Mélancolie d’une fleur fanée [Avec Loghart Monclar] [TERMINÉ]

Mélancolie d'une fleur fanée

Juillet 1166

Ça avait tout d’une belle soirée. L’air était chaud sans être suffocant, embaumé par les effluves marins remontant de l’étendue salée dont l’écume se fracassait sous les effets de la houle sur les digues en contrebas, sillonnant entre les massifs pieds de bois des pontons. Le coucher de soleil se reflétant sur l’onde bleue de la mer, lui conférant des reflets chamarrés allant de l’oranger au rougeoyant, donnant aux quelques nuages duveteux parsemant le firmament de douces couleurs rosées. Le rire des mouettes cherchant festin se réverbérait sur les façades des bicoques de bois rongées par le sel, se mêlant aux exclamations alcoolisées des badauds vaquant à leurs occupations du moment, le tout étant agrémenté par les rumeurs montantes et ronflantes de l’auberge au coin de la rue.

Et c’est là, assise sur un muret surplombant les fracas marins, que se trouva une Violette aux yeux rougis par des larmes taris, perdue dans les abysses de ses souvenirs mélancoliques, heurtant les parois de son crâne auréolés de folles boucles ténébreuses marbrées d’argent. Avachie, les mains agrippant le rebord de pierres polies par le temps et l’air salé, ses yeux d’un vert tendre balayant le spectacle des bateaux rentrés au port se faisant chahuter par quelques vagues taquines. Ignorant tout ce qui se passait autour d’elle, elle demeurait là. Poupée de chiffon ballotté par les événements sans la moindre prise à laquelle s’accrocher, dénuée de la moindre envie, de la moindre étincelle de vie.

Ses épaules tressautèrent sous l’effet d’un sanglot contenu, un soupir lourd à fendre l’âme s’échappant de ses lèvres pulpeuses aux couleurs d’un bouton de rose. Violette s’ébroua dans un grondement provenant du fin fond de sa poitrine, tournant la tête vers les clameurs ivres de l’auberge, la sombre cascade parsemée d’un rayon lunaire de son abondante chevelure sauvage venant fouetter son visage juvénile. S’ensuivit un second grondement, rauque et bref, un froncement de la pointe de son nez retroussé et la jeune femme reprit sa position première, happée cette fois-ci par les tumultueux chuchotis clapotant de l’eau contre la pierre.

Les permissions étaient rares !
Plus encore les permissions où j’étais autorisé à arpenter la cité. En effet, le nombre de mordus au sein de la milice extérieure était tel qu’il était souvent compliqué d’obtenir l’autorisation de passer les portes de la caserne.
Cette fois, j’y avais eu le droit même si j’avais dû me dépêcher. J’étais simplement passé par mon dortoir pour me défaire de mon équipement et passer un pantalon de lin sombre ainsi qu’une tunique grise assez basique. C’étaient des vêtements civils fournis par la milice à une époque maintenant révolue, aussi, un liseré vert sur le col indiquait ma profession sans en avouer le grade éventuel. J’avais laissé mon armement à la caserne, mis à part mon couteau, caché dans ma botte et avait quitté l’endroit rapidement. J’avais alors parcouru la ville, me baladant tranquillement sans réel objectif.

Je finis par me diriger vers le port pour profiter de la fraicheur du lieu en cette journée chaude, les embruns apportant toujours leur revigorante salinité. Prenant appui contre le muret usé, je scrutais l’horizon de ce vaste et dangereux univers. L’Océan, une machine aussi subtile que violente, pareillement enchanteresse et maudite, éveillant la curiosité comme la mélancolie. Une étendue sublime et destructrice.

C’est alors que je la vis, seule et ballottée, par les vents comme par les résidus de ses sanglots. Sa chevelure agitée dans l’air chargé tandis qu’elle observait dans la même direction que moi. Elle semblait perchée au sommet d’un gouffre et la crainte me vient alors qu’elle ne s’y abandonne.
Je me décollais donc du rebord pour approcher doucement, observant ses gestes comme son allure. Même voutée, on pouvait distinguer une silhouette joliment proportionnée et son visage, doux et gracile, ne semblait pas fait pour les larmes.
Je m’arrêtais à quelques pas, dans ses trois-quart, pour qu’elle puisse me voir facilement sans devoir se retourner complètement. Je m’exprimais d’une voix douce et calme.

Le vent souffle fort ! Vous risquez d’être désarçonnée et je devrais vous repêcher, ce dont je n’ai guère envie !

Je laissais courir un bref silence avant de conclure.

