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 Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]

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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 3 EmptySam 16 Juil 2016 - 1:17
Elle n’était… pas si douée que ça, mais mettait du coeur à l’ouvrage. Morion aurait été particulièrement tyrannique d’exiger d’elle la perfection alors que sur ce domaine là, en tout cas, elle en était bien incapable. Une dague, si petite soit-elle, était éminemment plus lourde qu’un pinceau, et le résultat souvent moins plaisant à l’oeil. Qui plus est, son père avait fait montre d’assez de férocité à son encontre pour ce genre d’entraînement, certes plus ardus, et en sa qualité d’héritier, bien plus importants, pour qu’il soit dissuadé de réitérer ce genre de traitement avec quiconque, d’autant plus avec sa femme. Cela étant dit, il était assez étonné de voir qu’elle ne se débrouillait pas si mal que ça. Nombre de femmes n’auraient même pas su dans quel sens la tenir et auraient frappé aléatoirement, même après des instructions claires, dans l’espoir de faire quelque dommage, au risque de se blesser elles-mêmes. Peut-être était-ce justement le fait de manier avec habileté brosses et pinceaux, ou des prédispositions, le résultat était là. Vu la force qu’elle y mettait, tout ce qu’elle réussirait à faire serait de déconcentrer quelque peu son adversaire en le chatouillant, mais les mouvements étaient bien exécutés. C’est tout ce qui intéressait le comte. Le reste viendrait avec un peu de pratique. Il n’aurait pas le temps qu’il voudrait, ou qu’il estimait nécessaire pour s’assurer d’un minimum de réflexe défensifs, mais tant pis. L’urgence était là, et avec une heure ou deux par jour le temps de son départ, il finirait par arriver à lui inculquer de bonnes bases, à défaut d’être solide. Seule sa sécurité primait, dans l’idéal, elle ne devrait même pas à avoir à ne serait-ce qu’esquisser un seul mouvement pour dégainer. Malheureusement ils ne vivaient plus dans un monde idéal.

Il l’observa très attentivement, lorsqu’elle accepta, non sans protester, de s’essayer sur lui. Il savait pertinemment qu’il ne risquait rien d’autre qu’un bleu, au pire que sa chair soit légèrement entamée. Mais rien qui ne mette sa vie en danger. Ambre n’avait cependant pas l’air très convaincue. Il ne pouvait réellement lui en vouloir, après tout, il lui apprenait à manier une arme, avec pour but exclusif de mutiler sévèrement son ennemi potentiel, voire de carrément le mettre à mort. Lentement d’abord, elle ne pouvait s’empêcher de regarder le point qu’elle visait. Rien de choquant, jusque là. Mais elle accéléra un peu la cadence, ses yeux, comme il l’avait demandé, fixés sur lui. Lui, il jaugeait la courbure de son coude, l’accélération qu’elle mettait dans son coup, sa posture générale. A améliorer, mais pour un début, c’était assez bien. Il sentit juste, lors du dernier coup qu’elle lui mit, son buste partir légèrement sur le côté, et une douleur aussi vive qu’éphémère lui traverser les côtes. Elle avait touché.

Retenant un ricanement mesquin à sa réaction, il l’accueillit avec un petit sourire, et la gratifia d’un baiser bref et espiègle avant de redresser légèrement le menton. Il valait mieux, lorsque l’on avait une arme sous la gorge, bien que celle-ci ne couperait pas grand chose, hormis entre les pattes d’un ours.

Réfléchissant aux paroles, certes logiques, de sa femme, il gratta distraitement sa barbe de la pointe arrondie de l’arme d’entraînement, l’autre main en appui sur sa hanche.

«Eh bien… Attends deux minutes. Tu n’as pas tort sur certains points.»

Il se dirigea vers un des râteliers d’armes, qui comportait essentiellement de fines lames, visant à être lancées, de larges couteaux d’assaut, et des dagues. Toutes ces armes étaient parfaitement entretenues, et mortelles, de fait. Il se rapprocha d’un des mannequins de bois, qui étaient fixés sur trépied, contre le mur donnant sur l’extérieur invisible.

«Viens donc voir. A moins qu’un chevalier en plates te tombe dessus, ce dont je doute sincèrement, le cuir est une maigre protection contre l’acier perçant. Le principe d’une dague n’est pas de couper. Dans un combat, à armes réelles, elle peut servir à parer, certes, ou à surprendre son ennemi. Moi même j’en use beaucoup, la préférant même au bouclier. Néanmoins, c’est de sa pointe dont on parle.»

Il ramassa au sol quelques épais tissus de cuir, destinés à simuler des protections, voire même à équiper ceux qui s’entraînaient, et les posa négligemment sur le mannequin de façon à en recouvrir son buste avec une double épaisseur. Il asséna un premier coup, qui claqua d’un bruit sourd et mat contre le bois, dans l’estomac, et réitéra son geste entre les côtes imaginaires du pantin. Il retira ensuite le cuir, percé, pour montrer deux ouvertures, profonde d’un bon centimètre, à chacun des endroits qu’il avait frappé.

«La dague perce toujours. Excepté les cottes de maille, forcément, mais c’est un autre débat. La gorge en revanche, tu as raison, est la plus efficace. Evidemment, il ne faut pas espérer que ton assaillant s’en sorte. Si jamais tu veux l’interroger, il mourra en quelques dizaines de secondes, exsangue.»

De quelques gestes secs, et habiles, il traça quelques lignes verticales sur la gorge sculptée, bête cylindre en vérité, du mannequin. Carotide, jugulaire, trachée.

«Généralement il suffit de trancher dans le lard à ce niveau là, et les plaies sont souvent irréparables, si l’arme est de bonne qualité. Et tu en auras une de très, très bonne qualité, tu peux compter sur moi. Il désigna le mannequin de la pointe de son arme. Revers, taille, estoc. Le revers pour une artère, la taille pour l’autre, l’estoc pour lui percer une deuxième bouche. Le mieux n’est pas d’être fort, mais rapide.»

Il illustra son propos d’un geste sec du bras droit. Il asséna un coup inversé au mannequin, laissant une profonde entaille dans sa gorge. Il laissa simplement la lame glisser dessus. En revanche pour le coup de taille, il frappa d’abord contre le bois, et tira légèrement la lame vers lui ensuite, pour s’assurer que la totalité de l’artère serait trancher, et même quelques muscles. Pour le coup d’estoc en revanche, aucun secret, il frappa de face, laissant la pointe s’enfoncer d’un centimètre avant de la retirer.

Il prit la dague d’entraînement d’Ambre, et la remplaça par la sienne, la vraie. Il enroula délicatement les doigts de son épouse autour, qu’elle ne se coupe pas, et corrigea légèrement l’inclinaison de son poignet.

«Essaie, mais fais attention. Retiens une chose. Le coeur bat fort. Quand tu perceras sa trachée, retire la lame immédiatement, et recommence une nouvelle fois. Et tu la retires encore. Sinon c’est son sang, ou ses convulsions, qui t’arracheront l’arme. Ensuite, nous apprendrons à te défendre, plutôt que répliquer. Cela te sauvera sûrement la vie un jour. Et n’aie pas peur de le blesser lui, rajouta-t-il d’un ton clairement moqueur, il ne sent plus rien depuis longtemps.»
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 3 EmptySam 16 Juil 2016 - 14:17
Même s’il ne dit rien, Morion était moqueur. Ses yeux brillaient d’une lueur amusée à la vue de sa femme qui n’osait pas le toucher, alors que son arme était largement émoussée. Ambre se mordilla le bout de la langue pour retenir une réplique ; elle n’était de toute manière pas vraiment en position pour ça, toute inexpérimentée qu’elle était dans les arts du combat.

Il accéda à sa demande, et l’amena auprès d’un mannequin de bois, imitant grossièrement l’anatomie humaine. Ambre fut soulagée. Ne plus viser son mari la désinhiberait, c’était certain. Morion attrapa des protections de cuir, qu’il enroula autour du torse du pantin. Ambre observa, silencieuse, tout en écoutant ses propos. Elle n’était pas très douée mais au moins était-elle une élève attentive.
Les coups forts qu’il assena contre le mannequin étaient témoin d’une expérience au combat certaine. Sa poigne était sèche, et les bruits mats qui résonnaient après chaque coup réveillèrent quelques frissons inquiets le long de l’échine de la comtesse. Morion était un homme de guerre, comme tout noble correctement éduqué. Mais elle ne l’avait jamais vu en action. Oh, elle l’avait déjà vu se battre en duel, à leur propre mariage, et durant quelques séances d’entraînement avec Talen. Mais ça n’était donc, par définition, jamais sérieux. Sans intention de tuer, sans volonté de réduire au silence à jamais. Elle n’avait jamais observé son mari « trancher dans le lard » comme il disait, animé d’une étincelle de vie violente, qui ferait la différence entre la mort de son adversaire, ou la sienne. Combien d’hommes le comte avait-il tué ? Combien de fois avait-il assené sa lame de la manière qu’il lui montrait là ? La prise de ses armes était ferme, les gestes instinctifs, aussi fluides que ses propres coups de poignet lorsqu’il fallait peindre.

Les coups secs de Morion furent violents, et traversèrent les maigres protections de cuir sans difficulté. Il retira ces dernières du mannequin, et lui montra la profondeur des entailles présentes dans le bois. Ambre glissa la pulpe de ses doigts dessus, doucement. Elle n’aurait jamais la force de planter la lame aussi profond dans le bois. Et si une dague pouvait faire tant de dégâts malgré des armures de cuir, comment pourrait-elle sincèrement s’en sortir face à un homme armé qui percerait le tissu de ses robes ?

- Tu maîtrises habilement la dague, en plus de l’épée, je vois. Quelles autres armes ton père t’a-t-il appris à manier ? Laquelle préfères-tu ?

Ambre avait pensé aux cottes de maille, effectivement, qui étaient facilement dissimulables sous une chemise, au sein d’une foule. Même si, en toute logique, peu auraient le réflexe de s’équiper autant si l’assaut prévu était contre une femme. L’on s’attendait peu à ce qu’une dame, noble qui plus est, soit apte à répliquer à une attaque frontale.

- Si je me fais attaquer un jour, je ne pense pas m’encombrer de faire des prisonniers pour des interrogatoires, souffla la comtesse, doucement.

En effet, si un homme tentait vraiment de lui planter une lame dans le cœur, elle réagirait de façon urgente, instinctive. Il y aurait sûrement peu la place à de la réflexion ; sa survie transcenderait tout le reste.

Morion traça ensuite des reliefs sur le cou du mannequin, rapidement, pour lui donner des repères. Ambre retint son souffle un instant lorsqu’il plaça la dague tranchante dans sa main. Que Morion la laisse manier sa propre dague était en soi un honneur mais ça n’était pas pour la rassurer. Cependant, viser un pantin de bois alors que son mari serait en arrière était largement rassurant, et compensait le fait de tenir une arme réellement mortelle. Ambre jeta une œillade faussement pugnace à son époux lorsqu’il se moqua en lui assurant que le mannequin ne sentirait rien.
La comtesse frappa, comme il avait montré. Elle fit glisser la lame contre le cou de bois, en appuyant autant qu’elle le put, mais l’entaille fut moins profonde que celle laissée par son mari, de toute évidence. Quand elle assena le dernier coup, celui d’estoc, le tranchant de la pointe s’enfonça dans le bois, et Ambre dut forcer pour le retirer, car la lame était restée fichée dedans. Elle était tremblante, un peu, désireuse de bien faire mais inquiète que Morion la trouve tout simplement ridicule. En tous les cas, la force apportée était bien supérieure que celle usitée lorsque son mari avait été la cible.

La jeune femme leva un sourcil interrogateur à l’adresse de son mari, attendant ses remarques, ses conseils. Elle réitéra l’attaque, plusieurs fois, abattant petit à petit ses barrières en augmentant la force des assauts, sous les yeux avisés de son époux, jusqu’à ce que cela soit correct. Elle testa à nouveau les précédents coups, contre l’estomac et les poumons, également. Elle s’efforçait d’imaginer autre chose que du bois sous ses coups mais c’était délicat.
La jeune femme ignorait depuis combien de temps cela durait, mais l’enchaînement répété de ces mouvements commençait à affaiblir son bras. Et dire que les hommes pouvaient enchaîner des heures d’entraînement bien plus physique sans broncher…

- Je vais devoir me défendre face à tes assauts ? demanda enfin la comtesse lorsqu’il fut temps de passer à la suite de l’entraînement, un peu tendue. Sans armes, ou avec ?

La question était peu pertinente ; dans tous les cas la force de l’homme était trop supérieure à la sienne pour qu’elle l’emporte – elle l’avait bien noté dans leurs échanges intimes –, même sur une attaque qui imiterait un homme désarmé. Dans un tel cas de figure, un simple coup de poing dans le visage pourrait la faire tomber inconsciente. Apprendre à savoir éviter ce genre de coups était utile cela dit, certes, même si cette fois, c’était Morion qui devrait éviter de lui faire mal. Clairement, il y avait de grandes chances qu’elle ne réussisse pas à réagir à temps, surtout si Morion menait l’entraînement avec son sérieux habituel. Ils allaient bien voir si l’homme aurait moins de scrupules qu’elle à tenter une attaque ; même si son expérience des armes changerait déjà bien la donne, et sûrement craindrait-il moins de la blesser que l’inverse. Mais ça, c’était sans compter l’inexpérience totale de la comtesse, qui pouvait finir par se blesser toute seule. Ambre attendit qu’il lui présente l’enchaînement à faire, appréhensive.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 3 EmptySam 16 Juil 2016 - 17:01
Le nombre de personnes que Morion avait occis dépassait largement le quota acceptable moralement pour un seul homme. Ne comptons pas les victimes des guerres et conflits, qui amènent nécessairement des morts par dizaines, centaines même. Mais dispenser la mort était, quelque part, son premier métier. Avant son titre, bien que ces deux états soient liés, avant d’être un père, un frère, il était avant tout un juge, qui n’appliquait qu’une seule sanction : la mort. Ambre finirait bien par assister à ce côté là de sa personnalité. Peut-être pas à son apogée, quand il faisait cavalier seul, ou double de temps à autres avec Talen, mais il y aurait nécessairement un moment où l’assassin prendrait le pas sur le noble administratif, de cour et de mondanités (encore que ce dernier point était en fait le plus rarement montré).

Néanmoins, rien ne pressait. Sa priorité, c’était sa femme, pour l’heure.

«Des couteaux fins, utilisés pour entraver des mouvements, ou tuer si l’on est assez précis. Ils se lancent, et sont parfaitement silencieux. Et prennent moins de place qu’un arc. Pour mes activités, je n’ai guère besoin de plus, tu sais. J’ai suivi une éducation assez éclectique, donc je pourrai me servir de toute ce qui me tombera sous la main, mais je serai toujours moins bon avec une hallebarde qu’un hallebardier. Quant à celle que je préfère... la dague est terriblement pratique est bien moins voyante qu'une épée. En revanche, je déconseille quiconque de tâter un fangeux armé d'une si petite arme.»

Si son père, et Talen, avaient veillé à ce que son éducation martiale soit difficile à reprocher, ils avaient cependant préférer se concentrer sur une excellente de quelques armes seulement, très peu, qu’il manierait donc avec brio, plutôt que de s’éparpiller, apprendre la maîtrise d’une quantité conséquente d’armes, mais d’être bon nulle part. Ainsi, Morion se débrouillait parfaitement au tir à l’arc. Il pouvait toucher sa cible à l’endroit visé au bout de seulement un carquois et demi. Alors qu’aux armes de jet, il faisait mouche à chaque fois.

«Tu frappes bien, dit-il en observant les marques qu’elle avait laissé de plus près. Néanmoins, quand tu tailles, plutôt que d’essayer d’y mettre de la force, sois rapide. De sa dague d’entraînement, il lui montra comment faire. La lame s’abattit sur la carotide fictive du mannequin, et il la retira très vite, en maintenant le fil émoussé contre le bois. La marque fut très légère du fait du manque de pouvoir tranchant de l’arme, mais c’était juste le mouvement qu’il fallait observer. La dague ne nécessite pas spécialement de force, sauf si tu te mets en tête de décapiter ton ennemi, auquel cas je te souhaite bien du courage. Un mouvement rapide sera tout aussi efficace, ton adversaire sera quoi qu’il arrive neutralisé.»

Il lui remontra le mouvement pour être sûr qu’elle ait bien saisi la nuance entre la douceur véloce d’un coup efficace et la force mise dans un coup brutal, et la laissa s’exercer un moment. En tant qu’instructeur, Morion pouvait se montrer assez dur, voire carrément tyrannique. Pas brutal, c’était certain, mais il ne lâchait pas un morceau tant qu’il n’estimait pas qu’il pouvait bien passer à autre chose. Et ce même si c’était sa femme. Surtout parce qu’elle était son épouse, à vrai dire. Si elle se faisait agresser, et ratait une offensive, un contre, ou peu importe parce qu’il avait négligé une part de son entraînement, il s’en voudrait mortellement.

Quand il considéra le mouvement comme acquis, au bout de plusieurs minutes d’itérations incessantes, il finit par reprendre sa dague. Il se dirigea vers la malle où se trouvaient les cuirs qui vêtaient peu avant les mannequins, et se saisit de vieilles dagues en bois. Ce n’étaient pas des des dagues, mais leur forme était assez équivoque.

«Avec. En cas d’agression, cela ne durera que quelques secondes, et il n’y aura qu’un seul vainqueur. Même dans le cas d’un enlèvement, tu n’auras pas trop le temps de réagir. Alors autant t’entraîner à le faire avec une arme, ne penses-tu pas ?»

Il eut un petit sourire, et lui tendit une des dagues.

Il répéta les premiers mouvements qu’il lui avait appris. Estomac, côtes. Le premier visant l’estomac.

«Bien. Celui-ci est assez difficile à parer, et un coup sur deux, les novices se tuent involontairement en parant de la mauvaise façon. Partons du principe que ton adversaire aura forcément plus de force que toi. Dévier son coup vers un côté va être très difficile, voire impossible. Au lieu de te percer l’estomac, il aura ton foie, ce qui n’est pas plus enviable. Utilise sa force. Son coup, tu dois le dévier vers le bas, en reculant toi même. Dans le pire des cas tu risques une blessure à la jambe. Il préférait directement évoquer les risques. Mieux valait un muscle entaillé qu’un estomac percé. Je vais attaquer, doucement. Je m’arrêterai au moment où je toucherai ta robe, ne t’en fais pas, dit-il avec un sourire amusé.»

Il joignit le geste à la parole, et s’avança d’un pas, lame boisée en avant, visant l’estomac d’Ambre. Très lentement. Il se contentait en fait de durcir son bras afin de le rendre difficile à à dévier. Généralement lors d’un coup rapide, le bras était bien moins résistant, et un coup du plat de la lame vers le bas suffisait à faire rater le coup. En revanche si l’assaillant avait le temps de se préparer, c’était carrément autre chose. Il la laissa tester la parade plusieurs fois, attaquant avec lenteur à chaque fois, puis lorsqu’elle eut acquis le mouvement, il accéléra légèrement la cadence. Au début, un coup modérément véloce, sec, en direction de son estomac. Il s’arrêtait, dans le cas où elle n’arrivait pas à parer, dès que la poinet de sa lame effleurait le tissu. La tâche d’Ambre était un peu facilitée, dans le sens où il faisait autant attention aux coups qu’il portait qu’à ne pas la toucher plus qu’un simple effleurement. Si jamais le coup partait, ça risquait de faire un peu mal, mais disons que c’étaient les risques du métier. C’était bien là la seule exception à ses principes de non-violence. Si quelques bleus pouvaient lui sauver la vie, eh bien soit.

«Bien… le prochain coup est beaucoup plus difficile à parer. Néanmoins, si tu réussis, ton adversaire est perdu. Il resserra la prise sur sa lame, et avança d’un pas. Cette fois, au lieu de reculer, avance. Si jamais tu pars en arrière, tu perds ta portée, et tu lui donneras l’opportunité de changer d’angle d’attaque. Avance au plus près. Lame en avant si tu veux viser l’estomac, lame relevée en direction de sa gorge si tu veux la lui trancher. La deuxième option étant la plus sûre. J’y vais.»

Il effectua un pas en avant, observant Ambre, mais visant ses côtes. Il ne s’embarrassa pas de frapper lentement, cette fois. Une vitesse certes bridée, elle était loin d’être experte, mais il fallait qu’elle mette en oeuvre son agilité et quelques réflexes, tout de même.
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 3 EmptySam 16 Juil 2016 - 19:19
La remarque de Morion était pertinente. Faire face à un fangeux avec une dague… Ambre ne s’était jamais trouvée nez-à-nez avec l’une de ces créatures, mais elle avait entendu les témoignages, vu les blessures qu’ils laissaient sur les soldats. Si l’un d’entre eux avait assez percé la défense pour venir si près de sa victime pour que l’allonge d’une dague soit efficace, alors la proie était déjà morte ou presque. Il fallait les tenir à distance avec la longueur d’une épée, ou le joug d’un arc. La dague était une arme de dernier recours, quand la mort était proche. Et, d’un côté, cela était aussi le cas lorsque l’adversaire s’avérait être un homme. Ambre voyait ses chances de mourir plus importantes que celles de survivre si un tueur s’approchait d’elle ainsi.
Epée, dague, arc, armes de jet… Le panel de Morion était large, comme elle s’était doutée. Elle espérait avoir l’occasion de le voir les utiliser, un jour. Pas en conditions réelles bien évidemment – elle prierait pour qu’il n’ait jamais à s’en servir plus que nécessaire. Mais dans la tranquillité de leur demeure peut-être, en compagnie de Talen. Ou plus tard, lorsqu’il éduquerait leurs fils au combat.
Moins de force, plus de rapidité…
Ambre pensait pour elle-même sous les conseils de son époux, sourcils froncés par la concentration. Elle crispa un peu moins ses doigts autour de la garde, essaya de se détendre. Ses muscles étaient tendus, ce qui rendait ses gestes parfois gourds, secs et mal contrôlés. Elle inspira doucement, répéta les gestes, déliant son bras, faisant glisser la lame plus que l’enfoncer dans le bois.

