Marbrume


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 [Terminé] Confluence - Alaric

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AlaricGarde de Sombrebois
Alaric



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MessageSujet: Re: [Terminé] Confluence - Alaric   [Terminé] Confluence - Alaric - Page 2 EmptyVen 1 Avr 2022 - 11:54
Alors, qu'est-ce que tu veux devenir ? demanda-t-il comme si c'était l'une des questions les plus faciles de l'univers.

Car, si la mercenaire estimait qu'il y avait effectivement un fossé entre ce qu'elle était aujourd'hui et ce qu'elle deviendrait, c'est qu'elle en avait bel et bien une petite idée, non ?

Alaric évitait de s'interroger encore à ce sujet. Au cours des derniers mois – et semaines – il avait souffert de ces projections et de ces questionnements sans réponse. Au début, son erreur avait été de rester tourné vers son passé, empli de regrets et de remords. Il en avait sacrifié son présent. Ensuite, il s'était focalisé sur son futur et ses aspirations, sur ses capacités et le niveau qu'il désirait obtenir. Mais de la même manière, à force de trop penser au futur, il en avait négligé le présent. Une bataille à la fois. À quoi bon réfléchir à ce que l'on deviendrait, si la vie pouvait s'arrêter d'une seconde à l'autre ? Son existence était aussi fragile qu'une flamme d'une bougie, vacillant sous les assauts du vent. Jusqu'à présent il avait tenu bon ; le capitaine s'était plu à penser que les Trois l'avaient protégé, d'une manière ou d'une autre. Il avait essuyé moult tempêtes, avait cru s'éteindre à plusieurs reprises pour finalement se relever, plus vivant qu'auparavant. Et avant que ses dieux ne le soufflent à jamais, il espérait bien briller encore un peu.

J'pensais qu'être fermier me suffisait. Et j'crois que ça aurait été vrai, si la fange était pas arrivée, mais... Les changements nous donnent d'autres chemins. J'voulais pas être soldat, Aeryn. Je n'sais pas tuer un homme. Je l'ai déjà fait et je déteste ça. Pourtant, maintenant... J'voudrais pas retourner dans une ferme.

Il marqua une pause, le temps de boire un coup. Le breuvage alimentait ses paroles aussi sûrement que le bois nourrissait le feu. Il réchauffait son corps et brouillait ses pensées parasites, modelait une bulle chaleureuse autour de son esprit dans laquelle il adorait se baigner.

Oui, confirma-t-il. Sans la fange...

Il embrassa le bourg d'un geste.

J'serai pas là, moi non plus.

Néanmoins, Alaric ne devait pas ce changement de carrière uniquement à la fange. Sa place, il l'avait obtenue de personnes qui avaient osé croire en lui. Certes, certains diraient qu'il l'avait méritée, grâce à ses capacités et ses compétences acquises au sein de la milice au début, au cœur des marais ensuite. Hormis les soldats du sergent du Morguestanc, il n'était pas certain de trouver d'autres miliciens aussi habiles que lui dans les terres hostiles du duché. Il avait survécu à plus d'une attaque de fangeux, en avait également abattu plus d'un : lorsque l'on y pensait, il était à la tête d'un palmarès dont peu pouvait se targuer. En revanche, il n'avait jamais commandé d'hommes jusqu'à présent, ni n'avait mis en place des stratégies où il devait exploiter leurs talents. Alaric avait toujours été un solitaire et ce n'était que dernièrement qu'il apprenait, petit à petit, les ficelles de sa nouvelle fonction. Par chance, Eïlyn était là pour l'y aider. Elle, Yohan Eve... C'était à ces personnes qu'il devait sa nouvelle position.

Le capitaine de Sombrebois releva le visage vers la mercenaire et arqua un sourcil, interloqué. Il prit quelques secondes pour réfléchir à sa question, bras croisés sur son torse, un sourire idiot sur les lèvres.

Oh et bien... J'voulais dire...

Il déposa son menton entre ses doigts.

Par exemple, c'est quand tu peux t'appuyer sur les autres. Comme ma seconde. J'sais que si j'ai besoin d'elle, Eïlyn viendra. Ou bien, nous deux ! s'exclama-t-il.

Il appuya son index sur la table, pointant cette dernière avec conviction.

Là, maintenant, on s'entraide. J't'accompagne, dit-il en souriant. Et ta meute ? Ils deviennent des amis qui t'accompagnent, non ? T'es pas seule, conclut-il.

Alaric se voulait rassurant. Il n'était pas certain que la rousse considère les autres lames comme ses amis, mais il avait compris, lors de leur séjour à Balazuc, que leur compagnie ne lui déplaisait pas. Sans doute étaient-ils un peu trop bruyants à son goût, mais il était persuadé qu'avec le temps, la rouquine les apprécierait et aimerait les savoir à ses côtés, lorsque le danger se dévoilerait.

Le soldat passa une main dans ses cheveux, évita le regard de son amie sans parvenir à accrocher un point du décor. Derrière le paysage, il ne discernait qu'Eve et son sourire. La lettre qu'il avait reçue de sa part la veille l'avait réchauffé plus sûrement qu'un liquoreux, ses mots l'avaient bercé plus doucement qu'une mélodie. Mon capitaine.

Mais, ajouta-t-il malgré lui. J'pensais plutôt à un... autre niveau d'accompagnement, bredouilla-t-il.

Qu'est-ce qui rougissait ses joues ? La bière ou ses sentiments ?

Cette fille, à Marbrume... Rien que de penser à elle...

Il haussa les épaules, incapable de poser des mots sur ses émotions.

Je suis plus fort. J'veux dire... Même si j'dois affronter des épreuves... Elle sera là. Tu comprends ?

Il n'était pas sûr d'être clair.

Seul, j'y arriverai peut-être pas, mais avec elle... J'ai pas peur.

Ni du roi, ni de la reine. Ni de la lune qui hurle, ni de Sombrebois. Ni de l'homme qui vole, ni des Victorieux.

Elle croit en moi et je crois en elle, murmura-t-il.

Il était étrange d'exprimer de tels propos à haute voix. Inévitablement, ce procédé les rendait plus forts encore, plus concrets. Il ne s'agissait plus seulement d'idées floues, de concepts insaisissables qui dansaient dans son esprit. Ses sentiments devenaient une vérité tangible, une prise de conscience agréable. Je l'aime. Sans qu'il ne le confesse, son langage corporel était éloquent. Un doux sourire illuminait ses traits juvéniles, ses yeux bleus pétillaient d'une tendresse qu'Aeryn ne lui avait encore jamais vue. Il resta ainsi quelques secondes, le regard perdu sur la mercenaire qu'il ne voyait plus. Puis, il se souvint où il se trouvait et cligna des yeux avant de la dévisager, presque surpris de la découvrir en face de lui.

Euh... Enfin, voilà. C'est ça d'être accompagné. J'crois.

Embarrassé, il tenta de cacher son malaise dans sa chope.
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Aeryn MonclarMercenaire
Aeryn Monclar



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MessageSujet: Re: [Terminé] Confluence - Alaric   [Terminé] Confluence - Alaric - Page 2 EmptyVen 1 Avr 2022 - 15:38


"Alors, qu'est-ce que tu veux devenir ?"

Visiblement, le capitaine cherchait à lui provoquer une vilaine migraine avec toutes ses questions étranges. Pourtant, malgré son inconfort, Aeryn prit la peine de réfléchir un instant… Que voulait-elle devenir, elle qui ne nourrissait aucun rêve ?

-Je veux devenir plus forte , finit-elle par lâcher en souriant. Juste ça.

Plus forte physiquement, certes … Mais c'était son mental que Ryn voulait réellement renforcer afin de devenir l'une de ces personnes inébranlables que les gens respectaient et fuyaient si facilement. Elle en avait assez de ses doutes, de ses interrogations permanentes qui ne trouvaient jamais la moindre réponse. Elle ne supportait plus ses regrets, ses craintes, ses cauchemars. Être plus forte pour survivre seule. Être plus forte pour ne plus avoir peur, tout simplement.

Mais Alaric semblait avoir pensé à tout autre chose en posant sa question. La mercenaire le comprit en l'entendant évoquer son passé de fermier avant de devenir soldat, par la force des choses.

- C'est justement parce que tu n'aimes pas tuer que tu es un bon soldat, Alaric, soupira-t-elle avant de boire une nouvelle gorgée de bière. Quand on aime ça… On n'est pas soldat, seulement assassin… Ce n'est pas tout à fait la même chose.

Elle-même détestait cela… Sentir sa lame s'enfoncer dans la chair, cogner un os, voir le sang s'écouler et la dernière étincelle de vie quitter le regard de son adversaire. Tirer son épée pour défendre des terres, des valeurs, des gens était une chose… La sortir uniquement pour donner la mort en était clairement une autre. Malgré sa hargne au combat et le plaisir que la bataille lui procurait par son activité grouillante, Aeryn n'avait jamais été une meurtrière.

-Je vois ce que tu veux dire... répondit-elle en essayant d'imaginer le chemin parcouru par Alaric.

Le sien devait être bien différent mais n'était certainement pas moins semé d'embûches. Combien d'événements avait-elle vécu depuis son arrivée à Marbrume ? Combien de chutes ? Combien d'échecs ? Combien d'espoirs contrariés ? Combien de pertes ? Toutes ces déconvenues étaient probablement venues à bout de sa propre volonté. Et même si elle refusait encore de le reconnaître, Aeryn le sentait. Tout au fond d'elle, la flamme qui l'animait jusqu'ici était en train de s'éteindre peu à peu.

Peu encline à se morfondre davantage, la mercenaire repoussa de nouveau toutes ses sombres pensées pour mieux se concentrer sur les propos de son ami. Il parla de soutien, de loyauté, de solidarité et d'amitié. Alaric semblait pouvoir compter sur sa seconde, l'imaginant sans doute se pointer au moindre coup dur pour lui prêter main forte. Peut-être était-ce vraiment le cas. Après tout, Ryn ne pouvait juger ce qu'elle ne connaissait pas… Néanmoins, pour avoir toujours dû se débrouiller seule même en évoluant au sein d'une aussi grande famille, tout cela lui parut bien trop beau pour être vrai.

Non, Ryn n'était certainement pas seule pour un œil extérieur. Sa meute l'accompagnait en mission, en campagne. Ils partageaient leurs repas, discutaient de la pluie et du beau temps avant de se séparer. Pourtant, tout cela n'était que façade… Les gens se mêlaient toujours aux autres pour combler leur propre solitude, mais cela restait toujours en surface. Se livrer entièrement et sincèrement n'était pas donné à tout le monde. Et encore, mieux valait se montrer prudent pour ne pas prendre le risque de voir l'autre vous trahir, vous abandonner…

Aeryn souffrait toujours de ses expériences passées. Son père, ses frères, ses collègues de son ancienne compagnie, le Capitaine, Finn… Tous avaient choisis de prendre un autre chemin, sans elle, certains même sans prendre la peine de la tenir au courant, la laissant découvrir l'absence et le poids de cette chose pourtant invisible. Accorder sa confiance à une autre personne était devenue une chose impossible pour elle. La rouquine préférait rester dans son coin, s'isolant même au milieu de la foule pour mieux se préserver. Des amis… Elle n'en avait pas. Le seul qui pourrait encore correspondre à cette description se trouvait précisément en face d'elle. Et encore…Ryn ne prendrait certainement pas le risque de placer sa vie entre ses mains.

