Nuances de bleu [PV Victor de Rougelac]

Victor avait en face de lui une jeune femme capable de se forger un jugement au-delà des apparences. Tout comme lui, Esmera prenait grand soin de s'affranchir des préjugés, grattant des ongles la coquille pour en extraire le minerai dans son état brut. Il était aussi plaisant que déroutant de s'en retrouver l'objet d'un expérience qui avait pour finalité de dévoiler une facette si rarement mise à nue. Et le Comte avait bel et bien le sentiment d'être mit à nue. L'angoisse avait pourtant rapidement fait place à une certaine forme d'attirance, de passion, d'intérêt, toute mesurée. La Dame d'Hagerth n'était pourtant pas en terrain conquis et pourtant, sa manière d'être, son assurance et la personnalité qu'elle exprimait, malgré la présence d'une tierce personne, ne semblait finalement qu'affirmer certaines certitudes.

Victor était conquis et si cela l'effrayait, une part de son âme semblait déjà toute acquise à la cause de cette opportuniste jeune femme... et si... et si tout cela, depuis le premier jour, depuis cette rencontre fortuite dans ce bordel n'avait été prémédité ? Et s'il n'était finalement pas le chasseur mais la proie ? Cette pensée lui glaca le sang mais étrangement, cette sensation ne lui était pas désagréable. Les deux nobles devisaient posément, sous couvert du confort d'un divan, à n'être que deux status qui profitait au regard de génie du maître peintre. Les apparences étaient elles peut-être encore plus trompeuses qu'elles n'y paraissaient ?

La baronne avait à plusieurs reprises affirmé ne ressentie nul peur nul crainte... ce pourrait-il que le Comte soit l'objet d'une machination ? Apres tout, qui du Roi noir ou de la Dame blanche avait le plus à gagner sur cet échiquier ? Rougelac venait de comprendre cela un peu trop tard et en retour aux répliques de sa compagnie d'un soir il lâcha.

- Serais-je matte ?

Son regard brillait d'une émotion toute particulière. Les femmes étaient bien plus habile et sournoises que les hommes, leur jeu si complexe à cerner. Mais jusqu'alors, le mondain avait toujours su dévoiler le jeu adverse et garder plusieurs coups d'avance. Seulement ce soir... l'ordre des choses semblaient peut-être bien des différents des apparences. Rougelac était un veuf fortuné et influent et il se savait la cible de jeunes femmes opportunistes mais dont les intentions puait à milles lieux. Certains partis auraient même pu lui être bien plus favorable que ce petit bout de femme qui ne lui apporterait ni richesse ni dote. Entre de Pessan, de Valis, les prétendantes étaient légions, pourtant aucune n'avait eut l'audace de s'acoquiner avec le Comte en pleine période de veuvage.

Plus loin, le peintre ne boudait pas son plaisir de figer la scène sur sa toile. Le vieil homme captait certaines essence de cette scène au parfum bien étrange. Il s'affairait avec une passion soudaine à faire ressortir toute l'intensité de ce qu'il percevait lui aussi au travers de la silhouette de la veuve Sibran, laissant le duo à ces petits aveux à voix basse.

Victor plissa les yeux, détaillant Esmera dont il tenait toujours la main alors qu'elle portait la coupe à ses lèvres et réaffirmait sa bonne compagnie.

- J'ai peut-être perdu le contrôle de cette partie mon amie, mais je sais que vous trouvez bien plus d'agrément à deviser en ma compagnie... Vous ne me mentez pas, mais vous ne me dites pas tout. M'auriez-vous d'une quelconque façon piégé ? Ma naïveté as des limites et pourtant quoique qu'il puisse m'arriver... j'ai confiance et je comprend mieux à présent pourquoi nul peur ne vous habite. Vous savez parfaitement ce que vous faite et ce... depuis le début.

Il imprima une dernière fois ses lèvres sur le dos de la main de la Baronne avant de conclure.

- Je vous percerais à jour ô délicieuse intrigante que vous vous evertuez à ne point faire paraître. La partie n'en sera que plus... épicée.

