Mélancolie d’une fleur fanée [Avec Loghart Monclar] [TERMINÉ]

Elle ne répondait pas, pas vraiment, si ce n’est par un sourire encore un peu plus appuyé ou un regard encore un peu plus malicieux.
En revanche, un rire grotesque me tirait de ma fausse crainte. Suivant le regard de Violette, mes yeux se posèrent avec l’indifférence la plus totale sur le groupe qui buvait, l’un d’eux semblant juger notre manège avec force exagération.

Je délaissais le groupe pour me concentrer à nouveau sur la demoiselle aux cheveux volages qui, dans le mouvement, avaient décidé de me cacher un point de vue pourtant appréciable. Évidemment, la jeune femme au visage enjôleur, sachant parfaitement en jouer, ne croyait pas en ma mauvaise excuse. Cette dernière n’était d’ailleurs pas faite pour être crue, bien au contraire, son rôle était de poursuivre ce petit jeu fort plaisant.
Qu’il aboutisse à quelque chose, si je n’étais absolument pas opposé à cette hypothèse, n’était même pas forcément le but. Non, nous étions bien là à passer un très agréable moment.

Je prenais donc un air de pauvre homme au pied du mur alors qu’elle s’adossait à sa chaise, s’armant de sa chope. Je bus une longue gorgée de bière pour exagérer encore un peu l’image de l’homme pris au piège avant de me pencher à elle de nouveau pour murmurer.

Fort bien, tu as gagné ! Il y a une auberge confortable où, chambre prise, je me ferais grand plaisir de te débarrasser de cet encombrant tissu afin de faire courir mes doigts sur ta peau, à t’en faire frissonner. Que mes mains glisses sur toi en de délicates caresses et que l’on s’octroie une danse… intéressante !

Je laissais un temps en me reculant à mon tour sur ma chaise, vidant ma bière. Je lui souriais de mon air polisson avant de hausser les épaules. Je n’avais pas rougi le moins du monde.

Tu sais tout ! J’imaginais que je pouvais t’intéresser, mais peut-être me suis-je trompé ! J’ai en tout cas passé un très agréable moment en ta compagnie.

Je me levais alors, lui lançant un dernier regard coquin qui dériva sur son cou. Un clin d’œil suivi avant que je ne me dirige vers la sortie.
Hey! Moi aussi je sais jouer !

Mélancolie d’une fleur fanée

Ses mains glissèrent dans sa chevelure, entremêlant l’ébène et l’ivoire de l’abondante cascade sauvage qui envahissait ses épaules, sa poitrine. Quant à ses yeux d’un vert tendre, ils demeurèrent accrochés au visage de Loghart, s’amusant de voir l’expression d’un condamné vivant ses derniers instants. Ce qui était loin d’être le cas, mais cela l’amusait quand même.

Et si, jusque-là, la malice et la séduction avaient empreint chacun de ses gestes, chacune de ses paroles, chacune de ses œillades… C’est un air d’une douceur amère qui vint orner ses traits juvéniles, un voile de culpabilité noircissant ses pupilles émeraudes, sa canine croquant la pulpe de sa lèvre inférieure. Étonnamment, elle l’aimait bien ce grand gamin joueur plus âgé qu’elle et ne pas lui avoir tout dit semblait comprimer son petit cœur bien trop tendre pour la vie qu’elle menait, sans avoir eu le choix de la mener telle qu’elle le voulait.

Ses pensées divaguèrent suffisamment longtemps pour que le milicien se soit déjà levé de table, ayant emprunté le chemin de la sortie. Alors, dans un grognement, elle recula sa chaise d’un geste rageur, récupéra son châle aux teintes violettes affadies par le temps, s’enroula dedans et partie à sa suite d’un pas décidé.
Il ne fallut que peu de temps pour le rattraper, ses doigts graciles s’avançant pour saisir le poignet de Loghart, tiraillant légèrement dessus pour lui dire de s’arrêter dans une demande muette, un certain embarras peint sur son charmant minois poupin.

- J’aurai dû te le dire avant mais… les quais, c’est un peu… mon terrain de chasse, si je puis dire… Un rire nerveux s’écoula d’entre les lèvres charnues de Violette, se tarissant subitement dans un grincement. Puis elle prit une grande inspiration, comme pour se donner du courage et finalement… Et ça, c’est parce que je suis une des prostituées du port. relevant ses iris verdoyants vers lui, une attente incertaine brillant au fin fond de ceux-ci, agrémenté d’une pointe de défi.

