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| [Terminé] Une famille noble s'installe au Labret (PV Alix et Cassandra) | |
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Bérénice MonetPaysanne
| Sujet: Re: [Terminé] Une famille noble s'installe au Labret (PV Alix et Cassandra) Jeu 3 Oct 2019 - 20:18 | | | En fait, elle n’avait plus d’amies. Cela la frappa si bien qu’elle resta un long moment songeuse. La Vicomtesse de Beauharnais était bien une enfant, car il fallait bien l’être pour oser ce genre de proposition un brin étrange, comme si l’amitié pouvait être aussi simple qu’une demande formulée. Mais après tout, la spontanéité de cette petite fille était d’une authenticité rafraichissante. Elle prit la mesure avec tous ces garnements laissés à l’abandon au milieu des mendiants de Marbrume et qui avaient par miracle réchappé à leur longue fuite. C’était là malgré tout une chose qu’ils avaient de commun dans l’adversité : ils trouvaient toujours le moyen de conserver une certaine joie de vivre que la maturité s’empressait d’étouffer. Bérénice s’étonna de la verbe d’une si jeune fille, car elle parlait malgré tout bien, et paraissait faire étalage d’une assez bonne capacité d’adaptation.
« Demoiselle Alix, je peux pas vous dire « tu », parce que je n’y arriverai plus à vous dire « vous » lorsque vous y serez plus grande. Et avoir votre servante qui vous dit « tu » quand on y est une belle jeune femme ben comme y faut, c’y est pas très courtois et je voudrais pas vous y embarrasser devant vos belles amies. Mais ça ne m’y empêche pas de voir votre poupée, ni de faire les petites choses que les amis font. »
Parce que Bérénice gérait assez mal les tentatives d’approche ou d’affection qu’on pouvait lui témoigner, de par cette méfiance qui la guettait mais aussi parce que la vie l’avait sevré de tout attachement, elle se réfugiait sous une forme de distance. Cependant on ne pouvait réduire cette réflexion à un simple réflexe de défense, car il était une autre chose immuable dans cette vie aussi ; elles auraient beau prendre leur repas ensemble, l’une embrasserait une destinée noble tandis que l’autre se contenterait de ses desseins roturiers. Il ne fallait guère y voir la moindre jalousie, seulement un fait établi, une réalité que la jeune Bérénice avait ancrée bien avant de franchir le seuil du domaine. Et si la sympathie pouvait s’accentuer au gré des sentiments, ce fait ne changerait jamais. Les véritables amis pouvaient s’offrir le luxe de se disputer de temps à autre, de dépasser les bornes avant de simplement s’excuser, la fierté parfois mise à mal, mais cela ne serait pas vrai dans ce cas présent. Leur rang ne les autorisait pas à sortir des petites cases fixes que la bienséance imposait. De cela, Bérénice en gardait une certaine rigidité.
Ce fossé, tangible, s’illustrait encore du fait que Bérénice avait besoin de connaître les mets préférés de la jeune enfant. Cela pour le bien de son travail. Nul doute que la petite Louise ne ferait pas pareil usage de la même information.
« Moi et Alfred on mange de la bouillie d’avoine. Parce que c’est ce qu’on y mangeait chez moi avant. Aussi, c’est ce que mes neveux mangeaient quand ils avaient l’âge d’Alfred. Alors, bon, ils se portaient ben… » Ah bien sûr la maternité, ça l’avait prise un peu comme ça. La vie aussi faisait que l’on tombait enceinte, et puis, très simplement, c’était tout. Elle avait appris sur le tas à être maman, et pour dire la vérité, elle ne savait pas réellement ce que ça mangeait un bébé de un an. Juste, elle savait ce qu’elle savait parce qu’elle avait vu ou entendu des choses. Cela comblait un peu les lacunes. Du reste, on découvrait. Alors il y avait peut-être une certaine gêne encore à sous-entendre que sa débrouillardise était un peu gauche et hasardeuse. Au moins, se dit-elle en jetant un petit coup d’œil au Comte, elle n’était pas la seule.
Bérénice n’avait pas peur de se retrouver seule. A cet instant c’était encore une habitude, une norme. Elle ne pouvait dire leur faire complètement confiance, car les hommes étaient capables de beaucoup de choses, souvent du pire. C’était peut-être, au final, la considération qu’ils lui portaient tous, à elle et à son petit bout, qui l’effrayait le plus. Elle ne savait pas si elle s’y habituerait. En ces temps difficiles pourtant, il ne suffisait pas seulement de pouvoir compter sur soi-même. Elle sembla néanmoins moyennement satisfaite à l’idée de devoir retourner à Marbrume ou bien ailleurs. Non pas que la ville lui manquait, elle revivait plutôt à présent qu’elle s’en trouvait loin. Cela lui rappelait d’autres mauvais souvenirs. Pour autant, le fait de pouvoir y retourner avec un statut bien différent de celui de réfugiée ne lui déplaisait pas. Et il y avait sans doute ce presque émerveillement qui agitait doucement son regard, rêveur, de ceux qui s’imaginent découvrir la ville, comme un regard neuf jeté par un touriste naïf sur une capitale dont il connaît tout juste le nom. L’esplanade n’était-elle pas une sorte de fantasme qui murissait dans les âmes fragiles de ceux qui se rêvent une autre vie, quelques dorures sur les façades des palais, une noble extravagance. Malgré tout il lui semblait que son bon seigneur lui prêtait des qualités d’échange et de partage qu’elle ne possédait pas. Il n’était pas encore temps cependant de révéler le moindre de ses défauts.