Ce faisait, la veuve Sibran n'en pouvait plus de tenir ainsi la pose et ce décida à mettre unilatéralement fin à cette première épreuve. Le peintre ne semblait plus aussi expressif comme s'il ressentait une certaine atmosphère pesante et que des rouages qu'il n'imaginait pas étaient à l'oeuvre. Humblement, il répliqua.

- Maaaa !!!! Comme il vous sied Bella ! Yé suffisémment bien avancé pour ce soir ! Mais jé fou préviens ! Nul ne doit porter son régard sur ce chef-d'oeuvre avant qu'il né soit achévé, c'est bien comprit !?

Pour le Comte, il était quand a lui trop tard pour tirer sa révérence. Son plan avait certe fonctionné mais sa joueuse du soir l'avait mit à mal au point que Victor devait quelques peut s'adapter et modifier la suite de ses desseins du soir. Laissant le peintre rassembler ses affaires de longues minutes durant, le veuf en profita pour récupérer sa coupe et porter un toast.

- Profitons de cette douce ambiance feutrée que vous offre donc les apparences...

Le regard azur du Comte prit une teinte pétillante et pourtant légèrement inquisitrice. Dans son esprit, l'homme s'osait à penser. *Profitez de tisser votre toile, je m'evertuerais à vous y envelopper avant moi*. Peut Peut-être pourrait elle sentir et percevoir ce qu'il pensait, mais on ne pouvait y voir aucun aveux de faiblesse ni aucun déception. La tournure des événements plaisait au Gouverneur de Sombrebois, assurément. Victor n'avait d'ailleurs pas remarqué la disparition du petit homme à la longue barbe grisonnante.

Alors que le peintre finissait son office pour cette soirée, promettant de revoir ce même tableau plusieurs soir encore afin d'achever son chef-d'oeuvre, Victor comprit bien vite qu'il se fourvoyait quand aux intentions de son invitée de marque. La baronne n'avait nul prétention à s'approprier les faveurs du Comte a des fins opportunistes. Non, elle réaffirmait que sa présence était dénuée de tout desseins intéressés. La jeune femme plaidait donc sa cause en renouvelant sa sympathie à l'endroit du mondain pour des raisons qui jusqu alors avaient dépassé l'entendement.

La Dame d'Hagerth avait certes préféré dans un premier temps abondé dans le sens du joueur d'échecs qui lui faisait face, pour rapidement tourner en dérision ce qu'il croyait être une femme d'intrigue. L'altruisme, voilà ce qui caractérisait profondément ce petit bout de femme, qu'importe l'appât du gain, des titres et du confort. Se voulant rassurante, la veuve de Sibran questionna son hôte, une interrogation à laquelle il n'y avait aucune forme de réponse à apporter tant l'évidence sautait aux yeux.

A présent à l'abri de tout yeux et oreilles indiscrètes, le couple, qui n'en était pas encore un, mais dont l'esquisse semblait s'y dessiner a mesure du temps, pouvait deviser sereinement et apprendre à se connaître, voir à mieux se comprendre. Et Esmera s'aventura volontiers à révéler quelques blessures de son lourd passé. Ainsi, Victor semblait être le seul personnage à lui avoir en quelque sorte fait la cours. Feu le mari de la baronne n'avait jamais eu à son égare quelques attitudes et sentiments de courtoisie, douceur ni amabilité. Quel passé avait dû endurer ? Cette femme blessée semblait être éprise de tendresse et d'affection pour cet homme à la réputation pourtant sulfureuse et cruelle.

Alors que les joues de la donzelle rosir dans un dernier élan de confession, le Comte de Rougelac posa sa coupe à moitié vide avant de délester sa comparse de son breuvage, s'inclinant légèrement sur elle, ses brocards frôlant les étoffes de la jeune femme tandis que leur position dans le divan devenait de moins en moins convenable. Le sang-bleu se saisit alors du menton de la jeune femme.

- Je vous trouve bien trop hardie et follement irrespectueuse mon amie et si je laissais parler mes émotions, je vous soulèverait derechef vos jupons pour vous apprendre la prudence.

