Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Dim 31 Oct 2021 - 11:37
C'est en forgeant que l'on devient forgeron disait le proverbe. Le fermier reconnaissait la tempête par expérience, le chasseur percevait les dangers par habitude. Mais une diseuse de bonne aventure, qu'avait-elle exercé pour développer de telles aptitudes ? Son argument n'avait pas convaincu le soldat ; pour autant, il l'écouta palabrer car son air était plus sérieux. Odalie s'était arrêtée au milieu du sentier, forçant Alaric à en faire de même, Bravoce renâclant dans son dos. Apprendre qu'il était possible de créer des variations le soulagea quelque peu. Dans l'optique où ce que lui contait la chanteuse était vrai, bien sûr, il était bon de savoir que finalement, Odalie avouait que son futur n'était pas figé dans la glace.
Cependant, ce maigre réconfort fut de courte durée : la gravité de ses propos le saisit. Le monde est meilleur si vous restez en vie et plus encore si vous faites une chose contraire à votre nature. Fuir. Alaric déglutit. Malgré lui, il était pendu à ses lèvres, dans l'attente de la suite. Ses sourcils s'étaient froncés, une barre anxieuse barrait son front. Il avait du mal à comprendre comment sa vie pouvait influencer la destinée du monde. Il n'était rien, comparé à d'autres... Et que savait Odalie de sa nature ? Fuir... Oh, il avait fui, à de nombreuses reprises. Il avait fui lorsque les fangeux les avaient surpris, fuit encore ces derniers une fois sa petite sœur dévorée. Il avait fui Marbrume et ses venelles crasseuses, fui la milice et ses soldats dépravés. Et désormais... n'essayait-il pas de fuir Sombrebois, sa baronne et ses devoirs ? D'une parole rageuse, il aurait voulu le lui cracher à la figure, mais la suite de sa vision ne lui en laissa pas le temps.
Vous la perdrez « elle ». Son cœur rata un battements, son sang ne fit qu'un tour, sa bouche s’assécha. Il entendit le reste de la vision au loin, un mur ayant enveloppé ses sens. Le regard réconfortant d'Odalie ne fut pas suffisant pour réchauffer le froid cruel qui s'était insufflé en lui et remontait le long de son échine. Elle ne pouvait pas être au courant pour Eve, n'est-ce pas ? Elle devait forcément parler de Rosen... Oui, c'était plus logique. Mais elle ne devait pas non plus être au courant pour la blessure de l'ours.
Le garde déposa son regard sur le bâton, symbole de salut à en croire les dires de la chanteuse. Au moins une personne mourrait suite à son choix. Dans tous les cas, il ne pourrait pas sauver tout le monde. Une fois de plus. Ne pouvait-il pas changer la direction de ce long fleuve houleux ? S'il y avait bien quelque chose qui ne cessait de le hanter, c'était ce poids lourd et pénible sur les épaules, celui qui lui rappelait sans cesse qu'il n'avait pas pu les protéger. Lourd est le fardeau de celui qui croit porter le monde. C'était la première phrase qu'elle avait prononcée une fois son chant terminé. Alaric avait du mal à croire qu'il s'agissait d'une coïncidence.
Il avait décidé qu'il ne prêterait pas attention à ses racontars, mais aucun mensonge, aucune fourberie n'animait les yeux bleus d'Odalie, c'était même tout l'inverse. Alaric s'empara du bâton d'un geste brusque et le retourna vers cette dernière, comme s'il détenait une arme.
— Quand vous dites que je la perdrai... Vous parlez de la baronne de Sombrebois ou d'E... De quelqu'un d'autre ?
Ses membres tremblaient. Il avait peur qu'elle lui réponde. L'étrangère avait prononcé ce « elle » avec une emphase si particulière. Il lâcha la bride de sa monture et se pinça l'arête du nez, en s'obligeant à inspirer quelques fois profondément. Ce n'était ni le moment, ni le lieu pour perdre son sang-froid.
— Quand se déroulera cette nuit ?
Il ne la quittait pas des yeux.
— Et Isaac ? Est-ce que ce sera dangereux pour lui aussi ou... Juste pour moi ? Je ne vais pas l'amener là-bas s'il risque d'y mourir.
Odalie ne lui avait pas donné ce bâton de brède pour calmer la douleur de sa blessure. Certes, c'était une heureuse conséquence. Mais Alaric devinait qu'elle avait attendu que cette conversation et occasion se présente dès leur rencontre. Même s'il essayait d'oublier ses propos, un doute subsisterait. Et si elle disait vrai. Et si, et si.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Lun 1 Nov 2021 - 2:39
10 Avril 1167.
Si Odalie craignit la réaction ou la colère d’Alaric, elle n’en montra rien, pas même quand il lui tendit le bâton comme un gourdin près à la battre pour sa fourberie. Elle se contenta de continuer de le regarder avec une bienveillance maternelle.
Elle n’avait jusqu’ici montré que peu de considération pour la réalité du monde ou l’importance de celle-ci, perdue qu’elle était dans ses histoires rocambolesque d’homme volant et autre palabre. Mais à cet instant elle semblait aussi peinée que lui, ou peut-être peinée pour lui, comme un parent dont les peurs et la tristesse de son enfant trouvaient écho dans ses propres sentiments. Elle lui répondit d’une voix douce.
- Vous comme moi savons que ce n’est pas la Baronne que vous craignait de perdre à cet instant Alaric. Mais vous devez garder ce nom pour vous, enfoui. Il vaut mieux que ni moi, ni d’autres n’aient conscience de son identité pour l’heure. Et malgré la crainte que cela vous cause, il est bon que votre cœur soit accompagné.
Elle le laissa inspirer longuement avant de répondre à sa question suivante.
- Selon moi elle aura lieu entre cette pleine lune et la suivante. Sans doute une fois l’enfant de la baronne sera venue au monde. Je crois que beaucoup de chose tournent autour de cela, même si je n’en suis pas certaine.
Sa réponse semblait honnête. Mais avec une femme qui prétendait voir le futur, comment démêler un mensonge d’une demi-vérité ? En tout cas Odalie ne semblait point prête à en dire plus à ce sujet. Sois par méconnaissance, comme elle l’affirmait. Soit par choix délibéré. Son regard glissa vers le jeune garçon endormi sur la selle et afficha une expression attendrie, mais triste.
- Je ne sais pas le moins du monde ce qui lui arrivera Alaric, je suis désolée. Peut-être mourra-t-il en tentant de vous protéger, ou alors sera-t-il à l’origine de la trahison qui vous mettra en danger. Pour moi, contrairement à vous, il n’est qu’une goutte dans la rivière, indiscernable des autres. Je ne sais où ses pas le conduiront, et je ne sais si Sombrebois verra sa mort.
Son regard revint sur Alaric et se fit plus déterminer.
- Mais si vous restez et combattez, sans doute périra-t-il avec la plupart des habitants du bourg. En supposant qu’il soit de votre côté, ce que j’espère sincèrement. Il a le cœur bon, même si la peur le ronge.
Elle tourna la tête vers la route et inspira longuement.
- Nous approchons du bourg. Notre route va bientôt se séparer.
Dernière édition par Dame Corbeau le Jeu 4 Nov 2021 - 11:49, édité 1 fois
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Lun 1 Nov 2021 - 14:08
Alaric lut dans les yeux d'Odalie la réponse qu'il redoutait bien avant qu'elle n'ouvre la bouche. Son regard empli de tendresse parlait pour elle. Elle devinait l'existence d'Eve sans en connaître son identité. « Comment ? » aurait-il voulu demander. Mais après tout Pat n'avait-il pas compris lui aussi qu'une femme se cachait derrière son sourire ? La Lame n'avait pourtant rien d'une diseuse de bonne aventure... Le garde pouvait continuer de chercher des excuses, il savait au fond de lui que les paroles de la chanteuse ne reposaient pas uniquement sur son observation. Les Trois lui soufflaient des mots qu'elle tâchait de démêler et pour une raison qui lui échappait encore, Alaric se retrouvait au milieu de cette histoire. En rôle principal plutôt qu'en figurant, à son grand dam.
L'accouchement de Rosen était la clef de tout : pour une fois, la vision d'Odalie corroborait les mises en garde d'Eve. Sombrebois serait secoué de nouveaux changements une fois que l'héritier aurait pointé le bout de son nez. Le garde releva le visage vers le bourg qu'il ne pouvait pas encore apercevoir : si les dires de la conteuse étaient vrais, c'était peut-être la dernière fois qu'il effectuait ce trajet.
Il aurait préféré une réponse plus concrète, mais le mystère faisait toujours partie du spectacle. Pour autant, l'étrangère semblait sincèrement peinée de ne pas pouvoir lui offrir plus de détails. Le cas d'Isaac le préoccupait. À priori, sa présence était une nouvelle variation de ses dernières visions, un pion dont la fonction sur l'échiquier n'avait pas encore été dévoilée. Alaric s'en voudrait toute sa vie s'il avait fait le mauvais choix le concernant. S'il avait su, il aurait demandé à Aeryn de le ramener avec elle, à la compagnie. Mais comment pouvait-il être sûr que ce lieu serait moins dangereux pour le jeune garçon ?
