Où l'enquête prend une tournure mystico-sexuelle... [PV Astrid & Hector]

Je comptais bien vous raccompagner mademoiselle... Je ne laisserais pas une jeune femme seule, la nuit, dans les rues de Marbrume.

Astrid était soulagée. Elle savait bien, au fond, qu'elle ne devrait pas l'être : elle venait de donner son accord à quelque chose qui pouvait potentiellement lui valoir de nombreux ennuis. Elle avait prévenu Hector que sa vengeance n'était pas forcément ce soir, mais si elle l'était ? Voilà des questions qu'elle aurait mieux fait de considérer sérieusement un peu plus tôt. Mais elle ne dit rien. Elle continua à sourire, et descendit les escalier en compagnie de monsieur de Sombrebois.
Ils rejoignirent de fait l'aubergiste qui rangeait tranquillement la grande salle, et qui les accueillit surtout avec un air surpris. La plupart des clients qui ne comptaient pas dormir là étaient rentrés chez eux en voyant le jour décliner, et les autres avaient déjà pris une chambre. Astrid lui fit un signe de la main pour lui signifier de ne pas s'inquiéter. L'aubergiste devait finalement penser qu'ils allaient finir la soirée chez Hector, parce qu'il ne prit même pas la peine de leur poser la moindre question. Et puis, le couvre-feu n'était pas encore tout à fait en place, pour l'instant ils ne faisaient rien d'interdit.
Les rues alentours étaient déjà presque aussi désertes que la grande salle vide qu'ils venaient de quitter. La plupart des gens qui se trouvaient encore dehors étaient des miliciens, qui attendaient le signal pour presser les rares passants à rentrer chez eux. Ou ailleurs. Mais à ne pas rester dans les rues, en tout cas, sous peine de se voir arrêter. Ce n'était pas tout à fait dans les plans d'Astrid et Hector. Enfin surtout dans les plans d'Hector, parce qu'en réalité Astrid n'avait aucune idée de ce qui allait se passer s'ils parvenaient effectivement jusqu'à l'esplanade.

Venez, il n'y a pas de temps à perdre !

Hector s'était tourné vers elle pour lui parler. Effectivement Astrid aurait bien aimé rester là pour profiter des dernières lueurs du jour, et sentir la chaleur du soleil encore quelques instants dans son dos et sur sa chevelure. Mais comme il le disait si bien, il n'y avait pas de temps à perdre. Il saisit sa main, et la demoiselle ne se fit pas prier pour l'accompagner dans cette course un peu folle. Elle connaissait pour le moment chaque rue qu'ils traversaient et arrivait à se faire une idée de la direction dans laquelle ils allaient.
Astrid avait presque envie de rire. Elle connaissait très bien le mépris avec lequel étaient perçues les prostituées, mais elle savait aussi une chose : si elle avait été une véritable dame elle ne serait pas là, en train de courir à travers la ville à quelques minutes du couvre-feu. Elle voyait parfois ces grandes dames marcher en ville. Elles étaient souvent si lentes, et si appliquées dans leur démarche, qu'Astrid se demandait parfois si ce n'était pas les titres qui leur pesaient si lourd et les ralentissaient. Hector tira sa main un peu plus fort, et Astrid accéléra son allure encore un peu. Le soleil était très sérieusement en train de disparaître, et l'esplanade était encore loin. Quelques secondes plus tard, les terribles cloches sonnaient le début de l'illégalité de leur présence à l'extérieur. Monsieur de Sombrebois s'arrêta, plus essoufflé qu'Astrid. Mais ce n'était pas pour renoncer à ce projet un peu fou...

- Et merde ! 

Il avait lâché la main d'Astrid pour désigner la porte des Anges un peu plus loin. Celle qu'ils n'avaient pas pu atteindre, en fait. La cartomancienne n'était pas certaine d'avoir déjà vraiment mis les pieds par là. Peut-être une fois ou deux. Disons que ce n'était pas ses quartiers de prédilection.
Des miliciens armés en gardaient l'accès. La demoiselle regretta un instant de ne pas avoir emporté son petit poignard, mais en y réfléchissant bien ça aurait été stupide. Il servait plus à intimider des clients malhonnêtes qu'à autre chose et elle s'en servait fort mal. De plus, si elle était arrêtée avec une arme ils n'hésiteraient pas à lui prêter de mauvaises intentions.

- On y était presque...

Oui, ça n'était pas passé loin. Mais maintenant, qu'allaient-ils faire ? Hector avait-il un plan pour passer tout de même cette porte ? En tout cas Astrid n'en avait aucun, et peu importe les contacts malhonnêtes que son statut pouvait laisser envisager, elle ne connaissait personne appartenant à la milice, et encore moins quelqu'un de susceptible de les laisser enfreindre quoi que ce soit.

- Baron de Sombrebois ?!

Astrid sursauta. Elle ne les avait pas entendus arriver ! Son cœur, qui ne s'était pas entièrement calmé depuis l'arrêt de leur course, battait encore bien plus vite à présent. Les ennuis approchaient. Instinctivement elle eut un mouvement de recul, et se retrouva derrière Hector. Il ne lui avait pas parlé de son titre jusque là, mais Astrid n'y fit même pas vraiment attention.

Euh... oui... 

Hector semblait inquiet, et ça ne rassurait pas vraiment la cartomancienne. Elle ne dit rien du tout. Ce n'était pas elle que les gardes avaient reconnu, ils ne lui avaient même pas adressé la parole, et elle préférait de loin voir les événements se dérouler sans y prendre part quand ça commençait à devenir un peu trop dangereux. Astrid était peureuse. Elle avait accepté de venir, mais pas forcément de jouer la courageuse.

Ne restez pas là, venez vite, dépêchez-vous de rentrer ! 

Astrid ne comprenait pas le pourquoi du comment, mais visiblement Hector avait encore le droit à quelques minutes de sursis pour rejoindre sa demeure. C'était toujours ça de pris, même si le plan de la soirée semblait de plus en plus... Incertain, aux yeux de la prostituée.


- Simon, c'est vous ? Quel plaisir de...
- Oui, mais ne traînez pas, s'il vous plait, sinon c'est moi qui aura des ennuis ! 

Hector attrapa à nouveau la main d'Astrid. Celle-ci commençait à peine à se calmer. Au moins ils pouvaient rejoindre l'esplanade en suivant les miliciens, mais ensuite ? La question se posa peut-être pour monsieur le baron, mais pas vraiment pour sa camarade qui ne prenait pas d'initiatives. Il y eut bien évidemment les remerciements d'usage entre Hector et le dénommé Simon, puis encore une course. Astrid connaissait très mal cette partie de la ville. Elle essayait au moins de retenir le chemin en direction de l'esplanade, ce serait toujours utile. Elle n'avait pas vraiment le droit d'être là, normalement il fallait toujours montrer patte blanche lorsque l'on n'était pas noble. Ils avaient vraiment de la chance qu'Hector ait vu son ami. Ou alors, sa simple présence suffisait de caution pour Astrid, elle ne savait pas trop.
Ils se retrouvèrent assez rapidement devant un manoir, et s'arrêtèrent là. Hector n'avait pas vraiment l'air de quelqu'un qui envisagerait d'y entrer. Il devait certainement penser à autre chose. Astrid quant à elle reprenait sa respiration sans rien dire pour le moment. Elle guettait de tous les côtés, cherchant à savoir s'ils risquaient encore quelque chose ou non.

- Par les trois, quelle course !

Il y eut quelques secondes de silence, seulement entrecoupé par leurs respirations qui n'étaient pas tout à fait revenues à la normale pour l'instant. Puis Astrid murmura quelque chose, avec sa voix douce comme toujours, mais où on sentait un petit quelque chose de différent. A mi chemin entre l'excitation et la peur. C'était justement de cela qu'elle voulait parler.

-C'est... A la fois terriblement excitant et terriblement effrayant. Je pense que nous avons eu bien de la chance de tomber sur une de vos connaissances...