Une main frôla alors dangereusement les jupons de la donzelle, comme un avertissement tandis qu'il la maintenait toujours par le menton, son haleine d'alcool de raison fouettant telle une brise le doux visage de la Baronne.

- Mais voyez vous, je n'en ferais rien. Pas aujourd'hui en tout cas. Pas tant que je serais certain que vous sachiez à quoi vous en tenir. Vous êtes la modestie même. Vous êtes une formidable partenaire de joute et vous avez su voir par-delà les apparences... mais...

Sa main aventureuse toucha un bref instant l'un des bas porté par la Dame d'Hagerth avant de battre en retraite et remonter lentement le long de ses étoffes pour venir saisir la hanche de sa propriétaire.

- Serez-vous capable d'accepter un homme peu vertueux ? Capable d'obtenir bien des choses par l'utilisation de pratique déloyales ! Je suis homme à user de bien des perfidies, à des pratiques peu honorables... Puis-je espérer que votre bonté ne soit pas un rempart contre certaines de mes pratiques ?

Il se pencha plus encore sur le corps de la jeune femme, ses lèvres s'approchant dangereusement de celle d'Esmera avant de soudainement se redresser et quitter le divan qui devenait lieu de tentation et de luxure. Il s'approcha alors d'une bougie l'eteignant d'un souffle, rendant le petit salon un peu plus obscur.

- Le choix vous appartient mon amie. Acceptez-vous qu'un homme tel que moi vous fasse la cour ? En connaissance de cause. Si oui, il faudra me faire le serment de fermer les yeux sur certaines choses que les Trois m'en jugerais coupable ! Avez-vous pleinement conscience de cela, Esmera de Sibran ? Veuve de votre état qui n'a semble t il jamais eu la moindre forme de respect de son époux... un sujet qui d'ailleurs sera à éclaircirsi d'aventure vous désirer assumer votre hardiesse...

Dit il en faisant lentement volte face pour n'être presque qu'une ombre dans la vision que pouvait avoir la jeune femme.

Quelle saveur nouvelle et rafraîchissante lui apportait ce petit bout de femme. A l'instar de ces semblables, la baronne de Sibran n'avait pas la prétention de changer l'homme qu'il était. Sans la moindre hésitation d'ailleurs, elle leva tout doute dans l'esprit du mondain en affirmant qu'il pouvait commettre toute sorte d'acte réprimé par les Trois et le Pouvoir, s'y accommodant, voir même l'incitant à garder ce cap. La seule exigence qu'elle mettait en avant est celle de de pouvoir profiter de la face caché du célèbre Comte de Rougelac, le Victor qu'il était avant d'être Rougelac. Et la veuve voulant avant toute chose être respectée en tant qu'être humain, plus précisément, non pas en temps que femme de cette époque mais à l'égale des hommes. Nombres de Dame devait se résoudre à porter le costume de figurante, compagne docile, servant seulement les intérêts de leurs époux. Esméra voulait, elle, être éprise de toutes les libertés en privé, venant naturellement s'ajouter à cela son droit à conserver l'ardent de sa personnalité. Comment aurait-il pu lui refuser cela me direz-vous ?

Prévenant, Rougelac avait le vécu de son coté et n'était plus disposé à commettre la moindre erreur dans sa vie à la fois maritale et sentimentale, c'était bien pour cela qu'il jouait carte sur table. Ainsi, comment ne pas admirer une femme qui lui servait la même attitude en retour, une attitude poussé à l'extrême autant dans la verbe que dans l'attitude. Car en effet, si Victor avait su une fois de plus cherché à troubler les sens physique de la donzelle, la Dame d'Hagerth lui montra bien assez tôt qu'elle pouvait en ce domaine rivaliser. Le regard azur devenait de plus en plus profond, alors lorsqu'elle joua de malice pour le saisir part la nuque et lui imposer à lui aussi un tentateur rapprochement, il dû puiser dans ses forces pour ne pas laisser exploser ses sentiments et ses désirs du moment. Mais il lui avait fait une promesse, lui faire la cour, alors, toute idée de la prendre sauvagement sur ce divan ou sur cette table basse fut relégué au second plan de ses pensées.

