(Terminé) [Mission event] Pupille de Marbrume (ft. Desmond)

La prêtresse comprend le message et part aussitôt chercher la fillette, la mettant en sécurité dans mon dos. Le souci c’est que Mélanie, toujours aussi courageuse indique à tous que l’homme présent ici est celui qu’elle a vu et bien sûr ce dernier se défends, mais heureusement plutôt mal et surtout il s’approche de nous.

Bien sûr, je ne vais pas reculer devant cet épave aux oreilles décollées, ni m’écarter car ce serait rendre la sœur et la petite fille à sa portée. J’applique à la règle mes propres règles de vie en cas de danger et je m’avance, nos deux corps étant à trente centimètres l’un de l’autre, l’empêchant ainsi d’aller plus loin.
Comme je m’en doutais, je le domine d’une bonne tête et je lui dis en souriant :

Tu comptes aller où mon gars ?

Je lui mets ensuite ma main sur l’épaule de manière très familière, l’empêchant ainsi de dégainer facilement son épée, puis, je m’adresse à son chef :

Il semble qu’il y ait un problème avec ce brave milicien, acceptez-vous que je l’interroge un peu ? Je serais très doux, je vous le promets.

Je vois le coutilier hésiter un peu, mais mon rang, le fait que j’ai, il y a peu, arrêter deux sectaires sans effusion de sang, sans compter le fais que je le vouvoie, ce qui est très rare pour une personne du peuple, le met suffisamment en confiance pour qu’il me laisse continuer, car après tout, nous faisons tous les deux parties de la milice. Il hoche donc la tête et indique à l’homme tout près de moi :

Allez Martin, ce n’est qu’un mauvais moment à passer, réponds au chevalier et nous pourrons tous allez boire un verre.

Je vois le milicien perdre un peu plus pied et dire à son supérieur :

Jean, tu ne vas pas me laisser aux mains de cette brute, qui sait ce qu’il est capable de faire et …

Je lui appuie gentiment sur l’épaule, l’interrompant et manquant de peu de le mettre à genoux et je lui dis :

Qui sait en effet ? Je pense que l’homme qui souhaite amener des fangeux dans le port, pour qu’ils
puissent nous attaquer et tuer tout le monde, serait une cible toute désigné.

Je vois le soldat blêmir d’un coup et dire avec difficulté :

Qui vous a dit cela ? C’est un mensonge !

Je lui réponds, le regardant droit dans les yeux :

La prêtresse qui est derrière moi est ta seule planche vers le salut, moi que tu sois coupable ou innocent peu m’importe, le seul fait que cette possibilité existe va te faire passer chez le bourreau. Il va te torturer pendant des jours entiers et je vais l’aider volontiers dans sa tâche, on m’a dit qu’il avait perdu toute sa famille dans le chaudron et que sa spécialité était justement les membres des Purificateurs.

J’appuie encore plus sur son épaule, le mettant cette fois-ci à genoux, ce qui n’est guère difficile tellement ses jambes tremblent et je lui annonce tout bas à l'oreille d’un ton dénué de toute pitié :

Il ne te reste qu’une seule chance, c’est de prier les Trois pour ton pardon et de tout dire, sinon, ton âme sera définitivement, quant à ton corps, je te laisse imaginer.

Desmond de Rochemont :

Tentative d'intimidation (CHAR) :
Charisme : 10
Bonus octroyé pour la tentative :
Bonus octroyé pour les compétences : +1 intimidation / +1 Autorité / +1 Physique
Malus appliqué : -2 parce que milice + coutilier présent + pas de preuve
Total : 11

Pour réussir : Desmond doit faire 11 et moins ;
Pour échouer : Desmond doit faire 12 et plus ;

Résultat : 13 (échec)

Explication : Malgré les tentatives, l'absence de preuve concrète est favorable au milicien qui parvient à articuler son innocence, néanmoins le fait de l'avoir soupçonné lui fait perdre en confiance vis à vis de son coutilier qui l'a abandonné, il n'aidera nullement et fera remonter l'information sur le fait d'avoir été malmené et menacé.

/!\ Une coutillerie est très soudée, un coutillier n'abandonnerait aucunement un de ses hommes comme ça. Attention également, même si un noble est supérieur à un simple soldat, un chevalier vis à vis d'un coutilier la nuance devient plus subtile, ils sont en collaboration, surtout dans le cadre ou un chevalier est rattaché à la milice

Pupille de Marbrume

Le silence perdure pour un temps, Desmond dominant de toute sa hauteur l'homme d'arme qu'il maintient à genoux. La vérité semble sur le point d'éclater lorsque le coutilier s'interpose, les mains vissées sur sa ceinture en gonflant la poitrine. Son air arrangeant a disparu, ce qui n'augure rien de bon.

- Que vous interrogiez mes hommes est une chose, sire, grince-t-il. Mais votre titre ne vous donne pas le droit de les traiter en criminels sans autre support que les récits d'une gamine. Soyons sérieux.

Le mis en cause semble trop heureux de se redresser, époussetant son épaulette en prenant une mine offensée. Edwige pince ses lèvres en caressant la nuque de Mélanie, qui n'a pas cessé de trembler. Elle ne peut envisager de la laisser entre les mains de cette unité si le potentiel assassin n'est pas écarté, preuve ou non.

- Une enquête doit être menée, s'exprime-t-elle en reculant d'un pas. Cette enfant a été témoin à la fois d'un crime et d'un complot, elle est victime d'une cabale suffisamment sévère pour que ses poursuivants s'en prennent physiquement à une prêtresse des Trois. Si les ennemis de Marbrume craignent autant que son témoignage soit entendu, peut-être devriez-vous y accorder un peu plus d'importance.

Sa voix est plus inégale qu'elle l'aurait souhaité, Edwige ne s'opposant habituellement jamais aux figures d'autorité. Pour une fois, son intime conviction lui dicte de résister, pour le bien d'une innocente qui ne peut se défendre. Rikni enseigne qu'il existe un temps pour la paix, et un temps pour se battre. Aujourd'hui, elle doit se battre. Qu'elle ne puisse devenir mère ne l'empêchera pas d'être une bonne grande sœur.

- S'il vous faut douter, je vous demande d'appliquer jusqu'au bout le principe de précaution, enchaîne-t-elle en gardant la tête haute. Il serait imprudent de laisser cette jeune fille au contact de l'homme qu'elle reconnaît comme le principal suspect d'une affaire de trahison.

