L'alcool et l'absence ne font jamais bon ménage [PV Ilhanne] [Terminé]

« Cet endroit ça s'rait pas la compagnie ? … par un hasard complètement hasardeux ? »

Parce que c’était là que se trouvaient toutes ses affaires, donc forcément, s'il voulait faire le fier avec son épée, il fallait forcément y retourner. Je savais pas trop si j’avais envie d’y aller, si c’était pour me faire scruter comme une bête curieuse et passer à l’interrogatoire, autant passer ma journée à la caserne, même si, au moins, là-bas, j’aurais moins brimades gratuites. ‘Fin là-bas, pas à la caserne évidemment.

De toute façon il faudrait bien que ça arrive un jour, maintenant, demain, dans une semaine, dans un mois, pas sûr que ça changerait quelque chose à cette sale anxiété qui me tenait quand il voulait que je reste, que je parle aux autres membres de sa compagnie. J’avais la trouille de ce que je connaissais pas comme plein de gens, mais je n'avais d’habitude pas vraiment la trouille des gens, surtout a priori des gens qui me voulaient pas de mal. Même si j’avais pas vraiment oublié la méfiance de cette la blonde à mon égard. J’avais surtout pas oublié la blonde tout court.

« Ici, sinon on va passer la matinée à errer dehors. »

Avec une telle journée, dur de résister. C’était pas que je n'avais pas envie de m’entraîner, seulement ça faisait quelques semaines que j’y avais le droit sans relâche. Dur de se convaincre quand le temps était favorable à autre chose. À flâner. Ça faisait combien de temps ?

À peine on avait posé les pieds dans la salle que la serveuse s’était approché. Reflexe qu’elle avait toutes, et que j’avais eu un temps, maintenant ils étaient remplacés par d’autres.

« Bien le bonjour Monsieur … Madame. »

Moui, Madame, pas tout à fait. Faudrait que je m’y fasse peut-être un jour. J’avais le temps…
Elle avait un sourire charmant, comme elles en avaient toute, surtout Margaux. D’ailleurs, elle lui ressemblait un peu, ‘fin, elle était brune, ça s’arrêtait un peu à ça, même si y avait un petit quelque chose.

« C’est pas très galant de la laisser porter votre arc. »

Tenta-t-elle, pour plaisanter alors qu’elle montrait une table de la main. J’avoue que j’avais pas pu m’empêcher de rire. Les mentalités avaient la peau dure, même chez les femmes.

« C’est le mien. »

J’étais pas dédaigneuse, ou agacée, je l’informais seulement que c’était mon arc et celui d’aucun autre. J’avais assez trimé pour l’avoir et savoir m’en servir. Mais, ça avait un peu eu l'air de la lui couper.

Finn n'avait pas pu s'empêcher d'afficher un large sourire imbécile, de celui qu'il avait quand il savait avoir dit ou fait une connerie sans gravité et qu'il l'assumait parfaitement. Le hasard hasardeux ? Avec un homme comme lui ? Bon, il est vrai qu'il improvisait sur bien des choses et se fiait un peu trop à son instinct -ainsi qu'à son mauvais sens de l'orientation parfois- mais en l'occurrence il savait fort bien qu'il n'existait pas des dizaines d'endroit où s'entrainer en étant parfaitement au calme, de telle façon qu'il savait qu'en affirmant connaitre un lieu adéquat, Ilhanne allait forcément penser à la Compagnie, qui était effectivement ce à quoi il songeait lui-même. Tout cela au final l'avait fait rire un peu avant que sa belle ne choisisse de manger sur place pour éviter qu'ils ne perdent du temps à errer toute la matinée. Bien que cela aurait été une activité qui ne lui aurait pas déplu, il préférait s'occuper utilement ces derniers temps et approuva ainsi son choix, descendant avec elle jusqu'à la salle où une serveuse vint les cueillir sitôt qu'ils apparurent en bas de l'escalier. Il y eut d'abord le "Madame" qui ne manqua pas de faire sourire le Mercenaire, avec une certaine fierté il fallait le reconnaitre, cependant lorsque la remarque fut faite à propos de l'arc et que la rousse affirma qu'il s'agissait du sien, cette fois Finn ne pu s'empêcher d'éclater de rire -au risque de vexer la pauvre serveuse- lançant un regard amusé à cette dernière avec un large sourire.

