L'alcool et l'absence ne font jamais bon ménage [PV Ilhanne] [Terminé]

Je … Je savais pas quoi dire, tiraillée entre la culpabilité, la méfiance. Ils disaient ça, ils voulaient pas, ils avaient cru au pire, on l’avait bien cherché. Je voulais pas que ça m’arrive à moi.
Mais en même temps tout le reste, tout ce qu’il y avait eu avant, tout ce qu’il avait dit juste avant. Non il pouvait pas être comme ça.

« Pourquoi tu le laisses partir ?! »

Margaux avait tout vu, tout entendu. Mais elle hésitait pas un instant à prendre sa défense. Qu’est-ce qu’il avait pu lui dire le jour où il était bourré ? J’avais juste entendu son coup d’éclat. Se précipitant vers la ruelle donnant sur la venelle avant de revenir vers moi pressée, comprenant visiblement pas grand-chose à pourquoi j’avais même pas esquissé un geste pour empêcher Finn de partir.

« Pour avoir un nouveau bleu ? »

J’avais bien entendu la colère dans sa voix.
Elle avait s’était détendue d’un coup, décroisant les bras avec son air compatissant.

« Ilhanne …

Margaux, arrête. »

Pas dur de comprendre ce qu’elle voulait, me faire changer d’avis, en m’expliquant qu’il était pas comme ça, qu’il voulait que mon bien, que ça se voie … Je voulais pas l’entendre, pas maintenant.

« Nan mais Ilha … »

Pour ne plus l’entendre, j’avais attrapé une flèche, pour me concentrer sur autre chose. Ça l’avait fait soupirer, puis rentrée, le travail avait déjà suffisamment attendu.



Le soleil se levait à peine qu’on était déjà en train de se préparer à deux, dans sa petite chambre. Pas que j’avais pas envie de dormir chez Val, mais si je pouvais m’éviter une scène ça faisait pas de mal. On avait pas beaucoup de place, parfois c’était pas si affreux.
Pas de bruit autre que la rue qui s’animait doucement et le vieux Charles qui râlait comme un putois que ses vieilles articulations le faisaient souffrir. De quoi commencer la journée.

« Va le voir. »

De quoi encore mieux commencer la journée.

« Non. »

Finissant d’attacher les liens de ma veste, je l’avais même pas regardé, je connaissais bien la tête qu’elle faisait. Bon sang, qu’est-ce qu’il avait bien pu lui dire ?!

« Foutue tête de mule, va le voir ce soir. »

Pas la peine de répondre. De toute façon, il fallait que j’y aille, j’allais être en retard à la caserne. Seulement le temps de prendre mon arc, mon carquois et de passer la porte.

Il avait croisé Margaux en partant, la pauvre n'avait pas du comprendre, tout du moins c'est la pensée qui traversa brièvement l'esprit de Finn, avant de finir noyée sous un mélange de colère et d'un autre sentiment encore mal définit qui oscillait entre le chagrin et la déception, avec un soupçon de trahison. Il était retourné droit à la caserne et son humeur avait été telle qu'on avait préféré le laisser digérer tranquille, passé l'étape d'une tentative d'explications. La journée du lendemain le trouva de nouveau sur les nerfs et le Mercenaire choisit de passer ceux-ci dans l'entrainement, ne quittant pas de la journée les murs de la Compagnie des Lames où le Capitaine le surveilla de loin, où ses collègues qui étaient comme sa famille tentèrent bien de le convaincre qu'il devait se reposer et où même Oriane ne parvint pas à le dérider, une vraie tête de mule. La journée passa, l'homme d'arme ne prit qu'un repas frugal au milieu de celle-ci, se lava de la sueur du matin et dormit une heure avant de reprendre de nouveau l'entrainement, inlassable malgré les courbatures et les douleurs qui étaient apparues durant son temps de repos. Pas une explication ne fut donnée à ses pairs, mais ceux-ci connaissaient suffisamment Finn pour comprendre que quelque chose était arrivé et que cela était soit en rapport avec cette chasseuse dont il parlait parfois, soit qu'il avait assisté à quelque chose de révoltant. Cette dernière option ne pouvant être valable que s'il était venu leur en parler -comme il l'avait déjà fait par le passé- les autres en déduisirent qu'il s'agissait d'une affaire de cœur et laissèrent celui qui était l'un des plus jeunes de la Compagnie digérer dans son coin. Ce ne fut que quand ses propres muscles le trahirent que le Mercenaire fut forcé d'arrêter les frais, se lavant de nouveau, mais refusant de manger pour s'enfermer dans sa chambre, l'humeur massacrante.


La Compagnie des Lames était une bâtisse assez grande, apparemment une ancienne propriété abandonnée que le Capitaine avait récupéré pour une bouchée de pain et que les membres avaient réparé durant plusieurs mois pour lui donner un aspect présentable. De poussiéreuse et ruinée, elle était redevenue propre et retapé, non pas comme neuve, mais dans un état similaire à celles avoisinantes, ce qui n'avait pas été un maigre chantier, loin s'en fallait. Au moment où Ilhanne approchait de la porte d'entrée, celle-ci s'ouvrit sur un homme qui devait avoir au moins soixante ans. Ses cheveux et sa barbe épaisse étaient grisonnants, sa peau sèche était ridée de nombreux canyons, et il faisait penser à ces vieux livres parcheminés trouvés au fond des bibliothèque. Il n'est pas très grand mais fort, et sous sa peau abîmée roulent des muscles puissants et affûtés. Son regard, surtout, fait penser à celui d'un adolescent plein de vie. Ses yeux, d'abord surpris et agressifs, s'adoucissent d'un coup devant la jeune femme aux cheveux roux à qui il sourit presque gentiment.