Je ne mords pas sans raison vous savez !

Mélancolie d'une fleur fanée

Ne s’attendant pas à être interrompue dans le tourbillon incessant de ses pensées moroses, Violette releva lentement la tête, son visage se retrouvant traversé par les sombres lianes tortueuses bigarrées d’argent de son abondante chevelure qu’elle tenta vainement de coincée derrière son oreille d’une fine main laiteuse. Ses longs et épais cils noirs papillonnèrent, laissant entrevoir par à-coups ses prunelles d’un vert tendre où brillait une surprise évidente. Surprise qui laissa rapidement place à une certaine forme de malice, faisant s’étirer ses lèvres pleines en un sourire mutin.

- De quoi avez-vous guère envie ? De me voir désarçonnée ou de devoir me repêcher ? reprenant ses paroles d’une voix douce où perce une pointe de sarcasme amusé. J’compte pas me j’ter dans l’vide si c’est c’que vous craignez. J’en suis pas encore là. enchaina-t-elle sans prendre la peine d’articuler correctement cette fois-ci. Mais… J’peux savoir dans quelle circonstance et pour quelle raison vous pouvez bien mordre sinon ? Un faux air angélique prit place sur ses traits poupins alors qu’un de ses sourcils ébènes se haussait sur son front, en diapason avec sa - toute sauf innocente - question.

La jeune femme se tourna à demi d’un coup de reins bien placés, balançant une de ses jambes par-dessus le parapet pour lui faire face, la mettant en tailleur sur la pierre. Ce simple geste remontant le bas de sa robe anthracite jusqu’au genou de la jumelle de la première. Pourtant, elle ne semblait prêter aucune attention à la caresse voluptueuse de l’air marin sur son mollet mis à nu ; le talon en bois de sa bottine de cuir brun cognant de temps à autre contre le muret dans un bruit sourd. Son coude se servant de sa cuisse comme d’un promontoire, son menton vint se loger sur le perchoir qu’offrait sa senestre tandis que sa dextre - aussi curieuse que sa propriétaire - s’envola vers le col de sa distraction du moment, effleurant du bout de ses doigts graciles le liseré vert ornant celui-ci, se fichant éperdument de l’effet qu’elle pouvait produire en cet instant, bon comme mauvais, au regard des passants qui les entouraient.

- Milicien, hm ? Intérieur ou extérieur ? Ramenant sa main volage vers elle, Violette ne put s’empêcher de laisser ses iris verdoyants divaguer sur le visage de l’homme face à elle. Mais plus important encore… Quel est donc le prénom de mon sauveur ?

J’avais pris toutes les précautions nécessaires pour ne pas faire sursauter la belle, mais elle se retournait avec une telle lenteur que je me demandais si elle ne m’avait pas vu arriver. L’anarchie dominait sa chevelure dont elle coinça une mèche, qui s’échappait aussitôt. Comme elle se retournait, je me retrouvais scruté par ses deux yeux verts tandis que je détaillais son visage de mes pupilles bleues.
C’est seulement après avoir croisé son regard que j'ai pu voir qu’elle était réellement surprise d’avoir été abordée.
Elle était parfaitement jolie, même si le contour de ses yeux trahissaient de longues larmes et affichait un sourire assez similaire à ce que je peux voir en me regardant dans un miroir.
“Sérieux, oui, mais seulement lorsque c’est absolument nécessaire !”
Sa question me confirmait d’ailleurs cette interprétation et je laissais échappé un petit rire. Je dégainais alors mon propre petit air mutin.

Les deux me semblent assez étroitement liés !

Elle affirmait cependant, mâchant cette fois certaines syllabes, ne pas avoir prévu de faire le grand saut, ce qui me rassurait. J’allais annoncer que c’était là une très bonne nouvelle qu’il me plaisait d’entendre, mais elle ne m’en laissa pas le temps, me demandant de lui exposer dans quelles circonstances je pouvais bien être amené à mordre.
Je ne me détachais pas de mon sourire malicieux.

Oh ! Il y a bon nombre de situations où je peux mordre, vous savez ! Une bagarre de taverne, par exemple, si je n’ai plus d’arme pour me défendre ! N’importe quelle situation pouvant nécessiter de faire mal pour se protéger ou protéger quelqu’un ! Dans une moindre mesure, cela peut-être une forme d’appréciation sous une couverture… Rien qui ne colle avec la situation présente !

Je fis un pas vers elle, m’approchant en détaillant ce visage à la jeunesse éclatante. Les stigmates de ses larmes semblaient s’effacer à mesure qu’elle affichait un air faussement chargé d’innocence.

