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 Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]

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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 12 EmptyVen 11 Nov - 14:55
Ambre tressaillit, tout comme sa main, lorsque Morion s’empara de cette dernière. L’envie presque instinctive de retirer ses doigts qui s’imposa à elle rappela à son esprit la semaine d’ignorance qu’ils venaient de passer, rendant le geste que plus délicat à accepter. La comtesse n’appréciait pas l’idée de faire comme si rien ne s’était passé, sans tout mettre à plat, sans reprendre le sujet qui les avait échauffés et en parler avec plus de recul. Elle ne retira pas sa main, cependant. Elle resta un peu raide, encore trop affectée pour pouvoir encourager le geste et caresser d’elle-même la peau de son époux. Mais elle ne put pas interdire son geste d’affection ; elle savait que cela serait mal accueilli. L’homme avait été très clair sur le comportement qu’elle n’avait pas à adopter avec lui, après tout. Cela dit, cela ne s’arrêtait pas à une volonté de lui obéir. Elle ne pouvait pas supporter la distance qui s’était installée entre eux et qui la rendait malheureuse, et ce petit geste, même infime, pouvait mener vers le chemin de la réconciliation. Alors elle laissa sa dextre en place, perturbée l’espace de quelques instants, mais reprenant rapidement contenance.

- La coïncidence l’est peut-être un peu trop. Tu connais mon opinion de cette femme mais je trouve l’erreur particulièrement sotte. Elle doit être aveuglée par beaucoup de haine pour avoir recours à cet homme.

Le constat était calme, mais appelant à la plus grande prudence. En effet. Quelle espionne saine d’esprit se serait jetée dans le nid du seul ennemi déclaré de sa cible ? S’était-elle crue réellement discrète ? Ou peut-être avait-elle voulu qu’on la voit, pour jeter la discorde au sein du couple Ventfroid ? Ambre avait parfois du mal à cerner cette femme, même si elle avait visiblement été plus lucide que Morion.

- La méfiance est requise depuis qu’elle m’a menacée en ton absence, Morion. Requise depuis le début.

Depuis qu’elle avait osé mettre un orteil dans la demeure des Ventfroid et que leurs visites s’étaient montrées plus assidues, avant même leurs fiançailles, de fait. Sans faire attention, la comtesse venait de lâcher une information qu’elle n’avait jamais donnée : les visites insultantes de la Rocheclaire tandis que Morion se trouvait au Labret. Ambre ne se rendit pas compte de son oubli, et continua. Elle crispa un peu les lèvres, son dos se raidit un peu plus lorsque l’homme lui demanda de ne pas prendre ombrage des visites de la blonde.

- Il y a bien longtemps que je me suis habituée à ses visites. Tu n’as pas à craindre quoi que ce soit.

C’était à moitié un mensonge. Si ces derniers mois, Ambre avait réussi à ne ressentir qu’indifférence aux passages de la vassale, depuis qu’elle connaissait l’existence des bâtards, c’était différent. Elle ne pouvait s’empêcher de penser que, bien des mois ou des années plus tôt, c’était Cassandre qui se trouvait dans les draps de Morion, à la place qu’elle possédait désormais. C’était une image difficile. Ambre n’aurait jamais pensé pouvoir ressentir une aussi grande jalousie, qui n’avait d’ailleurs aucune justification rationnelle, puisqu’elle était devenue comtesse de Ventfroid, et pas l’autre. Mais c’était instinctif et animal, et sûrement la preuve définitive que ses sentiments pour Morion étaient profonds, peut-être plus que ce qu’elle avait pu imaginer. S’en rendre compte ne faisait que d’autant plus mal en la période actuelle, où les époux n’échangeaient et ne partageaient presque plus rien. Une chance que la vicomtesse ne soit pas repassée depuis, bien qu’elle devait posséder une certaine inquiétude. Elle savait qu’Ambre avait reconnu les enfants au marché. Peut-être attendait-elle que le sujet lui tombe sur la tête à une prochaine convocation de Morion, et avec raison.

Par la suite, Ambre leva un œil surpris, mais sincèrement heureux, vers son époux. Elle n’avait pas eu de nouvelles d’Estrée depuis un moment assez long pour se féliciter de son rétablissement et la reprise du commandement du domaine. Elle se sentit un peu penaude, d’ailleurs, car elle se rendit compte à l’instant où Morion parlait de ses sœurs qu’elle n’avait point envoyé de nouvelles à Marianne. Les deux femmes entretenaient une correspondance depuis son passage à Marbrume, mais son esprit avait été trop occupé pour être aussi assidue qu’elle l’aurait dû. Elle avait craint de trop laisser entrevoir ses états d’âme et avait donc repoussé la rédaction à une journée plus propice. Elle ne négligerait plus ces choses-là, à l’avenir.

- C’est une bonne nouvelle, bien qu’un mois de convalescence me paraisse un peu court après une blessure pareille. Trois mois au moins auraient été nécessaires. Elle jeta un regard en coin à son époux, un peu amère. L’entêtement semble être de famille.

A la suite du discours de Morion, la comtesse mit ses mains contre son ventre instinctivement. Partir au domaine bientôt était une chose qu’elle avait envisagé d’elle-même. Lorsque son ventre serait trop gros, le voyage à cheval serait impossible, et en ces temps dangereux, il était hors de question de traverser toutes les lieux qui les séparaient de Marbrume dans une charrette. C’était trop lent, et Ambre ne risquerait jamais sa vie en traversant la Fange ainsi. Déjà que mettre un pied hors des remparts l’effrayait assez, pas besoin de se rajouter du danger. S’ils voulaient passer quelques semaines au domaine, c’était effectivement le moment de partir. La comtesse allait entamer son quatrième mois, et un œil avisé pouvait déjà noter le léger renflement sous son nombril, aisé à confondre avec son ventre naturel, mais qui pourtant était bien la marque de sa grossesse. Ironiquement, le comte lui-même n’avait pas pu le noter, n’ayant pas vu sa femme nue depuis une semaine entière.

- Je suis prête à partir quand tu le voudras. Rien ne me retient en ville en ce moment. L’invitation de tes sœurs est très gentille. Elle fronça légèrement les sourcils pour continuer. Talen fera-t-il la route avec nous ? De toute évidence, la comtesse n’était pas à l’aise, même s’ils voyageaient de jour.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 12 EmptyVen 11 Nov - 15:59
A son geste, la tension de son épouse fut perceptible. Et il ne la releva pas, il pouvait lui-même tout à fait la comprendre. La semaine avait été particulièrement éprouvante, et la vacuité qui était née durant cette dernière ne pouvait être comblée d’un simple geste, qui pouvait même être considéré comme surprenant, un peu déplacé, vu les circonstances. Mais parti comme ça l’était, si aucun des deux protagoniste ne faisait ne serait-ce qu’un geste, une attention, même infime comme prendre une main entre ses doigts, alors les choses risquaient de mettre trop de temps à s’arranger. L’indifférence globale du comte ne souffrirait cependant pas une autre semaine comme celle-ci. Qu’il le montrât ou pas, son insensibilité connaissait des limites, d’autant plus restreintes lorsqu’il s’agissait de sa femme. Que les choses prennent du temps ou non, voilà qui lui importait peu, sinon pas du tout. Il était extrêmement patient.

Sur ce point il était en phase avec Ambre. Effectivement, la haine l’aveuglait. Et sérieusement. Il avait du mal à la comprendre d’ailleurs. Qu’elle déteste à Ambre parce qu’elle occupait une place qu’elle convoitait… D’accord, c’était compréhensible, voire même complètement humain, comme comportement. Et il pouvait fort s’en accommoder. Mais à ce point ? Il n’avait pas les armes pour comprendre une telle hargne. Ou tout du moins, cela frôlait littéralement le ridicule pour lui, voire plongeait totalement dedans. Et il ne pouvait rester oisif face à une telle attitude. Il ne pouvait plus.

Il bloqua. Quelques secondes tout au plus. L’étreinte de sa main se fit raide, d’un coup. Ses yeux se plissèrent sensiblement, ses sourcils se rejoignirent au milieu de son front. Le temps d’accuser l’information, les lèvres entrouvertes. Elle n’avait jamais fait mention d’une telle chose, après son retour du plateau. Jamais. Pourquoi ? Pourquoi avait-elle tu une telle chose ? Il aurait été actif bien plus rapidement, aurait pris des mesures directement, s’il avait su que Cassandre avait menacé sa femme. Il sentit les battements de son coeur s’accélérer sous l’effet des prémices de la colère. Pas dirigée contre sa femme non, encore qu’il aurait pu, vu l’omission qu’elle venait d’avouer. Mais non, c’était dirigé intégralement contre la vicomtesse. Ses avertissements avaient été clairs, pourtant, et elle avait… Il serra légèrement les dents.

«… Qu’entends-tu par menacé ? Et je te prie de ne rien omettre, cette fois. Ce n’est pas quelque chose que tu aurais du me cacher Ambre. Qu’a-t-elle dit, ou fait ?»

Et là il ne lâcherait rien avant d’avoir une réponse honnête. Son ton n’était ni sec, ni porteur d’une quelconque forme de reproche. Elle n’aurait en effet jamais dû omettre de telles choses, tout comme lui, ironiquement, n’aurait jamais dû omettre de lui parler de ses bâtards. Il voulait juste savoir. Il ne changerait pas sa méthode d’action, déjà citée. Cependant, il n’aurait, selon ce qu’elle lui révèlerait, aucun scrupule envers Cassandre. Et risquerait de prendre des dispositions avec la famille Rocheclaire dans son ensemble, chose qu’il n’avait jamais envisagé de faire depuis qu’il était le seigneur des Ventfroid.

Pour le reste, de toute façon… Sa remarque visait surtout à le protéger lui de toute forme d’aigreur de la part de sa femme en cas de visite de Cassandre. Qu’elle n’aime pas cette femme était un fait avéré contre lequel il avait renoncé à lutter, les arguments manquant cruellement. Et de toute façon avec ce genre de gaffes, il ne risquait pas de le lui reprocher.

