[Terminé]En cours de route [Ft. Rosen de Sombrebois]

En cours de route

Rosen feat Alaric

Alaric m’a répondu que c'est moi qui les ai semés, que lui en a tué un. S’il s’attend à des félicitations… Ce n’est pas vraiment le moment ! Et puis il est reparti au galop en me disant de faire de même jusqu’à la plage. La plage n’étant pas trop loin, on a bien pu se permettre de demander ce dernier effort aux chevaux. Là, au soleil revenu, je l’ai donc relancé sur la discussion de la veille.

Et c’est maintenant que l’évidence se confirme. Je voulais juste être acceptée, mais c’est un peu comme si un loup demandait à des bergers de leur faire une place au sein de leur troupeau. D’aussi bonne volonté que puisse être le prédateur, il reste un prédateur… au milieu de proies grisantes.

Bien sûr, je ne suis pas stupide. La raison, je la connaissais. Mais ça fait toujours quelque chose d’entendre quelqu’un poser des mots, les mots d’un sujet que personne n’avait jamais voulu évoquer auparavant. Sans doute faut-il passer par là pour tenter d’aplanir la situation.

Mais sur le coup, je reste fermée, silencieuse pendant de longues secondes. A quoi servirait-il de tout nier en bloc ? A rien, évidemment. La seule chance que je puisse avoir, c’est une discussion constructive. Seulement, bien peu nombreuses sont les discussions constructives. Certes, ses propos sont fondés, je dois le reconnaître. Mais non, je suis au regret d’affirmer qu’il m’a jugée un peu trop vite.

« Je ne suis pas du genre à m’attacher tout court si tu veux savoir, réponds-je enfin après ce pesant silence. Ce n’est pas une question de temps… Quant à ma venue à Sombrebois, penses-tu vraiment que fuir Marbrume pendant l’invasion était un jeu ? »

Je n’ai pas vu grand-chose de ce carnage, j’ai eu la chance que la Bonne Fortune soit placée vers la sortie de la cité. Mais ce chaos, cette odeur de chair brûlée, les hurlements de panique et de douleur et tous ces gens qui se sont précipités dans l’établissement comme un seul corps ! Ça, c'était suffisant. Un raz de marrée humain ! Quelle ambiance épouvantable…

« Certes, je le reconnais, je peux être frivole, arrogante, agaçante, vénale, je peux avoir tous les défauts que tu auras bien envie de m’attribuer. Je peux prendre un malin plaisir à pousser les gens à bout. Mais quand je suis arrivée, je voulais réellement m’intégrer sans faire d’histoire. Je mentirais si je disais que je me suis amourachée de Hector à la seconde où je l’ai vu… Je mentirais si je disais que je n’ai pas été attirée par le ‘pouvoir’, son rang, ses terres, ‘une façon plus générale ce que peut représenter une personne de la noblesse lorsque l’on est qu’une pauvre ‘gueuse’ de mon genre. Mais j’ai appris à le connaître et ce que c’était que de se sentir bien aux côté de quelqu’un et de rechercher sa présence et son affection. Et c’est la seule personne qui m’a témoigné d’un sincère intérêt. Je pourrais mourir pour lui s’il le fallait, pas parce que je suis attachée à lui – je ne dis pas que ce n’est pas le cas, hein – mais parce que ma vie n’aurait plus le moindre sens sans lui. Mais il y a une chose que tu dois savoir. C’est que sans compter le fait que personne – à part Hector - n’a vraiment cherché à apprendre à me connaître, on m’a carrément traité comme une intruse à éliminer. Et toi, si on cherchait à te causer du tort, que tu devais te méfier en permanence, crois-tu que tu arriverais à montrer ton meilleur visage ? Ne crois-tu pas plutôt que tu montrerais au contraire ton pire visage ? »

Je soupire en regardant un instant autour de moi avant de reprendre tout en chassant une mouche de la main.

« Je sais bien que j’aurais pu un peu moins jouer avec les gens ici, être un peu moins provocante et me montrer un peu plus humaine, tout comme je sais pertinemment que je ne suis pas une bonne personne. Mais j’aurais sûrement eu de meilleures cartes en main dès le départ si l’on m’en avait réellement laissé la chance. J’aurais pu apprendre à tous vous apprécier, au lieu de ressentir ce malaise réciproque à chaque fois que je croise quelqu’un au château… alors… je crois qu’on devrait conclure en disant que l’on a tous eu tort. »

Voilà, ça fait du bien, je crois. Je crois aussi d’ailleurs que j’ai fini de vider mon sac. Enfin, pas tout à fait…

« … et qu’il faudrait que chacun de nous le reconnaisse pour pouvoir repartir sur de meilleures bases. »

Voilà, là je crois que c’est bon.

Je me demande bien à quoi bon chercher à arranger les choses. Quoi que je puisse arranger, le principal à refaire, lui, je ne le pourrais jamais. On ne peut pas revenir pas en arrière...

