[Event] Guerre putride pour les petites gens - Nord. [Clôturé]

« Glemser, t’as miré le Glemser ? D’l’escouade XIII, il est en partance où qu’est l’action ? » Anton avait saisi le milicien en mal de renforts par le col de sa main libre, avide d’être renseigné. L’agitation était totale ici, et la populace qui n’avait pas encore vidé les rues s’égaillait, chacun se bousculant à qui mieux-mieux pour trouver quelque abri digne de ce nom. Et au milieu de cette fuite éperdue et chaotique, les gens d’armes tenaient un petit conseil de guerre aussi informel que concis. Et Anton, tendu comme une trique, l’animait plus que tout autre. Ses pénates étaient à cent pas d’ici, il ne savait pas ce qui le gardait d’aller donner l’alerte par là bas afin de s’assurer que sa parentèle avait rejoint le bastion de l’hôtel de la guilde bouchère. La dispersion de son escouade ajoutait à son angoisse. Quels démons pouvaient bien retenir ce vieux borgne de Berndt Glemser ? Et Burmester ? Et Gawrillof ? Et ce métèque de Cartellieri ? Gunof n’avait à ses côtés que Julius Ruthardt, les autres de la XIIIème étaient les dieux savent où, et cette dispersion de leurs forces, au moment où les choses chauffaient gentiment, n’était pas pour tranquilliser les deux frères d’armes. « A NOUS ! A NOUS LA XIII ! GLEMSER, CREVIEU, A N… !? »

Il n’avait pas fini de gueuler le ralliement qu’il espérait tant que l’origine du lent cliquetis apparut au détour d’une trois-étages. Le spectacle eut le mérite de couper la chique à cette grande bouche d’Anton Gunof, qui déjà prenait la mesure de l’horreur qui leur faisait face. Un lourd colosse, harnaché de fer sur tout le corps, claudiquait dans leur sens. La démarche rappela aux vieux de la vieille l’allure propre aux mordeurs, et à peine eurent-ils aperçu l’armure sans arme que les plus aguerris se mirent à l’œuvre. Anton claqua l’épaule du milicien Ruthardt afin que ce dernier le couvrit, et comme un seul homme, les gars de la XIIIème sont sur le pied de guerre : déjà Gunof braquait l’arbalète sur le chevalier de la Fange. Il cibla le genou droit de messer-la-goule et tira sans plus attendre. Sans même jeter un coup d’œil au résultat, il plaqua la tête de sa machine au sol, enfonça un pied au coche et rechargea avec une rapidité d’exécution toute professionnelle le mécanisme de l’arme. A peine la dondaine fut-elle sur le rail que le déclic claqua une nouvelle fois. Le second carreau s’abattit en direction de la jambe gauche, au niveau de la rotule, comme la précédente. La tactique du garde Gunof commençait à se découvrir : l’arbalétrier voulait éclater les rotules du revenant à coup de viretons dans l’espoir que ce dernier, sous le poids de sa masse et de l’acier qui le paraît, ne s’écrase au sol.

Plutôt qu’un cloché, il s’agissait plutôt d’un temple, et celui-ci s’avéra déserté par une populace craintive. Le bruit avait couru comme quoi les fangeux avaient investi la ville, et personne n’avait attendu les cloches pour se carapater de là en vitesse et se barricader chez soi. D’ailleurs, si le bâtiment demeurait vide, Malachite avait pu apercevoir du coin de l’œil quelques habitants aussi craintifs que méfiants l’épier eux aussi du coin de l’œil. Sa voix résonna dans le vide. Dans quelques coins du bâtiment, des candélabres de belle facture, lesquels valaient assurément chers, mais, surtout, tout un assortiment d’amphores et de vases de superbe qualité. Là-bas, des cordes servaient assurément à sonner le tocsin.

Citation :

Vu le bol de Malachite, à croire que ce n’est pas sa journée, je vais faire un test d’HAB pour savoir s’il réussit à les sonner. 8D
Hab Malachite ; aucune idée, toujours pas indiqué, je mets 8.
Jet : 20. xD
Bha… La cloche te tombe sur la tronche.
Dégâts : 2D20 ; c’est plutôt lourd.
Jet : 9 et 18 = 27 points de dégâts.

Mais non, j’déconne. Pas pu m’empêcher. Huehuehue.