Un mois, court ? Sacrée drôlerie que voilà. Estrée était, du point de vue de l’entêtement et parfois de l’irresponsabilité vis à vis d’elle-même, à des éons de ce que Morion pouvait montrer. De son côté le comte de Ventfroid trouvait qu’elle s’était montré raisonnable de bien des manières. Trente jours ou presque à rester clouée au lit, il n’aurait jamais imaginé cela possible. Il gageait surtout de la vigilance et du caractère bourru d’Edric, qui avait dû calmer ses ardeurs avec le panache irrévérencieux du chevalier, si caractéristique, et surtout si agaçant pour Morion. Ses soeurs, elles, étaient un peu plus habituées et accueillaient souvent d’un rire clair les foucades d’insubordination feintes du vieil homme, qui n’agissait ainsi que par amusement. Il eût trouvé une voie très intéressante dans la confection de calembours et de spectacles burlesques dédiés à l’amusement de la galerie. Chose qu’il faisait, cela étant, très souvent avec les transfuges du domaine. L’on avait jamais vu ce qui s’apparentait à un général, commandant militaire, être aussi apprécié pour son ridicule autant que ses qualités.

«Je le sais très bien, mais j’estime un mois de convalescence comme étant une performance réelle de la part d’Estrée. Je n’ose imaginer l’état de son humeur ces dernières semaines…
lâcha-t-il, un brin moqueur.»

Le départ ne tarderait pas. Concrètement, il n’avait pas grand chose à faire ici, hormis quelques missives à envoyer. Et après cette semaine, Cassandre n’était pas prête de revenir au Manoir. En tout cas, pas tant que les choses ne s’amélioreraient pas au sein de leur couple. Son écoeurement vis à vis de la vicomtesse allait croissant, voilà un fait notable. Il était lucide; plus le temps passait, et ce malgré les indéniables compétences de la Rocheclaire, et plus elle lui empoisonnait la vie, même au niveau le plus intime. Il était d’une extraordinaire patience, mais les choses commençaient à le conduire à la saturation. Ce qui n’était souhaitable pour personne, et sûrement pas pour sa vassale. Le recul que leur apporterait un séjour au château était une véritable bénédiction qu’il ne comptait pas délayer plus de temps que nécessaire.

«Nous partirons dans trois jours, en ce cas. Cela laissera le temps à Talen le temps de donner toutes les instructions aux domestiques, de préparer le trajet… Il fronça les sourcils. Il viendra évidemment. Nous voyagerons léger, cependant. Tu auras tout ce qu’il te faut au domaine, et Talen et moi n’avons besoin que de nos armes et de nos armures. Ce qui sera amplement suffisant pour rallier le comté. Et cela te laissera également le temps de prévenir ton frère, qu’il n’envoie pas les missives ici alors que tu n’y es pas.»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 12 EmptyVen 11 Nov - 17:01
Ambre tiqua lorsqu’il posa la question. Elle avait été négligente. Une chaleur nouvelle se répandit dans son cou et son visage, mélange de gêne et d’amertume. Le comte venait de découvrir quelque chose qu’elle avait toujours caché, pour… pour quoi au juste ? La question du comte était pertinente, à défaut de mettre la comtesse mal à l’aise. Ça n’avait été qu’une question d’ego. Etre insultée dans sa propre maison, mais n’avoir malgré tout aucune autorité à la mettre dehors ou lui interdire de revenir, car c’était une nécessité de passer pour son travail d’espionne. Ambre ne pouvait pas posséder l’autorité suffisante contre cette femme malgré son statut de supérieure, et le statut de l’autre en tant que vassale. Cassandre avait su s’en servir avec brio, puisque ni Talen ni Ambre n’avaient pu l’empêcher de passer, et repasser, parfois même sans aucun lien avec les documents à récupérer dans le bureau de Morion. La comtesse avait vécu cette période de façon extrêmement amère, jouant la carte du sang-froid, mais les mots qu’elle avait pu échanger avec la Rocheclaire avaient été clairs.

- Je n’ai pas… commença Ambre avant de se raviser. Les mots allaient être mensonge. Bien sûr qu’elle l’avait caché sciemment, elle ne pouvait pas le nier. Alors, elle fit une pause, pour reprendre et changer ses propos. Ma position est délicate. J’étais frustrée de ne pouvoir avoir aucune influence sur elle sans avoir à passer par toi, telle une enfant qui va se plaindre à son père. Un accès d’orgueil que tu me pardonneras, je l’espère. Le regard d’Ambre se perdit sur les torches qui éclairaient la salle à manger. Elle rassembla ses souvenirs pour pouvoir les lui conter. Cela a commencé dès le premier jour. Elle est passée prendre de tes nouvelles, bien entendu. Savoir si tu avais survécu, puisqu’elle n’avait rien reçu.

Elle lui conta tout, sans omettre aucun détail. Les répliques acerbes, les moqueries à propos des couleurs des Ventfroid qu’Ambre portait bien mal – contrairement à elle si cela avait été le cas –, la profonde volonté de l’évincer prochainement – menace à peine voilée sur la sécurité de la vie de la comtesse –, que si elle avait porté un autre nom, Ambre ne serait jamais devenue comtesse. Et elle continua, lui contant les autres jours où elle passa récupérer des documents, avec une assiduité et une fréquence étonnantes, renouvelant son caractère infâme et empoisonné, prenant un soin tout particulier à verser sa bile lorsque Talen n’était pas là pour pouvoir l’entendre, visiblement désireuse que rien ne remonte aux oreilles du comte.
Raconter ces souvenirs rendit la comtesse un tantinet agacée, mais surtout mal à l’aise. Les motifs qui l’avaient poussée à se taire étaient toujours présent : elle avait l’impression de n’être rien qu’une enfant, une pauvre fillette incapable d’agir sans le concert de l’autorité paternelle. En tant qu’épouse, c’était inéluctable de dépendre son mari, et même obligatoire à une telle époque, mais lorsque cela concernait Cassandre, la comtesse se sentait particulièrement lésée. Morion avait toujours agi pour éviter d’entendre parler des griefs courant entre les deux femmes, ce qui avait renforcé le mutisme de la jeune rousse.

- Te rapporter tout ça n’aurait été que le fruit de mon impuissance, même si tu imagines bien que je ne suis pas restée muette face à ses assauts, conclut Ambre en marmonnant, les mâchoires crispées.

Pour le reste, Ambre soupira. Un mois, une performance ? Parce qu’elle n’avait jamais reçu blessure si impressionnante, potentiellement. Lorsque son propre père avait été blessé à la jambe, il était resté six mois sans pouvoir utiliser sa jambe convenablement – jambe qui resterait à jamais touchée, le rendant boiteux à vie. Si une blessure à la jambe pouvait être si destructrice pour un homme, alors une lance enfoncée dans le ventre d’Estrée… ? Ambre espérait que ses chairs s’étaient assez remises, car si la jeune femme recommençait à faire le tour du domaine comme avant, elle doutait que son corps ne le supporte. Si ses plaies se rouvraient…

- Massacrante, à n’en point douter, commenta Ambre au sujet de l’humeur d’Estrée.

Trois jours. Si tôt ? L’annonce perturba un peu la comtesse, mais elle n’avait rien à lui opposer. L’imminence du départ ramenait brutalement ses peurs et ses doutes au premier plan. Traverser des terres mortelles dont les cadavres parsemaient les routes n’était pas pour lui plaire. Surtout lorsque c’étaient des terres connues sur lesquelles elle avait beaucoup de souvenirs heureux. Et que dire du domaine ? Il lui fallait faire terriblement bonne impression, aux yeux des gens et des commandants en place. Elle était désormais détentrice d’un titre qu’il fallait assumer et porter sur ses épaules. Etre présente dans ce domaine prenait une signification bien plus puissante que s’installer au manoir du comte.

- Je ne comptais pas alourdir notre monture de valises. L’œillade qu’elle lança à son époux fut à moitié exaspérée, à moitié amusée. Elle était certes une femme coquette à ses heures, mais tout de même. L’on parlait de traverser la Fange. Je préviendrai ma famille de notre départ. Ils seront inquiets, il faudra les contacter dès que nous aurons posé pied à terre au domaine.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 12 EmptyVen 11 Nov - 17:42
Alors pour le coup, Morion ne s’attendait pas à cela. Il s’était douté, dès l’instant où il avait pris la décision de demander la main d’Ambre, que Cassandre, à défaut d’être un réel obstacle, serait tout de même une épine dans son pied, eu égard à son caractère jaloux, possessif. Il savait également que quelle que soit la femme qu’il prendrait, si elle ne se nommait pas Cassander de Rocheclaire, elle en viendrait à être dépréciée, voire même haïe, et sur ce point il ne s’était fait aucune illusion. Preuve en était faite plus que largement après le discours de son épouse. En revanche, ce qu’elle lui conta là, s’il ne connaissait pas sa femme, et ne savait pas, de ce fait, que tout mensonge ouvert entre eux était parfaitement exclu et stupide, il aurait ri, face à un tel récit. C’est d’ailleurs ce qu’il fit. Tout du moins, il ricana, nerveusement, plus le propos de sa femme s’avançait dans la narration, et plus incrédule il était. Et il était passé à côté de ça ? Si seulement elle avait eu la présence d’esprit de le lui dire directement, il aurait pu leur éviter nombre de frustrations, à tous les deux. Et peut-être même que cette infâme dispute n’aurait jamais eu lieu. Ou la colère de sa femme fusse atténuée par les dispositions prises en ce cas par le comte, du fait d’un tel récit. Dispositions qui ne tarderaient pas, clairement. Le sourcil haussé, cette expression de peine-à-croire encore gravée sur la face, il lâcha un bref râle de surprise, apparent à un “oh” étranglé. Difficile de faire montre d’une réaction plus expressive vu ce qu’il venait d’apprendre.

«Je… Oui, c’est pardonné évidemment. Mais tu n’aurais jamais dû dissimuler ce genre de détails, tu penses bien que vu ce que tu viens de me dire, je n’aurais pas tardé à réagir.»

