Une baronne pour Sombrebois [PV Rosen, Hector, Alaric] (terminé)

Sombrebois, le trois septembre 1166

Le grand jour était enfin arrivé ! Le soleil, après quelques jours d'absence, avait pu déployer ses rayons dès les premières heures de la journée à travers l'immensité d'un ciel azur dégagé et l'on s'était dit : c'est aujourd'hui ! Au petit déjeuner, Hector avait donné ses consignes à ses hommes et ses femmes pour que la cérémonie puisse commencer à onze heures tapantes ! On aurait ainsi le temps de déjeuner à midi et de festoyer tout l'après-midi et le soir... après quoi, évidemment, les jeunes mariés s'offriraient d'autres sortes de réjouissances... sous les bons auspices des Trois, pour changer !

Aussi, pendant qu'Hector revêtait le costume qu'il s'était fait faire chez une couturière de Marbrume, Pénélope était en train de s'occuper de Rosen… Elle avait donné ses ordres (pour une fois !) à la demi-douzaine de cuisiniers qui avait été dépêchée pour sustenter les mariés et leurs invités durant toute la journée. Mais reprenons : le costume du baron était d'un magnifique velours vert (couleur de Sombrebois évidemment) et sa taille était parfaite. Des froufrous blancs aux manches, des boutons d'argent et divers enjolivures et contrepoints lui donnaient une noblesse rare. Hector portait aussi un grand chapeau à plumes de cygne et des bottes de cuir noir, brillantes comme une nuit étoilée. L'activité physique de ces derniers mois lui avait en outre fait perdre quelques uns de ses kilos superflues si bien que son corps respirait la force et la vitalité. Sa blessure à l'épaule n'était qu'un mauvais et lointain souvenir et il se sentait capable d'affronter n'importe quel adversaire avec sa brillante hache de guerre qu'il portait fièrement à sa large ceinture de cuir noir, comme gage de sa vaillance et comme héritage de ses valeurs ancestrales.

En passant devant la cuisine, il sentit les envoûtantes odeurs de civet de lapin, de soupe aux légumes, de tourtes au sanglier, de poulets rôtis et de ragoûts de cochon... Il y en aurait pour tous les goûts ! Le baron saliva un peu et, accompagné de son cher Florian, son témoin évidemment, et des trois enfants, descendit la route principale de Sombrebois pour se rendre au Temple du bourg où les invités formaient une haie d'honneur menant jusqu'au grand saule sacré, devant lequel se tenait une Marie-Ange magnifique : chevelure tressée de fil d'or et robe pourpre parfaitement ajustée.

- Bonjour, Marie-Ange, vous êtes magnifique ! Complimenta le baron.

La prêtresse sourit à son seigneur et regarda en direction du château, d'où la future baronne arrivait à son tour. Elles avaient longtemps été ennemies... mais, depuis la guérison de la prêtresse, tout était rentré dans l'ordre. Certes elles n'étaient pas les meilleurs amies de Sombrebois, mais elles se parlaient, se respectaient et ne se cherchaient plus noise !

Le petit jardin du Temple était rempli par les invités du mariage. Il s'agissait, en fait, de toute la population de Sombrebois... à l'exception d'une huitaine de gardes qui continuait de garder les murs du bourg. Ah si, il y avait même quelques étrangers : le groupe de ménestrels qui jouerait sa musique durant toute cette journée ! Mais c'était tout. Hector avait perdu la plupart de ses amis de Marbrume. Il avait à peine envoyé cinq ou six invitations à ses derniers amis de la capitale. Mais l'idée de célébrer ce mariage avec les siens plutôt qu'avec des gens de la capitale lui allait finalement très bien. Dans le même esprit, son mariage serait consigné dans les archives de Sombrebois et... ce serait tout. Les Trois et ses ouailles approuveraient ce mariage et c'est tout ce qui importait !

Souriant, la barbe parfaitement taillée, il regarda vers le nord pour voir sa belle arriver. D'une beauté parfaite, elle était entourée de quelques gens du château dont son ami Alaric et Pénélope, qui s'était visiblement très bien occupée d'elle et qui, maintenant, allait pouvoir profiter de la belle cérémonie et même du bon repas !

- Mademoiselle Rosen ! fit Hector avec un enthousiasme non feint.