Non, il ne pensait pas qu’elle avait fui Marbrume par jeu. Pourquoi fallait-il qu’elle détourne ainsi ses paroles ? Il soupira, mais ne répondit rien. Il n’en eu pas le temps, de toute manière. Apparemment, Rosen n’avait pas eu assez avec leur discussion de la veille. Alaric fut surpris par tant de sincérité. Il était rare que la baronne de Sombrebois reconnaisse ses torts. Le soldat se sentit désolé pour elle, même s’il ne se sentait pas vraiment concerné. Jamais il n’avait eu l’impression de la mettre de côté. En fait, il était tellement préoccupé par sa propre situation, il n’avait pas dû faire attention. Depuis l’arrivée de la fange, Alaric s’était replié sur lui-même. Il avait fait des efforts, une fois qu’il avait gagné Sombrebois en compagnie d’Hector. Cependant, si Hilde avait fait de nombreux pas dans sa direction, il lui avait fallu du temps pour en faire vers elle. Quant à Hector, il le voyait toujours comme son ami, un ami qui l’avait aidé, inconsciemment, à aller de l’avant. Alors oui, peut-être qu’Alaric ne l’avait pas aidée à s’intégrer, mais jamais il n’avait voulu la repousser. S’il avait refusé d’être son témoin, c’était parce qu’à ce moment-là, il ne s’était pas senti assez proche de la blonde. Sans compter qu’il avait toujours craint de trop s’attacher aux autres, un crédo qu’il avait fait disparaître avec le temps.

Cela faisait la deuxième fois qu’elle évoquait les problèmes d’intégration à son encontre, « une intruse à éliminer » ? Les mots étaient forts. Alaric fronça les sourcils. Pour sûr, il ne devait pas être au courant de toute l’histoire.

- Que s’est-il passé ?

Il avait du mal à croire que l’un des habitants du château ait pu lui causer du mal volontairement.

- Et je ne pense pas que tu sois une mauvaise personne, Rosen… Bon ou mauvais, seuls les Trois te jugeront.

Au fond, cette vision de la vie manichéenne n’avait plus grande importance aux yeux du soldat. Chacun interprétait les préceptes des dieux à leurs convenances et chacun était en mesure de reconnaître ses torts. On ne pouvait respecter une ligne de conduite parfaite tout au long de sa vie. Tant que les écarts n’étaient pas trop grands, les Trois pardonnaient.

- Je n’ai jamais voulu te blesser. Je parle peu avec les autres, je suis comme ça… Tu n’imagines pas les tentatives d’Hilde, pour que je sorte un peu de ma bulle !

Il rit doucement.

- Mais j’apprends.

Depuis plusieurs mois, Alaric avait appris à apprécier – à nouveau – les rassemblements, les fêtes, les rires. Même s’il demeurait toujours sur ses gardes, il s’amusait vraiment avec les autres Sombreboisiens. Certes, la plupart dirait qu’il était discret, mais on ne le changerait pas. Pas à ce point-là.

- Finalement, c’est pas plus mal ce voyage, hein ?

Mettre les choses à plat, cela faisait du bien. Le soldat avait pris conscience que Rosen souffrait réellement. Il ne pouvait lui tenir rigueur pour son comportement à vie. Ils auraient sanas doute toujours du mal à être sur la même longueur d’onde, mais discuter sans se crier dessus, c’était déjà un bon début, non ?

- Puisse Marbrume nous faire du bien, à tous les deux.

En cours de route

Rosen feat Alaric

Si le soleil se montre enfin, je crois que l’ambiance ne suit pas. Lorsque Alaric me demande de lui expliquer ce qu’il s’est passé lorsque je lui ai parlé d’avoir été ‘une intruse à éliminer’, je hausse seulement les épaules.

« Laisse… ce n’est plus important maintenant. »

Il n’y a tellement plus rien qui va que ça n’a vraiment plus d’importance.

« Si tu veux savoir, ce n’est pas compliqué. Réfléchis... tu trouveras sûrement. »

Il ne s’agit d’un secret pour personne. Les tensions entre la prêtresse et moi, mes provocations à son égard, notre 'balade' qui a bien failli très mal finir… d’ailleurs, j’avais évoqué ce sujet cet été avec Alaric et peut-être s’en souvient-il. Bon, je n’avais pas parlé de cette sorcière, m’enfin…

Non, je ne veux pas en parler. Je ne veux pas en rajouter une couche encore, je ne veux pas foutre la merde. Je crois que je l’ai assez fait comme ça… Mais il est pourtant clair que ça n’allait vraiment pas entre elle et moi. Hector l’a même envoyée au Labret pour me faire des vacances…

Enfin, passons. S’il lui prenait à nouveau l’envie de me faire disparaître et qu’elle le faisait, elle rendrait service à tout le monde, même à moi. Alors… Voilà. Bref, Si Alaric ne fait vraiment pas le lien, ce n’est pas plus mal. Il me dit qu’il ne pense pas que je sois une mauvaise personne, je me demande bien comment il peut dire ça…

« Alors on va dire que je ne le suis plus vraiment pour rester sur une note positive... »

J’ai peine à m’en convaincre. Mais Alaric semble s’ouvrir un peu et se montrer moins morose, presque amical envers moi et cela fait soudainement comme une éclaircie dans le ciel pourtant déjà dégagé.