Mais bien vite le discours du capitaine dévia vers un tout autre style de lien : l'amour. Il fallait être aveugle pour ne pas comprendre ce dont il parlait tant son sourire se faisait témoin de ses sentiments. L'espace d'un instant, la rouquine le trouva légèrement niais… Le jugeant stupide d'imaginer être plus fort grâce à cette fameuse inconnue de Marbrume qui, pourtant, le faisait paraître bien plus faible aux yeux de la mercenaire. Les pensées du soldat semblaient tout simplement s'évaporer… Il n'était déjà plus là, avec elle, mais auprès de sa belle qui le conduisait dans un rêve éveillé. Ryn sourit, narquoise, se souvenant encore parfaitement de ce qu'elle avait ressenti auprès de Finn… Tous ces changements que sa présence et la naissance de ses sentiments avaient provoqués chez elle… Toutes ses émotions purement abjectes qu'elle avait ressentis, subies, puis rejetées.

-Sache que je suis ravie pour toi, Alaric… Le simple fait de penser à cette femme semble te rendre heureux… C'est… touchant, dit-elle avec sincérité avant de lever sa chope en l'air. Mais sois certain que je préférerais crever mille fois que de ressentir ça de nouveau.

Comme elle avait détesté d'être à ce point changée par un homme. Comme elle avait méprisé ses propres sourires, ses paroles toujours plus mièvres voire stupides. Le miel, Ryn préférait le laisser aux abeilles.

-Tu vois de la force là où je vois de la faiblesse. Tu vois de l'assurance, là où je ne vois que des doutes. Tu vois de l'amour là où je ne vois que de la dépendance… J'aime autant rester seule. Ne te méprends pas, capitaine, je suis sincèrement heureuse pour toi. Tu as l'air heureux et cela fait vraiment plaisir à voir… Mais… Disons que j'ai un rapport à l'autre plutôt conflictuel et que cela me convient parfaitement. Tu dois le savoir à présent, je n'aime pas prendre de risque inutile.
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AlaricGarde de Sombrebois
Alaric



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MessageSujet: Re: [Terminé] Confluence - Alaric   [Terminé] Confluence - Alaric - Page 2 EmptyDim 3 Avr 2022 - 11:16
Alaric repensa à Balazuc et à l'attaque des bannis. Sans dire qu'il estimait que la meute de Pat' aimait massacrer ses ennemis, il était clair que ces derniers étaient rompus à cette sombre tâche. Il n'avait pas imaginé la main d'Aeryn trembler sur son épée, ni Lili hésiter à donner le coup fatal. Qu'avait-il fait, lui ? Il s'était évertué à ne toucher aucun point vital, à arrêter l'assaut plutôt qu'à l'éradiquer. Là était la différence entre le capitaine de Sombrebois et une panoplie de soldats. Là était sa différence avec la rouquine : il ne s'agissait pas uniquement d'aimer ou non d'ôter la vie. Il s'agissait de refuser de s'y soustraire, de s'interdire d'en faire une habitude. C'était terriblement lâche ou horriblement courageux. Chacun avait son interprétation.

Parler d'Eve avait le mérite d'apaiser son cœur, de partir sur une discussion plus légère, sans être moins complexe. Hélas, une fois de plus, le jeune homme était confronté à un caractère diamétralement opposé au sien. Alaric releva la tête vers la mercenaire et arqua un sourcil, interloqué par la rudesse de ses propos. Son regard ne perdit pas de sa douceur, cependant ; seule une grande souffrance pouvait être le chef d'orchestre de telles affirmations. Lorsque Sydonnie était partie sans l'en tenir informé, il avait juré lui aussi que plus jamais il ne s'attacherait à quelqu'un, plus jamais il ne voudrait ressentir pareilles fissures dans sa poitrine ; une peine trop lourde à supporter. Il accusa ses dires : il n'y avait pas de trace de réprimande, simplement une volonté d'Aeryn de lui faire part qu'elle ne serait jamais de son avis.

Songeur, le capitaine réfléchit quelques minutes avant de lui fournir une réponse qu'il espérait convenable.

Tu t'souviens de mon état, hein, quand Sydonnie est partie...

Lui avait-il seulement dit son nom, à l'époque ? Peu importait : il ne devait pas être bien difficile pour la rousse de se souvenir de leur première rencontre, de leur duel improvisé dans la cour de Joe.

T'crois pas que j'étais plus faible à ce moment-là... Que maintenant ?

Il la laissa méditer avant d'ajouter :

J'étais seul, Aeryn. Dans la milice, j'avais peu d'amis. C'était très bien, j'aimais ça. J'comprenais pas les autres. Puis, j'suis venu ici. J'ai rencontré quelques personnes, mais j'prenais de la distance. Avec la fange... J'ai perdu ma famille.

Lui avait-il déjà dit ?

J'voulais pas m'attacher à de nouvelles personnes... Pas quand... Des monstres peuvent te les arracher si vite.

Une grimace étira les lèvres du soldat, qu'il tâcha d'étouffer en buvant une gorgée.

Mais c'était lâche, conclut-il. Comme toi.

Il parlait sans méchanceté, sans brusquerie. C'était un simple constat, une affirmation qu'il n'aurait jamais osé exprimer à haute voix en temps normal. Mais l'alcool dénouait les langues, parfois pour le meilleur, parfois pour le pire.

J'espère qu'un jour... Tu n'aurais plus peur de souffrir.

Il haussa les épaules.

Tu veux pas prendre de risque inutile, mais... T'es pourtant venue jusqu'ici, à Sombrebois, pour me parler. Tu m'as avoué ta rencontre avec Marbrume en espérant secrètement que je te repousse. Parce que t'aurais été seule à nouveau. Mais... es-tu sûre, au fond de toi, que t'es pas v'nue parce que tu voulais te confier à quelqu'un ? Et puis...

Et ce n'était là qu'une conviction purement personnelle, élaborée à partir de ses récentes mésaventures, de ses découvertes passées. Une croyance qu'il avait développée sur base de son expérience et de ses besoins.

À quoi ça sert de vivre si tu ne risques rien ? Tu dis que tu veux devenir plus forte mais... Pour quoi, au juste ?

Y'avait-il un intérêt à devenir plus fort simplement pour soi-même ?


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Aeryn MonclarMercenaire
Aeryn Monclar



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MessageSujet: Re: [Terminé] Confluence - Alaric   [Terminé] Confluence - Alaric - Page 2 EmptyDim 3 Avr 2022 - 13:14

Si elle se souvenait de l'état d'Alaric après la perte de sa milicienne… Certainement. Il n'était alors qu'un homme meurtri, une sorte de "chiffe molle", blasé de tout… Éteint. Un homme bien différent de celui qui lui faisait face à présent. Aeryn aurait été bien sotte ou aveugle pour ne pas s'en rendre compte. Et même si le comprendre restait difficile, elle se réjouissait sincèrement pour lui. Alaric semblait avoir trouvé son équilibre et la mercenaire en était ravie… Néanmoins, pourquoi s'entêtait-il à vouloir lui imposer sa propre opinion de la chose. Qu'il ait trouvé ce dont il avait besoin et même plus que cela, tant mieux pour lui… Mais pourquoi semblait-il dire "j'ai raison, tu as tort" ou encore "je suis bien mieux que toi" ?

Sachant parfaitement que ses interprétations concernant les propos des autres pouvaient être plus que bancales, Ryn veilla à ne pas s'offusquer. La mercenaire prit sur elle pour encaisser les paroles du capitaine, essayant tant bien que mal de comprendre ce qu'il tentait de lui dire. Rapidement, Aeryn réalisa qu'Alaric comparaît simplement leur deux situations afin de lui prouver que, quelque part, celles-ci pouvaient se ressembler… Lui aussi avait beaucoup perdu. Il en avait souffert. Il avait tenté de s'isoler tout en essayant de se persuader que tout cela lui convenait vraiment.

"Mais c'était lâche. Comme toi."

"Comme toi"... Surprise, la rouquine le dévisagea un instant avant de baisser la tête pour mieux contempler sa chope… Dissimulant son sourire, la mercenaire écouta néanmoins tout ce qu'Alaric exposa… Lui qui, visiblement, en semblait en savoir bien plus sur elle qu'Aeryn elle-même. Plus il parlait et plus le sourire de la rouquine s'élargissait. Peu à peu, son corps, parcouru de soubresauts impossibles à contenir, se mit à trembler… Ses muscles se resserraient sur ses os, ses mains empoignaient sa chope.

"Lâche...Comme toi." "J'espère qu'un jour… Tu n'auras plus peur de souffrir" etc.etc.

-Bon sang, lâcha-t-elle avant d'éclater de rire.Mais bordel, m'a-t-on seulement entendu affirmer à voix haute que j'étais un être courageux?

Son hilarité lui arracha une petite larme… L'arme qu'elle s'empressa de faire disparaître en s'essuyant avec son avant-bras.

- Je t'ai dis que je voulais être plus forte justement parce que j'en avais assez, Alaric, ajouta-t-elle en serrant les dents. Mon père a voulu faire de moi un soldat infaillible… Pas un humain ! Pardon… Une humaine. Il a réussi son coup, tu en conviendras, n'est-ce pas… Sur un champ de bataille, je vaux mon pesant d'or. Pas de pitié, des gestes sûrs. Tuer pour ne pas laisser les autres se faire tuer… Et moi dans tout ça ? Je n'existe pas… Je n'ai même jamais existé…

Voir la rouquine passer du rire à la colère semblait inquiéter les clients se tenant un peu trop près de leur table. Certains se levèrent pour mieux s'éloigner jusqu'au comptoir, craignant sans doute de voir une furie rousse arracher les yeux de leur cher capitaine. Mais non, rien de tel ne se produisit pourtant, les muscles de la mercenaire se relachèrent presque aussitôt.

Pourquoi était-elle venue jusqu'ici ?

-Si je suis là c'est uniquement parce que, si tout ce que j'ai vu est vrai… Je ne suis pas là seule à être concernée par tout ce bordel. Cette chose m'a parlé de toi, de cette prêtresse ainsi que d'autres inconnues… Dans toute cette foutue liste, tu étais le seul que je connaissais que je savais où trouver… Mais évidemment que je voulais parler de ça à quelqu'un puisque je voulais comprendre… Et puis...

De nouveau, un sourire étira ses lèvres se faisant plus carnassier.