Mais pourquoi donc cet intérêt pour les moments où je pourrais me servir de mes dents ?

Elle se tournait alors pour mieux me faire face, dévoilant l’une de ses jambes plus que ne le tolère la bienséance, mais tout à fait comme il est agréable de les voir. Elle s’installait alors, comme pour entamer une longue conversation, posant le coude sur un genou et la tête sur sa main. Elle tendait alors la main vers ma tunique pour en caresser le col de ses doigts fins.

Extérieur ! De retour aujourd’hui pour une petite permission de quelques jours, répondis-je en la laissant me dévisager. Et je m'appelle Loghart, même si je ne t’ai pas encore sauvé !

Je promenais mes pupilles sur les détails de son propre visage sans même chercher à m’en cacher, avant de poursuivre.

Et puis-je savoir comment se nomme celle dont j’aurais peut-être à hurler le prénom d’un air affolé avant de plonger pour la repêcher ?

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A quoi pourrait servir ses dents ? A plein de choses. Mais la jeune femme ne répondit à cette question que par un simple sourire énigmatique alors qu’elle enchaînait elle-même sur une autre, une certaine curiosité et l’envie furieuse de ne pas retourner dans les limbes de ses souvenirs qui était auparavant teinté de joie, ayant désormais une saveur âcre et des effluves amers.

Extérieure, donc ? Violette n’avait jamais mis un pied à l'extérieur, n’ayant pu se contenter que du Port, du Goulot et parfois, de la Hanse et du Bourg-Levant pour ses pérégrinations en compagnie de certains de ses frères et sœurs. Pas que ces divers lieux ne lui déplaisent mais pour une jeune femme qui aurait aimé voir le monde, ça avait un goût de trop peu. Et c’était désormais devenu un rêve aussi lointain qu’inaccessible avec l’apparition des Fangeux, devrait-elle vraiment se contenter de ça toute sa vie ?

- Détrompe-toi. Tu m’as sauvé de mon impitoyable esprit et c’était pas une mince affaire. C’est une grande victoire en elle-même ! Il y a de quoi être fier. Un petit rire amusé fusa outrepassa la barrière de ses lèvres pulpeuses, faisant plisser ses paupières sur ses perles d’émeraude, les dissimulant en partie derrière leur prison de chair pâle.

La lionne d’ébène et d’argent s’esclaffa, se redressant légèrement pour remettre son châle prenant la tangente sur ses frêles épaules malgré la température plutôt clémente à l’égard de ce début de soirée. Il y a bien d’autres façons d’hurler mon prénom sans avoir besoin de se jeter à l’eau pour me repêcher. Et ainsi sonna le retour de la mine faussement angélique, avec son petit air de ne pas y toucher. C’est pourtant sur un ton plus doux, moins moqueur peut-être, certainement dépourvu de sarcasme qu’elle finit par répondre. Violette. C’est ainsi que l’on m’appelle. Enchantée Loghart. s’amusant cette fois-ci à faire rouler le prénom du milicien sur sa langue aussi taquine que pouvait l’être sa propriétaire.

- Alors… Dis-moi. Comment comptais-tu profiter de ta permission autrement qu’en sauvant une jolie demoiselle en détresse ? Si elle était curieuse de ce qui pouvait se passer de l’autre côté des murailles, elle sentait que ce n’était pas le moment d’en parler. Autant pour elle que pour lui. Surtout pour elle à dire vrai. Il y a certaines choses qu’elle n’était pas encore prête à affronter et c’était une des choses qui en faisait partie. Et puis, pourquoi briser un moment si léger avec quelque chose d’aussi sombre ? Profiter de l’instant présent, c’était tout aussi bien.

Son sourire, pour seule réponse, me laissait sur ma faim. Je jetais un regard alentour, roulant des yeux en voyant certaines paires d’yeux nous dévisager. Je n’en avais que faire de leurs avis et reportais donc mon attention sur la mystérieuse jeune femme.
Je l’aurais sauvé, malgré tout, de mélancoliques souvenirs ou de sombres pensées, ce qui collait plutôt bien avec les yeux marqués de larmes lors de mon arrivée.
J’inclinais la tête, un bref air sérieux sur le visage.

Si j’ai réussi cela, alors j’en suis sincèrement heureux !