Lorsqu'elle regagna dignité et douceur, le Comte tira légèrement d'un index sur son colle haut pour dégager légèrement sa gorge d'un étouffement de circonstance dû à l'attrait pour cette femme. La réaction du Gouverneur de Sombrebois devait sans doute plaire à la donzelle car il tentait lui aussi de reprendre une attitude digne, mais son exécution en était presque burlesque.

- Mon amie... vous me causer presque des palpitations. Jouons encore et que cette partie ne se finisse peut-être jamais. Nous pourrions même lui donner un nom... voyons voir... que diriez vous de "Nuance de Bleu" ?

Rajustant les pans de sa tunique, il baissa le menton pour replacer une broche qui pendait sur sa poitrine et qui maintenait le brocard afin de donner encore plus de volume à sa prestance. L'occasion fut alors trop belle pour esquisser un sourire complice à l'endroit de la veuve.

- Vous vous dévoilez petit à petit et c'est ce qui me plait tant chez vous. Continuez de me surprendre... et restez telle que vous êtes. Je ne suis point feu votre mari et vous n'êtes point l'une de ancienne conquête. Nous nous comprenons et c'est là même la base d'une cohabitation réussi dans le secret bien gardé de nos jardins que nous cultivons avec passion...

Comme elle semblait en avoir à présent l’habitude et c'était d'ailleurs assez paradoxal pour le souligner, Esméra était en terre ennemi et pourtant, elle dictait le rythme de cette soirée au manoir, comme si elle en était l’hôte et son galant et ténébreux courtisan en était l'invité. Après avoir éconduit avec finesse son propre flirt avec le Comte, après avoir fait comprendre au peintre qu'il avait été temps de prendre congé, voilà qu'elle exigeait à demi-mot pouvoir séance tenante, jouir de la suite des réjouissances. Ainsi, Rougelac obtempéra, frappant deux fois dans les mains avant qu'on ouvre une double porte qui menait alors au grand salon qui faisait office de salle à manger pour l'occasion. Dans un coin de la pièce, sur un confortable tabouret se tenait la dame de compagnie de feu Adélaide de Rougesoleil qui laissa alors le son des cordes de sa harpes priver la pièce du silence qui la dominait jusqu'alors.

- Etes-vous satisfaite ?

Il lui présenta ensuite son avant bras pour la conduire jusqu'à sa place en bout de table avant de rejoindre sa propre chaise. Ce fut alors un défilé de petite main qui s'afficha sous le regard de la baronne. L'on disposa plusieurs plateau de victuailles froides mais si goûteuses que la veuve de Sibran ne pouvait contester la richesse des mets qu'elle pourrait déguster. Il allait s'en dire que le cellier du Comte devait être à lui seule l'une des richesse de ce dernier surtout en ces temps difficile. Quand au vin qui fut a nouveau servit, du premier goûté dans le salon et léger et fruité en bouche, ce second diffusait en bouche plus de puissance, les notes boisées, de tanin y prenant ses aises.

Sur leur flanc, Bathilde jouait avec une certaine grâce, ces sons cristallins qui émanaient du noble instrument donnait un certain caché à cet ouverture de dîner. Victor savait allier raffinement et gourmandise en toute situation il semblerait...

"Nuance de bleu" voilà donc le titre qui scellerait l'oeuvre initié par le Grand Maitre peintre Debreuil. Sur cet interlude, les deux comparses passèrent donc à table. Un dîner où le Comte fit là aussi étalage de sa fortune, un dîner qui avait pour objectif également de surprendre la baronne par sa richesse et la diversité. Rien n'était trop beau ni trop bon pour l'impressionner tandis que s'instaurait une ambiance sujet à la complicité et à la légèreté. La harpe venait parachevé cette seconde oeuvre dont l'instigateur, le chef d'orchestre n'était autre que le Comte de Rougelac.

Les deux sang-bleu devisèrent sur nombre de sujets tout en satisfaisant leur estomac, le vin venant volontiers agrémenter ces nombreux plaisirs gustatifs. Cela faisait des mois maintenant que le Gouverneur de Sombrebois n'avait ainsi partager un repas en bonne compagnie et son humeur pouvait attester qu'il se réjouissait d'obtenir la bonne compagnie de la veuve Sibran. Elle passait de merveilleux moments, c'était ces mots, de quoi donner du heaume au cœur à son hôte soucieux d'offrir un cadre plaisant à sa comparse.