-Tu m'emmerdes, souffla-t-elle avant de repousser sa chope. Qu'est-ce que ça peut vous foutre à tous que je veuille rester seule au juste ? Finn, Kaël, Théophile et maintenant Alaric, tous semblaient croire qu'il était nécessaire de la pousser vers les autres. Et autant dire que dans la bouche de certains d'entre eux, de telles paroles avaient un arrière goût d'hypocrisie. Je prends des risques tous les jours, Alaric… J'en prends en permanence. J'en ai pris pour venir jusqu'ici, j'en ai pris pour te parler de ce sujet fort délicat. Mais je préfère affronter des choses plus tangibles… Me battre, quitte à perdre la vie, plutôt que de me prendre la tête avec des sentiments à la con que je suis incapable de comprendre. Tu es heureux aujourd'hui, je suis contente pour toi et je te souhaite de l'être aussi longtemps que possible … Mais, ça veut dire quoi "longtemps" ? Et après, il se passe quoi au juste ? Tu redeviens une larve ? Tout ça parce que tu t'es rendu dépendant d'une autre personne en lui donnant en plus le pouvoir de t'atteindre et de te détruire ? Est-ce mal de redouter cela ? Est-ce mal d'être lâche au point de préserver le peu qu'il me reste. Le peu qu'on m'a laissé après m'avoir utilisé puis piétiné avant de l'abandonner à mon sort?

Ses rapports aux autres ont toujours été conflictuels ou tout simplement inexistants. Auprès de sa famille, au milieu des soldats alliés ou ennemis… Il n'y avait jamais eu le moindre juste milieu mis à part auprès de ses frères où Aeryn avait su trouver un semblant de normalité et de complicité. Le reste… L'amitié, la camaraderie, l'amour, la tendresse, la rouquine n'avait pu que l'effleurer un instant avant que tout tourne au vinaigre. Il ne lui en fallut pas bien plus pour réaliser que tout cela n'était pas pour elle.

Finn était parti sans rien dire. Théophile lui avait affirmé ne pas être l'homme qui lui fallait, n'hésitant pas à l'insulter et la rejeter pour un seul mot de travers… Mouais… Peu importe l'homme qu'elle rencontrait et qui osait tenter une approche, tous finissaient par se détourner d'elle sans la moindre difficulté. Alors, à quoi bon s'accrocher quand tout ne semblait tenir qu'à un misérable fil. Mieux valait encore les faire fuir dès le départ afin de ne pas prendre le risque d'être déçue par la suite.

-Alors, oui, je suis une grosse lâche, Alaric. Je ne peux que le reconnaître… Mais j'aime mieux laisser ce genre de courage à ceux qui aiment prendre ces risques-là. Je ne suis pas aussi forte que les gens semblent le croire,mais je veux que ça change.



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AlaricGarde de Sombrebois
Alaric



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MessageSujet: Re: [Terminé] Confluence - Alaric   [Terminé] Confluence - Alaric - Page 2 EmptyJeu 7 Avr 2022 - 12:24
Alaric inclina la tête, surpris. Quelque chose lui disait que cette hilarité soudaine n'était pas de bon augure. Les mots, acerbes et teintés d'une certaine dérision, le transpercèrent de part en part ; ses doigts se refermèrent sur sa chope, comme s'il s'agissait de son unique point d'ancrage face à une tornade rousse qu'il avait, soyons honnête, quelque peu provoquée. Le soldat fit un bref signe de main à Moe qui, alerté par le ton de la mercenaire s'était retourné vers eux, sourcils froncés. Déjà, le soldat percevait les regards des clients alentours qui, curieux, avaient suspendu leurs propres discussions pour se concentrer sur une bien plus intéressante. Il était rare que le capitaine de la garde fasse parler de lui ; la dernière fois, c'était lorsqu'il avait quitté la taverne complètement ivre en compagnie de sa seconde. Mais c'était un bon souvenir, pour lui comme pour les habitants qui avaient assisté à la scène. Cette fois, il n'était pas certain que l'animation soit aussi réjouissante.

Savoir qu'Aeryn n'était venue que sur les recommandations de cette étrange entité lui fit un pincement au cœur. Alaric avait été idiot de penser que leur relation était un peu plus que « cela ». Après tout, il s'était confié à elle à plusieurs reprises, il l'avait aidée en retour et il avait cru, parce qu'il était un grand naïf, qu'ils avaient commencé à construire quelque chose. Une amitié qu'il avait espéré durable, saine. Un sentiment de camaraderie qui lui manquait cruellement.

« Tu m'emmerdes »


Le soldat releva les yeux vers elle.

Qu'est-ce que ça peut me foutre ? répéta-t-il, ahuri.

Il ne pouvait parler pour les autres qu'elle mentionnait, mais il savait très bien ce que lui ressentait, ce qu'il désirait la concernant. Par les Trois, la mercenaire avait réussi à le mettre en colère. Son poing fermé s'abattit à son tour sur la table, tandis que la rouquine continuait d'asséner sa façon de pensée, franche et sans détour, pourtant empreinte d'interrogations qui parvinrent aux oreilles du capitaine, malgré une exaspération croissante qui bouillonnait dans ses entrailles.

Ce que ça me fout, c'est que je suis inquiet pour toi, bon sang ! C'est p't'être un sentiment à la con pour toi, mais pas pour moi. Parce que, si moi je ne suis qu'un pion dans tes histoires, toi tu es mon amie. Et tant pis si je t'emmerde.

Il termina sa chope d'un trait et la reposa bruyamment sur la table. Ses gestes, d'habitude si calmes et posés, étaient brusques, presque frénétiques. Autant que ses mots qui se déversaient sans aucun filtre de sa bouche. Mais malgré leur caractère quelque peu brutal, ils demeuraient vrais, honnêtes et n'avaient pas pour volonté de blesser la mercenaire. Ils exprimaient plutôt la déception du soldat, traduisaient de réelles inquiétudes qu'il ne pouvait s'empêcher de ressentir à son égard. Il avait bien compris son point de vue, avait enregistré ses regrets, mémorisé son passé. Traumatisée par son père, Aeryn se cherchait encore, sans oser emprunter des chemins inconnus. Ses dernières paroles, cependant, étaient un espoir. Une envie de changement parée de lourdes appréhensions.

C'est ça une relation, Aeryn. On est deux dans c't'histoire.T'es pas la seule à décider.

Il secoua la tête, dépité.

Mais t'as raison. Je n'ai pas à choisir pour toi...

Il soupira et rejeta la tête en arrière, ses yeux bleus fixés sur le ciel coloré à l'identique. Cette immensité céruléenne tachetée de blanc l'aida à se calmer. Alaric passa une main dans ses cheveux, et, sans décrocher son regard de la voûte céleste, ajouta :

C'est pas mal de le redouter, c'est... Humain. Et ça, tu vois, je crois... Que c'est la preuve que tu existes.

Il se redressa enfin et, déterminé, planta son regard dans celui de la mercenaire.

Ouais, p'têtre que j'deviendrai une larve quand elle voudra plus de moi. Et je souffrirai encore. Mais j'en sais rien, Aeryn. Je peux pas savoir. Seuls les Trois savent de quoi « dans longtemps » est fait. Alors en attendant... À mon niveau, répéta-t-il, j'ai pris le risque de l'aimer, j'ai fait le choix de vivre car vivre à ses côtés est bien plus beau. J'aurais au moins été heureux si tout doit s'arrêter demain.

Il marqua une petite pause, le temps de rassembler ses idées.

Ça doit être la différence entre vivre et exister, supposa-t-il. Et j'comprends qu'on puisse avoir envie de se contenter d'exister. J'l'ai fait, moi aussi. Mais j'arrête pas d'me dire que c'est passé à côté de quelque chose. C'pour ça que, je sais pas, j'voulais te convaincre que c'était mieux. Parce que je tiens à toi. Alors, même si je t'emmerde...

Il haussa les épaules.

Je suis là. Tu peux décider de changer toute seule, j't'en voudrai pas. Mais si t'y arrives pas, je suis là, répéta-t-il, convaincu. C'est à ça qu'ça sert, les amis.

Alaric n'y connaissait pas beaucoup plus qu'Aeryn en matière de relations humaines. Il se rendait compte qu'il avait été maladroit et qu'il avait dû la blesser. De même, il était attristé de savoir qu'il ne comptait pas autant qu'il le croyait aux yeux de la mercenaire. Même s'il acceptait désormais de s'attacher à quelques personnes, il les choisissait avec soin, ne prenait pas le risque, justement, que la personne se retourne contre lui à la première occasion. Peut-être s'était-il trompé au sujet d'Aeryn, peut-être n'était-elle pas la personne qu'il avait crue. Pourtant, son désir de changer laissait planer un espoir auquel le capitaine voulait encore croire.
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Aeryn MonclarMercenaire
Aeryn Monclar



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MessageSujet: Re: [Terminé] Confluence - Alaric   [Terminé] Confluence - Alaric - Page 2 EmptyVen 8 Avr 2022 - 11:11
"Un pion"

L'avait-elle réellement défini ainsi ? L'avait-elle seulement laissé supposer ? Probablement… Car après tout, comme à chaque fois que la mercenaire se sentait blessée, ses paroles dépassaient allègrement le fond de sa pensée. Pourtant, même si elle l'aurait dû, par respect pour le capitaine et la camaraderie qu'il lui inspirait, Aeryn ne dit strictement rien pour le contredire. La rouquine ne voulait pas qu'il s'inquiète pour elle, comme elle ne voulait pas non plus devenir l'un de ses points faibles. Après tout, l'amour et l'amitié se ressemblaient terriblement aux yeux de la mercenaire qui les redoutaient tout autant. Mais malgré le rejet, le déni, Aeryn ne pouvait s'empêcher de ressentir toutes ces choses. Elle le savait pertinemment et c'est ce qui l'amenait à se mépriser elle-même. La jeune femme détestait cruellement toutes ces émotions stupides qui avaient la fâcheuse tendance de s'emmêler entre elles avant de se muer en colère… La colère, sa vieille amie, cette émotion vive et douloureuse qui, malgré tout, restait la seule qu'elle parvenait à identifier sans problème, même si déceler son origine restait encore bien complexe.

Au fond, Aeryn avait été en colère toute sa vie durant. D'abord sourde, contrôlée… La mercenaire avait même appris à l'utiliser comme une sorte de moteur qui faisait d'elle une bien redoutable combattante. Seuls ses frères parvenaient à la canaliser, d'une manière ou d'une autre.