Il y avait néanmoins un point sur lequel elle aurait aimé revenir.
« Alfred ne va pas dehors sans moi. »
C’était sans appel. S’il lui prenait parfois l’envie de le négliger, et s’il lui arrivait de l’ignorer, ses sens restaient cependant en éveil dès lors qu’il était question de le conduire vers l’extérieur. Si fait elle s’était toujours arrangée pour qu’il ne puisse pas sortir sans elle. Mais c’était que l’enfant allait en grandissant et qu’il parviendrait tôt ou tard à ouvrir les portes, quoique celles barricadées du Domaine Pessan lui offrirait une difficulté appréciable. Ce n’était pas la seule raison, et celle qui prévalait à cet instant ne relevait pas d’une étrangeté sinon d’un instinct maternel tout naturel : elle n’était pas prête non plus à confier son enfant à ces gens qu’elle voyait pour la première ou deuxième fois. C’était une confiance qui avait besoin de s’instaurer et qui ne pouvait être brusquée. Les choses avaient besoin de se faire naturellement pour Bérénice, et il ne fallait point trop lui forcer la main au risque de la retrancher dans son mutisme.
« Y peut pas courir ni se cacher, alors je préfère qu’il y reste tout près, au cas où. Je l’y surveillerai, moi, quand je ferai mon jardin. »
L’intervention de Guillaume se perdit dans ses pensées. Ainsi donc son bébé était plus vif que le Comte au même âge. Cela l’étonna sans doute sans qu’elle n’en dise mot. Le Comte était Comte après tout. Il lui était en réalité difficile d’imaginer son fils dans 20 ou 30 ans, il marchait à peine sur ses deux jambes, et avec la conjoncture actuelle, il fallait reconnaître que le pessimisme de la demoiselle n’aidait certes pas à se projeter l’image de son fils en homme. Aussi, il était tout de même adorable ce petit oisillon. L’imaginer prendre son envol était encore effrayant. Elle ne voulait pas songer non plus, non, au type d’homme qu’il pourrait devenir. Mais elle avorta bien vite cette pensée, car l’heure était à présent à la religion.
Elle écouta la bénédiction et pria en même temps avec une faveur double. Bien sûr c’était important de remercier la Trinité pour ses bienfaits. Ils avaient besoin de leur grâce, de leur soutien. Sa Foi en cet instant n’avait jamais été aussi forte.
Et maintenant qu’elle se trouvait sur cette chaise, son fils sur les genoux, et qu’il n’y avait plus d’occupation vraiment sinon celle de devoir se maintenir immobile, de devoir manger, avec eux, parmi eux, alors Bérénice se trouvait bien inconfortable. Et elle baissait la tête mais la relevait tout aussi vite, et son regard glissait sur les visages sans s’y arrêter vraiment, ou peu, à moins de se perdre dans des détails : une mèche tombante derrière une oreille, une main égarée contre le bois de la table. Elle s’éparpillait souvent dans ses gestes, ses regards. Elle demeurait calme pourtant. Il lui fallait du temps. Pour apprendre de nouveau à vivre.
Elle se saisit de la cuillère en bois et entreprit de nourrir son fils à présent que la bénédiction était dite. Cette simple occupation parut la canaliser. Oui, elle avait besoin d’activité, que ses mains toujours soient occupées. Cela l’aidait à mettre de l’ordre dans ses pensées.
Le Comte portait un regard aimant sur sa fille, et il lui parut un bref moment moins intimidant. Cela elle le vit. En ce sens qu’il lui arrivait de porter le même sur son enfant. Sa pudeur toutefois, son caractère, sa passivité évitaient soigneusement de trop dévoiler ses sentiments. Bien sûr il y avait la colère parfois qui éclatait au grand jour, mais sûrement car elle naissait d’une pulsion incontrôlée, comme l’effroi. Le reste lui était intrinsèquement dissimulé.
L’enfant s’impatienta gentiment alors et la bouche close, gigotant, la mère finit par le reposer au sol, le tenant d’une main tandis qu’il s’essayait pauvrement à maintenir un équilibre. Pour autant la jeune femme n’attaqua pas son repas. On eut alors peut-être un léger aperçu de l’une de ces raisons qui justifiaient son allure chétive : elle n’en prenait pas le temps. Non pas seulement uniquement à cause du garçon, tout était prétexte à s’occuper autrement. Inconsciemment.