- Elle manie mieux l'arc que moi, je ne voudrais pas être la cible de sa colère, je vous le dis.

Et il s'en amusait ce grand con, jetant à la Milicienne un regard qui semblait dire "ne me tue pas tout de suite s'il te plait", puis reportant son attention sur la brune qui semblait pour le moins hésiter quant à la conduite à tenir désormais.

- Nous ne nous séparons jamais de nos armes, mais rassurez-vous nous sommes ici pour manger, rien de plus.

Et il se retint de formuler que le "plus" avait déjà été consommé durant la nuit, cela aurait été déplacé pour celle qui prenait place avec lui à la table que la serveuse leur indiquait, leur demandant ce qu'ils désiraient manger. Ah, voilà bien une question à laquelle il fallait trouver une bonne réponse.

- Hmm je dirais une miche de pain, un demi broc de lait et est-ce que vous servez de la viande ou faut-il choisir autre chose ?

De bon matin, Finn semblait avoir un gros appétit et son estomac lui-même était dans l'attente, recommençant à grogner en sourdine rien qu'à la pensée d'une bonne viande bien juteuse. Ah ça, ne disait-on pas que le petit-déjeuner était le repas le plus important de la journée ?

« Oh … je … pardon. »

Fut la seule réponse de la serveuse qui avait l’air de se sentir un peu bête. Pour sa défense s’était pas vraiment encore vraiment courant un individu féminin qui s’affichait avec une arme comme ça, c’était mal vu encore. La tête qu’ils faisaient quand j’allais à la caserne ou que j’en sortais, ça l’indiquait bien. Une fille ça maniait pas une arme, une fille ça restait à dorloter les chiards et les maris, à la rigueur, ça les soignait, puis plus honteusement, ça servait à les soulager, à les vider, mais ça pouvait décemment pas prendre une arme et risquer de botter le cul d’un mâle.
Y'avait quelque chose qui m’échappait dans cette manière de pensé, mais que j’avais pas relevé avant. Je comprenais pas pourquoi un tel dédain pour tout ce qui avait un con et une lame entre les mains alors que Rikni n'était pas un homme. C’était une déesse merde … une … pas un.

À noter que peut-être un jour à l’occasion, il faudrait que je pose la question. La réponse, s'ils en avaient une allait pas changer ma vie, ça allait pas empêcher de me faire manger si je faisais n’importe qui, mais au moins ça pourrait faire taire ma foutue curiosité.

Tout ce que j’avais fait pour Finn c’était lui filer un coup de coude dans les côtes avec un sourire complice. Il me rendait folle, sûrement comme je rendais dingue plein de monde, mais de manière possiblement moins agaçante.

« Je vous trouverais bien quelque chose. »

Quelle dit un peu enthousiaste alors qu’elle se sauvait, allant récupérer ce que Finn avait commandé. Au moins, elle était agréable de bon matin, ce qui était pas toujours le cas de Margaux. J’avais une tripoté de souvenir ou j’avais évité de justesse un gobelet ou une brosse pour l’avoir contrarié à une heure un peu trop matinale.

« Finn… Je t’avoue que j’le sens moyennement. J’pas très envie d’me r’trouver au milieu d’gens qui … ‘fin qui risque de poser plein d’questions … »

Pas que j’étais pas à l’aise avec les gens c’était pas ça, ‘fin pas vraiment, mais que j’avais pas bien envie d’étaler ma vie à tout le monde. Ma vie, c’était ma vie, puis elle regardait un peu que moi et quelques personnes, comme Val, Finn ou Margaux.

J’avais pas la prétention de le faire changer d’avis, pas vraiment, juste que j’espérais me faire moins jeter au milieu la fausse.

La serveuse était revenue avec le pain, le lait et dans une gamelle des morceaux de viande cuits. Il y en avait pas beaucoup, mais au moins elle en avait trouvé. Personnellement, j’allais pas y toucher. Ça rendait trop lourd dès le matin, puis j’allais pas nécessiter tant d’énergie que si j’allais patauger dans les marais. Du coup j’avais attrapé un morceau de pain pour le mâchouiller un peu pensive.