C'était la dernière fois qu'il pouvait l'appeler ainsi et il était plus heureux que jamais, plus sûr que jamais qu'il avait fait le bon choix. La beauté et la sensibilité de Rosen apparaissaient flagrantes à travers l'aura qui l'enveloppait, en ce jour unique. Sa robe était magnifique et mystérieuse, sa coiffure belle, travaillée et sauvage à la fois. Elle était à l'extérieur comme elle était à l'intérieur et Hector l'aimait ainsi. Tout juste remarqua-t-il une certaine anxiété dans le regard émeraude de sa futur femme. Il lui prit la main, la baisa avec révérence et se redressa pour lui murmurer quelques mots de réconfort à l'oreille. Elle qui était si sûre d'elle, si fière de sa passion, si imperméable au regard des autres semblait aujourd'hui sur la réserve. C'était sans doute pour une toute autre raison que celle de se trouver au centre des attentions...

La prêtresse prit la parole :

- Rosen, Hector François de Sombrebois, je vous souhaite la bienvenue sous l'arbre sacré de Sombrebois...

La représentante des Trois avait particulièrement travaillé le discours de mariage de ses terres adoptives. Il était, comme le reste de la cérémonie, légèrement différent de celui pratiqué traditionnellement à Marbrume, là où elle avait officié précédemment.

- Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, bienvenue auprès de nos deux fiancés. Les Trois nous ont réunis aujourd'hui pour célébrer leur union...

Le discours continua ainsi quelques minutes. Hector, tendrement, avait pris la main de Rosen. Il se sentait bien ici, sous le grand saule sacré, auprès de son aimée et de ses amis et des habitants de ses terres. Il faillit basculer dans une agréable rêverie... mais les mots de Marie-Ange se firent plus personnels et le ramenèrent à la réalité.

- ...et c'est ainsi qu'Hector retourna vivre à Sombrebois. Il mit tout en oeuvre pour permettre à la vie de reprendre sur ces terres dévastées que nous foulons aujourd'hui. Chacun à notre tour nous avons pu profiter de l'asile que constitue aujourd'hui Sombrebois... Et nous y sommes restés. Quel plus beau symbole que ce mariage - le premier qui plus est depuis la réhabilitation - pour montrer la viabilité de ces terres ? Pour montrer que l'humanité n'abandonne pas ? Pour montrer qu'ici se trouvent ceux qui ont répondu aux Trois ? Ici se trouvent ceux dont le courage et la volonté seront les flammes inextinguibles du renouveau. Ici se trouvent ceux qui feront tout pour que l'humanité survive au fléau.

Cette aparté sur le contexte particulier de cette union émue quelques uns des invités... ainsi que le baron lui-même. Il sourit à Marie-Ange qui reprit le fil de ses mots.

- Rosen et Hector, merci d'être avec nous et de nous montrer, à votre façon, le chemin. Avec la bénédiction des Trois, je vous invite à présent à prendre la parole pour exprimer vos vœux.

Le baron se tourna vers Rosen. Il était, malgré l'atmosphère heureuse qui l'entourait, légèrement nerveux. Il avait même un peu de mal à cacher cette nervosité au moment de prendre la parole.
- Merci Marie-Ange. Ma très chère Rosen, je... je ne saurais exprimer simplement toutes les émotions qui m'habitent en ce moment... et je ne voudrais me lancer devant tous nos amis dans une longue introspection qui s’avérerait sans doute aussi ennuyeuse qu'incompréhensible et, sans doute, extraordinairement gênante ! Alors laissez-moi seulement vous dire que je suis présentement le plus heureux des hommes. Sur le point de m'unir à vous, la femme que mon cœur désire plus que toute autre, la femme que mon esprit admire plus que toute autre, la femme qui hante mes rêves plus que toute autre, je sens une grande responsabilité m'envahir.

Il prit une longue inspiration. Était-ce ce magnifique jour de septembre ? l'air du bosquet ? la magie de l'arbre sacré ? Il ne mentait pas.