Elle se tut un moment. Elle avait cru apercevoir une ombre bouger non loin, et elle préférait être sûre qu'il n'y avait rien, ou au moins pas de milicien, avant de reprendre. Toujours dans un murmure. Elle ne voulait pas attirer l'attention.

-Mais maintenant, que comptez-vous faire ? Vous cherchez quelqu'un en particulier ?

Elle se rendit compte qu'avec tout ça, elle avait les mains tremblantes. Elle rougit, mais dans l'obscurité qui régnait à présent ce n'était pas dit qu'Hector le voit. Tout de même un peu honteuse, elle baissa le visage pour essayer de dissimuler ses joues, et ses cheveux qui tombèrent devant elle réussirent parfaitement cette mission.
Elle distingua néanmoins, à travers les mèches de cheveux, la lueur d'une torche. Une patrouille de la milice. Il fallait faire vite, elle était encore loin mais elle se rapprochait, même si elle ne les voyait pas encore. Parce qu'ils ne s'annonçaient pas avec de la lumière, eux. Par réflexe, Astrid saisit la main d'Hector. C'était à la fois un geste pour attirer son attention et lui désigner ensuite le danger, et un geste destiné à se rassurer elle-même.

-Il nous faut une cachette.

Ce fut son dernier murmure. La patrouille ne pouvait toujours pas les voir mais elle se rapprochait et... Tourna. Elle ne venait donc plus directement sur eux. Il fallait néanmoins craindre qu'une autre arrive. Astrid soupira de soulagement, et relâcha doucement la main d'Hector.

- C'est... à la fois terriblement excitant et terriblement effrayant. Je pense que nous avons eu bien de la chance de tomber sur une de vos connaissances...

Hector lui sourit et vit qu'elle regardait en direction de quelque chose... ou plutôt quelqu'un, qui bougeait.

- Mais maintenant, que comptez-vous faire ? Vous cherchez quelqu'un en particulier ?

Il avait envie de lui dire qu'ils devraient suivre l'homme qui venait de s'évanouir dans la nuit mais la belle cartomancienne prit sa main et Hector fut stoppé dans son élan. Au loin, une lumière venait d'apparaître - sans doute une patrouille de milicien. Mais Hector n'avait pas peur. La douceur d'Astrid agissait sur lui comme un élixir d'apaisement. Il était bien. D'ailleurs, ils n'avaient plus aucune raison d'avoir peur, la patrouille tourna dans une autre rue.

- Il nous faut une cachette, dit la prostituée en ôtant sa main de celle d'Hector.
- N'ayez crainte, Astrid... il ne nous arrivera rien... vous êtes avec moi... et je suis avec vous.

Cela pouvait sembler n'avoir guère de sens... et pourtant, pour Hector, c'était clair comme de l'eau de roche. Elle était son porte-bonheur et il était son protecteur ; une équipe inarrêtable en somme !

- Suivons l'ombre de tout à l'heure !

Et d'un pas rapide mais léger, le baron avança vers l'endroit où la noire silhouette avait disparu un peu plus tôt. Ils longeaient les murs, nos deux héros, le plus silencieusement possible, les oreilles à l'affût du moindre bruit suspect. Et dans ce quartier, à dire vrai, tout était calme. Les seuls bruits que l'on pouvait entendre était les piaillements des oiseaux nocturnes... et le bruit - bien moins harmonieux - des bottes des miliciens sur le pavé sec.


Mais la chasse ne fût guère fructueuse. Le quartier noble se révéla désert. Astrid et Hector avaient tenté de retrouver la trace de l'ombre mais il faut croire que ce qu'ils avaient vu était moins une ombre qu'un fantôme ! Quelle heure pouvait-il être à présent ? Dix heures du soir, onze heures peut-être même ? Hector était fatigué d'avoir tant marché, fatigué d'avoir gardé si longtemps ses sens en alerte, ses yeux pour chercher des ombres et ses oreilles pour éviter les patrouilles. Et pourtant...

- J'ai une idée !

Hector regarda Astrid. Il était plein d'espoir. Il posa ses larges mains autour de l'angélique visage de la jeune femme.

- Encore quelques minutes, Astrid, s'il vous plait...

Si Kira, par jalousie, avait voulu le tuer, si elle était la clé de cette énigme, il devait aller vers elle... et, aux dernières nouvelles, elle habitait la résidence de Terresang. Il voulait la voir, lui expliquer, l'embrasser... Cette nuit, c'était la nuit où jamais pour le faire. Les cartes ne pouvaient mentir. L'obscurité, la jalousie, les remparts, la suiveuse... il ne fallait pas rater ce rendez-vous avec le destin. Les ailes d'une chauve-souris claquèrent au dessus des oreilles d'Hector qui y vit un signe. Il rompit la distance qui le séparait encore d'Astrid et déposa sur ses lèvres un tendre baiser.

- Je crois savoir où aller.

A contre-cœur, il recula un peu et tenta de se souvenir le nom de la rue où Terresang habitait.

Cha... Cha quelque chose... Ah mais oui ! Charmettes, forcément !

Et encore une fois, Hector prit la main d'Astrid pour l'emmener dans le labyrinthe de Marbrume. Leur marche était plus lente qu'avant, plus discrète peut-être ? Dans les rues noires et désertes de l'esplanade, en direction de la grande demeure de Terresang, Hector entendit les bottes des miliciens. Ils n'étaient pas loin. Au croisement d'une rue il vit un groupe de six miliciens qui s'éloignait.

- Chut, fit Hector en penchant sa tête derrière un mur de pierre, ils sont là... mais ils s'éloignent !

Quelques secondes plus tard, Hector et Astrid purent traverser la rue et, enfin, atteindre l'impasse des Charmettes. Ils marchèrent jusqu'au bout de l'impasse, là où une large bâtisse s'imposait à leur regard. Hector était sûr que c'était là. Une demeure imposante, fière et écrasante comme l'était le Vicomte...

Hector s'approcha du bâtiment : Sa façade faisait environ quinze mètres de large et était haute de trois étages. De part et d'autre du bâtiment s'étendait une haie de cèdres touffus. L'imposante porte de bois massif était pourvue d'un lourd heurtoir de bronze devant lequel le baron hésita quelques secondes. Tout cela était-il possible ? Les cartes, les prédictions, la tentative de meurtre... Le doute l'envahit. Finalement, il posa sa main sur le heurtoir, le tira vers lui... et frappa trois coups. Le bruit résonna dans la rue noire. Puis le silence se fit ; lourd, pesant. Long. Hector regarda Astrid. Il avait besoin d'elle. Il regardait ses lèvres, attendant que des mots s'échappent d'entre elles, qu'ils viennent lui caresser les tympans et calment sa tension intérieure.

Spoiler:

-
N'ayez crainte, Astrid... il ne nous arrivera rien... vous êtes avec moi... et je suis avec vous.


Elle n'était pas convaincue, loin de là. Mais Hector ne semblait pas sur la même longueur d'onde. Lui, il avait l'air persuadé que ce qu'il disait était évident et... Réel. Astrid en doutait. S'ils les attrapaient, Hector n'aurait probablement rien, ou pas grand chose. Elle doutait de bénéficier du même traitement, même accompagnée par un baron. Elle n'était pas du même monde et ne comptait pas l'oublier. C'était une erreur à ne pas commettre. Au fur et à mesure de leur escapade, la peur au fond de son ventre s'intensifiait. Mais elle hocha la tête gentiment et en silence. Il n'y avait... Vraiment rien à répondre.

Suivons l'ombre de tout à l'heure !