Il avait reçu un coup de coude dans les côtes, sans grande méchanceté, cependant il ne pouvait pas s'empêcher de s'amuser de ce genre de situation, bien qu'il comprenne parfaitement que ce n'était pas chose courante et, pour la plupart des gens y compris les femmes lambda, que ce n'était normal non plus... et pourtant. Ilhanne était redoutable avec un arc et même sans d'ailleurs, elle était tout à fait capable de se battre et de tenir tête à un homme, même si l'écart des forces ou d'expérience pouvait être fatal, elle n'en demeurait pas moins une personne admirable aux yeux du Mercenaire qui ne l'aimait que plus encore pour tout ça. La serveuse de son côté semblait gênée, mais entreprit d'aller voir si elle pouvait lui trouver de la viande comme il en demandait et l'espoir fut donc permis pour l'affamé de voir ses aspirations d'un solide petit-déjeuner être réalisées. La conversation reprit entre les deux amoureux, sur un fond un peu plus sérieux concernant l'entrainement et les hésitations, légitimes, qui étaient celles de la Milicienne. Le jeune homme l'écouta sans l'interrompre, puis lui sourit gentiment, acquiesçant légèrement.

- Je comprends oui, mais j'ai vraiment envie de te montrer ma nouvelle arme et je ne pourrais pas la manier dans les rues de la cité, je vais affoler les badauds. Et puis il faut que je te présente mon amie Oriane, c'est une brave femme et vous vous entendrez sûrement très bien. Les autres seront peu présents à la Compagnie, aujourd'hui c'est quartier libre et chacun va vaquer à ses occupations.

Même s'il y aurait forcément quelques-uns d'entre eux qui passeront par là, c'était avant tout leur lieu de vie principal, leur foyer, la plupart n'en ayant plus d'autre depuis belle lurette pour diverses raisons, que ce soit parce que la Fange leur avait tout prit que parce qu'ils avaient embrassés la carrière de Mercenaire avant même l'arrivée de celle-ci. Ce fut ce moment que la serveuse choisit pour revenir avec leur commande, au grand ravissement de Finn qui constata que le lait et la viande étaient présents.

- Aaaahhh parfait ! Merci bien !

Il offrit un large sourire à la jeune femme, puis reporta son attention sur le copieux petit-déjeuner, buvant une grande rasade de lait, le descendant de moitié avant de soupirer de contentement, commençant à manger la viande avec son propre morceau de pain, comme on le ferait d'un véritable repas. Avisant Ilhanne qui picorait à peine, il poussa doucement sa gamelle vers elle, lui souriant légèrement.

- T'es sûre que tu n'en veux pas ? Un peu de viande te donnerait de la force pour toute la journée, surtout si on doit s'entrainer.

C'est qu'il avait visiblement en tête de ne pas se reposer beaucoup, même si en vérité il espérait bien la convaincre de l'accompagner aux thermes après leur entrainement. Pour sa part il considérait comme véridique le dicton qui affirmait que pour bien nourrir un homme, il fallait lui donner de quoi manger plusieurs fois par jour, dévorant ainsi avec bon appétit ce petit-déjeuner qui lui permettait de remplir son capital santé. Depuis qu'il avait intégré la Compagnie des Lames, il n'avait eu de cesse de s'entrainer comme un forcené, suivant les enseignements du Capitaine et de ses ainés, sculptant son corps afin de pouvoir être capable de manier la Claymore qu'il avait finalement pu s'offrir après plusieurs missions fructueuses. L'idée de pouvoir enfin en faire la démonstration à sa bien-aimée avait le don de le mettre d'excellente humeur.

- Je ne crois pas que tu ais jamais rencontré le Capitaine, non pas ? C'est un homme exceptionnel, mais je me demande parfois s'il n'aurait pas besoin d'une femme à ses côtés. Il a toujours l'air seul quand il nous commande... enfin je suppose que tous les hommes de pouvoir le sont, les responsabilités, ce genre de choses.

Énonça-t-il, songeur, entre deux bouchées de viande et deux gorgées de lait, se demandant si cet homme qu'il prenait en exemple était heureux. Lui l'était, assurément, il lui suffisait de poser le regard sur la Milicienne pour se sentir le plus heureux des hommes, mais de ce fait il espérait voir autour de lui les gens aussi chanceux qu'il l'était.

Un homme qui partageait sa nourriture, vraiment ? Je risquais pas d’y perdre un doigt si je prenais un bout ?

