaac.
Alaric le dévisagea avant de hocher la tête. Il n'avait jamais su jusqu'à quel point le gamin était au fait de l'organisation des bannis et autres coupes jarrets qui couraient la fange. Au sergent de Balazuc, il avait prétexté qu'il le ramenait à Yohan de Morguestanc afin qu'Isaac puisse livrer à l'ancien noble tout ce qu'il savait sur ces renégats. Mais il ne s'était agi que d'une ruse afin de se débarrasser de ce gradé trop radical à son goût. Finalement, peut-être n'avait-il pas été si loin de la vérité en inventant cette excuse...
— Tu y es déjà allé ? demanda doucement le soldat.
L'enfant secoua la tête.
— Mais certains du groupe de mon frère, ils venaient de là. Ils racontaient des trucs.
Il s'arrêta et dévisagea Odalie, avant de regarder Alaric, comme s'il attendait son autorisation pour continuer. D'un faible sourire, le soldat l'encouragea à poursuivre.
— Ils disaient qu'une femme dirige là-bas, dans le centre des marais. Loin d'ici, ajouta-t-il. Mais y'en a qui étaient pas d'accord avec elle, ils sont partis. Ils ont fait un autre village, ailleurs. Je sais pas où, dit-il en réponse au regard interrogateur d'Alaric.
Ce dernier se retourna vers Odalie :
— Cela vous aide-t-il ?
Puis, après une petite pause, il demanda :
— Pourquoi vous intéresser aux bannis ? Est-ce que...
Il hésita, se souvint du semblant de malaise qui avait brièvement voilé les jolis yeux de la conteuse, puis prononça :
— Vous cherchez Lucian ? Vous pensez qu'il pourrait être à Sombrebois ou bien, qu'il vivrait parmi les bannis ?
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Ven 29 Oct 2021 - 14:51
10 Avril 1167.
Leur « compagne » de route ne sembla pas prendre à défaut les échanges de regards et le doute ambiant sur la confiance qu’on pouvait lui porter. Elle avancer tranquillement sur la route, attentive à leurs réponses quand elle venait, s’offrant même le luxe d’observer la nature qui les entourait. Elle aurait presque souhaité s’enfoncer plus avant dans les bois pour s’immerger plus encore dans cette sensation de vie grouillante et sans frontière.
-On peut dire que cela m’aide en effet. Il est toujours intéressant de savoir ce que les autres connaissent d’une situation donnée. Cela offre souvent une nouvelle perspective sur ce que l’on croit soi-même savoir…
Son regard glissa un instant sur Alaric quand elle l’entendit hésiter et un sourire doux étira ses lèvres alors qu’elle attendait qu’il se lance. Ce qui finit bien vite par arriver, sa curiosité surement plus grande que son indifférence pour la réalité des histoires qu’elle narrait.
- On peut dire cela d’une certaine façon oui, quand le changement s’annonce, il n’est pas rare de trouver Lucian dans les parages. Et vous êtes bien placé pour savoir que les changements sont nombreux à Sombrebois ces temps-ci. Tout comme notre jeune ami vient de confirmer qu’il en va de même pour le groupe des rejetés. Je ne parierais pas dessus, mais je me sentirais bête et présomptueuse de ne pas au moins y jeter un œil. Et puis le temps est doux, parfait pour quelques marches !
Elle haussa les épaules comme si cela n’avait pas une profonde importance et ils poursuivirent leur route en silence pendant quelque temps. Le capitaine sans doute attentif à leur trajet, la barde chantonnant d’un ton très bas un air de taverne qu’il était certain d’avoir entendu sans pouvoir définir où et quand sur le coup.
Et derrière eux Isaac, sous l’effet de la mastication finit par sentir la douleur refluer lentement jusqu’à devenir un bruit léger au fond de son esprit qui s’allégea agréablement, ses muscles détendus et ses pensées légères jusqu’à ce que la drogue fasse effet et qu’il ne se retrouve proche de l’assoupissement sur le dos du cheval. Odalie s’approcha alors d’Alaric plus étroitement et cessa de chanter. Elle jeta un coup d’œil au jeune garçon et le reporta sur le combattant avec plus de sérieux qu’avant.
- Vous ne devriez pas le présenter à la milice si-t-elle est votre intention. La 3ème compagnie a fait de sa lutte contre les bannis son cheval de bataille et ils n’hésiteront pas à le malmener quelque peu pour en arriver à la même conclusion que vous et moi, à savoir qu’il en sait bien peu. Ce qui ne les empêchera pas de darder sur lui le regard du juge sur un coupable. Ce garçon a besoin d’un but et d’espoir, pas de peur et coups.
Tout dans son ton semblait indiquer qu’elle estimait qu’Alaric pensait déjà cela d’une certaine façon tout en considérant important de lui apporter du soutien dans cette décision à prendre. Mais dans les faits, ni elle, ni lui, ne savaient vraiment ce que Isaac connaissait ou non sur les bannis. Elle poursuivit sur le même ton calme et sérieux, emprunt de douceur, mais le sujet fut radicalement différent.