- C'est un affront à ma personne! grogne-t-il justement. Celle-ci est à peine plus âgée que cette morveuse!

Le milicien lui assène un regard dur qui effrite son courage. La clergesse pourrait subir les conséquences de cette insurrection plus tard, mais pour le moment, elle sait que sa fonction la protègera. Les Trois savent que ses intentions sont bonnes. La sécurité de Mélanie est importante, certes, mais cette histoire concerne tous les habitants qui respirent encore dans ce royaume. Il n'y a plus qu'à espérer que les soldats puissent dépasser sa condition de jeune femme et porter crédit à sa requête.

Edwige Rutherford :

Jet de persuasion (CHAR):
Point de caractéristique : 10
Compétence : Princesse en détresse +1 (je le met parce que ça me semble pouvoir s'y associer)
Bonus autre ? : +1 utilisation du titre de prêtresse / +1 douceur et calme malgré la situation de crise
Malus ? : -1 relation d'une coutillerie /
Total : 12

Pour réussir, ton personnage doit donc faire 12 et moins,
Pour échouer, ton personnage doit donc faire 13 et plus,

Résultat : 4 (réussite)

Explication : Le coutilier reste un long moment dubitatif, trop sans doute, mais il fini par hocher la tête en direction de la prêtresse. Il vient mettre une tape dans l'épaule du milicien de son groupe et lui explique que de toute façon cela ne sera guère à long à prouver qu'il est innocent. Il propose de laisser la gamine au temple -sous la surveille de Edwige- durant quelques jours et d'envoyer un autre coutilier l'interroger par la suite. Une enquête sera mené par la seconde coutillerie et le contre rendu sera ensuite transmis au chevalier et à Edwige.

Il précisera également qu'à ses yeux, il ne faut pas tomber dans les extrêmes et que rien ne dit que la victime ne peut pas être également bourreau, que la manipulation est partout et que ce n'est pas en doutant de tous que la situation s'améliorera.

Il ajoutera pour conclure que en tant que représente du culte, et Desmond en tant que chevalier, ils doivent également faire preuve de plus de discrétion, mais surtout, de ne pas condamner le premier qui passe.

Il embarquera par la suite son homme, qui ne pourra ni enquêter, ni s'approcher du temple durant le temps de l'enquête.

Loupé ! Je sens pourtant l’homme sur le point de craquer mais son idiot de chef intervient et aussitôt le milicien que j’interrogeai prends de l’assurance et prend même une mine d’innocent injustement accusé ! J’ai envie de le casser en deux et c’est sans doute ce que j’aurais fait, mais les paroles d’Edwige me calment et je me contente de le lâcher.

Bien sûr, il en profite pour s’en prendre à la pauvre prêtresse, qui ne souhaite que protéger Mélanie, et j’espère vraiment que le coutilier va se réveiller. Au bout d’une longue réflexion, il prend enfin la parole pour dire à son subordonné :

Cela ne sert à rien d’insister Martin, l’enquête va prouver fatalement que tu es innocent.

Puis il nous informe en hochant la tête vers la sœur :

Vous pouvez la garder au Temple, mais vous en serez responsable, un autre de mes collègues passera pour l’interroger. Cette enquête sera menée par lui et vous en aurez une copie du résultat. Je suis toutefois déçu par votre comportement à tous les deux, Marbrume a suffisamment d’ennemis pour ne pas tomber dans la paranoïa. Même si la manipulation est partout, il faut avoir confiance en les membres de la Milice, nous sommes là pour vous protégez.

Il me regarde ensuite droit dans les yeux pour me dire :

Vous devez faire preuve de plus de discrétion dans vos attaques et ne pas vous en prendre aux gens justes à cause d’une petite gamine des rues.

Lorsque je l’entends me parler ainsi, comme si nous étions du même rang parce que je travaille à la milice, je suis prodigieusement agacé. J’ai connu des types comme lui à l’armé, qui, parce qu’il dirigeait quelques hommes, pensais être mon égal. Et à l’époque comme maintenant, je me retiens, nous allons devoir travailler ensemble, ce qui n’empêchera si j’ai raison, de lui rappeler pendant toute sa vie, à quel point il était dans le faux à ce moment même. Je lui indique donc d’un ton neutre :

Je comprends votre point de vue et je m’y plierais. J’ai bien pris en compte vos remarques et je ne ferais plus ce genre d'erreur à l'avenir.

C’est bien sûr un mensonge éhonté, mais je ne veux pas envenimer la situation, je continue ensuite en me tournant vers le garde :

Désolé pour le petit interrogatoire de tout à l’heure, on n’est jamais trop prudent avec ces fils de chienne de cultistes. J’espère que tu ne voudras pas trop, et pour montrer à quel point je m’en veux de t’avoir accusé à tort, à notre prochaine rencontre, je t’offre un verre !

Je n’ajoute pas où je vais lui mettre le verre, car ce sera très douloureux pour lui. En tout cas, j’espère avoir ainsi limiter la casse et je vois le chef de la petite troupe récupérer ses miliciens et partir, nous laissons ainsi seul. Je peux enfin annoncer à Edwige :

Je vais vous accompagner au temple afin d’éviter toute mauvaise rencontre. Je vais vous envoyez dès demain Milas qui me préviendra dès que le nouveau Coutelier arrivera, plus vite nous accumulons les indices pour arrêter le coupable, plus vite je pourrais faire ce sourire suffisant de ce fameux Martin !

Pupille de Marbrume

Les épaules de la prêtresse retombent lorsqu'enfin le chef de file accepte d'approcher le sujet avec prudence, non sans les sermonner pour leur jugement hâtif et leurs accusations qui frôlent le délit d'infamie. Le chevalier se met à brosser les miliciens dans le sens du poil, et Edwige repose la fillette au sol. Ses manches trempées d'urine entachent quelque peu l'image du clergé, aussi décide-t-elle se nouer ses mains dans son dos avant de s'incliner.

- Je vous remercie pour cette décision, murmure-t-elle humblement. Pardonnez si mes mots ont pu manquer de tact. Je pense que l'attaque de ce matin, couplée à la perspective d'un danger plus global, ont influencé mes paroles.