Méfiante j’avais attrapé un morceau dans la gamelle. La viande au petit matin c'était un peu dur pour l’estomac mais si je voulais pas tomber dans la journée j’avais rien de mieux sous la main. C’était un peu caoutchouteux et un peu fort, mais ça avait le mérite d’être plus mangeable que la plupart des choses qui se faisaient appeler viande dans la ville. Ça donnait presque envie d’aller chasser dans ses moments de libre pour arrondir les fins de mois. Fin avant il fallait que j’arrive à manier cet arc comme celui d’avant, comme ça faisait plus dix ans.

Déjà plus de dix ans, parfois j’avais encore l’impression que c'était l’année dernière que Val m’avait amené dans cette bicoque de ce type pour me mettre une arme entre les mains, m’expliquer que c’était pour ma sécurité. J’avais pas compris…

« Oriane … c’est la blonde l’hier ? Cheveu court, revêche … »

Jolie… C’était pas le moment de penser à ça, c’était pas du tout le moment. Pourtant, je le revoyais bien la blonde, celle croisée dans le couloir, celle qui avait failli me menacer si je lui avais pas eu l’heureuse idée de lui donner mon patronyme.

« Euh … non je crois pas. ‘Fin je pense pas avoir rencontrer qui que ce soit qui se fasse appeler Capitaine. C’est pas comme si hier ça avait pas été la première fois que j’m’étais aventuré près du fief d’la compagnie … »

Un sourire désolé aux lèvres j’avais attrapé un autre morceau de pain. Il était vrai que j’avais jamais osé m’en approcher. J’avais eu envie quelquefois, envie d’aller me planter devant Finn tout lui dire, pour la milice et pour le reste. Puis quelque chose avait eu raison de moi de mes élans honnêtes. La trouille bêtement la trouille, la lâcheté.

« Tout le monde a pas besoin de quelqu’un … puis encore moins d’une femme … sauf peut-être pour tenir une maison et s’occuper des moutards… »

Voilà pourquoi j’avais pas compris quand j’avais même pas dix ans et qu’on m’avait mis quelque chose d’interdis pour mon genre dans les mains.
Parce que c’était pour ça qu’on nous élevait. Avec Val et d’autres, on était justes de foutues crétines assez tarées pour oser penser qu’on pouvait faire ce qu’un gars pouvait faire. Mais je pouvais rester sans rien faire, pas rester à vivre une vie dont j’avais pas envie pendant que d'autres essayaient de sauver mes fesses sans que je m’en rende compte.

Qu’est-ce que ça faisait de moi ? Une égoïste ? Une rêveuse ? Une idiote ?

Il l'avait scruté du coin de l’œil tandis qu'il mangeait avec appétit, l'avait vu hésiter, avancer prudemment les doigts comme si elle avait cru qu'il viendrait les lui mordre ou bien lui retirer la gamelle de sous le nez. C'était à la fois étonnant et quelque peu amusant, ils apprenaient encore à se connaitre par bien des aspects et si Ilhanne n'avait pas encore prit l'habitude de le voir tout partager avec elle, cela viendrait progressivement à force d'expérience à son contact. Leur relation, bien que sincère, était encore jeune et ils avaient bien des choses à découvrir l'un de l'autre. Le fait par exemple qu'en parlant d'une blonde à l'air revêche, Finn identifia immédiatement cette légère intonation dans la voix qui lui fit plisser les paupières, non sans qu'il ne conserve son sourire en coin. Oh il se rappelait bien de cette façon de parler, il l'avait déjà entendu plusieurs fois et ne se trompa pas sur les émotions potentielles qui devaient assaillirent sa bien-aimée : elle était sans doute méfiante et un peu jalouse. Pour un peu il en aurait été flatté, s'il n'avait pas craint qu'elle ne s'inquiète de le voir dans les bras d'une autre qu'elle. Ainsi préféra-t-il rire un peu, avec une légèreté toute calculée, secouant la tête en souriant avec un peu plus d'entrain et une sincère bonne humeur. L'on était jaloux que de ce qui importait à nos yeux.

- Ah non non ! La blonde c'est Cywel, une camarade a qui j'ai faillit casser le nez lors du test d'aptitude pour son entrée dans la Compagnie. C'est une brave fille, mais je n'irais pas jusqu'à la qualifier d'amie, elle est parfois un peu trop... enfin je ne suis pas proche à ce point-là d'elle.