Il l'avait donc vue. L'ombre. Astrid aurait été bien en peine si elle avait dû indiquer par où elle avait fui mais... Monsieur de Sombrebois semblait le savoir. Ou peut-être le deviner. La cartomancienne le suivit sans rien ajouter. Elle avait vendu son temps, elle avait accepté cette sortie, et elle considérait donc qu'elle n'avait pas grand chose à dire sur son déroulement. Ce n'était pas son idée, elle n'avait fait qu'accepter de suivre. Et au fond elle le regrettait de plus en plus, en même temps qu'elle profitait du silence qui régnait à l'extérieur. Les choses auraient peut-être été différentes si ce silence n'avait pas été entrecoupé de bruits de pas lui rappelant chaque minute la présence de miliciens qui ne seraient pas vraiment bienveillants vis-à-vis de cette escapade nocturne.
Ils marchèrent longtemps à la recherche de l'ombre, et sans attirer les ennuis. Astrid commençait presque à mettre en doute les capacités de la milice, mais elle se reprit bien vite : il n'était actuellement pas dans son intérêt que les miliciens se montrent zélés ou dangereux. Elle, elle avait juste besoin qu'ils les ignorent et qu'ils n'apprennent jamais rien de cette sortie.
Astrid avait mal aux pieds. Elle en avait marre de parcourir les rues de nuit, en compagnie d'un baron. Cette histoire était grotesque. Le paysage était magnifique, le protagoniste qui lui tenait compagnie était tout à fait charmant et intéressant mais... Tout ceci ne semblait pas vraiment réel. Elle n'aurait jamais imaginé vivre ça. Et elle était fatiguée. La réalité de son lit dans son auberge commençait sérieusement à lui manquer.
Mais elle ne dit rien. Hector avait payé. Il pouvait décider de faire ce qu'il voulait, elle n'avait pas son mot à dire. Surtout avec la somme qu'il avait payée d'ailleurs. Ça faisait un moment qu'elle avait arrêté de chercher l'ombre sérieusement néanmoins. Elle se contentait de suivre Hector, elle n'avait pas le choix. Elle aurait de toute façon trop peur de partir seule où que ce soit à cet instant.

- J'ai une idée !

Le baron s'était retourné vers elle, et le voir si plein d'espoir tira un sourire spontané et sincère à Astrid. Il ne manquait pas de ressources ! Ce devait être quelqu'un de passionnant dans la vraie vie, dommage, elle ne le recroiserait probablement pas de sitôt une fois le soleil levé. Il prit son visage entre ses mains. Il avait de grandes mains.

Encore quelques minutes, Astrid, s'il vous plait...

Quelques minutes, quelques heures, quelle importance ? Astrid voyait bien qu'Hector voulait son consentement, mais à vrai dire elle avait renoncé elle-même à la possibilité de chercher à réduire la durée de leur sortie. Hector voulait se venger. Il avait failli mourir. Elle n'avait pas le droit de se mettre en travers de son chemin.

-Bien sûr, de toute façon si on nous trouve maintenant... On n'est plus à quelques minutes près,.

Son sourire n'avait pas disparu. La situation était loin d'être désastreuse pour le moment. Et elle n'entendait pas de bottes de miliciens, à cet instant précis. Elle lui adressa même un petit clin d'oeil. Hector, qui avait toujours ses mains sur le visage de la cartomancienne, se rapprocha encore. Le baiser qu'ils échangèrent ensuite fut tendre. Il rappela à Astrid qu'elle pourrait être en train de faire tout autre chose avec Hector, et que ce serait sûrement bien plus agréable que de marcher pendant des heures.

Je crois savoir où aller.
-Alors allons-y !

Ce baiser avait rendu un peu de motivation à Astrid. Le baron s'éloigna d'elle mais prit tout de même sa main pour la guider encore une fois. Il connaissait bien mieux cette partie de la ville qu'elle, et ce n'était pas étonnant. Lui, il devait pouvoir y circuler sans problèmes quand bon lui semble.
Leur marche était plus lente, ce n'était pas pour déplaire à Astrid. Elle avait retrouvé son idée de départ : essayer de toujours savoir comment retourner à l'esplanade. Seulement elle s'était laissée déconcentrer trop longtemps et se retrouvait véritablement perdue. Heureusement, elle avait Hector.
Ils passèrent à nouveau trop près d'une arrestation au goût d'Astrid. Son cœur s'emballa encore. Elle avait envie de se transformer en souris, en moustique, en cafard, en punaise. Mais non, elle restait la jolie Astrid, l'inutile Astrid.

- Chut,  ils sont là... mais ils s'éloignent !

Astrid aurait arrêté de vivre si ça avait pu lui permettre de faire encore moins de bruit. Mais les miliciens n'exigèrent pas un tel sacrifice. Ils continuèrent leur ronde en ignorant jusqu'à leur existence. Quoique, il connaissaient peut-être Hector.
Le baron l'avait conduite dans une impasse. La cartomancienne avait toujours détesté les impasses. Mais la bâtisse devant laquelle ils se trouvaient était tout à fait exceptionnelle et méritait bien le détour. Astrid aurait bien aimé en avoir une de ce genre. Mais ça n'arriverait jamais. Elle revint à la réalité, choisissant de faire abstraction du décors tout à fait incroyable.
Hector saisit le heurtoir et frappa trois coups. Le bruit résonna. Et après quelques secondes de silence en réponse, Astrid commença à paniquer.
Elle saisit Hector par la main et se précipita vers... Le bout de l'impasse. Zut. Tant pis, elle lui expliquerait là ce qu'elle voulait lui dire.

-Ecoutez... Je veux bien vous suivre et vous laisser faire parce que c'est votre vengeance, mais si vous voulez mon avis il vaut mieux partir d'ici avant que quelqu'un ouvre.

Elle s'efforçait de murmurer mais l'agitation qu'elle ressentait gâchait un peu le résultat. Il était bien triste d'entendre une voix si douce devenir si inquiète.

-C'est un manoir. C'est une énorme maison. Je ne sais pas qui habite ici, et à la limite ça ne me regarde même pas mais... Si quelqu'un ouvre, ce ne sera pas le maître de maison. Alors à moins que vous vouliez parler au portier, vous allez faire un... Témoin. De notre escapade. Et peut-être... De ce que vous avez prévu pour la suite. Je...

Quelqu'un ouvrait la porte. Astrid s’aplatit contre le mur en espérant qu'elle était hors de son champ de vision. Et elle regardait la haie. Ils pourraient peut-être se cacher dans le jardin... Elle en parlerait quand elle serait sûre que personne ne l'avait vue.

Hector ne savait trop quoi penser. Les cartes l'avaient guidé jusque là... et maintenant, la guide des cartes lui commandait de faire machine arrière.

- C'est un manoir. C'est une énorme maison. Je ne sais pas qui habite ici, et à la limite ça ne me regarde même pas mais... Si quelqu'un ouvre, ce ne sera pas le maître de maison. Alors à moins que vous vouliez parler au portier, vous allez faire un... Témoin. De notre escapade. Et peut-être... De ce que vous avez prévu pour la suite. Je...

Hector savait bien tout cela... mais il ne comptait pas tuer son assassin, surtout si c'était Kira. Il voulait simplement parler, tenter d'apaiser la situation. Il n'eut pas le temps d'expliquer cela à Astrid car des bruits de pas se firent entendre de l'autre côté de la porte et bientôt la porte s'ouvrit. Un homme chauve, d'âge mur, apparut sur le seuil. Malgré ces quelques ressemblances, il ne s'agissait de toute évidence pas d'Alexandre de Terresang. Celui qui se tenait devant Hector, long poignard à la main, était plus maigre, plus vieux et visiblement moins riche. Ses habits étaient ceux d'un domestique et non ceux d'un vicomte. Néanmoins, il se permit de s'adresser au baron par ces mots :

- Qui êtes vous ? Et que vous voulez ?!

Hector avait vu Astrid se cacher contre le mur de la grande résidence.

- Je suis le chevalier de Latour, je souhaiterais parler à la baronne de Haldonorès.

Evidemment Kira connaissait le domaine de Latour, non loin de ses terres et de celles d'Hector... aussi, si elle habitait ici, elle saurait qu'il s'agissait du baron de Sombrebois. Et au contraire, si elle n'habitait pas là, personne ne comprendrait qu'il s'agissait du noble bûcheron... Sauf peut-être qu'il portait sa grande hache... En tout cas, à la vue de celle-ci, le vieil homme sembla blêmir.

- Il n'y a personne répondant à ce patronyme ici. Au revoir.