Ambre s’imagina un instant à la place de toutes ces femmes qui s’étaient engagées dans la milice, essayant de se calquer sur leur agilité, mais bizarrement cela ne l’aida pas. Elle n’avait pas été éduquée pour ça, et ne verrait jamais une once de féminité là-dedans. Ça n’était pas convenable pour une femme de se battre. Là, elle prenait beaucoup sur elle pour briser les murs imposés par son éducation, et ça n’était pas une mince affaire. La comtesse était née pour être fille, sœur, épouse, mère. Pour coudre, peindre, chanter, manier les ragots d’une cour. C’était la Fange et son pragmatisme la contraignait à s’y abaisser, mais plus elle s’acharnait sur le pantin de bois, plus elle poussait son agilité et son effort physique, moins elle se sentait femme, là, aux côtés de son époux. Comment Morion pourrait-il continuer à la trouver attirante s’ils continuaient ces entraînements tous les soirs ? Cela n’était définitivement pas seyant pour une comtesse, même si primordial. Engoncée dans son éducation, Ambre ne pouvait pas voir comment on pouvait être attiré par une Yseult de Traquemont, par exemple. Quand bien même cette femme était belle, aux traits fins, aux beaux cheveux blonds. Mais toutes les manières, les attirails autour, s’ils formaient une noble aux coutumes exemplaires, une châtelaine qui administrait d’une main de fer son fort, ne faisait pas d’elle une bonne épouse.

La comtesse termina par chasser toutes ces pensées. Cela l’empêchait de se donner pleinement aux passes. Elle devait déjà lutter contre son inexpérience au combat et son agilité peu travaillée, il ne fallait pas s’ajouter des barrières éthiques en plus.

Une quinzaine de minutes passa ainsi, jusqu’à ce que Morion soit satisfait pour cette première séance. Il fut temps d’évoquer les gestes de défense et non pas d’attaque. Ambre arrondit légèrement les yeux à l’entente d’un certain mot.

- Enlèvement ? Elle pouffa doucement malgré elle, et l’inquiétude qui tendait ses muscles en attendant les explications sur la suite des passes diminua un peu. Désormais que nous vivons tous au sein des mêmes murs… je plains ceux qui pousseraient Evan ou toi-même à retourner toute la ville. Cela ne serait pas très pertinent.

Le temps n’était pas à ces considérations pratiques cependant. Raison pertinente ou non, le risque n’était pas nul, bien entendu, et Ambre ne cherchait pas à rendre cet entraînement inutile. Elle voulait apprendre. Pour elle et pour ses proches également. Qui sait si un jour, elle n’aurait pas à défendre sa sœur d’un voleur ou autre agresseur ?

- Tu m’apprendras des gestes sans armes, aussi ? demanda-t-elle avant qu’ils n’engagent la suite. Dans le cas où, justement, l’on réussirait à me désarmer. Ou si je ne suis pas équipée.

Cela pouvait arriver, même si elle prendrait le réflexe de sortir armée en l’absence de Morion. Et essaierait de ne pas oublier, sans quoi elle se prendrait des remontrances de son mari, elle le savait.

Le premier coup, il s’agissait de dévier la trajectoire de l’attaque de Morion vers le bas, en plaquant sa propre lame sur la sienne. Des dagues en bois pour l’occasion. Ambre eut presque l’envie de tenir son arme factice à deux mains, dans un réflexe pour s’assurer plus de force pour dévier le poignet de Morion. Mais avec une vraie arme, elle se trancherait la main de faire ainsi. Alors, elle refoula cette envie et resserra sa dextre autour de la garde.

Citation :
Enchaînements pour le premier mouvement

Parade d’Ambre : 11
Résultat des dés : 12
Raté.

Parade d’Ambre : 11
Résultat des dés : 4
Réussi.

Parade d’Ambre : 11
Malus -2 à cause de l’accélération de Morion
Résultat des dés : 10
Raté.

Au début, Morion y allait doucement, montrant juste la trajectoire, sans réellement frapper, lui laissant prendre le temps d’imaginer le mouvement qu’il faudrait exécuter pour dévier la lame vers le bas. Ils répétèrent plusieurs fois le geste, Ambre venant glisser doucement sa lame de bois contre celle qui avançait doucement vers son ventre. Puis, après plusieurs échanges ainsi, Morion commença à frapper vraiment. Dès qu’il esquissa son premier vrai geste offensif, Ambre réagit, mais pas à temps. La pointe de bois de la dague de Morion vint toucher son ventre, sans la heurter puisque l’homme avait retenu son coup, mais l’effleurement titilla la jeune femme, qui se fit la réflexion qu’en situation réelle, elle serait déjà morte. Ils recommencèrent, encore, jusqu’à ce que la comtesse réussisse. Le second coup, par chance, elle put le dévier. Elle enchaina néanmoins d’autres échecs, mais le comte termina par être satisfait à cette étape. Alors il accéléra le rythme, prenant une vitesse bien plus réelle. A nouveau, Ambre échoua. Elle lâcha une exclamation agacée, mais ne dit rien. Cela ne serait bien évidemment pas ce soir qu’elle maîtriserait le mouvement à la perfection, mais se voir échouer alors qu’elle savait que Morion était loin d’être à fond était humiliant. Ils continuèrent, encore, et encore. Jusqu’à ce qu’elle ait trouvé un certain automatisme malgré ses échecs.

Citation :
Enchainements pour le second mouvement

Parade d’Ambre : 11
Malus -2 pour vitesse de Morion + malus -2 pour la fatigue d’Ambre suite à l’entraînement qui se prolonge et les échecs précédents
Résultat des dés : 19
Raté. Ouuh dommage, j’aurais aimé rp un échec critique, ça aurait été rigolo :c

Parade d’Ambre : 11
Malus -4, idem qu’au-dessus
Résultat des dés : 16
Raté.

Parade d’Ambre : 11
Malus -4
Résultat des dés : 9
Raté.

Ambre fit comme Morion lui avait dit. Quand il avança d’un pas, fondant sur lui, elle fit de même, lame en avant. Elle visa la gorge d’abord, mais pas assez prestement. La lame de bois de Morion tapa contre son flanc avant que sa propre arme n’atteigne le creux du cou, et Morion évita aisément l’approche d’un simple mouvement du visage. Elle fronça les sourcils, comprenant presque aussitôt son erreur. Elle avait regardé le point qu’elle avait voulu frapper.
Elle rata la deuxième tentative. Puis la troisième, et la quatrième. Morion alternait ses points de visée, et ne se concentrait pas toujours sur ses côtes. Elle n’arrivait jamais à anticiper son angle d’attaque, et sa dague arrivait toujours avant la sienne.
La dernière tentative, elle passa pas loin de la réussite, mais son mouvement avait été trop impatient. La pointe de son jouet de bois, au lieu d’atteindre directement la gorge de son époux, buta contre la clavicule sous-jacente, arrêtant net la fluidité du geste. Lancée dans son mouvement, elle buta elle aussi un peu contre son époux. Elle soupira, se laissa un peu couler contre lui, glissant une main contre la clavicule qu’elle avait touchée involontairement. Un rire nerveux s’échappa.

- Je suis ridicule, mon chéri.

Morion était particulièrement patient, même si ferme dans ses enseignements. La simple pensée que lui, enfant, s’était pris un coup de fouet à chacun des échecs qu’elle avait effectués en cette journée… Cela la fit frissonner.

La jeune femme s’écarta de son époux, avant que la proximité de son corps n’abatte toute motivation pour continuer les échanges. Elle se remit en position, même si elle espérait sincèrement que cela était bientôt fini pour ce premier jour. Mais elle avait trop de… fierté ? Fierté, ego, humilité, trouvez le mot que vous préférez. Trop de tout ça pour demander à ce que l’entraînement soit stoppé. Ça n’était pas comme si l’homme était en train de la torturer. Si Morion l’avait épousée, c’était bien parce que derrière son image bien propre, se cachait plus qu’une femme oisive. Alors elle comptait bien le conforter dans son choix. Commencer à geindre n’était pas digne du nom qu’elle avait pris.

--

Ils avaient continué, jusqu’à ce que Morion y mette un terme de lui-même. Ambre réussit quelques fois le second mouvement, mais les réussites se comptaient sur les doigts de la main tandis que les échecs étaient impossibles à dénombrer.

- Tous les entraînements se feront-ils avec toi ? demanda Ambre en fin de séance.

Ses scrupules à propos de sa féminité revenaient doucement, même si elle n’expliqua pas les raisons de cette question. Partager ces passes avec lui la rassurait, et leur permettait de passer du temps ensemble malgré le Labret à venir. Elle était fière, d’une façon, qu’il prenne le temps de l’éduquer aux dagues. Morion tenait à sa sécurité, et tenait à voir de ses propres yeux si elle était assez entraînée pour la lâcher dans la nature. C’était… eh bien, c’était digne d’un époux, tout simplement. Cependant elle ne voulait pas que cela retarde l’homme dans ses propres préparations pour l’exode. C’était lui qui avait plus de risques de se faire agresser, bientôt. Elle ne voulait pas accaparer son mari ; elle serait capable de s’en vouloir s’il rentrait blessé, ou ne rentrait pas tout court.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 3 EmptyDim 17 Juil 2016 - 0:44
La patience. Voilà une qualité que Morion n’avait jamais eu de façon native. Petit, ou plus jeune, il voulait toujours tout faire de façon immédiate. Y compris lors des entraînements avec son père, qui le conduisaient bien souvent, par empressement, à commettre des erreurs qu’Isidore lui faisait amèrement regretter. De fait, cela avait pris le temps qu’il avait fallu, mais il était maintenant à un point où il lui était nécessaire d’attendre. Pour tout un tas de choses. Qu’il s’agisse du combat, ou de ses objectifs divers. Le plus conséquent d’entre eux requerrait d’ailleurs une patience phénoménale, chaque pion placé sur le grand échiquier des influences et du pouvoir était particulièrement long à positionner, quand il n’était pas réticent - ce qui rallongeait encore les délais. Comparé à tout ça, assister aux échecs répétés de sa femme, et poursuivre inlassablement son enseignement n’était pas grand chose.

«Un enlèvement, oui. Je doute que quiconque veuille attaquer, directement ou non, les Mirail. Cela serait aussi surprenant qu’il n’y a aucun réel motif pour en venir à avoir des griefs contre eux. En revanche, il est fort probable qu’à l’avenir, quelqu’un se décide en tête de prendre part à des hostilités dirigées contre ma maison. Ca s’est vu de nombreuses fois par le passé. Il esquissa un petit sourire et hocha légèrement la tête. En revanche il est très peu pertinent de le faire, je te le concède. Détruire Marbrume pierre par pierre ne me poserait guère de problème si l’éventualité se présentait un jour.»

Il réfléchit, ensuite, à sa question. Des entraînements au corps à corps ? L’idée n’était pas idiote, mais malheureusement, il y avait peu de chances que dans ces conditions, elle puisse se défendre contre quelqu’un de sexe masculin, a priori plus fort qu’elle, et pour peu qu’il soit un bandit, assassin, chevalier, peu importe, rompu aux techniques élémentaires de combat à mains nues. Un jour, peut-être. Aujourd’hui, et les jours qui suivraient, c’était l’urgence de son départ qui le poussait à agir. Mais dans un avenir proche, s’il rentrait sain et sauf, l’idée n’était pas complètement à jeter.

«Hm… Eh bien, pour commencer, si jamais tu sors sans armes durant mon absence, tu risques d’entendre parler de moi, où que je sois. En dehors de ça, si jamais l’on réussit à te désarmer, un coup de genou entre les jambes et une fuite effrénée seront ta meilleure arme. Nous travaillerons cependant quelques gestes élémentaires qui te seront éventuellement utiles. Mais pas maintenant. Je ne dispose pas d’assez de temps pour couvrir autant de domaines différents. A mon retour du plateau, en revanche, nous aviserons.»


Enfin, aviser était une chose, encore fallait-il qu’il soit capable de dispenser le moindre entraînement à son retour. Il n’avait pas envie que cela soit son dernier voyage, mais au vu des circonstances, du peu d’hommes armés qui les accompagnait, et de la masse fangeuse supposément infinie qui les guettait, il y avait peu de chances, sinon aucune, de rentrer sans une seule égratignure. Et ses pronostics s’avèreraient malheureusement corrects.

«Je te confectionnerai un brassard, plus tard. Que tu puisses dissimuler une arme facilement. Ca t’évitera peut-être certains oublis.»

Vint ensuite le moment où Ambre dut empêcher Morion de frapper, et là… le désastre fut complet. Il n’espérait rien d’elle, pas dans le sens où il n’y croyait pas, mais qu’il était peu réaliste d’attendre d’elle des prodiges alors qu’elle n’avait jamais touché une pareille arme, à part pour simplement l’observer, en admirer la facture, peut-être. Quant à s’en servir, les réticences qui émanaient d’elles étaient claires. Morion les entendait, mais il ne pouvait se permettre de la laisser seule, Talen absent qui plus est, sans rien. Enfin, le manoir était n endroit des plus sûrs, mais il ne pouvait en dire autant du reste de la ville, Esplanade comprise. Peu lui importait que ce soit digne ou non d’une femme. Elle ne serait jamais une guerrière, il ne comptait pas là dessus. Simplement, il n’était pas de nature à faire facilement confiance, et si Ambre avait la sienne, peu d’autres gens qui vivaient à Marbrume la possédait.

A chaque fois qu’il tentait un coup, il avait l’impression de battre du beurre. Elle y mettait de la bonne volonté, mais n’arrivait pas à saisir l’instant où Morion prenait une décision sur sa cible. Quand il feintait, elle se laissait souvent avoir, et parfois, anticipant une feinte alors qu’il n’y en avait aucune, elle se laissait également abuser par une frappe trop “honnête”. Ce genre de vision n’arrivait qu’avec le temps, il en était parfaitement conscient, mais il aurait aimé un peu plus de résultats. Heureusement qu’il avait pris la précaution de se munir d’armes de bois, sans quoi elle aurait probablement eu un entraînement bien plus mouvementé. Néanmoins, au milieu d’échecs et de réussites, plus rares, elle avait fini par saisir le principe. La théorie, disons. La pratique, ils s’en occuperaient plus tard. Il lui restait encore un mouvement à exécuter, et si le premier avait été laborieux, celui-ci s’avéra carrément catastrophique. Il persévéra cependant. Elle finit carrément par cogner contre lui, ce qui, en temps réel, aurait été son cadavre tombant sur le corps, bien vivant, de son agresseur. Il laissa échapper un petit soupir, mêlant une pointe de lassitude à une déception diffuse, injustifiée, mais passagère, et eut un petit rire quand Ambre lui fit part de son ressenti.

«Disons que j’ai rarement vu quelqu’un mourir autant de fois… Mais ce n’est pas grave. Je me serais posé des questions sur ta véritable identité, si tu avais paré du premier coup chacune de mes tentatives. Disons que c’est normal. Reprenons.»

Il laissa un baiser volatil sur son front lorsqu’elle s’éloigna, et recommença, encore et encore.

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Morion avait fini par couper court à cet entraînement, pour aujourd’hui. Plus les échecs s’accumulaient, plus mauvaise elle devenait. C’était une réaction normale pour quiconque n’était pas un minimum expérimenté dans le domaine, mais il comprit rapidement qu’ils n’arriveraient plus à rien. Ils recommenceraient une nouvelle fois, et une autre, ainsi jusqu’à son départ, sans discontinuer. Nul besoin de monopoliser une journée entière, quand des heures disséminées chaque jour suffisaient amplement. Il escomptait bien obtenir des résultats.

«Evidemment, répliqua-t-il doucement, quand elle l’interrogea sur le futur de ces séances. Talen est bien moins patient que moi, domestique ou non, et je préfère m’assurer moi-même de ta formation. Son domaine de prédilection est plus guerrier, et bien moins subtil que ce que nous faisons ici, même si ce n’est qu’un début.»

Il l’observa un moment, les sourcils légèrement froncés. Sa question en sous entendait d’autres, cela il le sentit d’instinct. Il lâcha un bref soupir, et se rapprocha d’Ambre, se voulant rassurant.

«Je trouverai le temps qu’il faut. Mes entraînements personnels se font excessivement tôt, et le reste de la journée, je peux largement m’accorder deux ou trois heures pour te former un minimum. A vrai dire, ce qu’il nous reste à faire d’ici mon départ concerne surtout la logistique, les plans de bataille éventuels, bref… de l’administratif. Et ma part concerne avant tout le rôle que vont jouer les hommes du comté de Ventfroid dans cette histoire. Entre deux lettres d’Estrée, j’ai du temps.»


Il remit sa chemise, l’entraînement terminé, laissant, comme il le faisait souvent en privé, béer le col. Il songea avec une certaine ironie que c’était la première fois qu’il sortait d’un entraînement sans suer par tous les pores, et sans courbatures. Pour le coup, Ambre savait lui en donner, mais elle avait encore pas mal de chemin à faire pour y arriver ici. Il rangea rapidement le matériel qu’il avait utilisé, ne souhaitant pas donner de charges inutiles supplémentaires à son personnel, puis revint vers sa femme, qu’il prit au bras pour l’accompagner.

«Viens donc avec moi, nous allons te faire ton brassard. J’espère que tu sais en quoi cela consiste.»

Il ne doutait pas de sa culture, mais le brassard tel que Morion l’entendait était porté par les assassins, ou certaines femmes qui justement dissimulaient des armes sur elles, bien que cela soit extrêmement rare. A sa connaissance, la seule disposant d’un tel outil était Cassandre, quoi que Marianne s’était, pour des raisons qui lui échappaient encore, mis en tête de se faire faire un pareil objet, accompagné de l’arme qui allait avec. Elle s’était montré étonnant peu bavarde à ce sujet, elle qui, au contraire de sa soeur, n’hésitait jamais à relancer la conversation interminablement avec des sujets dont l’utilité ou la pertinence étaient parfois douteuses.

Il conduisit donc Ambre au premier étage. Une salle de l’aile ouest, fermée à clé, attendait leur venue. L’une des nombreuses salles verrouillées du manoir, dans laquelle Morion pénétra après avoir inséré l’une des clés de son trousseau, qu’il conservait toujours. En l’occurrence, dans un repli de tissu de ses chausses.

L’intérieur sentait très fortement le cuir et la cire. Une fenêtre permettait d’y voir relativement clair. Il y avait, à peu près partout où le regard pouvait se poser, des parcelles de cuir, en lanières ou pièces plus larges, entreposées avec un ordre qui visiblement parlait au maître des lieux, mais qui avait tout l’air d’une sombre anarchie dénuée du moindre sens. Un petit établi trônait dans un coin de la pièce, à l’opposé de l’entrée. De nombreux outils à travailler le cuir y étaient entreposés.

«Bien… Nous ne sommes pas vraiment des artisans, vu que nous ne fabriquons que très peu d’objets. Garrots, brassards, et d’autres ustensiles plus ou moins honorables. Néanmoins, il devrait m’être aisé de confectionner ce genre de pièce. Il y a encore beaucoup de cuir ici, donne moi donc tes préférences, que tu pourras ensuite agrémenter à ton gré, de broderies, tissus, pour en faire un objet moins barbare et plus seyant.»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 3 EmptyDim 17 Juil 2016 - 14:13
Des hostilités dirigées contre sa maison. Morion était dans le vrai, les Mirail n’avaient que rarement soulevé de conflits. Ambre n’avait pas souvenir d’avoir retenu le nom de rivaux, ou d’ennemis contre les Mirail, depuis qu’elle était née. On pouvait les aimer, ou les mésestimer, mais ça n’était jamais allé jusqu’à des ennemis, voire des guerres. En-dehors des guerres menées contre le Morguestanc bien évidemment, et les richesses qu’il recelait. Mais là, les Mirail étaient rarement le seul domaine attaqué. Se dire que les Ventfroid étaient facilement des cibles cependant… L’avenir le dirait, mais alors que leur nom participait activement à la sureté de la cité en ces temps de mort, il serait peu pertinent de les attaquer eux aussi.

Ambre sourit face à sa remarque sur l’éventualité qu’elle sorte désarmée. Elle l’avait compris, elle n’y dérogerait pas. Elle commencerait à prendre l’habitude dès demain, à ajouter une arme sous ses vêtements, et la porterait tous les jours jusqu’au départ de Morion, même dans leur propre manoir. Cela lui donnerait sûrement le réflexe de s’armer tous les matins, où qu’elle soit – surtout si Morion lui confectionnait un brassard. Elle rangea cependant dans un coin de sa tête : « si désarmée, coup de genou et fuite ». Un geste qu’elle aurait sûrement eu de façon instinctive.

La suite de leur entraînement fut un échec, oui. Si les gestes effectués dans le vide et contre le pantin de bois, elle avait terminé par assimiler le tout sans grande difficulté, face à un homme de chair avec son intelligence propre, les choses se corsaient irrémédiablement. Ambre entendit le soupir lassé qui s’échappa des lèvres de son mari quand elle buta contre lui, et elle ne lui en tint pas rigueur, même si le décevoir réveilla en elle des torsions désagréables dans son ventre. Elle était mauvaise, c’était un fait, et cela l’agaçait elle-même. Il y avait bien longtemps qu’elle n’avait pas innové dans ses activités. Elle pratiquait la peinture, la musique, la couture, depuis des années. Et donc, depuis des années, elle était très douée dans ce qu’elle faisait. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas connu l’échec ou la frustration. Ces entrainements martiaux étaient complètement inédits, et la comtesse avait l’impression d’être retombée en enfance, alors qu’elle n’avait encore aucune expérience nulle part. Désagréable, comme sensation.

--

Morion avait terminé par couper court aux échanges. Par désespoir ou lassitude, elle ne sut pas trop le dire. L’homme ne devait pas avoir l’habitude d’enseigner à une femme – encore moins la sienne –, ses propres vassaux avaient déjà au moins quelques bases. Ambre guetta tout énervement chez son mari, craignant de l’avoir trop déçu, ou agacé. Il serait peu pertinent d’en vouloir à la jeune femme pour ce premier jour, mais l’éventualité n’était pas à écarter. Sans compter que la comtesse avait elle-même peur de le décevoir : c’était une appréhension presque incontrôlable.

- Très bien… répondit Ambre, sourcils légèrement froncés alors que l’homme la rassurait sur ses préparations pour le Labret. Elle se laissa couler contre lui, se rassurant elle-même dans ce geste. Si un jour tu n’as pas le temps cependant, tu n’hésiteras pas à reléguer notre séance, n’est-ce pas ? Je ne m’offusquerai pas de la faire avec Talen à titre exceptionnel, même s’il est moins patient. Je ne serai pas la seule à me prendre des remontrances s’il se montre trop véhément. Ambre pouffa doucement, imaginant mal un Talen énervé contre elle. Il s’était montré tellement respectueux jusqu’à présent. A quelle heure recommençons-nous, demain ?

Morion avait parlé de deux ou trois heures quotidiennes. Ambre ne commenta pas, mais elle trouvait cela énorme. Etaient-ils restés autant de temps dans la salle d’entraînement aujourd’hui ?