- Je suis mon propre chemin capitaine, cependant j’ai entraperçu une partie du vôtre. Et si je vous ai attendu sur cette route, c’est parce que je voulais vous offrir un aperçu de celui-ci, si vous le souhaitez. Libre à vous d’en tenir compte ou de me considérer pour la folle que je suis probablement.
Son sourire s’agrandit, mais ses yeux de glace perçant exigeaient visiblement une réponse ferme à cette question pourtant peu orthodoxe.
- Qu’en dites-vous ?
Dernière édition par Dame Corbeau le Jeu 4 Nov 2021 - 11:49, édité 1 fois
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Sam 30 Oct 2021 - 11:10
Alaric opina en silence ; pour sûr que Sombrebois subissait un paquet de changements, qui, d'après les dires d'Odalie, étaient loin d'être terminés. Le départ précipité de Roxanne bousculerait encore le petit bourg et le château qui le surplombait. Quelle serait sa place, désormais ? Il avait eu pour but de surveiller la châtelaine tout en protégeant Rosen, mais qu'en serait-il à présent ? En quoi serait-il utile à Eve, s'il n'avait aucune information utile à lui transmettre ? La bride de Bravoce s'imprima dans sa paume, tant son poing s'était resserré sur cette dernière. Pour un peu et il aurait presque désiré qu'un Lucian volette au-dessus de Sombrebois : l'image était plus douce que de penser à tous les devoirs qui l'attendaient entre les murs froids et austères de la forteresse.
Leur marche était devenue plus calme, bercée par la voix mélodieuse d'Odalie. Il essaya de se remémorer le rythme qu'elle fredonnait, sans succès. Peut-être était-ce lorsqu'il était encore dans la milice, ou tiens, maintenant qu'il y pensait, n'était-ce pas le chant qu'Aeryn avait déclamé, lorsqu'il l'avait trouvée ivre dans une ruelle de Marbrume ?
Alaric sourit en observant Isaac sombrer peu à peu dans l'inconscience, son corps avachi sur le hongre. Une part de lui n'aimait pas le voir aussi vulnérable dans les marais, mais ce repos forcé lui ferait le plus grand bien. Et puis, avec la chanteuse à leurs côtés, le soldat doutait qu'il pût leur arrivé quelque chose au cours du reste du trajet. La fin de la mélodie l'alerta cependant et il tourna la tête vers elle. Elle s'était rapprochée de lui, un air plus sérieux sur le visage. Il la laissa terminer avant de répliquer d'un ton tout aussi grave :
— Je me suis mis le sergent de Balazuc à dos pour garder Isaac en vie. Si je l'ai arraché à la milice, ce n'est pas pour lui faire subir le même sort à Sombrebois. J'étais milicien, je sais comment ils sont. Je lui ai dit qu'il commencerait une nouvelle vie dans le bourg et je compte tenir ma promesse.
Pour qui le prenait-elle au juste ? Un mercenaire sans cœur peut-être... Mais Alaric était tout l'inverse. Il veillerait à ce qu'Isaac mène une vie paisible dans le bourg ; la détermination qu'Odalie pouvait lire dans son regard était sans appel.
La suite de la conversation lui tira une grimace. N'avait-elle pas compris la première fois que ces histoires de futur ne l'intéressait pas ? Alaric la sonda un instant, sans ajouter un mot. Tout était étrange chez cette femme. Il ne ressentait pas vraiment de malaise en sa présence, s'il avait été méfiant au début, il sentait désormais qu'il pouvait s'y fier. Mais outre ses histoires burlesques, nombre de ses phrases ou affirmations suscitaient questionnements et incompréhension dans l'esprit d'Alaric. Tout à l'heure, elle avait prétendu qu'elle savait qui ou quoi avait blessé l'ours. Maintenant, elle avançait sans préambule qu'elle l'attendait dans les marais, que cette rencontre était loin d'être fortuite. Le soldat n'avait pas envie d'y croire, mais il ne savait pas non plus comment ignorer ses propos.
— Vous connaissez une partie de mon futur, hein...
Ce n'était pas une question, plutôt une répétition à haute voix, pour essayer de comprendre lui-même l'étrange personnage qui lui faisait face.
— Même si c'est vrai, comment êtes-vous sûre qu'il ne changera pas ? Vous croyez que tout est écrit à l'avance ?
Une chance qu'il ne sache pas lire, dans ce cas.
— Si vous me dites ce que vous avez... vu, et que ça ne me plaît pas... Si je ne peux pas le changer, à quoi est-ce que cela me sert ?