- Mais c'est la petite qui fait tourner la tête de Finn. Je suis Strakhov.

Il lui tendit une grosse paluche aussi ridée que son visage, mais dont la paume sèche et chaude possédait ce on ne savait quoi de rassurant.

- J'ai à faire en ville, mais entrez donc, vous le trouverez à l'étage ce corniaud. Bonne journée jeune dame.

Et le vieux Mercenaire s'éloignait déjà, sifflotait gaiement avec une bonne humeur qui ne semblait pas être passagère, mais plutôt faisant partie d'un bon tempérament qui tranchait avec son physique singulier pour un homme de son âge.

« Barrowmer ya que toi qui passe là-dedans. »

Était la phrase qui résumait le mieux ma journée. Le là-dedans en question était un petit trou dans un mur dans un quartier de merde de la ville. Si Baltus m’avait foutu dans la milice extérieure il avait visiblement trouvé ça très drôle de me faire patrouiller dans la ville aujourd’hui. Il fallait dire qu’il avait dû se bidonner comme une baleine quand les gars avec qui il m’avait foutu avaient dû lui raconter la façon dont j’avais rampé pour entrer dans une vieille maison abandonnée dans laquelle les voisins avaient entendu des bruits bizarres. J’avais bien demandé pourquoi on passait pas simplement par la porte. Ils avaient dit qu’il préférait envoyer un éclaireur. Branleurs. Les riverains ils voyaient déjà un fangeux pris aux pièges, mais moi j’avais trouvé de la crasse et ce qui devait être un nid de gamins abandonnés de tout le monde. Vide, évidemment à l’heure qu’il était, ils devaient faire la manche ou être au temple.

En sortant, j’avais repensé à Margaux ce matin, puis du coup à Finn hier.
Pourquoi je devais y aller ?! Je faisais encore ce que je voulais !

Alors pourquoi je me sentais si mal quand je prenais le chemin de chez moi ?
Crétine que j’étais.

Je devais avoir pris tous les détours possibles et imaginaux, écartelée entre la culpabilité, la colère, la fatigue. Je voulais rentrer, puis je voulais y aller, puis je devais y aller, puis je devais plus, puis je savais plus ce que foutais là. À un moment je m’étais même vraiment perdue, pourtant je connaissais ces rues.

Foutu lui, foutue moi. Je pouvais pas laisser ça comme ça. Tant bien que mal j’avais fini par arriver au pied de la maison. Visiblement le quartier savait que là, y'avais une compagnie de mercenaire, parce que sans demander j’aurais jamais trouvé, je me souvenais, par ou plus. C’était une chose d’être arrivée, s’en était une autre de rentrer de prendre les couilles j’avais à deux mains et faire face à mes putains de décisions.

J’restais ? J’restais pas ?

Il avait dû s’en passer un moment, puis finalement j’avais pas le courage …
Qui parlait ? Il me parlait vraiment à moi ? Visiblement, en même temps il y avait que moi plantée là comme une cruche devant la bâtisse.

« Euh … je … comment vous savez ça ? »

C’était écrit sur mon front « propriété de Finn, pas touché ! » ?
Cette éventualité me plaisait pas des masses, mais m’avait pas élevée chez les cochons donc j’avais serre la main du curieux monsieur tout ridé.

« Bonne fin de journée ? »

C’était bizarre. Vraiment très bizarre.

J’entrais ? J’entrais pas ?

Pitié qu’un voleur à la sauvette apparaisse au coin de la rue, que tout le monde me dise de la poursuivre parce que c’était plutôt impossible de pas voir l’uniforme de la milice… que j’ai une bonne excuse pour être une poule mouillée.
Mais rien, la rue était désespérément calme.

J’entrais ? J’entrais pas ?

Oh puis merde ! J’avais pas peur d’un sergent connard de la milice qui voulait me faire payer le fait de pas avoir de bite et de pas avoir peur à l’idée de toucher une arme, je pouvais bien faire face à Finn. Bon sang !

‘Fin, j’en menais pas large en passant la porte, j’avais surtout peur de tomber sur un autre gars. Pas que j’avais pas envie d’être là, mais si ça pouvait être tout comme, ça me ferait pas de mal. Dire que je rasais un peu les murs était plutôt juste. J’étais pas là.

Le bois de l’escalier avait craqué quand j’avais posé un pied dessus. Me faisant me raidir un peu plus. J’aimais pas ça, pas du tout. ‘Fin maintenant j’étais allé trop loin pour reculer. Arrivé à l’étage d’un traité je savais pas quelle porte s’était.

Margaux, je te maudissais.