- Je te suis, ajouta-t-elle lorsqu’il se fut rhabillé, et qu’il la conviait à venir confectionner son brassard.

Elle savait de quoi il s’agissait, en effet. Son frère en portait parfois, lorsqu’il ne sortait pas avec son épée à la ceinture. S’il était déjà plus coutumier de voir un homme avec une dague à la taille, Evan préférait parfois la glisser sous une manche. Pour conserver un effet de surprise potentiel, ou ne pas briser l’harmonie d’une tenue peut-être. Toujours était-il qu’Ambre en avait déjà vu portés. Elle se fit la réflexion qu’il était pratique que les vêtures d’une femme soient souvent légèrement évasées au-niveau des manches, sans quoi il serait difficile d’attraper un poignard dissimulé sur l’avant-bras.

Morion la conduisit à une pièce du premier étage qu’elle n’avait jamais vu encore. Le trousseau de clés que le comte portait toujours sur lui au manoir contenait de nombreuses pièces de métal, ce qui signifiait qu’il y avait tout autant de pièces verrouillées dont la comtesse ne connaissait pas encore le contenu, ou les secrets. Cela l’intriguait beaucoup à dire vrai. Parfois se baladait-elle dans les couloirs, et passait devant une porte en ignorant à quoi cela servait, ce qui était assez perturbant sachant qu’elle était comtesse des lieux désormais. Sa curiosité la poussait quelques fois à faire pivoter la poignée. Parfois la porte s’ouvrait sur une simple pièce vide, ou servant d’entrepôt provisoire pour des meubles inutilisés. Parfois la poignée restait bloquée, et Ambre n’insistait pas, continuant son chemin, même si sa curiosité était présente. Ce schéma était arrivé plusieurs fois durant cette première semaine au manoir, et devrait se tarir bientôt, car rares étaient désormais les couloirs dans lesquels elle n’était pas passée.

Il s’agissait là d’une sorte de tannerie. L’odeur du cuir se fit fortement présente à peine entrés dans la pièce. La comtesse lança un regard circulaire sur les lieux. Pièces de cuir de très bonne facture, pièces moins prisées voire déjà un peu abimées, il y avait de tout. Elle fit un peu le tour en écoutant son mari, puis se mit à analyser alors les pièces qui pouvaient l’intéresser.

- Je veux quelque chose de fin, aéré. Il n’y avait rien de pire qu’une pièce de cuir tellement serrée autour de la peau qu’elle faisait suer tous les pores qui avaient le malheur de se trouver dessous, surtout en plein été. Pour la couleur… du brun sombre serait plus seyant, plus discret qu’un cuir clair, je pense.

Elle pensait tout haut, même si Morion devait accorder peu de crédit à ces considérations. Il se fichait sûrement du rendu physique que le brassard aurait sur sa femme, mais elle y tenait une certaine importance, elle. Cela devrait être discret, pratique, mais un minimum élégant. Si le relief de la dague ou du brassard se voyait sous le tissu de la robe, cela serait un échec niveau effet de surprise, en plus de rendre la tenue de la comtesse très peu seyante. Elle était une femme avant tout, et refusait de s’afficher publiquement armée comme un meurtrier, ça n’était pas une image qui lui allait. Dans le monde de la noblesse, le moindre accroc sur une robe faisait jaser toute la cour.
Ambre retroussa sa manche gauche, libérant la blancheur de son poignet et le début de son avant-bras. Elle attrapa quelques parcelles de cuir au hasard, les posa sur son bras, appréciant l’épaisseur ou la façon dont le tissu s’enroulait autour de son membre. Certaines pièces, trop épaisses, furent rapidement délaissées, mais Ambre trouva un modèle dont la finesse la satisfaisait.

- Celui-ci, décréta-t-elle en relevant le visage vers son mari. Pourras-tu le travailler ou dois-je en choisir un autre ? Je coudrai quelques décorations lorsque le brassard sera terminé, cela m’occupera. Il faudra aussi que j’apprenne à dégainer sans déchirer ma robe, après ça, souffla la jeune femme avec un léger rire.

Déposant la pièce de cuir entre les mains de son mari pour qu’il tâte de lui-même s’il la trouvait adaptée et adéquate, Ambre en profita pour lui voler un baiser. Elle avait de la chance de l’avoir.

- Tant que nous en sommes là, tes propres brassards, ceintures, ou autre équipements ont-ils besoin d’être reprisés avant que tu ne partes pour le plateau ? J’ai l’aiguille habile contrairement à la dague.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 3 EmptyDim 17 Juil 2016 - 16:45
A sa remarque, suggestion même, il n’eut pour seule réponse qu’un petit haussement d’épaules nonchalant. S’il déléguait la tâche d’enseigner des techniques d’agression à sa femme à quelqu’un d’autre, ce ne serait que par obligation totale. Du moment qu’il avait le temps, il s’en occuperait, même si la séance devait être légèrement écourtée. Les journées commençaient à se rallonger, et plus le temps passerait, moins il aurait à se rendre au palais ducal, les objectifs clairement définis étant enregistrés par chacun, seuls des changements de plan de dernière minute pourraient le contraindre à un déplacement inopiné en dehors de chez lui.

«Hm… En fin d’après midi. Cela aura le mérite de nous creuser l’appétit avant le repas, au moins.»


Il avait une journée, comme toujours, particulièrement chargée qui l’attendait. En d’autres temps, il aurait probablement passé ses journées et ses soirées à travailler, d’une manière ou d’une autre. Les choses étaient différentes, maintenant qu’il était marié. D’un point de vue tout à fait pragmatique, l’on pouvait considérer qu’Ambre était “une charge” supplémentaire, mais au moins s’adonnait-il à accomplir celle ci avec un zèle tout particulier. L’on ne pourrait nier que le précepte Ventfroid sur le ménage heureux était respecté à la lettre, pour l’instant. Et il ne comptait en aucune manière y déroger, dans un futur proche ou même lointain. Impossible de prédire l’avenir, mais il se satisfaisait fort bien de tout faire sur l’instant présent pour lui accorder tout le temps qu’il pouvait, même si cela signifiait s’entraîner quelques heures dans une salle sombre et froide, pour son bien. Cela restait, après tout, du temps passé ensemble.


Dans l’atelier, il l’écoutait d’une oreille, déballant les outils qui étaient posés sur une étagère au dessus du petit établi. Il passa un cuir épais, rêche et résistant sur le bois, en guise de protection, et récupéra le cuir qu’elle tenait. Un petit sourire amusé étira ses lèvres lorsqu’elle l’embrassa subrepticement, puis il tâta le cuir, le soupesa un moment. Il était ciré, cela l’arrangeait un peu, même s’il allait devoir remettre quelques couches dessus afin qu’il ne se dessèche pas au bout de quelques jours. Il effectua quelques torsions dessus, pour en mesurer la souplesse. Elle avait fait un bon choix, à son avis.

«Celui-ci sera parfait. Je pourrai même en confectionner un deuxième, en cas de rupture du premier, avec la matière que j’ai. Pour ce qui est de mes pièces, oui, elles auraient besoin d’être un peu retouchées. J’ai manqué de temps pour les entretenir, ces derniers temps. Il lui adressa un regard équivoque à la prononciation de cette sentence. Elle avait eu un don certain pour détourner ses pensées ou son attention dès qu’il n’était plus au palais ou dans son bureau. Elles sont dans notre chambre. Je te demanderai simplement quelques minutes, quand tu reviendras, pour prendre tes mesures.»

Il était peu pertinent de le préciser à une couturière, ou au moins quelqu’un d’expérimenté dans le domaine, mais tant pis. En attendant que sa femme aille chercher toutes les pièces dont elle voulait retoucher la facture ou réparer certains défauts, il s’installa à l’établi, saisissant ses outils.

Il prit en premier lieu son couteau demi-lune, servant essentiellement à parer le cuir ou plus simplement à découper les parties qui intéressaient le travailleur, et découpa dans toute la longueur de la pièce une large bande de cuir. La partie principale du brassard, contre laquelle la lame serait appuyée et maintenue. Il avait vaguement songé, pour plus de confort, de faire un outil de type harnais, avec seulement quelques bandes de cuir savamment fixées entre elles dans lesquelles on pourrait aisément fixer la lame, avant de se dire que le maintient d’une femme noble, associé à d’éventuels faux mouvements, pourraient lui entailler la peau. Il opta donc pour quelque chose de plus classique, mais de plus sûr.

La bande séparée du reste de la pièce, il la retourna. Il accrocha également, sur un crochet spécialement prévu à cet effet, fixé au mur, une épaisse lanière de cuir. De cuir d’ours, terriblement résistante, sur laquelle il allait pouvoir nettoyer et aiguises son couteau. Maintenant que la pièce principale était définie, et avant de devoir sélectionner une partie seulement qui irait au bras d’Ambre, il fallait en réduire l’épaisseur. L’intérieur était un peu brut, qui plus est. Même si Morion comptait le doubler, il fallait diminuer les aspérités, sans quoi ce serait un vrai calvaire de le porter. Et la doublure ajoutant de l’épaisseur, il valait mieux, dans tous les cas, la réduire, afin que cela reste un outil discret. Il posa donc la lame du couteau à plat sur l’intérieur de la pièce de cuir, et lentement, en appuyant fermement, passa un premier coup sur la longueur, veillant bien à équilibrer un minimum les endroits sur lesquels il passait. Il serait bien incapable, si on le lui demandait, de concevoir une pièce d’armure, ou toute autre pièce de cuir demandant un savoir faire et une expérience poussés. Mais dans ce domaine, celui de petits ustensiles tels que des lanières, des bracelets ou brassards, des ceintures, il se débrouillait fort bien. Le parement était fastidieux, et un travail assez long, il fallait bien le dire. Dès que sa lame effectuait une traînée sur la pièce, il la passait des deux côtés sur la lanière de cuir d’ours afin de retirer les minces chutes, et de préserver le tranchant acéré de l’outil. Comme toujours lorsque Morion travaillait, il avait un visage serein, et le regard très concentré. Ce genre de travaux, même ingrats, lui plaisaient assez. Ils ne demandaient pas grand chose sinon quelques bases théoriques, et permettaient un moment de vider sa tête de toute pensée parasite.

Ambre avait largement eu le temps de faire l’aller retour entre l’atelier et la chambre qu’il continuait toujours méticuleusement à réduire, petit bout par petit bout, l’épaisseur du cuir, pour finalement atteindre celle qui lui convenait. Il passa un chiffon huilé sur toute la surface, afin de gommer les aspérités, et soupesa la pièce d’un oeil critique. Pour l’instant, cela lui convenait.

«Avance ton bras, s’il te plaît ma tendre.»


Il se retourna pour lui prendre le poignet, qu’il déposa sur sa jambe, quand elle le lui tendit, puis enroula le cuir autour de son avant-bras. Il saisit une griffe, et poinçonna à espace régulier le cuir, afin de pouvoir faire une découpe propre, qui épouserait les formes du membre, sans l’enfermer ou serrer une partie plus que l’autre. Une fois que la marque fut assez profonde, il récupéra son bien, embrassa son épouse à la volée, et saisit une nouvelle fois sa demi-lune pour découper une pièce dans cette bande, en forme de trapèze. La pièce ainsi obtenue était plus courte que les mesures qui avaient été prises, mais cela avait un but : plutôt que de faire un bracelet riveté, ou nanti d’attaches métalliques ou de cuir comme cela se faisait la plupart du temps, il avait préféré un laçage, à l’aide d’un ruban, de satin ou peu importe, quelque chose de plus féminin que ce qui se faisait d’ordinaire. Et la taille serait ainsi parfaitement ajustable.

Il se saisit ensuite d’un abat-carre. Un outil long, muni à sa pointe d’une gouve en forme de V. Une autre étape relativement fastidieuse. Il le passa plusieurs fois, avec des gestes constants et répétés, sur le bord du cuir, afin d’en adoucir et arrondir la limite. une étape nécessaire afin d’éviter tout inconfort. La découpe avait rendu les rebords des pièces rugueuses, voire carrément irritantes, surtout pour une peau aussi délicate que celle de sa femme, qu’il eût été attristé de voir abîmée. Il persévéra dans cette tâche mécanique pendant plus de vingt minutes, jusqu’à ce que les rebords soient aussi doux, dans une certaine mesure, que du coton fin. Il observa la pièce sous toutes ses coutures à la lueur du jour, puis se retourna vers Ambre, sûrement affairée de son côté, elle aussi.

«Petite question… quelle surface comptes-tu décorer ? Il serait bon que je le sache avant de commencer à tailler le fourreau.»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 3 EmptyDim 17 Juil 2016 - 19:09
Ambre leva un sourcil sous le regard lourd de sous-entendus du comte. Un sourcil faussement offusqué, et amusé. Qu’avait-il dit le premier jour, déjà ? Qu’elle était loin de détourner un Ventfroid de ses devoirs ? Et maintenant il soulignait qu’elle était indirectement responsable du manque d’entretien de ses protections de combat, et qu’elle accaparait beaucoup trop de son temps. A la bonne heure. L’homme savait faire preuve d’une taquinerie sans bornes lorsqu’il s’agissait de l’embêter.

- Je n’ai pas eu l’impression que monsieur a ressenti le besoin de délayer son temps avec moi pour s’occuper de ses propres pièces de cuir. Elle arracha un instant de ses mains le cuir fin qu’elle avait choisi, pour fouetter doucement le dos d’une main de l’homme. Petite bravade. C’est bien pour ça que je me propose, tu serais capable d’y aller presque nu tant que je ne réagis pas.

C’était bien entendu faux, Ambre le savait pertinemment. L’homme savait très bien mettre des limites et dire doucement à sa femme qu’il n’avait pas encore terminé son travail pour la rejoindre. C’était quelque chose qu’elle comprenait tout à fait, dont elle ne lui tenait pas rigueur en ce moment. La comtesse n’avait cependant pas pu résister à la taquinerie. Elle reposa le cuir entre les mains de son mari après sa petite tape, et partit donc chercher les pièces qu’elle comptait repriser, laissant Morion préparer son propre travail.

Une fois montée dans leur chambre, Ambre en profita pour réajuster ses cheveux. Sa coiffure avait légèrement souffert de leur entraînement, aussi replaça-t-elle quelques mèches, entortilla mieux quelques épingles. Elle fouilla un petit temps dans l’armoire de son époux, glissant ses mains sur les ceintures, les fourreaux de cuir, les bottes, etc, pour déterminer lesquels avaient besoin de rapiéçage. Dès qu’elle tombait sur des aspérités à améliorer ou de petites déchirures, elle posait le tout sur le rebord de leur lit, et continua ainsi jusqu’à ce qu’elle ait fait le tour de l’armoire. Le regard d’Ambre fut attiré par une petite lumière brillante, et elle nota que la broche dorée qu’elle lui avait offert des mois plus tôt était rangée là, et la jeune femme esquissa un sourire en caressant l’objet du pouce.
Elle ferma ensuite le meuble, et redescendit avec tout le cuir et les quelques chemises qui avaient besoin d’être repris, après être partie chercher son nécessaire à couture dans son atelier. Le tout formait une petite pile assez conséquente, qui devrait bien l’occuper tandis que Morion se concentrait sur le bracelet. Ambre croisa quelques domestiques, qui proposèrent de l’aider en voyant leur comtesse affublée de toutes ces affaires entre les bras, mais elle déclina poliment – elle n’avait qu’un étage à descendre après tout, et quelques mètres de couloir à traverser.

Ambre entrouvrit doucement la porte de l’atelier de cuir, jetant un œil à son mari, penché au-dessus du cuir. Couteau en main, il avait déjà découpé des morceaux et commencé à réduire l’épaisseur du tissu. Ambre déposa doucement son matériel sur la table, et vint s’asseoir auprès de son mari lorsqu’il l’appela.

- « Ma tendre ». On cherche à se faire pardonner un premier entraînement un peu trop fatigant, peut-être ?

Sourire aux lèvres, elle se laissa faire. Elle tendit son bras gauche, le laissant entourer la peau fine du bracelet en cours de confection. Elle-même observa le travail qu’il fit, et son regard alterna entre son bras et les poinçons, et le visage concentré de son mari, penché au-dessus de son poignet. Avec son air affairé, le col à moitié ouvert depuis leur entraînement, quelques mèches s’échappant de son nœud pour venir effleurer sa joue alors qu’il restait occupé avec sa pièce de cuir, Morion était séduisant. Ambre souffla un peu, détournant son visage de cette vision, revenant sur son avant-bras. C’était terrible à quel point le comte pouvait la déconcentrer sans rien faire depuis qu’ils étaient mariés. Leur nouvelle proximité physique pouvait l’embraser pour rien. L’homme caressait son poignet des doigts, ajustant le cuir autour d’elle, tirant parfois légèrement son bras sur sa cuisse pour mieux travailler. Deux semaines plus tôt, de telles « caresses » auraient quasiment été interdites entre eux, s’ils voulaient respecter les règles scrupuleusement.

Quand Morion eut terminé ses mesures et relâcha son bras, elle lui rendit rapidement son baiser, avant de se concentrer elle-même sur son travail. Se redressant sur son tabouret, elle ouvrit doucement son nécessaire à couture, et commença par une ceinture du comte. Elle retourna cette dernière entre ses doigts, repérant tous les endroits qui nécessitaient retouche, et observa la couleur du cuir et des attaches, essayant de déterminer lequel de ses fils possédait la meilleure couleur pour mieux se fondre dans l’accessoire. Après quelques secondes supplémentaires, elle termina par glisser un fil noir dans l’aiguille, et commença à piquer dans la ceinture.

La couture était un travail fin et minutieux. Reposant. Si Ambre n’avait pas la dextérité d’une femme qui en avait fait son métier à l’image d’Aelys de Beauval, elle se débrouillait bien, très clairement. Par simple envie d’avoir les mains occupées tout en profitant d’un jardin durant les beaux jours, ou par réel but créatif pour offrir une étoffe, ou se confectionner les siennes, Ambre avait cousu de nombreuses fois. Elle n’appréciait pas autant cet art que la peinture ou la musique, mais cela la détendait, beaucoup, et lui permettait d’alterner ses loisirs lorsqu’elle n’avait ni envie de peindre, ni de jouer.
Ambre solidifia donc la ceinture aux endroits où elle menaçait de rompre, effaça quelques aspérités du cuir qui s’effritait à certaines zones, plantant son aiguille dans les coutures déjà présentes sur la pièce si elle le pouvait, en créant de nouvelles lorsque c’était nécessaire. Elle continua ainsi jusqu’à passer à l’objet suivant, jetant de temps en temps des coups d’œil à son mari, concentré sur sa besogne. C’était agréable de passer du temps ainsi, sans forcément ressentir le besoin de combler le silence avec des conversations interminables. Juste profiter de la présence de l’autre, observer son travail, intervenir quand on avait l’envie. C’était une quiétude bienvenue.

La comtesse leva un œil de son aiguille lorsque la voix de Morion termina par s’élever. Elle lâcha ses accessoires pour les poser doucement sur la table, avant de tendre la main pour que Morion y dépose le bracelet de cuir. Elle tourna l’étoffe entre ses mains, suivant du doigt la surface qui faisait suite aux trous dans lesquels le ruban s’insinuerait pour lier les deux pans du brassard.

- Ici. Je mettrai quelque chose d’assorti au satin du ruban. Quelques étoffes douces, ou des fils brodés – quelques fils argentés possiblement, pour changer des teintes dorées clinquantes. Mais rien proche du fourreau, au risque de gêner la tenue de l’arme – ou vraiment que de discrètes et solides fioritures. Mais fais à ta guise, mes décorations ne viendront jamais modifier ton travail, ou l’affaiblir. Je ferai en sorte qu’elles s’ajoutent à la pièce sans en détourner l’usage ni le côté pratique. Je tiens à la vie, un peu. Et respecterai ton travail.

Elle esquissa un sourire, lui rendant le cuir. Ce dernier était déjà plus doux et plus lisse que lorsqu’elle l’avait choisi. Morion était doué de ses mains. De son côté, elle lui présenta la ceinture et le fourreau d’une dague qu’elle avait améliorés, attendant ses remarques ou ses attentes. Elle avait entrecroisé les fils selon des motifs précis à certains endroits qui le permettaient : le symbole de la Trinité. Cela ne serait jamais aussi pieux qu’un objet réellement béni par un prêtre, mais cela ne pouvait que le protéger davantage sur un champ de bataille, n’est-ce pas ? Elle continua à faire ce genre de motifs discrets lorsqu’elle le put, qui n’étaient visibles que lorsqu’on se concentrait sur les fils ; il fallait les chercher pour vraiment les voir. Parfois-même s’amusait-elle à coudre des flocons d’argent avec des fils brillants sur les accessoires qui possédaient déjà des reflets argentés, pour rester assorti. Sinon gardait-elle des couleurs très discrètes lorsque l’objet était sombre, elle était loin d’être excentrique – et Morion aurait fait les gros yeux si toutes ses ceintures étaient soudain devenues dignes d’une peinture rupestre.