Kaël prenait le temps de lui expliquer toutes ces choses qu'elle ne parvenait pas à comprendre. Ivaad lui permettait d'évacuer le "trop plein" en la poussant à se battre. Elwin la faisait rire. Loghart la faisait parler…

Mais à présent, Ryn était entièrement seule pour gérer tout cela. Elle avait bien essayé de se rapprocher de certaines personnes afin de retrouver tout cela, mais l'évidence l'avait bien vite rattrapée. Personne ne pourrait jamais combler ce vide. Personne ne pourrait remplacer ses frères. Aeryn Monclar était un être bien différent . En un sens, elle n'appartenait même pas à ce monde peuplé d'étrangers, du moins, en avait-elle l'impression. La rouquine semblait évoluer, seule, dans une sorte de dimension parallèle, nageant à contre courant pour essayer de rattraper ceux qu'elle reconnaissait pourtant comme ses semblables, en vain. Ainsi, même entourée de monde, Ryn restait seule, désespérément… Incomprise. Rejetée. Redoutée, parfois… Alors, en constatant tout cela, pourquoi continuer à essayer de rejoindre ces gens-là quand, systématiquement, elle finissait par rencontrer un mur ? Comment croire en l'amitié alors que chacun se satisfait de sa propre définition ? Comment croire en l'amour quand la flamme s'échine à s'éteindre avant de se laisser consumer. Comment croire en ces gens qui, dès qu'ils rencontrent le moindre obstacle, se contentent de le contourner pour mieux poursuivre leur route … Sans elle.

Du mensonge. De l'hypocrisie. Du déni. De la haine. De la trahison … Voilà tout ce que Ryn retenait de ce monde compliqué. Toutes ces vilaines choses qui, peu à peu, effaçaient tout ce que l'humain pouvait proposer de plus beau ou de sincère.

-Écoute... murmura-t-elle finalement. Je veux juste… ne pas avoir à me poser de questions… Mais je ne peux pas. Ça tourne là-dedans, pouffa-t-elle doucement tout en désignant son crâne.Tout le temps… C'est usant… Épuisant, Alaric… Et j'en ai marre de tout redouter en permanence. Je ne crois plus en rien… Même pas en moi… Parce que je ne comprends pas toutes ces choses que tu décris.

Le doute la rongeait, en permanence, à propos de tout et n'importe quoi. Elle qui pensait enfin avoir trouvé sa place auprès des lames, réalisait que ce n'était pourtant pas le cas. Encore et toujours, la mercenaire nageait à contre sens, volontairement ou non, d'ailleurs… La rouquine se voyait bien incapable de saisir ses propres intensions.

-Mais... soupira-t-elle. T'es pas un pion. Je ne sais pas ce que tu es, mais certainement pas un vulgaire pion.

Le qualifier "d'ami" restait difficile. Encore fallait-il reconnaître pouvoir s'attacher à quelqu'un. Inlassablement, Aeryn s'évertuait à refouler toutes ses émotions, ses sentiments, ses désirs dans l'espoir de mieux les tolérer.

-Je ne veux pas que tu t'inquiètes pour moi… Je ne veux pas avoir à m'inquiéter pour toi non plus… Je sais ce que je ne veux pas, tu vois … c'est facile… En revanche, je suis bien incapable de savoir ce que je veux, hormis de devenir plus forte pour que rien ne puisse m'atteindre. C'est peut-être stupide et incompréhensible pour toi, j'en conviens… Mais, j'ai besoin de ça. Enfin, c'est ce que je crois...

Croire ou savoir étaient pourtant deux choses bien différentes même si Aeryn ne semblait pas en avoir totalement conscience.

-Je ne sais pas comment faire autrement, à dire vrai… J'ai grandi dans une cage trop petite pour moi. Je n'ai réellement découvert le monde qu'à mon réveil après que la Fange ait tout dévasté sur son passage. Je ne comprends pas toutes vos habitudes, vos envies, vos manières… Je sais faire semblant, ça oui… Faire croire aux autres que je sais m'adapter, ça c'est facile… Mentir, me faire passer pour quelqu'un d'autre en gardant le silence… C'est toute ma vie, Alaric. Et j'aimerai vraiment que tout ça soit différent, mais j'y arrive pas. Je sais pas faire… Alors, "vivre" comme tu l'entends, je ne m'en sens pas capable, tu vois...

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AlaricGarde de Sombrebois
Alaric



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MessageSujet: Re: [Terminé] Confluence - Alaric   [Terminé] Confluence - Alaric - Page 2 EmptyMer 13 Avr 2022 - 21:35
Un sourire satisfait éclaira le visage d'Alaric lorsqu'Aeryn lui confirma qu'il n'était pas qu'un « vulgaire pion » à ses yeux. Il n'avait pas besoin de plus de sa part ; il savait au moins avec certitude que la mercenaire, qu'elle le veuille ou non, commençait à s'attacher à lui. Les prémices de quelque chose qui la dépassait encore, mais qui avaient le mérite d'exister, les bribes d'une histoire qu'il ne tenait qu'à elle d'écrire. Alaric l'écouta dans un silence presque religieux. Ses prunelles bleues se voilèrent de tristesse, alors qu'il mesurait peu à peu la souffrance que la rouquine avait endurée depuis sa plus tendre enfance. Au moins le soldat avait-il eu la chance de vivre avec des parents aimants, de se forger d'agréables souvenirs avant que la fange n'emporte tout sur son passage.

En fait, hésita-t-il, tu voudrais ne rien ressentir, c'est ça ? Parce que ces sentiments idiots que tu comprends pas... Ils rendent faibles. J'ai bien résumé ?

Il croisa les bras sur son torse et la dévisagea en se laissant aller quelque peu en arrière.

T'as raison. T'as besoin de te protéger. J'suis désolé que tu aies vécu tout ça, Aeryn.

Il soupira et passa une main dans ses cheveux, ébouriffant ces derniers. Il appuya ses avants-bras sur la table, manqua de la faire basculer, puis croisa ses doigts, signe qu'il était en pleine réflexion. Une moue contrite avait gommé son pâle sourire, s'ajoutait à ses traits moroses. Il n'avait pas envie de l'énerver encore plus ; il avait senti quelques minutes plus tôt qu'il avait été proche de la pousser à bout, même s'il n'avait jamais voulu la mettre mal à l'aise. Et d'un autre côté, elle n'avait pas tort : pourquoi s'évertuait-il à vouloir lui prouver qu'elle n'était pas sur la bonne voie ? Qui était-il pour décider à sa place ? Mais la réponse était ailleurs, la question également. Il ne s'agissait pas de la convaincre, mais simplement de lui tendre la main. Or, comment lui faire comprendre sans qu'elle ne se détourne complètement de lui ? Alaric n'était guère doué avec les mots, il ne l'était pas plus avec les gens. Était-il seulement capable de la faire changer d'avis ? Ne risquait-il pas de la perdre complètement ?

Il releva son regard vers elle.

Tu dis que tu sais pas comment faire, et t'as dis que tu voulais que ça change, tout à l'heure. Tu...

Il s'arrêta, anxieux.

Excuse-moi si j'te blesse, d'accord ? ajouta-t-il en levant une main, comme s'il lui signifiait qu'il n'y serait pour rien. Mais... Toute ta vie, t'as pas pu être qui t'étais vraiment. T'as souffert, t'as été déçue. Mais de bonnes choses peuvent encore t'arriver...

Alaric ne connaissait pas tous les détails de sa vie. La mercenaire avait évoqué son père et l'odieux rôle que ce dernier avait joué auprès de cette petite fille qu'il avait toujours considéré comme un garçon, ou plutôt, comme un objet qu'il avait utilisé jusqu'à sa disparition. Il se souvenait également d'un garçon... Finn ? C'était un prénom court, elle l'avait prononcé plusieurs fois lorsque, animée par l'alcool, il l'avait rencontrée pour la première fois. Quoiqu'il en soit, même s'il n'avait jamais su qui avait été ce mystérieux garçon, il avait compris que, d'une manière ou d'une autre, il l'avait abandonnée à son tour. Peut-être cet idiot inconnu avait-il été sa première tentative de s'ouvrir au monde, de s'attacher aux autres... Et sa fuite – qu'est-ce que ça pouvait être d'autre ? – avait refermé brutalement la porte de la mercenaire.

Tu t'souviens p't-être pas, mais la dernière fois qu'on s'est vus, j'ai dit... Que fallait pas refuser ces sentiments, juste parce que t'as vécu sans... J'crois que c'est vrai même si c'est effrayant. Même si j'ai agi comme toi avant, j'peux pas non plus me mettre à ta place. Aeryn... Fais à ton rythme, mais oublie pas...

En douceur, du dos de la main, il balaya la table, repoussant sur le côté assiette et chopes à moitié vide.

Y'a plus d'cage. Avec moi, t'as pas besoin de mentir.

Alaric vida sa chope d'un dernier trait, avant de laisser quelques pièces sur la table. D'un bref signe de main, il l'indiqua à Moe qui ne tarderait pas à récolter les écus déposés. Une somme qui était plus élevée que la quantité que tous les deux avaient consommée, mais en tant que capitaine, il mettait un point d'honneur à hausser l'addition, en guise de remerciement et de respect.

Tu veux te promener un peu ? proposa-t-il.
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Aeryn MonclarMercenaire
Aeryn Monclar



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MessageSujet: Re: [Terminé] Confluence - Alaric   [Terminé] Confluence - Alaric - Page 2 EmptyJeu 14 Avr 2022 - 14:47
-En fait ...tu voudrais ne rien ressentir, c'est ça ?
- C'est ça... rétorqua-t-elle sans pour autant relever les yeux… Ces derniers s'obstinant à trouver cette table - recouverte de miettes de pain et de gouttelettes de bière- hautement passionnante.

Ne rien ressentir semblait si attrayant après tout. Plus de doute ou de crainte. Plus de douleur et de peine. Plus de joie… Plus rien. L'image de la coquille vide pouvait bien déplaire aux autres, Aeryn n'en avait que faire. Pour elle, rechercher son humanité perdue était devenue une perte de temps et d'espoir. Sans doute s'était-elle montrée trop gourmande… trop avide, trop stupide de s'être imaginée devenir autre chose que ce qu'elle avait toujours été.

-Parce que ces sentiments idiots que tu comprends pas... Ils rendent faibles. J'ai bien résumé ?


-Plus ou moins, soupira-t-elle avant de poser son index dans la marque humide laissée par sa chope. Étirer le chemin de l'eau la distrayait, un peu… Au moins le temps de réfléchir à ce qu'elle pouvait répondre à Alaric. Je crois que c'est simplement trop tard pour moi… C'est tout. Je n'ai jamais été comme vous, alors quoi bon essayer de vous ressembler ? C'est stupide, pouffa-t-elle amèrement tout en imaginant un poisson luttant pour devenir un oiseau. Tant d'efforts pour… rien.

Loin de se montrer particulièrement en joie, Aeryn n'était pourtant pas triste… Seulement résignée face à l'évidence qu'elle avait toujours refusé d'accepter. Une erreur, selon elle.

-T'inquiète pas pour moi, je ne le vis pas si mal … souffla-t-elle en délaissant son dessin éphémère. J'ai pas non plus vécu une existence aussi atroce que ce que les gens semblent le croire. Bon… Certes, elle n'est pas très commune, mais c'est la mienne … Et puisque qu'il nous est impossible de changer le passé, autant se concentrer sur l'avenir. Je suis ce que je suis , c'est tout.