Le hic dans cette histoire était que Victor devait changer sans cesse ses plans par la faute des nombreuses initiatives que lui offrait la Dame d'Hagerth. A présent, cette dernière se sentait bien éloigné de son hôte et l'attesta de vive voix avant de rompre la distance tandis que le repas s'achevait. Prenant alors place tout à côté du Comte, elle semblait peu désireuse de laisser le moindre instant sous silence, captivant le mondain par ses réactions et ses mots, allant même jusqu'à le mettre au pied du mur. Victor ne pouvait nier qu'il avait passé ses directives auprès de sa domesticité, alors, après avoir posé sa coupe à présent vide sur la table, il avisa du coin de l'oeil sa délicieuse invitée.

- Votre demeure n'est certes qu'à quelques pas de mon Manoir, seulement, je ne saurais apprendre qu'il vous serez arrivé malheur en rejoignant vos pénates. Nous sommes et seront plus encore avinés à la fin de cette soirée. Il est donc sage que vous ne quittiez mon humble demeure pour la nuit.

L'homme choisissait ses mots, conscient qu'Esmera relèverait le moindre manquement qui pourrait trahir quelques viles intentions ou tout du moins peu chaste. Il s'avisa même pas du regard la dame de compagnie qui avait sans doute souffler des mots plus que de raison et Victor cherchait alors à saisir le regard tempête de la donzelle tout de rouge vêtu.

- Nos pairs dirons que je suis un hôte prévenant. Quand aux ragots, ils sont sans nul doute déjà à l'oeuvre depuis que nous avons profité de cette balade dans les jardins du palais et après tout ne sommes nous pas en train de dessiner les contours d'une liaison future Alors... si mon antre ne vous effraie pas, ... ?

Il s'interrompit un instant, avisant du regard l'une des domestique qui venait d'apparaître pour débarrasser la table. Il retourna bien vite son attention sur l'objet de ses désirs en rajoutant.

- Je vais être honnête avec vous mon amie. J'avais dans l'idée de vous inviter dans ma couche. Choquant n'est ce pas ? Pas tant que cela si je vous aurais fait boire jusqu'à l'ivresse. Seulement, une promesse est une promesse. Je vous ferais la cour dans les règles de l'art et de fait, je mettrais à votre disposition les appartements de feu mon épouse jusqu'au petit matin.

Il s'était montrer aussi choquant que transparent. Mais j'y avait il pas encore une petite lueur de duperie dans son regard ? Allez savoir avec un tel personnage !

- Vous êtes encore trop loin à mon goût, mais je ne saurais vous réclamer une chose qui doit se gagner avec respect. Mais notre soirée est loin d'être achevée. Que diriez vous de visiter ma cave? J'ai le sentiment que vous êtes une fervente amatrice de bon vin. Je vous compterez l'histoire de mes meilleurs cuvée et nous pourrions ensuite rejoindre mon bureau, tout aussi confortable avant que nous nous séparions pour la nuit... J'aurais volontiers le plaisir de vous imaginer dans une chemise de nuit et une chaude pair de bas en laine... c'est que les nuit sont fraîches à présent.

Et c'était avec une lueur lubrique dans son regard qu'il toisa la jeune femme, savourant déjà ce moment qu'il aurait à épier par la fente d'un mur, le délicieux couché de la veuve Sibran. Mais il en était pas encore à cette succulente promesse et tout portait à croire que le duo se rapprochait sensiblement dans une affinité qu'ils semblaient tout deux entretenir avec raison et passion.

Le pincement des cordes de la harpe semblaient se faire à mesure du temps se faire plus lent, plus espacé, signe que la Dame de compagnie était sur le point d'achever sa fresque musicale alors que la dîner était en passe de se clôturer. Un bref regard du Comte à l'endroit de Balthilde semblait tout indiqué qu'il était temps que cela cesse, non sans porter toujours une infime attention à l'endroit de la Baronne qui avait réclamé une proximité nouvelle. Esmera venait d'accepter l'invitation de passer la nuit au Manoir, gage certain qu'elle avait à la fois confiance en son hôte et que son intérêt pour lui dépassait l'entendement.