J’eu un sourire coquin lorsque je sentais ses doigts encercler mon poignet et tirer pour que je m’arrête. Moi aussi je savais jouer et picoter ma partenaire de jeu. J’aurais pu perdre, si elle ne m’avait pas rattrapé, mais j’avais presque la certitude que cela n’aurait pas été le cas. Cela passait trop bien entre nous, cela avait été quasiment naturel dès le début. Je me retournais donc, lentement, arborant un faciès faussement vainqueur.
Les traits de mon visage changèrent cependant lorsque je distinguais sur le sien les rides de la confusion.

Nous étions face à face, à quelques pas de la porte, à la vue de tous et elle me lançait un regard gêné. Avant que je ne puisse lui poser la moindre question, elle m’annonçait que les quais étaient son terrain de chasse. Aussitôt, je pensais à ma bourse, contenant la quasi-totalité de ma solde du mois, mais une ombre dans son regard me fit comprendre que je faisais erreur. Je posais sur elle un regard maintenant sincèrement sévère avant qu’elle ne prenne une grande gorgée d’air pour finalement lâcher l’explication.

Mon cœur se tordait dans différents sens que je ne pus expliquer immédiatement. Nous avions accroché tout de suite et le moment avait été agréable, je ne ressentais pas d’amour à proprement parlé pour elle, mais, force était de constater que je l’appréciais énormément.
Ce pincement émanait donc de là, je l’appréciais beaucoup et elle gagnait sa vie d’une façon… Difficile.
Un masque froid s’était peint sur mon visage alors que je refermais à mon tour les doigts autour de son poignet.

Viens, parlons dehors ! Ordonnais-je simplement avant de la tirer en douceur. Une fois dehors, je nous mis à l’écart de la porte pour éviter les oreilles curieuses avant de darder sur elle mes pupilles dures !

Lorsque je t’ai trouvé sur le parapet, tu étais véritablement mal ou bien était-ce un traquenard ?

De sa réponse dépendrait beaucoup de choses...

Mélancolie d’une fleur fanée

Ses grands yeux verts attentifs demeurèrent fixes sur le visage désormais froid de Loghart alors qu’elle sentait ses doigts se refermer à son tour sur son frêle poignet, la tirant doucement vers l’extérieur. Pour discuter ? Ce n’était pas comme s’ils n’étaient pas tous au courant à l’intérieur de l’auberge. Il faut dire qu’ils connaissaient tous la jeune femme, sa vie d’avant, sa situation actuelle… A moins que ce ne soit pour autre chose. Ce qu’il confirma à peine une poignée de secondes plus tard. Et si l’éclat dure qu’elle voyait dans les yeux gris, lui rappelant ceux d’un autre, des yeux opalins emplis de chaleur et de rire. L’espace d’un instant, un sourire doux orna ses lèvres. Furtif. Qui fut rapidement balayé, de la même manière que la brise marine balaya sa crinière, la faisant voleter au gré de la brise, se dotant d’une vie propre. Ses tentacules ébènes et ivoires s’enroulant autant de sa silhouette gracile.

- Un traquenard ? Pourquoi irais-je fomenter une telle chose ? Rares sont les personnes à s’arrêter pour s’assurer de l’humeur d’une pauvresse… Un piège de ce genre serait aussi inutile que futile. Une véritable perte de temps. Elle détourna le regard, celui-ci se portant sur l’horizon, dérivant sur les flots bleutés, sur le ciel crépusculaire constellé de diamants. Je me remémorais seulement des instants meilleurs. Une autre vie qui m’a été volée en l’espace de quelques minutes. Violette passa sa main libre dans ses boucles sauvages, tentant d’y remettre un peu d’ordre sans grand succès ; un petit air embarrassé flottant sur ses traits d’en avoir trop dit. Ce n’était pas vraiment le genre de conversation qu’elle aimait avoir. Plutôt le genre de chose qu’elle préférerait oublier.

Un bref sourire traversa son visage avant de s’envoler, comme soufflé par le vent frais du soir. Mon expression, elle, ne changeait pas. Ce n’est que lorsqu’elle détourna le regard que je me radoucissais, que mes traits s’attendrirent. D’une certaine façon, le fait qu’elle ai raison était terrible. Les gens ne faisaient plus attention aux autres, c’était vrai pour beaucoup. D’un autre côté, c’est aussi pour cette raison que je croyais ses paroles.
Elle achevait de me convaincre avec les précisions qu’elle apportait. Comme beaucoup, sa vie avait changé brutalement, que ce soit ou non en lien avec la fange. Je lui tenais toujours le poignet, l’observant silencieusement brosser ses cheveux de l’autre main, sans même avoir fait mine de vouloir récupérer la première.