A la question de Ilhanne, le vieil homme eut un sourire énigmatique et prit congé sans lui répondre, lui souhaitant la bonne journée avant de s'éloigner rapidement. Elle l'ignorait et Finn également, mais certains membres de la Compagnie des Lames -et notamment les plus anciens- avaient suivis leur frère d'arme lors de ses visites auprès de la jeune femme et avait repéré l'identité de celle qui semblait avoir tant d'importance dans la vie du Mercenaire. On veillait au grain dans cette "famille" un peu particulière, assurément, mais on interférait rarement, sauf si l'intégrité de la Compagnie était remise en cause. La porte de la bâtisse n'était pas fermée et la rousse pu y pénétrer sans difficulté. Des voix plus ou moins étouffées par les murs lui parvenaient, ça avait l'air de discuter dans une pièce au rez-de-chaussée tout comme des bruits caractéristiques d'un entrainement aux armes résonnaient vers ce qui semblait être une arrière-cour assez vaste. L'escalier de bois grinça sous le pas de la Milicienne, mais aucun diablotin ne surgit de sous les lattes et elle pu progresser jusqu'à l'étage sans difficulté, arrivant dans un couloir comportant de très nombreuses portes. Certaines voix résonnaient à ce niveau également, ça discutait, ça plaisantait et ça riait de bon cœur, d'ailleurs dans le lot il y avait la voix d'une femme qui remettait en place avec humour un homme, lequel sembla plus s'en amuser qu'autre chose. La porte d'où cela provenait s'ouvrit quelques secondes plus tard et une jeune femme aux cheveux blonds coupés court, aux traits fins et aux yeux d'un bleu envoûtant sortit sur le pas, refermant le pan de bois alors que son regard accrochait la silhouette d'Ilhanne. Ses yeux se plissèrent et instinctivement sa main se posa sur la garde de son épée, plus par réflexe que par réelle intention belliqueuse.

« Qui êtes-vous et que faites-vous là ? La Milice n'entre pas ici sans l'accord du Capitaine. »

Elle avait parlé sans hausser le ton, mais sa voix était ferme et assurée, sa méfiance évidente tandis qu'elle la scrutait avec attention celle qu'elle ne connaissait pas. Il y avait bien les cheveux roux qui étaient un indice potentiel, mais si Finn avait parlé de Ilhanne, il l'avait décrite comme une Chasseuse et non comme une Milicienne.

C’était animé là-dedans.
Dur de dire que la bâtisse était inoccupée, ce qui expliquait mieux pourquoi le pâté de maisons semblait parfaitement savoir qui occupait les lieux. C’était peut-être un peu trop animé, pas que le bruit était gênant, plus la blonde qui venait de sortir et qui mis la main à la garde avant même de dire trois mots.
Y'avait de l’ambiance, on se sentait pas du tout mal à l’aise chez les mercenaires. Même pas un poil.

Levant une main bien en évidence alors que l’autre glissait dans mon dos pour aller attraper le manche de la dague qu’il était bien plus prudent de garder sur soi, je cherchais quoi lui dire. Pas que j’avais spécialement l’intention de lui taper dessus, loin de là, mais elle, elle semblait trop méfiante pour pas être prudente.

« On va se calmer tout de suite, j'suis pas en service et on m’a invité à entrer. J’avais pas bien envie de me changer à la caserne si c'tait pour finir coincée entre un porc et un mur. »

J’avais pas voulu être autoritaire, mais pas non plus à ramper devant elle pour qu’elle lâche son arme.

Raser les murs et se camoufler derrière tout ce que pouvait porter un homme, c’était pas un luxe à la caserne. Soit on devenait invisible, soit en leur montrait qu’ils allaient y perdre ce qui faisait leur fierté s'il s’attaquait à nous, pour avoir la paix. Dans mon cas j’étais pas là depuis assez longtemps pour prétendre à une des deux options. Sans vraiment le cacher, je comptais un peu sur le fait que ce soit une femme pour qu’elle compatisse un peu.
D’ailleurs le sexe de ma si douce interlocutrice soulevait une grande vague d’interrogations qui me plaisait pas vraiment. Mais j’allais rien dire, dans ma bouche, ça aurait un peu l’hospice qui se foutait de la charité.

« J’viens voir Finn... »

On pouvait pas dire que ma visite avait pas été instructive, pas forcément dans ce que j’aurais voulu, toutefois fallait savoir faire avec ce qu’on donnait.

«... J'suis Ilhanne. »

On savait jamais, que ça lui parle…

La femme Mercenaire écouta les dires de la Milicienne, les yeux plissés, cependant elle sembla bel et bien comprendre ses raisons lorsqu'elle acquiesça d'un bref signe de tête en entendant la rousse parler de ne pas vouloir se changer à la caserne. Ici ce problème n'existait pas, bien qu'il ne soit pas recommandé pour autant de s'afficher dénudé dans les couloirs du quartier général, mais on se voyait davantage ici comme une famille que comme des collègues. Lorsque Ilhanne se présenta finalement en disant être venue voir Finn, la main de la blonde s'écarta finalement de la garde de son épée et un léger sourire se fit jour sur son visage, son attitude se modifiant immédiatement.

- Oh je vois, pardon pour la méprise. Je suis Cywel.

Elle se détendit visiblement et jeta un regard en arrière dans le couloir avant de s'approcher de la jeune femme, un sourire complice aux lèvres, baissant d'un ton.

- Il est dans sa chambre à ce qu'on dit les autres, vous pouvez y aller, c'est la dernière porte au fond à gauche.

La Mercenaire la scruta ensuite de ses yeux clairs, l'air grave, avant de lui adresser un bref sourire qui se voulait encourageant.

- Je vous dis à une prochaine fois.

Et sans insister davantage ni poser la moindre question indiscrète, elle la contourna pour se diriger vers l'escalier, laissant le champ libre à la Milicienne pour progresser.

Qu’est-ce qu’elle avait à me regarder comme ça celle-là ?
Au moins elle me menaçait plus, ce qui était déjà une bonne chose à prendre. Si sa main n’était plus sur sa garde, la mienne non plus. J’avais aucune intention de chercher la merde … possiblement parce que je l’avais déjà trouvée et que c’était ça que je venais essayer de réparer, sans vraiment y croire.

« Enchantée. »

Ou pas, ou presque, en fait, je savais pas trop. La voir là, avec son joli minois et son air sympathique … elle devait forcément être mieux. Une jolie blonde ça en faisant rêver plus d’un. Alors qu’elle passait je l’avais détaillé un peu plus. Forcément…
Dernière porte à gauche.
Tout près, j’aurais voulu être tout loin.