Si son ton était calme, quoique légèrement altéré par la surprise, il fulminait, intérieurement. Cela allait nettement plus loin que de la simple menace, là. Et les conséquences seraient immédiates, ou presque. Que Cassandre déteste sa femme, voire l’insulte discrètement, pour aller dans les extrêmes de ce que Morion pouvait tolérer, c’était gérable. Tolérable même, dans le sens où c’était monnaie courante par chez eux. La cour regorgeait de serpents aux langues perfides. Mais sous son propre toit, durant son absence, tenir de tels propos envers sa seigneure par défaut ? En était-elle déjà à ce point de vilenie si loin dans le passé ? S’ajouta à la colère une pointe de culpabilité. Elle n’avait rien dit certes, mais il aurait pu bouger avant. Leur épargner nombre de choses et… Et elle avait tu tout ceci, alors que lui, par dessus le marché, n’avait cessé de prendre la défense de cette mégère. Quel imbécile je suis, se dit-il, contrarié à l’extrême. Un soupir irrité franchit ses lèvres pincées, les yeux fuyant quelques secondes le regard de sa femme, avant d’y revenir à la charge.

«Personne n’aurait mieux porté à Marbrume les couleurs des Ventfroid que toi. Quant à t’évincer… il ne put qu’hausser les épaules devant le ridicule d’une telle promesse. Je ne pensais pas qu’après presque vingt ans, elle se méprendrait à ce point sur qui était son seigneur. Mais soit, il est temps je gage de mettre les choses à plat pour de bon.»

La phrase en soi sonnait comme une sentence, un jugement, un verdict. Et c’en était un, d’une certaine manière. Si quelques minutes plus tôt encore il était prêt à délayer, retarder, agir dans l’ombre, sans faire le moindre bruit par souci d’efficacité et de prudence, il y avait des choses qu’il valait cependant mieux ne pas faire. N’ayant alors aucune connaissance de ce genre de fait, il ne pouvait pas savoir que ces choses avaient en fait déjà eues lieu, et qu’il les avait parfaitement raté, ignoré.

«Je la ferai venir dès demain.»

A la base il comptait rester tranquille jusqu’à son retour du domaine mais… Ambre venait de changer la donne avec une violence qu’il n’attendait pas. Et son calme apparent était clairement démenti, de façon visible, par la pâleur de son teint et les éclairs que lançaient ses yeux. Il était, une nouvelle fois, furieux, et si cette fois-ci cela n’était en aucune manière dirigé contre sa femme, cela commençait tout de même à faire beaucoup de poussées orageuses en très peu de temps, considérant la sérénité proverbiale de Morion.

«Le fruit de ton impuissance ? Ne sois pas ridicule. Je peux comprendre tes élans de fierté, néanmoins il n’est pas cas d’impuissance de rapporter ce genre de faits à son époux quand le détracteur est sous sa responsabilité, ce qui est le cas. Au moins sommes-nous sûrs que cela n’arrivera plus jamais


Il claqua sa langue de contrariété, repassant à d’autres choses. Le départ, voilà qui était important, voilà qui méritait, pour l’heure, toute son attention. Cassandre… C’était un détail. D’importance certes, mais moins que leur future visite au château, qui nécessitait autant de préparatifs que de précautions. Il hocha la tête, à la remarque d’Ambre.

«Evidemment, Marianne avertira les domestiques et tu pourras également faire transmettre la nouvelle de notre arrivée par la même occasion. Le trajet devrait être rapide, lui. Nous ferons… Nous ferons une pause rapide à Sarrant, pour laisser les bêtes se reposer, une heure ou deux, puis franchirons le plateau d’une traite jusqu’au comté. Je nous ferai envoyer une escorte à Usson, nous pourrons ainsi ralentir l’allure. Même si la zone est plus sûre que celle qui couvre la distance entre ici et Sarrant, nous avons déjà dû faire face à de nombreuses attaques de masse dirigées depuis les marais à l’ouest du comté, la présence d’un contingent humain sur le plateau semble être sans effet sur les mordeurs, bien que nettement plus dissuasives pour les bandits et bannis.»

Il guetta l’approbation de sa femme, ou une suggestion, l’esprit s’en retournant machinalement vers Cassandre. Il n’était jamais bon de mettre Morion en colère, Ambre en avait fait les frais quelques jours plus tôt, et elle avait la chance d’être sa femme. Alors qu’il avait très, très explicitement dit à Cassandre ce qui l’attendait si jamais elle contrevenait à un seul de ses ordres concernant son couple. Et ça non plus, ce n’était pas un risque à prendre.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 12 EmptyVen 11 Nov - 20:03
Incrédule qu’il était, le comte de Ventfroid. Incapable de prendre la pleine mesure de la gravité des mots de son épouse les premières secondes. Se rendait-il compte désormais à quel point il avait manqué de confiance en le jugement de son épouse ? Qu’il lui avait fallu avoir des preuves sous le nez pour accorder crédit aux inquiétudes et aux griefs d’Ambre ? Il avait fait preuve d’aveuglement, mésestimant l’avis de sa femme. Tout cela n’était pas pour lui servir, non pas. Mais Ambre ne ressentit aucune satisfaction à lui faire découvrir tout cela. Elle aurait préféré qu’il sorte de sa bulle plus tôt, certes, mais cela avait déjà commencé à se faire avant même cette soirée, petit à petit, même si très difficilement. Désormais que le baron de Puylmont entrait en jeu, la comtesse n’avait plus eu de souci à se faire sur la méfiance de Morion à propos de cette femme. Lui exposer les insultes qu’elle avait subies aurait été dispensable et lui aurait peut-être même évité de passer pour une victime. Elle avait été négligente et laissé sortir les mots de ses lèvres, et cela l’embêtait plus que ne la contentait désormais. Mais c’était fait. Tant pis. Ambre recevait les contrariétés tout comme les bonnes nouvelles avec beaucoup plus de retenue depuis une semaine ; ses émotions étaient comme étouffées derrière un voile.

Le ton claquant de Morion qui suivit cependant fit froncer les sourcils de la comtesse aussitôt, et la rendit alerte.

- La faire venir ? Tu n’y penses pas. Elle ne doit se douter de rien si nous voulons garder l’avantage. Tout ce que je viens de te conter date de deux mois déjà. Je doute de l’efficacité de remontrances à ce sujet, quand bien même viendraient-elles de toi. Elle fronça les sourcils. Tu ne risquerais que de mettre à jour les découvertes que les espions de mon frère ont faites. Les mots dépassent souvent un peu trop rapidement les lèvres sous l’influence de la colère.

Elle se tut après cette dernière phrase. Celle-ci n’était pas sans rappeler la dispute qu’ils avaient eue, et même la comtesse s’en rendit compte alors qu’elle n’avait voulu faire aucun sous-entendu, de base. Elle fut perturbée, ailleurs, l’espace d’une demi-seconde. Sa réplique n’en restait pas moins vrai. Ambre ne voulait pas qu’il gâche leur avance sous le coup de la colère. Colère compréhensible, certes, mais qui s’était muée chez Ambre en une douce langueur vengeresse, depuis le temps qui s’était écoulé. Elle était moins apte à s’emporter, pour toutes les fois où ils avaient déjà évoqué cette femme, et toutes les fois où son inquiétude avait été rabattue par Morion d’un geste de la main. Elle était habituée à ne pas pouvoir agir. Ironiquement désormais c’était l’inverse qui s’était installé. Morion qui voulait réagir et recadrer, tout de suite, et Ambre qui appelait à la prudence. Nos époux n’arrivaient décidemment jamais à s’entendre à propos de cette femme.

Mais, puisqu’Ambre savait qu’elle n’avait aucun pouvoir décisionnel, encore moins quand de tels reflets menaçants couraient dans les yeux du comte, elle ajouta, résignée :

- Fais simplement attention lorsque tu la verras. Je… Elle eut une pause. Tu es rentré, blessé, je t’ai annoncé ma grossesse, puis nous avons eu Saurell et… Elle ne nomma pas leur dispute. Je n’ai pas eu beaucoup d’occasions de t’en parler, même si je l’avais voulu. Elle tentait de se justifier un peu, même si elle avait déjà dit pourquoi elle n’avait rien dit : une simple question de fierté. Elle ressentait le besoin d’expliquer, alors qu’elle aurait pu au contraire lui claquer méchamment qu’il ne s’était pas retenu, lui, de lui cacher des choses d’une importance encore plus capitale. Ce reproche brillait un peu au fond de ses prunelles, mais elle ne prit ni la peine ni le temps de le matérialiser en mots. Se disputer avec lui était contre-productif à long terme ; elle n’était déjà pas remise de la dernière, alors qu’une bonne semaine était passée. Ambre eut un léger rire nerveux, pour toutes ces réflexions, et l’assurance de Morion lorsqu’il affirma que tout cela n’arriverait plus. Tu supprimeras peut-être ses attaques frontales, pas les autres. Elle ne me considèrera jamais comme une Ventfroid.

Cette dernière phrase conclut le sujet Cassandre pour la comtesse. Elle n’avait plus aucun espoir de voir cette femme se faire une raison, quand bien même son époux pouvait faire preuve d’une autorité terrible. Elle pousserait, jusqu’à la mort de l’une d’entre elles.

- Mmh,
reprit Ambre lorsque le sujet du voyage jusqu’au domaine fut de mise. J’espère qu’il y aura au moins des miliciens à Sarrant. Rien qu’à imaginer une créature sortir de l’ombre d’une maison à la devanture défoncée par le temps faisait frémir la comtesse. Mais c’était le seul village sur la route, s’ils voulaient faire un léger détour en longeant la côte près du littoral leur voyage serait retardé… et mieux valait ne pas trop flirter avec l’arrivée du crépuscule. J’espère également que les chevaux tiendront le coup… et que nous arriverons saufs, murmura la comtesse.

Elle ne s’étendit pas plus longtemps sur le sujet. L’idée du voyage la chamboulait assez, et en parler ne faisait que ressortir ce fait aux yeux de son époux. Lui qui avait déjà combattu à plusieurs reprises ces choses, avec dignité, se mettre à trembler d’effroi devant lui à la simple vue de l’horizon désert était ridicule.