Je libérais alors son articulation pour venir doucement repousser, inutilement, une mèche de cheveux de sa joue. Je me déportais alors pour me planter devant elle, découvrant son air embarrassé. On était loin du ton léger de plus tôt et, l’espace d’un instant, je m’en voulais. Mais elle avait répondu à ma question, aussi, je lui relevais le menton, un fin sourire aux lèvres.

Merci pour ta franchise !

Il s’écoulait un court instant silencieux que je passais à l’observer, affichant un rictus tendre. J’étais sincèrement touché par ce qu’elle m’avait confié. Elle aurait pu se contenter de me dire qu’elle ne m’avait pas tendu de piège, mais elle avait dévoilé bien plus. Pourquoi, c’était une bonne question, mais cela m’avait profondément touché.

Notre rencontre et le moment que l’on vient de passer ensemble étaient donc sincères. Si tu ne me vois pas comme un client, ma proposition pour l’auberge est toujours valable…

Je lui tendais la main, le regard redevenu amicale.

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Bien trop prise dans ses pensées, Violette eut un léger sursaut lorsque Loghart effleura sa joue, capturant une mèche rebelle pour la repousser, inutilement ; celle-ci revenant hanter la pommette pâle de la jeune femme sous les effets de la brise marine. Elle ne put que consentir à relever la tête lorsqu’il profita de son geste précédent pour glisser deux doigts sous son menton, accueillant son sourire tendre avec une expression de sincère surprise, ses grands yeux verts aussi ronds que ceux d’une chouette.

Les grains du temps s’écoulèrent, pas très longtemps mais suffisamment pour que mille et une choses aient tisser sa toile fourbe sous la chevelure de jais et d’argent, agrémentant ses billes de jade d’une légère pointe de méfiance. Et pourtant, ce qui sortit de la bouche du milicien, elle ne s’y attendait pas. Ses lèvres s’entrouvrirent mais aucun son n’en sortit. Seuls ses longs cils noirs battirent la mesure, chassant peu à peu l’étonnement et la méfiance pour les remplacer par de l’incompréhension, de la confusion. Avait-elle bien entendu ? Il fallait croire que oui. Jamais personne en dehors de Lui, cet autre qui errait dans sa mémoire tel un fantôme, envahissant chaque fêlure de ses rêves, ne l’avait vu autrement que comme une prostituée, une vulgaire catin sans éducation. Pourquoi avait-il fallu qu’ils aient des yeux si semblables ? Et c’est, finalement, toutes ses questions sans réponses qui lui permirent de trouver une réponse à la question informulée du brun, se profilant d’abord par un sourire en coin, gêné.

- Il y a… Les sourcils aussi sombres que sa crinière, débitant sur sa peau bien pâle, se froncèrent tandis que sa cabine venait anxieusement mordiller sa lippe inférieure. Une différence entre la prostituée et… la femme, si je puis dire.De ses deux mains désormais libres, elle saisit une des lianes folâtres, les tressant mécaniquement, laissant libre cours à sa nervosité. Autant la prostituée agit comme bon lui semble et peu de choses ne la dérangent… Après tout, elle est payée pour ça. Autant moi… Comment dire… Je ne pense pas… être à nouveau prête à ce sujet… Pas encore, du moins. Délaissant sa tresse, elle se mit à triturer ses doigts, ses perles verdoyantes regardant résolument ailleurs.

Son air surpris me serra le cœur autant qu’il achevait de me convaincre de sa sincérité. Même la meilleure des comédiennes ne pouvait arborer ce regard de façon joué aussi rapidement et sans surjouer.
Je l’observais, souriant tendrement en attendant sa réponse, patientant autant que nécessaire.
Alors qu’un sourire gêné naissait sur ses lèvres charnues, je me faisais tout ouïe, prêt à entendre sa réponse ou ce qu’elle avait à dire.
Je la laissais parler, sans l’interrompre et sans bouger, me contentant de simplement l’écouter, de l’observer aussi, tandis qu’elle jouait de ses mèches furieuses.
Lorsqu’elle eut terminé, son regard m’avait fuie et ses doigts se malmenaient mutuellement sans qu’elle ne bouge pour autant.
Je reprenais donc d’une voix douce.