Et la porte se referma sans qu'Hector n'eut pu ajouté le moindre mot. Il se tourna vers Astrid l'air désolé. Elle regardait la haie.

- Je crois que je me suis tromp...

Comme un lointain roulement de tambour, le bruit caractéristique des bottes des miliciens se fit entendre. De toute évidence ils allaient arriver dans l'impasse... Hector et Astrid étaient coincés !

Impasse ! Miliciens ! Astrid... haie... arbre... hache !

Hector n'hésita pas une seconde de plus ! Tel lui-même sur un champ de bataille, il s'élança vers la haie, leva sa hache vers la lune et l’abattit avec une vitesse folle sur le pauvre cèdre qui avait été planté près du mur de la maison. Le coup fut suffisamment éloigné du tronc pour ne pas faire de trop gros dégâts à l'arbre... et suffisamment proche de lui pour que la lame brise quelques unes de ses branches, ouvrant un passage pour le baron et sa compagne du soir.

- Venez vite ! S'exclama le baron à mi-voix.

Il prit Astrid par la taille, la serra contre et lui, et s'enfonça, dos en premier pour la protéger, dans le passage qu'il venait d'ouvrir. De l'autre côté, il s'écarta de la belle brune et replaça rapidement quelques branches tombées, dans l'arbuste.

Qui êtes vous ? Et que vous voulez ?!

Astrid ne voyait pas la personne qui était en train de parler. Pour ça, elle devrait se décoller du mur, avancer, tourner la tête. Rien qu'elle ne considérait comme très bon pour le moment. Néanmoins elle se sentait un peu lâche, parce qu'Hector se trouvait dans une position bien plus délicate que la sienne pour le moment, et qu'elle n'avait aucune idée pour le sortir de là. L'homme à la porte semblait bien agressif mais ce n'était pas très étonnant. Avec le couvre-feu personne n'était censé sonner à cette porte si tardivement, et il devait sans doute être en train d'évaluer le danger que représentait Hector.

- Je suis le chevalier de Latour, je souhaiterais parler à la baronne de Haldonorès.

Est-ce qu'il... Mentait ? Ou possédait-il vraiment ce titre ? Etait-ce une manière de rentrer sans dévoiler sa véritable identité afin de mieux surprendre la personne qu'il suspectait ? Astrid ne comprenait pas exactement ce qui était en train de se jouer.

- Il n'y a personne répondant à ce patronyme ici. Au revoir.

La porte claqua brusquement et fit bien trop de bruit au goût de la cartomancienne. Elle espérait que cet homme n'aurait pas l'excellente idée de contacter la milice, mais puisqu'il ne pouvait pas sortir lui-même ce danger devait être facilement évité.

Je crois que je me suis tromp...

Astrid n'eut pas besoin de tourner la tête pour savoir que des miliciens s'approchaient. Leurs bruits de pas étaient un signal bien suffisant, et s'ils approchaient encore ils finiraient même par voir leurs torches. Même si l'homme qui venait de les refouler n'avait pas appelé la milice, elle était là. Et il allait falloir trouver une solution bien vite. Alors que la demoiselle ouvrait la bouche pour inviter Hector à considérer l'idée de faire un trou dans la haie, ce à quoi elle réfléchissait depuis un moment, elle vit que son camarade de sortie avait déjà approuvé l'idée. Il se précipita sur la haie, et réussit à leur ménager une petite entrée vers le jardin, du moins Astrid s'imaginait un jardin derrière cette haie, assez proche du mur pour ne pas éveiller les soupçons.

- Venez vite !

Astrid cligna des yeux. Il fallait sortir de la théorie et retourner à la pratique maintenant. Elle s'approcha de la haie rapidement, tout en veillant à ne pas faire de bruit qui puisse attirer l'attention. Hector la serra contre lui avant de l'aider à traverser la haie. Une fois de l'autre côté, elle recula et le baron saisit des branches pour les replacer. Il fallait faire illusion, il avait bien raison.
Voilà qu'en plus de violation de couvre-feu, ils se rendaient coupables de violation de domicile. Il ne restait plus qu'à prier les Trois pour que personne ne l'apprenne jamais.
Astrid époussetait doucement sa robe, vérifiant que ce passage forcé à travers un arbuste ne lui avait pas valu de trous. Visiblement non, elle ne trouverait là que des tâches, mais à la lumière de la Lune elle ne s'en apercevait pas vraiment.
La milice ne les remarqua pas. A vrai dire, Astrid se demandait s'ils avaient regardé en direction de la haie, ou si le simple fait de voir l'impasse déserte leur avait suffit. Ils auraient pourtant pu entendre les bruits de hache non ? La cartomancienne ne savait pas vraiment que penser de cette situation. Une fois les gardes éloignés, ayant repris le chemin de plus grandes rues encore, la demoiselle se tourna vers le baron et le prit dans ses bras.

-Si je suis encore libre et en vie demain matin, je crois que cette nuit sera la plus mémorable de toute ma vie !

Elle rit doucement, même si au fond c'était un peu nerveux. Comme à chaque fois, elle avait eu l'estomac noué par la possibilité de se faire arrêter, elle avait tremblé, elle avait imaginé quels mots suppliants elle aurait tenté pour convaincre la milice de la laisser tranquille tout en sachant qu'ils n'en feraient rien. La panique qui l'avait envahie peu à peu retombait maintenant, puisque le lieu dans lequel ils étaient représentait à ses yeux le maximum de la sécurité atteinte durant leur... Promenade. Elle se sentait beaucoup mieux, et faisait confiance à Hector. Certes jusque là ils avaient eu beaucoup de chance, mais ils s'en étaient sortis, et ils allaient continuer à s'en sortir jusqu'au lendemain. Elle tentait au moins de s'en persuader. Elle cessa doucement l'étreinte.

-Si vous vous êtes trompé d'endroit, j'imagine qu'on ne gagnera rien en s'introduisant dans la demeure... Vous... Vous voulez aller ailleurs ?

Astrid observait l'endroit où ils se trouvaient. C'était un joli petit jardin, avec de l'herbe, des fleurs... Plus loin, il semblait y avoir d'autres choses mais elle n'arrivait pas à deviner quoi avec les formes sombres qu'elle apercevait. Elle leva les yeux vers le ciel, pour apercevoir les étoiles et la Lune. Si de simples villageois disposaient d'un espace de ce genre, ils y auraient mis des poules et d'autres animaux. Ici, les choses semblaient plus belles et surtout moins utiles.

-Sinon, on peut rester un peu là, le temps de réfléchir. Personne ne va dans son jardin la nuit, si ? Et la milice ne nous trouvera jamais là...

Elle regardait tout autour d'elle.

-Vous savez, je n'ai jamais été dans un endroit aussi beau. Le voir, même de nuit, c'est déjà incroyable.

Elle regarda Hector à nouveau, et prit sa main.

-Je ne regrette pas d'être venue. Même si je suis plutôt peureuse parfois... Disons que je vous fais confiance.

Une soirée mémorable ? Pour sûr elle resterait aussi dans la mémoire du baron !

- Reste à savoir s'il s'agira d'un bon ou d'un mauvais souvenir ! S'amusa Hector.

Mais, à vrai dire, avec Astrid contre lui, il était difficile d'imaginer que cette soirée puisse mal finir.

- Si vous vous êtes trompé d'endroit, j'imagine qu'on ne gagnera rien en s'introduisant dans la demeure... Vous... Vous voulez aller ailleurs ?

Hector sourit à la jeune femme bien qu'elle s'éloigna de lui. Il sentait qu'elle ne souhaitait plus courir de droite et de gauche, ou pour échapper à la milice. Lui-même de toute façon, était un peu las de cette chasse sans gibier.

- Je crois que... qu'il faut parfois savoir s'avouer vaincu. Nous avons eu de la chance de ne pas nous faire prendre et je crois que nous avons fait le maximum pour trouver celui ou celle dont les cartes parlent... En outre, je ne sais pas où habite Terresang. Il me semblait que c'était là... mais visiblement ce n'est pas le cas.