Malachite sonna tout simplement les cloches avec une habilité surprenant pour la part de quelqu’un qui ne savait pas mettre un pied devant l’autre. Le tintamarre réveilla un chat qui se décampa aussi vite, ce qui fit sûrement sursauter Malachite, eu égard aux petites griffes de la bête qui dérapèrent sur le dallage.
Si tout avait été calme et que personne n’avait sonné les cloches, c’était peut-être, en fait, pour une raison.

«Putain, c’est quoi ce bordel ?! »

Apparemment, il n’y avait pas eu qu’un chat dans le temple. De derrière l’autel se redressa tant bien que mal un prêtre –probablement de Serus, complètement pété, vacillant comme pas deux, et ce fut limite s’il n’avait pas une bouteille à la main. A vrai dire, celle-ci devait toujours être renversée au sol. Il dut se tenir sur la pierre pour demeurer droit.

«Mais t’es con ! Avec tout ce boucan, tu vas attirer tous les fangeux ici ! Malheureux ! C’est pour ça qu’on sonne pas nos cloches, nous, ces foutues créatures réagissent aux sons !! Mais Serus, dieu de la fertilité, pourquoi t’enfante des bouffons pareils, oh mon dieu ?! »

Et le prêtre défoncé se lamenta encore longtemps devant l’autel, regard perdu vers les cieux, versant presque des larmes en s’arrachant le visage.


La bestiole que visait Anton s’avérait certes lourde et massive, mais, quelque part, elle semblait comme bénéficier d’une vivacité déconcertante. En vérité, elle eut même le temps de charger le milicien Julius Ruthardt avant qu’Anton ne pût lui tirer dans la rotule.

Citation :

La bête charge J.R en dépensant donc son action mineure pour le déplacement; elle gagne +2 en ATT mais ne pourra parer.

ATT de la bête : ?
Jet : 9 ; réussi.
Parade du milicien (gambison / chapel de fer / ensis) : 10
Jet : 11 ; loupé.
Localisation : 14 ; torse.
Dégâts : 26 + 12 + 9 – 9 – 6 = 32 dégâts.
Pv Julius Ruthardt : 33.
J’ai peur que ce soit un sacré monstre. è_é

Les points gantelés de fer que les griffes étaient parvenues à perforer s’écrasèrent avec force sur le torse de l’homme qui n’eut pas le reflexe suffisant pour esquiver ou obvier le coup. Il parut bien mal en point.

Citation :

Anton :
Tir Anton = 12 + 1 -1 = 12.
Pas de malus via Tir précis pour les rotules.
Jet : 20. Incroyable.

Alors qu’Anton relâcha la détente, propulsant le vireton, l’arc en métal de l’arbalète céda soudainement sous une pression trop importante, et l’arme se démantibula en deux, envoyant de çà de là quelques pièces métalliques et grosses échardes dans tous les sens. Ce fut de justesse qu’Anton ne perdit pas un œil.

Citation :

Att Julius R. : 11
Jet : 3 ; réussi.
Localisation : 6 ; bras.

Dégâts : 20 + 21 – 13 – 15 = 13
87 Pv restant à la bête.

Dans un sursaut d’orgueil, Julius rassembla ses forces, et parvint à perforer légèrement le harnois de la créature, trouvant quelque défaut au niveau du bras. Mais la bête, elle non plus, n’avait pas son dit son dernier mot, et là où l’on pensait qu’elle n’allait qu’encaisser les coups sans rien faire, elle s’élança dans une nouvelle attaque.

« Clooong…. Clooong… »
Les cloches résonnèrent non loin de là, détournant momentanément l’attention du fangeux qui laissa tomber son attaque pour se tourner vers le temple. Ce qui laissa toute le temps à Anton pour armer ses coups.

Citation :

Eh ouais, il semblerait que la bête dispose d’une seconde NA, qu’elle n’a cancel. Remerciez Malachite le casseur d’Amphore !

Pour tes 2 NA restantes, Anton, je te fais donc viser les rotules droite et gauche ; tu utilises ton action mineure pour dégainer ta lame.

Attaque sur la rotule gauche
ATT Anton : 14 (-1 pour la maille, + 2 parce que le fangeux est momentanément occupé par le son de la cloche) = 15. Pas de malus pour les rotules via la compétence coup précis.
Jet : 10 ; réussi
Dégâts : 24 + 16 + 3 – 12 – 9 = 22 dégâts.
Pv fangeux : 87-22 = 65
Test END : ?
Jet : 8 ; réussi ; la rotule gauche tient bon.