Je voulais pas y aller. J’avais aucune envie de me retrouver face à la colère et l’amertume de Finn. J’avais peur de comment ça pouvait se manifester.

Putain, Margaux, je te maudissais tellement.

J’y allais, j’y allais pas…
Je pouvais, je pouvais pas …

Restée planté là me semblait une bonne idée, du moins une idée moins angoissante qu’aller frapper à cette fichue porte. Le bruit de quelqu’un montant les escaliers me fit me décider. Si j’avais aucune envie d’avoir cette discussion, j’avais encore moins envie de rejustifier ma présence à quelqu’un.
Maintenant que j’étais devant autant frapper à la porte.

« Finn … »

J’avais l’impression que mon palpitant allait s’arrêter tellement il battait vite.
Je pouvais encore partir ?

J’aurais pu, j’aurais peut-être dû. Je savais pas trop en fait. De toute façon maintenant il était trop tard. Je pouvais plus reculer maintenant qu’il m’avait dit d’entrer.
Entrouvrant à peine la porte je m’étais faufilé à l’intérieur avant de refermer la porte. Ce qui allait se passer ne nous regardait que nous et personne d’autre. Finn était assis sur le bord de son lit, le visage fermé. Où est-ce que je pouvais bien me mettre ?
Dans un trou de souris… Dommage que je puisse pas rentré dedans.

« Je … Fin’ je venais voir si … »

Si t’étais fâché . Question stupide ? Si tu me détestais pas . Encore plus crétine.

« … si t’allais bien. »

Fade et sans saveur.
J’étais là jusqu’à ce qu’il me chasse, aucune idée de quand ça allait se produire, dans le doute, j’avais enlevé mon arc, posé mon carquois et enlever ma veste, découvrant le bleu que j’avais essayé de cacher hier, celui sur ma clavicule.

« Pourquoi tu crois que je peux pas me défendre seule ? »

Cywel était belle, assurément, de ces femmes belles qui tout comme Ilhanne de surcroit portait les armes et savait les manier, avec son tempérament et une volonté qui lui était propre. Pour autant la blonde ne s'attarda pas et laissa la jeune femme seule avec ses choix, dont les pas la menèrent jusqu'à la porte du fond à laquelle elle frappa en appelant par son nom l'occupant de la chambre. Il y eut un bref silence, alors que sur son lit le Mercenaire s'était redressé en entendant une voix par trop familière. Est-ce qu'il avait rêvé ? Est-ce qu'il en était rendu à ce point de tellement penser à la chass... à la Milicienne, qu'à présent il croyait même entendre sa voix ? Il était en train de se dire que son cas était désespéré quand il vit s'entrouvrir la porte de sa chambre et se faufiler à l'intérieur une silhouette menue, mais vive. Ah non, il n'avait pas rêvé...

- ...

S'asseyant sur le bord du lit, sommaire mais confortable, il appuya ses avant-bras sur ses genoux et tourna la tête vers elle, la scrutant sans mot dire et lui laissant tout loisir de parler si elle le désirait. Son regard, qu'il aurait lui-même imaginé froid et détaché en pareille circonstance, tel qu'un homme voulant se montrer ferme aurait du le montrer, était chargé de reproches silencieux qui s'étranglaient dans sa gorge et refusaient de sortir, tout du moins jusqu'à-ce que les derniers mots de la jeune femme n'arrivent à ses oreilles. Sa mâchoire se crispa, ses muscles se tendirent sous la tunique de lin qu'il portait, mais il ne bougea pas de sa place, trop crispé pour se faire.

- Qu'est-ce qui te fait croire que je ne le sais pas ?

Son regard se chargea de colère et d'indignation, sa voix était devenue rauque sous l'afflux des émotions qui le transperçaient, mais il ne bougeait toujours pas du lit, boule de nerfs qui faisait son possible pour ne pas lâcher prise. Le Mercenaire avait l'impression qu'il allait exploser, tout ça le rendait dingue et il n'arrivait plus à le supporter.

- J'ai pas le droit d'avoir peur pour toi peut-être ? On dirait que tu ne comprends pas ce que c'est que de devoir te laisser aller crapahuter dehors au milieu des Fangeux et des Bannis, à compter les jours en se demandant quand est-ce que tu reviendras et dans quel état.

Ses mains étaient serrées l'une dans l'autre et les jointures étaient blanches, la voix de Finn tremblait de rage et il préféra fixer le sol entre ses pieds, baissant la tête comme pour essayer de se replier sur lui-même, de contenir tout ce qu'il avait accumulé depuis plusieurs mois.

- Comment veux-tu que j'aille bien quand celle que j'aime me cache la moindre de ses activités... Quand elle sait que je suis comme un con à l'attendre ici, dans la cité, à chacun de mes jours de repos, en espérant la voir reparaitre saine et sauve, alors qu'en fait elle est déjà revenue et qu'elle se cache de moi comme on le ferait d'un importun.

Une lourde inspiration fit se lever et s'abaisser les épaules de l'homme d'arme, un tremblement le secoua, mais seule sa tête se redressa alors qu'il lançait un regard noir à Ilhanne, un regard chargé de reproches et d'accusations.

- Ignores-tu donc que je pourrais braver l'impossible pour toi ? Même la Fange et même les Dieux... Je n'ai jamais éprouvé cela pour personne et toi...

Sa voix manqua se briser, il déglutit et se racla la gorge, secoua la tête et reprit, l'air abattu.