Une pirouette pour évier de mettre en lumière un défaut quelconque qui faisait qu'il ne lui accordait pas sa toute confiance, puis le Mercenaire reprit une bouchée de viande avant de tendre la gamelle à la Milicienne, dans laquelle flottait les trois derniers morceaux, bien décidé à ce qu'elle mange une part raisonnable. Buvant une gorgée de lait, il recommença à parler entre deux bouchées de son morceau de pain qui diminuait à vitesse grand V.

- J'étais ami avec Oriane et son mari bien avant la Fange et avant que le pauvre homme ne meurt prématurément en la laissant seule au monde. Je suis sûr que vous vous entendrez bien, c'est une femme avec un fort tempérament qui a su s'imposer dans un métier d'hommes tout comme tu l'as fait.

L'ancien artisan faisait allusion au tout nouveau métier de l'ancienne chasseuse, à qui il souriait avec un mélange de tendresse et de fierté, l'inquiétude n'ayant pas sa place en son esprit à cet instant. Si la rousse avait su se faire une place, aussi difficile et éprouvant que cela puisse être, ce n'était pas lui qui irait remettre cela en cause, loin s'en fallait.

- La Compagnie n'inspire pourtant pas si mal je trouve, surtout depuis qu'on l'a entièrement retapée, mais j'avoue que lorsqu'on croise le Capitaine pour la première fois, ça fait quelque chose... C'est un homme massif, avec l'air renfermé et grave, il me donne toujours l'impression de porter un grand poids sur les épaules, mais il nous dirige d'une main ferme avec une certaine justesse. Un jour je serais digne de tout ce qu'il a fait pour moi, pour nous.

Finn s'interrompit là, ravalant ce qui semblait être un début de grande tirade qui avait le don de vouloir sortir au plus inapproprié des moments. Souriant à Ilhanne en lieu et place de lui déclamer toute l'admiration qu'il avait pour Le Capitaine, préférant revenir sur les derniers mots qu'avait eu la jeune femme et qui lui firent hausser les épaules avec une fausse nonchalance.

- Une femme n'est pas faite que pour avoir des enfants, ma propre mère était une excellente ébéniste et son travail était reconnu de tous. C'est même pour cela que j'ai voulu à la fois apprendre le métier de charpentier de mon père et celui de ma mère en même temps, je ne pouvait me décider à choisir entre les deux.

Son sourire se fit en coin et complice à l'intention de la jeune femme, avant qu'il ne termine son morceau de pain et ne vide le fond de son verre de lait, soupirant d'aise en prenant le temps de savourer ce repas terminé qui allait lui redonner des forces.

- Est-ce que tu auras besoin d'aller chercher quelque chose chez toi avant d'aller à l'entrainement ? Tu veux manger quelque chose d'autre avant de partir ?

Il était pressé de lui montrer son épée longue, mais ne cherchait pas à l'obliger pour autant, tel un gamin trépignant sur place malgré lui en attendant qu'on veuille bien lui donner le top départ d'une course longuement attendue et espérée. Finn avait toujours ce côté un peu léger et joueur, mais cela ne faisait que compenser quelque part cette autre facette de lui-même, celle du Mercenaire qui pouvait tuer sans éprouver le moindre remord comme il l'avait fait à maintes reprises ces derniers mois. Mais heureusement tant qu'il avait une lumière dans sa vie, l'on ne le verrait pas errer sans but et c'était bien ainsi.

Qu’est-ce qu’il avait essayé de pas me dire à propos de cette Cywel ? Est-ce que ça devait m’inquiéter ? M’inquiéter pourquoi au juste ? J’avais aucune idée de ce que ça pouvait bien être ?
Fallait que j’arrête de cogiter, ça rendait fou à force. Tenter de comprendre de trouver et finalement trouver parfois c’était bien pire que rester dans sa douce ignorance. Je le savais pourtant souvent je pouvais pas m’en empêcher, il fallait que je sache, je vois, que j’appréhende mon monde pour essayer de lui donner du sens, un sent donc parfois il manquait complètement, surtout ces derniers temps.