- J’ai beaucoup avancé les plans pour notre domaine, également, je ne crois pas avoir eu l’occasion de te le dire encore. Voudras-tu les emporter pour les fournir à Estrée en partant ? Ou préfères-tu que je les garde en attendant que la situation soit plus stable pour les faire mener au domaine ?
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 3 EmptyLun 18 Juil 2016 - 0:07
Les petites guerres taquines, qui ponctuaient spontanément le quotidien des deux époux, étaient promptes à entretenir la tendresse, le désir, voire même tout simplement l’affection qu’il éprouvait naturellement pour Ambre. Au début, et par début, entendons le tout début de leur relation, soit leurs fréquentations régulières une fois l’acquisition faite d’un certain tableau, Morion jugeait essentiellement Ambre avec l’oeil d’un juge. Etait-elle une alliée fiable ? Etait-elle une femme qui dans un élan passionné avait peint, par pur vengeance, colère, ce tableau, ou était-elle réellement sérieuse ? Jusqu’où était-elle capable d’aller ? Il prenait le temps de répondre une par une à ces questions. Sans se montrer discourtois, il se contentait simplement des tournures de discussion, des paroles, expressions qu’elle pouvait avoir. C’était bien plus simple. Et ils ne dérogeaient jamais aux principes qui régissaient leur conduite, de toute façon. Bien qu’au fur et à mesure, une certaine intimité s’installe entre eux. Ils connaissaient les règles, et ils les respectaient. Un geste déplacé, peut-être. Quelques uns. Des marques de considération qui allaient un peu au delà de la simple connivence idéologique, des marques de désir, partagé, avec ce cap codifié qu’ils ne pouvaient franchir. Cela avait pris un peu de temps, avant que Morion ne se décide finalement à choisir l’union définitive. Il avait, peut-être même jusqu’à la veille de leur mariage, eu quelques doutes. Après tout, et si sa détermination s’étiolait ? N’était-ce pas un risque éventuel ? Car après tout, il y avait toutes les chances que la vengeance déclenchée par le meurtre de son promis finisse par devenir plus terne, moins pertinente. Et malgré tout, elle n’avait cessé de lui donner des preuves de son engagement rebelle, de la volonté farouche qu’elle mettait, chaque jour, à entretenir sa haine vis à vis de son suzerain d’infortune. Aujourd’hui il n’avait plus de doutes à ce sujet. Et il apprenait chaque jour depuis leur union à apprécier encore et toujours plus son épouse. Elle était d’un naturel joueur, alors qu’elle aurait pu, à l’issue d’une union sur le principe parfaitement logistique, arrangée - même si ce le fut d’abord entre les deux époux, chose rare - s’écraser, devenir une femme comme l’on en voyait des centaines. S’occuper, vaguement, à quelque futilité pendant que le mari gérait, administrait, combattait parfois. Mais un véritable lien de complicité, émotionnel, sentimental, espiègle souvent, s’était installé entre eux. Morion était de ceux qui, si l’ironie avait une déesse, lui aurait voué un culte. Il s’amusait énormément, bien que cela fut de façon subtil, sans le moindre débordement et avec une égale maîtrise, sans sursaut d’humeur, de petits jeux simples, allant de la taquinerie verbale à la pique acide, mais toujours suivant un principe très simple : s’amuser seul et sans partage, maintenir cette épaisse barrière qui le maintenait loin de ses pairs. C’était différent avec Ambre. Ils combattaient, si l’on peut utiliser un tel terme, à armes égales. Et ces petites joutes, Morion les appréciait énormément. Parce qu’elles correspondaient à son style, et qu’elles montraient également que sa femme, non contente d’être tout à fait bien formée, voire mieux que cela, était également une femme d’esprit (nombre d’artistes en avaient, mais dans un univers que peu de monde arrivait à cerner, voire même simplement à appréhender). Sa considération ne pouvait ainsi évoluer que positivement à son égard. D’où le fait, sûrement, que Morion, bien qu’il ne se départisse jamais de son calme olympien, se déridait tout de même nettement plus qu’à l’accoutumée à sa présence, alors que lui-même, avant de connaître Ambre, pronostiquait une union d’intérêt, plate et sans bavures, où chacun mènerait son jeu, ne consentant aux divers devoirs conjugaux que lorsque cela serait nécessaire. Il n’était pas de ceux qui s’embarrassaient de sentiments. Sentiments qui, s’il les méprisait, avaient eu la douce ironie de lui démontrer qu’il était tout à fait agréable, et même enrichissant, de ressentir. Une ironie que le comte de Ventfroid goûtait chaque jour, et laissait son palais s’accoutumer avec un délice sans cesse renouveler à cette saveur. Ainsi, un sourire mutin fleurit sur ses lèvres, un index fugitif vint effleurer l’arrête saillante de sa mâchoire.

«Je préfère entretenir les pièces de valeur, qui demandent un temps certes conséquent mais éminemment plus gratifiant, plutôt que de me concentrer sur des frusques dont, au pire, je pourrai renouveler le stock en ville.»

Il sourit une fois de plus à son retour, haussant légèrement les épaules, son sourcil esquissant le même mouvement. Un air faussement sérieux, mêlé d’incrédulité et d’étonnement, se peignit sur son visage, puis il répondit :

«Un entraînement fatigant ? Certaines de nos passes furent bien plus longues et mouvementées, et si tu considères cette heure et demie comme fatigante… Attends de voir le reste. Je risque de manquer de termes pour m’adresser à toi si jamais chacun d’entre eux devait être récompensé d’un titre.»


Le temps passa. Silencieusement. Morion travaillait, et Ambre faisait de même. De tous temps, s’il vivait vieux un jour, il se rappellerait probablement de chacun de ces instants de paix partagée. Un moment suspendu dans le temps, employé à travailler. Ou quand il serait occupé à rien de plus que l’observer peindre, suivant attentivement les mouvements de son poignet, lorsqu’elle laisserait des traînées pigmentées sur les toiles huilées, ou son regard, doux et concentré, fixé sur les matières premières destinées, plus tard, à masquer un tableau entier de scènes fantastiques, de paysages, de représentations des dieux. De leurs enfants, aussi. Il s’attachait facilement à des détails, les scrutait, les observait et les mémorisait. C’est exactement ce qui faisait de lui un digne successeur de son interminable et ancestrale lignée. Même si le contexte était totalement différent. Des instants, donc, parfaitement mutiques. Le fer grattait le cuir, l’on entendait le frottement d’un fil contre du tissu, la respiration des deux amants, parfois perturbée d’un soupir un peu plus long, d’un claquement de langue, approbateur ou non. Des instants de paix d’autant plus précieux que la paix n’existait plus, aujourd’hui. Et s’il devait mourir dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, alors au moins aurait-il la satisfaction de connaître pareils instants.

Il nota, lorsqu’il le demanda, mentalement en tout cas, chacune des précisions d’Ambre. S’il voulait avant tout lui confectionner un objet dont sa fonction première serait tout à fait fonctionnelle, il connaissait les goûts de sa femme, et s’il la savait réticente à ce genre de pratiques, assez peu communes chez les femmes de sa condition, il n’allait pas en plus lui infliger le supplice de revêtir un bracelet hideux qui aurait sis à un convoyeur de tonneaux. Il observa du même coup les travaux d’Ambre d’un oeil affûté, et esquissa un sourire en reconnaissant son oeuvre, symbole bien connu et révéré. Certes, il ne s’agissait là que de l’oeuvre d’une femme, et ne possédant nullement la bénédiction d’un homme de foi ou celle des Dieux. Néanmoins, les intentions et attentions qui étaient mises dans ses habiles reprises les valaient bien.

«C’est très joli. Et discret. Peut-être ferai-je de toi ma couturière officielle, un jour. Fais toi plaisir
, dit-il en se retournant vers ses propres travaux. Il se retourna presque immédiatement, un sourcil haussé. J’entends, fais toi plaisir, en conservant ces nuances discrètes de couleur.»

La taquinerie était claire; il connaissait tout à fait les goûts de son épouse, raffinés, ainsi que son éducation faite dans le Manoir des plus célèbres artistes du Duché. Il ne le leur reprochait pas, au contraire. Cela faisait partie de cette complémentarité qui les unissait, au delà de leurs projets. L’un sobre à l’extrême, visant avant tout la fonctionnalité au delà des apparences, économe de style et tout à fait à l’aise dans des habits simples, et dans son manoir à la décoration froide et spartiate. L’autre dans une opulence qui n’avait rien d’excessif, mais tout de la passion enfiévrée qui caractérisait les peintres et autres gens d’arts, dont l’esprit savait saisir des effluves, des ambiances que l’esprit d’un homme comme Morion, par exemple, n’appréhendait que très rarement.

Il se saisit d’une reinette, une fois son attention redirigée sur le bracelet. Ce petit outil tubulaire, percé au bout et terriblement aiguisé, servait à creuser des rigoles, d’épaisseurs différentes, au besoin, dans le cuir. Naturellement un cuir était impropre à la couture. Epais, solide peu importe son niveau de souplesse même après un tannage de haute qualité, et facilement abîmé si l’on tentait de le coudre comme l’on pouvait le faire avec un tissu. Il fallait donc le creuser. Ensuite seulement l’on pouvait y percer des ouvertures destinées aux fils et rubans. Cela avait en plus le mérite de rendre les coutures plus discrètes, comme si le cuir était naturellement pourvu des fils qui le liaient. Il appuya donc sa reinette sur chaque extrémité qui accueillerait des poinçons, et tira avec force, très lentement, déposant les chutes près de lui. Normalement, il aurait huilé, tressé et chauffé ces lanières pour en faire des laçages, mais c’était bien moins esthétique, et plus rustique. Ses propres bracelets en étaient pourvus, mais il n’accordait pas tout à fait la même importance au style que sa femme. Il saisit ensuite une roulette dentée. Il en avait un grand nombre, toutes de tailles différentes. Chacune d’elle ayant son utilité, selon la couture que l’on s’apprêtait à réaliser. Il appuya fermement à l’extrémité du cuir, et tira, appuyant avec force. Il fit un aller, un retour, et recommença ainsi jusqu’à ce que les ouvertures soient d’une netteté parfaite. Il passa un minuscule outil, doté de deux lames courbes enroulées l’une autour de l’autre en forme de cylindre, et les passa dans les ouvertures pour lisser les bords, les raboter un peu, les rendre plus doux. Cela concernait le laçage. Elle pourrait y passer les rubans de son choix, comme elle le souhaitait. Venait ensuite le fourreau. Il avait longuement hésité quant à ce qu’il préparerait, et avait finalement opté, pour qu’elle puisse jouir d’une certaine liberté en ce qui concernait l’habillage du cuir, trois lanières. Il les découpa dans la pièce de cuir maîtresse, celle qui avait servi de base pour y découper le brassard, et après le même traitement infligé que précédemment, les lia entre elles, les deux faces résistantes du cuir opposées l’une à l’autre, afin d’éviter l’usure. Le résultat, après parement, était presque moins épais qu’une seule épaisseur de cuir. Il découpa donc des ouvertures dans le cuir du bracelet et les y inséra. Il savait exactement quelle dague il lui donnerait, aussi nul besoin de prendre aucune mesure. Il attacha deux lanières de cuir dans des ouvertures percées dans le seul but de maintenir la première partie du fourreau en place, celle qui viendrait empêcher la pointe de la lame de vaciller à tout va. Ceci pour qu’Ambre, si elle le voulait, puisse changer ces petits lacets de cuir, assez disgracieux, par des rubans ou lacets de lin, plus élégants. Il répéta le processus deux fois : une pour maintenir le fil de la lame en place à son centre, et le dernier sur lequel se collerait la garde de sa dague. Le résultat était d’une extraordinaire simplicité, mais extrêmement pratique. La finesse du cuir rendrait le bracelet discret, et la lame ne l’épaissirait que de quelques millimètres. vu qu’il serait situé sous l’avant-bras, il n’y aurait pas de risques d’épaissir ridiculement le tissu de sa robe avec l’arme. Assez satisfait, il se retourna vers son épouse, l’objet en main. Il portait également une réponse à ses interrogations.

«Garde les. J’en prendrai quelques uns avec moi, mais je te demanderai de m’en envoyer d’autres au fur et à mesure, probablement. Tout prendre serait prendre le risque de les égarer, et je détesterais voir ton travail gâché. Regarde ça, dit-il en lui présentant le bracelet, il ne reste plus qu’à le décorer et y insérer le lacet d’attache. Vois tu quelques modifications à lui apporter ?»
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 3 EmptyLun 18 Juil 2016 - 20:37
- Oh, tu perdrais à faire de moi ta couturière officielle. Elle eut un sourire amusé, tout en repiquant à nouveau son aiguille dans le tissu d’une de ses chemises. Je peux améliorer tes étoffes, t’en créer certaines, mais pour un produit bien digne de ton rang, une couturière de métier te sera toujours plus seyant. Elle ne manquerait pas de lui offrir certaines productions de temps en temps cependant. Parce qu’elle était son épouse, et que cela lui plaisait de faire des choses pour lui.

A la suite de sa réplique taquine, elle ne leva qu’un sourcil amusé, continuant effectivement à coudre des fils de teinte sombre.

Quand Morion eut terminé le brassard, Ambre avait reprisé une chemise supplémentaire. Elle lâcha sa besogne et prit le cuir entre ses mains, avant de l’enrouler autour de son bras, tenant les pans en place alors qu’il n’y avait pas encore de ruban. Ambre secoua son poignet pour faire retomber sa manche, et observer le drapé de la robe par-dessus, cherchant toute aspérité qui pourrait témoigner de la présence de cuir en-dessous. A l’évidence, c’était discret, et personne ne verrait rien tant que la manche resterait baissée.

- Non, c’est très bien, souffla-t-elle. Je le porterai demain pour notre nouvelle séance d’entraînement, je verrai sur le tas s’il y a des soucis pour retirer l’arme ou la rentrer à nouveau. Je prendrai le temps de décorer le tout, dans la semaine.

Diantre, elle avait tellement de choses à faire. Entre les plans du domaine à recopier, les lectures conseillées par Morion, les instruments des sœurs Ventfroid à remettre en état, ses propres chroniques à commencer à écrire… elle n’aurait pas de quoi s’ennuyer avant très très longtemps.
Sur une envie, Ambre se leva pour venir rejoindre les genoux de son mari, l’embrassant par-dessus son épaule. Elle revint sur une précédente réplique de l’homme.

- J’ai trouvé ça fatigant, oui. Mais je suis certaine que mon époux saura me soulager généreusement après chaque effort, n’est-ce pas ?

Elle rit doucement, et l’embrassa pour le faire taire, en cas qu’une réplique soit sur le point de traverser ses lèvres.

--

23 février 1165

Le quotidien chez les Ventfroid était toujours aussi calme et serein. Au travail administratif de Morion dans son bureau et aux activités d’Ambre dans son atelier s’étaient ajoutées les séances d’entraînement de la comtesse, qui étaient devenues quotidiennes. Après une semaine, Ambre avait déjà de meilleures réflexes et attitudes à la dague, même si elle était encore loin, très loin, d’avoir une défense acceptable. Parfois les entraînements duraient deux heures, parfois trois. Quand cela s’éternisait ainsi, Ambre avait souvent des courbatures et une faiblesse persistante dans son bras dominant à force de contracter tous ses muscles pour empoigner son arme et assener des gestes secs. Elle se demanda, à maintes reprises, comment les hommes pouvaient soulever une épée sur un champ de bataille pendant plus de quelques minutes, tellement de simples échanges rapides avec une dague pouvaient la fatiguer. Plus les jours passaient et mieux elle maîtrisait ce que souhaitait son époux cependant, alors elle essayait de ne pas montrer à quel point ces séances l’ennuyaient parfois, surtout quand elle n’était pas encore remise de la veille. C’était difficile, et Morion devait deviner de lui-même qu’elle ne le rejoignait pas tous les jours de bon cœur dans la fraîcheur des sous-sols. Mais jamais elle ne laissa échapper de plainte directe, aussi la Ventfroid continua sans broncher ou presque. Elle avait aussi pris l’habitude de porter le brassard tous les jours. Pas parce qu’il était nécessaire au manoir – elle ne le porterait pas en l’absence de Morion tant qu’elle resterait entre les murs de leur demeure – mais pour qu’elle acquiert le réflexe de l’enfiler dès qu’il faudrait sortir.

Il restait à peine plus d’une semaine pour le départ au Labret, et à mesure que l’échéance approchait, le sommeil d’Ambre se dégradait. Si la première semaine de leurs noces avait été belle, sereine, et si elle s’était endormie de façon tout à fait paisible entre les bras de son mari, désormais… il lui arrivait souvent de se réveiller la nuit, parfois sans raison valable, parfois suite à des rêves et cauchemars un peu trop mouvementés. Elle éveillait son mari sans le vouloir quelques fois, à force de tourner et retourner pour trouver à nouveau le sommeil, quand elle ne se levait pas carrément bien avant lui, des heures avant l’aube, parce qu’elle ne tenait plus dans leur couche sans risquer de lui faire passer une très mauvaise nuit à lui aussi, alors qu’il avait besoin de repos avant de partir en guerre. Dans ces cas-là, il n’était pas rare qu’il la trouve endormie au matin dans un fauteuil du salon, rattrapant finalement son sommeil perdu après avoir réussi à se détendre avec quelque couture ou dessin au fusain. Et si l’homme savait très bien la rassurer avec quelques caresses durant leurs nuits, elle essayait tout de même de ne pas abuser et de le laisser dormir, malgré ses petites remontrances chaque fois qu’il se réveillait seul dans la chambre conjugale.

Ce matin-là, Ambre s’était levée très tôt, mais pas à cause de problèmes de sommeil. La nuit avait été paisible – une des rares de la semaine –, mais elle avait décidé de se lever en même temps que son mari, qui avait l’habitude de quitter leur couche dès les premières lueurs de l’aube pour s’entraîner avec Talen. La jeune femme avait réussi à le retenir au lit un peu plus longtemps, après une morsure taquine dans le cou et un geste du bras pour l’empêcher de quitter les draps, et leur étreinte avait duré, un peu. Puis ils s’étaient levés, et Ambre, après avoir déjeuné en sa compagnie, était désormais en train de se préparer pour sortir.

Elle rendrait visite à sa sœur cette matinée, pendant que Morion échangerait des coups d’estoc avec Talen ou parcourrait des manuscrits sur des stratégies militaires. Evan lui avait signifié que Jade était restée prostrée et presque mutique depuis son mariage avec Morion et l’affaire Joscelin notamment, aussi la comtesse avait décidé qu’il était temps d’intervenir et de secouer sa jeune sœur. Même si, puisqu’Evan n’avait pas réussi à le faire, Ambre doutait d’y parvenir. L’héritier des Mirail avait cependant préférer contacter sa sœur pour tenter une manière douce, avant de réellement jouer son rôle de figure masculine de la famille, désormais que leur père était malade et avait le plus souvent besoin de repos. Il n’était pas dit qu’Ambre soit douce – en fait les chances qu’elles le soient étaient presque nulles si Jade faisait sa mijaurée –, mais c’était déjà ça de tenté avant qu’Evan n’attrape Jade par la peau du cou et pique une réelle crise de colère pour éduquer la benjamine. Evan était un homme enjoué, à la bonne humeur à toute épreuve, mais lorsqu’il devait retrousser ses manches en revanche, il devenait aussi teigneux qu’un Morion de Ventfroid en colère.
De plus, la jeune femme avait quelques documents à récupérer dans sa chambre de jeune fille, aussi un passage rapide au manoir Mirail était nécessaire.

Ambre fut ainsi absente plusieurs heures, jusqu’à l’heure du repas. En fait, elle arriva même un peu en retard pour partager le déjeuner avec son époux, et le soleil avait légèrement dépassé le zénith lorsqu’elle retrouva la chaleur de la salle à manger des Ventfroid.

- Excuse-moi, lança Ambre à son époux en se délestant de sa cape de fourrure et de ses gants, qu’un domestique partit ranger prestement. Ma conversation avec Jade a été plus longue que prévue, et nous avons terminé par échanger quelques notes de musique sur la fin. Je n’ai pas vu le temps passer.

Ambre glissa une main discrète sous sa manche gauche, retirant quelques morceaux de parchemin qu’elle avait coincé dans son brassard neuf. Brassard qu’elle retira également pour le repas, désormais qu’elle était rentrée, et elle posa le tout sur un coin de la table.

Après s’être enfin posée et avoir pu savourer quelques gorgées de vin, elle posa son verre et se tourna vers son époux.

- Il y a quelque chose aussi dont je voulais m’entretenir avec toi avant que tu ne partes. J’ai emmagasiné pas mal de recherches sur nos confrères ces dernières semaines, et mois. De toute évidence, je n’ai pas pu y prêter beaucoup d’attention avec nos noces récentes, mais je recommence doucement à m’y plonger.

Si Ambre avait eu d’autres choses à penser, les espions des Mirail, eux, n’avaient jamais chômé, et lui apportaient des nouvelles régulières. La comtesse n’oubliait pas les raisons pour lesquelles ils s’étaient mariés, même s’il était difficile à l’heure actuelle de garder l’esprit concentré sur ces frasques alors que son époux courait droit vers la mort.

- J’avais commencé à faire une sorte de tri, pour déterminer quelles maisons pourraient nous être utiles contre Sigfroi – qu’elles soient ou non nos alliés, qu’elles soient ou non au courant. Je voudrais que tu me donnes ton avis, et que tu me dises sur lesquelles j’accentue mes recherches ou je resserre les liens pendant ton absence.

Ambre fit glisser sur la table l’un des parchemins qu’elle avait posés un peu plus tôt, pour en déplier un et poser rapidement son regard dessus.

- Commençons par les plus puissants, d’abord. Les Rivain. De tous temps cette famille comtale a été fidèle au Duc et aux ducs qui ont précédé – je n’ai pas souvenir d’avoir eu vent de toute forme de trahison de leur part. Ils ressemblent aux Mirail sur ce point, à la différence qu’ils sont loin d’être neutres ; ils accordent un appui continuel au pouvoir en place. Leurs membres sont intimement liés aux Sylvrur par des mariages, et au vu de leurs actions actuelles, toujours de concert avec Sigfroi depuis le début du Fléau, je crois qu’ils seront impossibles à rallier à notre cause. Il sera dangereux de les approcher, ce sont des pièces à manier habilement et… nous risquons beaucoup à nous mêler de leurs affaires, même si un espionnage assidu à leur encontre apportera des avantages capitaux. Le tout est de justement pouvoir s’immiscer dans leurs affaires sans se faire prendre, et cela sera une partie difficile. Je… Ambre eut une pause, fronçant légèrement les sourcils. J’imagine que tu n’ignores pas que la femme de mon frère, Hélène, est née Rivain avant de prendre le nom des Mirail. Je m’entends très bien avec elle, et elle pourrait constituer un tremplin pour cette famille. Cependant… mon frère est particulièrement intelligent, et je crains qu’il ne me découvre presque aussitôt si je tourne trop autour de sa femme. J’ai de sérieux scrupules à m’immiscer dans cette partie de ma famille.

Ambre eut un rictus à mi-chemin entre la consternation et la déception, puis posa les yeux sur le nom suivant qui figurait sur son parchemin.

- Chez les Von Elrich, la jeune – il était amusant pour Ambre d’utiliser cet adjectif, alors que les deux femmes avaient sensiblement le même âge – Avdokeai est souvent vue dans la basse-ville, loin de ses quartiers de l’Esplanade. Je ne sais pas trop encore ce qu’elle y fait, mais elle entretient sûrement des relations dans les bas-fonds, et être rousse n’est pas particulièrement un avantage de discrétion lorsqu’on évolue là-bas. C’est étrange de l’y voir si souvent pour une femme de sa caste. Si je peux faire remonter des informations des quartiers mal famés, je peux difficilement y agir en revanche, ça n’est pas mon domaine de prédilection pour l’instant. Si elle t’intéresse il faudra donc t’en occuper toi-même. Je n’ai pas de liens avec elle depuis le Fléau, mais j’en ai eus quelques-uns avant, si cela peut faciliter ton approche.