A cet instant, Talen pénétra dans la salle à manger, pour venir vérifier s’il y avait besoin de rajouter du vin, ou de débarrasser la table. Il sembla surpris, mais agréablement surpris, que les époux tiennent une conversation. La semaine lui avait paru longue, morne et silencieuse, après la dispute dont il ignorait toujours l’origine.

- J’ai terminé, Talen,
lança Ambre. Pensez à remercier les cuisiniers, ce fut bon. Je ne vais pas tarder à me coucher, il va me falloir être en forme prochainement. Cependant, j’aimerais reprendre mes entraînements à la dague dès demain, s’il vous plait. Même pour trois jours, c’était mieux que rien. Elle allait sortir dehors, après tout.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 12 EmptyVen 11 Nov - 20:48
Il ne comptait pas, quelle qu’en soit la manière, lui faire part des choses que sa femme avait mis à jour. Enfin, dans la tête de Morion, c’était Evan, qui avait découvert les accointances de Cassandre et de Joscelin. Quoi qu’il en soit, il n’y avait pas matière à faire référence à ce problème-là. C’était uniquement pour la sanctionner, au sens pur du terme, avec certes un retard conséquent, de ce qu’elle avait osé dire, osé faire, pendant que Morion luttait loin d’ici pour la survie des siens. Elle viendrait, il mettrait les pendules à l’heure, et elle repartirait aussi vite. Rien d’autre. Et ce pour un bon moment. Au moins cela pousserait Cassandre à fréquenter nettement moins le manoir, même si elle s’annonçait au préalable. Elle n’avait que rarement vu Morion furieux, et jamais contre elle. Menaçant, irrité, glacial voire même perfide, oui. Mais en colère comme il l’était à cet instant, jamais. Et il était temps que les choses rentrent dans l’ordre.

Un sourire cruel naquit sur ses lèvres, à l’aube de sa réponse. «Il n’y aura que des remontrances à propos de ce que tu m’as dit là. Elle risque de te mépriser un peu plus je gage, du fait de m’avoir parlé de cela. Mais peu importe, cela ne changera guère vos relations. Mais il y a des choses que je ne peux pas laisser impunies. Elle est allée beaucoup trop loin Ambre, beaucoup trop. Peu importe que ce fut à la faveur de mon absence conjuguée à la haine et au mépris qu’elle te porte. Violer son serment envers sa maison maîtresse n’est pas une chose que je pardonne. En cela, tu as raison sur un point : je suis comme mon père.»

Son expression morbide se mua en un fin sourire malingre. Cette référence était claire, bien que non explicitée. Mais elle n’avait pas eu totalement tort lorsqu’elle avait dit ça, l’autre soir. Sur quelques points, heureusement fort rares et bien placés, il était tout comme son paternel disparu, voire même pire que lui. Isidore aurait été droit, dur dans son jugement, mais aurait agi de façon officielle, tel un grand seigneur. Morion se caractérisait par une virulence foudroyante. Contrairement à ce que Marie de Ventfroid avait représenté pour Isidore, malgré un amour sincère, Morion tenait très, très fortement à Ambre. Et de fait, certains comportements étaient prompts à lui faire bouillir les tripes. Nul doute que feu Aaron de Mirail aurait vu dans une telle verve la tenue de la promesse qu’il lui avait demandé de faire, vis à vis de la considération qu’il devait porter à sa femme. Et encore eût-il été en dessous de la vérité.

«Peu importe, tant que tu me le dis… Et que tu ne reproduis pas pareille chose, je t’en conjure. Il est assez cocasse que j’en vienne à te demander une telle transparence compte tenu de ma propre opacité mais… Il haussa les épaules. Aucune importance. Cela n’arrivera plus, je n’en laisserai plus la possibilité exister. Même la plus infime.»

Les autres attaques lui importaient peu. Pas qu’elles étaient moins dangereuses, mais désormais qu’il avait été mis au courant d’un paquet de choses se déroulant à son plus parfait insu - il en aurait d’ailleurs du mal à s’en remettre de celles-là - ils avaient des armes et des boucliers à lever contre les tentatives invasives et venimeuses de la vicomtesse. Quant aux attaques frontales, il fallait de toute façon les supprimer. Par simple notion de respect, et pour rappeler dans cette histoire qui était la place de qui. Si les mots de Morion avaient dépassé sa pensée, furibond qu’il était, une semaine plus tôt, Cassandre serait jugé avec la froide logique qui était la sienne. Et cela serait fait quoi qu’il arrive. Une autre épine du pied à se retirer. Peu lui importait après le comportement de sa vassale. Si elle ne voulait plus jamais venir ici, grand bien lui fasse. De toute façon, le lien qui les unissait faisait peu cas des bonnes relations entretenues entre seigneur et vassal. Ainsi, qu’elle le haïsse ou non… Tant qu’elle respecterait ce traité, elle pouvait bien penser ce qu’elle voulait. Et il était peu probable qu’elle en déroge au regard de ce qui lui pendait au nez le cas échéant.

Peu après, en ce qui concernait le domaine, le comte haussa les épaules. Les miliciens ne s’attardaient jamais bien longtemps à Sarrant à dire vrai, le village était désert, c’était une planque parfaite à la fois pour des bandits comme pour des Fangeux. Ils faisaient généralement halte de la même façon que Morion le ferait, pour laisser les montures s’abreuver un moment aux quelques puits restants, souffler, puis repartir en direction du Labret. Leur sécurité était leur armement, et également leur nombre, qui dissuadait les bandits les moins fous. Quant aux fangeux si rien ne les dissuadait… Eh bien les miliciens étaient réactifs, et tant pis pour les montures, ils fuyaient en priant pour qu’elles tiennent le coup.

«Les chevaux ne poseront pas de problèmes, ce sont des chevaux de guerre, difficiles à fatiguer. Tu n’as aucune inquiétude à avoir à ce propos.»

Il tut le fait que tout le reste en revanche était sujet à préoccupation, par contre. Qu’il s’agisse du temps qu’il ferait, qui pouvait s’avérer, en cette fin de printemps, toujours extrêmement imprévisible, de la fougue des bannis ou bandits qui pourraient profiter du trajet de trois nobles esseulés pour se refaire une santé en les dépenaillant, voire pire, ou encore des mordeurs qui s’ils étaient dissimulés dans quelques ruines du village, pouvaient également être de la partie. Et le trajet, pour un tel nombre de dangers potentiels, était extrêmement long.

Il poussa son assiette, lorsque Talen revint, signifiant qu’il avait également terminé. A dire vrai toute cette conversation, et la frustration encore tout à fait vivace lui avaient coupé définitivement l’appétit. Cela passerait - hormis lorsque Cassandre remettrait les pieds ici - mais en attendant, autant s’abstenir. Une fois le domestique reparti avec le couvert, Morion reprit la parole.

«Je m’occuperai de tes entraînements. Mon corps me le permet largement, et cela fait un petit moment que nous n’avons pas partagé de séance. Si cela ne te dérange pas, évidemment.»

Lâchant un petit sourire, teinté d’ironie, il se releva, roulant les parchemins qu’il avait laissés sur la table, puis observa sa femme, une petite idée en tête.

«Ma mère aimait particulièrement les soirs de mai. Es-tu déjà entrée dans la bulle en pleine floraison ? De nuit c’est légèrement moins impressionnant, mais je gage que la lumière de mon bureau suffira… Et le spectacle n’est pas vraiment visuel, il est avant tout olfactif et auditif. Cela te détendra avant d’aller dormir, j’en suis certain.»

Attendant son approbation, il lui tendit son bras. Espérant son approbation, plutôt.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 12 EmptyVen 11 Nov - 22:39
Ambre haussa un sourcil lorsque Morion évoqua leur dispute avec un grand sourire. Il s’en amusait désormais ? En même temps que cela la vexa presque, une pointe de culpabilité lui traversa de nouveau le cœur. Cela devait être la chose la plus dure qu’elle lui ait dite, l’autre soir. « Tu es comme ton père », dans sa bouche, n’avait vraiment pas été un compliment. Elle méprisait la violence avec laquelle avait été élevé Morion. Aussi Ambre préféra ne surtout pas relever l’allusion. C’était un sujet bien trop bancal.

- Me mépriser un peu plus ? Je ne crois pas que cela soit même possible, même son mépris n’a pas le niveau du mien. Nouvelle pause. Fais donc, en tous les cas. Tu me notifieras ses réactions, si elles méritent de l'être.

Ambre prenait beaucoup de distance dans cette conversation, mais il serait hypocrite de nier que le lendemain, lorsque le temps serait venu pour Cassandre de se prendre un mur monumental, elle jubilerait.

Elle ne commenta rien pour la suite. Morion lui demandait de ne plus reproduire de pareilles cachoteries mais… Le fait était qu’elle en avait déjà fait une grosse, en ne lui disant pas pour les espions. Elle ne demandait qu’à être franche avec lui cependant. Rares étaient les occasions qui la poussaient à agir ainsi, et elle ne comptait effectivement pas recommencer de si tôt.

La comtesse posa un long regard silencieux sur son mari à la proposition de reprendre les entraînements avec lui. Sa jambe le faisait toujours souffrir même s’il n’avait plus besoin de canne, ses réflexes étaient moins bons. Elle n’était pas sûre que cela soit une bonne idée, cela ne le fatiguerait que davantage avant le départ. Mais ce fut une toute autre préoccupation qui franchit ses lèvres.

- Tu n’as pas peur des coups tranchants d’une épouse rancunière, je vois.

A son ironie elle répliquait par un ton beaucoup plus posé. Sa voix était comme rouillée lorsqu’il s’agissait de s’amuser ou de répliquer avec bonne humeur. Une partie d’elle appréciait ses efforts, beaucoup. L’autre s’agaçait de cette manière de faire comme si, sans excuses à propos de la façon dont elle avait été traitée. Cette même partie s’agaçait aussi contre elle-même, incapable qu’elle était à ramener le sujet d’elle-même alors qu’elle reprochait à Morion de rester mutique. Trop peureuse ? Peut-être.