Il soupira. Il n'arrivait pas à cerner sa compagne de voyage. En boucle, il repassait leurs discussions depuis leur rencontre, son comportement inhabituel, ses connaissances des lieux, ses paroles sibyllines. Peut-être bien qu'elle avait attendu quelqu'un, là sur son rocher, tandis que sa voix cristalline était portée par le vent. N'était-ce d'ailleurs pas la mélopée qui l'avait appelé, aiguillonné vers la conteuse ? Alaric adressa une prière à ses divinités. Peut-être Odalie était-elle folle, mais si ce n'était pas elle qui s'était placée sur son chemin comme elle l'avait dit, les Trois sans aucun doute l'y avait poussée. Et Ils n'agissaient jamais sans raison.
— Dites-moi toujours..., s'entendit-il murmurer.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Sam 30 Oct 2021 - 16:38
10 Avril 1167.
Après qu’il eut lentement rabrouer sa compagne de route sur ses insinuations quand à l’avenir du garçon, celle-ci sembla plus que satisfaite de sa réponse et hocha la tête, considérant le sujet clos puisqu’il semblait parfaitement savoir ce qui était la meilleure solution pour cette jeune âme. Elle le laissa ensuite s’exprimer sans répondre directement à chacune de ses interrogations.
Comme si elle avait saisi qu’argumenter avant qu’il n’accepte par lui-même sa proposition ne ferait que braquer un peu plus son esprit profondément encrer dans le réel. Mais il y vint comme attendu, alors elle se mit à expliquer.
-Une partie en effet. Le temps est un fleuve qui ne coule que dans un sens. En changer l’orientation brutalement est une chose aussi difficile que dangereuse et qui demande bien des ressources. Mais avec de la patience et un peu de chance, on peut l’influer en si prenant assez tôt. Un simple rocher sur sa trajectoire à un point donner suffisamment tôt peut finir par la détourner sur des milles et des milles là où une muraille n’y serait parvenue en voulant la soumettre à sa volonté.
Elle s’assura d’avoir son attention et poursuivit.
- Certaines personnes, dont je crois faire partie, on reçu le don, ou l’aptitude si ce termes vous convient mieux, de percevoir ses petites variations avec bien plus de précision que les autres. Un fermier sait reconnaître la tempête qui vient même dans un ciel sans nuage, tout comme le chasseur sait quand une proie l’a repéré. C’est la même chose, dans une certaine mesure. Mais je m’égare. dit-elle en s’arrêtant tout à fait pour se tourner face à Alaric, qui fit de même. Bravoce s’arrêtant à un pas d’eux. Elle caressa doucement la hampe de son bâton sculpté d’un air songeur.
- Je ne puis vous affirmer qu’il ne changera pas, par exemple, je ne pensais pas que vous seriez accompagné aujourd’hui, dans mes visions, vous étiez seul presque à chaque fois. Je peux simplement vous dire que les signes mènent le courant de cette rivière dans une direction et qu’aujourd’hui il est sans doute trop tard pour la détourner. Le fait que mes dires vous déplaisent ne changera rien à l’arrivée de ces événements, seuls vos actes et ceux des autres auront un impact. Si je vous dis tout cela, c’est parce que dans l’avenir que je perçois, le monde est meilleur si vous restez en vie et plus encore si vous faîtes une chose contraire à votre nature. Fuir.
Elle lui tendit lentement le bâton, son ton se fit plus impérieux, sec et son regard se perdit au-delà de l’épaule d’Alaric, dans l’épaisse forêt marécageuse aux banches basses et tordues.
- Lorsque le bourg sera en danger et que la nuit hurlera, vous ne pourrez le sauver qu’en prenant la fuite et en l’abandonnant en compagnie de ceux qui seront à vos côtés. Si vous restez, Sombrebois perdra tout. Vous perdrez tout. Vous la perdrez « elle ». Mais vous vivrez avec la conviction d’avoir été honorable. Mais si vous fuyez Alaric… Alors une vie qui compte sera perdue, mais bien d’autres seront sauvées. Et vous aurez l’occasion de combattre à nouveau avec vos alliés un jour.
Son regard revint sur lui et malgré son étrangeté, la douceur et l’affection qu’elle lui témoigna fut comme un courant d’air chaud au fond d’une montagne glacée.
- Au nord-ouest de Sombrebois se trouve un haut tertre ressemblant au dos d’une immense tortue. Vous ne pouvez pas le manquer si vous gardez la tour ouest de la muraille dans vote dos et le Labret face à vous. Si vous choisissez de m’écouter cette nuit-là, plantez ce bâton au sommet de cette colline et vous recevrez une aide bienvenue même si vos objectifs seront différents. Je ne vous demande pas de me croire sur parole Alaric, simplement de vous poser la question si le hasard venait à vous mettre face à une telle situation. « Et si elle avait dit vrai ? » La réponse que vous choisirez alors me conviendra dans tout les cas.
Dernière édition par Dame Corbeau le Jeu 4 Nov 2021 - 11:49, édité 2 fois