[Terminé] Un retour "cahotique" [Eric et Gudrun]

Perdue dans ses pensées, Gudrun continuait à s'agiter quand elle sentit une main sur son épaule et la voix d'Éric qui l'appelait. Elle s'arrêta, revenant au moment présent. Cette main semblait la ramener sur terre, et cette voix lui rappelait la situation où elle se trouvait. Elle prit soudain conscience qu'elle avait oublié la présence d'Éric, et que ses paroles avaient pu être... interprétées. De quelle façon, elle ne le savait pas, mais elle n'avait pas pesé ses mots avant de parler, toute à cette illumination soudaine.

Il vint alors doucement poser ses lèvres sur les siennes, dans une sorte de baiser prolongé qui venait simplement confirmer que la tentation était bien là. Et que cela n'avait rien à voir avec Einar, contrairement à ce qu'elle avait cru. Il avait beau avoir été un homme admirable, il ne se serait jamais comporté ainsi et... et... Elle n'arrivait plus à penser.

Elle rouvrit les yeux quand il rompit le contact, le coeur battant et la respiration coupée. Abasourdie par la proposition qu'il lui faisait, elle mit quelque temps avant de pouvoir lui répondre.

- Je n'ai pas voulu dire que... Enfin, je ne sais pas ce que tu as compris Éric, mais je voulais simplement dire que... Eh bien ! Il est naturel d'être marié et c'est même nécessaire pour tout être humain vois-tu.

Non, ce n'était pas tout à fait ce qu'elle voulait dire, mais la situation était très gênante et les mots avaient du mal à sortir. D'ailleurs, elle ne voulait pas être sincère avec lui sur le sens de ses mots. La phrase d'Éric la laissait tout aussi perplexe, car il avait toujours été très convenable avec elle et ce qu'elle en comprenait était étrange. Elle retira doucement sa main de son épaule avant de prendre son courage à deux mains pour poursuivre.

- Pour être claire, oublie ce que je viens de dire sur la tentation. C'est mon problème, je réalise simplement que je serais certainement plus utile si j'étais mariée. Même si... Enfin, il y a de multiples façons d'être utile lorsqu'on est mariée. C'est juste que je réalise que les sentiments que je portais à Einar... Je peux peut-être les porter à quelqu'un d'autre. Avec le mariage vient l'amour, nécessairement, et je crois que cela me ferait du bien à moi aussi. Et les dieux nous enseignent qu'en restant dans les limites du raisonnable il est bon de tout faire pour se sentir bien. Tout cela mis bout à bout... Ils approuveraient certainement mon remariage, n'est-ce pas ?

Elle n'était toujours pas certaine du sens des mots d'Éric ni de ceux qu'elle avait prononcés. C'était à la fois réconfortant d'être avec lui, tout en étant très frustrant. Elle n'aurait jamais dû accepter ce câlin, elle n'avait plus les idées très claires malgré ce qu'elle lui avait dit.

Elle ne m’avait pas repoussé lorsque j’avais pris possession de ses lèvres, si j’en crois ses yeux qui se sont clos, je pourrais même croire qu’elle à apprécié.
Après ce baiser, j’avais reculé la tête pour trouver son regard, gardant toujours doucement la main sur son épaule. J’étais tout près d’elle, presque à la frôler et je luttais pour ne pas approcher plus mon visage. J’avais pourtant terriblement envie de poser à nouveau mes lèvres sur celles de Gudrun mais je me tenais. Elle m’observait d’un regard indéchiffrable avant de se mettre à parler. Visiblement, j’avais mal interprété ses paroles et après avoir un peu bafouillé, elle résumait en affirmant qu’il était normal pour tout humain d’être marié.
Je me contentais de hocher la tête pour confirmer, c’était bien ce que disaient les Dieux, oui. En cela, j’allais à l’encontre de leurs idéaux.

Elle retira alors ma main de son épaule, le regard un peu perdu, perplexe. Elle m’expliqua alors de façon un peu plus claire ce qu’elle avait eu comme révélation. Oublions la tentation, fameuse et racoleuse et concentrons-nous sur l’essentiel! A en croire les Dieux, Gudrun estimait qu’elle serait plus utile en étant mariée. Elle verbalisa le nom de feu son époux en admettant sa disparition une fois de plus, envisageant alors de reporter l’amour qu’elle avait pour lui sur quelqu’un d’autre. Elle ajoutait alors que d’avoir de nouveau quelqu’un à aimer lui plairait, l’apaiserait, que se sentir bien était aussi une recommandation des Trois.
Enfin, elle me demandait si, de fait, les Dieux approuveraient son remariage…

Je l’observais, perplexe à mon tour. Après toutes ces explications, je ne savais pas trop comment interpréter les choses. Je hochais la tête et répondis simplement.