Les Tourres… L’un nous a mariés, l’autre est un ivrogne… Sur le plan purement politique ils n’apporteront rien. En revanche, se lier d’amitié avec un Haut-Prêtre de la Trinité est toujours de bon augure. Je serais partisane de ne pas arrêter notre lien avec Philippe de Tourres au seul ruban de notre mariage.


Ambre reprit une autre gorgée de son verre, la bouche sèche après sa tirade. Mais c’était loin d’être terminé, et elle baissa à nouveau les yeux sur son parchemin. Morion était en train de se prendre en pleine figure tous les fruits de ses dernières recherches et rassemblement d’informations, et pour le coup elle avait été plus zélée que Cassandre de Rocheclaire elle-même.

- Tous les noms conviés au sommet de janvier ont une importance non négligeable, alors je vais les citer également.

Terresang. Ce nom s’est fait remarquer dernièrement, mais pas en bien. L’homme a participé à une émeute, certes localisée, mais qui a entraîné la mort d’un boulanger. Il a tenu des propos très confus contre le pouvoir en place et sa propre caste, alors qu’en parallèle il prépare lui aussi le Labret. Je ne sais pas quoi penser de cet homme à part que son âge commence potentiellement à lui faire perdre la tête. En tous les cas, il me parait avoir perdu beaucoup d’estime chez la Haute depuis cette émeute, et il n’apparait pas comme quelqu’un avec qui il faut nous rapprocher. En revanche… je me demande s’il ne serait pas facilement manipulable, indirectement ou non. Il a perdu sa femme et sa fille durant l’affaire des portes closes. Son erreur d’émeutier est peut-être le signe d’une rage plus profonde. Son Ordre bénévole pour reconstruire nos bourgades est réellement louche ; je ne suis pas certaine que le Duc le laissera entraîner des paysans en-dehors de tout contrôle milicien longtemps, même pour retaper des villages.

Vauvrur. Le nom est important, cet homme est cousin direct du Duc. A part la construction toujours continue d’un navire de moyenne envergure, je n’ai noté aucun mouvement particulier chez lui néamoins. C’est un homme froid, discret, mais qui ne laisse pas du tout la même impression que toi. Il ne participe pas au Labret, aussi je tiendrai un œil sur lui durant ce temps, mais je crains avoir encore du mal à le cerner. Son lien familial avec la famille ducale est essentiel pour nos affaires, il faudra s’en rapprocher à l’avenir. Même si, comme pour les Rivain, il faudra redoubler de prudence avant de placer ce pion-là.

Montoya. Un maigre héritage, qui a atterri sur des épaules plus maigres encore. Luna ne pourra jamais assumer son rôle de châtelaine correctement à la mort de son père. Il lui faudrait des années pour s’affirmer, et ces années, nous ne les avons pas, en ces temps troublés. Cela laisse un avantage considérable, en tous les cas : elle est manipulable. Les relations de sa famille avec la prévôté est un atout non négligeable, très clairement.

Traquemont. Un domaine d’armes, qui fraye peu avec les frasques politiques. Le Duc ordonne, ils exécutent. Je sais que tu estimes Yseult, pour les quelques passages qu’elle a pu faire ici, et sûrement est-il utile d’avoir des contacts avec des guerriers, et un point de chute dans les marais. Pour nos projets en revanche, ils me paraissent trop excentrés et trop peu concernés. Mes informations sur eux restent maigres, l’on murmure qu’ils accueillent même des bannis au sein de leurs murs, ce qui déplairait beaucoup aux autorités de la cité. Je n’ai aucune confirmation cependant, les messagers et les témoins qui viennent de là-bas ont tendance à mourir rapidement avant de revenir en ville, à force de traîner dans les marais infestés.

Noblecoeur. Un étranger, qui n’a aucune influence ici ni aucun homme, à part la poignée de survivants qui ont regagné la cité avec lui. En terme logistique il ne pourra rien nous apporter, ni en terme d’influence ou d’accointances. A reconsidérer après le Labret, s’il survit. De même pour la baronne Haldonores, très discrète, mais qui semble entretenir des liens avec Terresang et Sombrebois. Leurs frasques en-dehors des remparts auraient rapproché ces familles.

Enfin, les Sombrebois, dans l’hypothèse où ils réussissent à récupérer leur baronnie un jour – c’était le domaine le plus proche de la cité, et donc théoriquement l’un des premiers qui seraient repris –, seront de gros fournisseurs de bois, et deviendront des gens dont on ne peut se passer pour la survie de Marbrume. Ils sont potentiellement des alliés pertinents, simplement au niveau commercial, si l’on considère que prendre du temps à assurer une alliance préventive avec un domaine encore désert et infesté de fangeux est un risque à prendre. En l’état actuel, le couple semble battre de l’aide cependant. L’on raconte que Hector et Grâce font chambre à part depuis un moment déjà, et… Les prunelles d’Ambre s’arrondirent légèrement, sa main devint fébrile autour du parchemin. J’ai appris pas plus tard que tout à l’heure, juste avant de rentrer – ce qui est la raison réelle de mon retard – que les autorités auraient mis à jour un lien de parenté entre eux. Je n’ai encore aucune confirmation officielle, c’était un bruit qui courait tout à l’heure dans toute l’Esplanade ; ils parlent d’annuler leur union devant les dieux.

De toute évidence, Ambre avait attendu difficilement de lui annoncer une telle nouvelle, en tout dernier. Les propres propos de la comtesse la choquaient, elle qui était si pieuse, et qui n’aurait jamais envisagé, au grand jamais, qu’on puisse rompre un mariage. Anür liait deux âmes à jamais, jusqu’à la mort, et la simple idée de briser ce lien sacré était un blasphème. Si le mariage Sombrebois ne paraissait pas heureux, à la place de Grâce, elle se sentirait tout de même humiliée, et aurait certainement préféré terminer sa vie à faire chambre à part qu’essuyer un tel désastre devant la Trinité. Ambre était peinée pour Grâce, cette femme qui avait été son alliée d’un soir deux semaines auparavant, pour ses noces.
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 3 EmptyMar 19 Juil 2016 - 3:55
Cinq jours. Cinq jours bien remplis, depuis que Morion s’était mis en tête de donner à son épouse les moyens de se défendre, si lui-même ou un garde venait à manquer à sa mission. Lui par son absence, le garde par son incompétence éventuelle. Elle progressait. Ni bien, ni mal. Elle avançait. Elle ne se plaignait pas. Morion ne faisait montre que de peu d’éloges durant leurs séances. En cela il avait fortement hérité de son père, qui soulevait, il y a longtemps, chacune de ses erreurs, le poussait à les corriger, au prix de quelques coups de fouet huilé. En revanche, il ne lui soulignait jamais les progrès accomplis par l’héritier. Cela aurait pu être encourageant, mais cela aurait également pu pousser à avoir des excès de confiance gâchant les efforts faits jusque là. Néanmoins, Isidore n’avait jamais songé un seul instant que son fils était un raté. S’il ne le louait pas, il ne le descendait pas non plus inutilement simplement pour le secouer. Ses erreurs lui étaient envoyées à la figure sèchement, avec brutalité même, mais avec justesse. A Morion ensuite de faire ce qu’il pouvait pour se rattraper. Alors, les rares fois où son paternel avait consenti à un compliment, le jeune homme s’était senti réellement honoré et fier. Il était, heureusement, bien moins brutal avec Ambre lors des entraînements qu’il lui prodiguait. Elle était une femme pour commencer, et n’aurait en théorie jamais du se trouver en même temps que lui dans la salle d’armes, excepté pour le regarder s’entraîner. Tenir une arme n’était pas supposé être dans ses attributions. Le contexte l’y forçait. Cependant, elle faisait montre de la même âpre volonté à suivre méthodiquement chacune des instructions de son entraîneur, quand bien même les séances finissaient par être longues, difficiles, usantes. Morion était vraiment fier d’elle. Beaucoup de femmes auraient simplement jeté l’éponge, prétextant que leurs gardes suffisaient bien assez, et qu’il n’y avait aucune réelle raison de lui faire porter et manier des armes. Pas elle. Elle allait même jusqu’à porter le bracelet qu’il lui avait fait en presque permanence, afin de s’habituer à sa présence, à le mettre, et éventuellement à dégainer. S’il lui confiait des armes pendant l’entraînement, il ne lui avait toujours pas cédé l’arme qu’il prévoyait de lui offrir. Il savait exactement de quelle arme elle hériterait, mais ne la lui donnerait pas avant de partir.

Durant ce temps, l’opération approchait. Et avec elle, la frénésie au sein de Marbrume augmentait petit à petit. Pas besoin d’y être pour le sentir, même si Morion n’avait jamais été autant vu à l’extérieur de chez lui de toute sa vie. Une tension électrique, comme celle qui précède un orage d’une rare violence, imprégnait l’air à la venue de cette opération. Personne ne savait, malgré les plans, les théories, les hypothèses, les calculs, si cela allait marcher. Les fangeux étaient si redoutables, les bannis également - bien que parfaitement gérables vu leur nombre - que l’espoir, s’il était vivace, ne tenait qu’à peu de choses. Et les plus réalistes étaient soient effrayés, soit résignés. Morion se trouvait dans la seconde catégorie. Il n’entretenait aucun espoir au sujet de cette conquête. Comme pour tout, il se contentait de placer des pions sur un vaste damier, pions parfois bancals, certains refusant même d’être placés, en s’arrangeant pour que les conditions de bataille soient optimales. Le reste serait soumis à la volonté des Trois.

Mais en dehors de toute la partie administrative de la chose, l’intimité était elle aussi touchée par la proximité sans cesse grandissante de son départ. Et c’était assez, disons, normal. Tout du moins, si l’on prenait comme postulat le fait que leur mariage avait été une réussite au delà de leurs espérances (s’apprécier autant l’un l’autre n’avait été, peut-être, prévu par aucun d’eux, Morion encore moins), tout se passait bien. Mais à divers degrés, sur divers domaines, les deux étaient tourmentés par de nombreuses choses. Morion croulait sous le travail, prenait le temps, également, d’entraîner sa femme - et la pensée de la laisser seule pendant un temps indéterminé n’était pas pour le rassurer - et continuait d’administrer son domaine à distance. Marianne et Estrée avaient été particulièrement perspicaces, et avaient d’elles-mêmes prises sur leurs épaules un nombre plus important de tâches, diminuant un peu la masse de travail de leur frère. Et avaient l’intelligence de rester sourdes à ses reproches. Mais Ambre également avait ses problèmes. Le départ de Morion l’inquiétait, forcément, et les temps étaient loin d’être roses. Son père, également, était sur le déclin. Morion sentait la mort planer au dessus de leur manoir, et s’il taisait volontairement ce sujet afin de ne point accabler sa femme de plus d’inquiétude qu’elle n’en avait déjà, il sentait venir le moment où il s’en irait. Et cela ferait du mal à Marbrume. Aaron de Mirail, peu importe ses engagements politiques, était un pilier. A savoir un ancien. Et nous n’étions plus dans une période où les nobles s’exilaient, ou d’autres arrivaient, créant un trafic constant. Ceux qui étaient arrivés des mois auparavant ne partiraient plus, et les anciens ne pourraient que disparaître. Beaucoup des réfugiés étaient des arrivistes, essayant, à qui mieux mieux, de gagner leur place, quitte à saper l’influence des grandes familles de la ville. Morion s’en inquiétait, un peu. Même si Evan avait son estime et son respect, en dehors de toute considération mettant en cause Ambre, il était jeune. Bien plus que Morion. Ce n’était pas à ignorer, même si le comte avait juré devant les Trois aider cette famille au maximum des capacités de sa propre famille. Il ne pourrait leur accorder une attention totale en permanence. Il défendrait bien sûr les Mirail becs et ongles, mais cela serait difficile. Aaron était ce que l’on appelait une icône. Si le comte de Ventfroid n’était en général proche que de très peu de monde, et qu’Aaron n’en faisait pas partie, il avait néanmoins un grand respect pour lui. Sa mort aurait de lourdes répercussions, il le savait. Sans compter que la famille de Mirail serait très affectée. L’avenir s’annonçait assez peu radieux. Ambre l’inquiétait, également. Lui qui avait le sommeil léger, il sentait parfaitement que celui d’Ambre était troublé. Et la rassurer n’avait qu’un effet temporaire, cela avait tendance à recommencer la nuit qui suivait. Il ne pouvait guère faire plus, si ce n’est accentuer sa présence à ses côtés, mais là dessus, le contexte jouait en leur défaveur.

Ce vingt-trois février, Ambre était sortie, et Morion avait vaqué à ses occupations matinales, millimétrées et réglées comme une horloge. Chose rare voire jamais vue encore, elle arriva en retard. Morion lui épargna un interrogatoire, il s’en moquait même un peu, du moment qu’il ne lui était rien arrivé, et délayer quelque peu leur repas pour qu’ils puissent le prendre ensemble ne lui posait pas de problèmes. Et vu ce que la suite annonçait, heureusement qu’il l’avait fait. Ainsi, il se contenta d’un geste de la main nonchalant pour lui signifier que son retard n’avait aucune importance. Il jeta un oeil appréciateur au bracelet posé sur la table, satisfait de voir que sa petite manie avait porté ses fruits, et jeta un oeil plus insistants aux parchemins qu’elle déroula.

Il l’interrompit un petit instant et appela Talen, qui vint prestement, de son pas digne, interrogatif. Morion demandait rarement quelque chose durant l’heure des repas. S’il voulait lire en lisant, il prenait son repas au salon et récupérait les ouvrages lui-même. Il attendit cependant les ordres de son maître.

«Allez me chercher mon livre de transcriptions. Les clés sont dans l’annexe.»

Le temps que Talen aille chercher l’ouvrage quémandé, il écouta attentivement son épouse, sans l’interrompre de nouveau. Il connaissait chacun des noms qu’elle cita. N’importe quel natif de la ville, ou presque, les aurait de toute façon reconnus. Il en fréquentait même certains, pas par choix certes, mais le fait est que les Rivain étaient plus ou moins toujours fourrés chez les Sylvrur, les Noblecoeur, Sombrebois, et même toutes les familles disposant d’un minimum d’hommes ou de patrimoine avaient été mises à contribution. Si leurs participations tenait plus de la figuration, au sommet, il valait tout de même mieux qu’ils soient là. Ne serait-ce que pour recevoir les directives de leur suzerain.

Talen arriva peu avant qu’Ambre n’embraye sur les participants au sommet. Un ouvrage un peu décati, mais dont les parchemins, enfermés sous la reliures, semblaient neufs. Et parfaitement, totalement illisible. Morion encodait tous ses rapports, ainsi que tous ceux qu’on lui faisait. Il brûlait les originaux ensuite. Si bien qu’à moins de deviner sa clé de décryptage, alors même que son âge, caché à personne, était une énigme digne de figurer dans un concours pour la plupart des sujets de la ville, les textes étaient indéchiffrables. Une précaution nécessaire, quand on faisait partie d’une famille qui avait contribué à faire tomber des rois.

Ecoutant toujours Ambre, il feuilleta son livre. Il possédait nombre d’espions , également. Certains en service latent. Il ne faisait appel à eux qu’en cas de besoin. Ils étaient également, les plus efficaces. Il les payait à la mission, pendant une durée déterminée à l’avance, les payait excessivement cher, mais leur travail avait toujours été irréprochable. Souvent des amis; enfin disons amis pour simplifier, des Ventfroid.

Une fois que sa femme eut terminé, il hocha doucement la tête, songeur. Décrypter ses propres notes était parfois difficile même pour lui. Néanmoins, il se remit vite dans le bain et les lut rapidement, s’attachant spécifiquement aux noms que son épouse avait cités.

«… Hm. Elrich. Son activité dans les bas-fonds s’explique assez bien. Son activité la plus rentable semble être… le sexe. Pas en personne, mais elle détient un ou plusieurs bordels en ville. Peu louable, mais au moins ne doit-elle pas manquer de renseignement. Le Labret m’empêche d’agir à ma guise, mais il me faut cette femme. La ville est trop grande pour que nous la couvrions à deux. La guerre semble avoir stimulé cette part de l’économie de la cité, elle a forcément du entendre beaucoup de choses. Je la contacterai.»

Il feuilleta d’autres notes, concentré. Nouer des alliances était en effet primordial, de même que choisir leurs ennemis. Les Ventfroid avaient ce talent particulier de ne pas s’en créer. Ou d’au moins broyer et dépecer rapidement ceux qui se déclaraient ennemis de leur dynastie. Leur honneur était assez particulier. Les préceptes auxquels ils croyaient étaient suivis scrupuleusement, de même que leur engagement envers les valeurs royales premières, et celles de la Trinité. Se couvrir de sang ne leur posait en revanche aucun problème. C’était même, selon eux, la meilleure façon de dissimuler leur odeur dans ce monde déchiré par les conflits et les guerres fratricides.

Il jaugea cependant de façon positive le travail accompli par sa femme, et par les espions de sa famille. Beaucoup négligeaient la nécessité d’un tel travail, qui était pourtant capital.

«Pour les Rivain, laissons-les tranquille, de même que les Vauvrur. Pour l’instant. Leur proximité avec le duc est à la fois une arme et un danger pour nous. Même si je ne pense pas me compromettre un jour à leur égard, il serait idiot de s’attaquer à ces soutiens absolus du Morguestanc avant le Labret, ou même après. Il va falloir laisser les choses évoluer, et les observer très, très attentivement. Nous pourrons songer à mettre le grappin sur eux plus tard. Je désapprouve en revanche l’utilisation d’Hélène dans cette manoeuvre. Ton frère, tu le dis bien, est intelligent, je n’aimerais pas qu’il se rende compte que sa soeur se livre à des jeux à hauts risques, qui plus est en se servant, même ponctuellement, de sa femme. Si nous n’avons aucun autre moyen nous aviserons, mais c’est un recours ultime que je n’emploierai que si j’y suis contraint.»

Il but une gorgée de vin et passa au suivant, Terresang. Un petit haussement de sourcil marqua son commentaire à son sujet. C’était bien la moindre des choses attendues devant pareil phénomène.

«J’ai eu vent de cette émeute. M’est avis qu’il nous fournit les armes pour gagner des points auprès des familles dirigeantes. Son ordre me fait l’effet d’une brise d’été par vent d’orage. Inutile. Monopoliser des ressources publiques à seule fin, selon ses propres dires, de sauver la veuve et l’orphelin… Je ne peux guère y croire. Sans même compter son image publique désastreuse. Je les détruirai si cela est nécessaire. Morion parlait avec sérieux mais légèreté, ce qui contrastait assez bizarrement avec la violence de ses propos. Il parlait de potentiellement mettre à mort plusieurs personnes. Bien que cela pouvait aussi dire qu’il pouvait les guider simplement vers leur perte, une pratique qu’il maîtrisait bien et qu’il préférait aux meurtres simples. Peut-être devrais-tu te rapprocher d’eux. Votre famille est connue pour sa richesse et son ancienneté. Un soutien à une oeuvre prétendument caritative ne serait pas étonnant de votre part.»

Montoya. Il se rappelait encore du malaise de la petite Luna lors de la réunion. Un petit ricanement étouffé incontrôlable le saisit à cette pensée. Il n’avait aucune note à leur sujet, la famille ne l’ayant jamais intéressé outre mesure. Néanmoins, si cela devait être fait, Ambre aurait plus que lui des chances de leur parler, et de nouer quelque lien avec eux.

«Peut-être devrais-tu voir cette Luna. Tu étais au sommet, tu es une femme, tu es jeune… Vous partagez sûrement d’autres points communs. J’aurais l’inquiétude de la traumatiser et de provoquer un autre malaise si je venais à m’adresser à elle. Néanmoins, les prévost sont comme les miliciens, interchangeables et remplaçables. Peut-être devrions nous délayer un éventuel contact. Un coup de vent un peu trop fort ferait couler leur maigre navire, et je refuse de m’encombrer de ce genre de familles à mes côtés. Nous réfléchirons à des moyens de les faire agir à notre convenance d’une autre façon.»

Il s’interrompit quelques secondes, puis releva la tête vers son épouse, les sourcils légèrement froncés.

«T’ai-je déjà fait conte de notre manière de procéder ? Nous ne lions jamais d’amitiés avec quiconque, dans notre famille. La proximité que tu as avec les Ventfroid est un heureux hasard dont ta mère est la principale actrice. Les alliés, disait mon père, sont comme des membres que l’on pourrait se greffer comme l’on souhaite. Pratique. Malheureusement, s’il vient à être tranché, la douleur est la même que si le membre nous avait réellement appartenu. Il lâcha un petit soupir. Et je suis d’accord avec lui. Je suis réellement navré de te demander ça, mais c’est après tout la raison, entre quelques autres, de notre union. Il va falloir que tu te noies dans les ombres. Apprendre petit à petit à ne voir son prochain que comme un pion, un outil éventuel. Et avec le temps, apprendre à les déplacer d’une main gantée, visant un point précis, en anticipant les conséquences, et en laissant le temps et la nature humaine faire son sale travail. Les Rocheclaire et les Castelmont sont deux familles qui nous sont chères, mais elles sont des exception, en plus de quelques autres. Après… nous tranchons nous-mêmes ces membres lorsque leur utilité est remise en cause.


Traquemont… Ceux là… Morion lâcha un petit soupir. Pas si peu concernés que tu le penses. Le pouvoir d’Yseult ne lui suffit pas. Quelques hommes de Traquemont, et pas des moindres, ont également été envoyés en ville à plusieurs reprise. Ils posent un problème épineux, qui va finir par devenir inquiétant. S’ils s’essaient à nos jeux, auxquels aucun d’entre eux n’a été formé pour, eh bien je me vois assez mal leur refuser mon soutien. Ce serait me priver d’alliés potentiels alors même que j’ai plusieurs fois eu l’occasion d’aider leur chef. Néanmoins je ne peux les laisser interférer dans mes affaires ou dans celles de la noblesse en général. Pas immédiatement. De tous, c’est d’eux dont je me méfie le plus. Ce qui m’étonne c’est que je semble être le seul. J’ose espérer que Sigfroi se fera également ce genre de réflexions. Si sa vassale est parfaitement docile et fidèle, elle ne refusera jamais un gain d’influence ou de pouvoir. Il faut que cela reste sous contrôle, c’est impératif.»