En cela, Alaric avait raison : de bonnes choses pouvaient encore arriver. Aeryn n'en doutait pas le moins du monde pour avoir pu effleurer du bout des doigts les quelques "bonnes choses" qui s'étaient présentées à elle. L'ennui, c'est que ces fichus bons moments ne duraient jamais dans le temps. Geneviève et sa gentillesse, sa patience, son humour… Travailler pour elle, dans son auberge, avait été étrangement agréable. Un bref moment de paix avant que la rouquine ne cherche à changer les choses… Rejoindre la compagnie du Capitaine. Rencontrer Finn. En tomber bêtement amoureuse, sourire comme une bécasse. Rire à des blagues pas si drôles… Tout perdre, encore Elwin … Geneviève… Son travail. Kaël et Ivaad… Retrouver un travail dans une auberge, tisser des liens avec les propriétaires. Rejoindre les Lames … Rencontrer des gens, les perdre de vue. Se disputer avec Théophile. Retrouver ses frères au Labret. Les perdre encore. Se disputer une dernière fois avec ce gros trouillard de milichien… Rencontrer Marbrume. Perdre la tête. Perdre l'espoir de pouvoir changer… De voir sa vie changer… Cette succession de plaisirs toujours brefs, de joie éphémère et de peine, de doute… Tout cela lié à la perte d'une chose aussi insignifiante et instable que le "bonheur".

Malgré ses craintes, Alaric ne la blessa pas le moins du monde. Au contraire, il lui arracha même un sourire… Un sourire fade, amusé mais pas trop… Le rictus que seuls les gens blasés savaient offrir.

-Justement… J'en viendrai presque à me demander si "celle que je suis vraiment" n'est pas "celle que je suis actuellement" ? Une simple boule de nerf qui en a assez de lutter contre sa propre nature pour adopter celle des autres ? C'est peut-être cela qui me rend si faible : essayer d'être ce que je ne suis pas… Même si, finalement, je ne sais pas vraiment ce que je suis … C'est épuisant de se poser ce genre de question avant de se demander si les autres font la même chose.

L'alcool, s'il la faisait parler, ne la rendrait certainement pas plus maligne ou philosophe qu'à son habitude. Ryn se perdait corps et âme dans ses propres interrogations. Réfléchir ne lui réussissait décidément pas, il suffisait de faire le point sur toutes ses décisions passées pour le réaliser.

-M'en souviens pas non… Je ne me souviens pas de grand-chose concernant notre rencontre d'ailleurs… J'étais pas vraiment très en forme ce jour-là...

Oh, elle se souvenait de tout ce qu'elle aurait souhaité oublier, mais certainement pas des subtilités déclarées par le soldat.

-"Ne pas refuser ces sentiments, parce que j'ai pas vécu sans ", répéta-t-elle en pouffant. C'est supposé vouloir dire quoi, au juste ?

"Y'a plus de cage… Avec moi, pas besoin de mentir"...

-Oh que si, il y en a une… seulement personne ne peut la voir, répondit-elle de sa voix pâteuse tout en souriant, levant son doigt avant de pointer la table. Et j'suis pas prête d'en sortir, si tu veux mon avis. Et là, tu vois, je ne mens pas. J'veux bien me promener… Mais tu veux aller où ? Cet endroit est mimus...minuscule.


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MessageSujet: Re: [Terminé] Confluence - Alaric   [Terminé] Confluence - Alaric - Page 2 EmptyJeu 21 Avr 2022 - 12:00
Moi j'faisais ça aussi, répondit Alaric.

Ne pas cesser de se tourmenter sur ce qu'il était, sur ce qu'il était devenu, sur ce qu'il pourrait encore accomplir. Sans jamais obtenir une seule réponse, si ce n'est un vague sentiment d'inquiétude et d'agacement, parce qu'il était incapable de trouver la solution. Aeryn avait raison : c'était épuisant. Parfois, le capitaine retombait encore dans ses vieux travers, et se laissait enliser dans ces questionnements abstraits ; chassez le naturel, il revenait au galop. Néanmoins, depuis quelques semaines, il avait l'impression d'avoir obtenu la place qu'il désirait, d'avoir atteint le niveau tant recherché. Et malgré tous les ennuis que ce dernier lui promettait, Alaric était heureux de prendre part à ces nouveaux défis, d'avoir la possibilité de jouer ses propres cartes à la table des plus grands.

Quand t'auras trouvé qui tu es... Tu le sauras, tenta-t-il de la rassurer. Et tu t'sentiras mieux.

Il sourit lorsqu'elle évoqua leur première rencontre, se souvint de son état alcoolisé et de son comportement qui, s'il l'avait trouvé quelque peu gênant à ce moment-là, l'amusait désormais. Lui-même n'était pas dans les meilleures dispositions à cette époque, la perte récente de Sydonnie l'ayant poussé à prendre de mauvaises décisions, à se trouver encore plus stupide qu'il ne l'était réellement. À sa manière, la rouquine l'avait aidé et il aurait aimé lui rendre la pareille.

Ça veut dire que...

Il hésita un instant, réfléchit aux mots qu'il devait employer. Ces derniers devaient être suffisamment percutants afin d'influencer la rousse, sans pour autant l'effrayer ou la rendre de nouveau de mauvaise humeur. Alaric sentait qu'elle s'était radoucie depuis tout à l'heure et il préférait la savoir plus posée.

Même si tu n'as jamais eu d'amis, ça ne veut pas dire que tu dois refuser d'en avoir...

Alaric inclina la tête, discernant les barreaux invisibles qui encadraient la mercenaire. Il eu la soudaine envie de les briser, de permettre à Aeryn de vivre enfin, d'inspirer tout l'air dont elle avait besoin. Le capitaine se leva et lui fit signe d'en faire autant.

Sombrebois est pas si petit ! lui rétorqua-t-il, l'air faussement outré. Viens.

Côte à côte, ils déambulèrent dans les ruelles du bourg où l'agitation ne désemplissait pas à cette heure de la journée. De nouveaux étals fleurissaient un peu plus chaque jour, à mesure que les convois s'acheminaient depuis la capitale. Néanmoins, Alaric ne lui avait pas proposé de quitter l'auberge pour effectuer quelques emplettes. Ils eurent tôt fait de dépasser la place principale, malgré leur rythme assez lent, rendu caduque par les quelques bières que tous les deux avaient ingurgitées.

Le capitaine avait hésité à la mener dans le camp des miliciens. Peut-être pouvait-il lui proposer un duel comme elle l'avait fait avec lui. Mais se bastonner avec l'une de ses uniques amies n'était guère son passe-temps favori et puis, il ne voulait pas déranger Eïlyn qui, à l'ombre de la tente de commandement, s'arrachait sans doute encore les cheveux. Aussi avait-il opté pour la forteresse.

Ça va, tu suis ? la taquina-t-il, alors qu'ils atteignaient les portes du château.

Il s'arrêta devant les premières marches et se retourna alors, afin de faire face au village qui reprenait vie. Alaric écarta les bras, englobant chaque parcelle, chaque bicoque nouvellement construite. Les yeux fermés, il se délectait de la brise fraîche et printanière qui caressait ses joues et dansait dans ses cheveux.

Y'avait rien ici, quand j'suis venu. Et moi j'avais rien. Que ce château. Et son baron.

Il marqua une petite pause avant de rouvrir les yeux et de les ancrer dans ceux de la rouquine.

La nuit, j'l'a passais sur les remparts.

Malgré les fortifications, il n'avait pas perdu cette habitude.

Souvent, les fangeux venaient en masse. Ils griffaient les murs. Voulaient forcer les portes. Je risquais ma vie presque toutes les nuits. Et j'm'en fichais, Aeryn.

Alaric avait vécu trop longtemps en défiant les Trois et la Mort. Il avait mené de nombreuses danses avec cette dernière, il l'avait provoquée, tantôt subi son rythme, tantôt imposé le sien. Il avait tant appris à la connaître et à la côtoyer qu'il ne la craignait plus.

J'étais ce que tu veux devenir. Vide. Et j'aimais ça. Et puis... Le comte de Rougelac nous a aidés. Le bourg a changé. Il est devenu plus fort. Plus solide. Et moi... J'ai rencontré des gens. Et j'suis devenu plus fort.

Il lui sourit.

Certains m'ont fait souffrir, concéda-t-il. J'en ai fait souffrir en retour. J'ai ri avec eux. Parfois j'ai pleuré, avoua-t-il sans ambages. Mais j'crois que c'est ça la vie, Aeryn. Parfois on est faible, parfois on est fort. Mais que tu le veuilles ou non, tu pourras jamais être forte tout le temps. Et tu seras jamais non plus faible tout le temps.

Ses mots dépensaient sa pensée. À moins que ce ne soit l'inverse ? Alaric se rapprocha de la mercenaire et, alors qu'il la dévisageait, il ajouta d'un ton rassurant :

Est-ce que ta cage m'empêche de faire ça ?

Il apposa une main amicale sur son épaule.

J'ai dû passer entre les barreaux, dit-il, amusé, sans la quitter des yeux.
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Aeryn MonclarMercenaire
Aeryn Monclar



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MessageSujet: Re: [Terminé] Confluence - Alaric   [Terminé] Confluence - Alaric - Page 2 EmptyJeu 21 Avr 2022 - 14:25

-Dis donc, capitaine, serais-tu en train de me provoquer ? rétorqua-t-elle à la raillerie d'Alaric, haussant légèrement les sourcils pour donner du corps à ses "remontrances".

Arrivés sur les marches du château, Aeryn s'asseya néanmoins. Prendre de la hauteur et voir le monde humain de plus haut ne l'avait jamais intéressé. Pourtant, elle prit grand soin d'écouter les propos du jeune homme, constatant une certaine fierté dans ses paroles.

- C'est p't'être pas minuscule, mais c'est pas grand non plus, le taquina-t-elle gentiment tandis qu'Alaric lui exposait les divers changements que le bourg avait connus ces derniers mois.

Il évoqua ensuite les débuts de la renaissance de Sombrebois. Les nuits qu'il avait passé à tirer sur les fangeux venant assaillir le château. Certaines pierre arborant encore les empreintes des griffes de ces créatures cauchemardesques avec lesquelles, tous avaient appris à vivre. Les humains s'adaptaient décidément à tout. Chacun à leur rythme, ils parvenaient à trouver leur propre équilibre… Comme cela semblait être le cas d'Alaric qui, lui aussi avait su trouver ce fameux compromis dans son existence qui lui permettait de vivre plus sereinement. Sa place, il l'avait trouvé, ici, dans ce bourg, dans les bras de sa belle… Dans ce monde, tout simplement.

Même si elle ne lui dirait probablement jamais, la rouquine admirait ce cher capitaine. Quelque part, elle l'enviait pour ce chemin parcouru - quand bien même fût-il parsemé d'embûches- et la sensation de bien-être qu'il semblait éprouver. Quelque part, il était arrivé au bout de cette étape de sa vie et s'apprêtait à franchir la suivante avec aplomb. Mais Aeryn n'en était pas encore là. La jeune femme se trouvait précisément devant un obstacle qu'elle peinait cruellement à franchir sans pouvoir prendre le moindre élan. Elle se sentait bien petite dans ce monde où les règles communes semblaient bien trop complexes pour être comprises par une vulgaire arme.