Elle n'a pas besoin d'arranger la vérité. L'urgence et le stress de la situation l'ont largement fait sortir de sa zone de confort. Pour autant, sa réaction était-elle si déraisonnable? Mélanie semble très sûre d'elle, ses révélations pourraient bien sauver la vie de milliers de gens. Marbrume est le dernier bastion connu de l'humanité, il serait terrible que tout disparaisse parce qu'une prêtresse, un jour, n'a pas osé protester. Sa réputation pourrait en être salie, mais c'est un faible prix à payer pour éviter un potentiel massacre.

Les hommes d'armes finissent par quitter la boutique, non sans de derniers regards méfiants de la part de l'accusé. S'il est effectivement impliqué, il doit se douter que son temps est compté. Le plus effrayant pour la jeune femme, c'est qu'il est sans doute loin, très loin, d'être le seul. En ce contexte, la proposition d'escorte offerte par Desmond est une bouffée d'air frais.

- Merci, souffle la brune en massant sa nuque. Je commence vraiment à me demander dans quoi nous mettons les pieds... Hah, excusez-moi, j'imagine que cela doit ressembler à un jour ordinaire pour vous.

Le danger, les prises d'otage, les lames qui brillent à la lumière... depuis que le chevalier est entré dans sa vie, son quotidien s'est grandement pimenté. Edwige n'est pas certaine que cette vie soit faîte pour elle, lui préférant le calme et la paix du temple. Ce n'est sans doute pas aussi exaltant, mais il y a aussi une forme de charme à la vie monastique. Et puis, cela permet à des personnes isolées comme la petite Mélanie de trouver du soutien.

La guérisseuse pose sa main sur l'épaule de l'enfant. Celle-ci paraît un peu honteuse de son accident maintenant que le danger est passé, à moitié cachée derrière la robe de la prêtresse. Il va falloir prendre soin d'elle, la rassurer, et plus que tout... lui donner un bain.

- Beaucoup d'émotions pour une journée, mh? lui adresse-t-elle avec un sourire navré. Tu dormiras dans un vrai lit ce soir.

Son visage rond s'illumine autant qu'il lui soit possible malgré les circonstances. Les enfants sont aisément distraits, mais ce traumatisme pourrait bien laisser des marques. Une fois cette histoire tirée au clair, peut-être trouvera-t-elle sa voie au sein des ordres de la Trinité, comme Edwige le fit au même âge.

Lentement, la religieuse prend le chemin du temple, avec la petite main de Mélanie dans la sienne. Elle échange un regard prudent avec Desmond, puis contemple la fillette à ses côtés. Il y a quelque chose d'étrange, pour une créature si légère, de voir un tel poids de responsabilité sur les épaules.

Edwidge aussi fais son mea culpa, mais je ne sais pas si elle ment comme une arracheuse de dents où si elle est sincère. Le problème avec les hommes et les femmes du Temple, c’est qu’ils ont tout le temps l’air sincère, pourtant ce n’est pas humainement possible d’être aussi parfais.

Je souris d’ailleurs à sa remarque sur un jour ordinaire, c’est vrai que vouloir tuer des gens et en menacer d’autres des pires sévices est quelque jour que je fais très souvent, presque quotidiennement et je peux donc lui répondre avec assurance :

Oui, cette journée est comme toutes les autres.

La prêtresse rassure ensuite la petite fille, qui a bien besoin d’un bain et nous partons tous les quatre (en comptant Milas) vers la demeure des Dieux. Sur le chemin, je me sens épiés et je me retourne à quelques reprises pour vérifier si quelqu’un nous suit. Le problème quand on vit dans une ville surpeuplée comme la dernière capitale de l’humanité, c’est qu’il y a toujours des gens pour aller dans la même direction que vous et il m’est très compliqué de me faire une idée si mon instinct m’a trompé.

Milas aussi est sur ses gardes et je lui demande :

As-tu senti la même chose que moi ?

Ce dernier hoche à la tête, me confirmant ainsi que je ne suis pas le seul à avoir cette sensation. Malheureusement, il n’y a rien d’autre que nous puissions faire et à la place je préfère en informer Edwige :

J’ai l’impression que quelqu’un nous épie, je voulais faire un détour pour vous offrir un repas, mais il vaut mieux que je vous amène directement au Temple, on n’est jamais trop prudent avec les purificateurs.

Le reste du voyage se passe normalement, et arrivé une fois devant la bâtisse religieuse, je me baisse pour arriver à la hauteur de Mélanie et je lui dis d’une voix douce :

Tu seras ici en sécurité, si un jour tu es séparé de la jolie madame, tu vas à la porte des Anges que tu vois ici et tu demandes à parler au chevalier de Rochemont, tu as bien compris ?

Je vois ma petite interlocutrice me dire de sa petite voix :

Oui monsieur, vous êtes gentil.

Je souris à ces paroles car c’est rare que je reçoive ce genre de compliments et je lui caresse gentiment les cheveux, en lui disant :

C’est bien, tu es une petite fille intelligente.

Je me relève ensuite pour dire à Edwige :

Je vais vous laisser maintenant, Milas sera présent dès le matin, attendant le nouveau coutelier avec vous, comme prévu il viendra me chercher dès qu’il arrive pour que je puisse répondre à ses questions.

J’attends de voir si Edwige à des remarques éventuelles par rapport à mon plan et j’enchaine sur un autre sujet :

Je sais que vous n’appréciez pas nos escapades et que vous préféreriez rester au temple, à l'abris, comme toutes les sœurs, mais vous avez un don pour aider les gens et c’est dommage que vous le cachiez ainsi.

Je lui souris en prononçant ces derniers mots, attendant de voir sa réaction.

Pupille de Marbrume

La marche jusqu'à la maison des Trois est loin de se faire dans l'insouciance. Sa main maintient une prise douce mais ferme sur celle de la petite fille, qui sans doute comprend que de mauvaises personnes rôdent dans les environs. Edwige est partagée entre faire preuve de douceur et d'empressement, clairement tendue par cette ambiance délétère qui risque de ne plus la quitter avant au moins le lendemain. Autour d'elles, Milas et Desmond veillent, prêts à réagir en cas d'attaque. Lorsqu'enfin les marches du temple sont sous ses pieds, le sentiment de soulagement tant attendu tarde à se faire sentir. Aucune arme ne peut pénétrer dans le sanctuaire, mais cette théorie est-elle encore applicable en ces jours troubles? La prêtresse ne peut que l'espérer.