A l'instar d'Astrid, Hector regarda le jardin. Il ne semblait rien avoir d'exceptionnel mais il était difficile d'en voir le bout.

- Je ne sais pas si je vous ai dit... mais je n'habite plus sur l'Esplanade ; ni à Marbrume d'ailleurs... Alors... pour ne pas prendre de risque, il serait peut-être prudent de trouver un endroit où dormir, pas trop loin d'ici.

La jeune femme semblait d'accord avec l'idée qui venait à l'esprit du baron :

- Sinon, on peut rester un peu là, le temps de réfléchir. Personne ne va dans son jardin la nuit, si ? Et la milice ne nous trouvera jamais là...

Hector regarda la maison. Les volets étaient clos. Ils ne risquaient pas grand chose à dormir ici et puis c'était fin-août, le temps n'était pas froid.

- Sans doute, oui... vous avez raison.
- Vous savez, je n'ai jamais été dans un endroit aussi beau. Le voir, même de nuit, c'est déjà incroyable.

Hector se laissa happer par le regard d'Astrid, plongé dans le sien, et par cette main qu'elle lui donnait. Il s'y perdit un instant, tandis que la voix, douce reprenait :

- Je ne regrette pas d'être venue. Même si je suis plutôt peureuse parfois... Disons que je vous fais confiance.

Le baron laissa choir sa hache à ses pieds et passa sa main libérée derrière la taille d'Astrid, la menant, dans une lente caresse, tout contre lui.

- Désolé de vous avoir tant fait courir, lui chuchota-t-il. Alors... profitons de ce bel endroit...

Et ses lèvres rejoignirent celles de la prostituée...

Comme un marin retrouvant ses passions lointaines après une trop longue attente au port, Hector se laissa submerger par les flots, par la passion que cette jeune femme lui inspirait. Ce baiser était divin, et leurs mains, qu'ils s'étaient données, semblaient transmettre de l'un à l'autre une multitude de sentiments : de la peur, de l'envie, de l'espoir, du courage... Et si Hector connaissait trop bien ce joli manège qui l'avait si souvent étourdi, il ne put s'empêcher d'y monter de nouveau, comme s'il s'agissait de la première fois, avec un plaisir non feint.

Hector semblait avoir abandonné l'idée de se venger cette nuit. Astrid l'avait prévenu, les cartes ne donnaient pas d'indications sur la date de la vengeance, il n'y avait que la nuit. Comme il le disait lui-même ils avaient eu de la chance et Astrid ne comptait pas tenter le diable. Trouver un lieu qui leur permette de dormir était l'option la plus raisonnable, et encore elle s'annonçait risquée. La demoiselle ne connaissait personne qui réside dans ce quartier, et d'après ce que le baron lui disait il ne vivait pas ici lui-même.Sonner chez un de ses amis, si jamais il retrouvait le manoir de l'un d'entre eux, serait leur apprendre par là même occasion qu'il avait enfreint la loi. Y avait-il des auberges chez les nobles ? Passer la porte des Anges maintenant frôlait certainement l'impossible, et Astrid ne se sentait pas l'âme d'une clandestine prête à tout. Voilà en partie l'origine de son idée : rester dans le jardin. Et à vrai dire, Hector n'y semblait pas opposé.
Il se débarrassa de sa hache, en la laissant tomber par terre mais ça ne fit pas vraiment de bruit. La jeune fille suivit du regard la trajectoire de l'arme, si bien qu'elle fut presque étonnée de sentir la main désormais libre d'Hector se glisser doucement dans son dos. Elle sentit une légère caresse, et comprit le mouvement qu'il faisait naître ainsi. Alors, elle se laissa faire et se retrouva contre lui. Ce n'était pas déplaisant, bien au contraire.

Désolé de vous avoir tant fait courir. Alors... profitons de ce bel endroit... 

Voilà un programme tout à fait agréable, et qui était surtout beaucoup plus dans les cordes de la jeune et jolie prostituée. Elle ne se fit pas prier pour répondre au baiser de son client.
Ça lui plaisait. Hector avait été aimable, attentionné même, par exemple lorsqu'il l'avait aidée à traverser la haie. Elle ne craignait pas qu'il se montre subitement violent, comme ça arrivait parfois, et après leur début de soirée mouvementée elle avait vraiment envie de se laisser aller un peu.
Astrid l'embrassa longtemps. Le clair de Lune, un joli jardin... C'était même plutôt romantique.
Elle finit par éloigner son visage du sien, juste un peu, avec un sourire amusé et un minuscule éclat de rire. Elle dégagea les cheveux de son visage, sans prendre la peine de les mettre en forme réellement. Elle avait juste eu l'impression qu'Hector allait finir les avoir dans la bouche en l'embrassant comme ça, et savait combien ça pouvait être désagréable. Ses lèvres retrouvèrent bien vite le chemin de celles du baron, qui avaient un goût incitant à ne pas les laisser seules trop longtemps.Elle finit par détacher sa main de la sienne, pour serrer doucement Hector contre elle. Ses lèvres glissèrent, toujours en douceur, dans le cou de son acolyte. Elle y déposa quelques baisers si doux qu'ils ne faisaient peut-être qu'effleurer la peau de monsieur de Sombrebois.
Le bruit des bottes des miliciens, qui ne semblait pas décidé à vouloir cesser, n'était presque plus un problème. Cela faisait longtemps qu'Astrid avait appris à faire abstraction de beaucoup de choses.

-J'aime beaucoup cette manière de profiter de l'endroit... Ce sera un beau souvenir. Chuchota-t-elle à son tour entre deux baisers.

Au fond ce n'était pas important. Elle n'avait pas à aimer ou non, elle n'avait qu'à faire son travail. Mais lorsque cela était agréable, et qu'il n'y avait pas de mensonges, ça pouvait faire toute la différence.

- J'aime beaucoup cette manière de profiter de l'endroit...

Le cœur d'Hector chavira...

- Ce sera un beau souvenir.

Il caressa plaisamment la longue chevelure d'Astrid et sourit.

- Astrid...

Il prit une longue inspiration. Qu'il était plaisant de découvrir une nouvelle beauté, un nouveau mystère, une intimité unique, une personnalité avec qui se lier... même si c'était seulement pour une nuit. Hector sentait les caresses expertes d'Astrid, sa langue contre la sienne, un baiser si langoureux... Bien sûr que ce serait un beau souvenir. Elle était de ces prostituées avec qui il se sentait aimé... C'était peut-être là, bien plus que dans leur expertise technique ou leur beauté plastique, la première qualité qu'il pouvait attribuer à ces femmes. Alors il se fit doux, caressant, visitant les contours d'Astrid de ses mains impatientes, cherchant - comme un enfant avec un cadeau - l'attache de son écrin pour le défaire précautionneusement. Et Hector connaissait les étoffes féminines... Combien en avait-il défaites ? Des centaines sans doute... Aussi, celle-ci ne résista pas longtemps à son expérimenté doigté. Et, une fois ce lien défait, le baron fit un pas en arrière, délaissant - presque à regret - les lèvres si sucrées de la pulpeuse brune pour mieux voir cet instant divin où le tissus glisserait sur sa peau... Ce spectacle, plus que nul autre, émerveillait toujours le dignitaire de Sombrebois. Il ne le manquait qu'en cas de force majeur... mais ici, la nuit était calme, douce, fraîche et sereine ; les bottes des miliciens semblaient à des lieues et des lieues...

- Astrid...