Je ne demande pas ta main Violette !

Une nouvelle fois, je ramenais son visage face au mien, lui montrant mon air doux, un brin amusé, mais nullement moqueur.

Je ne te parle pas même d’amour à vrai dire…
C’est bien la femme que j’ai tiré de ses pensées sur le muret et, j’en suis sûr, c’est majoritairement avec elle que je suis depuis tout à l’heure.

Même si je me trompais, ce n’était pas bien grave.

Enfin, c’est bien face à elle que je suis maintenant. Et c’est bien elle qui m’intéresse !

Je m’obstinais à chasser une mèche qui, cette fois-ci, me revenait en pleine figure.

Je te propose une soirée calme, confortable où, pour une fois, ton partenaire se soucierait autant de ton bien-être et de ton plaisir que du sien, où tu ne serais certes pas payée, mais où l’argent n’entrerait pas en ligne de compte. Parce que, je me dois moi aussi d’être honnête avec toi, tout ce que j’ai dis, je le pense… Je m’approchais de son oreille pour murmurer, dès fois que les mouettes nous écoutent, J’aimerais promener mes doigts sur toi…Pas sur la prostituée, sur toi !

Je ramenais mon regard dans le sien.

Je te propose une amitié, parfois charnelle, mais une amitié d’abord ! Dis-je en dardant mon regard bleu sur elle. Où les moments que l’on passerait ensemble seraient sincères et tranquilles, sans problème, nous offrant à tous deux un temps de tendresse.

Ma main attendait toujours sagement, soit d’être comblée, soit d’être repoussée, mais elle attendait.

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- Je ne te demande pas ta main Violette.
- Encore heureux ! Manqu’rait plus qu’ça !

Violette se figea. Les yeux arrondis sous le coup de la surprise, surprise qu’elle s’est elle-même causé en parlant trop vite. Ses paupières se mirent à battre frénétiquement, délogeant les traces de l’étonnement pour y remettre l’éclat d’embarras qui y vivait depuis qu’elle l’avait rattrapé devant la sortie de la taverne, teintant délicatement ses pommettes d’un voile pourpre.

Et bien que son regard continuait d’éviter le sien, malgré tout, elle l’écoutait. Chacune de ses paroles ne se perdaient pas au gré du vent, loin de là. Activant les rouages rouillés et désaxés de ses pensées, les faisant grincer dans d’affreux sons discordants, résonnant en une étrange symphonie désaccordée sous les boucles sauvages ornant son front, l’une d’entre elles venant agresser le visage du milicien.

Mais si elle buvait chacun de ses mots, l’absurde mélopée embrouillant son esprit qui n’était qu’une simple brume ne fit que s’épaissir, chantant dans sa tête leur propre oraison funeste. Peut-être était-ce réellement trop tôt ? Jusqu’à présent, si la prostituée poursuivait sa vie comme si rien n’était jamais arrivé, ce n’était pas le cas de la femme qui, elle, avait tout perdu, ou presque, en l’espace de quelques jours. Était-elle prête ? Se sentait-elle prête ? Même si ce n’était en rien comparable avec le passé, est-ce qu’une amitié un brin plus compliquée que la normale était ce qu’il lui fallait en ce moment ? Elle n’en était pas sûre. Alors pourquoi cette phrase murmurée l’avait fait frissonner ? Trop de questions, si peu de réponses.

Et c’est finalement, ses pupilles de jaspe plantées dans les empyréennes du brun qu’elle finit par répondre en lui saisissant la main, levant le nez en l’air, ses traits suintant l’autorité, le défiant de la contredire sur ce dernier point.

- Va pour la tendresse. Mais oublie tout de suite le côté charnel pour l’instant. Si la prostituée s’en fiche, la femme n’est pas prête pour ça.

Je ne pus retenir un rire lorsqu’elle réagit avec spontanéité à ma première phrase. C’était venu avec un tel naturel que c'en était drôle. Quelques passants tournèrent la tête vers notre coin sombre, mais je n’en avais cure.
Par la suite, elle m’écoutait avec attention, sa surprise laissant place à une gêne visible malgré l’obscurité de l’endroit. Je ne pouvais pas voir le rose envahir ses joues, seulement l’embarras de son regard, aussi faisais-je preuve de patience en attendant sa réponse. Réponse qui vient d’un regard décidé avant qu’elle ne prenne un air de défi et, qu’elle ne prenne ma main.
Je serrais doucement sa main dans la mienne en souriant.