Les regards complices entre les deux nobles s'intensifiaient, il n'en faisait plus aucun doute qu'ils n'appréciaient plus que de raison et d'ailleurs Victor ne se cachait nullement de ces intentions de prime abord comme pour s'en montrer transparent maintenant qu'il avait promis d'user d'une attitude chevaleresque à l'endroit de sa comparse de tablée. Son sourire s'étirait alors jusqu'aux oreilles aux paroles soucieuse de la Dame d'Hagerth de prevenir sa maisonnée quand à son absence pour la nuit.

- Croyez-vous que j'aurais pu omettre ce détails ? Je pensais que vous me connaissiez ? Un de mes homme d'arme doit déjà être sur le chemin du retour de votre résidence. Ne suis-je pas un fin calculateur ? Tout es déjà prévu meme si je dois sans cesse m'adapter à la situation que vous me proposez. Car je dois vous le concéder, vous n'êtes nullement prévisible comme le commun des dames de la Haute.

Rougelac était il si prévisible comme venait de l'affirmer la Baronne de vive voix ? C'était bien là première fois qu'on lui déclarait cela. Mais pourquoi ? La cause en prenait elle la source par-delà des sentiments naissants ? Non... le Comte ne désirait pas le moins du monde être prévisible alors quelques doutes commençaient à ressurgir dans son esprit avant qu'il ne réplique.

- Je déteste par dessus tout être prévisible mon amie car c'est bien l'imprévisible que me caractérise d'habitude.

Il la toisa alors d'un regard perçant alors qu'elle mesurait le symbole meme d'occuper les appartements de feu son épouse et semblait préoccupait par cela.

- J'ai découvert moi-même mon épouse pendu à la résidence de Nerra. J'ai assister à sa crémation. Le temps du deuil est révolu. Si je vous fait ce privilège, ce n'est pas sans avoir mûrement reflechi a tout cela. Adelaide n'est plus, même si elle reste quelque part près de mon coeur.

Son timbre de voix était presque mordant. Nul hésitation dans ses mots. Victor avait vécu un veuvage difficile où il avait dû apaiser son âme à travers des tisanes aux effets indésirables si puissant qu'il avait faillit faire du mal à une si douce et généreuse herboriste. Il lui fallait tirer un trait sur le passé et aller de l'avant. Il n'avait certes pas touché aux appartements de la défunte mais cela n'avait rien de symbolique, il ne s'agissait pas là d un lieu de recueillement, il n'avait juste pas eu le courage de toucher aux affaires de feu son épouse qui lui aurait rappeler tant de bon et mauvais souvenirs.

Lorsqu'il senti alors la pression des doigts d'Esmera contre les siens, Rougelac retrouva la raison. Reprenant lui aussi une attitude plus digne, Victor ne semblait offrir la moindre part de timidité à l'instar de sa comparse et se redressa finalement pour guider la veuve de Sibran vers la porte, sa main enlacée dans la sienne.

- Et bien vos mots me ravisse mon amie. Allons conter l'histoire de ces bouteilles qui pour certaines sont centenaire.

Sur ces mots, il entraîna la jeune femme jusque dans le hall d'entrée, empruntant un couloir avant d'accéder à une trappe qui dissimulait un large escalier menant à la cave. Se punissant d'une torche, il ouvrit le chemin dans une atmosphère plus humide et fraîche. Les voûtes de la cave étaient splendides et il régnait dans ce lieu une âme solennel voir emprunt d'histoire. Il laissa la Dame d'Hagerth gagner le bas de l'escalier avant de la laisser s'imprégner des lieux. Alors qu'il se trouvait dans son dos, Victor retira son brocard qu'il passa sur les épaules de la jeune femme lui murmurant.

- Je ne voudrais point que vous tombiez malade...