« Demoiselle Alix, vous êtes ben curieuse. Cette histoire n’est pas très intéressante, ni très jolie. » Oui sa vie avait été marquée très jeune par le décès de son frère, le chagrin, la rudesse d’une vie, une adolescence éphémère qui avait passé trop vite. Les joies étaient ténues, et si elle chérissait les bons souvenirs, ils étaient parfois difficiles à conter tant ils tenaient d’un tout, d’un rien. Avoir un enfant n’effaçait pas les moments passés, et ne lui avait pas rendu la vie plus belle. Enfin, un rictus espiègle enjoliva ses lèvres. « Peut-être que si vous y finissez votre assiette, je vous raconterai comment je rendais ma mère chèvre. » Oui la discrète Bérénice avait d’abord été une enfant polissonne, courroucée. Ce disant elle avait lâché son fils qui était parti de trois pas avant de retomber mollement sur son séant. Les coudes sur la table, et les joues entre ses mains, Bérénice dévisagea la demoiselle, un petit air énigmatique du haut de son petit nez retroussé. Il lui arrivait parfois de s'abandonner à une humeur narquoise, et sous son œil coquin, elle n'était plus alors cette jeune femme effacée et craintive. Elle brillait parfois de son espièglerie. « Ou peut-être pas. Ca vous donnerait des idées, et monsieur le Comte m’en voudrait. »
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| | | Alix de BeauharnaisVicomtesse
| Sujet: Re: [Terminé] Une famille noble s'installe au Labret (PV Alix et Cassandra) Mer 23 Oct 2019 - 17:48 | | | Son père savait tant de choses.
L'enfant était toujours admirative de voir Aymeric s'occuper de tant de choses, de tant de détails. Jamais elle n'avait imaginé qu'un domaine pouvait être si compliqué à gérer ; mais Alix était toute prête à l'aider du mieux qu'elle pouvait. Les Dieux seuls savaient comme il était bon et généreux, et elle ferma les yeux tandis qu'il priait. Les mains jointes, les coudes bien campés sur la table, elle remercia intérieurement les Trois, pour tout ce qu'elle avait, maintenant. La paix de l'esprit, pour son crime pardonné aux yeux des hommes. La paix et la chaleur d'un foyer, d'un vrai foyer, dont on ne pourrait pas aisément la jeter dehors. La paix et le bonheur d'être aimée par un vrai père, sans être coupée de ses anciens amis de Marbrume.
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, son géniteur avait fini sa prière. Elle se mit à manger avec appétit, souriant à tous, attentive aux propos de Bérénice. L'enfant eut un sentiment de déception, alors que la servante déniait son intention de lui dire "tu", même si c'était compréhensible.
- "Vous savez, Bérénice, je n'aurais jamais honte de vous. Moi, je ne suis qu'une... la vie n'est pas toujours facile. Mais je ne vous abandonnerai pas. Promis."
Bâtarde n'était pas un mot agréable. Un mot qu'elle avait appris à haïr, tout comme elle avait parfois haït l'idée que ses parents aient pu l'abandonner. Mais papa ne l'avait pas fait, ce n'était pas de sa faute, juste celle de sa mère. Tant pis si la servante la méprisait ; c'était la simple vérité, et il était important de l'accepter, même si on ne le voulait pas, au plus profond de ses entrailles. Alix avait également besoin de forger rapidement un lien avec tous les adultes qui lui étaient proches. S'ils l'aimaient, s'ils la connaissaient bien, alors elle n'aurait peut-être pas froid, ni faim, si sa chance tournait, et qu'elle perdait tout.
La distraction offerte par le petit Alfred était bienvenue à ses besoins d'écorchée vive, et elle lui offrit un large sourire. Il mangeait de la bouillie, bien sûr, comme les autres petits de maman-nourrice - nul doute que la servante était une maman dévouée à son enfançon.
- "Bien sûr, il restera toujours avec vous dehors. C'est qu'il faut faire attention, les plus petits ne savent rien de ce qui s'y passe. On ne sait pas ce qui peut rôder."
Elle-même avait peur d'aller dehors. Les fangeux la terrifiaient, et, en bonne fille de la ville, elle n'avait aucune idée de comment se comporter exactement dans la nature. Sa dernière expérience au-dehors, moins d'un an auparavant, restait encore vive dans sa mémoire, et les cris du malheureux banni hantaient parfois, aujourd'hui encore, ses cauchemars. A nouveau, elle secoua la tête, chassant les mauvais souvenirs ; et commença à manger. C'était l'instant présent qu'il fallait chérir, et toutes ces petites choses, comme les bêtises de Bérénice quand elle était enfant, qui embellissait la vie et la rendait agréable. En famille.
En famille, c'était là le mot le plus important. |
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