Le dîner de toutes les possibilités (PV)

Se prêtant partiellement au jeu seulement, le Comte eut tout de même l’air de passer un agréable moment en devinant les flagrances qui se présentaient à son nez. Très sérieusement, et assez étonnamment pour quelqu’un qui connaissait déjà le parfum, il rechercha ces fameuses nuances. Le lilas et la groseille, c’est donc ce qu’il pouvait détecter. Il n’avait pas tort , Théodora pouvait elle aussi les sentir.
La bourgeoise, sentant que leur intermède devait se terminer à la vue du temps qui passait, remballa habillement le présent. Puis, elle attrapa la tasse afin de terminer les dernières gouttes de la boisson désormais tiède.

« J’ose espérer pouvoir faire grandir cette liste d’atouts Messire. D’ici à ce que nous nous revoyons, j’y aurais déjà travaillé afin que nos affaires soient des plus florissantes. Entre autres. »

Un sourire énigmatique fleurit sur ses lèvres alors qu’elle se permit un dernier regard complice envers son compagnon de jeu. Bientôt, il faudrait que chacun reprenne son rôle, et cette compréhension mutuelle sur leurs intentions devrait être cachée. Pas que le jeu n’en soit pas intéressant. Au contraire, et la négociante serait une menteuse si elle ne s’avouait pas aimer particulièrement tout ce jeu de dupe. Le sentiment de pouvoir qu’apportait ce savoir était grisant.

Pour autant, Théodora ne devait pas oublier l’essence de ce qui lui avait donné toutes ses opportunités. Son travail devait rester des plus impeccables pour se montrer à la hauteur et rester en course. Désormais qu’elle avait un futur des plus brillant à une très courte échéance, il était hors de question de tout perdre par relâchement.

« Une fois que les livraisons seront installées et que nous aurons les premiers retours, je vous ferais parvenir mes premiers rapports sur la situation. Nous pourrons ajuster nos prévisions en fonction de ces premières affaires. »

Ce serait aussi l’occasion de prévoir un autre dîner, éventuellement, avec tous les agréments qui s’en suivaient. Une autre chance de faire tomber le Dauphin pour elle, une autre opportunité de se rapprocher du titre de Comtesse et une nouvelle occasion d’assurer que la graine de Santenoque fleurisse dans son jardin.

La tasse de porcelaine retrouva délicatement le bois du guéridon avant que Dame Priost ne vienne croiser les mains sur ses genoux. Ce n’était plus la femme sans retenue qui se trouvait face au Comte, mais la commerçante dont tous pouvaient louer la parfaite étiquette.

« Je n’ai que trop abusé de votre généreuse hospitalité Messire. Il me semble opportun de quitter, à regret, votre compagnie, avant que les rues ne deviennent trop dangereuses. »

Il aurait été malpoli de se lever avant son hôte, alors elle attendit que son futur époux ne veuille bien la raccompagner jusqu’au hall d’entrée. Alors qu’elle récupérait sa cape, elle observa une dernière fois celui qui venait de changer de manière fort inattendue son futur. Le regard intelligent, la présence forte et imposante, la richesse et le pouvoir lui collant à la peau, il n’y avait rien qui ne pouvait ne pas lui plaire. Les quelques désagréments qu’elle avait pu remarquer en début de soirée, ils n’étaient rien.

Une révérence impeccable vint ponctuer leur dernière scène.

« Votre Grandeur, je ne saurais comment vous remercier de votre générosité et votre magnanimité. Ce fut un réel honneur d’avoir été reçue par un homme de votre qualité. La famille Priost fera de son mieux pour répondre à vos attentes. »

Gontrand, ayant rejoint sa patronne dès lors qu’elle avait atteint le hall, s’inclina tout aussi respectueusement. Son expression resta totalement neutre, comme il était de mise pour un homme de son emploi.