Le voyant pousser la gamelle vers moi, j’avais bien compris qu’il allait pas me laisser partir sans que j’aie fini de contenu. M’engraisser s’était peut-être pas une très bonne solution pour prendre soin de moi comme il avait l’air d’en rêver. En même temps pour trois bouts de viande… Puis c’était vrai que je le sentais, la pénurie s’était ressentie, déjà pas bien épaisse avant c’était pas mieux maintenant, plus sèche, plus plate, plus nerveuse. Vivre comme un homme ça changeait le corps, mais pour l’esprit c’était pas encore ça… Tout comme le fait de s’imposer c’était pas encore ça. Je lui avais juste fait un sourire un peu désabusé, un peu triste aussi pour Oriane. Je partais de loin de très loin, et j’étais pas encore prête de franchir la ligne d’arrivée, de me respecter comme on pouvait en respecter certaines dans le milieu. Possibles que ça soit jamais le cas d’ailleurs, généralement ils remarquaient en bien celle qui faisait pas de vague. Pour le moment, je me tenais à carreau, mais était pas dit que je tienne bien longtemps.
Foutue moi.

L’écoutant s’enflammer pour son chef, je pochais, un peu de pain, puis un peu de viande, un peu de lait, de quoi remplir mon estomac. C’était amusant de le voir vouer une telle admiration à quelqu’un. À quelqu’un qu’il semblait connaître depuis pas si longtemps surtout.
Qu’est-ce qui se passerait si un jour le Capitaine le décevait ?

Peut-être qu’il fallait prier les trois pour que ça arrive jamais.

Finn semblait avoir eu une vie simple, ouverte. À croire que dans un petit village paumé au milieu des marais on aurait peut-être eu plus de chance avec Val. Ma mère à moi je m’en souvenais même plus. Quand j’essayais, je savais plus vraiment si ce que j’entendais, revoyais était vraiment elle, ou une vision déformée d’un souvenir avec ma sœur pour combler l’oubli. Ça m’avait rendu un peu pensive, faisant rouler la mie de mon bout de pain entre mes doigts couverts de petites écorchures plus ou moins cicatrisées.

C’est sa question qui m’avait sortie de ma contemplation à la con. Piégée dans ma propre tête à essayer de voir si je me filoutais moi-même sur le contenu de mes souvenirs ou non.

« Oh… euh, non … j’y retournerais ce soir. »

Ce soir où je pourrais pas échapper à un interrogatoire de la part de Margaux. Parfois je la soupçonnais d’être de mèche avec Valériane. Puis je me rappelais tout ce qu’on avait fait comme connerie à deux qui m’auraient value d’être traînée par la peu des fesses dans ma chambre et enfermée à vie…
Finissant mon morceau et mon verre j’avais laissé quelques pièces, de quoi payer le déjeuner.

« On y va ? »

Que j’avais demandé prenant mon arc.

Finn avait bien remarqué que Ilhanne était songeuse tandis qu'il bavassait comme un gamin qu'on arriverait plus à arrêter, aussi lorsqu'elle sembla émerger de ses pensées en répondant d'une façon un peu hésitante, il ne lui en tint pas rigueur et se contenta de sourire avec une certaine tendresse. Elle était ainsi, encore trop tourmentée pour profiter pleinement de chaque instant et un jour sans doute lui confierait-elle tout de ce qui l'accapara autant, mais en attendant ce jour il se jurait, une fois encore, d'être le plus compréhensif possible au vu de la situation. Lui avait terminé depuis quelques minutes maintenant son repas, il regarda la Milicienne finir sa part et se leva dans le même mouvement qu'elle, hochant la tête à sa question. Oui, il était temps d'y aller, ils avaient bien assez à faire pour ne pas s'attarder dans cette auberge plus que nécessaire. La voyant déposer de l'argent pour payer leur petit-déjeuner, le Mercenaire haussa un sourcil étonné, lui adressant un bref regard avant de capituler. Tête de mule d'indépendante va.

- Oui, on y va.

En même temps, lui avait payé la chambre, alors il pouvait bien lui laisser la satisfaction d'avoir payé leur repas, c'était assez logique d'une certaine façon. Il la laissa ouvrir la marche et salua le tenancier ainsi que la serveuse, quittant les lieux avant de se placer au côté de celle qui avait le don de la faire aimer un peu plus chaque jour qui passait. Direction la Compagnie des lames.

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