Pour les trois autres, Morion n’avait encore que peu d’avis forgé sur la question. Grand partisan de l’observation longue et assidue, il n’avait pas pris le temps de les jauger comme il avait pu le faire avec les autres. Noblecoeur était un étranger, cela l’écartait d’office à ses yeux. Le Duc lui-même devait habilement manoeuvrer avec la confiance qu’il accordait aux réfugiés. Les natifs veillaient, et auraient du mal à accepter qu’un arriviste leur prenne du pouvoir. Quant aux autres… L’utilité des Sombrebois était à l’heure actuelle discutable, mais Ambre soulignait fort bien leur potentiel commercial.

«Je pense que notre cher baron sera plus réceptif aux paroles d’une femme qu’à celles d’une porte de cachot comme moi, balança Morion, un petit sourire crispé, mi-figue mi-raisin, barrant son visage. Il nous faut anticiper la reprise de son domaine, c’est un fait.»

En revanche, la nouvelle au sujet de Grâce ne sembla pas le surprendre. Il n’en avait pas discuté avec la concernée directement mais…

«Je sais. Cassandre est passée au manoir, pendant que tu étais sortie. Elle a eu vent de la nouvelle et me l’a immédiatement apportée en mains propres. Cela m’ennuie un peu. Je ne sais encore si je dois couvrir Grâce, ou si je dois au contraire manoeuvrer plus habilement et discrètement avec elle. Me retrouver mêlé à ce genre de scandale...»

Le comte, tout comme Ambre, avait du mal à croire que deux époux, deux nobles d’autant plus, en venaient à briser leur union. C’était… c’était contre nature. Il désapprouvait totalement cette idée.

«Je recommande également la vigilance à ce propos. Si tu dois traiter avec Grâce, fais-le à couvert. Elle est utile, je ne peux le nier. Je ne tiens cependant pas à m’attirer le courroux d’Anür à couvrir, aider, traiter avec une femme coupable de sacrilège. Même si cela n’est pas un choix, c’est un jeu dangereux que de contrarier les dieux. Je vais devoir activement réfléchir à la question.»

Il reposa son verre vide, et referma son livre.

«J’étais loin de me douter que vous disposiez d’espions aussi zélés dans votre famille. Si l’intérêt est clair… cela me surprend tout de même. Néanmoins, il ne faut pas oublier que jusqu’à la toute fin, nous devons nous assurer les faveurs ducales. Et ce, peu importe ce que cela nécessitera comme action ou comme choix à faire. N’est-ce pas ?»

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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 3 EmptyMar 19 Juil 2016 - 17:16
Morion l’écouta attentivement, avec sérieux. Il ne l’interrompit pas une fois, à part pour apostropher Talen un instant, qu’il lui apporte quelque chose qui lui serait utile pour la conversation qu’avait engagé la comtesse. Après avoir terminé son résumé – un gros résumé –, Ambre observa son époux et reprit un peu de boisson, et quelques bouchées, avant que son assiette ne devienne froide. Elle le laissa prendre le temps de parcourir les pages de son livre de transcription, puis réagir. De toute évidence, il avait lui aussi de nombreuses informations, et Ambre se satisfaisait d’avoir engagé cette conversation. Agir chacun de son côté, en tant que mari et femme, n’était pas une stratégie payante au long terme. Il était bon qu’ils parlent concrètement de leurs relations, et lesquelles pouvaient être mises à profit. Ambre voulait partager avec lui bien plus que leurs nuits, et consolider toujours un peu plus la confiance qu’ils se portaient mutuellement, jusqu’à ce qu’elle devienne incassable. La comtesse voulait être complice avec lui, et ne pas ressentir le besoin de lui cacher des choses. Elle mettait beaucoup d’espoirs dans leur relation, et voulait atteindre, voire dépasser, la complicité qu’elle entretenait avec son frère Evan, ce qui était un objectif très optimiste, témoin de son implication dans son mariage.

- De renseignements, ni d’argent, répondit Ambre en évoquant Avdokeai. Le marché du sexe était l’un des rares qui ne s’était pas effondré depuis le Fléau, voire qui avait au contraire très bien prospéré. Avec la fin du monde, beaucoup se laissaient sombrer dans une luxure bienvenue, pour oublier la vie, les fins de mois difficile, les deuils. Elle n’est pas vue uniquement autour de ses bordels lorsqu’elle traîne là-bas, je pense qu’elle a plus de contacts que ses possessions le laissent penser. Et pas que des contacts honorables, peut-être est-elle liée à Ecuviel, je n’en sais rien. Elle releva les ailes du nez d’un air un peu dédaigneux – elle n’aimait pas ce marchand, qui avait certes réussi à se faire un nom même parmi la noblesse, mais qui se prenait justement pour quelqu’un dont la lignée était bénie des dieux. Mais si ce n’est pas le cas, eh bien… déjà tout ce que peuvent lui rapporter ses catins n’est pas à négliger, en effet. La noblesse a tendance à souvent détourner les yeux sur ce qui se passe chez le petit peuple, c’est une erreur à ne pas commettre dans le contexte qui est le nôtre. Une émeute ou attaque contre leur caste, à Marbrume, alors que la famine faisait rage, et que désormais, l’on raflait des gens pour le Labret… Plus que possible, c’était fortement probable, et les choses ne se calmeraient que si le Labret était une réussite. Cela dépendait encore de trop de facteurs malheureusement. Je te laisserai t’occuper d’elle, oui. Enfin, « t’occuper ». Elle lui jeta un regard en biais, retenant difficilement un sourire. Ne crois surtout pas que je t’envoie dans les bras d’une autre jolie rousse.

Talen passait de temps en temps dans la salle à manger, débarrassant un plat, attisant le feu dans la cheminée. Les deux époux n’avaient pas de gêne à parler de cela devant lui ; c’était bien l’un des rares. Ambre lui adressa un sourire alors qu’il lui servait un autre verre, puis se reconcentra à nouveau vers Morion quand il quitta la pièce.

Au sujet des Rivain, le comte ne lui conseilla pas de se lier à Hélène pour agir contre les Rivain. Ambre ne le montra pas, mais elle en fut terriblement soulagée. Morion était un homme qui tenait scrupuleusement à ses engagements, et ses objectifs. Elle avait pensé que, peut-être, il ait été prêt à tailler dans cette famille, malgré les risques, et qu’il lui commande de manipuler Hélène pour le bien de leurs projets. Cela aurait mis la comtesse dans une position délicate, qu’elle ne maîtrisait pour l’heure pas assez. Aussi constatait-elle avec un réel soulagement que Morion savait très bien être raisonnable dans ses plans. Même si une opportunité lui était servie sur un plateau, il ne la saisissait que quand il le jugeait nécessaire, sans foncer dans le tas.

- Très bien, je délaisserai mes observations sur les Rivain. Du moins, je ne les pousserai pas plus que nécessaires, et me cantonnerai aux éléments classiques. Il est cependant à noter que leur héritier, Maxime, n’a toujours pas pris épouse. Alors qu’il n’aurait aucun mal à cela ; il est particulièrement charmant et présente bien. Et s’il tarde ainsi, je prends cela pour une marque d’intelligence. Il ne prendra pas n’importe quelle noble. Elle eut une petite pause. J’aurais bien pu m’en rapprocher en faisant miroiter quelque chose, mais il semblerait que ce scénario soit tombé à l’eau depuis. Elle lança une œillade amusée à Morion par-dessus son assiette, prenant l’air faussement déçu d’être passée à côté de quelque chose. S’il épousait une femme sur laquelle nous avons quelque influence néanmoins…

Ambre laissa la phrase en suspens, songeuse. Inévitablement, elle avait envisagé et soupesé toutes les options qui pourraient les avantager. La comtesse avait pensé à marier sa propre sœur, Jade. Mirail et Rivain étaient déjà liés par le mariage par le biais d’Evan, mais… Jade était trop jeune. Un homme comme Maxime, de la trentaine, ne serait sûrement pas intéressé. Jade était de toute manière trop volatile, trop peu fiable. Ambre devrait extraire des informations sans la questionner directement, car il était bien entendu hors de question de la mettre dans la confidence sur les projets Ventfroid. Donc, concrètement, marier sa sœur ne serait pas forcément utile, à part pour consolider la confiance entre les deux familles. Malheureusement, ils devraient tirer un trait là-dessus, Jade n’était pas un parti sur lequel Maxime s’attarderait, malgré le rayonnement des Mirail.

Alors, elle avait pensé aux sœurs de son propre époux. Evidemment qu’elle y avait pensé. Ambre n’avait pas encore rencontré Marianne, et connaissait encore très mal Estrée. Elle n’avait donc pas pu soupeser l’idée de façon pertinente, encore. C’était cependant une pensée qui l’avait traversée spontanément. L’ennui… Eh bien, déjà les sœurs Ventfroid étaient pour l’instant loin d’avoir le temps de se concentrer sur une union. Dans l’hypothèse même où elles avaient ce temps… Ambre n’était pas sûre qu’ils y gagneraient à coup sûr. Une Ventfroid au cœur des affaires des Rivain était une pièce très audacieuse, mais aussi très risquée, car cela ouvrait une porte dans l’autre sens, si la Ventfroid jouait mal son jeu. Sans compter qu’il était… égoïste, de faire marier Estrée ou Marianne pour simple but d’asseoir des desseins morbides et manipulateurs. Epouser un homme pour le faire tomber, ça n’était pas réellement l’union idéale et heureuse qu’on envisageait pour honorer Anür. Ambre aurait probablement quelques scrupules à le faire… mais le ferait, si c’était nécessaire. C’était cependant pour toutes ces raisons réunies qu’Ambre ne proposerait jamais spontanément cette idée aux sœurs Ventfroid, ni à Morion lui-même, tant que la situation ne l’exigeait pas. (Et ce dernier ne pourra pas deviner qu’elle y pense comme ça en claquant des doigts, à moins de me sortir une réussite critique :cc ) Cela n’était pas convenable de sa part, et n’était pas sa place.

Bizarrement, ensuite, l’idée d’offrir Cassandre de Rocheclaire en paquet cadeau l’avait effleurée. Elle mangeait tellement dans la main de Morion que cela pouvait être avantageux. Ambre voyait mal Cassandre avec Maxime cependant. Déjà, elle ne méritait pas tout le prestige de cette famille. Ensuite, lui donner autant de pouvoir – car c’était lui en donner un énorme, de la faire devenir Rivain –, n’était pas une idée qui plaisait à la comtesse. Loin de là. Elle avait eu peu de rivaux dans sa vie, mais les rares qui étaient présents, elle avait tout fait pour qu’ils finissent par étouffer, oubliés de tous. Donner du pouvoir à Cassandre, cela serait comme permettre à Joscelin de devenir Duc. Irrationnel, et dangereux pour elle et son couple. Non, la Rocheclaire devrait rester dans l’ombre, et au bas de l’échelle. Qu’elle joue les catins avec son époux était une chose, qu’elle devienne l’une des femmes les plus puissantes de la cité en était une autre.

Bref, les Rivain était donc un sujet à mettre à part pour l’instant, un morceau trop gros, qu’il faudrait manipuler avec grande prudence. Ces questions d’alliance viendraient plus tard.

Ambre haussa donc les épaules sans préciser sa phrase en suspens. Morion était un homme intelligent, il penserait tout seul à des possibilités si l’idée de contrôler les Rivain par un mariage l’intéressait un jour.

- Haha. La jeune femme pouffa un peu, pour la suite. Me rapprocher des Terresang pour tâter le terrain, séduire, et allécher ses intérêts pour un lien entre nos familles peut-être. Soutenir financièrement son projet en revanche… Déjà que la fortune des Mirail a pris un coup pour aider à équiper la milice convenablement pour le Labret, si j’allais demander à Evan de jeter nos écus par les fenêtres, il me rirait au nez. Et je ne gaspillerai pas non plus la fortune des Ventfroid. Pas pour ça, surtout si le Duc commence à poser un regard peu appréciateur sur paysans « reconstructeurs ». Mais, comme je le disais, avoir autre chose qu’une impression indirecte sur cet homme pourrait être utile, en effet. Je pourrai faire de même avec Luna Montoya, oui. Il ne me sera pas très difficile de l’approcher.

Ensuite, Ambre esquissa un petit sourire qui montra les dents. Les propos de Morion, s’ils n’étaient pas allés jusqu’à lui déplaire, étaient pour le coup typique de sa famille ancestrale et glaciale, et pas forcément toujours au goût de la comtesse.

- Ce manque de liens envers les autres familles, c’est ce qui a toujours fait votre force, à vous les Ventfroid. Mais aussi votre faiblesse, Morion. Les choses ont changé désormais que nous sommes tous parqués dans la même cité. Avant, vous auriez sûrement été les derniers qu’on aurait appelé en cas de problème, malgré la puissance de votre domaine, ou même les derniers à qui l’on serait venu en aide. Les gens ne vous connaissent pas, et ils n’ont pas envie de vous connaître. C’est une situation qui vous sied parfaitement, à toi et les autres, je le sais. Ce n’est cependant plus une situation viable aujourd’hui. Nous sommes puissants, mais nous tomberons les premiers si nous ne nous lions à personne en ces temps mortels. Il faudra faire des concessions. Mais… Elle glissa doucement sa main contre la sienne sur la table, caressant la surface de la peau d’un pouce, avec un sourire doux et taquin. Disons que tu as déjà fait des efforts de ce côté-là. Sans faire preuve de zèle arrogant pour ma propre famille, tu n’aurais pas pu tabler mieux qu’une Mirail pour t’ouvrir les portes de l’Esplanade, et briser un peu l’effroi que ton nom propage.

Ambre serra doucement la main de son mari, avant de se redresser sur sa chaise, et boire un peu.

- Je sais m’adapter, Morion. J’étais une Mirail, certes, et adolescente ai-je certainement accordé ma confiance et mon amitié un peu trop spontanément. Cela n’est plus le cas aujourd’hui. Pas naturellement, encore moins depuis que je compte faire tuer Sigfroi. La plupart de mes connaissances de l’Esplanade ne sont là que pour m’apporter des ragots et des informations pertinentes, et pour avoir un pied d’influence bien placé à la cour. Cependant, si je viens un jour à me lier à une femme ou un homme pour d’autres raisons que purement politiques – imaginons, simplement, que je vienne sincèrement à apprécier sa présence –, je ne briderai pas l’amitié que je peux ressentir. Je pourrais rester retranchée au manoir continuellement et ne plus voir personne pour devenir intouchable, mais ça n’est pas dans ma nature, Morion. Même avec cette nouvelle alliance que je porte. D’ailleurs, sûrement ne la porterais-je pas si j’avais été ainsi.

Ambre s’arrêta, frissonnant un peu. Elle n’avait pas haussé le ton et avait expliqué avec douceur son point de vue, mais elle venait de clairement lui signifier qu’elle ferait comme elle l’avait toujours fait, Ventfroid ou non. C’était une forme d’opposition, et elle resta un temps muette après ça, concentrée sur son assiette, se demandant si elle avait bien fait. Ambre ne voulait pas s’opposer à Morion sur des bêtises pareilles. Elle voulait encore moins qu’il la modèle à sa manière, même si, inévitablement, elle prendrait des habitudes très Ventfroid au fil du temps, consciemment ou non. Mais si un jour Morion ordonnait quelque chose, d’époux à épouse, selon la pertinence de la chose Ambre s’écraserait, très sûrement. Elle restait une femme, même si elle escomptait bien que Morion ne la force jamais à faire quelque chose qui l’horripilait, sans quoi la quiétude de leur mariage en prendrait un sacré coup.

- A part Cassandre – et ma propre mère, bien entendu –, je ne connais pas les Rocheclaire. Leur allégeance à notre nom n’est pour moi qu’une légende, je dois t’avouer, car je n’en vois pas trop la couleur actuellement. Aucun d’entre eux n’est venu me féliciter pour nos noces, officiellement ou non, si tant est qu’il en reste d’autres depuis le Fléau, en fait. Tu n’as jamais été très bavard sur le sujet. Quant à Castelmont, le nom ne m’évoque rien. Des étrangers ?

Le sujet dériva sur Traquemont ensuite, et l’ambition d’Yseult. Ambre haussa un sourcil, car Morion semblait être persuadé de la soif de pouvoir croissante de la châtelaine.

- Ce sont des hommes de guerre, et uniquement formés à ça, pour le coup. Ils auront du mal à évoluer dans notre monde… Je pense qu’il leur faudrait encore longtemps, très longtemps, pour se faire une place à l’Esplanade. Je me fie à ton instinct cependant. Malheureusement, je suis une femme de la ville. Je ne puis point interagir avec eux autant que je le voudrais, encore moins leur rendre visite alors que la mort rôde. Je pourrais engager une correspondance avec messire Eadwin en évoquant notre mariage et le remerciant encore pour le duel… mais c’est le seul que je peux décemment contacter sans soulever l’étonnement. C’est quelque chose que tu es plus apte à gérer que moi, les Traquemont, mais j’apporterai toute l’aide que tu as besoin bien évidemment.

Ambre pouffa à l’évocation de Hector. Morion tenait encore grief à ses ratés durant leur mariage, c’était compréhensible. Elle se rapprocherait du baron elle-même si nécessaire, en effet, il valait mieux. Ambre essaierait de pousser l’homme à reprendre son domaine, même si, avec cette nouvelle annonce d’annulation de mariage, la comtesse se demandait si l’homme aurait l’esprit à tout ça. Comment l’avoir alors que cette découverte lui retirait sa femme, et sa réputation ?

- Oh. Elle est passée.

Ambre tiqua un peu, et serra subrepticement les mâchoires, une pause notable dans son discours. La présence de Cassandre au manoir était toujours quelque chose qu’elle affectionnait peu. Là, étrangement, elle aurait aimé être là cette fois. La blonde n’était pas encore repassée depuis leurs noces, deux semaines plus tôt – une absence même étonnante. Ambre était devenue Ventfroid depuis : tenancière d’un nom pour lequel Cassandre était vassale. Cela aurait été avec un plaisir malsain qu’elle aurait accueilli la vicomtesse. Quel dommage.

- Je ferai attention. Grâce me parait… mmh, sympathique n’est pas le mot. Disons que c’est une femme qui a su s’imprégner de l’Esplanade et de ses dangers. Elle me parait utile. Et d’agréable compagnie, tant que nos desseins ont la même direction. Elle repensa à leur action groupée contre Joscelin. C’est dommage qu’un tel scandale éclate maintenant… il faudra attendre un peu avant qu’elle ne regagne en influence.

Quant à contrarier les dieux… Morion avait raison sur ce point. S’attirer les foudres d’Anür était la dernière chose qu’elle avait en tête. Quel était le vrai sacrilège cependant ? Mener une union incestueuse ou la rompre ? Les Hommes n’avaient-ils pas fait une erreur en liant ces deux êtres ? L’absence de fécondation malgré plusieurs mois de mariage était-il le témoin de la désapprobation des dieux ? Des questions que l’on pouvait se poser, mais auxquelles personne ne pourrait jamais apporter de réponse. Pour l’instant, Ambre était simplement trop stupéfaite pour s’y attarder pleinement : elle ne voyait que l’horreur du mariage avorté. C’était unique et elle ne savait pas si c’était même déjà arrivé dans l’Histoire du Royaume.

Ambre termina son assiette avec une dernière bouchée – le repas s’éternisait beaucoup ce midi-là. Mais c’était agréable de l’éterniser avec ce genre de conversation, utile et tranquille. Elle haussa un sourcil aux derniers propos de Morion.

- Le savoir c’est le pouvoir. Je serais de mauvaise foi de dire que ma famille a toujours surveillé les autres pour son propre profit cependant. Enfin, ça l’est, d’une certaine manière… mais disons que certains Mirail – les femmes principalement – récoltaient les ragots pour briser l’ennui et leur routine. Pas vraiment pour envisager des actions contre les autres. J’ai hérité un peu de ces… commérages. Cela ne m’a jamais dérangée outre mesure ; j’aime tout savoir. Ne pas me retrouver sotte dans une soirée où je devais connaître le nom d’une personnalité, connaître toutes les dernières affaires en date, c’est aussi le genre d’éducation que j’ai reçu, en tant que femme. Ambre haussa les épaules. Ces vieilles habitudes servent pour tout autre chose aujourd’hui, mais au moins elles servent.

Ambre but une dernière fois.

- Les faveurs ducales… Tu es déjà dans ses bonnes grâces, à participer activement au Labret. Enfin, je l’espère. Ambre fronça légèrement les sourcils, un peu troublée. J’ignore encore ce que nous devrons être amenés à faire pour asseoir cette confiance, mais rien qui nous coûtera… je l’espère à nouveau.

Ambre possédait un certain sens de l’honneur, et si le Duc s’attaquait à son couple… il serait compliqué de jouer la vassale soumise et bienveillante.
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 3 EmptyMar 19 Juil 2016 - 22:19
Distraitement, il pianotait de l’index sur son livre. Ces derniers temps, il n’avait pas trop eu le temps de penser à tout ceci. Et de nombreux rapports restaient même à retranscrire, pour être tout à fait honnête. Le Labret monopolisait la quasi totalité de son temps de travail. C’était d’ailleurs terriblement frustrant. Heureusement que son épouse n’avait pas négligé ces travaux là de son côté. Bien qu’il soit important de mettre leurs renseignements en commun, ce mois-ci avait été prolifique en informations… Que Morion n’avait même pas eu le temps de lire. Nul doute qu’il aurait des choses à rajouter, mais ce que disait sa femme lui mâchait déjà énormément le travail. Un temps, un peu avant leur union, et même après, il avait songé à ces “conseils restreints”, en mettant aussi la possibilité en jeu de mettre en commun leurs espions. L’idée avait été rapidement balayée. Si un espion pouvait être un homme de confiance, il arrivait également de devoir faire appel à des personnes dont l’intérêt était purement vénal. Quitte à leur donner, séparément, les mêmes missions, il était finalement plus rentable de les laisser méconnus les uns des autres. S’ils faisaient correctement leur travail, les époux seraient rapidement au courant de la traîtrise éventuelle de l’un d’entre eux.

«Les contacts de peu de vertu sont particulièrement utiles… Le comte sembla songeur quelques secondes. La majorité des siens étaient d’ailleurs des bandits ou personnes méritant le bannissement pour un nombre de délits qu’il préférait ne pas mentionner. Je la convierai ici. Je ne tiens pas à rencontrer une pareille personne dans son élément, quoi qu’il arrive. Et je doute qu’une baronne aux moeurs douteuse refuse mon invitation. Si l’information et la monnaie sont des moteurs pour elle, l’occasion serait bien trop belle. Ainsi, qui sait. Tu pourras vérifier que je ne confonds pas une tenancière de bordel et la femme avec qui j’ai choisi de passer le reste de mon existence. Il lui rendit son regard, le sourcil haussé. Vu la froideur, certes courtoise, mais distante à en mourir de Morion lors de ses échanges avec ses pairs, le danger était tout à fait négligeable.»