La démonstration de douceur effectuée par le chevalier a au moins le mérite de la faire sourire. Mélanie elle-même semble rassurée face à ses conseils bienveillants. La brune encercle les épaules de cette dernière de ses mains, protectrice, et incline la tête vers le seigneur de Rochement d'une mine reconnaissante.

- Nous serons au rendez-vous, confirme-t-elle en se retenant de regarder par dessus son épaule. Je vais informer ma hiérarchie de la situation. Peut-être lui laisserai-je mon lit au dortoir, afin qu'elle ne soit jamais seule. Dans tous les cas, je ne la lâcherai pas d'une semelle, soyez-en assuré.

Le guerrier commente la rudesse de cette mésaventure, lui exposant son point de vue sur sa situation de prêtresse recluse. Selon ses dires, son potentiel charitable serait gâché à l'ombre du temple, et aurait plus d'opportunités de s'exprimer sur le terrain, auprès du peuple. Edwige hésite, cherchant ses mots. Il n'a pas entièrement tord: les rares fois où le destin l'a menée hors du palais, ce fut pour résoudre pacifiquement une situation tendue. Certes, l'ombre menaçante de la mort était terriblement proche à chacune de ces occurrences, mais les choses sont toujours rentrées dans l'ordre. Il serait tentant de goûter à un peu plus d'excitation, de se sentir vibrer un peu plus sous l'adrénaline... mais le doute lui fait craindre qu'un jour, elle fasse un faux pas qui lui soit fatal.

- Je vais... murmure-t-elle, le regard fuyant. Je vais y réfléchir. Les tâches ne manquent pas au Temple, je ne dois pas délaisser mes devoirs pour passer plus de temps à l'extérieur.

Ses supérieurs verraient cela d'un mauvais oeil. Il appartient à la milice de faire le travail de la milice. Les conservateurs goûtent très peu au mélange des genres et des classes, aussi ses escapades avec Desmond risquent-elles d'attirer le mauvais type d'attention. En particulier si la prêtresse se met à ramener des enfants fugitifs chaque jour.

Après avoir salué une dernière fois le chevalier, Edwige guide Mélanie à l'abri des murs et à travers les ailes encore actives à cette heure-ci. Son premier arrêt se fait chez son enseignant, à qui elle compte sa journée et les ordres des miliciens. Bien vite, le bouche à oreille fait son office, et tout le monde semble au courant. Les heures suivantes sont passées à prendre soin de la fillette et à répondre aux multiples question de ses comparses cléricaux. Beaucoup semblent inquiets, curieux, et heureusement, bien intentionnés. Sa blessure à la joue devient une affaire d'état au sein du dortoir, les nonnes étant choquées que l'on puisse oser lever la main sur l'une d'entre-elles. En particulier sur une novice aussi effacée et inoffensive que la cadette Rutherford.

◈ 11 Janvier 1167 ◈

La nuit se passe dans la crainte d'une intrusion. La religieuse ne parvient pas à fermer l'oeil plus d'une heure sans qu'un vilain cauchemars ne lui fasse ouvrir les yeux. Surveiller une petite fille est une grande responsabilité, et son esprit très actif lui donne l'impression que chaque craquement de parquet cache un assassin. Au matin, alors qu'elle passe un gant de toilette humide sur son visage pour chasser la fatigue, tout le monde lui fait remarquer son apparence maladive. Sa coupure ne s'est heureusement pas remise à saigner, ce qui est un bon présage pour sa guérison. Peut-être s'accordera-t-elle un peu plus de sommeil une fois l'enquête terminée.

Passant sa tête rousse dans l'encadrement de la porte, sœur Anastasie l'interpelle avec un air désapprobateur:

- Un gradé de la milice te demande en bas, lui lance-t-elle avec des yeux suspicieux. J'espère que ce n'est pas encore lié à ce chevalier que tu fréquentes depuis quelques temps. Tu devrais choisir un homme moins tête-brûlée.

- Ca n'a rien à voir, balbutie la concernée. Cette fois, c'est un pur hasard, je le jure. Et nous ne nous "fréquentons" pas, les choses se passent simplement ainsi...

Encore une fois, Anastasie ne semble pas la croire sur parole, mais elle n'insiste pas. Edwige va devoir se méfier des rumeurs, sans quoi les bruits de couloirs pourraient devenir moins flatteurs à son égard et à celui de Desmond. La prêtresse se lève et descend à la rencontrer du coutilier, la petite Mélanie trottant derrière elle. Les présentations faîtes, elles se mettent à marcher à sa suite en direction du port, avec la promesse d'une longue journée de reconstitution.

Il fait super froid ! C’est la première réflexion que je me suis dit lorsque je suis sorti de mon lit ce matin. Heureusement, les couvertures troquées il y a peu dans un entrepôt en échange des différents services pour le garde du bâtiment me permettent de dormir sans me préoccuper de la baisse des températures.

Je me lave donc rapidement, pour une fois seul car Milas est parti dès les premières lueurs de l’aube au Temple et je m’habille avec mon habituelle armure de plaque. Celle-ci a pu enfin être correctement nettoyé et j’ai enfin l’air d’un vrai noble. Il ne me reste plus qu’à ceindre à ma taille le ceinturon où est mon épée, pas que je sois en danger dans le manoir des Rougelac mais c’est le symbole de mon rang et j’y tiens.

Je pars ainsi équiper dans la cuisine de la bâtisse et je prends un solide petit déjeuner, car c’est le repas le plus important de la journée qui, j’en suis sûr va être très chargé. J’en ai d’ailleurs la confirmation quand je vois arrivé mon suivant, tout essoufflé. Immédiatement je suis sur le qui-vive et je lui demande :

Que se passe-t-il ?

Le garçon me répond, essayant de reprendre son souffle :

Le coutilier est venu chercher la sœur et Mélanie, ils sont partis tous ensemble en direction du Port, le milicien m’a indiqué que c’était à l’angle rue du Grand Bateau et de l’avenue de la Morue.

Je fais la grimace quand il m’indique cet emplacement, on est vraiment tout près de l’eau et je déteste ça, ne sachant pas nager, j’ai horreur d’être à côté de grandes étendues liquides. Mais je n’ai pas le choix car je leur ai promis de les rejoindre, je pars donc, toujours accompagné de Milas dans ce quartier mal fréquenté de la ville, même si pour moi, le seul beau quartier de la dernière capitale de l’humanité est l’Esplanade.