Il était peu commun qu'un noble puisse affirmer que de simple badauds puissent être porté en éloge au point de faire partie de leur famille comme l'un de ces membre à part entière. La baronne de Sibran ne cachait pas ce fait alors que son hôte l'avait rassuré quand à ses actes de prévenance. Pourrait-on s'en offusquer ? Apres tout, Esmera venait d'une lointaine contrée et ses gens lui rappelaient à jamais ses racines. Ainsi le mondain n'émit aucune réprimande, tant que ce aveux restait secret.

Flatter toutefois d'être ainsi mit dans la confidence et bien soulagé par la même occasion que son invitée ne s'attarde sur le tragique destin de feu son épouse, ce dernier l'entraîna donc dans les sous-sols du manoir. Il ne s'agissait non pas là d'un lieu de villégiature, mais d'un endroit qu'affectionnait particulièrement le noble par certains aspects qui rendait cette cave au semblable d'un monument historique où l'on pouvait respirer un air de fraîcheur et dont l'architecture pouvait même pousser à la méditation et à l'admiration.

En ce lieu exutoire, nul autre regard ni oreille indiscrète. L'endroit laissait place à une totale discrétion des échanges entre les deux sang-bleu. D'ailleurs, la donzelle semblait en être bien au fait et se permit alors un geste d'affection qui nourrissait certainement les prémisses de sentiments à l'endroit de cet illustre hôte qui chez ses semblables provoquait à la fois l'admiration et le dédain. Un baisé volé sur sa joue et voilà que la Dame blanche de l'échiquier venait donc de se déplacer à nouveau pour perturber le jeu du roi adverse.

Se justifiant, la Dame d'Hagerth s'employait d'une voix douce qui venait embellir les roulements de ses "r", à laisser libre cours à ses envies dans une timidité toute mesurée. Victor était un personnage aussi controversé que manipulateur, mais ce qui était bien moins connu par le commun des mortels résidait dans le fait qu'il pouvait se montrer tout aussi spontanée dans ses réactions lorsqu'il était certain que ces agissements n'affecteraient nullement son image. Ses bouteilles ? En cet instant, c'était le cadet de ses soucis et ainsi, en retour, il saisit sans crier garde le brocart qu'il venait de passer sur les épaules de sa comparse pour l'attirer tout contre sa poitrine.

Il inclina alors la tête pour se mettre à hauteur de visage d'Esmera avant de l'embrasser avec fougue et passion, se moquant éperdument des conséquences. Elle pouvait le gifler qu'il n'en aurait cure. Qu'à cela ne tienne, la baronne avait initié un plus intime rapprochement, elle en assumerait dès lors les conséquences. L'ivresse du parfum florale qui émanait de la peau de la veuve de Sibran venait ainsi donner plus d'entrain à ses gestes, la serrant à la taille alors qu'il se délectait de ses lèvres.

Il fini par la laisser respirer et relâcher le brocard pour venir lentement et soigneusement le réajuster sur les épaules de cette dernière. Affichant un sourire satisfait, il lui donna enfin la réplique.

- Giflez moi pour mon audace si cela vous sied, mais j'en avait l'ardent envie.

Sur ces mots, le Comte tendis le bras pour que la torche diffuse sa clarté en dessous de la large voûte avant de se diriger vers un braseros dans lequel il laissa choir l'objet avant que ce dernier ne s'embrasse et illumine la cave d'un lumière moins lugubre. Il invita alors la jeune femme à le suivre jusqu'au fond du sous sol où tout contre un mur se tenait une magistrale rangée de bouteille. Le mur de pierre en était tapissé sur une longueur de dix mètres et une hauteur de plus de deux mètres.

- Il y a là des pièces rare venant du confins du Morgenstanc et même par-delà nos frontières. C'est mon arrière grand-père qui à initié cette collection. Certaines bouteilles sont centenaires voyez-vous.

En attestait l'épaisse pellicule de poussière sur certaines d'entre elles. Se saisissant de l'une d'elle, Victor la présenta devant la baronne de Sibran.

- Voici par exemple un Hautes Côtes d'Usson de onze cent vingt cinq.

Il reposa la bouteille avec une infime attention avant de pointer son doigt sur une seconde bouteille qu'il semblait chercher durant de longue seconde.