- Je sens que vous et moi sommes sur le point de nous engager dans l'aventure la plus extraordinaire qu'il m'ait été donné de vivre - et les Dieux savent que j'en ai vécu quelques unes pas piquées des hannetons ! Je me sens habité par une formidable envie d'avancer ; sur tous les plans : reconstruire Sombrebois avec vous, en faire un lieu de vie heureux et sûr, accueillir de nouveaux habitants... Et vous accueillir, vous, vraiment, pleinement, dans ma famille, ma famille dont les représentants vivent encore quelque part - plus ici, certes, mais au moins dans mon cœur - ma famille dont j'étais jusqu'à ce jour, le dernier représentant et qui s'enrichit aujourd'hui, donc, de votre noble personne... notre famille, donc, qui s'enrichira bientôt - puisse les Trois satisfairent nos prières - de nouveaux membres. Sombrebois achève grâce à vous, aujourd'hui, donc, sa renaissance. Sombrebois entre à présent en enfance. C'est une terre jeune, pleine de vie et d'espoir, une terre qui ne demande qu'à grandir.

Il prit les mains de Rosen dans les siennes.

- Je vous aime Rosen... et je sais que vous êtes la seule avec qui je puis ainsi m'épanouir, croire en l'avenir et avoir tant de projets. Je souhaite que votre vie soit aussi heureuse que la mienne l'est aujourd'hui, en votre présence. Rosen... voulez-vous être ma femme ?

- Oui... Je le veux, dit-elle doucement.

Hector sourit malgré le temps qu'elle avait mis pour lui répondre. Mais après tout, n'était-ce pas mieux ainsi ? Il sentait qu'elle avait vraiment réfléchi à sa décision. Que ce "oui" n'était pas un "oui" de complaisance ou d'euphorie ou un arrangement. Elle avait sans doute pesé le pour et le contre, réfléchi à toutes les implications de cette réponse - Hector avait-il réfléchi autant ?! - et sa décision était finalement, pour Hector, la preuve que sa proposition était sensée et viable ; et son amour partagé.

La prêtresse de Sombrebois conclut la cérémonie par la déclaration officielle de mariage et les deux tourtereaux purent échanger leurs alliances, s'offrir un baiser plein d'émotion, puis Marie-Ange vint nouer leurs poignets de deux jolis rubans, un vert et un pourpre. Hector sourit à sa... femme.

- Rosen, ça y est... vous êtes ma femme... Rosen de Sombrebois ! Quelle... incroyable... mais belle... situation !

Il prit sa femme dans ses bras et, sous les acclamations des invités, l'embrassa une seconde fois. Et de leurs lèvres jointes, des caresses de leurs langues, le baron put sentir une sorte de malaise... Ce baiser était très différents des baisers qu'ils pouvaient échanger dans l'intimité.

- Ne vous en faîtes pas, Rosen, tout se passera bien... Je suis avec vous, pour toujours, lui murmura-t-il à l'oreille.

Puis il se tourna vers son peuple et, d'une voix forte, déclara :

- Mes chers amis, veuillez, je vous en prie, nous suivre jusqu'au château. Pénélope et sa brigade nous ont préparé un fabuleux repas qu'il me tarde de partager avec vous ! Alors allons-y... Et musique maestro !

La dernière phrase, évidemment adressée au chef de file des troubadours, fut immédiatement suivi par de joyeuses notes de musique et les premiers "boum boum" des tambours ! Le baron prit une longue inspiration, une bonne bouffée de cet air frais et chaud à la fois. Il serra fort - mais pas trop ! - la main de sa femme dans la sienne.

- Quelle magnifique journée, ma Rosen !

Il posa sa main libre sur la hanche de la belle blonde et la fit tourner un peu au son de l'orchestre. Elle lui sembla légère et douce comme un bouquet de fleurs de coton... Ses cheveux auraient mérités d'être détachés pour voler au vent... mais, à vrai dire, elle était aussi belle ainsi, son cou gracieux dénudé, offert à la fougue de ses baisers ardents !

Les gens se mirent à parler, à danser - pour certains - , les enfants à sautiller. L'ambiance était bon enfant et la vue des tables installées devant le château ne fit qu'embellir encore l'ambiance de fête. Les musiciens se positionnèrent devant la porte du château et le baron invita tout un chacun à se servir, à faire comme chez lui. Florian accourra pour offrir à son cousin et sa femme deux belles coupes de la meilleur bouteille de leur cave et leur souhaita une longue et belle vie d'amour. Les jeunes mariés trinquèrent ensemble et avec Florian une deuxième fois. Ce dernier s'écarta alors et les autres sombreboisiens arrivèrent à tour de rôle pour présenter leurs gentils vœux au baron et à la baronne de ces terres. Hector les remerciait tous chaleureusement, en trinquant ou en tapotant leur épaule de la main - celle qui était nouée avec celle de Rosen puisque l'autre tenait le précieux nectar pourpre !