En mettant tout cela bout à bout, oui je pense que les Dieux approuveront que tu épouse de nouveau quelqu’un.

Je lui saisi la main en douceur sans la quitter des yeux, caressant son poignet du pouce. Je suis suffisamment proche d’elle pour avoir toujours son odeur qui m’enivre.

Je les veux bien moi, tes sentiments…

Je m’approche alors un peu d’elle, passant mon autre main sur son cou, mes doigts glissant sur sa peau en douceur. Cherchant son regard, je poursuis, déterminé mais tendre.

Je suis prêt à prendre les Dieux en témoins de ceux que j’ai pour toi…

J’ai pris conscience que ma vie actuelle ne valait pas un clou. Gudrun, aide réellement les gens. Mais moi, je ne fais que errer. Ma vie doit changer!
Oh que oui je suis prêt.

Éric était d'accord avec son raisonnement, et cela représentait un soulagement pour elle. Il faudrait qu'elle en parle avec un autre prêtre... Mais au fond, elle connaissait déjà la réponse. Elle voulait simplement se l'entendre dire par d'autres.

Un petit frisson la parcourut quand il lui prit le poignet pour lui dire qu'il voulait être l'objet de ses sentiments à elle. Elle était prise au dépourvu. Est-ce qu'il s'agissait d'une demande en mariage ? Les mots suivants semblaient le confirmer... Mais elle n'avait pas réellement envisagé qu'il puisse être un prétendant ! Certes, il ne la laissait pas indifférente, mais... Cela ne se faisait pas comme ça ! Il fallait que le rang social corresponde, que les familles soient d'accord, que son statut... En réalité, il n'y avait plus rien de tout cela qui comptait depuis la Fange, et surtout depuis qu'elle était arrivée ici, au milieu de tous ces gens si différents. Peut-être était-ce le fait qu'Éric n'en fasse pas partie qui lui plaisait autant ? Parce que oui, son franc parler, son honnêteté et ses idées bien arrêtées lui plaisaient. S'il lui fallait se marier pour servir les dieux, pourquoi pas avec un homme qui les respectait à ce point ? Il disait ne pas les aimer, mais ce n'était pas ce qui ressortait de son comportement. Et pourquoi pas avec un homme qui semblait avoir de l'affection pour elle ? Elle voyait en face d'elle deux yeux sombres qui, attrapant un reflet de lumière dans cette caverne, la regardaient en brillant.

Elle sourit, et posant sa main libre sur l'épaule d'Éric, elle déposa un baiser un peu plus appuyé sur ses lèvres, avant de reculer son visage rapidement. Les objections qu'elle pouvait avoir de son côté étaient obsolètes. Et elle s'inquiétait un peu des raisons qui poussaient Éric à l'apprécier autant aussi vite, mais cela, elle avait bien compris qu'il ne fallait pas le remettre en question. Cependant, il y avait une autre pensée qui la mettait mal à l'aise. Elle perdit son sourire un instant.

- Si tu as des sentiments pour moi comme tu le dis, je ne peux pas refuser ta proposition. Néanmoins... Je n'ai pas très envie de vivre dans les bois. Et de ton côté, tu ne me connais pas réellement... Et surtout, je ne crois pas pouvoir t'offrir ce que l'on recherche habituellement dans le mariage. Je ne crois pas pouvoir t'assurer une descendance et je devrais sans doute chercher quelqu'un qui en a déjà une. Cela non plus tu ne pouvais pas le deviner. Nous n'avons juste pas parlé... de ça.

Ils n'en avaient pas parlé effectivement. Ils n'avaient pas parlé de leurs vies d'avant, ou très peu, et elle ne savait même pas s'il avait été marié. Il avait peut-être déjà eu des enfants. Elle l'espérait, mais le fait qu'il vive dans les bois n'étayait pas cette hypothèse malheureusement. Elle ne bougeait pas, profitant de son contact encore un peu. Quoi qu'il arrive, cette douceur et cette chaleur étaient agréables.

- Ce n'est pas un sujet simple et il faut du temps pour y réfléchir. Je ne conteste pas tes paroles Éric, et je crois que je serais prête à te donner ce que tu mérites, mais je prends le mariage très au sérieux. C'est un engagement pour le reste de ta vie si les dieux le veulent, et on ne prend pas ce genre de décision en deux jours.