Lorsque Morion délaya son départ pour la chambre à coucher en lui proposant une ballade vers la bulle, Ambre posa un autre regard silencieux sur le bras tendu vers elle. Elle hésita durant quelques secondes, qui parurent peut-être longues à Morion, attendant ainsi, levé, le bras courbé. Elle ne savait pas réellement si cela allait la détendre, à vrai dire. Désormais que les sujets de Cassandre et du domaine étaient clos, elle n’avait pas particulièrement grand-chose à dire. Se forcer à tenir la conversation sans grande inspiration, bien qu’elle y était rôdée depuis sa plus tendre enfance dans le monde de la noblesse, n’était pas dans ses projets. Cela étant, de là à refuser… Cela serait détruire les efforts que l’homme étaient en train de fournir, et aurait tôt fait de le ramener à son silence borné et indifférent. Cela n’était pas tout à fait ce que souhaitait la comtesse. Elle ne pouvait pas passer l’éternité à lui en vouloir, lui en vouloir de rester muet dans son coin, lui en vouloir de venir lui parler ? Non, ça n’était définitivement pas logique. Il était temps d’apprendre à partager du temps avec lui, de nouveau.

- D’accord, répondit-elle finalement, posant une main douce et hésitante sur son bras en se levant de la tablée.

Elle ne précisa pas qu’elle avait déjà vu la bulle en cette période. La comtesse vivait ici, après tout, et la fraîcheur d’un jardin ou de la bulle changeait agréablement des pavés et des pierres qui parsemaient toute la cité. Elle y passait de temps en temps et griffonnait même quelques croquis avec un parchemin et un fusain.

Sur le chemin menant à la bulle, Ambre se rendit compte qu’elle était anxieuse. Oui, elle, Ambre de Ventfroid, anxieuse de passer du temps avec son époux. Ses yeux furetaient autour d’eux, observant les couloirs, la verdure du cloître, les domestiques qui passaient, mais jamais ils ne se tournèrent vers Morion de peur de trahir son trouble. La dernière fois qu’ils s’étaient retrouvés si proches l’un de l’autre, ils s’étaient hurlé des choses terribles, avant de se faire mal dans un acte qui n’avait rien d’aimant. Une certaine chaleur investit le ventre et les joues de la comtesse à ce souvenir, un mélange entre la honte et le désir, tapis, qui pouvait resurgir à ces simples réminiscences. Désir, a contrario, qu’elle ne souhaitait pas ressentir, pas ce soir. L’abcès était encore loin d’avoir été percé, malgré cette soirée et leur capacité à tenir une conversation sans regards méprisants ou mots blessants. Bref, elle craignait le sujet implicite qui courait encore entre eux, craignait une nouvelle colère de Morion, ou d’autres propos rabaissants. C’était triste de constater comment Morion avait réussi à la remballer avec brio derrière ses prérequis féminins. Elle n’osait même plus parler lorsqu’il n’y avait pas de nécessité vitale, le comble.

La bulle était calme en cette soirée. Les fleurs étaient flamboyantes, mais il fallait tout de même faire un effort d’imagination, car il faisait nuit. L’odeur, en revanche, était très présente. Un mélange de plusieurs espèces de fleurs, très prononcé, rappelant certains parfums que pouvaient porter ces nobles dames. Ambre s’assit sur le petit banc de bois au sein de la structure et soupira d’aise, doucement. Elle jeta un œil à Morion, puis garda le silence. En temps normal cela ne la gênait pas, le silence, au sein de son couple. En cette période, cela ne la mettait pas à l’aise. Les échos de leur dispute traînaient toujours dans l’air, leurs gestes n’étaient pas naturels. Elle s’efforça de profiter de l’instant, cependant. Après tout, dans trois jours ils seraient partis, sans savoir pour combien de temps encore. D’une main, Ambre caressa les pétales d’une pensée, savourant ce contact extrêmement doux. Elle s’efforçait de ne pas croiser le regard de Morion, ce qui la rendait un peu raide. Ridicule, vraiment. Ambre de Ventfroid était ridicule.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 12 EmptyVen 11 Nov - 23:35
Il ne releva ni la remarque, ni l’air faussement posé de sa femme. Il savait très bien que savoir Morion dans une telle rage contre Cassandre était loin de la laisser de marbre ou purement indifférente, de même qu’il savait pertinemment que les remontrances qui feraient suite à ces révélations seraient particulièrement acerbes. Une autre raison pour Ambre de se réjouir. On aurait pu trouver cela mesquin, de se réjouir d’un pareil traitement. Néanmoins Ambre bénéficiait là de toutes les circonstances atténuantes du monde, et le sujet avait été un tel objet de discorde que finalement, Morion aurait presque pu rire de cela. Presque. D’autant plus qu’il était de ceux qui se réjouissaient assez facilement du malheur d’autrui, pour peu que celui-ci soit mérité. Dans le cas d’Ambre contre Cassandre, c’était justifié donc. Il ne dit rien cela étant dit. Cela n’en valait pas vraiment la peine, et comme elle lui disait si bien, il se contenterait de faire “état des choses”. Même si, soyons honnêtes, tout le manoir risquait d’être au courant.

Quant aux entraînements, il tiqua quelque peu sur le ton employé par sa femme. Il n’avait rien de mauvais, ça non. Néanmoins, l’inébranlable calme dont elle faisait preuve alors qu’il essayait, par des mots, des gestes ou des mimiques, de dérider un peu l’atmosphère, était… Pas pesant, juste légèrement abrutissant. Il ne ferait pas plus qu’il ne faisait déjà. Son attitude était totalement compréhensible, et il se souvenait de chaque mot, chaque syllabe qu’il avait prononcé ce jour maudit. De même que les mots d’Ambre étaient restés gravés dans sa mémoire. S’il se sentait, par un truchement psychologique dont il avait le secret, à savoir le pardon et l’oubli des maux rapides envers les personnes qu’il aimait, d’humeur à en rire plus qu’à se rappeler avec amertume ce jour-là, il ne pouvait demander aux autres de faire de même.

«Nous verrons pour la crainte dans quelques années, quand je devrai ouvrir les yeux pour parer tes assauts. En attendant je pense pouvoir m’en tirer sans trop de maux, je gage.»

Un fin sourire, un brin goguenard, naquit sur ses lèvres, puis disparut.

Il attendit, sans rien dire, parfaitement immobile, comme un porte-manteau attendant que l’on pose une vêture dessus, qu’Ambre se décide. Elle aurait tout aussi bien pu refuser qu’il n’en aurait pas pris ombrage. Il n’avait pas un seul moment considéré que l’isolement qui était le leur depuis une semaine prendrait fin juste parce que pour une fois la discussion avait été productive. Et en toute honnêteté, cet isolement, il aurait pu s’en accommoder encore fort longtemps. Comme il l’avait songé, il n’irait en aucun cas contrevenir à l’attitude de sa femme. Et tant qu’elle réprouverait son contact, il ferait avec. Le temps étant le seul remène à nombre de blessures, il préférait encore le laisser passer. Et si celui-ci entraînait une cicatrisation bâtarde, laide, de ces mêmes meurtrissures, il n’aurait qu’à se blâmer personnellement pour avoir contribué à les causer. Mais elle accepta. Et il en fut heureux.

Le silence était… pesant, cette fois. Pourtant ils en avaient l’habitude. Passant parfois de nombreuses heures ensemble, sans rien dire, à simplement mirer les flammes d’un âtre craquant, l’un lisant, l’autre dessinant, ou simplement aveulis sur un fauteuil, oisifs comme pouvaient le reprocher certains à l’encontre de leur caste privilégiée. Des moments de paix qu’ils ne rechignaient que rarement à prendre. Cette fois-ci, c’était différent. L’on ne pouvait guère parler de tension. Des traces, des ruines, des rémanences désagréables, fantomatiques, mais pourtant bien présentes, qui rendaient cette absence de bruit ou de discussion plus lourde que du plomb. C’était exactement ça. Une chape de plomb s’était abattue sur eux, et il leur semblait impossible de s’en sortir pour l’instant. Aucun des deux ne semblait avoir la force de pousser pour retirer cet épais voile qui s’était abattu sur eux, et si Morion s’y essayait, tant bien que mal, il savait fort bien qu’il n’aurait aucune chance d’y parvenir sans l’assentiment de sa femme. Qui semblait en suspens, même ce soir. Sans en prendre ombrage, il eut un haussement d’épaules mentales, une forme de reddition, délayant simplement le moment où ils pourraient profiter d’un tel moment en étant parfaitement à l’aise.

Au début, il s’arrêta à côté d’elle, sur le banc, soustrayant à son bras l’étreinte du sien, et l’observa un moment. L’évitement scient de son regard était… presque peinant. Pas dans le mauvais sens du terme où il ne le prenait pas mal, mais… Cela ne faisait naître en lui qu’une pointe supplémentaire de culpabilité, à dire vrai.

Il se leva ensuite, lui laissant un plus grand espace vital, faisant le tour de l’édifice végétal, une expression nostalgique sur les lèvres. Contrairement à sa femme qui si elle avait l’occasion d’y venir, pouvait ne pas s’en priver, c’était toujours assez difficile pour lui. Dans son coeur, l’endroit appartenait toujours à sa mère. Tout du moins, son âme y résidait toujours. Etonnamment la chose avait été tellement moins dure, avec la salle de musique, là où sa mère passait nettement plus de temps, endroit qui en plus avait pendant longtemps été le symbole de jours heureux, loin des affres du fléau et du début de la déliquescence de la cité. Mais ici… Peut-être les souvenirs étaient-ils plus marquant.

Il revint vers sa femme, et se pencha doucement vers elle, buste en avant, jusqu’à ce que son immobilité lui fasse lever les yeux. Il y apposa une main, doucement, et clôt ses paupières en glissant doucement sa paume sur la peau.

«Garde-les fermés, et contente-toi de respirer et d’écouter.»

Il s’éloigna une nouvelle fois, avant de reprendre la parole.