Lorsque la main d'Alaric vint se poser sur son épaule, Aeryn ne put s'empêcher de rire. Le saisissant par son poignet, elle le poussa à venir s'asseoir auprès d'elle.

-Tu es un sacré casse-pied, capitaine, railla-t-elle tout en portant son regard vers la place encore animée. La vie grouillait et reprenait ses droits sur des terres autrefois volées par les monstres. C'est moi ou tu as fais une étrange comparaison entre ce bourg et moi ? lui demanda-t-elle en désignant le village du pouce ? Si c'est le cas, permets-moi de te dire que ce rapprochement est très étrange… Et je t'ordonne de ne plus jamais recommencer.

Malgré les mots employés, le sourire d'Aeryn serait suffisant pour lui faire comprendre qu'il s'agissait évidemment d'une plaisanterie.

-Je me répète peut-être, mais je suis contente pour toi. Tu peux être fier de toi… Pour en être arrivé là, autant pour ta position ici que pour ta propre évolution...Je... soupira-t-elle tout en ramenant ses genoux contre son torse pour venir les enlacer. Je ne sais pas ce que l'avenir me réserve ou si je serai un jour capable d'arriver à un tel changement chez moi. Mais je vais simplement arrêter d'essayer d'être autre chose que moi-même. "Advienne que pourra."Je ne peux rien te promettre de plus.

Posant sa tête sur ses genoux, la mercenaire observa, tour à tour, les badauds évoluant sur la place. Des enfants jouaient bruyamment. Des femmes échangeaient quelques mots, sans doutes de commérages. Des hommes riaient dans leur coin, lançant quelques regards intéressés à une jolie fille qui faisait mine de ne rien avoir remarqué. Elle les observait comme autrefois, quand elle était plus jeune, dissimulée derrière son heaume et son armure. Voir le monde extérieur ainsi ne pouvait que le rendre inaccessible. Un peu comme lorsque l'on s'arrête devant un tableau représentant ce genre de scène. On le voit tout en sachant que jamais il nous sera possible d'intégrer la toile pour se mêler aux personnages qui lui donnaient vie.

-J'ai probablement besoin d'une pause dans ma vie… De me changer un peu les idées… De dormir, aussi. Peut-être arriverais-je ainsi à me comprendre moi-même plutôt que d'essayer de tout faire en même temps. Au fond… Je ne me connais même-pas et je ne sais pas non plus comment les autres me perçoivent réellement. Mon propre tempérament est si changeant et instable, que je ne dois pas être quelqu'un de… sain… Même pour moi. Peut-être devrais-je tout simplement tomber pour enfin parvenir à me relever, plutôt que de bêtement m'accrocher à une prise friable. Qu'en penses-tu ?

N'était-ce point le travail accompli par son père ? La briser, entièrement pour la reconstruire et la modeler à son idée. L'idée de recommencer son œuvre en partant d'une toile vierge, lui paraissait plutôt logique. Tout détruire. Tout réduire en miettes, pour ensuite tout reconstruire, pierre par pierre. Retrouver des bases saines et solides pour enfin avancer dans la bonne direction.
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AlaricGarde de Sombrebois
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MessageSujet: Re: [Terminé] Confluence - Alaric   [Terminé] Confluence - Alaric - Page 2 EmptySam 23 Avr 2022 - 11:34
Un soulagement sincère détendit ses traits lorsque la mercenaire rit, avant de l'inviter à s'asseoir auprès d'elle. Le soldat obtempéra et se laissa tomber en arrière, ses coudes appuyés sur la marche supérieure. Comme à son habitude, il releva la tête vers le ciel. Alaric rit à son tour, de son joli rire franc et léger, aux inflexions juvéniles que l'âge adulte n'était pas parvenu à effacer.

C'était une comparaison entre moi et l'bourg, expliqua-t-il. J'me demande pourquoi t'y as vu un rapprochement avec toi...

Le capitaine rit de bon cœur à nouveau, donna une tape amicale sur l'épaule de la mercenaire, avant de croiser ses mains derrière sa nuque. Ses jambes tendues sur les marches, il soupira d'aise, comme s'il était allongé dans un fauteuil de velours dans un des luxueux manoirs de l'esplanade. Il n'était pourtant qu'à Sombrebois, mais dans un village qui, comme il l'avait mentionné plus tôt, renaissait de ses cendres, en même temps que lui. Aeryn n'avait pas tort : il pouvait être fier du chemin parcouru. Néanmoins, il ne lui ressemblait guère de reconnaître ce qu'il avait accompli et d'en retirer une certaine satisfaction. Certes, il avait conscience, au fond de lui, qu'il était parvenu à franchir de nombreux obstacles répartis sur sa route, parfois nonchalamment, parfois traitres et retords, et que peu de personnes pouvaient se targuer d'avoir autant réussi que lui. Après tout, quel fermier de quelques terres du duché aurait-il pu prétendre à devenir capitaine d'une nouvelle place-forte, quand bien même la fange lui avait permis de prendre les armes ? Oui, Alaric savait tout ça, mais il ne s'en vantait pas, simplement parce qu'il n'y pensait pas : il avait beaucoup raté avant cette réussite, beaucoup pleuré avant de savourer quelques instants de bonheur. Et devant lui, son chemin s'annonçait plus difficile encore, plus obscur également. Quoi qu'il se plaisait à croire que certaines personnes éclaireraient sa lanterne lorsqu'il n'y verrait plus rien. Alaric se tourna vers Aeryn, recroquevillée sur elle-même. La rouquine avait éclairci sa route, c'était à son tour de lui tendre la main.

Il réfléchit quelques secondes à ses paroles avant de lui répondre, son regard porté sur la place. Il était plus aisé de discuter côte à côte que face à face ; Alaric escomptait bien en tirer parti.

J'crois que t'es déjà tombée trop souvent, Aeryn. Et que tu sais pas comment te relever.

Il inspira une bouffée d'air frais et ferma les yeux.

C'est peut-être pas une cage que t'as autour de toi. Mais un mur. Que tu sais pas escalader seule. Parce qu'à chaque fois que tu crois parvenir en haut... Soit tu glisses, soit quelqu'un te repousse au fond.

Le capitaine se redressa, apposa ses mains sur les marches. Quelques gravillons éraflèrent ses paumes ; il en attrapa quelques-uns et, improvisant une partie d'osselets maladroite afin de focaliser son attention sur le jeu plutôt que sur la mercenaire, il poursuivit :

Ton passé est ce qu'il est. Tu pourras pas l'effacer, même si t'essaies. Sans lui, tu serais pas... La femme que tu es devenue.

Il avait hésité à employer ce terme, mais le jugeait tout à fait approprié. Sans aucun doute, c'était l'un des points qui tourmentait la mercenaire qu'elle devait apprendre à accepter.

Mais le plus important, c'est ce que tu veux faire maintenant. Et les choix que tu vas faire.

Alaric haussa les épaules, puis laissa tomber les petites pierres sur le sol qui, de toute façon, ne restaient jamais très longtemps sur le dos de sa main. Il releva les yeux vers elle, un air sérieux mais pas moins rassurant sur le visage.

Tu veux savoir comment j'te perçois ?

Il lui sourit quand elle lui répondit par l'affirmative.

Hé bien... Moi j'vois une femme d'armes qui essaie d'avancer sans savoir où aller. Comme nous tous, précisa-t-il.

Aeryn avait l'impression qu'elle était différente des autres, mais Alaric n'en était pas certain. Lui aussi avait souvent cru qu'il nageait à contre courant. D'ailleurs, l'idée ne le quittait que trop rarement. Peut-être que chacun pensait-il cela de soi : on oubliait trop souvent que nos problèmes personnels trouvaient de l'écho ailleurs.

Elle aime la solitude parce qu'elle n'a pas besoin des autres, elle s'acquitte de ses tâches avec sérieux et ne rigole pas beaucoup. J'crois... Que c'est l'idée générale tu renvoies aux autres, conclut-il. Mais même si c'est en partie vrai, moi j'te connais mieux. Parce que, que tu le veuilles ou non, tu m'as laissé t'approcher et te comprendre. C'que je veux dire, c'est que...

Alaric avait conscience qu'il n'était pas tout à fait clair. Il avait du mal à mettre des mots sur ce qu'il tentait de lui expliquer.

Je ne te perçois pas comme un inconnu te perçoit.

Lorsqu'il l'avait rencontrée pour la première fois, elle n'était qu'une silhouette avachie sur les chemins pierreux de Marbrume. Et puis ils avaient discuté à plusieurs reprises, et ses zones d'ombres s'étaient colorées, de telle sorte qu'il la distinguait petit à petit.

Tu m'as dit ce que t'avais enduré. Ce qui t'inquiète. Je t'ai vu réagir quand tu avais peur ou quand tu étais en colère. Parfois nos... proches, ils nous comprennent mieux que nous-mêmes.

Il pensait à Eve, au petit jeu qu'elle avait instauré entre eux, à l'aube lorsqu'elle attendait de reprendre la route. Il y avait glané des réponses à son sujet, bien sûr, mais surtout il s'était découvert lui-même. Elle lui avait posé des questions qu'il ne s'était jamais posé auparavant. Et puis, surtout, leur relation évoluant, elle parvenait à trouver les mots, les gestes nécessaires à le rassurer avant même qu'il ne se rende compte qu'il en avait terriblement besoin.

Et toi ? Comment me perçois-tu ? demanda-t-il, curieux.
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Aeryn MonclarMercenaire
Aeryn Monclar



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MessageSujet: Re: [Terminé] Confluence - Alaric   [Terminé] Confluence - Alaric - Page 2 EmptySam 23 Avr 2022 - 19:04
Ryn sourit de plus belle lorsque le capitaine affirma que la comparaison ne concernait que lui.

-Dans ce cas, c'est une bonne comparaison. La reconstruction, la vie qui grouille et qui perdure… C'est effectivement plus logique comme cela que pour moi ...

Après tout, pour l'heure, la rouquine n'était encore qu'un tas de pierres attendant d'être redressées par un quelconque miracle ou un tant soit peu de volonté. Mais peut-être avait-elle vu une petite lueur d'espoir dans cette analogie humano-architecturale… Une lueur encore minuscule et bien trop terne pour qu'Aeryn en prenne pleinement conscience. Au fond, la jeune femme était probablement bien trop centrée sur elle-même pour songer qu'il puisse s'agir d'autre chose. D'autant plus que le discours d'Alaric laissait sous-entendre une certaine volonté de l'aider… Alors elle avait cru, pensé et imaginé que cette comparaison la concernait… À tort, visiblement.

-Cherche pas plus loin, je me suis simplement trompée. Après tout, si l'alcool rendait les gens intelligents, ça se saurait, plaisanta-t-elle en se balançant doucement sur le côté. Juste une petite impulsion pour venir donner un coup d'épaule au jeune homme décidément bien philosophe.