Je rejoins donc la petite troupe pile au moment où ils arrivent devant la dernière demeure de Baba. Je vois tout de suite qu’Edwige a très mal dormit, son visage fait peur et je lui demande sincèrement inquiet :

Allez-vous tenir le coup ? Je peux rester avec la petite le temps que vous alliez vous reposez si vous le désirez.

Ça ferait mauvais genre si elle s’évanouissait maintenant, surtout que je devrais la porter jusqu’au Temple, ce qui sera mal vue par l’ensemble du personnel ecclésiastique. Trop occupé par la sœur, je suis surpris par les petits bras qui entoure ma jambe, appartenant à une petite fille que je connais fort bien et qui me dit :

Câlin !

Je reste un moment désemparé, ne sachant pas quoi faire, puis je décide de rester calme et je lui dis d’une voix douce pour ne pas l'effrayer :

Si tu es sage, tu auras des gâteaux aux miels. Maintenant prends la main de la gentille sœur et suis-nous.

Je remarque enfin le milicien qui nous attend, un sourire goguenard sur les lèvres, comme s’il se moquait de moi. Mais je ne le frappe pas car j’ai besoin de lui, je me contente donc de rester en arrière pendant qu’il commence l’interrogatoire de la fillette.

Pupille de Marbrume

Les températures sont basses et les coups de vent traîtres n'arrangent rien, mais cela a au moins l'avantage pour la prêtresse de dissiper les picotements liées à sa blessure de la veille. Sa joue légèrement engourdie est moins enflée que la veille et ne saigne plus, ce qui est une bonne chose. Heureusement que ce sectaire en particulier prenait soin de sa dague.

De son côté, Mélanie ne se laisse pas décourager par le climat froid, bravant les éléments comme la petite guerrière qu'elle est. Depuis le temps que le ciel est son toit, sans doute a-t-elle appris à ignorer ce genre de désagrément. Sa détermination contagieuse permet à Edwige de faire de même. Il faut en finir avec cette enquête, et le plus vite sera le mieux.

Arrivées aux quais, toutes deux retrouvent le chevalier de Rochemont et son valet Milas. La religieuse sourit dans leur direction, mais est accueillie par une mine soucieuse. Desmond s'inquiète de son état de santé.

- C'est aimable à vous, fait-elle en agitant une main négativement. J'ai l'habitude des nuits blanches au temple, inutile de retarder la milice d'avantage. Ceci étant, je ne serais pas contre une sieste une fois cette histoire derrière nous.

Mélanie se rue sur le guerrier pour agripper sa jambe. C'est une fille affectueuse, sa bonne humeur a éclairé les visages des ecclésiastes les plus sinistres du clergé. Desmond semble un peu destabilisé mais se rattrape vite, l'encourageant avec une promesse de sucrerie. Edwige secoue la tête en souriant. Il y a un bon fond chez cet homme, et ni sa cicatrice ni son épée à deux mains ne parviennent entièrement à le cacher.

- Nous sommes prêtes, signifie-t-elle au coutilier qui les observe.

Celui-ci cesse de ricanner pour reprendre un air professionnel. Il se râcle la gorge, nouant ses mains dans son dos, puis se met à faire les cent pas sans les quitter des yeux. Son intérêt va indistinctement à l'enfant, au chevalier et à la prêtresse. Les faits de la veille ont certainement été remarqués, et pourraient bien leur porter préjudice selon sa capacité à faire preuve d'objectivité.

- Commençons par la gamine, grommelle-t-il comme si cette perspective l'ennuyait déjà. Tu vas me dire qui tu es, et où tu vis.

L'heure suivante est passée à retourner le court passé de Mélanie, sans doute afin de mieux cerner sa capacité à répondre honnêtement et sa maturité. Le milicien la fait répéter plusieurs fois, mais elle reste droite et fière. Une fois les méfiances initiales écartées, le soldat cesse son interrogatoire pour se concentrer sur ce qui l'intéresse réellement: le meurtre supposé. Là encore, la petite défend son récit jusqu'au boût, bien plus détachée que la première fois. Elle parvient à fournir des détails utiles sur l'agresseur qu'elle identifie une fois encore au garde barbu du nom de Martin.

Malgré les meilleurs efforts du coutilier pour faire douter la fillette, Mélanie demeure inflexible, campant sur ses positions sans en démordre. L'homme n'a pas l'air heureux de devoir effectivement mettre un point d'interrogation sur un confrère, mais les témoignages des dockers semblent aller dans ce sens: l'enfant a été vue à proximité de l'endroit où le corps fut retrouvé ce soir là.

- Je veux bien croire que la minette est honnête, grince le milicien, mais ce n'est que ça: le témoignage d'une gosse. Le mort était un alcoolique notoire, il a bu un verre de trop, voila tout. On a trouvé aucune trace de violence sur le corps, juste un petit serpent dans les parages.

Coup dur. Edwige peut comprendre son point de vue d'enquêteur bien qu'elle ne l'approuve pas. Il va falloir un peu plus que l'histoire de Mélanie pour faire réagir le système judiciaire. Sans trop savoir où cela la mènera, elle propose son assistance.

- Je suis une prêtresse guérisseuse de la Trinité, énonce la brune. Si le corps est encore en votre possession, peut-être puis-je vous aider à déterminer la cause du décès?

- Je sais à quoi vous pensez, répond le coutilier sans entrain. On a pas trouvé de morsure, et il avait pas de membre gonflé comme ceux qui se font piquer. C'est une perte de temps.

- La victime était alcoolisée, objecte à nouveau la clergesse. Ses vaisseaux sanguins devaient être dilatés, le poison se serait répandu rapidement sans gonflement local. Je vous en prie, laissez-nous vérifier.

Le soldat plisse les lèvres, Edwige suspendue à son verdict. Peut-être Desmond pourra-t-il faire pencher la balance...?

La réponse d’Edwige me fait sourire, une sieste c’est ce dont nous avons tous grandement besoin et pourtant c’est un luxe pour beaucoup d’entre nous. Mais s’il y a une personne joyeuse et en forme parmi nous, c’est Mélanie, qui tient formidablement tête au coutilier et même lui reconnait que la fillette est honnête, ce qui est déjà une petite victoire en soi.