- Tu me tortures. Tu te joues de moi... mais je ne supporte plus d'être un chien qui attends après son maitre. Je ne supporte plus de perdre le sommeil, à me demander si les Trois t'épargneront et si tu rentreras, à prier chaque fois je trouve ta porte fermée que rien ne te sois arrivé.

Ce qui venant d'un homme risquant sa vie chaque jour pour son travail n'était guère mieux, mais le jeune Mercenaire songeait toujours qu'au moins il essayait de venir donner des nouvelles et la vieille voisine des Barrowner pouvait témoigner de ses passages réguliers, chaque semaine, à essayer de voir si quelqu'un était présent. Il en allait de même pour Margaux qui avait pu voir passer sa silhouette dans la rue plus d'une fois, mais malgré cela Finn avait petit à petit commencé à dépérir moralement et ce qui arrivait ce jour n'était que le résultat de plusieurs mois d'angoisses et de frustrations accumulées, couplé à un sentiment de rejet des plus poignants. Ilhanne, malgré tout, était encore la seule qui puisse faire quoi que ce soit avant l'irréparable.

Tiraillée, déchirée entre la culpabilité et la colère de le voir me mettre tout sur le dos, seule coupable de cette situation de merde.
Et lui qui était en colère, une colère noire, qui voyait pas plus loin que son nombril. Je savais pourquoi tout ça, je savais pourquoi de mon côté. J’avais aucune foutue idée du sien. Mais là de suite ce que je voyais c’était qu’il était mal placé pour me faire la leçon sur le travail que j’avais choisi.
Le sien, il était peut-être même pire que le mien, plus ingrat.

« Par ce que je vois dans tes yeux cette foutue inquiétude. On ne craint à ce point que pour ceux qu’on sait incapable Finn. »

J’avais peur pour Val, j’avais peur pour Finn, mais j’avais pas peur au point de vouloir s’en prendre à ceux qui avaient osé les toucher. J’avais surtout peur plus les revoir ni l’un ni l’autre, de pas avoir tout dit, tout fait.

« Je voulais pas te dire pour la milice pour pas te voir me prendre malgré toi pour une pauvre petite chose fragile. C’est pas parce que tu dis que t’as confiance que dans ta tête c’est pas différent. Je les vois tous les jours ceux qui veulent le briser me faire tomber, abandonner. Et j’ai pas besoin de te voir toi furieux de ça, furieux au point de vouloir leur faire payer, au point de m’obliger à tout te dire. »

C’était exactement ce qu’il avait fait. Pas dupe au point de pas penser que ça aurait été autrement si j’avais pas attendu. Je restais persuadé que ça aurait juste été moins prononcé, moins violent d’un coup que ça aurait et plus sourd, plus retenu.

« Puis … puis tu crois que c’est bien de se sentir coupable, que ça me torde les tripes de te faire ressentir ça. Tu crois que te voir te faire du mouron ça me fait pas douter, ça me fait pas penser .! Ça me fait pas mal ?! »

Douter moi, simplement, douter que j’en sois capable. Douter de lui, enfin de nous, je savais même pas si on pouvait parler de nous, je pensais pas là vraiment. Pourtant … Non fallait pas que j’y pense pas maintenant, ça rendrait tout trop compliqué.

« Une fois, je me suis retrouvé dans la merde et je remercie les Dieux que tu es été là ! Mais j’ai été dans la merde à un autre moment et j’en suis ressortie vivante merde ! »

Je pouvais plus m’arrêter, pourtant je le voulais vraiment là.

« Tu veux tout savoir, même ce qui te fera mal ?! Tu sais au Labret là justement, je vais t’apprendre que quelques semaines avant, je pouvais même plus marcher trois pas. Pour la putain de raison qu’un connard de fou m’avait pété le pied entre autres joyeuseté dans sa connasse de cabane au fond des marais. Je me suis traînée dans la boue, j’ai cru que j’allais me faire bouffer, mais j’ai survécu. Grâce à une chance de cocue et tout ce que je savais sur ses saloperies de marécage de merde ! »

Ça puait, ça puait sévère.
Pourquoi je pouvais pas arrêter. Ilhanne bordel fallait la boucler avant de faire un truc qui fallait pas !
Mais non, je pouvais pas, j’étais parti enragé à mon tour.

« Mais va-y fait moi passé moi la seule responsable de ton malheur. Moi la méchante qui voulait pas te voir, qui te faisait poiroté sadiquement alors que j’étais en ville sans que tu le saches … Sans que tu le saches … Je te rappelle qu’on est rentré ensemble du labret, dans ce putain de convois ! OU je me suis retrouvée avec deux entailles bien profondes dans les côtes. Tu crois que ça, ça c’est guéri pour seul ?! Tu crois vraiment que j’étais reparti à Traquemont comme ça ?!
Tu crois qu’j’veux mourir ?!

Tu veux voir ?! Regarde ! »

Par les Dieux, je pouvais plus, J’en prenais intensivement tous les jours dans la tête depuis trois semaines, et bien avant par le simple fait de pas être un homme et lui, il essayait de me faire plier comme si j’avais été seule dans ce merdier.

Je maîtrisais plus grand-chose. J’avais enlevé ma veste et ma chemise pour que ses yeux examinent d’eux même que je j’avais envie de montrer à personne.

« J’veux bien admettre que j’ai merdé, pas qu’une fois, mais j’veux pas t’laisser me faire croire que je suis la seule. »

Je le croyais déjà … un peu, mais j’essayais de pas laisser tout remonter.