Rester dans le bourg déclencherait une bataille, fuir permettrait de protéger les habitants, la situation était presque claire. Mais pourquoi devait-il craindre de perdre Eve au cours de cette possible offensive ? La jeune noble serait à Marbrume, elle n'avait aucune raison de se rendre à Sombrebois... N'est-ce pas ? Et puis, il y avait cette histoire de trahison... Il savait déjà qu'il devait se méfier de tout et de tout le monde, il lui était difficile de discerner ses alliés de ses ennemis. De fait, le soldat n'accordait sa confiance qu'aux habitants du château, ainsi qu'à Eïlyn et à son sergent. Était-ce déjà de trop ?
Alaric avait gardé le bâton entre lui et Odalie en le maintenant moins fermement au fil de leur discussion ; ce dernier n'était pas resté hostile bien longtemps. Il soupira et le planta à ses pieds, dans la terre meuble des marais.
— Si je fuis, alors elle sera sauvée, c'est bien ça ?
Mais il perdrait quelqu'un d'autre en échange. Quelqu'un qui compte, avait-elle dit. Il pouvait essayer de se préparer au mieux pour ce dilemme à venir – si du moins ces événements se déroulaient réellement. Il ne perdait pas de vue qu'il s'agissait peut-être simplement de racontars d'une folle rencontrée dans les marais. Et si, et si. Pouvait-il se permettre de nuancer les plans que les Trois avaient prévu pour lui ? Était-il encore dans les temps ? N'était-ce pas se montrer trop orgueilleux de croire qu'il pouvait contrecarrer ce destin lugubre ? Et surtout, était-ce bien prudent ? Peut-être était-ce cette présomption qui mettrait Eve en danger.
— Nous séparer ? répéta-t-il. Vous ne rentrez pas dans le bourg ?
Ils reprirent leur marche, bercée par la respiration d'Isaac et le souffle du vent dans les buissons. Odalie avait raison, c'était une belle journée ; il aurait pu en profiter, mais si les nuages étaient blancs dans le ciel, ils étaient bien plus sombres dans son esprit. La forteresse se découpait à l'horizon, lorsqu'il s'arrêta à nouveau.
— Pourquoi c'est moi que vous mettez en garde ? demanda-t-il soudain. La baronne de Sombrebois devrait être au fait de ces histoires.
D'autant plus que Rosen était réceptives aux divinations et autres tirages de carte.
— Moi je ne suis qu'un soldat.
Mais ce n'était plus le cas et il le savait. Ce n'était plus son niveau. N'était-ce pas ce qu'il avait voulu ?
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Lun 1 Nov 2021 - 15:12
10 Avril 1167.
Odalie sembla indécise à la question du jeune homme, comme si la réponse qu’elle avait sur le bout de la langue lui échappait. Son regard se perdit à nouveau dans le vide comme pour observer une scène qui se déroulait à la périphérie de leurs champs de vision. Pourtant ils étaient seuls.
- Oui, elle vivra, je le crois. Mais d’autres épreuves l’attendent et je ne sais pas si vous pourrez l’aider dans celles-ci. finit-elle tout de même par répondre d’une voix lointaine. Elle haussa les épaules comme pour en chasser la tension. Une lutte à la fois Alaric. Il est inutile de vouloir regarder trop loin, les détails manquent.
Elle se remit à marcher avec lui, au rythme cadencé de ses pas, avec une symétrie surprenante, tant et si bien qu’il était difficile de différencier leurs bruits de pas.
- Non, je ne pense pas y entrer pour le moment, je n’ai pas besoin d’être entre ses murs pour découvrir ce qu’il s’y passe. Du moins pas tant que la nécéssité ne me l’imposera pas. Je ne suis pas de celles qui aime trop souvent la compagnie des autres, sauf quand ils sont intéressants ! s’exclama-t-elle d’un ton bien plus détendu.
- Je vous déconseille de parler de moi à votre seconde, elle aussi aura besoin d’avoir l’esprit concentré dans les temps à venir et si vous lui racontez notre entrevue, elle voudra me retrouver pour comprendre. Ce que je ne lui permettrais pas. Autant ne pas gâcher du temps à cela. Mais cette décision est vôtre capitaine, je ne me formaliserais pas si vous le faîte. Après tout, elle mérite la confiance que vous lui portez.
Etonnamment ce fut quand Alaric la questionna sur la raison de son choix que leur démarche se dissocia à nouveau pour redevenir séparées, comme un instrument effectuant une mauvaise note au milieu d’un concerto. Il entendit une forme d’amusement dans sa voix quand elle reprit la parole, mais aussi quelque chose de mystérieux, un peu comme celle que prenait les vieux conteurs autour du feu pour embarquer dans l’aventure les esprits les plus jeunes.
- Vous réfléchissez trop avec votre esprit de jeune homme de village Alaric. Ni la richesse, ni les titres, ni même la gloire ne font les gens importants. Un paysan ou un soldat peu changer le cours de l’histoire aussi surement qu’un roi. Sans même que personne ne le sache.
Elle huma l’air comme pour sentir quelque chose, et Bravoce inclina doucement les oreilles.
- Je vous ai prévenu vous, parce que quelqu’un ou quelque chose vous a placé sur la route de la desitnée faisant de vous un rocher capable de détourner le fleuve Alaric. expliqua-t-elle en reprenant sa métaphore.
- Je ne sais pas pourquoi cela a été fait, mais je sais que c’est pour le mieux. Alors je me contente de continuer à pousser dans ce sens et à faire en sorte que vous ne finissiez pas immerger en accomplissant cet exploit. Le bâton est là pour cela.
Elle s’arrêta tout à fait, faisant un pas d’écart pour ne pas gêner la trajectoire du cheval et de son cavalier endormi.
- C’est ici nos routes se divisent Alaric. annonça-t-elle finalement.
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Jeu 4 Nov 2021 - 12:37
Odalie comptait-elle passer la nuit aux abords du bourg, à la merci des créatures qui rôdaient dans les bois ? Alaric hocha la tête sans rien ajouter ; en vérité, l'envie de rester dehors collait assez bien au personnage. Elle n'avait pas besoin d'être à Sombrebois pour découvrir ce qu'il s'y déroulait ? Encore des paroles sibyllines que le soldat ne releva pas. Il commençait à avoir l'habitude.
La conteuse semblait aussi avoir connaissance de l'existence d Eïlyn, même si elle ne cita pas son nom. Le soldat se demandait si elle était déjà venue auparavant, mais il laissa cette question en suspens. Il n'avait pas l'intention d'embêter son quartier-maître avec cette histoire de vision – y croirait-t-elle ? – mais il aurait aimé qu'Eve soit au courant... Il soupira. Il avait énormément de choses à dire à la coutilière et cette dernière ne serait sans doute pas en reste, suite au départ de la châtelaine.
Odalie ne voulait pas rencontrer Eïlyn, comme elle ne ressentait pas le besoin de discuter avec la baronne de Sombrebois. C'était lui, la personne capable d'influencer le destin – si ce terme revêtait bel et bien un sens. C'était effrayant. Lui qui, depuis la fange, avait tout fait pour éviter les problèmes des autres et les gens en général, renfermé sur lui-même et la vengeance qu'il ourdissait contre la fange. Mais pourtant, il n'en avait jamais eu assez. Les Trois ne lui offraient-ils pas la possibilité de faire ce qu'il avait toujours désiré ? Les fils que les dieux tissaient pour lui n'étaient qu'un amas entremêlés ; Odalie lui proposait de les dénouer. Encore fallait-il oser. Risquer d'entrapercevoir le résultat de cette composition. Alaric raffermit sa brise sur le bâton.
— Je suppose qu'on se reverra.
Il la toisa un instant, sans attendre de réponse de sa part. Pouvait-il vraiment faire confiance à cette étrangère ? S'enfuir dans les marais sur ses conseils et y attendre un secours inconnu ? D'ailleurs, quelle aide surgirait de ces terres dangereuses ? Odalie s'intéressait aux bannis, serait-ce possible qu'elle soit leur allié, d'une quelconque manière ? Le soldat secoua la tête, il réfléchissait trop. Une bataille à la fois, lui avait-elle dit. La première manche consistait à rentrer chez lui et y apprendre ce qui s'y était déroulé durant son absence. Une véritable épreuve.
— Si c'est un piège que vous me tendez...
La lueur maternelle qui se dégageait de ses yeux bleus perçants l'empêcha de terminer sa phrase. Pouvait-on mentir avec un regard pareil ? Le garde détourna le sien afin de le planter sur la forteresse qui se découpait dans le ciel bleu.
— Prenez soin de vous.
Alaric inclina légèrement la tête pour lui faire ses adieux, puis se détourna de la conteuse sans un merci, sans un sourire. Il entraîna Bravoce à sa suite et ne se retourna pas.
***
Le milicien posté à l'entrée du bourg eut l'air ravi dès l'instant où Alaric rentra dans son champ de vision. Un large sourire fendit ses lèvres et il salua avec une joie non dissimulée le capitaine de la garde.
— La coutilière Eïlyn vous attend au plus vite, l'informa-t-il.
— Je m'en doute.
Il se décala quelque peu et le milicien fronça les sourcils en apercevant Isaac, somnolant toujours sur le dos de Bravoce.
— Cet enfant est blessé, je vais l'amener au temple, puis j'irai m'entretenir avec Eïlyn.