J’en apprends également plus sur la mort de ce fameux capitaine qui semble être accidentelle, ce qui est bien possible, connaissant lors de mes campagnes militaires, les ravages que peut provoquer l’alcool de mauvaise qualité, ce qui est une raison pour moi, d’éviter comme la peste la bière frelatée.

La sœur souhaite inspecter le corps, ce qui est pour moi une complète perte de temps, toutefois, cela semble lui tenir à cœur, alors j’interviens :

Toucher un cadavre est le boulot des religieux, nous pouvons la laisser faire, de toute façon, cela ne coutera rien et nous pourrons partir d’ici.

Je précise ensuite ma pensé :

Si je suis ici ce matin, ce n’est pas pour découvrir qui a tué cet homme, c’est votre boulot et je ne vais pas m’immiscer, mais pour quelque chose de beaucoup plus important. Cette jeune fille m’a répété certaines paroles qui m’ont beaucoup inquiétées, il s’agissais de faire transporter des Fangeux grâce à un navire jusqu’au port de Marbrume où ils seront relâchés.

Je regarde dans les yeux le coutilier :

Je sais que cette idée à l’air dingue, mais les cultistes nous ont déjà montré à quel point ils étaient fous et déterminés, je propose donc de nous assurer qu’il ne s’agit pas d’un meurtre puis que le bateau est toujours en place. Si ces deux points se révèlent négatifs, je lâcherai l’affaire et comme je l’ai promis je payerai une bonne bière au milicien que j’ai un peu chahuté et chacun pourra reprendre le court de sa vie, avec la satisfaction du devoir accompli.

C’est en effet une possibilité, que tout ceci ne soit issu que de l’imagination fertile d’un enfant en manque d’attention, et que tout le reste ne soit qu’une simple coïncidence. Pour ma part, je n’y crois pas, car un homme a quand même essayé de tuer ce témoin près du marché et pour ne pas répondre à mes questions, il a quand même blessé, sans hésitation, une religieuse.

Mais ce n’est pas moi, ici, qui prends les décisions et j’attends donc la réponse de mon interlocuteur, essayant de deviner sa réponse. Je pense que cette dernière sera positive, après ce qui est arrivé au quartier du Chaudron, personne n’a envie de revivre ça, des milliers de morts, un nombre indéterminé de Fangeux dans les murs même de la ville.

Je jette un regard confiant en direction des deux filles, et je m’adresse à la plus jeune :

Ne t’inquiète pas, quoi qu’il arrive, tu seras en sécurité au temple, la milice arrêtera tôt ou tard celui qui a essayé de te faire mal et qui a blessé une représentante des Trois.

Pupille de Marbrume

Edwige ne peut pas prétendre être ravie de devoir s'entretenir avec un cadavre, mais si cela peut faire avancer les choses, elle le fera. Ce n'est pas la première fois que la milice demande son avis sur l'origine d'une mort, c'est même assez commun de voir la garde débarquer au temple avec quelques questions sur tel ou tel patient. Rien d'intrusif, naturellement.

La prêtresse s'incline humblement, soulagée que tout ne s'arrête pas là. Elle offre à Desmond un regard reconnaissant.

- Merci, lui souffle-t-elle, avant d'être interrompue par le coutilier.

- Oui, oui, ne traînons pas, soupire-t-il comme si le remerciement lui était destiné. Mais je vous préviens, je vais pas vous lâcher. Etre témoin et spécialiste, c'est un peu facile, alors il va falloir être convaincante.

L'homme ouvre la marche, et le petit groupe se retrouve vite encadré de trois autres soldats le temps du trajet. Cela rassure un peu la religieuse, tout en l'effrayant à la fois. Sont-ils là pour les protéger, ou pour s'assurer qu'ils ne filent pas? Peut-être les deux. En fin de compte, c'est une perspective moins rassurante encore que d'être sur le fil du rasoir...

Comment en est-elle arrivée là? La fin du monde est une fatalité qui concerne toute l'humanité, ce n'est pour autant pas une raison pour laisser son destin individuel lui filer entre les doigts. Elle ne doute pas d'avoir agi en bonne conscience, mais les conséquences ont déjà grimpé bien au-dela de ce qu'elle avait anticipé. Est-ce ainsi que fonctionne le monde, hors du temple...? A en croire le chevalier de Rochemont, ce n'est pas loin de la réalité de beaucoup de gens. Ce dernier lui disait la veille que sortir de son cocon était une bonne chose, que cela soit volontaire ou non. Il faut espérer que cela soit vrai...

Arrivés aux abords de la caserne, le coutilier se détourne de l'entrée principale pour longer la cour jusqu'à une annexe. Edwige reconnaît son usage aussitôt la porte passée: une morgue transitoire, destinée à recevoir les corps issus de morts suspectes avant leur funérailles, et leur crémation.

- Vous avez de la chance que personne ne se soit pressé pour réclamer le défunt, ironise le meneur. L'alcool n'a pas dû arranger ses relations familiales. Pauvre Barnabé.

La clergesse souffle à Mélanie de les attendre hors de la pièce, ne voulant pas lui infliger ce spectacle. Elle s'approche de la table où repose le cadavre, surveillée de prêt par le coutilier. Avec sa permission, elle retire le drap, révélant le visage blafard de la victime. Edwige marque un instant de pause, à l'écoute de sa conscience. Elle ne ressent rien. Est-ce inquiétant d'être ainsi habituée à contempler la mort, à son jeune âge...? Probablement, mais c'est ainsi.

La brune fait le tour de la table, observant le mort sous tous les angles. Plusieurs jours se sont écoulés depuis le décès. Ce serait un problème si le froid hivernal n'avait pas fait son travail de conservation. Malheureusement, cela ne change rien: aucune trace discernable sur les mains et les avant-bras, pas plus sur les mollets. Les seules blessures visibles sont vieilles ou ne correspondent pas aux critères souhaités.

Les minutes passent, une heure... Rien. A ses côtés, l'homme d'armes se fait impatient, distribuant soupirs et grognement réprobateurs à foison.

- Je pense que nous pouvons tous conclure qu'il n'y a rien à voir, déclare-t-il alors que la jeune femme examine sa nuque une nouvelle fois. Inutile d'insister, recouvrez-le.

- Donnez-moi quelques minutes de plus, implore la nonne. J'ai dû manquer quelque chose...