Ils étaient, sur les Rivain, sur la même longueur d’onde. Aucun des deux ne mésestimait l’importance de cette famille, ni les risques encourus à s’attaquer à eux, même positivement, comme gagner leur amitié ou peu importe. Il ne put s’empêcher de hausser un sourcil à sa remarque, esquissant par la suite un sourire amusé.

«Je ne peux malheureusement dire ce que notre cher Sigfroi a en tête, ni ses fidèles chiens. Néanmoins, la justesse d’un miroitement quelconque venant de toi ne m’apparaît de toute façon pas la plus pertinente qui soit. Cela aurait peut-être fonctionné, mais ils en auraient peut-être profiter pour te museler. Il haussa les épaules. Sans se douter, je gage, de ce dont ils eussent raté en faisant ça.»

Pour Maxime de Rivain, il songea brièvement aux femmes sur qui ils pourraient avoir une certaine emprise, afin de la lui donner en pâture, dans le but de s’ouvrir quelques portes vers le cercle très fermé des plus solides appuis du Duc. Le souci était principalement que quelle que soit la personne qu’il pouvait bien se représenter, il aurait douté de sa fiabilité à long terme. Le pouvoir avait cette désagréable capacité à retourner facilement l’esprit des gens, une fois qu’il était obtenu, et devenir un Rivain… Si ce n’était pas comme être un Sylvrur, c’était tout de même un impressionnant bond en avant dans la hiérarchie.

Qui plus est, les femmes sur lesquelles lui-même avait une emprise quelconque se comptaient sur les doigts d’une main. Si elles s’annonçaient fidèles aux engagements qu’ils avaient conclus, cela ne voulait en aucun cas dire qu’il se sentait prêt à leur confier de pareilles responsabilités. Evidemment, Cassandre était la première femme à laquelle il avait pensé. Et c’était hors de question. Peu importassent ses raisons, il se doutait parfaitement que sa femme aurait refusé, et dans tous les cas, il voulait le plus longtemps jouer de cette relation pour conserver un total contrôle sur elle. Depuis leur mariage, leurs contacts s’étaient espacés (sa première visite depuis les noces datait de moins d’une heure à vrai dire), et s’ils correspondaient toujours, il pouvait déjà voir le zèle qu’elle mettait à conserver une place d’importance dans la vie de Morion. Si elle trouvait époux… Les choses s’annonceraient beaucoup plus compliquées. De même, si les tensions finissaient par éclater, et il était assez lucide pour se douter que ce jour ne faisait qu’approcher, peu importe quand il surviendrait, il risquait de perdre une alliée précieuse. Quant aux autres… Non décidément, il ne voyait personne. Tant pis. Ce problème n’était pas prioritaire, de toute façon. Et qui sait, Ambre découvrirait peut-être plus tard pourquoi Cassandre ne méritait, effectivement, en aucun cas de prendre un époux aussi prestigieux. Et cela n’avait rien à voir avec les erreurs passées de Morion, ou le fait qu’elle ne puisse pas voir la comtesse de Ventfroid, même en peinture.

Pour la question de l’ordre de Terresang et de l’homme en lui-même, il nota sa réticence et n’en prit pas ombrage le moins du monde. Dans son esprit, plutôt que de les aider dans leur mission, que Morion n’hésitait pas à qualifier d’idiote, c’est justement leur poids financier qui aurait permis un éventuel contrôle des actions entreprises. Même si ce contrôle devait pousser cette euh… guilde, vers la destruction. Mais tout comme le cas Montoya, ce n’était pas une urgence. Le Labret et ses conséquences apporteraient sûrement leur lot de bouleversements jusqu’en ville, et il était bon d’attendre de voir ce qui découlerait de tout ceci avant d’entreprendre quoi que ce soit. Morion considérait la conquête du plateau et sa maintenance comme une priorité absolue, ce qui n’était pas étonnant, vu les objectifs qu’il s’était fixé à ce sujet.

La suite était bien, bien plus croustillante, cela dit. Elle ne concernait ni cible potentielles, plus la façon dont ils auraient à agir, surtout Morion pour le coup, pour les définir et les embrigader. Ou peut-être simplement une façon d’être en général. Il fut d’autant plus attentif que c’était la première fois qu’elle lui adressait une critique sincère et argumentée sur ses propres codes de fonctionnement, et sur les siens, non en tant que bonne conseillère, mais en tant que femme. Un instant assez particulier, il fallait le dire. En trente ans, Morion avait soit suivi scrupuleusement les directives données par son paternel, soit, lorsqu’il avait pris la direction de la famille, fait plus ou moins ce qu’il voulait. Même si Talen et ses soeurs n’avaient jamais manqué de lui suggérer une marche à suivre plutôt qu’une autre, un comportement à adopter au profit d’un autre… Il avait toujours pris la décision finale, peu importe si cela allait contre toutes les propositions qui lui avaient été faites. Désormais il devait cependant composer de façon un peu plus subtile. Même s’il tenait à cette indépendance, il la partageait. Et Ambre avait largement l’indépendance requise à ses yeux pour qu’il tienne sérieusement compte de ses propos, et qu’il ne cherche pas à la brider. Il n’était pas dans son intérêt ni dans ses projets de faire d’elle une Ventfroid totale. Ce serait impossible, et plus contre-productif qu’autre chose.

Son pouce vint caresser la tranche de la main d’Ambre quand elle se lia à la sienne, et un sourire sans but vint un bref instant caresser ses lèvres. Il la laissa finir, calmement, remplissant son verre vide, gardant l’oeil aussi souvent que possible fixé sur ses yeux, ou ses lèvres. Un petit moment de silence plana, avant qu’il ne se décide à répondre. Ses yeux ne bougeaient pas, rivés sur ceux de son épouse. Son sourire s’élargit légèrement, après une gorgée de vin légère.

«C’est exactement pour ça que je louerai chaque jour les Dieux pour t’avoir mis sur ma route.»

Il tut la réflexion, mais avant de le voir mourir, peut-être devrait-il également remercier Sigfroi. Son rôle avait été non négligeable, quand on y songeait.

Il développa cependant son propos.

«Je ne compte pas faire de toi l’exacte réplique de nombreuses femmes décrite dans mes archives. Je tenais juste à t’exposer ce qui avait pendant mille ans constitué notre routine de vie. Néanmoins… Cela m’attriste un peu, car tu as raison sur ce point : cela ne peut décemment pas durer, alors que nous évoluons en vase clos. Je suis de toute manière contraint de sortir extrêmement souvent, et même si la plupart des nobles étrangers ne me connaissent pas, ou tous ceux qui ne fréquentent pas le palais… Eh bien cela ne saurait tarder. C’est extrêmement énervant, d’ailleurs, de devoir déroger à toutes ces années de tradition. Mais je sais également m’adapter. Quant à toi… Il se massa légèrement la tempe d’un index. Nous sommes mariés, tu portes désormais mon nom… Cela ne signifie pas que tu n’es pas libre pour autant, Ambre. Et il en va de même pour tes relations. Seules de graves circonstances devraient me mettre dans l’obligation d’intercéder auprès de l’une d’elles.»

Ménage heureux tu feras. Morion était quelqu’un d’autoritaire, c’était un fait, il pouvait même se montrer tyrannique si les circonstances l’exigeaient. Mais il voyait mal comment respecter ce précepte ancestral s’il bridait les accointances, ou plus généralement, les libertés de sa femme. Si elle était en droit d’attendre de même de sa part, il attendait bien évidemment un minimum de retours. Ce qui pouvait lui arriver le concernait quoi qu’il arrive. A la limite ses éventuels problèmes familiaux n’étaient pas de son ressort, et il appartenait uniquement à Ambre de lui faire part de ses ressentis. Mais du reste, il ne l’avait pas épousée pour dicter sa conduite ou l’enchaîner. Même par nécessité, il n’aurait jamais accepté une union pareille. La suite de son discours en revanche…

«Je n’ai pas dans l’idée de te faire choisir tes amis, ou de ne pas les fréquenter, ou que sais-je. Tu t’es fixée des objectifs terriblement ambitieux. Et il peut arriver que pour gravir un échelon capital en direction de celui-ci, de très onéreux sacrifices soient nécessaires. Cela peut parfois toucher une personne qui est chère. Ses sourcils se froncèrent, dénotant son sérieux. Je ne tolérerai pas la faiblesse. Tout du moins, je ne serai pas oisif si jamais tu faillis. J’espère cependant que la situation ne se présentera jamais. Un petit soupir lui échappa, et son visage se détendit sensiblement. Je n’ai à ton égard que l’envie de te rendre heureuse. Et je n’aurai de cesse de poursuivre cet objectif, quoi qu’il en coûte. Et plus vite nous aurons atteint nos objectifs… Plus vite nous pourrons nous relaxer, et profiter, à pleine mesure, de la vie que nous voulons, loin de tout complot. Il vida le reste de son verre. En attendant cet instant, sache que je ne compte en aucun cas brider tes actions. Epouse Ventfroid peut-être, mais cela veut aussi dire que tu es une femme libre.»

La suite des informations venait, et ayant confié ce qu’il avait à dire sur le sujet précédent, il la laissa poursuivre. Il ruminait légèrement le discours qu’il venait de tenir. A vrai dire la possibilité que l’un des futurs amis d’Ambre, ou même un des siens, devienne un obstacle à la menée de leurs projets, voilà qui le préoccupait plus qu’il ne voulait bien le laisser paraître. A son sujet le problème était facilement soluble : l’ami en question serait éliminé, point. Il n’éprouvait pas assez d’attachement avec ce qu’il restait de la race humaine pour se concentrer sur des états d’âme pareils. Il ne pouvait en revanche dire la même chose à propos d’Ambre. Depuis qu’il l’avait rencontré à l’exposition de sa famille, il était bien forcé de constater qu’elle avait grandi. C’était un fait indéniable, et d’autant plus impressionnant que cela s’était fait très rapidement. Et aujourd’hui, le siège voisinant celui de Morion à la tête des Ventfroid semblait avoir été sculpté pour elle. Cela dit… Les sentiments, voilà une chose bien imprévisible. Ses mises en gardes étaient peut-être trop peu claires, il ne savait pas. Mais l’éventualité de devoir éliminer un de leur proche pour un dessein plus grand… Il l’avait envisagé, et ne savait pas encore comment cela se ferait, ou se terminerait.

«Les Rocheclaire se contentent fort bien de laisser Cassandre comme leur seule représentante publique. La Fange a décimé leur famille en nombre, mais il en reste tout de même quelques éléments. Ils sont cependant plus proche des affaires de la peuplade. Notamment dans ce qui touche à l’alchimie, la botanique. Ils ont des parts et s’intéressent de près à ce genre de commerces et d’activités. Moi-même je ne traite quasi exclusivement qu’avec Cassandre. Elle n’est pas la tenancière de son titre, mais les messages sont toujours assidûment transmis. Il haussa légèrement les épaules. Du moment qu’ils exécutent mes ordres… Quant aux Castelmont, ils sont en effet arrivés avec la fange. Leur famille sert loyalement les Ventfroid depuis longtemps, mais ils ne sont venus que ces derniers mois. Edric de Castelmont, le chevalier commandant du domaine, est le chef de cette famille, et il a deux fils et une fille. J’ai bon espoir que sa famille puisse s’épanouir un jour à nouveau.»

Il laissa de côté le sujet de Traquemont, assez évoqué. Contacter Eadwin ne serait que peu utile. La figure quasi divinisée d’Yseult forçait un certain respect, qui devait être encore plus grand au sein de son fortin. Il serait inutile de passer par un de ses sous-fifres sans imaginer qu’elle ne serait pas immédiatement mise au courant derrière. Autant directement passer par la chef, cela leur économiserait nombre d’efforts et de soupçons, si l’on voulait traiter avec eux.

Il nota la réaction de son épouse à la mention du passage de Cassandre. La pensée l’effleura brièvement, que voir les deux femmes se rencontrer après le mariage aurait sûrement été terriblement instructif et divertissant. Dommage qu’Ambre ait été absente. Néanmoins, ne pouvant prévoir à quel point la situation aurait dégénéré - il savait fort que sa femme n’aurait pas perdu la maîtrise d’elle même, elle était en position de force absolue, mais ne pouvait garantir le même sérieux de la part de son amie - il aimait autant que les choses eussent été ainsi.

«Elle était pressée. La nouvelle semble avoir secoué l’Esplanade, avec raison je suppose. Ce n’est pas la période où les scandales sont les bienvenus. Grâce n’est pas sympathique du tout. Enfin. Elle est d’agréable compagnie, mais son utilité peut fort vite se transformer en épineux danger. Bizarrement, je suis presque certain qu’elle saura tourner, tôt ou tard, cette sombre affaire en sa faveur… Il faudra la suivre de près.»

Il observa Ambre un moment, un léger sourire flottant sur ses lèvres.

«Tu mésestimes notre nom. Je doute que, même si je gagne des points auprès du Duc, il soit assez fou pour m’accorder sa confiance gratuitement, ou suite à quelques faits d’armes ou lumières particulièrement utile. Le cerbère du Roi vit entre ses murs, et l’on a jamais vu, de mémoire d’homme, un Ventfroid déroger à ses préceptes. Il serait idiot de ne pas se méfier de nous. Néanmoins, cela signifie juste que nous allons devoir distiller patiemment notre vengeance, et redoubler d’efforts pour le satisfaire, et le conforter dans la vision qu’il aura de nous : un couple épanoui - ce qui je l’espère, sera le cas indépendamment de nos desseins - et surtout, fidèle à ses suzerains. Et ce quoi qu’il nous en coûte. Malheureusement. Nous ne sommes pas un an en arrière, ou des déchus pouvaient fuir un territoire d’où ils étaient renvoyés, pour reconstruire ailleurs. Nous n’avons qu’une seule chance.»

Il lâcha un soupir, peu enjoué à cette perspective. Il ne doutait pas qu’il en était de même pour Ambre, mais démontrer une fausse fidélité au Duc était au moins moralement coûteux à chaque fois qu’il fallait le faire, publiquement surtout. Au moins cela avait le mérite de renforcer leur volonté à chaque fois.

«… Une dernière chose. Tes espions t’ont-ils fait part, d’une quelconque manière de quelques velléités de rébellion chez des nobles, sous quelque forme que ce soit ? Et je ne parle pas de ceux dont les propos peuvent confiner à la folie. Mais d’actes ou paroles logiques et mûries, qui peuvent laisser à penser à une volonté de voir le pouvoir en place tomber.»

Talen vint débarrasser les plats restants, une fois vidés, et Morion se leva, tendant la main à son épouse.

«Allons en parler à la bulle. Je crois que je ne te l’ai encore jamais montrée.»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 3 EmptyMer 20 Juil 2016 - 16:07
Depuis quand n’avaient-ils pas échangé ainsi ? Depuis leurs fiançailles, la préparation des noces, et l’invasion de janvier, tous leurs projets avaient été mis en berne, il fallait l’admettre. S’ils n’avaient pas cessé de garder un œil sur leurs desseins – preuve en était qu’ils pouvaient, là tout de suite, parler d’informations assidûment collectées durant ce temps –, ils avaient peu pris le temps de se poser pour faire le point. Bizarrement, cette conversation, malgré tout le danger et les enjeux qu’elle supposait, fit du bien à la comtesse. Alors qu’ils parlaient, elle ne pensait plus au Labret, plus aux séances d’entraînement – témoins de l’absence prochaine de son époux –, plus aux jours qui filaient trop vite. C’était reposant, et même si une fois leur repas terminé Morion tarderait peu à revenir dans son bureau, c’était tout à fait le genre d’échange qu’elle appréciait entre eux. Sur ce point leur mariage était une réussite : ils parvenaient à converser sans blocage ou gêne.

- Eh bien, si tu veux convier la baronne von Elrich ici, je l’inviterai. Même si c’est toi qui l’accueilleras, il sera plus discret que je sois celle qui rédige la missive d’invitation. Deux femmes nobles, du même âge, qui veulent passer quelques moments ensembles, ce ne sera pas très étonnant si on la voit pénétrer chez nous, ainsi. Du moins, cela le sera moins que si on apprend que Morion de Ventfroid lui-même a convoqué une noble aux relations si disparates. Cela servirait ta réputation sombre, sûrement, qu’on te sache soulever des pantins çà et là… mais cela attirerait l’attention sur nous, dans des moments où il faut surtout être dans le bon giron ducal.

Ambre pouffa un peu suite à sa remarque ; elle l’avait cherché en le taquinant sur ses relations. Elle n’avait pas été sérieuse, et ne pensait évidemment pas que Morion briserait les préceptes d’Anür, et ceux de sa famille, avec la première venue. Elle avait confiance sur ce point – et encore heureux, si elle avait déjà des doutes à peine deux semaines après leur mariage, cela commencerait mal.
Elle sourit également pour les derniers propos sur les Rivain. Si Ambre s’était mariée à un Rivain, elle aurait été dans une position très avantageuse, mais aussi très précaire, paradoxalement. Sa liberté d’action aurait été loin d’être la même que celle qu’elle possédait avec Morion. Après, il n’était pas exclu qu’elle réussisse à pouvoir séduire un Rivain même en étant mariée… Ambre était sûre de ses charmes. Le souci était qu’elle n’en avait jamais usé à des fins vénales, à part durant son adolescence, où elle se cherchait encore. Aujourd’hui, aguicher un autre homme que son mari, en plus de ne pas lui correspondre, risquait de sérieusement entacher sa réputation, et elle n’était pas sûre de vouloir sacrifier ça. Même si Morion la laissait manipuler un autre homme à sa guise, même s’il était dans la confidence. Cependant il était peu probable qu’il soit enclin à la laisser tenter pareille chose, par le simple fait que cela supposait peut-être des attouchements avec la cible concernée. Pour les mêmes raisons, Ambre ne s’y abaisserait jamais. Faire miroiter des promesses à un autre était un jeu dangereux, et se servir de son corps comme une catin n’était tout simplement pas digne.

Morion sourit brièvement lorsqu’Ambre « s’opposa » à son point de vue. Il l’avait laissée s’exprimer, sans l’interrompre, se resservant même un verre de vin, comme si la conversation était très instructive. Les craintes d’Ambre disparurent en même temps que sa première phrase. Elle ne l’avait pas vexé, ni offusqué. La comtesse l’avait envisagé, car elle avait tout de même remis en cause les traditions et les enseignements des Ventfroid, d’une certaine manière, dans le contexte actuel de Marbrume. Cela n’était pas quelque chose que Morion appréciait entendre, certainement, surtout en considérant le zèle avec lequel il avait été élevé, fait pour s’en tenir scrupuleusement aux préceptes de leur famille. Les Ventfroid sortaient de l’ombre dans laquelle ils avaient vécu, depuis le Fléau. C’était inévitable. La survie de l’humanité dépendait des actions entreprises, de tous ceux qui auraient le courage de réagir. Ils ne pouvaient plus se retrancher derrière les sombres légendes qui entouraient leur famille et attendre que l’orage passe.

- Une femme libre… Ambre eut un sourire presque triste. Dans leur monde, la liberté, lorsqu’il s’agissait d’une femme, avait des limites précoces en comparaison de leurs équivalents masculins. Elles avaient beaucoup de devoirs : envers leur père, leur époux, leurs enfants. Cependant… Morion était un homme droit, et si l’on gagnait sa confiance, il se montrait étonnamment laxiste, contrairement à toutes ses autres relations. Ambre avait sa confiance – du moins le pensait-elle –, et il était vrai qu’elle n’avait jamais souffert d’un manque d’indépendance avec lui. Il la laissait sortir, lui raconter ses journées. Nombre d’hommes, rien qu’avec l’épisode de Joscelin, n’auraient pas quitté leur femme d’une semelle pour le reste du vin d’honneur. Morion lui portait de l’estime, elle en était consciente, et elle comptait bien ne jamais gâcher ça. Je suis libre, oui, et je prends la liberté de me consacrer à notre famille. Si je suis plus sociale que toi pour lier des amitiés, et que je prends plaisir à partager autre chose que des intentions toujours intéressées, j’ai néanmoins des priorités dans la vie. La lignée que nous fonderons restera toujours au premier plan, j’espère que tu le sais. En cela je ne crois pas diverger beaucoup des Ventfroid. Pour le reste… Ambre fronça doucement les sourcils à l’évocation des sacrifices qui seraient probablement nécessaires, et ce même parmi leurs proches. Mes – nos – projets sont ambitieux, je le sais. Ambre fronça davantage les sourcils, un peu troublée, hésitant visiblement à prononcer la suite. Sais-tu que j’ai envisagé ma propre mort pour y parvenir ? Elle avait soufflé les mots de façon presque inaudible par-dessus les craquements du feu dans l’âtre. Il y a quelques mois encore, je n’avais plus aucune attache, plus grand-chose à perdre. Mourir pour emporter Sigfroi ne me faisait ni chaud ni froid. J’étais, d’une certaine manière, plus dangereuse. Désormais… c’est différent. Elle releva le regard vers Morion, une expression avenante et un tantinet aimante sur le visage. Je ferai tout pour rester en vie. Te garder en vie toi aussi. Ce n’est pas dans la tombe que je pourrai honorer notre ruban. Alors, oui, s’il y a des amis chers à laisser mourir pour nous permettre de survivre… Ambre se massa doucement la tête, distraite. Je crois que j’aurai des scrupules, mais cela sera un mal nécessaire.

La comtesse espérait sincèrement qu’elle en aurait la force. Elle ne pouvait pas en être certaine tant qu’ils n’auraient pas vécu la chose – et elle espérait ne jamais devoir faire ce choix. Mais elle avait effectivement signé pour autre chose désormais qu’elle était une Ventfroid. Si elle accepterait mal que Morion ne contrôle sa vie, elle était cependant prête à faire des concessions. Plus encore qu’elle ne l’imaginait, en ce mois de février, même. L’avertissement d’Estrée ne deviendrait jamais aussi pertinent que dans le futur.

- « Plus vite nous aurons atteint nos objectifs, plus vite nous pourrons profiter », dis-tu. Ambre resta songeuse un instant, un peu mélancolique. Combien de temps penses-tu que tout cela durera ? Un an ? Plusieurs années ? Si nos projets s’enlisent, nous risquons de perdre toute motivation. S’ils se précipitent, ils sont susceptibles d’être mal exécutés. Cela sera compliqué de trouver le juste milieu. Je n’ai aucun doute sur la patience dont tu peux faire preuve, mais… Ambre inspira un peu. J’espère que nos enfants grandiront loin de ces problèmes politiques, et qu’ils seront terminés avant qu’ils ne puissent grandir. Ils seront trop en danger sinon, et deviendront une faiblesse bien pire que des amitiés nouées çà et là. Sacrifierais-tu ça également ?