Elle ne dit rien, elle se contenta de lui sourire, avant de reprendre ce qu'ils avaient tranquillement entrepris. Il n'y avait d'hésitation ni chez l'un ni chez l'autre, l'union de leurs lèvres semblait être une évidence au moins aussi grande que la noirceur de la nuit ou l'éclat du soleil.
Les mains d'Hector commencèrent leur exploration, Astrid les sentait glisser contre elle, légères mais impatientes. Certaines de ces caresses firent naître chez elle des frissons, qui poussèrent la demoiselle à se coller encore un peu plus au baron, du moins si c'était possible. Ses mains n'étaient pas au repos non plus, poussant parfois légèrement la tête d'Hector un peu plus contre la sienne dans leurs délicieux baisers, puis descendant le long de son cou, de son torse, cherchant un interstice où se glisser pour sentir encore un peu sa peau...
Astrid sentit les doigts de son amant du soir attraper les attaches de sa robe, et les défaire avec facilité. Elle sentait aussi la chaleur de son corps contre le sien, jusqu'à ce qu'il recule... Le tissu fluide du vêtement que plus rien ne maintenait en place commença à glisser sur la peau d'Astrid, qui le retenait doucement sans en avoir trop l'air. Elle voyait le regard du baron sur son corps et avait décidé de le faire un peu languir. C'était un art qui demandait une certaine maîtrise, laisser le tissu dévoiler sa douce peau pâle assez lentement pour créer du désir, mais assez vite pour ne pas provoquer d'ennui. Bientôt il n'y eut plus d'intermédiaire entre la lumière de la Lune et la poitrine d'Astrid. La robe descendait encore. Elle découvrit bientôt le ventre de la demoiselle. La prostituée arrêta cette descente au niveau de ses hanches, regardant Hector dans les yeux avec un air espiègle. Elle lâcha alors totalement le tissu, qui tomba à ses pieds en découvrant ses jolies jambes.
Astrid n'était pas du genre à porter grand chose sous sa robe, ainsi elle se retrouvait nue dans ce jardin inconnu, comme une nymphe prête à s'offrir. Le froid de la nuit d'Août commençait à se faire sentir maintenant qu'elle ne portait plus rien, et elle franchit la faible distance qui la séparait d'Hector avec grâce en espérant profiter de la chaleur d'une étreinte qu'il ne lui refuserait probablement pas. Elle entreprit alors, avec le même savoir expert que lui un peu plus tôt, de laisser sa peau aussi goûter à la fraîcheur de la nuit. Sa douceur ne parvenait pas tout à fait à masquer l'impatience qu'elle ressentait. Elle avait hâte de mieux le connaître encore, de l'observer à son tour, de le caresser aussi... Elle espérait qu'il se laisserait faire, et qu'il n'aurait pas trop envie de la faire languir à son tour. C'était la première fois qu'elle passait une nuit avec lui, et les premières fois étaient toujours particulièrement attirantes pour Astrid. Il y avait le mystère et le plaisir de la découverte qui venaient s'ajouter aux milles autres délices des nuits passées à deux.

Et sa poitrine se dévoila, fabuleuse, ronde, pleine, ferme et d'une blancheur à faire pâlir la lune. Hector, le souffle court, était aux anges. Ses pupilles dilatées retournèrent un instant dans le regard coquin d'Astrid pour la remercier de... de tout ce qu'elle faisait là, pour lui. Et bientôt ce fut au tour du ventre d'apparaître, puis de ces hanches, magnifiquement courbées (comme ses mains avaient déjà pu le constater). Hector sourit. Le désir était déjà grand en lui... mais... mais la jeune femme tarda un peu à lâcher complètement sa robe. Était-ce de la pudeur ? Son regard espiègle prouvait qu'il s'agissait plus de faire languir le baron... et Anür sait qu'il languissait ! Sa main droite se posa sur la hanche d'Astrid et ce contact fut délicieux... il avait l'impression d'entrer à nouveau en contact avec elle, mais différemment des baisers échangés, c'était plus intime encore, plus personnel.

Et finalement, sa robe tomba.

- ...

Sans voix, Hector posa son regard sur les jambes longues et galbées qui s'offraient à son regard plein d'envie, ses cuisses et sa sombre toison, dernier voile de pudeur de la demoiselle. Hector vacilla légèrement à la vue de ce corps de rêve... mais la jeune femme vint à son secours, l'enlaça dans ses bras impatients et caressants. Elle ne semblait pas mentir. Hector sentait l'envie qu'elle avait de le découvrir à son tour.

Mais le baron, dans un éclair de lucidité, se rendit compte qu'ils étaient toujours là, près de la rue, à quelques pieds seulement d'un endroit où la milice pouvait revenir... Alors il s'accroupit pour ramasser la robe défaite, s'apprêtant à aller plus loin dans le jardin, pour y chercher un lieu plus reculé... mais la proximité qui était la sienne avec le corps d'Astrid l'empêcha de se relever. Il posa ses mains fébriles sur les cuisses de la jeune femme et les fit lentement monter jusqu'à ses hanches en une fiévreuse caresse... et sa bouche ne put s'empêcher d'embrasser le sexe d'Astrid, ce centre si attirant, ce soleil au milieu d'un univers de plaisir. Il l'embrassa, le caressa de sa langue habile tandis que ses mains glissaient lentement jusqu'aux divines fesses d'Astrid...

Qu'il était difficile de se relever. Là, au plus près de l'intimité de la belle, Hector se sentait si bien, il aurait pu passer la nuit ici... mais le bruit des ailes d'un oiseau de nuit parvint à l'extraire de ce rêve de douceur. Alors il se releva, prit la robe et la hache d'une main.

- Astrid, nous devrions aller un peu plus loin...

Et sa seconde main se posa dans le dos de La Douce, comme un jeune marié l'aurait fait pour mener sa femme hors du temple, sauf qu'Hector, s'il la guida tendrement avec lui dans les ténèbres du beau jardin, ne resta pas aussi sage qu'un jeune marié. Tandis qu'ils contournaient le manoir, qu'ils approchaient d'une sorte de cabane de jardin qui semblait tout à fait propice à leur délicieux dessein, Hector, excité par la démarche si féminine, si sensuelle d'Astrid, laissa sa main glisser à nouveau jusqu'aux fesses de sa nymphe d'un soir.

- Vraiment, Astrid, permettez-moi de vous dire que tout votre être mérite le surnom qui vous a été donné...

Hector choisit de se soustraire aux caresses d'Astrid, au plus grand regret de cette dernière. Elle aurait aimé mettre finalement sa peau à nue, les mettre à égalité tous les deux dans ce jardin. Au lieu de ça, il se baissa devant elle sans qu'elle comprenne ce qu'il avait derrière la tête. Elle aurait presque voulu lui dire de se relever, pour qu'elle puisse continuer son œuvre, mais elle se tut par curiosité. Il avait approché sa main de la robe qui gisait à terre, mais ne la prit pas tout de suite. Ses mains, si chaudes, se posèrent sur les cuisses d'Astrid. Lentement elles atteignirent ses hanches. Les mains d'Hector étaient divines, parce qu'elles combattaient le froid de la nuit. Parce qu'elles étaient plutôt douces. Et parce que de toute façon, Astrid avait envie de le sentir contre sa peau d'une manière ou d'une autre. Et cette caresse...
Elle sentit le baiser du baron, puis ses caresses plus intimes. Il savait tout à fait ce qu'il faisait, il n'y avait aucun doute. C'était tellement excitant. La respiration de la demoiselle devint beaucoup plus profonde, ça lui faisait de l'effet, elle sentait ses jambes presque tremblantes mais restait debout, en partie grâce au nouvel emplacement des mains d'Hector... Elle se mordit la lèvre.
Mais surtout elle sursauta en entendant le bruit d'un oiseau, alors que son amant du soir se relevait en tenant leurs affaires. Elle, qui aurait tant voulu qu'il se relève un peu plus tôt, aurait presque voulu qu'il ne bouge plus jamais de là.

Astrid, nous devrions aller un peu plus loin...

Oui, il avait raison. Mais il fallut tout de même quelques minutes à Astrid pour reprendre suffisamment ses esprits et hocher la tête positivement. La milice pourrait arriver, les voir, peut-être les entendre même. Et le jardin recelait peut-être une surprise, un petit coin agréable qu'ils pourraient exploiter à leur profit, ou au moins un endroit plus discret.

-Vous avez raison, souffla-t-elle doucement.