- Non, lance le milicien fermement. Y'avait un serpent dans le coin, et apparemment une gamine, mais ça change rien. Le batelier a descendu une choppe de trop, et c'est ce qui l'a tué. Ca arrive à des tas pauvres types en ville, surtout en ce moment.

Un éclair de lucidité traverse l'esprit de la religieuse à ces mots, animant son regard. Avant que le soldat ne puisse la forcer à s'écarter, Edwige fait basculer le menton du défunt, lui ouvrant la bouche. Un détail lui saute alors aux yeux, une gerçure disgracieuse sur la gencive, sous les dents de devant.

- Vous écoutez ce que vous dis?! aboye le garde.

- Ici! pointe la guérisseuse de l'index. Le serpent était petit, disiez-vous?

- Euh, oui, mais...

- Assez petit pour tenir dans une choppe...? s'enquit Edwige, laissant au soldat le temps de suivre son cheminement.

Le silence qui s'en suit est parlant. La brune pousse sa chance.

- Notre sieur Barnabé a été assassiné ce soir là, un serpent déposé dans son breuvage par son visiteur, assert-elle en se redressant. Cette plaie correspond à une morsure de crochets.

Pas plus de réponse. Le coutilier, demeuré de marbre durant un long moment, lance un regard grincheux vers Desmond. Au moins, il n'a pas encore crié.

- Bon... soupire-t-il en passant la main dans sa barbe de trois jours. Et quelles sont vos recommandations à partir de là...?

Edwige prend le temps de respirer. Elle a fait de son mieux, la milice a désormais des raisons de poursuivre les investigations. C'est au tour du chevalier de donner son point de vue sur ce qui est certainement le sujet le plus inquiétant : le complot contre Marbrume.

Finalement notre interlocuteur accepte et il a même droit à des remerciements de la part de la sœur, ce qui ne semble pas spécialement le toucher. Il est de toute évidence pressé, comme s’il avait des choses importantes à faire, alors qu’il n’est que coutilier et qu’il doit passer la majorité de sa journée aux bistrots comme les autres miliciens, je le sais, car je n’arrête pas de les voir quand je vais boire un coup.

Mais je ne suis pas au bout de mes surprises car ce n’est pas moins de trois membres des forces armées locales qui nous entourent, comme s’ils craignaient qu’Edwige ne soit à nouveau attaqué, ce qui est ridicule, je suis là pour la protéger. C’est donc bien accompagné que nous arrivons dans l’annexe de la caserne qui sert de morgue, sans que je ne comprenne pas pourquoi ils gardent les cadavres au lieu de les brulés immédiatement, c’est pour moi un véritable danger.

Nous avons droit à une courte homélie avant que la représentante des Trois ne commence à tourner autour du cadavre et cela pendant une heure. Je me retiens avec difficulté de bailler, incapable de comprendre ce qu’elle essaye de trouver mais finalement elle remarque quelque chose et le montre au soldat. J’ai un peu de mal à comprendre la discussion, mais finalement la sœur explique qu’un monstre lui a versé un serpent dans sa chope ! Comment peut-on empoisonné le breuvage d’un homme qui ne souhaite que boire en paix ! C’est vraiment immonde comme comportement et lorsqu’on me demande mes recommandations, je lui dis d’une voix où l’on peut sentir mon énervement :

Nous allons les trouver et les écarteler sur la place publique, partons en direction du port.

Je vois le coutilier acquiescer et nous quittons le bâtiment rapidement, sur la route, j’indique à Edwige :

Je n’ai jamais rien compris au truc scientifique, mais j’ai bien fait de vous faire confiance, vous êtes vraiment très intelligente. Vous pourriez devenir inquisitrice, vous en avez clairement les compétences.

Je lui laisse le temps de réagir à mes paroles avant de continuer :

En cas de danger, prenez la petite et aller vous mettre à l’abri, je n’ai aucune idée de ce qui nous attend là-bas.

Nous arrivons ainsi au niveau du port, et je peux tout de suite voir que sur le bateau du fameux Barnabé, il règne une certaine agitation, comme s’il s’apprêtait à quitter le quai. Je vois le milicien froncé les sourcils, car le capitaine étant mort, il aurait dû rester immobile, ce qui n’est clairement pas le cas. Nous pressons donc le pas mais arriver à une cinquantaine de mètre de notre objectif, nous sommes accueillis par une pluie de carreaux.

Je prends Edwige et Hélène dans mes bras et je plonge avec elles derrière une grande caisse, comme la majorité des miliciens présent. Malheureusement, je n’ai pas été assez rapide et j’ai reçu un carreau dans l’épaule, même si mon armure de plaque a bien ralenti le projectile, ce dernier est perforant et à bien traverser. Mais ce n’est rien par rapport aux chefs des miliciens qui étaient à mes côtés qui lui s’en ai pris un en plein dans le bide ! Je ne peux pas le laisser là et je le tire à l’abri, un carreau loupant de peu mon bras. J’arrive ainsi à la faire s’assoir et il me regarde d’un air désabusé et arrive à me dire :

C’est quand même ballot de se faire tirer dessus par une Sigfroi !

Il est pris d’une quinte de toux et crache du sang, je regarde Edwige, espérant qu’elle pourra faire quelque chose, car je ne suis pas sûr qu’il va survivre.

Pupille de Marbrume

Desmond ne tarde pas à suggérer ce qui est peut-être sa méthode de torture favorite, et trouve un bon compagnon chez le coutilier qui acquiesce. La milice a désormais assez d'éléments pour juger crédible la menace d'attentat contre Marbrume. Les deux hommes ouvrent la marche vers le port, décidés à mettre la main sur le navire pour le sécuriser une bonne fois pour toute.

- C'est quoi écarter la glace pudique? demande la petite voix de Mélanie qui réapparaît à ses côtés.

- Oh, ce n'est rien ma grande, lui souffle la brune en réponse. Des choses d'adultes...

Haussant les épaules, la fillette se contente de lui donner la main pour le trajet. Edwige la contemple quelques instants, soucieuse de son état d'esprit. Malgré son innocence, Mélanie a été propulsée dans un monde qui ne lui a pas laissé le temps d'être une enfant. C'est dans des moments comme celui-ci que la prêtresse prend réellement la mesure de ses privilèges...