Une tristesse lui était venue en prononçant ces paroles et elle se tut, déçue de nouveau en repensant à ce qu'elle aurait tant voulu, et ce qu'elle voulait tant pouvoir offrir aujourd'hui. Mais elle ne put s'empêcher d'avoir un petit sourire tandis que les larmes lui montaient aux yeux, se rendant compte qu'il pourrait de nouveau mal interpréter ses paroles.

- Ni en trois jours Éric. Pour parler aussi clairement que toi, je te le dis : pense-y au moins une semaine, c'est tout ce que je te demande.

J’attendais sagement qu’elle dise quelque chose, qu’elle réagisse, je ne voulais pas paraître brusque ou d’une quelconque impatience. Pour une raison simple, je n’étais pas impatient. Enfin, si un peu… Anxieux surtout?
Je crois que c’est plus cela oui.
Anxieux de ce qu’elle pourrait penser de ce que je venais de dire.
Alors, je restais là à caresser tendrement son poignet, une main sur son cou, les yeux dans les siens. Elle réfléchissait, m'observait pour savoir si j’étais sincère sûrement. Puis, elle finit par plonger son regard chamboulé dans le mien. Elle m’offrit un sourire en posant sa main sur mon épaule avant de me couper le souffle.
Gudrun vient tendrement déposer ses lèvres douces et humides sur les miennes dans un baiser prononcé, plus appuyé que celui que j’avais fait précédemment. Mon souffle se coupait alors que j'écarquillais les yeux, répondant à peine à ce geste, préférant en profiter. Mon cœur s’emballe tandis qu’elle recule déjà.
Nous nous observions alors que j’attendais une suite. Après ce baiser, le premier qu’elle me faisait, il devait bien y avoir des paroles, non?

Son sourire s'envole alors et les paroles tombèrent. Elle acceptait mes sentiments et envisageait visiblement d’accepter de me partager les siens. Sans me laisser le temps de réagir, elle continuait, précisant que vivre dans les bois n’était pas ce à quoi elle aspirait, que je ne la connaissais finalement pas beaucoup et que ce qu’elle avait à m’offrir était très limité. Elle n’imaginais pas être en mesure d’enfanter, arguant qu’il lui fallait sans-doute plutôt chercher un veuf ayant déjà une progéniture qu’un homme comme moi. Elle voulut me rassurer en me disant que je ne pouvais pas deviner puisque nous n’avions pas parlé de tout cela.

Je l’observais, continuant de caresser son cou et son poignet. Elle ne semblait plus vouloir me fuir, au contraire elle semblait apprécier.

Elle poursuivit alors pour finir par me dire qu’elle pensait réellement accepter ma proposition, précisant que pour elle le mariage était extrêmement sérieux, me rappelant que c’était un engagement lourd de conséquences qui ne se prenait pas sur un coup de tête.
Soudain, elle semblait terriblement triste au point que des larmes se mirent à couler, ce qui ne l’empêchait pas de me sourire en faisant une précision qui me fit rire.

Calmant rapidement mon rire, je venais essuyer ses joues de mes pouces avant de répondre avec un sourire complice. Je lui fis alors une réponse mêlant sérieux avec un trait d’humour, montrant que j’avais parfaitement compris sa précision.

Une semaine, j’ai bien compris. Ce n’est pas bien de jouer sur les mots.

Je passais alors un bras à sa taille, l’autre à ses épaules pour la serrer tendrement contre moi et mon cœur qui tambourinait.

Je renoncerais avec joie à ma vie d’errance pour partager la tienne et évidemment quitter cette forêt. Pour tout le reste qui te préoccupe, ce que l’on cherche habituellement dans le mariage, n’ai pas d’inquiétude. Je n’ai rien à par mon cœur, mon âme et mon esprit à t’offrir. Tel que tu me vois aujourd’hui, je serais plutôt en peine avec un enfant. Mais si les Dieux veulent m’en confier, ils le feront. S’ils veulent nous en confier, ils le feront.

Je saisis son regard avant d’ajouter quelque chose en souriant.

Pour le reste, j'attendrai une semaine avant d’en parler, sinon tu va me rouspéter. Même si nous savons tous deux que cela ne revient qu’à repousser une question d’une semaine. Je te l’ai promis, je réfléchirais à tout cela.

J’observais ses pupilles en la tenant doucement contre moi puis mes yeux glissèrent sur sa bouche et je viens alors l’embrasser de nouveau, avec tendresse mais un peu plus de passion.

Il y a une chose qu’aucun de nous deux n’a remarqué mais que vous aurez peut-être noté.
La petite étoile noire, terne et sombre était maintenant légèrement teintée de bleu.
Hasard ou signe des divins? La réponse n’existe pas puisqu’elle est en chacun de nous.

[A suivre...]