- Une pièce de collection ! Un Château Ventfroid de onze cent deux.

Il s'agissait d'un véritable trésor que le mondain fut surprit de déposer dans les mains de la jeune femme. Il lui fallait une extrême confiance pour ainsi laisser les main d’autrui s'approprier l’espace d'un instant ce vestige du passé dont les exemplaires devait se compter sur les doigts d'une seule main, si ce n'est peut-être l'unique relique.

Il n'aurait fallut qu'une dernière petite étincelle entre les deux sang-bleu pour éclipser les flammes ardentes qui se diffusaient du braseros. Forte heureusement, la bienséance eut raison de ce feu qui aurait embrasé et inondé le sous sol du Manoir Rougelac. Trouvant leur salut auprès de la collection de vin du propriétaire des lieux, Victor et Esmera semblaient donc repousser un dénouement qui pourtant semblait à présent écrit à l'encre de leur commun désirs.

La baronne reprenait une distance de circonstance alors que son hôte lui offrait le luxe de lui faire découvrir les cépages provenant des quatre coins du royaume. Elle en était honoré et se laissait volontiers bercé par les souvenirs de son père qui semblait partagé le même amour pour les vignes que pouvait l'être le Comte de Rougelac. Sa verbe n'avait d'égale que sa beauté et la veuve de Sibran, en toute humilité, préféra ne pas profiter plus que de raison des trésors que lui confiait entre ses gracieuses paumes le mondain pourtant fort investi par le partage éphémère de sa passion pour ce qu'elle appelait à juste titre le "sang de la terre".

- J'aurais aimé et apprécié connaitre votre père, mon amie. Nul doute qu'il s'agissait d'un grand homme. Je suis certain qu'il vous à légué l'héritage de son amour pour la terre. Vos mots sont d'une justesse...

Il avisa la "vieille dame" comme se plaisait à qualifier la Dame d'Hagerth la bouteille de vin avant de la reposer délicatement à sa place, non sans rajouter.

- Nous avons peut-être plus de points communs qu'on veuille bien le croire ma très chère amie. Qui sait si cette vieille dame ne sera pas réveillé plus tôt que prévu... Les occasions unique se font rare, mais sauf votre respect, j'entrevois l'une d'elle dans un proche avenir si les Trois m'encourage en ce sens. Dit-il en employant à nouveau des sous entendus qui ne sauraient passer dans l'oreille d'une sourde.

Soucieuse de reprendre le cours de la soirée malgré le trouble saisissant qui animait les deux nobles, Esmera questionna son hôte quant à la bouteille qui serait l'heureuse élue de cette fin de soirée. Le quadragénaire pencha la tête sur le coté, fixant d'un regard à la fois mutin et coquin la donzelle.

- Je préfère porter mon dévolu sur quelque chose de doux et léger, vous réservant la primeur de vous offrir une longueur en bouche à ma prochaine visite en votre demeure.

Le double sens semblait sans équivoque, Victor affectionnant ce jeu de langage qui pouvait tout à fait autant correspondre à une bouteille de vin qu'à une femme. La baronne avait beau retrouver mesure et sagesse, il n'en était pas de même pour son hôte avare d'opportunité verbale pour laisser libre cours à son esprit frivole et lubrique. En retour à son murmure, l'invitant à regagner un lieu plus convenable, la veuve Sibran reçu en retour et derechef une réponse sur le même ton, a voix basse.

- Pourquoi nous inquiéter des convenances ? J'en pense que vous avez peur... Dit il, taquin, provoquant avec une certaine légèreté et complicité la Dame d'Hagerth, avant de poursuivre tout en saisissant une bouteille moins ternie par le temps. Gagnons donc mon office si vous le voulez bien. Certainement l'endroit où je passe le plus clair de mon temps lorsque je réside au Manoir. Ainsi, vous continuerez à en apprendre d'avantage sur moi. Et si cela ne vous incommode pas, j'apprécie finir mes soirée en compagnie d'un ami cher... ma pipe a herbe.

Sur ces mots, il designa les escaliers qu'ils avaient précédemment emprunté.