L'homme hésita un instant avant d'opiner. Il ne pouvait pas savoir que son capitaine était déjà au courant d'une partie des événements qui avaient secoué le château quelques jours plus tôt. Alaric lui sourit, puis rentra enfin chez lui. Le bourg demeurait aussi animé que lorsqu'il l'avait quitté, un peu plus de 10 jours auparavant. Il ne s'agissait plus d'une forteresse encadrée de quelques ruines, mais un véritable village prenait vie entre les murailles défendues. Il réveilla l'enfant d'une douce pression sur le bras. Isaac ouvrit les yeux, les paupières alourdies par le bâton de brède. Il balaya les lieux du regard, curieux malgré la fatigue.
— Allons te soigner !
Le gamin ne dit rien, mais Alaric devinait qu'il ne perdait pas une miette des habitants qui marchaient ici et là, des claquements des marteaux et autres enclumes, de l'appel des quelques marchands et de la présentation de leurs étales. Le temple n'avait rien d'impressionnant, avec sa petite taille et son architecture rudimentaire, ses vitraux ternes et son toit pointu ; il était cependant possible d'y soigner quelques blessés. Le soldat l'aida à descendre de Bravoce, puis le maintint contre lui afin d'équilibrer son poids. Après quelques explications et promesses de retour, il laissa l'enfant à la prêtresse des lieux et sortit un peu plus léger.
— Il me semblait bien que c'était Bravoce.
Hilde flattait l'encolure du hongre. La rousse aussi semblait réjouie par sa présence. Du moins, encore plus que d'habitude.
— Tu as l'air en forme, le complimenta-t-elle. Mes prières ont dû fonctionner.
— Tes prières ?
La bucheronne détourna les yeux, un pâle sourire sur les lèvres.
— Pour que toi et Rosen reveniez sains et saufs.
— Rosen... est partie ? hoqueta-t-il.
Odalie s'était bien gardée de le lui dire ! À moins qu'elle ne soit pas au courant... Il ne parvint pas à réprimer le cri de rage qui bouillonnait en lui, tandis qu'il se frappait le front de la paume, abasourdi.
— Pour quelques jours seulement, tenta-t-elle de le rassurer. Tu devrais aller voir la coutilière. Je ne sais pas tout, mais il s'est passé beaucoup de choses, pendant ton absence.
Il croyait être au courant de tout, c'était raté. Entre nervosité et colère, il tendit la bride de sa monture à Hilde, lui demandant si elle pouvait l'emmener aux écuries et récupérer ses maigres affaires.
— Oh, et il y a un garçon que j'ai amené. Isaac. Veille sur lui, présente-le à Moe. Je lui expliquerai plus tard ! Merci, Hilde !
Alaric lui lança un bref signe de la main, avant de se diriger vers le campement de la milice à petites foulées. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, comme s'il n'avait pas eu son lot de surprises pour la journée ! Il jura entre ses dents et accéléra le rythme. Enfin, il aperçut la noiraude. Au centre du camp, en pleine discussions avec deux miliciens. Elle n'eut qu'à relever les yeux pour le voir.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Ven 5 Nov 2021 - 5:31
10 Avril 1167.
Le camps de la milice avait pris l’allure d’une forteresse dans la forteresse. Autant pour occuper leurs hommes que par besoin de sécurité, Eïlyn avait fait dégager le terrain et dresser des palissades et deux tours de garde et un chemin de ronde en un temps record. Un ensemble de bois certes, mais ça ne manquait pas dans les environs. Un dortoir avait pris forme en transformant d’ancienne stalle d’écuries. Le reste du camp était encore principalement composé de tentes de la milice même si on pouvait voir ça et là les squelettes de bâtiments qui allaient être construit en dur.
La coutilière avait couru partout ces dix derniers jours pour entretenir l’illusion que tout allait bien, que ce soit auprès des miliciens ou des villageois. Et bordel, une bonne part ne rentrait pas du tout dans les prérogatives de son poste ! Ces derniers jours elle s’était retrouvée à assurer les séances civiles à la place de la baronne, à organiser des missions pour Yohan et à gérer la sécurité, ou plutôt l’insécurité du bourg à la place de son capitaine. A peu de chose près, elle dirigeait complètement Sombrebois. Elle maudit intérieurement le nom de Yohan qui l’avait jetée, en toute connaissance de cause, elle en était sûre, dans cette fosse à purin logistique.
On avait accouru pour la prévenir de l’arrivée d’Alaric il y a quelques minutes et elle prit un peu plus sur elle pour ne pas exploser en apprenant qu’il s’offrait le luxe d’aller déposer un passager inconnu au temple. Elle était fatiguée, en colère même, mais avait conscience que rien de tout ce qui c’était déroulé ces deux dernières semaines n’était imputable à l’absence de son capitaine. Tout aurait dû rouler, mais tout avait explosé. Elle aurait juste aimé que ce ne soit pas à elle de nettoyé la merde laissée.
- Je te préviens Carl, si je prends encore un de tes gars à la taverne plutôt que sur sa ronde, je te ferais fouetter le cul si fort qu’il pourra servir de soleil de remplacement en cas de besoin. Et toi Eric, je t’ai dit quinze fois de faire trois rotations, pas quatre la nuit, tes hommes passent tellement de temps à s’échanger leurs postes qu’on pourrait faire entrer un chariot sans qu’ils s’en aperçoivent ! maugréa-t-elle en relevant la tête, ce qui lui permit d’apercevoir Alaric avancer vers elle entre les deux corniauds. Allez débarrassez-moi le plancher, avant que votre solde ne saute aussi facilement que vos dents.
Les deux hommes ne se le firent pas répéter et s’esquivèrent rapidement laissant la militaire seule au milieu de la place. Elle s’inspecta rapidement, plus par réflexe que par volonté de bien paraître. Bon elle ne faisait pas de toute première fraicheur, mais au moins elle avait l’air d’une milicienne. Elle fit un sourire qu’elle voulait accueillant à son supérieur, mais dans lequel transparaissait surement toute sa fatigue. Elle le salua d’une mise au garde vous irréprochable quand il s’arrêta devant elle, mais délaissa presque aussitôt le protocole pour poser ses mains sur ses hanches et soupirer lourdement.
- Bienvenue chez vous Capitaine. dit-elle toute de même. J’espère que votre voyage s’est bien passé.
Elle se mit à l’examiner, il avait la mine lugubre lui aussi, sans doute parce qu’il avait perçu dès son arrivée que quelque chose n’allait pas. Ou alors il avait encore pire à lui annoncer, histoire d’ajouter encore un peu de stupidité à toute cette situation ! Mais il y avait aussi autre chose, plus profondément enfoui mais elle ne parvint pas à mettre le doigts dessus. Et sans doute qu’il n’en avait pas envie. Elle indiqua la tente de commandement et pris les devant pour l’y guider. Des cartes étaient éparpillées sur la table rectangulaire au milieu de celle-ci, et une couchette avait été jeté dans un coin. Elle n’avait plus si souvent le luxe de s’éloigner d’ici pour dormir sous un vrai toi. Elle se dirigea vers un meuble et se servit de l’eau fraîche dans un broque d’acier.
- Vous en voulez ? demanda-t-elle, sibylline avant de prendre place sur une des chaises après avoir fini. Je commence du début, où on va à l’essentiel du merdier actuel cap’ ?
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Dim 7 Nov 2021 - 12:07
Les visages blêmes des deux miliciens rappelèrent à Alaric l'effroi qu'affichaient les jeunes recrues, une fois qu'ils avaient déguerpi du bureau de Sydonnie. Il répondit à son sourire las par un rictus similaire et la salua d'un simple hochement de tête. Eïlyn avait les traits tirés, ses cheveux décoiffés tombaient mollement autour de son visage pâle et ses yeux gris avaient perdu de cet éclat argenté qui illuminait d'habitude son regard. Le soldat espérait qu'elle ne lui en voulait pas trop, même s'il n'avait pu deviner que les choses tourneraient mal durant son absence, il ne pouvait s'empêcher de culpabiliser à l'idée de l'avoir laissée seule pour diriger le bourg, des prérogatives qui dépassaient de loin son poste initial.
— Plus ou moins, répondit-il d'un ton évasif.
Oh oui, son voyage s'était bien déroulé, jusqu'à ce qu'il mette les pieds à Balazuc. Après ça, les mauvaises nouvelles et autres étrangetés n'avaient cessé de se succéder. Quoi qu'à bien y réfléchir, tout avait peut-être commencé lorsque Eve lui avait annoncé qui elle était vraiment... ça aussi, ça avait été inattendu. Alaric n'avait pas réellement donné de raison sur son départ à son quartier-maître, prétextant qu'il avait eu besoin de se rendre à Marbrume pour régler l'une ou l'autre affaire, sans s'épancher sur ses motivations. Au départ, il n'avait pas prévu de partir aussi longtemps. Il s'en voulait d'autant plus d'avoir abandonné Eïlyn à son triste sort, tandis qu'il dormait – un peu – dans les bras de la jeune noble. Il chassa bien vite ces pensées, par peur que sa seconde ne découvre le sourire idiot qui manquerait invariablement d'étirer ses lèvres s'il se perdait encore dans ses souvenirs.