Je repris bien vite mes traits de jeune et fougueux plaisantin tandis qu’elle riait en se redressant, couvrant ses épaules d’un voile que j’aurais préféré voir s’envoler. Si elle n’était pas très épaisse, ses courbes étaient délicieuses et il me fallait bien avouer que je la trouvais tout simplement ravissante. J'eus même l’impression qu’elle en jouait avec moi.
Je levais un sourcil lorsqu’elle évoqua différentes possibilités, n’impliquant pas forcément une baignade, pour crier son prénom. Quelques images chaleureuses me passèrent devant les yeux et je ne pus m’empêcher d’en rajouter une couche.

Si je peux choisir, je préfère éviter la baignade !

Je ne m’y trompais pas, son petit air ingénu et son sourire presque enfantin étaient tout sauf mauvais. Elle jouait, ne se faisant sérieuse que pour me dévoiler son prénom. Elle répéta le mien en exagérant le “r”, se moquant gentiment avant de me demander à quoi j’avais prévu d’occuper ma permission.

Enchanté moi de même Violette !

Je m’inclinais en arborant un sourire amusé. Nous étions comme deux ados singeant le monde.
Je répondais à sa question sur le même ton désinvolte et taquin qu’elle employait, entrant pleinement dans son jeu. Je ne regrettais pas d’avoir interrompu ses sombres pensées, elle se montrait maintenant rayonnante.

Ah mais sauver une demoiselle en détresse, c’était la première étape ! Maintenant, il me reste à offrir un verre à la demoiselle pour qu’elle se remette de ses émotions et qu’elle puisse me considérer comme un gentilhomme.

Je fis un pas vers elle, affichant un regard plein de malice.

On ne laisse pas seule une demoiselle sitôt après l’avoir sauvée !

Je riais alors, en me reculant.

En général, je me contente d’arpenter la ville jusqu’au soir pour ensuite chercher un endroit où manger. Après, parfois je rentre dormir à la caserne, parfois je préfère le confort d’une chambre d’auberge. Je sors rarement avec les autres, j’ai besoin d’un peu de solitude ou de nouvelles têtes. Rôle qui te vas bien d’ailleurs, alors si tu souhaites passer un peu de ta soirée avec moi, c’est avec plaisir !

Entre plaisanterie et proposition sincère, je jouais son jeu tout en exprimant le réel intérêt que j’avais pour elle. Elle ne semblait pas aller bien à mon arrivée mais maintenant, elle souriait et taquinait pleinement, alors autant essayer de l’avoir un peu avec moi avec cette bonne humeur.

Mélancolie d'une fleur fanée

Des chuchotements se faisaient entendre de là où ils se trouvaient, si les paroles étaient inintelligibles, le ton était souvent plus amusé que moqueur. La plupart des passants connaissait la Violette, autant pour son caractère que par le fait qu’elle était une Belle de Nuit. Certains commençaient même à lancer des paris entre eux, ne serait-ce que pour le plaisir de jouer. La jeune femme le savait, et s’en fichait éperdumment. Étant même prête à parier avec eux, les dépouillant à coup sûr. Mais non. Elle demeura là, sur son muret au-dessus de l’océan dont les vagues continuaient de frapper inlassablement le bas de la digue sur laquelle elle était assise, focalisant l’entièreté de son attention sur l’homme au-devant d’elle.

La jeune femme scruta le visage quasiment imberbe de ses pupilles au couleur de l’émeraude, observant chacun de ses gestes, écoutant avec une attention tout sauf distraite les paroles profusées, vibrantes de sincérité, saupoudrées d’un ton plaisantin. Et son sourire ne faiblissait pas sur son charmant minois, son auriculaire venant caresser sa lippe inférieure du bout de son ongle, jouant insidieusement avec la pulpe charnue, lui offrant une petite moue aussi pensive que provocatrice.

- La nuit étant encore jeune… Et aucun de nous deux n’ayant une quelconque obligation… Elle ferma brièvement les yeux, les rouvrant sur deux billes vertes pétillantes d'espièglerie. Elle posa alors une main pâle sur le bord de la margelle et fit passer sa seconde jambe par-dessus celle-ci dans une envolée de jupon pour finalement se laisser glisser sur la pierre, les talons de bois de ses bottines percutant le sol dans un bruit sourd, couvert par le fracas de la marée descendante et le rire moqueur des mouettes et des goélands. Du haut de sa petite taille, elle se retrouva désormais obligée de lever sa ravissante et radieuse frimousse en partie dévorée par son abondante cascade de lianes sombres zébrées d’un rayon lunaire vers Loghart pour que ses iris verdoyants n’aient pas à se confronter uniquement à son torse,bien qu’elle trouva la vue loin d’être désagréable. Amorçant un pas dansant en avant, Violette se tourna à demi vers lui, offrant à son regard sa délicate silhouette toute en courbe dont les pointes folâtres de sa crinière caressaient langoureusement le bas de ses reins. C’est alors qu’un air fripouille à la limite du bravache dévora ses traits juvéniles, sa dextre gracile s’envolant jusqu’à lui pour s’arrêter à mi-chemin, paume vers le haut en guise d’invitation.