Tout naturellement, son regard fut de nouveau capturé par les mouvements des gens face à eux. Cela, elle le tenait de son instinct guerrier, affûté par les années passées sur les champs de bataille à guetter l'arrivée d'un assaillant. La vie bougeait, grouillait, se faufilait partout quand la mort restait immobile.

" J'crois que t'es déjà tombée trop souvent, Aeryn. Et que tu sais pas comment te relever."

Et c'était vrai… Même si la rouquine n'aimait pas spécialement entendre cette vérité là dans la bouche de quelqu'un, il lui aurait été impossible de ne pas s'en apercevoir par elle-même. Elle qui se voulait forte, déterminée et indépendante peinait à avancer seule ou, comme le capitaine venait de le souligner : à se relever après de trop nombreuses chutes.

L'image du mur employée par Alaric lui arracha un nouveau sourire tant celle-ci faisait écho avec les propres interprétation de la mercenaire. Enfin, presque… Qu'il s'agisse d'une cage ou d'un amoncellement de pierre, la rouquine pouvait très bien voir ce qu'il se passait autour d'elle. Néanmoins, pouvoir intégrer ce monde compliqué, interagir naturellement avec les autres, lui semblait tout bonnement impossible. Mais là n'était pas le plus important en réalité. Qu'importe la prison, Ryn avait l'impression d'avoir déjà tout essayé pour en sortir, en vain. Grimper, chuter, se relever et recommencer. Le même schéma, la même boucle se répétait sans cesse depuis des années maintenant. Et tous ces échecs perpétuels commençaient à l'épuiser de plus en plus sévèrement.

Baissant les yeux, cette fois, la rouquine veilla à se concentrer sur les paroles d'Alaric. Ces dernières faisaient toujours résonance avec les pensées de la mercenaire qui avait depuis longtemps accepté son passé et veillait à plonger son regard vers l'avenir. Néanmoins, de la même manière que ses blessures d'antan avaient laissé des marques sur sa peau, ses anciennes expériences avaient fait de même avec son esprit torturé. Ces cicatrices-là n'étaient certes pas visibles, mais elles restaient néanmoins présentes et influençaient chacun de ses choix, d'une manière ou d'une autre. Ses rapports aux autres, et plus particulièrement avec les hommes, en étaient d'ailleurs le parfait exemple.

" Tu veux savoir comment j'te perçois ?"

-Bien sûr, répondit-elle, curieuse de savoir l'image qu'elle pourrait renvoyer.

Néanmoins, la réponse du capitaine la déçu quelque peu, même s'il affirmait ne pas la percevoir comme pourrait le faire un inconnu, Alaric ne donna pas réellement son opinion. Le fait de ne pas être si différente des autres la rassurait néanmoins. Il était bon de savoir qu'elle n'était pas seule à se sentir perdue dans ce monde, même si les raisons devaient différer pour chacun d'eux.

L'image qu'elle semblait renvoyer, tout du moins aux inconnus était celle d'une femme solitaire, indépendante et visiblement rabat-joie. L'idée la fit sourire, car après tout, ce n'était ni tout à fait faux, ni totalement vrai. Aeryn trouvait la solitude aussi rassurante qu'angoissante. Elle l'aimait tout autant qu'elle la subissait, mais ne faisait guère d'effort pour s'en débarrasser.

"Mieux vaut être seule que mal accompagnée", aimait-elle se répéter de temps à autre comme pour se rassurer après un nouvel échec social…

-Tu as vu… certaines choses, en effet. Mais tout cela ne me dit pas ce que tu en as conclu à mon sujet, rétorqua-t-elle en souriant, tout en posant sa joue sur ses genoux. Ce que je perçois en toi c'est… l'image d'un homme courageux et intelligent qui a touché le fond, mais qui a su saisir les cordes que certains lui ont lancé au bon moment. Je perçois une réelle volonté de vivre… Mais une vie tranquille, sans problème ne te conviendrait pas. Tu as besoin de te battre et de trouver des raisons valables pour le faire. Tu as besoin d'aider les autres, de te retrouver en eux pour avoir véritablement la sensation d'exister… Tu vis et tu existes par et pour les autres, mais tu as souvent tendance à t'oublier au milieu de tout cela…Néanmoins je vois un homme gentil, honnête et loyal. Un être patient avec qui il est très facile de parler.

Comme à chaque fois qu'elle cherchait à se montrer honnête, les mots s'échappaient de ses lèvres sans ordre particulier, sans user du moindre filtre.

-Je suppose que les autres ne perçoivent que ton côté courageux et fiable. C'est marrant comme l'on peut facilement passer à côté de tout un panel de défauts et de qualités aussi riches que variés, soupira-t-elle en relevant la tête avant de pouffer légèrement. J'ai personnellement tendance à m'accrocher aux défauts. Va savoir pourquoi...

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AlaricGarde de Sombrebois
Alaric



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MessageSujet: Re: [Terminé] Confluence - Alaric   [Terminé] Confluence - Alaric - Page 2 EmptySam 30 Avr 2022 - 17:58
Alaric l'écouta dans un silence religieux. La mercenaire n'était pas loin de la vérité, du moins le supposait-il. C'était que le capitaine de Sombrebois n'avait guère conscience de l'image qu'il renvoyait, ni de ce qu'il était réellement. Il n'avait pas pour habitude d'entendre énoncées à haute voix ses qualités ni ses faiblesses. Pour autant, il ne pouvait nier qu'il avait effectivement touché le fond... À dire vrai, alors même qu'il avait cru le toucher après l'arrivée de la fange, il avait réussi à couler d'autant plus profondément par la suite. Désormais, ne pouvait-il plus que remonter à la surface ? Ou bien des eaux plus noires encore attendaient qu'il s'y noie à nouveau ? Il avait trop bu et était de trop bonne humeur pour se poser la question ; il la repoussa dans un recoin de son esprit, préférant se concentrer sur le discours de la rouquine. Mais une vie tranquille, sans problème ne te conviendrait pas. Vraiment ? Pourtant, Alaric n'aspirait qu'à défaire toutes les zones d'ombre son existence, afin de se lover dans une paix agréable et revigorante. Il se sentirait beaucoup mieux s'il comprenait le conflit qui planait au-dessus de Sombrebois, s'il interprétait correctement les visions d'Odalie et s'il discernait les messages dissimulés dans le rêve de son amie. Oh, et puis il aimerait que l'accouchement de Rosen se passe pour le mieux, que le bourg prospère, que les fangeux disparaissent... Une fois tous ses problèmes résolus, il pourrait embrasser Eve quand et où il en aurait envie, il la ferait rire sans craindre d'hypocrites rumeurs, il la marierait sans que personne ne s'en offusquât. L'idée était douce... Mais ensuite ? Alaric était incapable de se projeter sans ces problèmes qui l'assaillaient de toutes parts. Plus il y réfléchissait, plus il prenait conscience qu'il ne pourrait jamais reprendre une ferme, ni se contenter de patrouilles à Sombrebois ; il avait besoin de plus que ça. Il aurait besoin de plus que ça. Il pouvait se rassurer, cependant : même si les Trois se montraient cléments, il ne vivrait pas suffisamment longtemps pour assister à tous les espoirs, tous les souhaits qu'il n'osait même pas formuler. C'était mieux ainsi : Alaric avait décidé de se concentrer sur l'instant présent, il n'était plus question de regretter certains de ses choix, ni de rêvasser sur un hypothétique avenir. Pas lorsque l'on était capitaine d'un bourg au milieu des marais que des créatures aussi bien que des complots obscurs ne cessaient de menacer.

Le soldat haussa les épaules et secoua la tête. S'il était d'accord avec les explications d'Aeryn, il n'adhérait pas tout à fait à sa dernière phrase.

La baronne ne m'fait plus complètement confiance, j'doute qu'elle voit mon côté loyal, se plaignit-il. Et je n'suis pas vraiment courageux, se sentit-il obligé de nuancer. J'suis un peu fou et sans doute un peu bête.Tu trouves vraiment que j'suis intelligent ? demanda-t-il, un sourire en coin, pour la taquiner.

Il repensa à la perception qu'il avait de la mercenaire. Elle n'avait pas tort, il n'avait pas dévoilé exactement ce qu'il pensait d'elle. Deux raisons l'en avaient empêché : il n'avait aucune envie de la vexer et il avait du mal à placer des mots concrets sur des ressentis abstraits qu'il éprouvait. Mais la rousse avait dépeint un portrait de lui en toute honnêteté, aussi pouvait-il au moins essayer d'en faire de même.

En fait, c'que j'ai conclu à ton sujet, c'est...

Hésitant, il se redressa et frottant pensivement son menton, avant d'ajouter :

Tu es quelqu'un de bien. J'crois... Que tu as beaucoup d'amour à donner, se décida-t-il enfin à exprimer. Mais tu sais pas comment, ni pourquoi. T'aimes peut-être pas être dans ton trou, mais... L'extérieur est encore plus effrayant. Il faut oser aller dehors et... On dirait que rien ne te pousse à y aller.

C'était sans doute ce qu'il manquait à Aeryn : un but, une mission. La volonté de devenir plus forte était une chose, mais aux yeux du soldat, ce n'était clairement pas suffisant. Mais peut-être étaient-ils trop différents à ce sujet ? Comme elle l'avait justement souligné, Alaric vivait par et pour les autres : il avait besoin de quelqu'un, à protéger ou à haïr, pour aller de l'avant.

T'as raison, on m'a lancé des cordes et j'ai pu sortir de mon propre trou. Tu vois, c'est ce que j'essayais de t'dire. Il faut bien faire confiance à quelqu'un à un moment donné... Pour attraper la corde lancée. Si on reste seul alors... Personne ne nous aide et on aide personne et on reste dans ce trou, conclut-il dans un murmure, sa voix baissant d'un ton un peu plus après chaque mot.

Il la toisa quelques secondes avant de lui tendre une main ouverte.

Éclaircissons tous ces mystères.

C'était le but qu'il lui proposait.

Tu me fais assez confiance ?

C'était la corde qu'il lui lançait.
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Aeryn MonclarMercenaire
Aeryn Monclar



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MessageSujet: Re: [Terminé] Confluence - Alaric   [Terminé] Confluence - Alaric - Page 2 EmptyLun 2 Mai 2022 - 14:32
La joue reposant sur ses genoux, la rouquine écoutait le jeune homme reprendre, point après point, le portrait qu'elle venait de dresser. Souriante, la mercenaire veilla à le laisser parler sans l'interrompre, consciente qu'il n'était jamais facile d'accepter un point de vue extérieur, quand bien même fusse-t-il honnête et dépourvu de fioritures.

-T'emballe pas trop, grand chef, railla-t-elle gentiment. Ce n'est là que l'avis d'une guerrière suicidaire et solitaire… J'ai jamais été très douée pour me forger une opinion sur les gens. Il y a donc de fortes chances pour que je me sois totalement plantée. Mais c'est mon opinion et je t'interdis de me contredire ou de le critiquer, enfin… Pas devant moi en tout cas.