Alaric balaya la tente de commandement du regard : pas le meilleur confort qui fut, même s'il était certain que la noiraude s'en contentait. Il jeta un œil rapide aux cartes étalées sur la table, avant d'accepter un godet d'eau. Il avait terminé son outre en chemin et une boisson fraîche l'aiderait à avoir les idées plus claires. Il le vida d'une traite avant de dévisager Eïlyn.
— Je suis désolé, je n'aurais pas dû partir si longtemps, lâcha-t-il enfin.
Il hésita un instant avant d'ajouter :
— Vous... Tu n'es plus seule pour diriger tout ça maintenant.
Alaric soupira et, après avoir déposé le gobelet sur la table, appuya ses deux bras sur cette dernière.
— Je sais déjà quelques... trucs. J'ai appris que la châtelaine avait quitté le bourg. Et là, Hilde vient de me dire que Rosen était partie à son tour.
Il prit une grande inspiration sans quitter la noiraude des yeux.
— J'aimerais tout savoir. Que s'est-il passé ? Rosen a retrouvé le corps d'Hector ? Roxanne a-t-elle reçu une lettre ou est-elle partie de son propre chef ? Qu'est-ce qui a motivé son départ ? Va-t-elle revenir ?
Ses doigts s'enfoncèrent un peu plus dans les bois, ses épaules se contractèrent. Il ne pouvait reprocher à son quartier-maître la gestion du bourg, mais une question le démangeait et il ne savait comment la poser, sans l'incriminer.
— Pourquoi as-tu laissé partir la baronne ?
S'il avait été là, les Trois pouvaient être sûrs qu'il l'aurait fait surveillée en permanence, surtout si elle était devenue un peu plus folle encore, suite à la découverte du corps de son époux. L'accouchement se rapprochait inexorablement, traverser les marais était la dernière chose que la blonde pouvait se permettre de faire. D'ailleurs, avait-elle poussé le vice à quitter le château seule ? Il soupira à nouveau et se décolla du meuble central, arpentant désormais la tente de long en large, son menton mal rasé posé sur sa main gauche. Il y avait tellement d'informations à assimiler et lui-même en avait tout autant à transmettre à la coutilière ! Une bataille à la fois, avait dit Odalie. Oui, mais il se sentait obligé de mener tous ces assauts de front car tous le guideraient vers une guerre qu'il devrait éviter. Pour ce faire, il aurait besoin d'alliés : Eïlyn était l'un de ceux-là. Il avisa à nouveau la couchette inconfortable installée dans un recoin de la pièce. Le soldat n'était pas certain qu'elle accepterait, mais il pourrait toujours lui proposer de dormir dans le château quelques nuits. Elle aurait besoin de retrouver des forces, avec les nouvelles qu'il s'apprêtait à lui annoncer. Pour l'heure cependant, c'était à lui de l'écouter.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Dim 7 Nov 2021 - 14:54
10 Avril 1167.
Elle ne réagit pas tout à fait, mais un éclat dans ses yeux signala à Alaric qu’elle appréciait, même s’il n’était en rien coupable de tout ceci, qu’il prenne le temps de compatir à ce qu’elle avait dû faire sans lui. A sa place. Elle s’empourpra légèrement et battit l’air d’une main fatiguée pour chasser ce point de discussion d’une main.
Elle sembla bien plus étonnée par le fait qu’il sache pour la Châtelaine. Même si cela commencé à devenir un bruit rependu, elle avait fait des pieds et des mains pour faire croire à une absence momentanée explicable par l’enterrement du baron et elle pensait avoir réussi. Pas plus tard que ce matin elle avait entendu deux badauds tabler sur sa date de retour. Elle jeta un nouveau coup d’œil scrutateur à son supérieur mais obtempéra sans poser de question. C’était elle qui devait un rapport, pas l’inverse.
- Je vais te dire tout ce que je sais, et tout ce que j’ai supposé. Mais la plupart des détails sont connu de la baronne et de la châtelaine seules, donc je ne pourrais surement pas tout te dire. Du moins pas assez pour te satisfaire. dit-elle avec un soupire appuyé.
- Tout à commencer le trente du mois dernier. La baronne a quitté l’enceinte du mur sans prévenir personne à dos de cheval au beau milieu de la journée. Dès qu’elle l’a appris, Rox… la châtelaine a monté une expédition pour la rattraper et nous sommes parti à sa poursuite, sans la préparation suffisante.
Elle marqua un temps, comme si elle rechignait à s’attarder sur ce point, mais fini tout de même par reprendre, d’une voix qui masqué difficilement ses doutes et condamnation.
- On nous a attaqué Cap’. Pas une attaque opportuniste de bandits. Non ! Quelqu’un nous a tendu une embuscade bien organisée et on a perdu des hommes. Je crois qu’ils en voulaient à la vie de la noble et nous retarder pour que la baronne prenne un jour d’avance sur nous à cause de la nuit. Ils ont échoué dans le premier objectif, mais réussi dans le second. Le temps qu’on les repousse et qu’on réorganise la traque, il était déjà tard. Le temps qu’on la rattrape, elle était arrivée à Ménerbes, où elle avait retrouvé, les trois savent comment, le corps du baron enterré récemment. On a ramené tout ce petit monde ici, et le défunt a eu droit à ses honneurs et les deux femmes à une discussion plutôt houleuse dont je n’ai pas le contenu. C’est à peu près tout ce que je sais de concret. Pour ce qui est des suppositions…
La milicienne se gratta la tête, l’air gêné, consciente que les paroles qu’elle s’apprêtait à dire pouvaient frôler la trahison dans la mauvaise oreille. Mais elle croyait en la personnalité d’Alaric et Yohan lui avait dit qu’elle devrait agir avec lui de la même façon qu’elle l’avait fait à son service pendant deux ans. Et elle ne s’était jamais privée de lui confier ses impressions et avis alors…
- En fouillant un peu, j’ai découvert que la châtelaine avait fait surveiller la baronne de loin par des miliciens avec interdiction formelle que ces rapports remontent par la chaîne de commandement officielle. Des gars de la ville, pas des mi… des nôtres, c’est pour ça qu’il m’a fallu du temps pour l’apprendre. Ils lui ont rapporté qu’elle avait rencontré une femme à la taverne, juste avant de quitte le bourg, une fille promise à un marchand de caravane. La même caravane qu’on a retrouvé pillée et incendiée avec les corps sur place en revenant de cette… expéditon. Ce que je crois, c’est que la châtelaine pense la baronne impliquée, assez en tout cas pour que ça lui retombe dessus si les détails venaient à sortir. Plus de témoins et des actes irraisonnés qui la font passer pour une instable… ce qu’elle est, soit dit en passant… Je pense que la châtelaine est partie pour ne pas avoir à la mettre aux arrêts ou sous surveillance rapprochée, je crois qu’elle pense que c’est ce qu’on attendait d’elle. Ou alors elle en a eu marre de veiller sur une morveuse indisciplinée. lança-t-elle alors qu’elle montait peu à peu le ton avant de s’en rendre compte et de se redonner une contenance en buvant une grande goulée d’eau. Visiblement la dernière question de son compagnon lui avait quelque peu tiré les nerfs, mais quand elle reprit elle était plus calme, mesurée.
- La baronne a décidé de prendre quelques jours de repos dans le Labret si j’ai bien compris, elle est partie en compagnie de l’autre tas de muscle… Rochemont je crois. Et sa clique de mercenaire du dimanche. Et si j’ai laissé partir la baronne, c’est que je n’ai aucun pouvoir pour l’en empêcher Alaric. Si je suis ta seconde en théorie et que les hommes me suivent parce qu’ils en ont l’habitude, je n’ai aucune autorité réelle sans toi, encore moins sur la maîtresse des lieux, alors à part sourire et accepter, je n’ai pas beaucoup de choix. Si je l’avais arrêté, j’aurais eu droit à un procès pour insubordination, si elle meurt là-bas, ce sera pour avoir échouer à remplir ma mission. Quitte à me faire baiser, je préfère avoir la paix quelques jours…
Elle se rendit compte de son langage fleurit et s’empressa d’ajouter un :
- Capitaine.
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Dim 7 Nov 2021 - 18:56
Les dernières couleurs qui égayaient ses joues s'estompèrent au fur et à mesure qu'Eïlyn lui relatait ce qu'il s'était passé. C'était bien pire que ce qu'Odalie avait laissé présager. Comment Rosen avait-elle pu être au courant pour Hector ? Avant son départ pour Marbrume, Alaric était parvenu à se faire une raison concernant son ami disparu. Il avait cru que la blonde avait tiré les mêmes conclusions que lui... Peut-être pas. Quelqu'un avait forcément dû lui souffler cette piste, la baronne ne lui aurait pas caché une information aussi cruciale... n'est-ce pas ? Heureusement, la noiraude avait eu le temps de mener sa petite enquête, ce qui lui permis de répondre à quelques unes de ses muettes interrogations. Avec une maladresse mal dissimulée, elle lui transmit le résultat de ses recherches, de même que ses suppositions, guère engageantes. Le soldat comprenait aisément le malaise de la jeune femme, d'autant plus que ses conclusions tombaient sous le sens, compte tenu des maigres preuves qu'elle possédait. Cependant, malgré l'instabilité de Rosen, il peinait à croire qu'elle ait pu organisé cette embuscade. Non, le mystère reposait sur cette femme qu'elle avait rencontrée dans la taverne : était-elle la source ? Celle qui lui avait annoncé où se trouvait son défunt époux ? La baronne aurait voulu en avoir le coeur net, ce qui l'avait poussé à quitter le bourg et à tomber, sans l'ombre d'un doute, dans un piège élégamment ficelé. Mais par les Trois, pourquoi n'avait-elle pas alerté la châtelaine ?!