C'est ainsi que continuait cette formidable journée dans la formidable petite bourgade forestière !

- Vers quel mets voulez-vous que nous nous dirigions, ma douce ?

Alaric applaudissait en rythme avec les habitants de Sombrebois. Tous célébraient le mariage d’Hector et de Rosen. Une ambiance festive battait dans les cœurs de chacun d’eux, à l’unisson avec les maîtres des lieux. Quoique la blonde lui semblât moins heureuse qu’il ne l’aurait cru. Le soldat n’y prêtait pas trop attention : il était normal d’être également inquiet un jour pareil. Surtout pour Rosen et ce qu’elle lui avait confié un mois plus tôt… Finalement, elle devait avoir trouvé sa place au sein de la place fortifiée.

Il n’en était pas certain, étant donné qu’elle ne lui avait presque plus adressé la parole depuis leur dernière discussion en tête à tête. Était-elle vraiment vexée qu’il ait refusé d’être son témoin ? Il secoua la tête et embrassa Hilde dans les cheveux. À côté de lui, elle n’avait rien manqué de la cérémonie. Il lui avait fait part de son inquiétude au sujet de Rosen. La rousse lui avait conseillé de ne pas s’inquiéter, que la baronne finirait par passer au-dessus de cet affront. Ça n’avait pas l’air d’être le cas. Et puis, on ne pouvait pas dire que les deux dames s’entendaient à merveille, alors pas sûr que son conseil soit très utile.

Alaric glissa ses doigts entre ceux de sa compagne et s’avança vers le couple célébré. Il remarqua que Rosen évitait soigneusement leurs regards et il fronça les sourcils. Par les Trois ! Ne pouvait-elle laisser sa rancune de côté, en particulier un jour comme aujourd’hui ? Il guida Hilde vers le baron et tous deux le félicitèrent. Le soldat lui serra amicalement la main et posa une main sur son épaule, tout sourire.

- Félicitations, Hector. Je suis heureux pour vous.

Et il était sincère. Rosen le voyait-elle ? Il se tourna ensuite vers elle et lui souhaita tous ses vœux de bonheur. Il obtint deux verres de vin de la part de Florian, en passa un à Hilde puis fit tinter le sien contre celui de Rosen, ainsi obligée de lever les yeux sur lui.

- À la tienne Rosen. Enterrons la hache de guerre, veux-tu ?

Tandis que les époux se servaient à manger, Alaric posa son verre sur le buffet et proposa du gibier caramélisé à Hilde, un plat qu’elle raffolait. Il discuta un peu à ses côtés avec les autres habitants du bourg. Il espérait bien profiter de cette belle journée.

Lorsqu'Alaric vint lui présenter ses félicitations, le baron le sourit avec bienveillance.
- Merci cher Alaric, je suis heureux de vous compter parmi les habitants de mes terres. Vous êtes quelqu'un de bien.

Il eut le même genre de mots pour sa bûcheronne, amicaux et sincères. Il écouta ensuite le petit échange entre l'archer et sa femme, constatant qu'il devait y avoir eu bisbille entre les deux.

Au buffet, la situation et les mots de sa femme le firent rire. Cela n'allait en effet pas être très pratique, ainsi liés, de faire des actions aussi simple que de manger mais...
- Peu importe, ma douce, j'aime sentir votre poignet contre le mien et votre main dans la mienne... Les contrainte que cela nous impose sont bien amusante, ce jour. Bon, je ne vous garantis pas que je resterais ainsi une semaine ! mais pour l'heure, tout va bien !

Des chaises avait été apportées par les cuisiniers qui avaient fini leur office. Pendant que chacun discutait, mangeait et buvait autour du buffet apéritif, ils les avaient installé tout autour des six tables qui formaient un rectangle devant le château. La première table était celle des mariés et des habitants du château. Les suivantes étaient pour les habitants du bourg, les cuisiniers et, lorsqu'Hector leur en donnerait la possibilité, les musiciens. Mais pour l'heure, le baron appréciait la bonne chair et, encore, la musique des troubadours. A vrai dire, il ne pensait pas à leur proposer de se sustenter.

- Passons à table, mes chers amis ! Cria Florian en coupant ainsi de multiples conversation.