Puisque c’est la femme qui m’intéresse, cela me convient !

Sans un mot de plus, je l’entrainais avec moi dans une marche tranquille. Quelques minutes plus tard, nous arrivions devant l’auberge. Une petite adresse, un peu perdue à un angle de rue peu passante, mais dont la façade était propre, comparé à une bonne partie des bâtiments de la cité. Une vieille femme, toute petite, mais au regard vif, nous accueillait pour me remettre une clef en échange des quelques pièces avant de passer la tête par le rideau derrière elle, demandant un grand bain chaud pour la chambre principale ainsi qu’un plateau pour deux.

Je suis déjà venu ici, c’est tranquille, tu comprendras en voyant arriver l’eau chaude !

À l'étage, seulement quatre chambres, une à gauche, trois à droite et un escalier de meunier qui menait aux combles. Notre repère pour cette nuit tout juste naissante était la porte de gauche et, une fois passé la porte que je refermais, Violette pu découvrir l’endroit tandis que je souriais. La pièce était vaste sans être immense, arborant quelques tentures aux murs et des tapis au sol. Une armoire, une commode et un bureau habillaient les parois tandis qu’un grand lit en chêne trônait face à la fenêtre aux lourds rideaux opaques. Dans un coin, à côté de la cheminée ronflante, un grand bac à moitié rempli d’eau propre et une petite coiffeuse avec son tabouret.

J’avais lâché la main de Violette pour tirer les rideaux lorsque l’on frappait à la porte. Quatre types aux allures patibulaires, aussi larges que l’armoire et haut que la porte, pénétrèrent l’endroit, armés d’énormes seaux d’eau brûlante qu’ils versèrent dans le bac avant de disparaitre. Un cinquième, moins épais et moins haut, mais tout aussi trapu, déposait un plateau sur le bureau. Sur le plateau, quelques fruits, deux potages et une bouteille de vin ainsi que deux gobelets propres.
Qu’on ne s’y trompe pas, cette nuit me coûtait cher, surtout pour un milicien, et ce n’était pas d’un luxe extrême. J’avais payé la chambre, le bain, la nourriture et la boisson. Mais, et ce n’est pas rien, j’étais certain que rien ni personne ne nous dérangerais.
Il ne fallut que deux minutes pour que la troupe soit repartie, fermant la porte avec une étonnante douceur.
Je coulais un sourire amusé vers la jeune femme.

Ce sont les fils de la patronne. À partir du moment où tu paies pour être chez-eux, ils veillent à ce que nul ne t’importune. Même mon coutillier n’a pas pu rentrer pour venir me chercher, c’est l’un d’eux qui m’a réveillé.

Je me débarrassais de mes bottes près de la porte.

Alors, qu’en dis-tu ?

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Un fin sourire étira ses lèvres charnues, ses doigts fins se refermant sur la large main de Loghart, le laissant l'entraîner vers l’auberge dont il parlait un peu plus tôt, déambulant tranquillement dans les rues sans qu’une seules paroles ne soient émises jusqu’à destination. Ses yeux clairs détaillèrent la femme âgée derrière le comptoir, passant finalement sur le décor tout autour d’elle sans prêter la moindre attention à la remise des clés de la chambre où elle allait probalement passer une bonne partie de la nuit avec le brun, si ce n’était pas l’entiéreté.

Un des sourcils ténébreux de la belle brune se hissa sur son front, se demandant bien de quoi il parlait, son corps s’ébranlant sous un délicat haussement d’épaules, se disant que la réponse à cette question arriverait, quant à elle, bien assez tôt. Empruntant les escaliers de bois, ils se dirigèrent vers la porte de gauche, esseulée sur son mur, opposée à trois autres portes ; dissimulant derrière elle une chambre plutôt vaste, surtout si elle prenait le temps de comparer à toutes les autres qu’elle avait pu connaître et elles étaient étonnamment peu nombreuses. Ses pupilles d’un vert tendre sautillant d’un endroit à un autre, passant des voiles pendant aux murs aux tapis maculant le sol, s’arrêtant sur le mobilier occupant l’espace de la chambrée avant de s’arrêter sur le baquet d’eau au centre de la pièce.