Alaric avait recommencé à faire les cent pas sous la tente, il se crispa d'autant plus à l'évocation de Desmond. Bien sûr ! Cet abruti avait l'art de les fourrer dans des ennuis à n'en plus finir ! Et cette idiote le suivait partout, pour une raison qui lui échappait encore. Il me comprend, lui avait-elle dit un jour, alors que tous les deux avaient cherché Hector dans les marais pendant des heures. Un grognement sourd s'échappa de ses lèvres. S'il avait été là, il aurait pu empêcher la blonde de repartir avec l'ogre de Rougelac. Son poing s'écrasa sur la table ; une des cartes roula sur le sol, un léger bruissement en découla, allégeant le bref silence qui s'était installé une fois qu'elle eut terminé. Et puis, il rit. Un rire nerveux qui le fit trembler et poindre quelques larmes aux coins de ses yeux.
— Tu sais qu'avant de partir...
Il s'appuya sur la table pour se ressaisir.
— Je lui ai demandé d'être discrète. Discrète, Eïlyn ! Mais non, à la place, elle n'en fait qu'à sa tête et est à deux doigts de perdre le bourg ! Elle aurait pu rester tranquille après ça, mais non, elle a décidé de partir encore, comme si les preuves à son encontre n'étaient pas suffisantes !
Nouveau coup sur la table. Alaric laissa échapper un juron ; à cause de la douleur ou de la situation, il n'aurait su le dire.
— Si elle revient... Et elle a intérêt à revenir, je te jure que je l'enferme au château.
Ses yeux bleus pétillaient de rage tandis qu'il reprenait peu à peu son calme. À bien y réfléchir, qui l'en empêcherait ? Certainement pas la coutilière et le sergent de Morguestanc n'était pas à Sombrebois. Et franchement, la couronne ne préférerait-elle pas savoir la baronne sous bonne garde plutôt que de papillonner au Labret avec l'héritier du bourg dans son ventre ? Plus il y réfléchissait, plus il y croyait. Au fond, sans châtelaine, sans baronne et sans sergent... Il ne restait plus que lui.
— On va diriger ce bourg tous les deux, l'informa-t-il, en écho à ses pensées.
Pendant combien de temps ? Si Hilde ne se trompait pas, la blonde ne tarderait pas à rentrer... Mais pouvait-il en être certain ? Il ne pouvait pas non plus prendre le risque de se rendre lui-même au Labret pour la ramener par la peau du cou. Elle était partie sans qu'aucune opposition ne lui soit faite, il ne serait pas juste d'exiger qu'elle rentre au plus vite. Odalie lui avait dit que l'accouchement était au coeur de son futur... Alors la baronne finirait par rentrer au bercail, non ?
— Je ne sais pas ce qu'elle mijote ni pourquoi elle a fait ça, avoua-t-il. Rosen a toujours été plus dangereuse pour elle-même que pour les autres.
Mais cette tendance était peut-être bien en train de changer.
— Alors en attendant, on doit s'occuper d'eux, dit-il en embrassant le bourg d'un bras derrière lui. Et nous assurer le soutien de la couronne.
Il réfléchit à ce qu'Eve lui avait dit, aux visions d'Odalie, à tout ce que la coutilière ignorait. Il soupira et se rapprocha de cette dernière.
— Tu m'as dit que t'aimais pas les trucs de noble...
Il frappa amicalement son épaule.
— Mais j'ai quelques trucs à te dire, moi aussi...
Il se racla la gorge, comme s'il apprêtait à raconter une histoire merveilleuse, un conte légendaire qui passionnerait la noiraude au coin du feu.
— Un conflit se prépare à Sombrebois, Eïlyn, alors fais attention à toi. Nous ne sommes pas sûrs de pouvoir compter sur la couronne, le roi, la reine, je ne pense pas qu'ils aient les mêmes desseins.
Il leva une main pour l'empêcher de répliquer quelque chose.
— Je sais que ça semble fou, mais... Je te demande de me faire confiance.
Il lui tendit une main ouverte qu'il ne tenait qu'à son quartier-maître de saisir.
— Même si je ne sais pas si ce sont nos alliés, les habitants doivent pouvoir compter sur la couronne et ses convois. Une bonne entente est primordiale.
Même si elle est hypocrite.
— Est-ce que tu sais écrire ? Tu ne penses pas que ce serait une bonne idée d'envoyer une lettre à Roxanne de Val d'Asmanthe ? L'avenir du duché et de ses gens lui tiennent à coeur, dit-il en citant les paroles d'Eve à son sujet. Si elle en a eu marre de s'occuper de Rosen, elle sera peut-être contente d'apprendre que nous pouvons trouver un terrain d'entente ?
Une fois ce problème réglé, il lui parlerait d'Eve, des messages qu'il devait lui transmettre, des Victorieux et des traîtres qui se glissaient peut-être parmi eux. Le soldat avisa le broc d'eau qui ne devait plus contenir que quelques gouttes. Eïlyn allait peut-être avoir besoin de quelque chose de plus fort pour supporter toutes ces nouvelles.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Mar 9 Nov 2021 - 16:30
10 Avril 1167.
La jeune milicienne haussa un sourcil pour seule réaction à l’énervement parfaitement justifié de son supérieur et ne tenta aucunement de le calmer. Tant qu’il s’en prenait à une vieille table, extérioriser pouvait être positif. Elle se contenta d’enlever nonchalamment son broc de la table entre les deux coups pour éviter de se retrouvée aspergée, le temps que la tempête passe. Elle ne lui fit pas remarquer non plus que son affirmation sur la future direction du bourg frôler la trahison. Il n’avait pas relevé cela dans son discours, elle ne le ferait pas dans le sien.
De plus, l’un comme l’autre se retrouver à devoir empêcher que le jeu des puissants ne fasse s’effondrer ce bourg, vu qu’aucun des responsables ne souhaitait pleinement assumer ces errances. Alors elle n’allait pas juger le seul qui semblait vouloir avoir la maturité de prendre les choses en mains, au contraire. Plus le temps passé, plus elle respectait Alaric.
- Tes ordres seront ma ligne de conduite, Alaric. se contenta-t-elle de répondre à ces remarques, lui indiquant son soutien indéfectible dans la voie qu’il choisirait d’emprunter.
Le terme « truc de nobles » qu’il avait repris de ses propres paroles à leur rencontre, lui fit froncer les sourcils plus sérieusement et elle se pencha en avant et serra ses deux mains autour du broc métallique, consciente qu’elle n’était pas certaine d’apprécier la suite. Elle hocha la tête, l’invitant à poursuivre, même s’il l’aurait surement fait dans tous les cas.
En effet elle n’apprécia pas vraiment ce qu’elle entendit, encore moins le peu qu’elle en apprit. Mais en regardant son supérieur choisir avec parcimonie ses mots, elle comprit que comme elle, il se retrouvait devant un fait accompli qui ne tenait pas de son choix. Il n’avait l’apparence du fautif que parce que c’était lui qui se donnait la peine de l’informer, mais qu’elle devrait plutôt lui être reconnaissante de la convier à ce bal de fou plutôt qu’à la laisser dans le flou.
Que pouvaient bien mijoter les nobles ? Elles savaient que la plupart des sangbleu avaient du purin de cheval à la place du cerveau, mais de là à mettre en danger la survie de centaine d’âmes ? De plus les paroles d’Alaric sous-entendaient clairement qu’à présent elle devait se considérait, si elle restait dans se bourgs, peut-être pas une rebelle, mais au moins en conflit d’intérêt avec la couronne. On n’avait de raison de trouver de terrain d’entente dans le même camps…
Elle observa la main tendue de longue seconde, et ce fut certainement ce simple geste qui lui fit prendre sa décision. Puis qu’il lui offrait de choisir, alors elle le choisissait lui et le bourg. Elle se leva d’un bond, se rendant compte qu’Alaric restait planté là, attendant sa décision et lui serra la main.
- On m’a donné pour mission de te seconder et de protéger ce bourg des menaces qui planaient sur lui, alors je vais m’appliquer à la remplir correctement, tu peux compter sur moi. dit-elle d’un ton décidé, répondant de fait à toutes les questions sous entendues de son Capitaine. Elle poursuivit cependant pour répondre à celles qu’il avait posé à voix haute.
- Assez pour un rapport, même si je ne fais pas de belle lettre. Et je ne sais pas vraiment si essayer de contacter directement la châtelaine serait une bonne idée. Enfin je pense que ton idée est bonne, la châtelaine est peut-être foutrement froide, mais elle a la tête sur les épaules et quand elle s’est battue là dehors, elle l’a fait avec nous. Mais pas ainsi. Par la voie officielle, nos lettres vont passer par une trentaine de pair de mains avant de lui arriver, dont plusieurs vont surement, pour leur compte ou pour celui de quelqu’un d’autres, s’intéresser à son contenu. Et je ne suis pas sûr que nous montrer en position de négociation ou de faiblesse soit notre meilleur choix.