« Si c’est ce que tu veux. Si tu veux seulement que je m’excuse que je m’aplatisse et implorant ton pardon. Fout moi dehors. »

Ils étaient à bout, l'un comme l'autre, à bout de nerfs pour différentes raisons et, il fallait bien le dire, il était grand temps de crever l'abcès. C'est ainsi qu'après que Finn ait seulement commencé à lâcher son trop-plein, ce fut Ilhanne qui prit le relais et déversa la totalité de ce qu'elle avait sur le cœur, révélant au passage tout ce qu'elle avait pu lui cacher concernant son kidnapping au Labret et permettant ainsi au Mercenaire de réaliser qu'elle lui avait menti à l'époque également. Cela fit mal, assurément, à voir la façon dont les traits de l'homme d'arme se tordirent, au fait qu'il s'était levé, poings serrés, mâchoire crispée, regard furieux qui pourtant ne semblait même pas dirigé contre la Milicienne désormais. Il écouta sans l'interrompre, la regarda lever son vêtement pour lui montrer ses marques, ferma les paupières l'espace d'une seconde pour encaisser le coup, puis les rouvrit pour mieux la fixer.

« J’veux bien admettre que j’ai merdé, pas qu’une fois, mais j’veux pas t’laisser me faire croire que je suis la seule. »

- Mais BORDEL c'est TOI qui ne voulait pas que je reste ! Tu ne veux JAMAIS que je m'occupe de toi ! Comme si ça te foutait la trouille que je m'attache !

« Si c’est ce que tu veux. Si tu veux seulement que je m’excuse que je m’aplatisse et implorant ton pardon. Fout moi dehors. »

- Tu sais ce que je veux ?!

Et il la saisit par les bras, la plaquant contre lui pour l'embrasser avec force, ses lèvres écrasant les siennes avant qu'il ne la relâche pour mieux l'entourer de ses bras, passant une main dans ses cheveux et l'autre dans son dos, la gardant contre lui pour la retenir encore un peu.

- J'veux pas que tu meures, voilà ce que je veux ! J'ai peur de te perdre !

Et un sanglot éclata, un misérable sanglot qui s'étrangla à demi dans sa gorge avant que Finn ne prenne une grande inspiration, la serrant un peu plus contre lui.

- J'veux pas que tu meures, mais je refuse que tu ais peur de me dire les choses à cause de ça. C'est parce que tu me dis jamais rien que j'ai aussi peur. Ne pas savoir pour moi c'est pire que tout !

Il s'écarta, le souffle court et la gorge serrée, la fixant d'un regard à la fois déterminé et sec malgré l'émotion qui le tenaillait. Le Mercenaire avait bien des défauts, mais il savait aussi plus ou moins mettre des mots sur son ressenti et le moment était idéal pour ça.

- Je ne pèterais pas les plombs si tu me parles de ce que tu fais, mais j'aurais peur en permanence si au contraire tu ne me dis jamais rien. C'est ça qui m'rend dingue, que tu ais peur d'être proche de moi, de former un... un nous. Je ne vais pas aller tabasser le premier supérieur qui te sanctionne dans ton travail, je n'ai pas à intervenir, tout comme c'est à toi de t'imposer là-bas, mais pour le reste, même si tu peux t'en sortir seule, je voudrais que tu m'en parles.

Il eut un pâle sourire qui ne monta même pas jusqu'à ses yeux clairs, se passant une main dans les cheveux avant de se laisser retomber assis sur le bord du lit, soupirant fortement avec l'adrénaline qui refluait déjà, vile lâcheuse.

- Me garde juste pas à l'écart, parce qu'au final à part le Capitaine et quelques rares amis, y'a vraiment que toi que j'écouterais si tu me disais de faire ou de ne pas faire quelque chose. Parce que j'ai confiance, même si tu l'crois pas.

Et il la fixa, tête levée dans sa direction, attendant de voir ce qu'elle en pensait, ce qu'elle allait en dire, mais surtout ce qu'elle allait décider de la suite. Lui n'avait qu'une envie, qu'ils continuent sur de meilleures bases, que la confiance s'installe pour de bon, qu'elle lui parle en détails de ses journées et lui des siennes, qu'ils soient plus proches et moins sur la défensive.

Bien sûr que ça me foutait la trouille !
Ça me foutait la trouille, pas autant qu’un fangeux qui me fonçait dessus, fallait pas abuser, mais ça me terrifiait comme peu de choses. J’avais tellement les chocottes de pas en être digne, de pas être à la hauteur des attentes de tout le monde que ça me foutait les jetons forcément.

Le voir se lever d’un coup ça m’avait pas rassuré, le voir s’approcher non plus. Je … je voulais pas que ça fasse comme la veille, je voulais pas me retrouver impuissante entre ses mains. Mais j’étais déjà contre le mur je pouvais pas reculer plus loin. Ses lèvres, son étreinte ça avait rien de doux.

Je comprenais plus rien, je sentais juste sa respiration irrégulière, sa présence, ses mots, mais je savais pas trop en quoi en faire de suite. Je me sentais coupable, un crève-cœur, énervée, décontenancée. Même après je savais pas trop, je savais pas ce qui était juste, ce qui était faux, qui était objectif qui l’était pas.

Un nous, comme un nous ? Un nous comme un lui et moi ? Un nous comme un ensemble ?

Aucune idée de ce qu’il voulait par-là, trop peur pour le demander.
Le voir comme ça, ça me laissait pas de marbre loin de là. Surtout quand c’était ma faute. Je me sentais tremblé lâcher alors qu’il s’était rassis sur son lit.