Son inspection touchait à sa fin lorsque les quatre grands gaillards, fils de la patronne, se pointèrent pour verser d’immenses seaux d’eau fumante dans la baignoire en cuivre dont l’intérieur était tapissé d’un épais drap de lin. Profitant de l’instant et surtout, de l’arrivée du plateau de nourriture, la jeune Violette s’y dirigea d’un pas dansant une fois sa main libérée de la douce emprise de la large paume du milicien, venant s’asseoir d’un bond agile sur le bureau où vin, coupe, potage et corbeille de fruits trônaient. Balançant nonchalamment ses jambes dans le vide, chevilles croisées l’une sur l’autre ; ses doigts curieux vinrent saisir un raisin, l’insérant entre ses lippes pleines tout en regardant l’étrange ballet des quatre frères.

Une fois ceux-ci partis aussi silencieusement et doucement qu’ils étaient venus, la jeune femme reporta toute son attention sur son compagnon de soirée. Un sourire amusé venant éclairer son visage poupin, accentuant d’autant plus son allure friponne.

- Au vu de leur carrure, il est vrai qu’il n’y a pas grand monde qui tenterait de les contredire ou de les contrarier. La pointe de sa bottine en cuir brun clair vint appuyer sur l’arrière de sa consoeur, la laissant méticuleusement glisser le long de son pied nu, que l’on pourrait qualifier de minuscule, avant de faire subir le même sort à l’autre, chacune tombant dans un bruit sourd contre le parquet.

- Mieux que ce à quoi je suis habituée. Ses jambes reprirent leur danse hypnotique, faisant voleter les bords de son jupon autour de ses chevilles graciles dépourvues du moindre morceau de tissu ; ses mains se posant de par et d’autre de ses cuisses, accrochant le rebord de son perchoir improvisé ; le châle qui recouvrait à nouveau ses épaules depuis leur sortie de la taverne prenant inlassablement la fuite, s’éparpillant autour de Violette. J’en dis que tu attends toujours plus que ce que je peux te donner pour l’instant. Un sourire joueur naquit sur ses lèvres, ses iris verdoyants pétillants d’espièglerie. Mais qui suis-je pour briser les rêves d’un homme ?

Installée sur le bureau et grignotant du raisin, Violette ne semblait pas impressionnée outre mesure par les quatre géants. Ceux-ci, agissant avec précision, rapidité et efficacité, repartirent bien vite pour nous laisser profiter de l’intimité de la chambre. Amusée, la demoiselle me servait un sourire enfantin.

En effet, ils sont assez dissuasifs dans leur genre. Pour cela que j’aime cet endroit.

Silencieusement, je l’observais retirer une à une ses bottines, les laissant tomber sur le parquet et dévoilant de fait ses petits pieds nus et la naissance de ses chevilles. Souriante, elle confirmait être habituée à moins bien alors qu’elle gigotait finement sur le meuble. Taquine, elle prévenait cependant que j’envisageais plus que ce qu’elle m’accorderait, même si son air laissait voir comme un appel au jeu.

Ce n’est pas en attendant moins que j’obtiendrais plus !

Je m’avançais lentement vers elle en arborant un fin sourire espiègle. Arrivé face à elle, je me penchais exagérément, frôlant son corps, pour récupérer une pomme. Alors, je me redressais, accrochant son châle de l’autre main, le faisant glisser de ses épaules. Le regard brillant, je murmurais.

Il serait dommage qu’il tombe dans le potage…

Je me reculais alors, laissant tomber le vêtement sur le lit et mordant ma pomme. Je jouais gentiment, sans chercher à la brusquer. J’ouvrais des portes pour la laisser choisir laquelle elle voulait franchir. Alors, naturellement, parce que c’était vraiment naturel chez-moi, je défaisais ma ceinture en indiquant le bain.

Je vais en profiter pour ma part. Dis-je en commençant à déboutonner ma tunique.

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- Ce n’est pas en attendant moins que j’obtiendrais plus !
- On peut voir les choses sous cet angle. Quel ambitieux tu fais !

Une lueur un tantinet moqueuse vint assombrir ses prunelles de jaspe, autant par la phrase lancée que par le frôlement du corps masculin contre le sien. Jouer, elle savait faire. Se laisser attendrir aussi. Malheureusement, si elle savait se montrer vulnérable, se laisser aller en étant la femme et non la prostituée, c’était difficile. D’autant plus difficile que quelque chose la retenait, enchaînant son jeu frivole d’une main de fer, celle d’un fantôme qui ne cessait de la hanter. S’en débarrasserait-elle un jour ? Probablement pas. Et c’était là, le cœur du problème. Pourrait-elle à nouveau se laisser aller en étant seulement elle-même ?