Elle réfléchit quelques instants et se rendit compte avant de continuer qu’elle tenait toujours la main d’Alaric et s’empressa de la lâcher en toussotant. Elle reprit.
- Je pense qu’on pourrait passer par le Sergent. Yohan. précisa-t-elle consciente qu’il n’y avait certainement que pour elle et ses hommes que le « Sergent » n’avait qu’une traduction. Il connait la dame et maîtrise bien mieux que nous les courriers discrets tout comme les sphères de la noblesse. On dirait pas, mais c’est un sangbleu lui aussi. De plus, des « rapports » qui lui sont destinés de ma part attireront moins l’attention que si on essaie de prendre contact avec l’Esplanade. Et on a un code lui et moi, pas compliqué, mais qui n’est qu’à nous, ça nous aidera à être plus discret.
Elle n’aimait pas trop l’idée d’avoir à magouiller, mais par contre d’avoir un ennemi plus défini à combattre qu’une mauvaise administration la soulageait grandement, elle se surprit même à sourire.
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Mer 10 Nov 2021 - 12:42
Alaric sourit lorsque la main chaude d'Eïlyn enserra enfin la sienne. Dans un premier temps, il se réjouit d'avoir convaincu la coutilière de le rejoindre dans cette mauvaise aventure ; sa motivation se lisait sur son visage sérieux, dans le ton de ses paroles. Ensuite, il déchanta. Si vous fuyez Alaric, une vie qui compte sera perdue... Il fixa sur elle ses yeux bleus un peu trop intensément, durant un laps de temps au-delà de la convenance. Venait-il d'influencer la milicienne au point de la condamner ? Il imaginait sans mal la noiraude se battre – pour une raison qui lui échappait encore – jusqu'à la mort pour protéger le bourg, simplement pour honorer la mission dont elle avait hérité. Cette maudite Odalie avait réussi à s'insinuer dans son cerveau ! Il aurait mieux fait de ne pas l'écouter ! Désormais, il allait douter de tout, craindre pour tout le monde sans avoir de réponse claire à leur fournir.
Enfin, il détourna le regard, tandis qu'elle lui annonçait enfin une bonne nouvelle : Eïlyn savait écrire ! Oh, il se moquait bien de la beauté de ses lettres, pour autant que ces dernières arrivent à destination. Il salua la pertinence de sa remarque d'un hochement de tête et réfléchit à son tour. Ils avaient discuté avec Eve d'un moyen pour profiter des convois et entretenir une correspondance invisible aux yeux d'autrui, sans pour autant qu'une solution concrète ne s'impose à eux. La noiraude s'en chargea. Alaric n'aurait jamais osé demander à Yohan de Morgestanc de jouer au messager, mais si les deux miliciens possédaient un code bien à eux pour s'écrire, il s'agissait là de leur meilleure chance. De plus, il savait qu'il pouvait compter sur l'ancien noble, que ce dernier était dans le même camp qu'Eve... Au final, l'intervention de Yohan se révélait autant nécessaire que logique.
— D'accord, opina-t-il, on va contacter le sergent de Morguestanc.
Pas sûr, cependant, qu'il aurait aimé entendre deux de ses subordonnés suggéraient une trahison de la couronne, ou de la baronne, mais peut-être que l'idée d'enfermer cette dernière ne l'aurait pas plus dérangé. Alaric n'y aurait pas mis sa main au feu : il allait falloir choisir les mots justes, jongler entre les affirmations et les non-dits. Un travail de lettré, tout ce qu'il n'était pas. Le soldat grimaça.
— Sais-tu où se trouve le sergent actuellement ? demanda-t-il, tandis qu'il enroulait quelques cartes, afin de faire de la place sur la table.
Au milieu de cette dernière trônait un encrier de petite taille, sur lequel reposait une plume qui avait connu des jours meilleurs. Elle était tâchée d'une encre brunâtre et Alaric la suspectait d'avoir séché un peu trop longtemps, faute d'utilisation. Sous une des cartes étalées, il dénicha plusieurs feuilles de parchemin qu'il glissa devant Eïlyn, le visage navré. Il aurait préféré lui laisser un peu plus de temps, mais il n'en avait point et plus vite ce manuscrit serait rédigé, plus vite il pourrait respirer un peu. Ou du moins en aurait-il l'impression.
Le soldat toisa la feuille vierge d'encre comme si cette dernière allait se remplir toute seule.
— Alors quel est votre code avec le sergent ?
Face au parchemin, il n'avait aucune idée de ce qu'il allait dire. Les bras croisés sur son torse, il se tenait derrière la coutilière et se mordillait la lèvre, à la recherche de tournures convenables, de jolis mots à coucher sur le feuillet.
— Je ne sais pas... Comment on doit s'adresse à elle ?
Ses joues s'empourprèrent ; capitaine de la garde, tu parles !
— Ma Dame Du Val d'Asmanthe ?
N'était-ce pas trop étrange ?
— Enfin, je ne sais pas, mais euh...
Il réfléchit quelques secondes.
— Il faut d'abord s'excuser pour le comportement de la baronne. Ou alors, est-ce qu'on doit d'abord prendre de ses nouvelles ?
Il commença à déambuler derrière la coutilière, concentré sur les idées qui se succédaient dans son esprit et qu'il évoquait à haute voix, laissant tout le loisir à l'éphémère copiste de retenir ce qu'elle désirait.
— Nous pouvons lui annoncer que toi et moi dirigeons le bourg pendant que Rosen est absente. Ah ! Est-ce qu'on doit lui dire que Rosen est encore partie ?
Il haussa les épaules.
— Si ça se trouve, elle le sait déjà. Tu m'as dit qu'elle était partie d'elle-même... La personne qui l'avait envoyée ici ne lui avait pas demandé de rentrer. Elle a donc échouer, non ?
Question purement rhétorique, il enchaînait déjà :
— Donc ce serait pour la châtelaine l'occasion de reprendre ses engagements.
Alaric se sentait épuisé. Il ne savait même pas si rappeler Roxanne était une bonne idée, mais ni Eïlyn ni lui n'avaient les compétences nécessaires pour gérer Sombrebois. Il s'acquitterait de cette tâche aussi longtemps qu'il le faudrait, même si la châtelaine ne daignait pas reparaître. D'un autre côté, peut-être ne valait-il mieux pas qu'elle revienne, si... Si, si, si. Le soldat passa une main dans ses cheveux en fermant ses yeux. Il était dépassé. Les nouvelles se succédaient sans qu'il n'en saisisse le sens. Toute décision qu'il pouvait prendre, tout acte qu'il pouvait effectuer risquait d'influencer le bourg et ses habitants. Maudite diseuse de bonne aventure.
— Demande-lui de revenir, capitula-t-il en soupirant. Car le bourg et ses habitants ont besoin d'elle.
Sur cela, du moins, il ne pensait pas se tromper.
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Jeu 11 Nov 2021 - 19:28
10 Avril 1167.
Un soulagement certain naquit dans le ventre d’Eïlyn quand Alaric valida son idée. Elle l’aurait suivi si il avait refusé, comme promis, mais ajouter dans l’étrange équation qu’il lui proposait, une personne aussi fiable et réfléchie que le Sergent la soulageait d’un poids non négligeable. Il prenait toujours le temps d’analyser posément une situation avant d’y réagir, même si l’efficacité de ses pensées donnaient parfois l’impression qu’il suivait son instinct plutôt qu’autre chose. Il possédait une culture et une expérience que ni Alaric, ni elle, ne pouvaient se targuer d’approcher, quand bien même on additionnerait tous leurs avantages respectifs. Si contacter la châtelaine était une mauvaise idée, il leur dirait. Donc s’il obtenait une réponse de cette dernière, c’est qu’il estimait la prise de risque intelligente, ou au moins, valable.
- En mission dans le secteur nord-Est. Mais je sais comment lui faire parvenir un plis aussi discrètement que possible. dit-elle en l’observant replier des cartes à la va vite. Visiblement, l’idée était applicable dans l’instant.
Elle était fatiguée et aurait bien bu un verre à la place, mais rien de comparable à ses nuits de veille dans les marais entouré par la mort. Elle ignora superbement le visage navré de son supérieur, plutôt que de lui envoyer une pique, et rapprocha sa chaise pour glisser ses jambes sous la table. Elle hésita à lui donner la réponse à sa question. Jusqu’ici, seuls Yohan et elle avaient partagé ce secret, mais elle lui demandait aussi de faire aveuglément confiance à ce lien, alors sa demande était normale. Elle s’accorda sur une demi-vérité, le temps de réfléchir à la question.
- Un système d’espacement entre les marges et les mots, qui permette de savoir les quels sont important et dans quel ordre. expliqua-t-elle.
Elle regarda Alaric se débattre avec ses idées et ses doutes. Un coude posé sur la table, la tête contre sa main elle l’observait en se caressant les lèvres distraitement avec la pointe de la plume tout en se retenant de rire. Il était charmant quand il était perdu. Yohan n’affichait pas ses faiblesses, ou plutôt, il les affrontait si bien qu’on percevait bien son assurance que sa faiblesse quand il l’affichait. Cela lui ôtait presque une part de son humanité. Alaric était humain des orteils jusqu’à la racine des cheveux, et c’était, pour elle en tout cas, un point… plaisant. Elle finit quand même par intervenir pour le sauver de ses questionnements.