- Alors, ce verre ?

Violette me dévisageait avec insistance, comme si elle cherchait à enregistrer le moindre détail de mon visage. Mon air espiègle et mon sourire taquin devaient sans doute me faire paraitre plus jeune que je ne l’étais vraiment. Je m’attelais donc à lui rendre la pareille, m’attardant sur ses lèvres qu’elle torturait du doigt qui réfléchit.
Elle se faisait provocante et, sans que j’ai besoin de le dire mais puisque vous voulez l’entendre, j’aimais cela.
J’aime la légèreté qu’elle donne à cette rencontre, une légèreté accentuée par cette nonchalance et cette provocation permanente. J’avais presque l’impression que l’on jouait un jeu de séduction, sa remarque sur les raisons de crier son prénom étant chargé de possibles sous-entendus.

C’est plutôt bien résumé !

Je l’admirais alors qu’elle descendait enfin du parapet, faisant danser ses guibolles devant moi sans complexe, avant de me faire face. Son regard espiègle croisa mes yeux malicieux tandis qu’elle m’offrait la possibilité de détailler un peu plus son allure générale. Je m’autorisais dès lors de l’observer de pieds en cape, sans dissimuler mon manège, devant de toute façon baisser la tête pour la voir.
Je dégustais donc brièvement sa silhouette du regard, silhouette dont les courbes étaient tout sauf disgracieuses.
Elle me tira de ma contemplation en me rappelant le verre promis, tendant vers moi une main fine, comme une invitation à la saisir.

Je lui servis un sourire coquin tout en faisant glisser le bout de mon index sur sa paume. Je refermais ensuite doucement ma main sur la sienne avant de l’entrainer vers la rue, en direction d’une petite auberge que je connaissais bien.

Il est promis, il sera donc bu !

Après seulement deux pas, une vague un peu plus grosse que les précédentes s’écrasait contre la digue, noyant l’endroit où se tenait Violette encore quelques instants plus tôt.
Je lui coulais un regard amusé plus qu’autre chose, sans aucun sérieux dans la voix, devant ce spectacle.

C'est bien ce que je disais, à choisir je préfère éviter ce type de bain avec toi !

La mélancolie d’une fleur fanée

L’index de Loghart avait la légèreté et la douceur d’une plume au creux de sa paume, sa main englobant finalement la sienne, diffusant sa chaleur. Il y avait bien longtemps qu’on ne lui avait pas tenu la main. La dernière fois, la personne n’était désormais plus qu’un fantôme du passé dont le souvenir encore brûlant était dorénavant marqué au fer blanc dans sa mémoire, cognant de temps à autre à la porte de son esprit et finissant toujours par anéantir cette frêle barrière pour atteindre les rivages de sa conscience.
Violette secoua doucement la tête pour chasser ses pensées parasites, ses boucles folles ondulant le long de son dos, de ses épaules et de sa poitrine, les ténébreuses lianes s’en tortillant sur elle-même.

Suivant tranquillement le mouvement, son sourire toujours accroché à ses lèvres pleines. A peine eurent-ils le temps de s’éloigner qu’une vague plus haute que les autres inonda le muret où ils se tenaient encore peu de temps auparavant. Et c’est donc les yeux écarquillés qu’elle accueillit ce fait, son étonnement se transformant rapidement en un éclat de rire joyeux tout en reprenant l’avancée à peine entamée d’une démarche presque sautillante, l’amusement ne quittant plus ses perles de jade. Particulièrement après les paroles du milicien.

- Oh ! Donc il y aurait un tout autre genre de baignade qui t’intéresserait plus ? dit-elle en le regardant du coin de l’œil, ses grands yeux verts savamment dissimulés par l’épais rideaux de ses longs cils noirs.

Les clameurs et les rires de l’auberge qu’il avait choisi pour eux commençaient à parvenir à leurs oreilles dans un plaisant tintamarre, engaillardissant d’autant plus l’humeur déjà badine de la jeune femme. Il ne fallut qu’à peine quelques minutes de plus avant que le couple imprévu finisse par entrer dans l’antre alcoolisé où divers marins et autres personnes de toute profession venaient décompresser après un harassant labeur. Violette le laissa choisir un endroit pour eux deux, saluant d’un vague signe de la senestre les connaissances entassées les uns sur les autres ou faisant quelques gestuelles parfois grossières à d’autres, sans pour autant quitter son air jovial.