«La naissance d’Eredas a beaucoup, beaucoup affaibli ma mère. A vrai dire, tellement que nous avons tous pensé qu’elle ne survivrait pas à son premier mois après la grossesse. Mais le temps allant, elle allait un peu mieux. Avec de nombreuses rechutes, cela étant. De nombreuses fois, quand elle fut capable de marcher, elle venait ici, et y passait toute la journée, y restait parfois mêmes de longues heures en soirée. Il s’interrompit quelques secondes. Ses doigts s’aventurèrent sur une fleur, qu’il arracha sèchement de son socle boisé, la portant à son nez pour en humer brièvement les senteurs. Elle était persuadée que cet endroit, érigé dans un but de tranquillité pure, avait reçu la bénédiction de Sérus. Ma mère y priait souvent silencieusement, en rentrant du temple où elle laissait beaucoup d’offrandes. Les Sandral étaient des agriculteurs, très attachés à Serus. Et de fait… est-ce un mirage dû à mes souvenirs, ou est-ce vrai… elle se remit très vite de ses maux. C’est devenu une sorte de sanctuaire, depuis. Maintenant que les beaux jours arrivent, je te conseille d’y venir souvent. Peut-être même t’y accompagnerai-je, les parchemins ayant le mérite de pouvoir être transportés.»

Il finit par revenir s’asseoir sur le petit morceau de bois, proche de sa femme.

«Je suis sûr que cet endroit a des propriétés particulières, et me plaît à penser que sans lui, ma mère nous aurait quitté bien plus tôt. Notre fils naîtra bientôt, je suis sûr que tu apprécieras de plus en plus les bienfaits de cet endroit. Il est encore plus agréable après un temps de pluie. L’odeur de l’humus et des pétales se mêlent avec une certaine… magie. J’y allais souvent après l’orage, surtout lorsque mon père… Il soupira brièvement. Lorsque l’apprentissage se faisait difficile aussi bien physiquement que moralement.»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 12 EmptySam 12 Nov - 1:08
Ambre sursauta légèrement lorsque Morion apposa sa paume sur ses yeux. Elle ne s’y attendait pas, mais le geste de son époux fut assez doux pour que sa surprise soit légère. Elle ferma donc les yeux, doucement, ses cils caressant la peau du comte, puis ce fut le noir. Elle se concentra sur les bruits et les odeurs. Le bruit du comte qui marchait tranquillement dans l’alcôve, la brise qui venait secouer les feuilles légèrement, le bruissement des vêtements, les effluves florales, tout. Elle prenait des inspirations profondes, et son malaise sembla s’apaiser. Elle était bien ici.
La jeune rousse écouta le comte, qui se mit contre toute attente à lui conter un pan de son passé. Elle fronça légèrement les sourcils, perturbée par cet accès soudain de nostalgie, mais conserva les yeux fermés. Elle se concentrait sur le ton et les aléas de son voix, ses soupirs, sa respiration, ses intonations. Il paraissait si… triste. Le récit la toucha. Morion semblait tenir beaucoup à sa mère. A toute sa famille de manière générale. Il avait dû énormément souffrir de leur disparition, notamment les conditions de leur mort… Dévorés par des créatures ignobles… Malgré tout cela, Morion ne parlait que très peu souvent de ses proches. De sa vie d’avant de manière générale. Les souvenirs qu’il contait de temps en temps étaient donc toujours découverts avec une certaine forme de curiosité, et de bonheur par la comtesse. Elle ne demandait pas mieux que de le découvrir chaque jour un peu plus. En cette soirée cela dit, elle avait du mal à cerner les raisons de ces paroles. La simple envie de se confier ? De briser le silence qui s’était installé entre eux ?

La comtesse ne rompit pas la tirade nostalgique de l’homme, et écouta jusqu’à la fin, sagement. Elle était… attendrie. C’était le mot. Il y avait tellement de respect dans la voix de son époux. Elle aurait aimé connaître sa mère, son frère. Son père aussi, malgré les agissements rudes qui avaient été les siens. Cela avait été une famille qui aurait mérité d’être connue par la femme de l’héritier. Morion pouvait découvrir sa belle-famille, mais Ambre ne le ferait jamais complètement. Il n’y avait qu’au travers des paroles du comte qu’ils pouvaient vivre encore. Ambre espérait qu’ils étaient fier de Morion, quelque part aux côtés d’Anür. Et qu’ils approuvaient son choix en terme de mariage et de vie future.
Quand Morion se rassit à côté d’elle et termina son histoire, Ambre laissa couler quelques secondes. La tranquillité et le silence de la bulle revinrent en force, subitement. Quand la jeune femme eut compris que l’histoire était terminée là, elle rouvrit les yeux, et regarda Morion. Elle détailla son visage. Les formes de ses yeux, le trait de son nez, la moue de sa bouche, les contours de sa mâchoire et des fils de barbe qui les parsemaient, les mèches de cheveux qui s’échappaient de son ruban. Son expression, aussi. Il paraissait las, d’un coup. Réagissant avec son instinct et son cœur plus qu’avec sa raison, la jeune femme se laissa couler contre lui, blottissant une partie de son visage contre son épaule et son torse. Elle resta de longues secondes ainsi, laissant l’homme vagabonder dans ses souvenirs heureux, tandis qu’elle-même savourait le contact et la proximité retrouvée.

- Ta mère devait être très charmante. Elle me donne l’impression d’avoir été une source de chaleur importante dans ce manoir. Pas que les lieux étaient froids mais… Enfin, si, en fait. Le mobilier, les propriétaires, tout ici respirait la froideur et les domestiques avaient été les premiers à se réjouir de l’arrivée d’une femme en ces lieux. Le manoir devait être moins morne, à l’époque où Marie de Ventfroid et ses filles évoluaient en son sein. Tu… te souviens de beaucoup de détails, malgré ton éducation à l’écart. Ou était-ce du fait de cette même séparation qu’il se souvenait toujours avec force émotion des rares souvenirs qu’il pouvait récupérer de sa mère, ses sœurs et son frère ?

Ambre passa une main sur son ventre.

- Notre fils ? Te voilà bien sûr de toi. As-tu déjà aussi prévu son prénom, la couleur de ses yeux et de ses cheveux, en même temps que le timbre de sa voix et son caractère ? Le ton calme et extrêmement tendre avait laissé place à un faible amusement, perçant à travers sa fatigue. Sa propre boutade la laissa silencieuse un moment, se plaisant à imaginer à quoi pourrait effectivement ressembler leur fils, ou quel prénom lui donner, de même pour une fille. Ils n’en avaient encore jamais parlé, étonnement. Plus le temps ira en s’améliorant, plus je passerai ici durant mes moments de repos, ne t’en fais pas. C’est un endroit agréable pour dessiner ou méditer. J’espère cela dit que ma grossesse et mon accouchement se passeront mieux que ta mère pour son dernier fils et que je n’aurai pas besoin des bienfaits de Serus.

Elles étaient si nombreuses à mourir en couche après tout. L’espace d’un bref instant, Ambre frissonna.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 12 EmptySam 12 Nov - 3:11
C’était un peu le but recherché par le comte. Pas l’attendrissement, il ne gageait pas des compétences de sa voix et de ses récits à ce point-là, mais la détente. Qu’elle reste oisive et atone le temps qu’il parle, qu’il conte une partie de son histoire. Une petite certes, parmi les nombreuses qu’il avait à raconter. Son éducation l’avait longtemps maintenu éloigné de ses proches, malgré leur proximité physique au sein de la même demeure, néanmoins… elle n’avait heureusement pas duré jusqu’à l’apparition de la fange, bien heureusement. De fait, des souvenirs, il en avait beaucoup. Ainsi qu’une extraordinaire capacité à se remémorer ceux-ci. Peut-être était-ce du fait de sa mémoire, à bien des égards d’une rare efficacité, ou tout simplement parce que le Fléau avait bousculé leurs vies à tous à un point tel, que ces moments perdus, nés et morts dans une époque où tout allait bien, hormis les quelques problèmes que connaissait tout royaume en ce temps, revenaient avec une force démultipliée, décuplée, occupant l’esprit avec force dès lors qu’ils s’imposaient à ceux qui s’en souvenaient. Morion lui-même s’était posé cette question, et en était arrivé à cette même conclusion. Il pouvait gager de sa vie que si la vie avait perduré ainsi, en sus de ne probablement pas épouser Ambre, mais une femme venue d’un bien lointain comté, duché, marquisat, peu importe, il n’aurait guère porté d’attention à ces instants.

C’était une aide, en soi. Le Fléau était là depuis quelques mois, bientôt un an, et pourtant, il avait souvent eu l’impression d’agir et de penser comme s’il avait toujours été là. Et cela pouvait réduire à néant de nombreuses espérances, il le savait. Mais non, il y avait eu un avant, un avant heureux, quoique parfois éprouvant, mais une période existait où les marais étaient fréquentables. Où toute sa famille quittait alors Marbrume, au lever du soleil, dans un attelage entouré d’une escorte taciturne, à l’image de la réputation de la maison. Les Castelmont, souvent, venaient les visiter, et leurs hommes, égides protectrices, les accompagnaient au travers des vastes régions de Langres pour se rendre à une réception d’alliés, visiter de vieux amis, se rendre à un tournoi organisé par la cour royale… les occasions étaient nombreuses. Et en trente ans de vie, Morion avait tout de même vu beaucoup de choses. Et cela l’aidait dans le sens où s’il y avait eu un avant, si le fléau n’avait pas été une éternité avec laquelle ils cohabitaient, alors peut-être pouvait on espérer un après.

Il soutint sans bruit son regard un long moment, une fois revenu auprès d’elle. Après cela, il n’avait pas grand chose à ajouter après une telle tirade. Il avait eu certes l’envie de se confier. Assez étrangement, les choses étaient soumises à une houle si rétive que pour une fois, Morion sentait que sur ce point, c’était à lui de prendre l’initiative de ce genre de choses, ne pas forcément attendre les questions de sa femme au dîner, ou lorsque l’une de ses soeurs envoyaient une pique à peine voilée au comte, qui soulevait le voile sur une période ou une autre de sa vie. Et ces derniers temps… cette impression s’était faite plus présente. Il ne pouvait rien forcer, cela étant dit, ce genre de choses pouvait déjà faire lieu d’un premier pas vers un mieux. Un peu.