Attaque sur la rotule droite :
ATT Anton : 14 (-1 pour la maille, + 2 parce que le fangeux est momentanément occupé par le son de la cloche) = 15. Pas de malus pour les rotules via la compétence coup précis.
Jet : 19. C’est assez ouf. x) Loupé.

Vint à présent Scarocci qui, la démarche fière, ressemblant presque au fangeux, tout engoncé dans son harnois qu’il était lui aussi, se précipita à la rencontre de la bête.

Citation :

Charge de Scarocci : +2 ATT / ne pourra pas parer. Mais comme la bestiole a déjà utilisé ses NA anyway…)

ATT Scaro : 10 (+2 charge, -2 maille + 1 arme de prédilection) = 11
Jet : 15 ; loupé.

Voyant le courage de tous ces miliciens qui s’en allaient au-devant du danger, le garde que Scaro avait hissé sur sa monture les regarda, hésitant un instant, avant de prendre une décision finale, laquelle serait peut-être la dernière de sa vie. Il se rua à son tour sur la bête.

Citation :

Milicien de Scaro qui charge.
ATT : 11 + 2 = 13
Jet : 4 ; réussi.
Localisation : 12 ; torse.

Dégâts : 20 + 18 – 12 – 15 = 11

Résultat final :
Pv Bestiole : 54
Pv Julius : 33
Anton, plus d’arbalète.

Citation :

Oui, désolé Denea. Cela dit, vu les circonstances et les blessés, peut-être que certaines de tes compétences pourraient être utiles.

Tout s’était passé très vite.

La créature, pourtant à distance respectable, avait claudiqué jusqu’à ses proies à une vitesse qui avait paru inhumaine à Anton. Surpris par la vélocité surnaturelle de la créature non moins surnaturelle, il avait tenté de recalibrer son tir vis-à-vis du chevalier à la Goule qui glissait encore jusqu’au tandem des miliciens, Ruthardt et Gunof. Mais c’était trop tard : dans un unique mouvement, ample et vif, le messer revenant s’était projeté sus à Julius. Sa main d’acier et de griffes, haute au ciel comme l’épée d’un bourreau, se rabattit en direction du frère d’armes d’Anton dans un éclair. La sentence fut salée pour Julius, qui hurla de douleur quand de cinq sillons sanglants les ongles acérés et noircis du monstre lacérèrent sa jaque. Le gambison semblait être du beurre pour les rasoirs de la créature démoniaque, et Anton, du fait de cette force herculéenne plutôt qu’à cause des cris du compagnon, ouvrit un instant des grands yeux stupéfiés.

« Mets-y les voiles, Julius ! » cria-t-il sous le coup de la peur tandis que cette tête de con de Ruthardt, pas plus content que ça de servir de griffoir au trépassé, s’échinait à porter un bel estoc jusqu’au défaut du harnois blanc. « Merde. » conclut l’Anton qui, comme les deux adversaires (mais surtout Julius) s’accordaient un demi-pas de reculade pour mieux jauger l’autre, remit l’arc-de-fer en joue et pressa la détente. Le déclic fit un bruit bizarre, puis un second tout à fait inconnu du garde. Quelque chose bloqua, la machinerie pourtant simple s’enraya et toute la pression que sollicitait la propulsion du carreau s’abattit sur l’arbalète. La force ainsi déviée arracha un grand *CLAC* à l’instrument, qui se fendit dans une explosion d’échardes. « Merde ! » fit-il les yeux fermés, son visage mordu par un ou deux bris de bois projetés. Il n’eut pas le temps de jurer de faire donner les verges au vert qui s’était acquitté de l’entretien de son arbalète préférée au cas où il survive à cette journée, car, à ce rapide enchaînements d’actions furieuses s’ajoutèrent les cloches qui scandaient leur glas à une cadence échevelée. L’alerte ! pensa Anton avant de se ressaisir et de saisir, aussi, son long glaive qu’il avait au flanc afin de porter l’estocade aux genoux de la montagne de fer.