Le baron et sa femme se postèrent en tête de tablée et, une fois chacun devant une chaise, s'installèrent en faisant signe à leurs invités de faire de même. Le repas commença alors, copieux, goûtu et bien arrosé ! Les dernières bouteilles de vin de la cave étaient posées sur la table. Hector avait été alarmé par cette nouvelle mais... on ne se marie qu'une fois, n'est-ce pas ? (ou presque) Et, donc, il avait décidé que cette fête serait celle qui verrait la fin des réserves de vin de Sombrebois.

Rosen prit le couteau et Hector la fourchette et ils coupèrent la bonne viande de coq comme un seul homme. C'était périlleux mais par bonheur, ils ne se tâchèrent pas dans l'opération !

- Finalement, nous pourrions peut-être tenir la semaine ! s'amusa Hector en posant sa main libre sur la joue de Rosen pour l'embrasser avec joie.

Et de nouveau Hector fut surpris par la sensation qu'il éprouvait au contact des lèvres de sa femme. Il la regarda d'un air inquiet, se rendant compte qu'elle n'avait presque rien mangé depuis le début du repas.

- Ça ne va pas Rosen ? Que se passe-t-il ?!

Il se leva une seconde pour faire signe au musicien d'arrêter de jouer... et de se mettre à table. On n'entendit alors plus que l'heureux brouhaha des conversations autour de la table. Hector se pencha alors vers son épouse pour écouter sa réponse.

Hilde se pencha de même vers Alaric :
- Qui va gagner les jeux, tu crois ?

Elle faisait référence aux trois jeux traditionnels organisés lors des mariages à Sombrebois. Chacun placé sous l'auspice d'un des Dieux, ils égayaient les après-midi de noces et donnaient bonne fortune à ceux les ayants gagnés.
Il y avait celui d'Anür, le jeu du bouquet. Le témoin du marié devait offrir un bouquet de fleur aux époux. Mais avant de le montrer, chacun des invités devait parier sur le nombre de pétales du bouquet. Une fois le bouquet apporté, les mariés devaient défaire les pétales une à une, chacun à leur tour, en comptant les pétales. Le vainqueur était celui qui avait donné le nombre le plus proche du nombre de pétales compté par les époux.
Pour celui de Rikni, le témoin de la mariée devait penser à un objet visible depuis sa position. Il le nommait aux oreilles des mariés. Ensuite, chaque invité avait le droit de poser une question (à laquelle le témoin ne pouvait répondre que par oui ou par non) et faire une proposition. Evidemment, le premier à trouver l'objet gagnait ce jeu.
Pour celui de Serus, enfin, le prêtre ou la prêtresse qui officiait devait cacher dans la forêt des bois de cerf (marqués de quelques mots de sa main) et la première personne lui rapportant ces bois emportait la victoire. Autant vous dire qu'étant donné les circonstances, Marie-Ange avait caché les bois dans le bourg plutôt qu'en forêt, dans l'une des nombreuses maisons en ruine. Pour ce jeu là, les mariés pouvaient participer... et même, la plupart du temps, les invités laissaient gagner les époux... C'était souvent l'occasion pour ceux-ci d'aller batifoler dans les bois. Mais aujourd'hui, la tradition serait-elle respectée ?

Avant les jeux, et comme les plats avaient été dévorés, les cuisiniers apportèrent les desserts, principalement des tartes aux fruits rouges et quelques biscuits au miel...

- Ces biscuits sont délicieux ! Mais ils collent énormément ! Fit Hector à Rosen.

- Cette tarte est délicieuse ! Mais attention à ne pas te tâcher ! Fit Hilde à Alaric.

Et ce fut drôle de voir comment cette remarque, qui se voulait, au départ, simplement préventive, en lança une seconde, beaucoup plus coquine. Hilde prit une groseille entre son pouce et son index et l'écrasa sur la joue de son amoureux.

- Oups, j'ai été maladroite ! Fit-elle avant de déposer un baiser sur cette joue, sur cette tâche rouge, léchant discrètement la peau de l'archer pour qu'elle retrouve sa couleur naturelle.

- Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, votre attention s'il vous plait ! Les jeux maritaux vont commencer ! Pour ceux qui ne connaîtraient pas ces charmantes coutumes sombreboisiennes, laissez-moi vous les narrer en quelques mots ! Commença Florian d'un air solennel.