Je roulais vers elle un regard faussement contrarié.

Si vous voulez me tirer les vers du nez, il va vous falloir un peu plus qu’un battement de cils !

Je serrais légèrement sa douce main en approchant de la taverne tandis que nous étions restés silencieux le reste du trajet. Je trouvais un box libre et en pris la direction pour l’inviter à s’asseoir.
Cette taverne était généralement calme et le patron, un type immense aux allures d’armoire, savait calmer les soiffards les plus imbibés. Les problèmes étaient donc rares en ce lieu, ce qui me convenait. Après des semaines sous tension à l’extérieur, je cherchais souvent le calme au lieu des conflits d’auberge. Je commandais deux bières et deux alcools forts.

Arborant une posture nonchalante, j’observais mon invitée improvisée, ne cachant pas les galbes sur lesquels se posaient mes yeux. Un sourire taquin s’étira alors sur mes lèvres.

J’aurais peut-être dû attendre que l’océan vienne te lécher finalement, te tenue n’en serait que plus… inspirante !

Je riais à ma propre blague avant de m’interrompre et de lui lancer un regard suspect.

Je n’aurais pas dû dire cela, tu vas me demander de développer et je vais être embarrassé !

La serveuse apporta ma commande et je lui confiais la somme adéquate avant de prendre une chope. Je lui lançais un sourire amusé par-dessus le verre avant de boire une gorgée.

Mélancolie d’une fleur fanée

Violette suivit Loghart, les conduisant à l’intérieur d’un box somme toute intimiste, les cachant en partie à la vue des autres occupants de l’auberge. Prenant place à table, étirant un l’esquisse d’un sourire amusé sur son visage poupin à la sensation du regard détaillant chacune de ses courbes. Elle leva ses mains vers son châle et… suspendit son geste. Ses pupilles verdoyantes se posant sur le faciès taquin du milicien, s’ancrant un court instant dans les perles bleues. Et si son sourire s’agrandit, prenant des nuances de canaille, il fut rapidement suivi par un rire en cascade.

- T’as pas tout à fait tort, et c’est exactement ce que je vais faire. Ses mains reprirent leur envol, venant se crocheter à chacun des pans de son châle d’un violet aux teintes passées pour venir le déloger de ses épaules, le long desquels le carré de laine se mit à glisser, finissant sa course aux bas des hanches de la jeune femme. Ne prêtant qu’à peine attention à la serveuse apportant la commande et la déposant sur le bois moulu au devant d’eux.

- Alors… Ses coudes se posèrent sur la table, bras relevés, ses doigts s’entrelacent entre eux pour former un pont de chair sur lequel son menton se percha ; faisant par la même occasion ressortir sa poitrine orgueilleuse de sa robe un brin trop décolleté pour être décente, et il y a de fortes chances pour que tout ceci soit fait à dessein, Violette paraissant savoir pertinemment ce qu’elle faisait, aux mouvements près. A l’exception de son imposante crinière qui semblait dotée d’une vie propre. Dis-moi, Loghart… Pourrais-tu développer ce que tu entendais par là ? Que ce soit pour la baignade comme pour la tenue inspirante d’ailleurs.

La Violette me toisait du regard, les mains sur son châle, un sourire un brin aguicheur aux lèvres. Tout en riant, elle me donnait plus ou moins raison en retirant le tissu qui lui couvrait les épaules. S’offrait alors à ma vue la peau de ses épaules avant que s’impose à moi un décolleté relativement plongeant.
La serveuse partie, elle s’accoudait à la table en joignant les mains afin d’accueillir sa mâchoire, affichant de surcroît un peu plus sa poitrine, plus exposée qu’avant.
Ai-je besoin de préciser que j’avais du mal à décrocher le regard de ses atouts, ou bien est-ce que vous pouvez vous l’imaginer comme des grandes personnes ?
Merci !

Je relevais finalement les yeux pour lui offrir un sourire doux et plein de malice, buvant une nouvelle gorgée.

J’entendais par là qu’il y a façon plus agréable que de se faire happer par une vague pour se baigner ensemble. Un bain chaud dans une auberge chaleureuse par exemple ? Note bien qu’il ne s’agit là que d’une hypothèse…

Je fis mine de m’interroger, calant ma tête dans une main en dressant un doigt le long de ma tempe.