Dans tous les cas, la main effleurant son épaule pour récupérer son châle mauve aux couleurs affadies laissa un frisson courir le long de son bras, parsemant celui-ci d’une légère chair de poule, raidissant son épine dorsale tandis que son sourire facétieux ne fit que s’élargir, transformant ses yeux en amande en la forme d’un croissant de lune.

Cependant, Violette ne bougea pas. Outre ses jambes qui continuait à suivre le rythme imposé, chevilles entrecroisées. Ses iris pâles s’accrochant à la silhouette bien bâtie du milicien, le suivant à chaque mouvement sans jamais s’en défaire, l’observant se déshabiller tel un félin surveillant sa proie, oiseau pépiant ou souris couinante. Laquelle des deux sera-t-il ce soir entre les griffes acérées de la Lionne d’ébène et d’ivoire ? A quelle sauce allait-il être mangé ? Si tant est qu’elle finisse par abdiquer.

- Je vais en profiter pour ma part.

Ses perles émeraudes quittèrent la physionomie de Loghart un bref instant, dérivant vers les eaux fumantes stagnant dans la baignoire en cuivre au centre de la pièce, revenant se poser lentement sur lui. Ses deux mains abandonnèrent le bois du bureau pour se mettre en coupe et accueillir son menton, ses doigts ornant délicatement les encoignures de ses lèvres pulpeuses pendant que ses coudes se perchaient sur ses cuisses, l’obligeant à se pencher en avant.

- C’est toi le divertissement ce soir alors ? Continue, je t’en prie. La jeune femme effectua un vague geste trainant de la main, balayant d’un revers du poignet l’air devant elle, indiquant l’entièreté de la physionomie du brun pour reprendre ensuite sa place première, ses ongles pianotant sur sa lippe inférieure : un air carnassier éclosant sur son minois poupin.

Il faut dire qu’il y a de quoi se montrer ambitieux… Répondis-je en coulant sur elle un regard aguicheur.

On échangeait des regards tantôt joueurs, tantôt taquins tandis que je la frôlais de façon parfaitement calculée. Moi aussi, je me montrais joueur et provocant, à l’identique de notre rencontre finalement.
Car c’était simplement cela qu’il se passait.
Après que Violette ne se soit confiée, qu’elle m’ait avoué sa profession et que j’ai choisi de ne pas m’en préoccuper, nous retournions tranquillement sur les jeux que nous avions entamés plus tôt. Nous jouions la séduction avec un naturel tout à fait sincère.

Je ne pouvais retenir un petit sourire coquin et satisfait en voyant sa peau frissonner tandis que je lui dérobais son châle, étirant son sourire.
Ma ceinture rejoignait d’ailleurs rapidement le tissu sur le lit et je déboutonnais ma tunique, la pomme coincée entre les dents. La jeune femme changeait de posture, affichant clairement qu’elle comptait bien ne pas perdre une miette de mon effeuillage. Afin d’être certaine que je comprendrais bien l’invitation à continuer, elle m’invitait à poursuivre, la tête nichée dans les mains. Je lui lançais un air taquin tout en posant la pomme sur un tabouret.

Je ne vois pas de quoi tu parles, dis-je en poursuivant de libérer les boutons de mon haut, je me contente de me préparer pour mon bain.

Je m’avançais vers elle d’une démarche lente, rythmée par le retrait des attaches de ma tunique, pour finalement arriver devant elle juste au moment où le dernier sautait. Je me penchais à l’oreille opposée à la précédente pour lui souffler quelques mots, qui sonnaient faux, qu’un grand sourire presque enfantin accompagnait.

Je suis quelqu’un de très pudique tu sais !

Je me redressais alors et retirais ma tunique pour la poser sur le dossier de la chaise, juste à ses côtés. Je dévoilais ainsi mon torse athlétique à la faible pilosité mais qu’une myriade de petites cicatrices couvrait. Je me tenais là, face à elle, prenant exagérément mon temps pour poser convenablement ma tunique, avant de lui tourner le dos pour me diriger vers la baignoire. Je défaisais le lacet de mon pantalon et le laissais alors glisser le long de mes jambes.
La demoiselle pouvait maintenant à loisir admirer mon corps nu, de dos, alors que je m’étirais en levant les bras au plafond, bandant mes muscles avant de me relâcher.

Je te dirais si ce bain vaut le coup ou non alors, annonçais-je, taquin.