Hector glissa sa main libre dans le dos d'Astrid. Ils avancèrent tous les deux dans le jardin, à l'aveuglette, mais finirent par atteindre une espèce de cabane. Si elle était ouverte, ils pourraient peut-être y trouver un asile leur permettant de continuer leur doux projet. Astrid sentit la main du baron descendre le long de son dos pour retrouver son emplacement précédents : ses fesses.

Vraiment, Astrid, permettez-moi de vous dire que tout votre être mérite le surnom qui vous a été donné...

Elle se tourna vers lui pour répondre, en profitant tout de même pour se rapprocher encore un peu de lui et pour glisser à nouveau ses mains contre son corps. Elle avait toujours envie de le découvrir, peut-être même encore plus qu'avant. Et elle s'amusait un peu du fait qu'il avait une main prise également...

-Vous êtes vraiment charmant Hector...

Astrid posa ses mains sur les épaules de l'homme qui lui tenait compagnie. Elle le poussa doucement en direction de la cabane, approchant en même temps ses lèvres des siennes. Tentation. Elle s'amusait à l'effleurer, et à reculer vivement la tête s'il tentait véritablement de l'embrasser. Une fois qu'elle l'eut presque collé à la porte, elle dut à son tour se coller à lui pour tendre sa main et saisir la poignée. La porte de la cabane s'ouvrit en grinçant.

-Nous avons donc trouvé un asile... Nous pouvons reprendre, j'imagine...

Et c'est donc l'heure de la vengeance pensa Astrid. Elle ne se fit pas prier pour reprendre ses caresses, encore plus impatientes, et pour recommencer à déshabiller le baron. Il n'y avait pas de raison qu'elle soit la seule à être nue, surtout maintenant qu'ils pouvaient se cacher. L'intérieur de la cabane n'était pas l'endroit le plus accueillant, le jardin était plus beau, mais au moins ils devraient être tranquilles. Ses mains ne tardèrent pas à trouver les endroits stratégiques pour enlever les vêtements d'Hector.

Hector appréciait les mains d'Astrid sur son corps... Malgré sa fine chemise, elles lui procuraient de délicieuses sensations. Il lui tardait d'être nu à son tour, de sentir la douceur de La Douce au plus près de son corps. Il voulut embrasser la jeune femme mais celle si, après avoir effleuré ses lèvres, se retira prestement, sourire coquin aux lèvres. Hector avait connu "quelques" prostituées et, celle-ci, avait cette particularité d'être joueuse... et cela plaisait beaucoup au baron. Elle ne semblait pas - comme beaucoup de ses consœurs - pressée d'en finir. Néanmoins, elle était assez entreprenante : elle plaqua Hector (qui se laissa gentiment faire) contre la porte de la cabane et vint se coller à lui pour s'emparer de la poignée et ouvrir la cabane.

- Nous avons donc trouvé un asile... Nous pouvons reprendre, j'imagine...

Sentir Astrid et sa poitrine de reine contre son buffet, excita tout particulièrement le baron qui lâcha sa hache et la robe. Il s'empara alors des fesses de sa partenaire et la souleva de terre. Elle était légère et soyeuse, elle était chaude et sensuelle... Il embrassa cette poitrine à présent face à son visage, cette poitrine si désirable, cette poitrine que dès le début de soirée elle avait laissé entrevoir, comme pour tenter le bon baron, pour l'inviter à plonger dans une douce étoffe de voluptés que son charme infini lui permettaient de tisser.

La chemise d'Hector tomba sans presque qu'il eut remarqué que c'était les fins doigts d'Astrid qui y avaient travaillé.

- Votre doigté est impressionnant, mademoiselle ! S'amusa le baron quand il constata avec bonheur que la magnifique poitrine d'Astrid, caressait directement son torse nu.

Et il laissa glisser la jeune femme contre lui et l'aida à défaire le reste de ses vêtements. Dans les ténèbres, Hector tenta à tâtons, d'estimer comment était agencé le petit cabanon. Il était visiblement rempli de divers objets, des ustensiles de jardinages et quelques pots de fleurs craignant sans doute la chaleur estivale. Habile, le baron parvint à pousser du pied une partie de ces objets - ceux qui encombrait la zone la plus proche de la porte - tout en offrant à sa partenaire d'un soir de fiévreux baisers et des caresses osées sur les parties les plus érogènes de son corps.

Il parvint ainsi à dégager un espace suffisamment grand pour leurs ébats naissants. Alors, il poussa gentiment la brune contre un mur dégagé, la plaqua contre celui-ci, et se plaqua contre elle... Elle pouvait sentir son régal contre ses lèvres, son impatience contre ses seins et son excitation contre son ventre...

Astrid ne se rendit pas compte que le baron avait lâché ce qu'il tenait parce qu'elle aurait entendu un bruit, mais plutôt parce qu'elle sentit les deux mains du baron sur ses fesses. Il la souleva de manière à ce que la poitrine de la prostituée soit à portée de ses lèvres, pendant qu'elle se tenait doucement à ses épaules. Elle n'avait aucun doute sur la force d'Hector, il lui en avait déjà fait la démonstration et elle savait qu'elle n'était pas bien lourde, mais elle n'avait pas l'habitude qu'on la porte ainsi, même juste un instant. Après quelques secondes d'hésitation, ses doigts retournèrent à leur tâche: mettre Hector à nu, et la première victime de cette entreprise fut sa chemise. Quelle joie, si simple mais si douce, de sentir qu'ils allaient bientôt se passer d'intermédiaires et se retrouver peau contre peau dans un contact des plus intimes...


- Votre doigté est impressionnant, mademoiselle !

Elle sentait bien que le baron s'amusait en disant cela, ça la fit sourire encore un peu plus et elle ne tarda pas à répondre alors qu'il la laissait glisser contre lui pour qu'elle retrouve la terre ferme, et qu'elle reprenne sa tentative de déshabillage.

- Je me suis inspirée du vôtre, répondit-elle sur le même ton que celui qu'il venait d'employer.

Astrid, aidée par Hector, parvint alors à son but. Ils se trouvaient à présent dans un état de parfaite égalité vestimentaire, qui consistait en fait en une absence totale de vêtements. La situation lui plaisait particulièrement, et il lui semblait que ce plaisir était partagé. Sinon, comment expliquer l'ardeur des baisers qu'ils s'échangeaient ? Comment expliquer aussi les caresses parfaites prodiguées par le baron, dont les doigts savaient exactement où se poser sur le corps d'Astrid... Elle entendit vaguement le bruit d'objets déplacés, parce qu'ils raclaient le sol, mais ça ne parvint pas à la détourner des doux gestes qu'elle entreprenait elle-même. Son doigté n'était pas réservé aux boutons et aux ficelles de vêtements, et les caresses reçues mériteraient une réponse au moins aussi osée et délicate, qu'elle n'hésita pas un instant à donner.
Le bruit des objets se tut rapidement, et Astrid sentit alors qu'Hector la poussait doucement. Elle se laissa faire. Son dos toucha le mur de leur cabane du soir, elle voulut glisser des mains dans le dos de son partenaire mais n'en eut pas le temps avant qu'il ne la plaque un peu plus contre la parois. Elle sentit alors tout le corps du baron contre elle, sa chaleur, son impatience et son désir. Sa respiration s'emballa un instant, plus profonde, plus rapide, plus irrégulière. Ç'aurait été un mensonge de dire qu'elle n'avait pas envie de continuer. Il lui arrivait parfois de devoir se forcer alors que l'envie lui faisait désespérément défaut, mais il y avait aussi ces moments où les événements s'enchainaient presque naturellement. Un murmure lui échappa.

- Hector...

Ses baisers devinrent plus fougueux, ses caresses plus impatientes. Elle cherchait à connaître le moindre recoins du corps de son partenaire par ses mains, par ses baisers qui s'ecartaient de ses lèvres pour explorer de nouveaux horizons... Elle parvint à le repousser un peu, regrettant déjà cette décision qui les éloignait pourtant à peine, juste assez pour pouvoir embrasser son torse, puis continua sa descente, ses mains fébriles accompagnant ses baisers... Ses lèvres se refermèrent ensuite tendrement, sa langue commença une délicate caresse, comme un écho de leur rapprochement précédent, avant leur avancée dans le jardin à la recherche de plus de tranquillité...