Il expliqua ensuite - bien mieux que je le fis précédemment - les trois jeux, puis tendit un papier à Marie-Ange, afin qu'elle note le nombre de pétales que chacun imaginait, pendant qu'il quittait la table pour aller constituer un bouquet de fleurs pour les mariés. Chacun y alla de son nombre.

- 45 ! fit Pénélope avec enthousiasme.
- 20, fit Rodron sans enthousiasme.
- 7 ! fit Mérédith toute heureuse.
- 15, fit Nadia timidement.
- 1000 ! s'exclama Samuel, intrépide.

Hector et Rosen, évidemment, ne pouvait participer à cette épreuve et l'on se tourna vers un autre couple pour entendre leurs réponses.
- 69, fit Hilde avec innocence avant d'ajouter, et toi Al', combien tu dis ?

« J’ignorais que nous étions en guerre… Tu m’en vois sincèrement peinée. »

Alaric leva les yeux au ciel et la regarda s’éloigner en compagnie de son époux. Oh, et puis merde ! Si Rosen n’est pas capable de mettre sa fierté de côté, que pouvait-il y faire ? Grommelant, il s’installa à côté de Hilde, et vida son vin coupé d’eau – il avait décidé qu’il n’abuserait pas, au cas où – et attendit que les plats soient tous servis.

Il se détendit un peu, lorsque la rousse lui adressa la parole. Il réfléchit quelques minutes puis secoua la tête. Il n’avait aucune idée de l’issue de ces fameux jeux. En fait, c’était la première fois qu’il y assistait et ne savait pas trop à quoi s’attendre. Ils en discutèrent ensemble, proposant des noms, avançant leurs favoris, tandis qu’ils mangeaient les délicieux mets amenés les uns à la suite des autres.

Lorsque vinrent les desserts, Alaric jeta son dévolu sur une tarte aux fruits rouges qui lui semblait légère. Il n’avait pas envie de se sentir trop lourd et préférait garder toutes ses capacités. Alors qu’il se servait, Hilde le mit en garde. Il la dévisagea, l’air faussement vexé. On aurait cru une mère avec son enfant. Mais devant son sourire coquin, il comprit rapidement que la rousse avait d’autres idées en têtes. Il ne broncha pas lorsqu’elle tâcha sa joue, mais profita de la sensation de ses lèvres contre sa peau.

- Mademoiselle, vous êtes bien entreprenante ce jour, lui murmura-t-il.

Il s’apprêtait à l’embrasser lorsque Florian annonça le début des jeux. Alaric mémorisa les consignes et réfléchit à la bonne réponse. Souvent, les fleurs étaient constituées de multiples pétales que l’on ne pouvait voir, dissimulés par d’autres. Il pensait donner un nombre plus élevé que ses concurrents.

- 69, fit Hilde avec innocence avant d'ajouter, et toi Al', combien tu dis ?

Il l’observa, mais cette fois, il ne décela aucune once de malice sur son visage. Aussi étonnant que cela puisse paraître, Hilde avait choisi ce nombre par pur hasard. Un sourire taquin sur les lèvres, il se pencha vers elle, posa une main sur sa cuisse et lui souffla.

- Je pense que c’est une bonne idée.

Il appuya son regard et ne donna aucun nombre.

- Des fraises... ma foi... peut-être Pénélope en a-t-elle ? Pénélope ? Avez-vous des fraises ? Fit naïvement Hector.

La cuisinière rougit... comme une fraise, voyant en cette demande la confirmation du diagnostique qu'elle avait imaginé à la vue des hauts-le-cœur de la belle blonde.

- Si, bien sûr, quelques unes. Rodron en a trouvé dans les bois l'autre jour. Je vais les chercher.

Et la plus ancienne amie d'Hector se leva et partit en direction du château. Pendant ce temps, Hector regarda, soucieux, sa femme.

- Vous n'avez vraiment pas l'air dans votre assiette... buvez peut-être de l'eau... ce sera plus... doux que le vin. Il y a encore un peu de temps à tenir ! Euphémisme. Le baron embrassa doucement sa femme sur la joue. Ce serait une sacrée mauvaise idée de tomber malade ce jour là !