Il l’accueillit avec plaisir, sereinement, contre lui et hocha doucement la tête à la mention de sa mère. Son bras passa autour de l’épaule de sa femme pour la presser légèrement contre lui. «Très charmante même, c’était un vrai soleil. Elle formait un détonnant contraste avec mon père par ailleurs. Lui-même le reprochait pendant un moment, avant de finalement accepter la femme qu’il avait… Qu’il avait épousé, disons. Le début de leur relation ne fut pas spécialement des plus splendides. Il eut un petit rire à cette pensée, et poursuivit, en écho à sa seconde remarque. Je n’ai pas passé ma vie reclus, tu sais. Ces détails je m’en souviens, comme de beaucoup d’autres, mais mon père a cessé ses méthodes d’éducation bien avant que le Fléau ne s’épanche sur nos terres. Dès que je fus en âge de diriger, et que je repris les rênes, de fait.»

Un petit sourire naquit sur son visage, tandis que sa main descendit rejoindre celle de sa femme, sur son ventre. Penchée et assise, peu de chance qu’il voie le léger renflement dû à la croissance du petit être en elle, ce qu’il ne fit pas, d’ailleurs. Mais le temps viendrait assurément bien vite.

«Non peut-être pas à ce point, mais je suis confiant. Quoique je ne prendrai ombrage de la naissance d’une petite Ambre, je te le concède. Pour la grossesse, mes prières vont aux Trois chaque jour pour qu’elle se passe et se termine le mieux possible. Je suis sûr qu’ils entendront mes prières une fois le terme arrivé.»

Bien peu de choses à dire vrai que ces prières, face à ce que les femmes subissaient en ce temps, faute de moyen pour assurer un accouchement sûr. Néanmoins, il était, lui, intimement convaincu qu’à défaut d’être une assurance, cela serait une grande aide que de prendre à parti les dieux. Les épreuves qu’ils leur envoyaient étaient nombreuses, en triompher… Cela serait une excellente, voire la meilleure récompense possible, non ? C’était en tout cas ce qu’il se plaisait à espérer.

Il finit par se relever, entraînant doucement Ambre avec lui. «Montons, il est temps d’aller dormir. Plus nous prendrons de repos avant le voyage, mieux cela sera.»

La bulle quittée, ils remontèrent dans les étages. Les domestiques étaient occupés en cuisine pour certains à finir de nettoyer les vestiges du repas, et pour les autres, prendre le leur dans la salle inusitée de réception. Une fois dans la chambre, peut-être profiteraient-ils enfin d’une nuit paisible, tous les deux. Dédiée au sommeil uniquement, mais un sommeil partagé de bonne foi, cette fois. En mari et femme.


---

8 Mai, dans le bureau de Morion. Juste après l’aurore.


Si Morion s’était beaucoup détendu, après la soirée et la nuit qu’ils avaient passé avec Ambre, il n’avait en rien oublié ce qu’il avait dit la veille. Alors que le jour n’était pas encore levé, il avait quitté le lit conjugal, s’abîmant dans le manoir, jusqu’à son bureau. Talen était déjà debout, attendant comme chaque jour le comte dans la salle d’entraînement pour leurs passes quotidiennes, ce à quoi Morion répondit par la négative. Surpris, il allait s’enquérir d’un tel changement, mais fut bien vite satisfait quand son maître lui confia une missive à faire porter céans aux Rocheclaire, directement à Cassandre. Missive brachylogique convoquant immédiatement la vicomtesse dans les appartements, en l’occurrence le bureau du comte pour un entretien urgent. Si courte qu’elle avait de quoi inquiéter, et avec un certain laconisme, il se rendit compte que c’était un peu le but recherché, même s’il ne se l’avoua pas.

Elle parut seulement quelques heures plus tard. Le jour se levait tout juste, et lorsque l’on entendit frapper à la porte du bureau, Morion attendait patiemment. Nul travail pour s’occuper en attendant la venue de l’intéressée, seulement une coupe de lait chaud, et l’errance de ses yeux par sa fenêtre, ouverte en cette fraîche matinée, presque estivale. Son esprit s’alerta immédiatement, le tirant de toute espèce de rêverie. Et la colère revint à la charge lorsqu’il entraperçut, du coin de l’oeil, les reflets blonds de sa vassale, accompagnés par le bruissement de la robe qu’elle avait passée. Vu son regard, sa missive l’avait tirée du lit. Bien fait, se dit-il, le réveil allait être claironnant.

«Asseyez-vous.»


Un ton claquant, sec, sans même un regard adressé. Et pire que tout probablement, le vouvoiement. Pas usé depuis plus de dix ans en privé, au moins. Plus même. Le comte n’avait pas dans l’idée de se remémorer le nombre d’années qui avait passé depuis qu’il avait cessé de traiter Cassandre en professionnelle officielle. Et ces deux simples mots suffirent à provoquer un vif émoi chez la vicomtesse, qui s’assit, l’inquiétude peinte sur le visage. Inquiétude qui crut notablement quand les deux diamants meurtriers du comte s’étaient posés sur elle. Ambre avait-elle donc révélé au comte la vue des bâtards, et sa connaissance de ces deux enfants ? C’était une erreur, elle en était consciente, mais cela justifiait-il une ire de cette ampleur ? Ou avait-il eu connaissance de ses… visites ? Ou de cet espion qui avait subtilisé la statuette qu’Ambre convoitait ? Elle nageait dans la brume et le comte n’avait pas jugé bon de donner la moindre précision. Et mieux valait rester muette dans ce genre de cas.

«Lors de mon mariage,
commença-t-il sur un ton qui se voulait calme, mais derrière lequel perçait une évidente menace, je vous ai prévenue de ce que vous encouriez, si par malheur vous tentiez quoi que ce soit contre mon épouse. Je me souviens de chaque mot prononcé. Et pourtant… Il finit par se rapprocher du bureau, puis de Cassandre, suintant le dédain et l’écoeurement. L’atmosphère en devint immédiatement nauséabonde tant le mépris était intense. Et pourtant malgré cela, non contente de désobéir purement et simplement à un ordre clair, vous avez profité de mon absence, du fait que je risquais ma vie pour défendre les miens, ma femme comprise, pour vous aventurer dans ma propre maison, et… Il eut un léger rire. L’incrédulité se rappelait à lui, en même temps que les termes employait par sa femme. Pour la menacer ouvertement ?! Son ton prit immédiatement quelques décibels. Que personne ne s’aventure ici où il en aurait pour son argent. L’insulter, lui promettre l’éviction ? A quel moment avez-vous pensé que je n’apprendrais pas ce genre de choses ?! Et surtout, à quel moment vous êtes-vous dite que je n’aurais pas la présence d’esprit d’y réagir, surtout ?!»

Sa phrase se ponctua d’un coup sec de son poids contre le bois du bureau. Concentrée sur les paroles du comte, elle sursauta à l’explosion du bruit mat, et se releva prestement. Les sourcils froncés, elle entendait bien se défendre contre cette… les mots lui manquaient à l’instant; mais l’arbre phénotypique des oiseaux passa tout entier dans son esprit.

«Alors elle a fini par parler. Je savais bien qu’elle ne saurait se tenir, de toute façon. Pas les épaules. Il était évident qu’elle finirait par venir pleurer dans tes-»

Le bruit d’une gifle monumentale fit taire toute défense, tout amer constat dans un bruit retentissant. La main de Morion s’était abattue sans qu’il n’y fasse seulement attention, et avec une violence que même Saurell n’avait pas eu à expérimenter, alors qu’elle se trouvait dans une position moins enviable. Encore que. Serrant le poing pour retenir une avalanche de coups, il observait sans ciller la joue déjà méchamment rougie de sa vassale, son expression choquée et endolorie, le flou de son regard abruti de douleur, alors que quelques perles salées provoquées par la brûlure du coup parvenaient jusqu’à ses yeux.

«Elle a plus les épaules que vous pour nombre de choses, à commencer par porter mon nom. Mes enfants. Légitimes, eux, ceux qui prolongeront notre lignée. Ne vous avisez plus jamais, vous m’entendez, plus jamais de lui manquer de respect, même en simple pensée. Je mettrai sinon dans la minute même où la moindre parole basse sera prononcée chacune des promesses que je vous ai faite à exécution. Est-ce bien compris ?!»

Elle resta un moment immobile, la main accrochée au fauteuil qu’elle avait quitté, pour ne point perdre l’équilibre. Elle finit par avoir un sursaut de vitalité, et releva un regard profondément vipérin vers le comte.

«Sait-elle, à propos de Léa et Jaden ? Lui as-tu seulement dit que tu avais déjà forniqué et enfanté par le passé, avant de l’entraîner sous tes draps ?»

Le souffle de Morion se bloqua dans sa gorge, à ces questions. Pas parce qu’elle posait la question, mais de la façon dont elle le tournait. Violente, animée de sa propre volonté, sa main repartit, assénant une nouvelle attaque brutale à la joue déjà meurtrie de Cassandre. Sa voix tonna dans toute la pièce, et même sûrement ailleurs.

«Je vous interdis. Je vous interdis de poser cette question une fois de plus de toute votre existence. Je vous interdis également de mettre un seul pied ici sans que je ne vous y aie moi-même convoqué. Fichez immédiatement le camp, maintenant. Les objets ci-présents prompts à provoquer ton décès sont bien trop nombreux. Dehors !»

La porte claqua brutalement après les invectives du comte, une fois que Cassandre eut plié bagage, le pas incertain. Il n’avait même pas pu dire un quart de ce qui lui pesait sur la conscience, mais au moins il avait été clair. Et la prochaine fois qu’il devrait en arriver à ce genre d’extrémités, ce serait la dernière, il s’en fit le serment dès que le bois claqua contre le bois.