À moins que ce ne soit une suggestion ? Je ne me souviens plus de ce que j’avais en tête à ce moment-là.

Je me penchais alors un peu vers elle comme si j’allais lui dévoiler un secret.

Quant à la tenue inspirante, si tu avais été frappée par la vague, j’aurais moins d’efforts à faire que maintenant pour tenter de tirer un peu plus de détails de ce que masquent tes habits ! Cela dit, l’absence de châle est déjà bien évocateur.

Je riais, sans aucun sérieux, tout en restant penché à elle.

Tu n’auras pas plus d’informations en ce lieu, car j’en ai déjà trop dit.Concluais-je en lui lançant un clin d’œil avant de boire de nouveau. Nous jouions au même jeu, avec plus ou moins le même langage et elle me plaisait. Aussi, même si cela n’aboutissait à rien, au moins le moment était plaisant et léger !

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- Oh, vraiment ? Aucun souvenir ? Tu m’en diras tant… Sa voix suave sonnant de sarcasme, ses yeux brillants d’une moquerie à peine contenue. Sa dextre se détacha de sa jumelle, serpentant sur la table en direction d’un des verres d’alcool fort, ses doigts fins se resserrant autour de ce dernier. - Tu ne tiens seulement pas à en parler maintenant, c’est tout. Elle rapprocha le contenant empli de liquide ambré de ses lèvres sans pour autant en boire ne serait-ce qu’une goutte. Un sourire malicieux ornant ses lippes charnues. - Hypothèse ou suggestion, je te laisse le choix. Et elle engloutit le contenu du verre d’une seule traite, renversant brièvement sa tête en arrière.

Au comptoir, l’on pouvait distinguer quelques paroles un peu plus fortes que les autres, trois marins discutant un peu bruyamment en jetant de temps à autre des regards par-dessus leurs musculeuses épaules couvertes d’une chemise de lin blanc dont la couleur tournait au crème.

- T’vu ça Briscard ? J’crois bin qu’la p’tite Violette l’a ferré l’poisson, non ? Dit le premier dans un rire gras, se tournant vers son voisin.

- Mais vas-tu don’ la f’rmer ta grand’ yeule l’Corniaud ?! Se vit-il sermonné par le dénommé Briscard, se prenant une taloche à l’arrière du crâne par une énorme paluche calleuse.

- Moi, ch’pas sûr qu’l’aurait apprécié l’aut’ gros Ours… enchaîna le troisième comparse, faisant tourner dans son verre le fond de ce qui semblait être du rhum.

- T’vas pas r’commencer avec ça l’Courtaud ! Pisque j’te dis qu’c’lui qu’a f’tu sa gamine là-d’dans. T’crois qu’l’aurait dit quoi ? Bin joué ma grande ? Poursuivit Briscard à l’égard dudit Courtaud, claquant une bourrade dans l’épaule de son collègue, manquant de faire s’étouffer ce dernier avant de repartir dans de grands éclats de rire.

Et pendant ce temps, si Violette a entendu la teneur de leur conversation, elle ne laissa rien paraître d’autre que ses deux grands yeux verts tendres divaguant jusqu’au robuste trio de marins, un voile d’une nostalgique aux teintes mélancoliques traversant brièvement les traits poupins de son visage trop jeune.
Il ne fallut pas plus qu’un soupir nasal sec pour que la belle aux boucles d’ébène et d’argent reprennent sa bouille espiègle, se penchant par-dessus la table, se rapprochant d’autant plus de Loghart.

- Trop dit. Ou pas assez. Je penche plutôt pour le… Pas assez. Son index se dissociant de ses autres doigts pour se poser rapidement sur la pointe du nez de son compagnon du soir, se retirant aussitôt alors que les lèvres charnues face à lui s’étiraient pour former un sourire à la fois jovial et provocant.

Quoi, je ne suis pas convainquant ? Rétorquais-je lorsqu’elle me taquinait sur ma soi-disant amnésie.

J’observais ses doigts couler jusqu’au verre qu’elle saisissait sans le lever. Elle renchérissait, arguant que je ne voulais pas en parler maintenant, levant son verre jusqu’à toucher ses lèvres. Malicieuse, elle me laissait le choix de définir s’il s’agissait d’une idée ou d’une proposition avant d’avaler cul-sec le contenu ambré de son verre.
Il ne fallait pas qu’elle me croit timide, ce serait mal me connaître, aussi, délaissant ma chope de bière, je me saisis à mon tour du petit verre, le ramenant vers moi en le faisant glisser sur le bois, frôlant sa main.