- Je ne crois pas que la châtelaine soit une femme de platitudes, à vrai dire je pense qu’elle aurait plus sa place dans la milice que dans une robe, pour l’avoir vue sur le terrain. Je sais pas dans quel genre de palais elle a grandi, mais c’était pas un endroit commode si tu veux mon avis. Du coup ne t’adresse pas à une noble, mais à quelqu’un dont tu veux de l’aide, inutile d’en faire trop. Tout comme je pense que lui mettre sous le nez son départ comme un échec, n’est surement pas une bonne idée. Elle a peut-être été envoyée pour jouer la nounou officiellement, mais cette femme est autant nourrice que je suis boulangère. Alors ne supposons pas trop de sa véritable mission, ou de son échec.
Elle se mit à réfléchir aussi.
- Lui demander de revenir me semble intéressant, que nous assurons au mieux la sécurité des lieux, en laissant sous-entendre peut-être que cela peut-être au-delà de l’autorité de la baronne si jamais c’est nécessaire pour le bien des habitants. Mais sans en faire trop, juste lui montrer qu’on sent que quelque chose se trame, que cela concerne la dame de Sombrebois, de près ou de loin. Allons à la pèche aux infos, si elle revient ou abonde dans ce sens, on saura qu’on a vu juste. Avec un peu de chance, elle nous en dira même plus. Qu’en penses-tu ?
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Dim 14 Nov 2021 - 15:35
Qu'en penses-tu ?
— Que tu es brillante, murmura-t-il.
Certes, Eïlyn avait combattu aux côtés de la châtelaine, mais elle avait cerné le personnage, là où Alaric avait échoué. Il s'était tellement focalisé sur la forme de cette lettre qu'il en avait bâclé le fond. Il était enfin rentré à Sombrebois et y avait trouvé son quartier-maître fatiguée, dépassée par des événements qui n'auraient pas dû survenir. Il lui avait annoncé qu'ils dirigeraient ensemble le bourg, mais le voilà qu'il se cachait déjà derrière les compétences de la jeune femme, effrayé par quelques lettres couchées sur un vieux parchemin. Par les Trois, il avait des responsabilités à prendre. Trop à son goût, peut-être bien. Un paysan ou un soldat peu changer le cours de l’histoire aussi sûrement qu’un roi. Que les propos d'Odalie fussent corrects ou non, ils eurent le mérite de lui insuffler un peu plus de courage. Alaric devait cesser de se considérer comme une goutte perdue au milieu de cet océan d'intrigues ; ses gestes et résolutions étaient autant de roulis qui bouleversaient non seulement sa destinée, mais également celle des autres. Si la silhouette de sa destination demeurait dissimulée dans les embruns, il était cependant capable d'en identifier le cap. Une bataille à la fois.
Une détermination nouvelle dansa dans ses yeux, tandis qu'il posait ses mains sur la table, juste à côté d'Eïlyn. Il fixa la plume qu'elle tenait entre ses doigts ; une arme dont il ne connaissait pas les techniques, mais les dieux lui proposaient de les contourner. Le capitaine de Sombrebois était habitué à combattre des fangeux, il ne les craignait pas, sa haine envers eux effaçait toute crainte. Puisqu'il avait réchappé de leurs griffes à plusieurs reprises, il avait naturellement développé une confiance en lui lorsqu'il devait traverser les marais, quand bien même l'une de ces créatures aurait montré le bout de ses crocs. Affronter des complots déguisés n'était pas au programme de sa routine, mais il avait choisi son camp. Abattre des monstres n'était plus suffisant ; sauver le peuple était nécessaire. Fini de se défiler, de douter ; il était temps de diriger. La coutilière était la personne parfaite pour l'y aider. Elle ne le savait pas, ne le saurait sans doute jamais, mais elle avait déjà influencé le soldat lors de leur première rencontre. Alaric rendait toujours tout compliqué, la noiraude les simplifiait. Un sourire confiant illuminait son visage lorsqu'il répondit enfin à sa seconde.
— Des infos, c'est justement ce dont nous avons besoin, confirma-t-il. Note ceci.
Il se redressa et s'assit à moitié sur la table, les bras croisés sur son torse, la tête tournée vers son quartier-maître. Après quelques secondes de flottement, il se racla la gorge comme s'il s'apprêtait à conter une histoire merveilleuse, et déclama :
Chère Roxanne Du Val d'Asmanthe,
La coutilière Chantebrume et moi-même tenons au bien-être du peuple, tout comme à celui de la baronne de Sombrebois. Pour cette raison, nous réclamons votre aide. Nous assurons la sécurité de Sombrebois tous les deux, mais il est des décisions et des compétences qui vous appartiennent à vous seule. Je m'inquiète pour la sécurité du bourg et serai rassuré de vous savoir de retour.
Prenez soin de vous.
— Signe mon prénom.
Alaric observait les caractères dépourvus de sens que la noiraude dessinait sur son support. De temps à autre, elle récupérait un peu d'encre, puis reprenait son ouvrage, le soldat n'hésitant pas à reformuler une phrase si son rythme devenait trop rapide. Il n'avait aucune idée si Eïlyn écrivait bien ou non, mais il trouvait les lettres jolies, enroulées ainsi les unes aux autres, parfois ponctuées d'une tâche d'encre que la plume avait perdue en cours de phrase. Il se pencha un peu plus près, son visage frôlant presque celui de sa seconde sans ressentir la moindre gêne, alors qu'elle inscrivait un dernier mot tout en bas. Alaric, devinait-il.
— C'est pas mal non ?
Il s'écarta alors comme si de rien n'était et hocha la tête d'un air satisfait. Il n'avait aucune idée de l'impact qu'aurait cette missive auprès de la châtelaine, ni ce qu'en penserait le sergent de Morguestanc. Cependant, il n'imaginait pas qu'elle pourrait aggraver encore plus la situation. Au mieux, la rousse reviendrait à Sombrebois comme il le leur avait demandé, au pire elle se rirait d'eux depuis l'Esplanade. Une bonne chose de faite. Mais la liste des choses à faire et autres révélations à dire demeurait encore longue. Alaric toisa Eïlyn avant de lui sourire simplement. Tout compte fait, peut-être pouvait-il la laisser respirer un peu le reste de la journée. Tant que Rosen ne serait pas rentrée, tant qu'elle n'aurait pas accouché, le monde ne devrait pas subir de lourds bouleversements – semblait-il. Il avait un peu de temps avant de briefer la coutilière, de lui relater son entrevue avec Eve, du double jeu qu'il entendait mener.
— Je crois que t'as bien besoin d'un verre.
Il désigna la sortie de la tente du menton.
— Et moi aussi. Tu viens ?
Dame CorbeauMaître du jeu
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Dim 14 Nov 2021 - 18:17
10 Avril 1167.
La milicienne banda toute sa volonté pour éviter de rougir au compliment. Elle avait l’habitude d’une certaine intimité avec ses camarades et prenait sans peine un bain avec une dizaine d’entre eux sans que la première lettre du mot timidité ne lui vienne une fois à l’esprit. Mais un compliment direct et personnel la prenait bien plus de court. Yoan reconnaissait ses talents et cela lui avait valu sa place. Mais jamais il ne lui avait sorti quelque chose de semblable. Heureusement pour elle et sa gêne, Alaric semblait devoir lutter contre ses propres démons et elle n’eut donc aucun mal à lui dissimuler son malaise pas tout à fait désagréable.
Son ton fut plus serein, déterminé, quand il reprit la parole et son regard avait retrouvé un peu de cet éclat qu’il avait exprimé la première fois qu’elle l’avait vu alors qu’il affrontait le lieutenant de Morguestanc. Perdu dans le combat, il avait laissé émerger un homme déterminé et accompli, avec un soupçon d’autre chose… une grandeur peut-être. Elle sourit et se mit à rédiger ses paroles. Elle les nota une première fois pour établir le schéma qu’elle devrait suivre pour le coder, et s’assurer qu’Alaric soit sûr de ses phrases. Le message était concis, et juste assez subtile pour ne pas pouvoir être utilisé directement contre eux d’une quelconque manière si jamais, malgré leur précaution, celui-ci venait à passer sous les mauvais yeux.
Il approcha son visage tout près, et s’il ne parvint pas tout à fait à la déstabiliser, la présence de sa chaleur près d’elle ne fut pas tout à fait désagréable. Il sentait la route et le cuir, mais pas au point d’être gênant. Elle se demanda si maintenant qu’il était revenu, il prendrait le temps de boire un verre avec elle maintenant si elle se donnait la peine de l’inviter. Jusqu’ici le temps était passé si vite qu’ils ne s’étaient que pour ses rapports ou presque. De plus, le fait qu’Alaric possède une chambre dans la forteresse au lieu de dormir parmi les miliciens rendaient bien plus rare les occasions naturelles de se fréquenter. Pas de feu partager, pas de matériel à ranger, pas même une gamelle en commun.
Sans être vraiment des étrangers, ils n’avaient jamais eu l’occasion de plus, alors qu’elle avait l’impression que cela aurait dû être évident entre eux, sans avoir expliquer pourquoi. C’était un ressenti qui avait fini par la frustrer, mais qu’elle avait mis de coté à son départ. A présent il revenait avec force. Surtout que ce dernier rentrait à la maison pour lui vider un seau d’emmerdes sur la tête. Elle sourit en finissant de coder le message. Si celui de base était concis, le résultat final emplissait une page entière et parler avec force détails des rations et couchettes nécessaire pour reconstruire les stocks amené à l’arrivé de la troisième compagnie à Sombrebois.