Desmond rejoint leur hauteur pour lui glisser quelques mots à son tour, la félicitant pour sa vivacité d'esprit. La demoiselle sent ses joues rosir comme à chaque fois qu'un compliment lui est lancé. Elle n'a jamais été très douée pour recevoir les sympathies d'autrui, si originale soit celle du chevalier. Inquisitrice Edwige Rutherford du Temple de Marbrume...? Le titre est saillant, mais cette pointure là semble bien grande au regard de l'intéressée.

- Je ne sais pas, je crois que je préfère prendre soin de fidèles que de traquer les infidèles, temporise-t-elle en réponse. Je ne pense pas être bâtie pour ce mode de vie, contrairement à vous...!

C'est tout à l'honneur du guerrier. Lui au moins peut dormir sur ses deux oreilles après avoir observé une pendaison, ou du moins le suppose-t-elle. Est-il hanté par les vies que sa lame a fauché durant ses années de service au Roi? Seul lui peut le dire.

A l'approche des docks, le groupe passe à proximité des rares navires encore en activité à Marbrume. La flotte s'est réduite comme peau de chagrin depuis l'avènement de la Fange, et la tendance n'est pas à la construction. Chaque exemplaire est scrupuleusement surveillé pour éviter les vols. C'est pourquoi il est étonnant de voir des silhouettes s'agiter sur le pont de celui qui les intéresse...

Desmond est le premier à réagir alors que les carreaux fusent dans leur direction. Edwige se heurte le coude contre la pierre alors que le chevalier les projette à couvert, ce dernier récoltant un projectile dans l'épaule. Derrière, le coutilier moins chanceux titube, touché au niveau du ventre. Dans sa hâte, le sire de Rochemont parvient à ramener le milicien blessé. Mélanie hurle mais semble indemne.

Le temps semble s'arrêter pour la prêtresse qui peut entendre son cœur battre dans ses tempes. Une nouvelle attaque, et celle-ci est d'envergure! Elle ne sait même pas si les autres gardes qui les accompagnaient ont pu trouver de quoi se protéger. Alors qu'elle se redresse, son regard croise celui de son compagnon. Inutile de dire quoi que ce soit, elle comprend immédiatement ce qui est attendu d'elle.

- Allongez-vous, ordonne-t-elle au coutilier qui ironise sur son sort. Vous aurez tout le loisir d'être flegmatique une fois tiré d'affaire.

- Ca va, c'est une piqure de moustique, proteste-t-il, commençant déjà à tourner de l'oeil.

Edwige ne prend pas la peine d'entretenir la discussion, lui retirant autant d'armure que possible au niveau du buste pour lui permettre de respirer. A première vue, l'estomac est touché, ce qui risque de compliquer les choses. L'homme peut s'en tirer, mais retirer le carreau dans ces conditions risque d'être une opération difficile, en particulier sous le feu des sectaires. Il faut espérer que leur abri de fortune les protège de tous les angles, car elle n'aura pas le loisir de surveiller ses arrières.

- Mélanie, restes bien contre cette caisse, la tête contre les genoux, lance la brune à l'enfant apeurée. Sire de Rochemont, il ne faut pas les laisser emporter ce navire... Pensez-vous pouvoir faire quelque chose?

Elle ne peut pas l'aider dans l'immédiat, elle n'est pas faîte pour les champs de bataille ou les abordages. Priant pour la sécurité de ses alliés, Edwige se replonge dans son ouvrage sur la plaie du soldat, cherchant à tâtons sa sacoche d'ustenciles. Il faut faire vite, mais bien...

Edwige, toujours aussi professionnel ne perd pas la tête comme la plupart des femmes qui seraient mises dans une situation pareille, pas de cris comme Mélanie, ni de crise de larmes, mais des directives simples et claires pour le blessé qui fanfaronne, alors que sa plaie saigne abondamment. Pour ma part, j’arrache le carreau, serrant les dents pour ne pas crier à cause de la douleur, mais je retrouve ainsi ma liberté de mouvement. Moi qui voulais voir cette arbalète en action, je suis servi, elle est vraiment redoutable et parfaitement adaptée à la lutte contre les fangeux ou les chevaliers en armure !

Mais je n’ai guère le temps de me reposer car je suis sollicité par la jeune femme pour trouver une solution, comme si je faisais partie des Trois et que j’avais des super-pouvoirs ! Nous sommes à la merci d’un ou plusieurs tireurs équipés de l’arme la plus mortelle que l’homme n’ai jamais inventé et c’est à moi de gérer la situation. Je lève les yeux au ciel, mais la réponse ne s’y trouvant pas, je fais parler mes méninges, après tout, la situation est identique à celle de la prise d’un château fort et j’ai assisté à suffisamment de sièges pour connaitre les différentes techniques, je passe donc à quatre pattes près de la fillette, lui disant au passage :

C’est un nouveau jeu, si tu restes immobile, tu as gagné et tonton Desmond te donnera ton poids en gâteau au miel.

Je la vois sourire faiblement et elle me fait un petit signe avant de remettre la tête contre les genoux. Rassuré par son comportement, je fais encore quelques mètres dans cette posture grotesque puis j’avise une grande caisse et la soulevant avec difficulté, je m’en sers comme d’un immense pavois et j’avance. Je vois les trois miliciens qui semblent indemne planqué derrière diverses protections improvisées et je leur dis :

Je prends le commandement, mettez-vous derrière-moi.

J’espère qu’ils vont me suivre, de toute façon, vu comment se sont barré les habitants du coin, c’est-à-dire en criant et en courant, les renforts ne devraient pas tarder. Toutefois, je ne peux pas prendre le risque de voir des cultistes partir avec un navire et je continue à avancer, mètre par mètre. Au niveau des chocs, je sens que des traits s’enfoncent dans la caisse, mais celle-ci est de bonne qualité ou alors l’angle des tirs n’est pas bon et j’arrive derrière le bateau, où je passe sur la planche qui surplombe les flots pour monter sur l'embarcation.

Ce dernier est assez grand et j’ignore où sont les tireurs. Je passe rapidement la tête afin de me faire une idée des positions ennemis, et je sens un projectile siffler à mes oreilles, mais c’est suffisant car je vois un ennemi en train de recharger cette fameuse arbalète, je fonce donc droit vers lui, essayant de l’atteindre avant qu’il a fini sa manœuvre. C’est une véritable course mais d’un genre nouveau, car je marche plus que je ne cours à cause du poids de ma protection et lui doit remettre des traits dans une machine encore expérimentale, alors qui sera le premier ?