Je passais alors une jambe, m’exposant de trois-quart à la jeune femme, avant de passer l’autre jambe pour me laisser lentement, et c’est fait exprès, descendre dans l’eau chaude.

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- Je ne vois pas de quoi tu parles. disait Loghart tout en continuant de déboutonner sa tunique en lin anthracite, faisant hausser un sourcil à Violette dont les pupilles rappelaient l’herbe printanier sautaient de bouton détaché en bouton détaché. Je me contente de me préparer pour mon bain.

Un bref soupir amusé s’échappa des lèvres charnues de la jeune femme, semblant très loin d’être dupe face à ce stratagème utilisé d’innombrable fois, plus souvent par d’autres que par elle mais auquel elle était déjà habitué. Ne disant rien, elle le laissa poursuivre, le laissant s’approcher au fur et à mesure que les fermoirs de sa chemise sautaient jusqu’à en être dépourvu. Le milicien de pencha vers elle, murmurant à son oreille des paroles qui lui firent esquisser un sourire d’autant plus amusé alors qu’il prenant tout son temps pour enlever l’habit de lin gris pour le déposer sur le dossier de la chaise se situant à peine à quelques centimètres de sa cuisse, dévoilant sans la moindre pudeur malgré ses dires, un torse imberbe et couturé de fines cicatrices qui accrochèrent l’œil de la petite brune. Probablement plus que tout le reste, titillant sa curiosité maladive.

Toute à ses pensées interrogatives, son compagnon de cette nuit avait largement eu le temps de retourner jusqu’à la baignoire cuivrée et de défaire son pantalon de toile sombre, laissant les iris de jade de la Lionne parcourir son corps nu et musculeux sans la moindre gêne, enjambant le rebord de cuivre dans le même temps.

Ne laissant qu’à peine une ou deux minutes s’écouler, la jeune femme se laissa glisser du bureau, débarrassant le plateau trônant sur celui-ci des deux bols de soupe avant de le prendre d’une main ; retirant le vêtement de lin du dossier de la chaise de l’autre, s’en saisissant par la suite pour la traîner en direction du baquet occupé par la pâle silhouette du grand brun. Installant la chaise en biais, de manière à être facilement accessible, elle déposa par la suite le plateau qui contenait encore la corbeille de fruits, la carafe de vin et les deux verres sur l’assise du fauteuil. Et sans d'autres préambules que celui-ci, c’est un « Pousse-toi » autoritaire qui fusa des lippes pleines et gourmandes, ses petites mains fines appuyant avec douceur et fermeté sur le haut de son dos pour lui faire comprendre d’avancer un peu.

Une fois cela fait, c’est un froissement de tissu bruissant contre la peau suivi d’un son mat contre le bois du parquet qui se fit entendre.

Un petit moment de silence, à peine perturbé par les remous de l’eau de la baignoire, s’étirait tandis que je me laissais aller dans l’eau, sentant le regard de Violette sur moi.
Alors, elle finit par bouger et, je la suivais du regard. Elle prit le plateau après en avoir retiré les potages, enleva ma chemise de la chaise et apporta l’ensemble auprès de la baignoire. Une fois le plateau sur la chaise et donc accessible, elle rompait le silence.
Elle m’imposait de bouger, appuyant, pour bien asseoir sa volonté, sur mes épaules et je me glissais donc vers l’avant, libérant de la place dans mon dos. Après m’être déplacé sans un mot, un bruissement caractéristique de vêtements que l’on fait glisser sur la peau s’élevait derrière moi, me faisant sourire d’un air satisfait. Finalement, le doux son des habits qui rejoignent le sol me parvenait

Tu viens nager aussi ?

Je levais le menton pour jeter un regard derrière moi. Je ne voulais pas me retourner pleinement car, déjà j’aurais repris la place qu’elle voulait que je fasse et, de plus, c’était plus amusant ainsi. Ce n’était cependant pas la meilleure position pour pleinement admirer ma compagne du soir, mais cela me permettait au moins de la découvrir. Ainsi, je pouvais apercevoir en premier lieu son ventre à la peau claire, ainsi que sa poitrine généreuse aux délicates extrémités roses. Ses hanches, délicieusement arrondies, laissaient voir une musculature fine mais bien présente.
Pour le dire très clairement et sans superflu, elle était très jolie, très harmonieuse et parfaitement désirable.

Je lui lançais un sourire mi angélique, mi gourmand, rehaussé d’un air coquin et espiègle.

Je t’en prie !