- C’est très bien même. lui répondit-elle alors qu’il s’éloignait d’elle. Efficace et pas trop risqué. J’aurais fait mieux, mais tu n’es que capitaine après tout. dit-elle en plaisantant alors qu’elle saupoudrait la lettre de sable fin. Elle manqua de renverser complètement le pot quand ce fut lui qui pris la décision de l’inviter, mais elle garda autant que faire se peut le visage stoïque. Dès que le message fut assez sec elle le plia minutieusement et le glissa dans sa botte. Tant qu’il ne serait pas parti, elle le garderait sur elle, au cas où. Elle bondit sur ses pieds.
- Règle numéro deux de la troisième, « ne jamais refuser un verre offert » !
Elle le précéda et emprunta la sortie de la tente et en passant près d’un brasero jeta la première ébauche de la lettre, mettant fin à toute possibilité qu’une personne tombe dessus par inadvertance avant qu’ils n’envoient leur missive. Des précautions importantes quand on commençait à s’opposer à des forces plus grandes que soi.
Elle ne se dirigea pas vers les quartiers des miliciens où ils auraient sans doute pu trouver de la bière, mais vers la sortie du camp de fortune pour trouver la taverne. Cette dernière avait été un des premiers bâtiments à reprendre vie quand le bourg avait reçu l’aide royale. D’une gargote qui tenait à peine debout, le propriétaire avait fait un solide commerce en pleine expansion, si bien que chaque jour des tables étaient installée à l’extérieur du bâtiment en attendant que ses travaux d’expansion soit fini. Il fallait admettre que réunir au même endroit un tas de milicien et d’artisans loin de toute autre distraction de la ville, c’était plutôt l’assurance d’avoir pas mal de gosier sec et de bourses pleine. Elle avait discuté quelques fois avec le propriétaire à cause de soucis mineur.
Un homme au bord de la ruine, qui avait tout hypothéqué et vendu pour tenter sa dernière chance à Sombrebois. Un pari réussi de toute évidence, avec le temps, du moins tant que le bourg connaissait cette vive expansion et activité, il deviendrait un homme riche. Il finirait surement par avoir de la concurrence, mais pour le moment il était le seul et unique personnage à croquer dans ce généreux gâteau. Même la Baronne se fournissait chez lui régulièrement. Il avait même le mérite de vendre du bon vin. Pas du millésime, mais pas de la piquette non plus.
Elle proposa à Alaric une table en extérieur, un peu excentrée pour éviter le brouhaha interne et les jeux d’épaules. L’une des serveuses, qu’elle savait être une des filles du Tavernier, vint prendre leur commande et s’empressa d’aller la chercher en reconnaissant les deux personnages. Un peu de grade pouvait être utile parfois. Même si Eïlyn n’était pas tout à fait certaine que ça équilibres les emmerdes qui en découlaient. Elle posa ses deux coudes sur la table et son menton dans ses mains, un sourire de gamine aux lèvres.
- Alors cap’, si on parlait un peu de toi ?
AlaricGarde de Sombrebois
Sujet: Re: [Convocation]Le destin de toutes vies Mer 17 Nov 2021 - 18:34
Alaric poussa un soupir d'aise en s'asseyant en face d'Eïlyn. Il avait l'habitude d'effectuer de longues marches, à cheval ou à pied, mais il n'avait plus soufflé depuis l'attaque de Balazuc et reposer ses muscles endoloris lui fit le plus grand bien. Le soldat sourit à l'aînée de Moe qui rougit jusqu'aux oreilles en le reconnaissant, puis balaya les lieux du regard, une fois la serveuse éclipsée. Des éclats de rire rythmaient les environs de la taverne, certains ouvriers aimaient s'y retrouver après une dure journée de labeur, d'autres habitants y laissaient le stress emmagasiné les derniers jours. Ce que le garde de Sombrebois comptait faire également. Voir le bourg aussi vivant, son peuple aussi chaleureux le réjouit : il avait la sensation qu'il n'avait pas fait tous ses sacrifices pour rien. Encore fallait-il poursuivre sur cette voie...
L'interrogation de la coutilière le prit de court. Il reporta son attention sur cette dernière et croisa ses coudes sur la table caduque à laquelle ils s'étaient installés.
— De moi ? répéta-t-il, sourcils relevés.
Il était vrai qu'il avait appris quelques détails de la vie d'Eïlyn la première fois qu'ils s'étaient rencontrés : elle lui avait dit quand elle avait rejoint la milice, depuis combien de temps elle travaillait sous les ordres de Yohan de Morgestanc, lui avait présenté ses forces et affirmé son soutien, une confiance indéfectible qu'elle n'avait pas hésité à renouveler alors que les emmerdes dans lesquelles ils s'étaient fourrés ne faisaient que commencer. En échange, la noiraude ne savait pas grand chose, hormis qu'il avait rejoint le baron de Sombrebois au cœur de son domaine après avoir quitté la milice. Il pouvait au moins lui fournir des détails similaires ; il n'avait rien d'intéressant à raconter, du moins, selon lui.
— Comme tu le sais, j'ai rejoint la milice extérieure quand je suis arrivé à Marbrume. T'aurais dû voir leur tête, quand j'ai mis les pieds dans la cité... Du sang avait séché sur ses mains et sa tunique, sans qu'il ne sache s'il s'agissait du sien. Il aurait préféré. Ses chausses étaient déchirées à de multiples reprises, ses bottes alourdies de boue. Hagard, boitillant, il avait passé les portes de la ville, sous deux paires d'yeux décontenancées. Pour un peu, on aurait presque pu le confondre avait un fangeux, tant son teint était cireux, son air dépenaillé et sa démarche claudicante.
— Quand ils ont appris que j'avais survécu seul dans les marais pendant plusieurs jours, ils m'ont dit de rejoindre la milice extérieure.
Il haussa les épaules.
— Je crois... J'ai fini par m'y rendre quelques jours plus tard.
Ses yeux s'obscurcirent tandis qu'ils replongeaient dans ses souvenirs, assombris par une tristesse qui ne l'avait jamais quitté. Elle s'était atténuée, mais existait encore, hargneuse, prompte à saper son moral de temps à autre. Il se tut un instant et cette fois, il ne donna aucun détail à Eïlyn, mais son silence parla pour lui. Adossé au mur délabré d'une taverne miteuse, les doigts écorchés collés à ses genoux poussiéreux, le regard vide, il n'avait pas bougé pendant des heures. Ou des jours. Peut-être sa mémoire lui jouait-elle des tours. Malgré lui, son ventre avait gargouillé. Mais il n'avait pas faim ; il était resté encore un peu, perdu dans les cris d'Ellaine, dans les hurlements de Roland et les suppliques de son paternel. Toujours inconscient, ses jambes s'étaient pourtant dépliées de leur propre chef et il avait fait un pas. Puis un autre.
Le crissement de sa coupe de vin contre la table branlante l'obligea à réintégrer le présent. L'adolescente ne le quittait pas des yeux et Alaric devina qu'elle attendait quelques piécettes. Avec un sourire qui n'atteignit pas ses yeux, il paya les deux verres.
— Quand ton père aura un moment de libre, dis-lui de venir me voir. J'ai à lui parler.
Il désirait lui parler d'Isaac, du moins le leur présenter. Des bras supplémentaires pour servir la terrasse aménagée ne serait pas de trop, une fois qu'il serait rétabli. La jeune fille hocha vigoureusement la tête avant de disparaître en quatrième vitesse. Le capitaine de la garde attrapa sa coupe et la fit tinter contre la boisson de sa partenaire de galère.
— Merci pour ton aide, lui dit-il.
Il but une gorgée de son breuvage, en savoura sa rondeur sur son palais, avant qu'une chaleur agréable ne s'infiltre dans sa gorge. Il lui rappelait la dernière bouteille qu'Hector avait ouverte lors de son mariage. Cette période semblait appartenir à des siècles, tant sa vie avait changé.
— Enfin, maintenant je suis là, dit-il d'un ton désinvolte, signifiant qu'il préférait laisser cette partie de son histoire bien derrière lui. Je crois que les Trois s'amusent avec mon destin. Ils m'envoient des signes, mais je ne suis qu'un idiot, je comprends tout de travers.
Il se mit à rire. D'abord à cause de ses propres paroles, ensuite parce qu'il se souvint qu'il avait sa coutilière en face de lui, pas une prêtresse dévouée. Eïlyn et son franc parler, Eïlyn et son caractère terre-à-terre qui ne devait sans doute pas ressentir les mêmes questionnements religieux. Elle n'avait pas tort. À notre niveau tout ce qu'on peut faire...
Il lui offrit un sourire désolé, puis ajouta :
— Excuse-moi, je n'ai pas vraiment répondu à ta question. Peut-être avais-tu des idées plus précises en tête ?
Alaric but à nouveau, puis s'obligea à déposer sa coupe un peu plus loin. Certes, il comptait bel et bien se détendre en ce début de soirée, mais jamais il ne boirait à l'excès, lorsque l'on pouvait avoir besoin de lui et de ses capacités à tout moment.