Mais à chevalier, chevalier et demi. Arpentant le pavé d’une démarche rappelant de façon troublante celle du revenant, une armure d’acier rejoignait son cousin de tombeau au son du tocsin cuivré qui avait inondé la rue déserté. Epée au clair, ce grand chevalier, adversaire égal à l’homoncule, accéléra l’allure sur les trois derniers pas, la lame déployée pour frapper mortellement son rival ! Il faillit emporte la décision !... Mais non. Ca fit hausser un sourcil incrédule au garde, qui n’était pourtant pas au bout de ses surprises. Car après les deux miliciens, les cloches et le chevalier, ce fut autour d’un nouveau monstre de faire son apparition. Apparition cavalcadante qui plus est. Du bout de la rue, un homme de la garde qui se sentait des ambitions de preux jeta une carne aussi immense que de mauvaise humeur jusqu’à messire la Goule. La bête choqua la bête, et le garde, sous les yeux ébahis de ses camarades, frappa d’un puissant coup le harnois de la chose, ainsi qu’un paladin des temps-naguère… Laquelle chose ne sembla pourtant pas plus ennuyée que ça.

Anton, plus choqué qu’abattu, eut une courte prière à la Grande Chèvre, dévoreuse des mondes, et se demanda s’ils n’avaient pas actuellement affaire avec son champion. Car la grande chose, face aux assauts de quatre solides hommes d’armes, paraissait à peine égratignée !

Prenant son courage à deux mains, le garde Gunof retrouva le nord et son regard se fixa sur la jambe droite du revenant, qui la faisait un peu boiter. Après avoir prudemment calculé son approche, parant ou esquivant les hypothétiques coups de gants griffus, il jeta de nouveau le tranchant de sa lame à la rotule de l’adversaire, et frappa comme un bûcheron un tronc l’os qu’il comptait bien décheviller du reste du corps mort-vivant.

« JULIUS NAOOOON ! » Le cri de désespoir du garde Gunof était étranglé par l’hémoglobine qui emplissait sa bouche. Cette tête de con de Julius Ruthardt, pas décidé pour un sou à se faire tenir la dragée haute face à cette incarnation démoniaque, lui avait tenu tête malgré les prières de son camarade Anton. Grand mal lui prit. Le monstre d’acier et de chairs putréfiées fit un pas nonchalant en direction de Julius, et nos deux gardes perdirent de leur superbe. Ruthardt, en réaction au bras de fer qui se levait contre lui, opposa le tranchant de son épée qui tremblait, les yeux écarquillés et les plaies béantes. Anton attirait qui plus est son attention, au camarade, fonçant sus à la bête tout en l’injuriant de foutre le camp. Messer la Goule, d’une chiquenaude et sans même porter un regard à l’Anton, fit taire les ordres qu’il aboyait à Ruthardt et l’envoya valdinguer un pas plus loin en lui cassant à moitié la mâchoire.

Sonné, le genou à terre avec une dent qui branlait négligemment, il assista impuissant au spectacle de la bête enfonçant ses deux grands jeux de griffe dans le poitrail d’un Julius qui, le souffle coupé par la sanglante pénétration, ne hurla même pas. Ecarquilla simplement l’œil, fixant, une bouche béante d’incrédulité et de stupeur, le heaume anonyme, puis son camarade Anton, qui criait. Le choc de l’assaut projeta la carcasse lacérée du milicien sur les pavés, et enfin Ruthardt se mit-il à geindre sa peine, quoique bien faiblement et bien pitoyablement. Il en était à faire ses prières, la bête tout à son soin, quand Anton se remit sur pied et, ce faisant, lança un « HURESOHN ! » et un coup de taille circulaire contre le mollet de l’adversaire. Sans parvenir à passer, on s’en doute, la maille de fer qui le protégeait. Le choc eut au moins le bienfait (sic) d’attirer l’attention de la bête encore pas bien repue face à notre héros des beaux quartiers.

Manifestement agacée par ce cloporte qui se mettait en travers de son chemin, elle jeta de nouveau sa patte tout en griffes contre Anton, décidée à le coucher une bonne fois pour toute d’une seconde claque. Laquelle ne trouva que de l’air. Anton, d’un réflexe, s’était baissé pour éviter le lourd gantelet et, le glaive ramené à son flanc, piqua d’un puissant mouvement vers le casque du trépassé. Si la goule évita l’estoc d’un pas en arrière, elle ne put rien contre l’épée qui lui arriva en plein dos. Scarocci ! L’intervention salvatrice du chevalier sonna durement l’ennemi. Et comme il essayait de retrouver ses marques, notre trépassé, le garde Gunof dégaina sa dague.