Resté de longues minutes dans son bureau, le temps de refouler la hargne qui brûlait encore en lui, il redescendit voir Talen, lui intimant de prévenir Ambre que si elle le cherchait, il était dans le cloître. Et que nul autre qu’elle ne vienne le déranger sous peine de sévères sanctions.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 12 EmptySam 12 Nov - 19:28
Ambre sourit pour elle-même, lorsque Morion désigna sa mère en tant que « vrai soleil », dont le caractère contrastait de beaucoup avec celui de son père. Elle ne put s’empêcher de faire un parallèle avec leur propre couple. Morion de Ventfroid, l’homme sombre et secret, et sa femme Ambre de Ventfroid, sociale, espiègle et joyeuse. Le schéma semblait se reproduire, clin d’œil du destin, avec de subtiles modifications.

- Je sais, tu m’avais déjà dit que… l’éducation… de ton père avait duré jusqu’à tes dix-huit ans à peu près. Il n’empêche que cela reste la grande majorité de ta vie, et toute ton enfance.

Comparé à tous les souvenirs innocents qu’elle pouvait partager avec Evan et Jade, Morion n’était qu’un nourrisson. Elle espérait qu’il se forgerait des liens profonds avec ses futurs enfants, et que le manque d’amusement qu’il avait lui-même subi dans ses jeunes années ne se répercute pas sur celui de ses héritiers, inconsciemment. L’époque de mort qui s’était installée avec la fange ne favorisait bien évidemment pas une enfance aussi insouciante qu’à leur propre génération, mais… Ambre escomptait épargner les jeunes années de ses fils et de ses filles autant qu’elle le pourrait. Mais ses inquiétudes étaient certainement inutiles. Malgré l’insulte qu’elle avait assenée à son époux durant leur dispute, elle savait parfaitement que Morion ne cautionnait pas tous les agissements de son père, et qu’il ne réitèrerait pour rien au monde certains comportements.

Un autre sourire fleurit sur le visage de la comtesse, quand Morion affirma qu’il ne prendrait pas ombrage de la naissance d’une fille. Oh, elle savait pourtant qu’il serait tout de même déçu. Tout comme elle. Offrir un fils était un devoir important, et bien des ménages finissaient par se briser lorsque l’épouse n’enfantait que des filles, ou n’enfantaient pas du tout, la déception continuelle du mari rabattue sur sa femme fautive, comme si cette dernière y pouvait quoi que ce soit. Ambre n’avait rien contre avoir une fille – au contraire elle serait heureuse d’élever sa fille et de la cultiver pour qu’elle devienne plus tard elle aussi une bonne épouse et une bonne mère. Seulement, pas tout de suite. Assurer l’avenir de la lignée tenait beaucoup à cœur à Ambre, et il ne fallait pas se voiler la face : la naissance d’une fille ferait naître une pointe de déception, passagère très probablement, mais présente.
Elle priait elle aussi les Trois pour accorder à son enfant une bonne croissance, une bonne santé, et une bonne naissance. Peut-être un peu plus assidument depuis qu’ils avaient tué Saurell. Mais les dieux seraient-ils assez cruels de lui retirer son enfant en compensation de leur meurtre ? Ambre préférait chasser ces sombres pensées.

Pour la première fois depuis plus d’une semaine, les deux mariés se couchèrent ensembles. Pas encore tout à fait avec la même complicité qu’avant, mais c’était déjà un grand pas en avant. La nuit fut calme, paisible, trompeuse avant la tempête qui bousculerait le manoir dès l’aube le lendemain matin.

--

8 mai 1165

Contrairement à Morion, Ambre ne se réveilla pas avant l’aube. Son sommeil était toujours aussi vorace depuis qu’un petit vampire aspirait une grande part de son essence vitale, et le départ de Morion au saut du lit passa complètement inaperçu. Elle dormait, cependant son corps parut se souvenir de ce qui était prévu ce jour, car elle se réveilla à peine une demi-heure après. Clignant des yeux faiblement, elle nota le calme et le désert de la chambre à coucher, sans la respiration coutumière de son mari à ses côtés. Croyant avoir raté l’évènement principal du jour, la comtesse se redressa brusquement dans la couche, et sauta jusqu’aux rideaux pour les ouvrir. Le jour se levait à peine, mais il faisait déjà très doux en cette matinée de mai. S’enveloppant dans une étoffe provisoire pour masquer sa nudité, Ambre sortit donc sur le balcon pour profiter de la brise printanière et des bruits de l’Esplanade qui se réveillait doucement. Brosse en main, elle démêlait ses cheveux tranquillement, observant les oiseaux qui voletaient d’arbre en arbre au sein du jardin, piaillant joyeusement. Derrière les hauts remparts protecteurs du quartier, elle entendait le ressac et le bruit des vagues s’écrasant contre la falaise. Tout était réuni pour la détendre, mais sa présence sur le balcon, en réalité, poursuivait un tout autre but.

Le bureau de Morion se trouvait à l’étage juste en-dessous. Aussi la comtesse se trouvait-elle juste au-dessus de la fenêtre du lieu de travail de son époux, et par un heureux hasard, il s’avéra que cette dernière fut restée ouverte, permettant la remontée des sons et éclats de voix jusqu’aux oreilles de la jeune rousse, présente à deux mètres en hauteur. Etait-ce un oubli de la part de Morion d’avoir laissé la fenêtre ainsi ouverte ? Il prenait soin, en temps normal, d’accorder ses entrevues en toute discrétion. A moins qu’il ait prévu un échange des plus calmes et cordiaux, ce qui serait en réalité plutôt étrange.
Ambre brossa ses cheveux tranquillement, jusqu’à percevoir de l’activité dans la pièce à demi-espionnée. Là, son poignet s’arrêta, laissant l’objet coiffant en suspension. Son attention fut extrême, et, à sa grande satisfaction, elle entendit tout. Strictement tout. La voix du comte remontait à travers la fenêtre, et c’était tout comme si Ambre s’était trouvée dans la pièce, ou presque. C’était la première fois qu’elle espionnait de la sorte. Ses motivations étaient purement cruelles. Se délecter du malheur de cette vicomtesse, voilà tout ce qu’était son but du jour. L’air froid et satisfait, elle écouta chaque mot, chaque défense de son époux. En-dehors de toute satisfaction égoïste envers Cassandre, le cœur de la comtesse se gonfla légèrement d’entre Morion la défendre ainsi. Elle avait toujours pu constater l’estime de son époux pour son espionne mais n’avait jusqu’à présent jamais entendu Morion parler d’elle devant autrui. Cela changeait du quotidien, et très agréablement.

Le fiel de Morion fut terrible. Ambre était même sûre que les décibels de sa voix résonnaient au manoir et étaient perceptibles par les domestiques. L’écho claquant de la gifle, puis la seconde, acheva la sombre satisfaction de la comtesse, qui reprit les caresses sur ses cheveux dès lors que Cassandre eut quitté les lieux d’un claquement de porte brutal. Cassandre était partie sans savoir si Morion avait avoué pour les bâtards. C’était tant mieux. Moins elle en savait sur leur couple, mieux c’était. Sa curiosité malsaine à propos de leur vie privée était très déplacée, et Ambre ne lui donnerait jamais la satisfaction de l’informer qu’une dispute violente avait éclaté entre eux la semaine passée.
La jeune rousse prit tout son temps pour se préparer et terminer sa toilette, se répétant les mots vipérins pour n’en oublier aucun. Le temps se forlongea, volontairement. Tout d’abord pour laisser du temps à Morion de digérer cet accès de colère, dont elle ne voulait pas se prendre les conséquences. Elle avait assez donné la dernière fois. Ensuite parce que la dernière réplique de Cassandre avait réveillé son amertume au-travers de son contentement sur ce recadrage. La colère qu’elle avait créée chez Morion était équivoque cependant. Il était impossible que l’homme possède encore des sentiments pour cette femme. Un tel traitement ne pouvait pas être accordé à une femme envers laquelle on possédait toujours une quelconque forme d’inclination. Ambre en était certaine, et cela la rassura, un peu. Les plaies béantes de sa jalousie se refermeraient peut-être un jour, finalement.
La jeune femme termina par rejoindre son mari dans le cloître, après le message de Talen. Il était sur le petit banc de pierre, celui sur lequel l’idée d’une union avait été évoquée, il y avait bien des mois. Le visage de l’homme était fermé, encore furibond, et la comtesse glissa doucement ses paumes sur ses épaules pour lui accorder un massage de fortune.

- Si tu voulais qu’elle finisse par te haïr plus que moi, je gage que ton plan est une réussite, Morion. Elle pianota de son index sur son omoplate. Je crois que tu as été entendu jusque dans les cuisines, ajouta-t-elle en exagérant un peu, mais elle lui signifiait par là qu’elle avait tout entendu, elle aussi.

Aucun amusement dans sa voix, ni reproche. Elle ne ferait pas l’affront de s’amuser d’une telle situation, d’un tel manque de docilité de la part d’un vassal. Cassandre était aveuglée par sa relation de longue date avec l’homme. Elle en oubliait les serments sacrés du vasselage. Une erreur qu’elle avait grand intérêt à réparer très vite.

--

10 mai 1165

Les deux derniers jours avaient été forts occupés. Morion et Talen avaient pris soin de régler toutes leurs affaires avant de partir pour le domaine, quant à Ambre, elle était passée au manoir des Mirail pour prévenir les siens de son absence. Ils s’inquiétèrent de ce départ, beaucoup, et Evan proposa de les accompagner pour l’aller-retour. Ambre y opposa une vive résistance, arguant en dernier lieu qu’il devait rester pour sa propre famille, et pour être ses yeux sur place, au sein de l’Esplanade. Elle allait rater beaucoup de choses, dont les mesures d’espionnage prises contre Cassandre, qu’Ambre lui demanda de prendre complètement en charge en son absence. Elle en profita pour lui exposer les prérequis de Morion – l’absence d’agissement contre elle en-dehors des divers pistages –, qu’il accepta sans difficulté, les Mirail n’agissant jamais avec précipitation ou le concert des protagonistes concernés. Elle promit des nouvelles dès l’arrivée au domaine, et pour compenser son absence qui se prolongerait très certainement quelques semaines, elle passa la journée entière avec sa famille, se laissant examiner par sa mère de tous les côtés, qui se voyait ravie de constater les premières modifications visibles de sa grossesse.

Le matin du départ arriva très vite – trop vite – aux yeux de la comtesse, et il fut temps.

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