J’étais tellement, tellement…

« Désolée… »

M’asseyant sur lui, un genou de chaque côté pour passer mes bras autour de son cou et le serrer, fort, le serrer à n’en plus pouvoir. Sa chaleur avait quelque chose de rassurant et la tentions que je sentais de si terrifiant. Son odeur, la texture de sa peau … ça m’avait manqué.

« J’ai pas la trouille que tu t’attaches, j’ai la trouille que tu te détaches, parce que je suis pas assez bien… »

Lovée dans le creux de son cou, je me sentais parfaitement complètement vulnérable. Je sentais mes yeux de mouiller. Le serrant un peu plus fort si je pouvais encore comme par peur qu’il m’écarte d’un coup. Je sentais que si j’étais rejeté maintenant, ça casserait quelque chose.

« Je sais pas … je sais juste pas ce que t’attend. Je sais pas ce que tu veux, j’en ai aucune idée parce que moi j’en ai aucune idée … de ce que je veux… »

Je faisais juste avec les impressions ses dires, ce que je sentais quand il avait été avec moi, quand il m’avait parler, la manière dont il s’était conduit. Mais j’étais pas dans sa tête. Mon cœur battait à plus savoir comment faire, j’avais jamais été aussi honnête même avec Val, même avec Margaux.
Avec personne.

Il s'était rassis, prêt à accepter il ne savait trop quoi, mais elle s'était approché, s'était assise à son tour et l'avait enlacé, l'entourant de sa chaleur, de son odeur, de tout ce qui la faisait, elle, qui lui faisait l'aimer à chaque instant. Sa présence fut comme un baume sur ses meurtrissures et il soupira doucement, tandis que ses muscles se décontractaient et que la tension retombait enfin, un peu pour commencer, le soulageant de toutes ces crispations précédentes. Et sa voix résonna près de son oreille, dans le creux de son cou, en même temps que son souffle sur sa peau.

« J’ai pas la trouille que tu t’attaches, j’ai la trouille que tu te détaches, parce que je suis pas assez bien… »

Il déglutit malgré lui, puis sourit nerveusement, avec un peu de chagrin qui restait dans le fond de sa voix.

- Pas assez bien... comment pourrais-tu ne pas être assez bien ? Tu es tout ce que j'aime, une femme avec son caractère et qui manie l'arc mieux que nombre d'hommes, une femme qui peut aussi être si douce avec moi, quand on est que tous les deux...

Il sentit les yeux d'Ihlanne s'imprégner de larmes contre sa peau, la sentit resserrer son étreinte et, finalement, passa ses bras dans le dos de la jeune femme pour la tenir de nouveau contre lui, pressant suffisamment pour qu'elle sente qu'il n'avait pas envie de la lâcher, pas envie qu'elle s'éloigne, pas même un peu. S'ils avaient pu se fondre l'un dans l'autre à cet instant, c'est probablement ce qu'ils auraient fait et cette pensée, singulière et puissante, chassa la fin de ses doutes en même temps que les mots qu'il entendit de la part de celle qui faisait battre son cœur.

« Je sais pas … je sais juste pas ce que t’attend. Je sais pas ce que tu veux, j’en ai aucune idée parce que moi j’en ai aucune idée … de ce que je veux… »

- Ce que j'attends, c'est... c'est vrai que jusqu'à présent je n'ai pas voulu t'imposer quoi que ce soit, peut-être que j'aurais du au moins te le dire, mais j'avais peur que tu t'enfuies si je te faisais des déclarations trop tôt. Je ne voulais pas que tu me trouves ridicule avec mes idées folles, mais...

Il relâcha sa prise à contrecoeur, portant ses mains au visage de la Milicienne qu'il scruta d'abord en silence, un sourire tendre étirant progressivement ses lèvres. Il vint déposer un baiser sur son front, un autre sur son nez -avec l'espoir de lui arracher un sourire à son tour- puis vint l'embrasser longuement, non pas sans passion, mais avec cette retenue dont il pouvait faire preuve parfois malgré tout ce dont il pouvait avoir envie. Et une fois le baiser rompu, alors qu'il la fixait de ses yeux clairs, il se rappela sa discussion avec Margaux et, finalement, sourit un peu plus à Ilhanne.

- Tu veux m'épouser ?

Il eut une seconde de flottement, dans son esprit des pensées fusèrent à la vitesse de l'éclair, mais au lieu de les laisser sortir, il les retranscrit à sa façon, avec une certaine nervosité qui le fit sourire malgré lui comme un grand imbécile.

- Enfin un de ces jours, quand tu seras décidée, je ne veux pas que tu te dises que ça va se faire demain si tu me dis oui maintenant. Et si ça te dit de devoir supporter un type comme moi qu'est pas forcément le plus intelligent ni le plus doué pour décrypter tes silences ni... enfin si tu es d'accord quoi.

Et l'oscar du roi des maladroits, après celui du roi du mauvais sens de l'orientation, revient à... Finn Gallagher !

Toute la tension, toute la peur viscérale qui s’était accumulée ces derniers jours, ses derniers mois était partie d’un coup, d’un seul, quand j’avais senti ses amis glisser dans mon dos, ses bras m’enserrer. C’était tout ce que je voulais là toute de suite.
J’en avais lâché un léger grognement mécontent lorsqu’il avait rompu l’étreinte. Ses baisés m’avait arraché un sourire avant de m’emporter juste un peu.

« … »

Ne pas le regarder avec un air de mérou pas frais… Ne pas le regarder avec un air de mérou pas frais !
C’était raté. J’avais rien entendu ? J’avais réellement entendu ses mots sortir de sa bouche ?