Décidé à oublier la culpabilité qui déjà résonnait dans sa caboche, de nouveau il cria à l’adresse de la goule afin de retenir son attention et l’éloigner d’un Julius en charpies. « HEYE, HURESOHN, SCHWANZLUTSCHER ! » Une fois la bête fixée, il reprit sa politique de déglingage de rotule. Esquivant comme il pouvait l’attaque probable du monstre, il s’attaqua de nouveau au genou de l’adversaire, et quand celui-ci fut au moins mis à terre, se jeta au chevet de fortune de notre milicien Ruthardt moribond, empoignant sa tête et lui parlant, fort et vite pour qu’il ne s’endormît pas, qu’on ne l’avait jamais connu en si bon point, que tout ça n’était rien, rien que des égratignures. Et quand il ne mentait pas doucereusement à son frère, il levait la tête vers les rues pour crier « A L’AIDE ! UN MEDICASTRE ! AU BLESSE ! AU BLESSE ! »

Deuxième tour
Pour respecter la trame chronologique, deux tours de combat seront mjités dans ce tour, car vos actions ne se déroulent finalement qu’en quelques secondes, et trois tours (en comptant le tour de la semaine précédente) paraissent être logiques avant que les nobles puissent arriver depuis le château, ce qui normalement prend au moins plusieurs minutes.

Hélas, pas de paragraphe poignant sur un Anton, une fois la bête occise, pleurnichant et criant à l’aide auprès de son compagnon mortellement blessé. Et s’il hurla pour de l’assistance pour Julius Ruthardt, ce ne fut pas dans les circonstances que son narrateur envisagea, mais bien au cœur de la mêlée, tandis que l’immonde goule, esquivant avec une habileté démoniaque les estocades d’un garde furieux, d’un coup ample et circulaire, le balaya comme on l’eut fait d’un fétu de paille. Notre reître avait mal évalué l’attaque, et tandis qu’il tentait une enjambé pour prévenir le coup, le long bras d’acier de messer la goule l’attrapa en dessous de la ceinte, le frappa dur à la cuisse et lui fit perdre l’équilibre. Les pieds glissèrent un peu sur le pavé irrégulier, et Anton se retrouva, sans qu’il s’en aperçoive vraiment, à choir contre la pierre boueuse, pétrifié par ce qui allait suivre.

La suite fut des plus chaotiques. A peine le cul par terre, à chercher un moyen de se mettre hors d’atteinte du chevalier mordeur, qu’Anton se reçut deux cents livres d’acier nu et de chairs moribondes sur la mouille. La créature s’était jetée sur lui, excitée par les instincts de sa race honnie, et oubliant la barrière de son heaume, qui empêcha heureusement le monstre d’enfoncer ses dents dans la gorge vulnérable du milicien en panique. Ce dernier, d’abord happé par le choc de cette masse qui se jetait sur lui, tenta de le rejeter, d’enfoncer dans les défauts de l’armure ses lames, sans grand succès. La force herculéenne du messer, ajoutée à la gravité, empêchait toute tentative sérieuse du reître, qui se débattait avec l’énergie du désespoir alors que les griffes commençaient à fouailler dans son torse, essayant semblait-il d’ébrécher son plastron, mais glissant sur l’armure et rejoignant les parties les plus mal protégée du physique de notre garde, qui sentait les doigts griffus lacérer ses chairs douloureuses.

Le salut vint d’en haut. Un éclair fut aperçu par Anton, suivi tout de suite par un grand tonnerre. Un puissant coup d’épée avait été porté verticalement sur le heaume de son agresseur, et le choc propulsa une nouvelle fois la gueule de la goule contre l’épaule d’Anton. Elle eut un hurlement assourdi et surpris, avant que l’épée ne revint finir la bête en bien piteux état. Mais cette fois, ce ne fut pas la lame qui s’abattit, mais la garde de l’épée. Dans un accès de finishimerie, le colosse chevalier, le vivant celui-ci, avait saisi sa bâtarde par le bout et vint frapper une nouvelle fois le dos du casque d’une attaque au pommeau qui laissa Anton tout à fait pantois devant l’extravagance. Bah ! Il aurait bien accordé n’importe quoi à son sauveur, à la vérité ! Cependant, le chevalier n’était pas décidé à lâcher son collègue de si tôt, et tandis que Gunof pensait enfin être libéré de la carcasse qui lui compressait le poitrail, Scarocci avait dans l’idée de continuer à s’acharner sur la bête inanimée.