« Ne te justifie pas… je crois que je ne suis pas plus douée que toi avec les rapports sociaux. Et puis tu ne m’as pas blessée. Il en faut plus pour me blesser… Je crois qu’il n’y a que Hector qui pouvait y parvenir et que c’est ce qui nous a conduit à ce conflit lorsque nous étions en voyage. »

Oui, c’est bien pour ça que je lui ai dévoilé mon vrai visage malgré moi. Mais pour notre avenir, il serait bon d’arriver à ne plus nous blesser de la sorte l’un et l’autre. Je ne sais plus vraiment qui a tort et qui a raison dans ce conflit que nous avons eu. Ce n’est pas ce que je savoir de toute façon, je veux juste que tout cela reste derrière nous désormais.

« Finalement, c’est pas plus mal ce voyage, hein ? me dit-il avant de rajouter : Puisse Marbrume nous faire du bien, à tous les deux.
- On aura réussi à ne pas s’entretuer, c’est une victoire ! Je m’exclame avec légèreté. Peut-être que nous allons arriver à nous entendre maintenant ! A un moment, j’ai bien cru que tu allais m’étrangler. »

Je me mets à rire doucement. Je crois qu’on avait l’air de deux idiots à s’envoyer des mots puérils comme nous l’avons fait. Oui, la compagnie humaine peut-être tout aussi agréable sinon plus encore quand lorsque l’on en profite et qu’on arrive à atteindre une entente amicale au lieu de chercher obstinément à pousser les gens à bout.

« Moi aussi, je crois que j’apprends. On ne s’en sort pas trop mal, non ? »

Et la brise qui souffle semble plus légère. J’ignore si la capitale nous fera du bien, pour ma part, j’appréhende mon séjour. Mais pour le retour, je pense qu’il sera un peu plus doux, avec une personne qui, peut-être, pourra se montrer un peu plus indulgente à mon égard.

En attendant, j’ai hâte de retrouver Hector. Peut-être que je pourrais faire quelque chose pour lui faire plaisir… Ce serait bien. Je prends une profonde inspiration agréable en regardant devant moi. Peut-être n’est-il pas trop tard pour arriver à trouver l’apaisement...

Alaric n’insista pas, si Rosen ne voulait plus en parler, c’était son droit. Cependant, il ne put s’empêcher de réfléchir à ses dires, de repenser à certaines de ses paroles, échangées au cours de l’été. Il était de notoriété publique que la baronne de Sombrebois n’avait guère de bons contacts avec la prêtresse du château, Marie-Ange. Mais, c’était une prêtresse… Le soldat secoua la tête et soupira. Les intermédiaires des dieux n’étaient pas parfaits et demeuraient des mortels. De toute façon, il ne la connaissait pas très bien et, pour une fois, était enclin à plutôt croire les propos de la blonde. Il se demanda si Hector était au courant… Sûrement, ce qui expliquerait pourquoi Marie-Ange avait été envoyée au Labret pendant quelques semaines. Alaric n’avait jamais reçu d’explications claires à ce sujet. À sa place, il l’aurait complètement renvoyée de Sombrebois. Le soldat appréciait le château et son bourg justement pour le calme, pour vivre au sein d’une petite famille. Tout s’était bousculé, dernièrement. Lui-même, en ramenant Sydonnie… Il soupira. Il avait bien participé à foutre la merde là-bas, lui aussi. Avec un peu de chance – sa spécialité – les ressentiments de chacun se seraient taris durant son absence. Le temps pansait les plaies.

Soulagé de voir Rosen de meilleure humeur – la suite du voyage s’annonçait plus joyeuse – il renchérit.

- Je ne comptais pas te tuer, mais t’abandonner dans les marais m’a traversé l’esprit… Seulement, j’aurais fini par m’en vouloir, et j’aurais fait demi-tour. Alors autant te garder jusqu’à la fin !

Alaric rit à son tour.

- Moi, je ne me trouve pas très doué. C’est l’intention qui compte, non ? C’est étrange comme Sombrebois m’a fait beaucoup de bien. Cela fera bientôt un an que j’y vis… Pourtant, cette fois, j’ai eu besoin de m’en éloigner. Je sais qu’au fond de moi, j’aurais envie d’y retourner. Je suppose qu’une petite pause ne peut pas nous faire du mal !

C’était presque drôle, la manière dont Alaric et Rosen se ressemblaient, et à quel point ils étaient différents. Ils provenaient de mondes opposés, n’avaient pas les mêmes valeurs et pourtant, tous les deux cherchaient la même chose : une place dans ce monde singulier.

D’une exclamation, le soldat augmenta l’allure de son cheval. Depuis qu’ils avaient atteint la plage, Bravoce trottait d’un pas cadencé, plutôt lent. Lui et la jument de Rosen avaient eu tout le loisir de se reposer un peu quand ils avaient repris leur discussion. Désormais, Alaric n’avait qu’une hâte : poser ses bottes crottées dans l’enceinte de Marbrume.

Merci pour ce rp ! ^^