Pour être tout à fait honnête, Ambre craignait la réponse.

Quant à ce foutu Sigfroi… Survivrait-il à la Fange, ou sa lignée finirait-elle par mourir spontanément à cause de la chute de la cité ? Devaient-ils le laisser s’épuiser à sauver l’humanité, ou le tueraient-ils avant qu’il n’ait fait tout son comptant pour ses sujets ?
Et les enfants Ventfroid... L’on pouvait se demander la pertinence de donner naissance dans un tel contexte mortel. Renoncer à son rôle de mère était un sacrifice trop grand pourtant. Ambre se voyait mal interdire Morion de la toucher tant que la tête de Sigfroi ne reposerait pas sur une pique. Elle n’avait clairement pas envie de se retirer sa vie de femme, d’épouse, et de parente. Pas pour les beaux yeux d’un despote.

Concernant les Rocheclaire et les Castelmont, Ambre se contenta d’écouter, sans trop réagir. Apprendre que les Rocheclaire entretenaient des passions dans la botanique était un fait détonnant cependant : elle garderait ça dans un coin de l’esprit, c’était à ne pas oublier. Et si Morion avait laissé aux derniers représentants des Castelmont la commande de son domaine au côté de ses sœurs, c’est qu’ils devaient être fiables. Elle ne se montra pas plus curieuse, elle aurait bien le temps de faire connaissance un jour. Quant à Grâce, la comtesse hocha doucement la tête. Elle surveillerait les Brasey, et tenterait de déterminer s’ils se fourvoyaient autrement devant les dieux.

- Tu as raison, oui. Elle soupira en réponse au crédit qu’apportait le Duc envers les Ventfroid. Il doit se méfier, assurément. Le pouvoir de Sigfroi n’a jamais été plus grand désormais que Marbrume est le seul bastion survivant. Tu es l’un des rares dont le domaine est encore debout. Il va sûrement lorgner dessus. Tu espères obtenir le Labret dans un futur proche, si toutes les entreprises réussissent. Sécuriser le Labret ouvrira la voie vers notre domaine cependant. J’ai peur qu’il ne nous laisse pas longtemps l’indépendance que nous apportent nos terres. Le Labret sera à double tranchant.

Ambre se massa une tempe, à nouveau. Toutes ces considérations, ces hypothèses, ces réflexions… cela commençait à lui faire fourmiller l’esprit.

Par la suite, Ambre se laissa gaiement conduire à la « bulle ». Elle avait haussé un sourcil à l’évocation du lieu, qui ne lui rappelait vraiment rien. Quelle zone du manoir lui avait-il encore caché ? Sur le chemin, en tous les cas, elle répondit à la dernière question du comte.

- Mmh… Ambre réfléchit, longuement. Un silence assez long s’installa, pour laisser place à une réponse finalement concise. Non. Pas de rébellion qui viendrait de notre caste en tout cas. Je suppose qu’une émeute ou une guerre civile n’est pas à exclure un jour, venant du peuple, mais les acteurs seront ainsi difficiles à mettre en lumière. Pour les nobles… je crois que nous sommes seuls, souffla la comtesse. Un nouveau silence s’installa, alors qu’ils prenaient la mesure, peut-être, de l’ambition de leurs projets. Seuls contre tous. C’était presque tragique. Il faudrait se renseigner sur les quelques représentants des Langret, peut-être Naren n’était-il pas le seul à se liguer contre Sigfroi. Sa sœur est actuellement emprisonnée pour interrogatoire. Il serait trop risqué et stupide de se rapprocher d’eux tout de suite, par contre. La trahison de Naren a été avérée. Pour les autres… eh bien, je suppose que la globale neutralité de nos confrères pourra être amenée à changer. Pour l’instant aucun ne montre des signes d’opposition au pouvoir en place, mais le temps fait parfois mûrir des fruits savoureux. Et toi ? As-tu eu vent de quelque chose ?

Enfin, une phrase prononcée un peu plus tôt par Morion avait éveillé quelque chose en elle, une idée précise qui avait germé tout au long de la suite de leur discussion. « Les contacts de peu de vertu sont particulièrement utiles. » C’était terriblement vrai, et rappela à Ambre autre chose. Avoir des contacts et de l’influence dans la noblesse, c’était bien, très bien. Mais en ces temps durs, beaucoup de nobles avaient perdu de leur pouvoir. Ils ne subsistaient que grâce à des possessions commerciales intra-muros, ou parce que le Duc voulait bien les couver. Le jour où Sigfroi décréterait qu’ils étaient un poids pour le fonctionnement de sa cité, cependant, ils n’auraient rien. Pas d’armée, pas d’hommes pour se former une défense acceptable. Oh ils avaient tous leurs fidèles, leurs domestiques, quelques poignées de vétérans qui les servaient toujours, et qui même une fois intégrés à la milice, conservaient une allégeance forte pour leur suzerain. Mais en termes de force de frappe, rien ne pouvait faire face à la milice, justement. Même Morion, dont le domaine était resté plus ou moins intact, avec ses hommes toujours sur place, n’avait pas une armée assez conséquente pour s’y opposer sérieusement. Bien évidemment, la milice aujourd’hui possédait aussi son lot de bras cassés, de conscrits et de paysans recrutés de force par manque de main d’œuvre. Les soldats de métier se mélangeaient à une masse d’incapables et les plus vétérans guerriers pouvaient s’exaspérer d’une telle baisse de niveau dans leurs rangs. Cependant, incapables ou non, paysans ou soldats, la milice restait grande. Nombreuse. Forte. Il fallait au couple Ventfroid, impérativement, avoir des contacts en son sein. Des contacts gradés, des moins gradés. Pour être au fait des actions militaires entreprises, même celles que Sigfroi voulait taire. Et ça n’était pas un Sombrebois, un Terresang, un von Elrich, ou quel noble que ce soit, qui pourrait leur apporter ça. Les nobles travaillaient de concert avec la milice, parfois en commandaient-ils certains pans selon les ordres du Duc, à l’image d’Evan ou de tous ceux qui mèneraient le Labret. Mais il fallait plus.

- J’ai une question moi aussi, après le sujet de rebelles potentiels. As-tu des contacts dans la milice ? Des personnes de confiance, des infiltrés qui peuvent nous remonter des informations ? Nous maîtrisons encore mal la milice ; c’est quelque chose à ne point délaisser pourtant. Si un coup d’état devait couver, quel qu’en soit l’instigateur, la milice y sera forcément mêlée. Le corps d’arme est également une fourmilière dans laquelle il est aisé de donner un coup… Aisé de déclencher quelque chose, peu aisé de contrôler une fois l’explosion lancée cependant. Ambre eut une pause, songeuse. Ma famille entretient de bonnes relations avec le sergent Labriolle, affilié à l’interne. C’est grâce à lui que j’ai pu participer à l’expérience début janvier, et que nous avons soulevé l’intérêt du sel. Une femme comme moi aurait eu peu de chances d’être autorisée à assister à un projet si dangereux, et si peu éthique, si Labriolle ne me l’avait pas autorisé. Bref, j’ai évité l’illégalité grâce à lui, et je pense pouvoir conserver des liens avec cet homme. Cela n’est pas suffisant, malgré tout. Même s’il est sergent, il nous faudra autre chose, Morion.
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 3 EmptyMer 20 Juil 2016 - 18:22
Morion n’était pas un homme très communicatif, d’ordinaire. Il se contentait de balancer quelques instructions, et de répondre sommairement aux questions qui lui étaient posées, réponses soulevant généralement plusieurs interrogations ensuite. Talen ne demandait que peu des comptes à son maître, en cela il jouait parfaitement son rôle d’ombre, et avec ses soeurs, leurs discussions tournaient principalement autour de la gestion du domaine, et très peu autour de la famille ou de leurs intimités respectives. C’était d’autant plus vrai pour Morion qui était plus secret là dessus que sur aucun autre sujet. Cela étant, il appréciait pleinement ce genre de discussion, lui aussi. Elles n’avaient rien de secret dans le sens où Morion n’avait pas à parler de ses ressentis les plus profonds, qu’il n’aimait de toute façon pas évoquer, mais leur couple avait d’autres buts que de partager une couche ou le simple fait de produire un héritier. Ils avaient un certain nombre d’objectifs, dont beaucoup étaient communs. Si leurs manières d’agir, de par leur nature à chacun, leurs familles, leurs habitudes, ou leurs possibilités, différaient, il était cependant essentiel qu’ils prennent leurs décision de concert. Les plus importantes, en tout cas. S’il avait pris la décision de mettre Ambre à contribution, d’une certaine manière, vis à vis du comté, il n’attendait pas son avis pour le gérer. Et il ne s’offusquerait pas qu’Ambre prenne des libertés, tant qu’il était averti ensuite. De fait, il était assez satisfait que cette discussion ait lieu. D’autant plus qu’ils ne pourraient en avoir avant un petit moment ensuite. C’était une autre forme de complicité, une complicité tout à fait bienvenue. Ils agissaient, après tout, comme un véritable couple.

«Oh, dit-il en revenant sur le sujet Elrich. Oui, tu marques un point. A vrai dire, la réputation sombre dont tu parles vient surtout du fait que peu de gens savent ce que les Ventfroid font de leur vie, quand bien même ils ne sont pas oisifs. De fait, savoir que je… comment dis-tu ? Soulève des pantins, cela me desservirait plus qu’autre chose. Même si c’est une pratique courante ici, je ne tiens pas à ce que cela soit fait au vu et au su de tous.»

En ce qui concernait Ambre elle-même… Morion la considérait juste comme capable de prendre ses propres décisions et de suivre, à ses côtés, une voie qui lui était propre. Lui-même croulait sous un nombre considérable d’obligations. Néanmoins il se réservait le droit de les remplir à sa manière, ou à la manière de sa famille - les deux se rejoignaient bien souvent - et entendait qu’Ambre fasse de même. Qu’elle ne soit ni dépendante des instructions de son mari, ni de quiconque, d’ailleurs. Cela pouvait être un fait totalement invisible, vu de l’extérieur. Après tout les mères élevaient parfois leurs enfants par pur devoir, mais sans forcément les aimer, lorsque ceux ci étaient indésirables. Ou elles s’investissaient sur ordre de leur mari dans leur nouvelle famille, simplement pour entretenir une image. Les Ventfroid, aussi discrets qu’ils soient sur ce fait, avaient toujours tiré une immense fierté de leur nom. Certains, notamment les premiers à avoir rejoint le duché, et les autres sur trois siècles de durée, en avaient largement abusé, muant cette froide fierté en sombre arrogance, indigne de tout. Mais il était bon pour ceux qui rejoignaient cette famille de tirer également fierté de ce nom. De contribuer à sa richesse, mais également d’en tirer profit.

Ses sourcils s’étaient froncés à l’évocation des intentions passées, terriblement macabres pour une femme aussi jeune. Bien que la vingtaine passée soit le signe d’une certaine maturité, et Ambre l’était même au delà de ce que l’on pouvait espérer, c’était assez étonnant de l’entendre prononcer ses mots. Même pour Morion, qui côtoyait la mort de très près.

Il leva son index, qu’il pointa en direction de sa femme, le regard mi-sérieux, mi-faussement menaçant.

«Tu peux compter sur moi là dessus, il n’y aura jamais plus l’occasion, une seule fois dans notre vie, où tu pourras avoir de telles pensées. Dussé-je les affronter au tranchant d’une lame. Il abaissa son doigt, et cita un des passages du livre d’Angus de Ventfroy, premier du nom. Si la fin des temps venait à venir, si jamais les océans s’asséchaient et les terres brûlaient, si le ciel chutait et les nuages pleuraient du sang, le dernier homme debout, l’ultime étendard, sur sa mer de cadavres, sera un Ventfroid. Si nous voulons que cela arrive un jour… Nous devrons tout faire, absolument tout, pour rester en vie. S’il faut provoquer la chute de Marbrume pour cela… J’en ferai mon affaire personnelle.»

Il attendit, pour répondre à ce qu’elle lui avait dit et annoncé, de s’être levé et d’avoir pris le chemin du cloître. S’il appréciait particulièrement ce lieu, il en restait un autre. Morion y avait parfois passé ses nuits, quand elles étaient douces, tant l’endroit lui était agréable. C’était également le lieu de retraite préféré de sa mère, ce qui expliquait peut-être la préférence de Morion pour le petit bassin entouré de végétation.

Il ne s’arrêta pas au petit carré tranquille. Il le traversa dans sa largeur, en direction de l’aile opposée, et passa sous la petite arche, qui donnait sur le jardin. Une partie de celui-ci, en tout cas, dissimulée aux regards. D’un côté les remparts et la mer, de l’autre les hautes grilles et une haie épaisse. Et au sud, d’autres murs, encore. C’était la seule partie du jardin qui était d’ailleurs totalement invisible, si l’on excluait le cloître. Et la plus fournie en végétation. Une petite haie circulaire, au fond, masquait non pas un labyrinthe, facture que les nobles appréciaient beaucoup, mais un simple chemin de terre conduisant à… une bulle. Le terme était assez bien choisi. En réalité cela tenait plus du dôme que de la bulle, mais peu importe. Une demi-sphère taillée avec soin. A l’intérieur, c’était une armature de quadrillages de bois, qui donnaient cette forme, sur laquelle avaient poussé beaucoup de plantes grimpantes. Jasmin, passiflores même, ainsi que d’autres plantes et touffes de végétation, greffée manuellement par les jardiniers. En été, l’endroit était délicieusement frais. Et la nuit, l’air était parfumé, sain, presque pur. L’on sentait à peine les effluves iodées en provenance de l’étendue aqueuse derrière. Une petite porte, également recouverte de végétation servait d’entrée, et Morion la tira vers lui. Le sol était fait de terre meuble, tassée, et de petits bancs de bois avaient été disposés près des parois. Ils n’étaient ni plantés ni fixés, ce qui permettait de les déplacer aisément. Une petite table de rotin circulaire trônait en son centre, sur laquelle était posé un petit pot de fleurs. Vide, néanmoins. Depuis que la mère de Morion était partie, plus personne n’avait osé y toucher.

Il laissa la porte vaguement entrouverte, au cas où Talen ou un autre domestique les chercherait, ce qui était assez peu probable vu l’heure, et tira un banc invitant Ambre à ses côtés. C’était un lieu réellement calme. Les bruits extérieurs étaient étouffés. La défunte Ventfroid aimait beaucoup venir ici, cultiver ses fleurs chaque jour, et y jouer quelques partitions. Elle pensait que la musique, si elle plaisait à Serus, favorisait la fertilité et donnait des plantes plus belles. Morion regrettait parfois un peu de ne pas avoir plus porté d’intérêt ou de crédit à ses petites activités purement féminines. Désormais que le calme et la sérénité étaient pour lui une activité à part entière et qu’il affectionnait particulièrement, tout comme feue sa mère, il aurait aimé partager plus de moments avec elle. Ce qui ne retirait rien au charme de ce lieu. En cette fin de février, de nombreux bourgeons étaient apparus, et donneraient d’ici quelques semaines, quelques mois, de fantastiques fleurs, aux parfums tout à fait enchanteurs.

«Je pense que tu vas beaucoup aimer cet endroit,
dit-il, un petit sourire aux lèvres. Pour te répondre… Je ne sais combien de temps nous mettrons à mettre à bas Sigfroi. Peut-être quelques mois, peut-être des années. Je fais mon possible pour que cela arrive rapidement, mais nous ne serons, en aucun cas, les déclencheurs du meilleur moyen de faire tomber un prétendu souverain : la rébellion. L’assassinat pur et simple est à exclure pour l’instant… Mais si nous jouons habilement, nous pourrons précipiter les choses. Il fronça les sourcils, réfléchissant activement à une question des plus délicates. Pour nos enfants… Je préférerais les voir grandir loin de moi, loin de nous, que d’en arriver à l’éventualité d’un pareil sacrifice. Ils seront ma chair, mon sang. La future génération de notre lignée. Difficile d’anticiper les choses mais… Je n’ai pas la moindre envie d’y penser actuellement.»

Il lâcha un soupir contrit. A vrai dire, la question le taraudait réellement. Si jamais, comme il l’avait dit plus tôt, le dernier échelon à franchir pour arriver à leurs fins était un sacrifice extrêmement coûteux, eh bien… Il préférait partir du principe que ses enfants ne seraient pas inclus dans les sacrifices éventuels. Sur l’urgence peut-être qu’il en serait capable. C’était même tout à fait probable. En tout cas il pouvait certifier que son père n’aurait pas hésité une seule seconde. Mais lui-même était différent. Plus subtil, plus fourbe, plus tortueux. Il préférait penser qu’il trouverait un moyen de contourner cela. Sacrifier des amis n’était rien pour lui. Il ne partageait qu’une infime partie de sa vie avec eux. Ses propres enfants en revanche… Cela signifierait également la destruction de son mariage, cela il en était certain. Il finit par chasser ces sombres réflexions d’un geste nonchalant de la tête, et tourna le visage vers son épouse, quittant l’immobilité du pot de fleur à quelques pas d’eux. Sa main vint chercher la sienne. Pour la tenir, simplement. Un pouce vint en casser la surface, goûtant au relief de ses phalanges fines, glissant sur la peau lisse.

«Si Sigfroi en vient à se mêler activement de mes affaires, cela voudra bien dire une chose : j’aurai pris trop d’importance à ses yeux pour qu’il me laisse continuer à faire cavalier seul. Néanmoins, cette importance est également à double tranchant pour lui. De nombreux hommes, femmes, soldats, ouvriers, seront à mes ordres, d’ici là, ou sous ma garde. Il aura du mal à justifier une démission, ou un débarras pur et simple d’un des derniers hommes réellement puissant du Morguestanc. Bien que l’autorité qui est la sienne soit absolue, il n’est pas stupide au point de mésestimer les mouvements d’une foule mécontente. Cela va être difficile de manoeuvrer en ce sens, mais c’est possible. Je n’ai juste aucun droit à l’erreur.»

Il esquissa néanmoins un sourire rassurant. Qui s’évapora en même temps que la réponse à ses dernières questions arrivaient.

«Eh bien… Eh bien non. Je finirai tôt ou tard par découvrir qui est coupable de pensées rebelles et tenterai ainsi de les rallier à notre cause - après tout je pense que nous avons sur eux une avance considérable, s’ils existent - mais effectivement, nous avons l’air terriblement seuls, pour l’instant. Ce qui est, je trouve, passablement étonnant au vu du contexte. La neutralité générale n’est je pense qu’un masque pour éviter les ennuis, mais ces imbéciles devraient en ce cas se revendiquer soutien et non adjuvants sans opinion, cela a tendance, par essence, à soulever des questions méfiantes. En revanche, oui, il sera possible de les faire changer d’avis. Sans même qu’ils en soient vraiment conscients, s’il le faut. A condition de trouver les bonnes personnes, je suppose.»

La milice… Un point très intéressant. Ambre ne manquait pas d’esprit. Lui-même y avait songé à plusieurs reprises, mais c’était un milieu difficile à infiltrer. Pas dans les bas étages, évidemment, depuis la fange, il y avait tellement de tout qu’un espion ne serait jamais aussi bien dissimuler que dans le quartier des miliciens. Néanmoins, les officiers étaient pour la plupart de fervents serviteurs du Duc, qui lui devaient, à lui ou au Bailli, leur place, et probablement des revenus parfaitement honorables. Les faire changer de bord… Voilà qui serait intéressant à essayer, mais il ne fallait pas compter sur une réussite, d’après Morion.

«Outrepasser quelques lois et mener une révolution… des choses très différentes. Cependant, il sera en effet bon de nouer des contacts et des correspondances avec ce sergent dont tu me parles. Peut-être sera-t-il enclin à vous parler de ses pensées, s’il est proche de vous. J’ai aussi quelques contacts dans la milice, de simples soldats pour la plupart, qui ont fait escale au domaine quelques semaines et qui se sont ensuite rendus à Marbrume pour y tenter leur chance. Je prends régulièrement de leurs nouvelles. Ceux-là ne me trahiront pas, je détiens leur famille. Je suis plus prudent avec ceux qui n’en ont pas. Mais ils ne sont malheureusement pas assez pour compenser le poids d’une armée de plus de quatre ou cinq mille hommes. Je pense que le Labret sera une excellente occasion de nouer quelques contacts avec des sous-officiers, officiers, ou simples conscrits. J’y resterai peut-être plus longtemps que nécessaire. Il fit une petite pause, observant le mouvement instinctif de ses doigts sur la main de sa femme, puis releva la tête. Pour faire simple, la milice est un vrai maelström à l’heure actuelle. Chacun tente de faire de son mieux, mais ce n’est pas assez. Beaucoup de conflits internes sont nés depuis l’entrée des femmes dans le corps armé, et il est difficile de changer des siècles de mentalité en seulement quelques mois… Même si je doute qu’elles soient toutes inutiles. Quant aux hommes… Eh bien il semble que la proportion de soldats de métier soit largement inférieure à celle des incompétents notoires qui ont tout de même envie de sauver la ville et de contribuer à sa défense. Peut-être que la Milice Extérieure est la plus facile à atteindre… Il réfléchit un moment. Après tout, la pression qu’ils subissent est phénoménale, et le taux de perte chez eux est… effrayant. Quant à l’intérieure… Il faut que je me renseigne plus avant auprès de contacts… euh… Eh bien ce sont des criminels notoires. Mais ces hommes là connaissent les bonnes personnes pour ne pas être bannies, nul doute que nous aurons droit à quelques noms d’hommes particulièrement vénaux. Talen se chargera de cela. Tu pourras également lui faire passer d’autres instructions, si jamais tu as des affaires à mener dans l’ombre ici bas.»

Il se laissa aller contre le dossier du banc, sa tirade finie, réfléchissant un peu aléatoirement. Le travail qu’ils s’infligeaient tous deux était proprement monstrueux. Cependant, Morion découvrait une nouvelle façon de travailler, en association étroite avec une personne de confiance, mais surtout, à qui il accordait un grand poids suggestif et décisionnel. Cassandre par exemple, si elle avait une certaine force de proposition, n’avait en aucun droit la possibilité de prendre une décision, en dehors des fois où Morion lui laissait carte blanche. Avec Ambre, c’était bien autre chose. Il partageait vraiment sa vie. C’était tout nouveau, et assez agréable, il devait bien l’avouer.
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