La poitrine d'Astrid se gonflait au rythme irrégulier de sa respiration... et Hector sentait avec délice ces seins qui se pressaient délicatement contre son torse de guerrier. Dire qu'il aimait cette proximité était un euphémisme. Il aurait pu rester longtemps là, tout contre elle, leurs peaux épousées, leurs chaleurs et leurs souffles mêlés. Hector ressentait l'excitation d'Astrid comme elle devait sentir la sienne. Leurs corps impatient dansaient lascivement l'un contre l'autre comme pour éprouver plus encore ce besoin instinctif qui les poussait l'un vers l'autre. Hector mourrait d'envie d'aller plus loin...

Mais Astrid le repoussa un peu...

Qu'ai-je fait ? Pensa-t-il, inquiet...

Mais il fut bien vite rassuré par les lèvres de la brune qui embrassèrent son torse, ses contours et ses nombreuses cicatrices.

- Oh Astrid... Souffla-t-il lorsqu'il comprit la trajectoire que prenait ses caresses.

La prostituée descendait toujours plus bas, sur le ventre, et plus bas encore... Et Hector poussa un long soupir de contentement lorsqu'elle atteignit sa destination. Il avait déjà vécu ça quelques fois - il s'agissait sans doute du secret des meilleurs filles de Marbrume ! - et il ne se lassait pas d'en être le bénéficiaire. Il plongea ses mains dans la douce chevelure d'Astrid, souhaitant la remercier pour sa si douce attention. Il se demanda même, un moment, pourquoi cette fille qu'il connaissait à peine, était si attentionnée. Et il se rappela qu'il lui avait donné un écu un peu plus tôt... et, bien que d'habitude, cela ne le dérangeait pas, cette fois, bizarrement, il en éprouva des remords.

Il y avait cette carte qui avait évoqué la jalousie, il y avait cette carte noire, il y avait Kira... beaucoup de choses se mélangèrent dans la tête du baron... et pour la première fois de sa vie, il envisagea de mettre fin a un moment d'intimité pourtant parfaitement engagé. Il s'accroupit face à Astrid.

- Astrid... je... je ne sais pas... si c'est bien... ce que je fais.

Il prit le visage de la belle invisible entre ses mains, s'approcha pour l'embrasser... mais finit par simplement la prendre dans ses bras.

- J'ai le sentiment qu'il vaudrait mieux ne pas... aller plus loin.

Et pourtant, les Dieux - et Astrid ! - pouvaient bien voir qu'il avait envie d'elle... Et le plus étrange dans tout cela était que malgré le fait qu'elle soit prostituée, Hector se sentait désolé pour elle. Comme si elle pouvait être mue par autre chose que le simple devoir professionnel... Alors il passa à coté d'elle, s'assit contre le mur de la cabane et attira Astrid dans ses bras.

Elle avait entendu la manière dont il avait prononcé son nom, elle avait sentit ses doigts rejoindre sa chevelure... Elle n'avait aucune raison d'interrompre ce qu'elle avait entrepris, et était même très bien placée pour en constater les effets. Elle regrettait toujours un peu d'avoir quitté leur étreinte précédente parce que cela l'avait soustraite aux caresses du baron, mais cela avait l'air de lui plaire et plaisait donc à Astrid. Le plaisir était une construction qui se faisait à deux.
Elle ne se recula que lorsqu'elle sentit qu'Hector était en train de bouger, et qu'elle risquait de lui faire mal. Il se baissa pour se mettre à sa hauteur, mais les mots qu'il prononça alors n'avaient rien du genre de déclaration auquel s'attendait la prostituée.

Astrid... je... je ne sais pas... si c'est bien... ce que je fais.

Elle fronça les sourcils, avec un sourire en demi-teinte. Que voulait-il dire ? Astrid ne l'imaginait pas une seule seconde douter de ses qualités en matière d'ébats, elle n'avait d'ailleurs pas dissimulé l'enthousiasme et le désir qu'il avait su faire naître en elle rien que par des baisers et des caresses. Hector s'approcha d'elle pour l'embrasser, mais ses lèvres ne touchèrent jamais celles d'Astrid et il se contenta de la serrer dans ses bras. Elle commençait à comprendre où il voulait en venir.

 J'ai le sentiment qu'il vaudrait mieux ne pas... aller plus loin.

Et voilà comment la réalité les rattrapa tous les deux. Tout ce qu'il pouvait y avoir de presque magique venait de s'évanouir dans la nature avec cette annonce dont Astrid ne comprenait pas la cause profonde. Elle détourna les yeux, cherchant à fuir le baron, sans pour autant s'opposer à lui lorsqu'il l'attira contre elle. Elle se sentait ridicule. Elle était nue, avec un inconnu, dans la cabane de nobles dont elle ne connaissait même pas le nom, alors qu'un couvre-feu aurait dû l'empêcher de mettre un seul pied à l'extérieur. La cabane n'était même pas particulièrement belle, ce n'était qu'une remise destinée au jardinage. C'était la première fois que quelqu'un mettait fin à ce genre de moment partagé pour la raison invoquée par Hector. Il y en avait plusieurs qui s'étaient endormis, souvent à cause de l'alcool, d'autres qui avaient changé d'avis en montant dans la chambre... Personne n'avait attendu autant avant de lui dire qu'ils n'iraient pas plus loin. Elle en venait à se demander si ce n'était pas elle qui avait fait une erreur, erreur que le baron cherchait à lui dissimuler pour ne pas la blesser. Ce pouvait être son genre, il avait été très charmant jusque là...
Mais Astrid se contenta finalement de baisser la tête, involontaire signe de soumission. Même si elle avait adoré ce qu'ils venaient de partager, même si elle aurait aimé continuer, ce n'était pas de son ressort. Hector était le client, Hector était roi.

-Je... vois... C'est comme vous voulez... Dit-elle enfin après un long silence.

Elle devrait certainement le rassurer, lui dire qu'ils n'avaient rien fait de mal pour le moment. Mais elle se sentait toujours aussi ridicule, et ne dit rien. En y réfléchissant, il y avait très certainement une madame de Sombrebois quelque part qui ne serait pas d'accord avec cette affirmation, et qui trouverait leur comportement à tous les deux particulièrement honteux. Ce devait être elle qui dictait le bien et le mal. Elle repensa au nom qu'il avait soufflé lors de leur séance de cartomancie.
Astrid avait froid maintenant. Elle ramena ses jambes contre sa poitrine, espérant se réchauffer un peu ainsi. Elle essayait de s'imaginer en couple, avec quelqu'un qui l'aimerait et ne voudrait pas la tromper, quelqu'un qui voudrait qu'elle soit fidèle également, mais c'était impossible. Ce genre de destin romantique ne se réalisait jamais pour les prostituées, et elle ne serait à jamais qu'une briseuse de ménage ou de solitude. En principe elle passait au moins des soirées agréables, mais visiblement dans la pratique ce n'était pas toujours ça.

-S'il vous plaît, soyez franc... Vous ai-je déplu ?

Elle n'avait pas encore réussi à se défaire entièrement de cette possibilité, et elle préférait savoir directement ce qu'il en était. Elle ramena son regard vers Hector dans l'attente de sa réponse. Sa voix était toujours douce, mais on pouvait y sentir un petit quelque chose, entre la tristesse et la déception. Elle se demandait si elle avait été à la hauteur au moins. Elle avait beaucoup aimé mais peut-être était-ce là le problème. Une prostituée devait donner du plaisir et on se moquait bien de savoir si elle en ressentait ou non.

Pourriez-vous attraper ma robe s'il vous plaît ?

Hector l'avait lâchée à côté de la porte, il était bien plus proche qu'elle pour la récupérer. Astrid espérait se réchauffer un peu en l'enfilant, mais c'était un espoir bien maigre vu la faible épaisseur du tissu. C'était surtout une manière de ne pas perdre totalement la face, et de ne pas laisser trop longtemps un silence gênant s'installer.