Quand enfin il parvint à se dépêtrer de cette drôle de mêlée et se remettre sur ses guiboles, Anton, après un petit vertige, se redressa bien et eut un grand sourire triomphal à l’adresse de Scarocci. « Béni sois-tu, chevalier ! » lui dit-il avant de demander son nom. Et une fois les présentations faites en bonne et due forme, Gunof embrassa d’un regard le champ de bataille. Revenait prudemment le milicien fait cavalier pour l’occasion, pour voir si la chose était bien neutralisée, tandis qu’auprès de Julius, ensanglanté, à terre, moribond, une silhouette familière à l’œil fouinasse de Gunof semblait officier au salut de son frère d’armes. C’était Denea Alberick ! Le souffle, pourtant rauque, fréquent et vital à Anton, lui manqua un instant, mais ce fut le milicien cavalier qui le sortit de ce moment de flottement déchiré entre crainte et espoir. Il fallait qu’il fasse son devoir, disait-il. Il fallait détruire une bonne fois pour toute la bête. Qu’à cela ne tienne, Anton aspira un bon coup, hocha de la tête avec un sourire de mauvaise joie, et s’appliqua à trancher les liens qui maintenant le heaume de messer la goule au reste de son harnachement. Une fois le casque retiré et la goule mise sur le dos, les combattants contemplèrent un instant le visage qui se cachait derrière le masque de fer.

C’était une jeune chevalier, presque un enfançon, qui avait été ravi par la Fange. Son nouveau trépas avait redonné un peu d’humanité à ses traits, pourtant tirés dans une dernière expression coincée entre haine et cette voracité que seuls ces monstres pouvaient manifester. Malgré ça, son aspect juvénile, ses cheveux bouclés et blonds, ces grands yeux d’un bleu délavé et son teint pâle, un peu minet, encore blanc-bec, mettaient un coup au garde Gunof, qui retrouvait, après le monstre, l’âme d’un être, qui avait été beau et vivant, apeuré comme eux tous par la peste mort-vivante. Il se signa un coup et en silence, avant de proposer au chevalier qui avait porté le coup fatal s’il voulait avoir l’honneur de la décapitation. Scarocci grogna que non. Anton souffla, un peu dépité, et commença son office. A l’ensis, et malgré une bonne dose de force, le dit office n’était pas aisé.

Après un petit coup bien sec et qui rata la gorge du blondinet, il avisa de la chose et, avec dégoût, commença à trancher dans la chair molle, dans les tendons, les artères, sciant la tête comme un apprenti boucher maladroite et soûl. Le reste de sang qui était dans son corps sembla décider à sortir par cette plaie béante que Gunof ouvrait laborieusement dans la trachée de feu messer la goule. Il aurait rêvé que le chevalier y mette un bon coup, et qu’on en finisse une fois pour toute, proprement. Hélas, hélas, se dit-il pour lui-même tandis que sa lame cognait contre une vertèbre. D’un coup brusque mais expert, il décolleta enfin le chef du jeune chevalier dans un craquement. C’était fait, celui-là ne se relèverait plus jamais.

Anton se releva, lui. Il était un peu livide. L’adrénaline accélérait encore son cœur, mais son esprit commençait peu à peu à s’embrumer, blessure et fatigue aidant. Il secoua la tête pour se garder alerte, ce qui fut une mauvaise idée. Son crâne le tança. Il était livide. Il contempla une dernière fois le cadavre de leur si féroce adversaire, à présent sans tête, avant que son regard cupide ne dégouline sur l’armure sanguinolente du jeune messer. Cabossée à un endroit, elle avait pourtant été préservée. Son dos et ses guibolles avaient principalement pris. L’équipement, une petite fortune, restait dans un état pas dégueulasse, réfléchit Anton en petit épicier. « A moi, se fit-il à lui-même, comme une promesse hargneuse. Il eut un regard peu amène au chevalier qui avait tué le déjà-mort, et ses yeux glissèrent ensuite vers son camarade tombé, qui semblait inconscient.

Sans se baisser, il regarda d’un œil absent Julius, inanimé. Ses orbites placides se retournèrent vers la jeune herboriste. « Mort ? » demanda-t-il simplement, laissant de côté tout ce qui pouvait être entre eux deux.