Florian revint enfin de sa petite balade champêtre. Il portait dans ses mains un grand bouquet de fleurs des champs. Il le tendit à Rosen en lui souhaitant "Beaucoup de bonheur, d'amour et de pétales !" Et en effet, le trublion de Sombrebois s'était amusé à ramasser bon nombre de pâquerettes et de boutons d'or qui augmentaient énormément le nombre de pétales. Les mariés passèrent quatre ou cinq bonnes minutes à comptes les... cent-quarante-trois pétales du bouquet ! Ce fut un dénommé Michel Lapierre, un garde du bourg, qui obtint la victoire : il avait annoncé cent-cinquante pétales. Tout le monde l'applaudit de bon cœur, heureux de voir le brave homme, célibataire qui plus est, dans les bonnes grâces d'Anür.

Pénélope revint à ce moment là, rougissante, prenant pour elle ces applaudissements nourris, avant de comprendre sa méprise.
- Tenez, Rosen ! fit-elle en lui tendant une demi-douzaine de fraises des bois bien mûres, Et oui, je serais heureuse de mieux vous connaître... et que vous me connaissiez un peu mieux. Je suis au service d'Hector depuis qu'il est arrivé à Marbrume. Je me suis occupée de sa petite Mérédith et de son manoir rue des aiglons. Puis je l'ai rejoint ici quelque temps après que les travaux de rénovations aient été finis. Avant tout ça, j'étais déjà préceptrice... mais du côté de Piana. Pour un petit seigneur. J'ai fui la fange, comme beaucoup, jusqu'à Marbrume. Que puis-je vous dire d'autre ? Mon père était un prêtre. Un érudit. C'est lui qui m'a tout appris. Ma mère était belle... et blonde, tout comme vous. J'ai quatre frères et sœurs. Par chance, tous ont survécu. Ils habitent Marbrume et je corresponds beaucoup avec eux. Seuls mes parents ont été... pris par la fange. Je puis vous révéler un petit secret : j'aime beaucoup les fraises, moi aussi !

La préceptrice et cuisinière laissa alors la paroles à la nouvelle baronne de Sombrebois. Non loin d'elles, Alaric semblait s'amuser de la drôle de réponse de la jeune femme : la main du chasseur, sur sa cuisse, fit rougir la bûcheronne.
- Pourquoi dis-tu ça ? demanda-t-elle, naïve.

Evidemment, elle n'avait pas l'érudition sexuelle d'un Sombrebois ni même, visiblement, d'un ancien milicien...

Quelques instants plus tard, la seconde épreuve du jour fut annoncée. Il s'agissait d'une simple devinette. Deviner l'objet présent autour de la table. C'était au témoin de la mariée, donc Pénélope de choisir l'objet en question. Elle regarda sur la table, il y avait beaucoup de plats, de couverts, quelques effets personnels, mais rien qui ne retint vraiment son attention. Elle posa son regard un peu plus loin, donc, vers le château, les écuries, le bourg... et c'est au niveau d'une maison en reconstruction qu'elle vit un objet qui l'intéressait. Elle sourit, glissa à l'oreille d'Hector et Rosen le nom de cet objet très utile aux travaux et annonça à Florian que le jeu pouvait commencer.

- Alors nous allons commencer ! Je propose que nous tournions dans le sens inverse des aiguilles d'une horloge. Après Pénélope donc... Rodron, tu dois poser une question et faire une proposition...
- L'objet est-il sur la table ?
- Non, répondit Pénélope.
- Est-ce que c'est la charrette, là, devant le château ?
- Non.
- A toi, Nadia.
- L'objet est en bois ?
- ... mmh. En partie.
- Oh ! La flèche, là-bas !
- Non, ma chérie !

Et les questions continuèrent. Elles apprirent à tout le monde que l'objet était dans le fatras d'une des maisons en reconstruction, que c'était un petit outil (de la taille d'un avant-bras environ) fort utile pour ces travaux justement. On fit tout le tour de la table jusqu'à Alaric et Hilde, assis aux côtés de Florian.

- Et vous, vils petits cachottiers, vos questions ? demanda le sémillant damoiseaux.

Il rit face à l’incompréhension de la rousse.

- Je t’expliquerai plus tard, murmura-t-il.

Il embrassa sa chevelure rougeoyante puis se cala sur sa chaise, reprenant une distance respectable entre eux deux. De toute façon, la seconde épreuve commençait et cette fois, Alaric était bien décidé à participer. Il écouta les consignes et essaya de suivre le regard de Pénélope, détentrice de la solution. Déjà, il avait ses premières idées, mais ne perdit pas une miette des autres participants. Se frottant le menton, pensif, il réfléchissait et passait en revue les différents objets que la cuisinière aurait pu repérer. Un outil de la taille d’un avant bras ? Plusieurs solutions demeuraient possibles à ce stade de l’énigme.