Ni tout à fait l’un, ni tout à fait l’autre, dis-je dans un sourire aguicheur avant de faire disparaître le liquide dans ma gorge.

Je m’adresse là aux spectateurs de cette histoire, oui, vous qui lisez !
Que celui ou celle qui pense que je suis plus concentré sur la jeune femme que sur notre environnement, au point de ne pas entendre ce qu’il se dit au comptoir, réfléchisse bien au choix qui s’offre à vous. Soit je vous paye un coup et vous la fermez, soit je vous file un coup pour que vous la fermiez. A vous de voir et merci de rester discret !

En reposant le verre vide, je pus distinguer un léger changement dans les traits de son visage avant qu’elle ne se reprenne, affichant de nouveau son sourire amusé et provocant. Comme moi plus tôt, elle s’avançait au-dessus de la table, dévoilant un peu plus encore de son décolleté. Nos visages étaient maintenant très proches et, alors qu’elle suggérait que je n’en avais pas assez dit, elle me touchait le nez d’un geste aucunement anodin et parfaitement maîtrisé, ses lèvres, attirantes, enfonçant plus encore le clou de la tentation.

Je brandissais un doigt à mon tour, venant percuter le sien comme si deux épées se rencontraient.

Nous arrivons donc à une certaine logique qui est que, si je ne tiens pas à en parler maintenant, c’est que, irrémédiablement, je n’en ai pas assez dit !

Un sourire mutin aux lèvres, je me penchais vers son doigt pour lui donner un coup de nez avant de murmurer un argument honnête mais sans doute peu subtile.

Je parle beaucoup avec les mains, mais il y a ici trop de monde, pas assez de confort et beaucoup trop de tissus…

Je faisais courir mon doigt le long de ses phalanges jusqu’à son poignet avant de me replier.

Si tu me demande d’expliciter ma penser, tu vas me faire rougir ! Dis-je en lui lançant un clin d’œil amusé. C’était faux, totalement, mais amusant à faire croire !

Mélancolie d’une fleur fanée

Ses deux perles de jade louchèrent sur le bout de l’index posé sur la pointe de son nez retroussé, remontant lentement le long de celui-ci pour s’arrêter sur le visage proche, bien trop proche, du sien. Et de sa phrase qui étira d’autant plus son sourire de canaille. Effectivement, indéniablement, il n’en avait pas assez dit et si elle entendit la suite, ce ne fut pas elle qui réagit la première mais l’un des marins du trio de comptoir, Corniaud, qui s’étouffa d’un rire gras dans sa boisson, donnant des coups de coude à son voisin, le vieux Briscard. Violette jeta un coup d'œil amusé et à la fois attendri aux trois quarantenaires qui se taillaient une bonne tranche de rigolade en essayant, sans y parvenir, d’être discrets.

Elle revint finalement à Loghart, ses pupilles d’un vert tendre se concentrant sur cet index curieux cajolant ses phalanges, dérivant lentement vers son poignet pour finalement se retirer, attrapant au vol les paroles émises ; un souffle de rire outrepassant la barrière des lèvres charnues de la belle. Allons donc ! Qu’ils rougissent ou pas, elle n’allait sûrement pas se priver. Pour une fois qu’elle s’amusait, autant continuer dans cette direction et voir le déroulement de cette soirée jusqu’à son terme.

- Tu te doutes bien que je vais quand même te le demander. dit-elle en papillonnant de ses longs cils noirs, sa frimousse mutine ne bougeant pas d’un iota. Ignorant le pauvre Corniaud en train de s’étouffer et Briscard lui taper dans le dos à grand coup de bourrade bourrue, son éclat de rire résonnant dans la salle. S’il y en avait un qui épiait toute la scène, c’était Courtaud. Il n’en perdait pas une miette, sirotant le contenu ambré de son verre nouvellement rempli. Pour qui ? Pourquoi ? Allez savoir. Mais il veillait aux grains, tel un chat sur un oiseau. Et son regard n’était pas des plus aimables.

Dans un sourire aguicheur, Violette se recula, lentement, juste un peu, pour se rencogner dans sa chaise, croisant ses jambes galbées sous la table dans un froissement de tissu, attirant à elle la pinte pleine de sa main libre. Sa senestre tenant le bas de son visage en coupe, son auriculaire coincé entre ses dents alors qu’elle fixait le milicien avec un amusement prononcé et provocant ; son abondante chevelure sauvage reprenant sa propre vie, drapant désormais en majeur partie sa poitrine, la voilant aux regards de tout un chacun.