Oh, elle se fichait bien de l'opinion de la baronne au sujet de la loyauté d'Alaric. Aeryn ne la connaissait pas, ne l'avait même jamais rencontrée. Aussi, la mercenaire veillait néanmoins à rester objective, tout du moins à sa manière qui pouvait se résumer ainsi : "j'connais pas alors j'en ai rien à foutre". Ceci valait pour toutes les autres personnes inconnues gravitant autour du capitaine. La rouquine mettait un point d'honneur à se faire sa propre opinion sur les gens. Même si cette dernière, bien peu objective finalement, se voyait souvent biaisée pour diverses raisons, la plupart liées au tempérament de la rouquine elle-même.

Finalement, Alaric décida de dresser le portrait de la mercenaire, se basant, cette fois, à tout ce qu'il avait affirmé pouvoir apercevoir à présent qu'il la connaissait un peu mieux.

Les mots qu'il employait pour la décrire avaient de quoi la surprendre. Déjà, il affirma qu'elle était "quelqu'un de bien". Chose qu'elle n'aurait jamais cru entendre de sa bouche après la boucherie de Balazuc. Celle qui avait précisément conduit le jeune Isaac à rejoindre Sombrebois après que la rouquine ait tué son frère et quelques-uns de ses amis. Néanmoins, ce ne fut pas l'expression qui lui fit froncer les sourcils.

" J'crois... Que tu as beaucoup d'amour à donner. Mais tu sais pas comment, ni pourquoi. "

"De l'amour à donner", se répéta-t-elle en retenant son envie de pouffer afin de ne pas vexer la seule personne qui se disait son ami. Néanmoins, tout cela semblait bien trop "gros" pour la rouquine qui peinait sincèrement à saisir ce genre de propos. De l'amour… Mais au fond, qu'était-ce ? À en juger par sa propre réaction, il aurait été bien stupide de la part d'Aeryn de réaliser que, si elle se trouvait incapable de donner une réelle définition à ce mot pourtant connu, il lui serait bien impossible de réponse au "comment" et au "pourquoi". Néanmoins, quelque part, la mercenaire pressenti qu'il ne parlait pas là du genre d'amour qu'il éprouvait pour sa belle ou celui qu'elle avait pu ressentir autrefois pour Finn. Alors, que voulait-il dire exactement ?

Lui poser la question aurait probablement été le plus simple pour la jeune femme qui trouvait définition de ce mot des plus complexe. Après tout, ce dernier était souvent utilisé à tort ou pour qualifier un sentiment absurde pour tout et n'importe quoi. On aimait sa famille, son conjoint, ses amis… Comme l'on pouvait aimer la confiture et les fruits confits. Le fait de pouvoir tout englober de la sorte la perturbait grandement comme si… finalement, celui-ci échappait à toute logique. Alors, à qui ou quoi destiner ce sentiment ? Impossible pour Ryn de s'en faire la moindre idée. Autant laisser tout cela dans le flou. Après tout, quelque chose lui disait qu'elle n'était point apte à le comprendre, contrairement au reste de la description du capitaine.

Il avait raison après tout, la mercenaire n'avait pas le moindre but. Du moins, aucun de réellement concret. Certains avaient de l'ambition, pas elle. D'autres avaient simplement des rêves plus ou moins basiques comme le fait de fonder une famille, reprendre l'affaire familiale, restaurer une vieille demeure… Aeryn n'aspirait qu'à survivre bêtement sans avoir à s'encombrer du moindre tracas, sans ressentir la moindre émotion… Alors oui, Alaric semblait l'avoir plutôt bien cerné : Ryn n'avait aucune raison valable d'escalader ce foutu mur ou d'ôter son armure invisible.

Pourquoi le ferait-elle après tout ? Que pouvait-il y avoir de si plaisant dehors ? Le monde se mourait peu à peu, rongé par la gangrène… Personne n'avait besoin d'elle. Ses frères menaient leur propre vie de leur côté. Et puis… Qu'il s'agisse d'elle ou de n'importe qui d'autres, personne en ce monde n'était indispensable et encore moins irremplaçable, pas même le roi. Alors, là encore : à quoi bon ?

-Bah… Et toi alors ? Quelle raison t'as poussé à sortir de ton trou ? lui demanda-t-elle en haussant un sourcil perplexe.

La mercenaire pouvait bien reconnaître que la confiance accordée à autrui - à condition qu'elle soit judicieusement placée - pouvait être utile pour avancée, néanmoins, cela ne pouvait répondre à son "pourquoi" ? Quelle raison pouvait la pousser à saisir cette fameuse corde en réalité ? Qu'y gagnerait-elle ? Et les autres, qu'avaient-ils à y gagner ? Comment les aider ? Ne le faisait-elle pas déjà ?

- Éclaircissons tous ces mystères, lui lança-t-il en lui tendant la main. Tu me fais assez confiance ?

-hum... marmonna-t-elle dans sa barbe tout en avisant cette main ouverte. Je crois que… oui. Je te fais confiance, enfin… À ma manière. Disons que je peux au moins te parler sans avoir user de filtre.

Discuter ouvertement avec Alaric n'avait jamais été difficile. Il était aisé de se confier à cet homme-là, sans doute parce qu'elle ne craignait point son jugement et que, l'un comme l'autre, n'attendait strictement rien. Elle ne lui confierait probablement pas sa vie. Pas encore du moins. Mais au moins se sentait-elle suffisamment en confiance à ses côtés pour ne pas chercher à se cacher.

-Mais ouais, t'as raison. Comprendre tout ce merdier représente déjà un but en soi… A supposer que je ne sois pas simplement folle… Enfin, moi comme ta voyante... railla-t-elle tout en se redressant. Je vais essayer de m'amuser un peu plus aussi… je ne sais pas trop comment, mais je vais essayer.

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AlaricGarde de Sombrebois
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MessageSujet: Re: [Terminé] Confluence - Alaric   [Terminé] Confluence - Alaric - Page 2 EmptyJeu 5 Mai 2022 - 21:43
Ma raison ? répéta-t-il, sourcils relevés. Hé bien...

Force était de constater qu'Alaric n'avait pas déniché une seule raison, mais plusieurs. Ou plutôt, ces dernières l'avaient trouvé et il n'avait tenu qu'à lui de les suivre, de gravir à son rythme la montagne qui l'encerclait depuis plusieurs années. Hector de Sombrebois avait été la première personne à lui lancer une corde qu'Alaric avait accepté d'attraper. Sur le moment, il ne s'en était pas rendu compte : il avait vu en Sombrebois des territoires vastes, une mission héroïque à accomplir, la possibilité de respirer en-dehors de Marbrume et de se démarquer des miliciens trop souvent crapuleux ou égoïstes. Ensuite, sa vie s'était enchaînée, cahin-caha, faite de hauts et de bas, d'espoirs et de désillusions. Ses raisons s'étaient succédées, enlacées les unes aux autres par ses décisions. Jusqu'à ce que La raison se présentât à lui, un soir de mars, sous la pluie...

Des gens, finit-il par répondre. Ils m'ont fait voir la vie et le monde différemment. T'sais, dans ces cas-là, on a deux possibilités : soit on reste au fond du trou, soit on en sort. Soit on meurt, soit on vit, résuma-t-il, avec cette simplicité que le capitaine avait parfois, sans percevoir la certaine brusquerie de ses propos. Parce que vivre au fond du trou...

Il haussa les épaules.

Ça sert à rien.

Alaric lui sourit lorsque la rouquine avoua qu'elle lui faisait confiance. Une confession certes timide, mais dont il comprenait l'importance, au vu de son caractère. C'était un début : une envie de changer comme elle l'avait annoncé un peu plus tôt. C'était au moins apercevoir la corde lancée et s'en saisir du bout des doigts. Le soldat pourrait-il jouer pour elle le rôle qu'Hector avait eu dans sa propre vie ? Être cet élément déclencheur qui lui avait permis de devenir la personne qu'il était aujourd'hui ? Il l'espérait sincèrement.

À la différence de la mercenaire, il n'avait aucune envie de se redresser. Après quelques bières, les marches menant au château étaient d'un confort remarquable. Néanmoins, il fit un effort et se leva à son tour, avant de frotter ses mains poussiéreuses sur ses chausses.

Faut pas que t'essaies de t'amuser, Aeryn, la réprimanda-t-il en douceur. J'veux dire... Faut pas te forcer. Ça doit s'faire tout seul.

Il lui sourit avec bienveillance.

Un cri perçant troubla leur discussion. Theron survolait la forteresse, effectuant de larges tours concentriques autour de cette dernière. Profitant des vents, il planait avec grâce, à la recherche d'un rongeur à se mettre sous le bec. Le faucon s'était rapidement habitué à son nouveau lieu de vie ; un peu trop au goût d'Alaric. Un perchoir improvisé avait été placé dans la chambre du capitaine que le volatile s'était empressé de s'approprier, non sans darder sur son propriétaire temporaire un regard critique où brillait une étincelle d'intelligence.

C'est Theron, annonça-t-il, comme si la rouquine s'intéressait au prénom du rapace. Tu t'y connais, en oiseau ? demanda-t-il, bien qu'il supposât une réponse négative de sa part.

Alaric soupira.

C'est elle qui me l'a envoyé. Pour me transmettre une lettre.

Il lui sembla inutile de préciser qui était « elle » malgré l'état d'ébriété qui les avait gagnés tous les deux.

Elle viendra bientôt à Sombrebois. Mais... Avec tout ce qui s'annonce... J'ai peur qu'elle vienne, avoua-t-il, ses yeux étant passés du ciel au sol rocailleux. Et pourtant, j'ose pas lui dire de pas v'nir... J'peux pas non plus faire confiance à cette prétendue voyante. Pas à ce point-là. Et puis... En fait, j'ai tellement envie de la revoir, que je peux pas lui dire de pas v'nir. C'est lâche, non ?

Il ne savait pas pourquoi il lui disait tout ça, tout d'un coup. Depuis l'arrivée de la mercenaire, il avait essayé de la comprendre, de la rassurer et de lui remonter le moral ; il ne pouvait pas tout gâcher en évoquant ses propres problèmes qui, en plus, les dépasseraient tous les deux.

Oublie ça, la coupa-t-il, sans que la rouquine n'ait eu le temps de répondre. T'disais que tu voulais t'amuser, non ?

Il lui donna un coup de coude.

Crois-tu être encore capable de toucher l'un de nos mannequins d'entraînement à l'arc ?

Un rictus espiègle et joueur avait remplacé son habituel sourire calme et chaleureux ; Aeryn était l'une des rares personnes de son entourage qui avait droit à cette facette du soldat. Celle, enfouie encore trop profondément en lui, qui avait tendance à refaire surface ces derniers temps avec les personnes qu'il appréciait réellement. Comme si les quatre années marquées par la fange avaient occulté cette part de lui, avaient suspendu le temps, de sorte que ces vestiges d'adolescence collaient encore à sa peau.

Du menton, Alaric lui désigna le campement de la milice, où il comptait bien l'emmener si elle acceptait sa proposition.
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