- Est- ce que ça coupe ? demanda le soldat après concertation avec Hilde.
- Non !
- Hm…
- Un marteau ? lui souffla Hilde.

Une réponse qu’il jugea appropriée et qu’il répéta.

- Oui !

Pénélope leur désigna à tous l’objet en question. La tablée félicita le jeune couple. On leur servit du vin, qu’Alaric buvait soit à petites gorgées soit qu’il refilait à la rousse, déjà bien joyeuse en ce début des festivités. Tout le bourg semblait d’une excellente humeur, excepté la mariée. Le soldat avait cependant décidé de ne plus insister auprès d’elle et n’y prêta plus attention. Il préférait passer du bon temps en compagnie des personnes qui l’appréciaient. Il avait hâte que la troisième et dernière épreuve des jeux commence.

Les jeux du mariage remportaient un franc succès. Alaric et Hilde venaient de gagner la deuxième manche et ils fêtaient cela dignement en partageant un bon verre de vin - l'une des dernières bouteilles sinon la dernière de Sombrebois. Mais leur esprit était bien loin de ces basses considérations matérielles. Pénélope et Rosen, elles, avaient partagé des fraises et la mariée semblait ravie d'avoir là une personne aimable avec qui échanger. Hector regardait sa femme non sans admiration. Les rayons du soleil faisait briller sa chevelure comme s'il s'était agit de fils d'or. Florian le sortit de ses songes en annonçant le troisième jeu. Pour cela, il demanda à chacun de se lever et expliqua que les bois de cerf que Marie-Ange avait cachés n'étaient pas au delà de la palissade du bourg.

- Voyons si les mariés peuvent battre la populace de Sombrebois ! s'amusa-t-il.

Il leva une main en l'air puis reprit la parole :
- Tout le monde est-il prêt ? Trois, deux, un, cherchez !

Hector, à grands pas, entraîna Rosen vers les écuries. C'était sa première idée et les premières idées sont souvent les bonnes, n'est-ce pas ?

- Je suis sûr qu'ils sont là ! Lança-t-il à sa femme, plein d'enthousiasme.

Spoiler:

Mais son enthousiasme fut de courte durée. Il avait beau tourner et retourner les bottes de pailles, il n'y avait ici aucun bois d'animal. Il pesta légèrement avant de se tourner vers sa femme. Leur présence ici, seuls, lui rappelait un autre moment où ils s'étaient trouvé ici, tous deux...

- Nous avons perdu pas mal de temps, ici, j'en suis désolé... mais... que diriez vous de... Il posa sa main libre sur la hanche de son épouse... d'y perdre encore un peu plus de temps...

Il embrassa Rosen tendrement et écarta très lentement ses lèvres de celles, si douces et chaudes et soyeuses, de sa femme. Il n'entendait plus les cris de fête, les bruits des courses, les jurons des participants. Il n'y avait qu'elle et lui, que cette écurie et que ces lits de pailles qui comptaient pour le baron en cet instant. Il se souvenait de la peau claire de Rosen, frissonnante au contact de la paille moelleuse et de ses caresses enflammées.

Alors, quoi ? A quel jeu la nouvelle baronne de Sombrebois allait-elle jouer ? Croyez-vous que son choix était évident ?


Hilde, elle, avait mené son cher Alaric dans le temple du bourg Sombrebois. Pour elle, il était évident que Marie-Ange avait caché le symbole de Serus dans sa "seconde maison". Elle fouilla entre les quelques bancs, et vit une grande caisse de bois dans un coin qui, malgré son aspect légèrement poussiéreux, intrigua la bûcheronne. Elle s'empressa de la rejoindre, l'ouvrit, et...

Spoiler:

- Tadam ! S'exclama la bûcheronne en oubliant dans quel lieu solennel elle se trouvait.

Et montra son "trophée" à son amoureux avant d'ajouter :

- Tu crois qu'ça va nous porter bonheur ? Qu'on va... Oups... elle commençait à aller trop loin dans ses réflexions, dans ses envies... Qu'on va trouver du bon gibier tous ces prochains jours ?

Elle rougit un peu en s'approchant de l'archer. Qu'avait-il en tête, lui, en ce moment précis, dans l'obscurité du petit temple champêtre ?