« Euh … tu v… »

C’était vraiment à moi qu’il venait demander ça ? Ça me semblait tellement pas crédible que j’y croyais pas vraiment. Je savais pas j’en savais rien. Complètement désorientée je le regardais comme s'il venait de m’annoncer quelque chose de complètement fou. À ne pas si bien réfléchir de ça, c’était complètement ce qui venait de se produire.

« Je … euh… »

N’avais aucune idée de ce que je pouvais lui répondre.
D’un côté je sentais cet emballement, cette joie qui faisait qu’il était difficile de réprimer un sourire. Ma vie sans lui c’était ma vie d’avant, morne, monotone, mais quand il était là tout semblait moins pire moins infaisable, même si parfois il m’avait plongé dans l’effet complètement inverse. De l’autre côté l’instinct me rappelait sournoisement que les seuls exemples de mariage que j’avais connu avaient été des échecs monstrueux, ou la femme avait fini par devenir un petit tout bien docile à son mari.

« T’es sérieux ?! … Bien sûr que t’es sérieux… t’es toujours sérieux. »

Il était forcément sérieux, il pouvait pas être sérieux après ça. Puis Finn était sérieux de toute manière. Je savais pas.
Oui ? Non ?

« Mais … mais … ça …’fin … C’est tout… Puis … euh … Une foi seulement … et … merde … Val… tu … ‘fin. »

Je savais même plus en parler correctement. Combien de temps ? Quelques mois en pointillés très larges. Puis il n’y avait eu que le labret comme… Et il avait peut-être rencontré Margaux, mais certainement pas Valériane. Val … Oh les Dieux Val … qu’est-ce qu'elle dirait Val de la milice de Finn et tout ça ? Une question existentielle à la fois.

« Et toi t’es prêt à … »

Dur de pas comprendre que j’en revenais pas. Je cherchais presque un peu désespérément une trace de blague, de face sur son visage. Mais à part de l’anxiété, il y avait rien, rien de rien.

« T’es complètement fou … complètement »

Et ça me rendrait complètement folle.
Un sourire en coin je penchant pour caresser timidement ses lèvres avec les miennes, j’avais été hésitante, puis c’était devenu un réel baiser, doux, épris, passionné. J’avais cette impression de vouloir passer ma vie à sentir sa présence à côté de moi. La sienne et pas celle de quelqu’un d'autre.

« Finn … je … je t’aime »

J’avais murmuré mes mots, anxieuse. C’était pas tout à fait la réponse à sa question.

Évidemment qu'il allait la surprendre, évidemment qu'elle allait en être sur le cul et évidemment qu'elle allait bredouiller, surprise et confuse à la fois, mais à ce point-là... n'eut été la gravité avec laquelle il s'était déclaré, Finn aurait probablement éclaté de rire de bon cœur, rien qu'à la façon dont Ilhanne hachura ses phrases à un point tel que s'en était quasiment incompréhensible. Incompréhensible, sauf pour celui qui avait le mode d'emploi de son dialecte depuis quelques mois déjà et qui s'évertuait à la décrypter au mieux depuis le premier jour où ils s'était rencontrés. Oui il n'avait pas encore rencontré la sœur ainée de sa bien-aimée, oui il était parfaitement sérieux et oui, il ne désirait que cela, passer sa vie à ses côtés. Il était prêt à tout, il le lui avait dit l'instant d'avant et la jeune femme finit par l'embrasser, doucement d'abord, puis avec davantage de passion, lui murmurant ces mots qu'ils ne s'étaient dit qu'une seule fois jusqu'à aujourd'hui. Ses bras l'enserrèrent de nouveau, la ramenant contre lui alors qu'il la fixait de ses yeux clairs.

- Et je t'aime aussi, Ilhanne... mais tu n'as pas répondu à ma question.

Un sourire en coin, irrépressible et chargé d'amusement, apparu sur ses lèvres alors qu'il retenait un rire, se sentant de nouveau complètement lui-même et non plus tourmenté comme il l'avait été ces dernières semaines.

- Peu importe ce qui nous attends, j'aimerais qu'on s'unisse devant les Trois.

Le Mercenaire vint embrasser son front, son nez, puis s'arrêta avant de toucher à ses lèvres, un sourire canaille revenant à la charge.

- Alors, miss Barrowner, est-ce que vous voulez bien d'un imbécile comme époux ?

Il la tenait toujours entre ses bras, guettant sa réponse définitive avec un léger sourire que son regard, nerveux, ne pouvait tout à fait occulter. L'instant de vérité était arrivé, la vie suivrait son cours ensuite, quoi qu'il advienne.

La petite voix amère ne s’était pas envolée, elle était toujours là, toujours a ressassé que ça ne durerait pas, qu’il était comme les autres au fond, que je devais me rappeler de mon beau-frère, celui qui avait voulu me virer de ma propre maison … Mais je l’entendais presque plus, elle était loin, alors que les bras de Finn étaient proches rassurants, que son sourire en faisait que me donner envie de rendre le mien plus grand, plus franc.

Mais c’était qu’il se moquait le vile !

« j'te l'dis jamais, t’pourrais apprécier. »

Que je m’étais indignée en tirant trois poils de son bouc. Ouvertement amusé. Une vie comme ça je signais tout de suite. Je signais sans conditions.

« Si vous voulez bien faire d’une idiote Madame Gallagher … oui … Complètement oui. »

J’avais posé mon front sur le sien alors, passant une main dans sa nuque, puis dans ses cheveux. J’avais l’impression d’avoir fait le choix le plus important de ma vie, comme ça sur un coup de tête, comme ça sur ce que me disait mon envie, mes tripes.