[Interlude] Le crépuscule avant l'aube.

Éreintée, usée par ce voyage qui n'avait été de tout repos, Ryn n'aspirait plus qu'au calme et à la solitude. Pourtant, elle le savait, ce genre de chose ne lui serait certainement pas octroyé avant un bon moment...Ses compagnons avaient déjà rejoint l'auberge afin de se repaître d'une bonne bière et d'un repas correct. Sans doute allaient-ils même poursuivre la soirée autour d'une table de jeux afin de se distraire. Braan allait forcément insister pour que la rouquine acariâtre se joigne à eux. Après tout - selon les propos de l'archer- il n'était jamais bon de rester seul. Et ce même si le tempérament de la personne tendait à la menait à l'isolement temporaire, comme ce pouvait être le cas pour Aeryn qui tolérait le monde et le bruit plus qu'elle ne l'acceptait réellement.

Ainsi, après la brève discussion avec sœur Isolde, la rouquine traîna un peu plus dans les rues. Elle observait le monde, les lieux avec un regard plutôt critique même si quelque peu inquiet. Le mauvais pressentiment était bel et bien là, même si la mercenaire tentait de le chasser à grand coup d'explications logiques, mettant tout cela sur le compte de la paranoïa qui avait pris naissance après sa rencontre avec Marbrume. À présent, tout a absolument tout, lui semblait inquiétant si bien que la rouquine ne se sentait à l'aise nulle part. Et elle détestait cela, notre mercenaire. Car même si elle faisait tout pour ne pas se laisser déborder par l'angoisse et la peur, ces émotions avaient pourtant la fâcheuse tendance à s'infiltrer doucement en elle afin de l'agripper à ses tripes. L'alcool aidait à l'apaiser, parfois. À condition d'éviter le verre de trop, celui qui la transformait en chiffe molle déprimée… Encore fallait-il trouver le bon dosage. Mais était-ce une bonne idée de boire dans un endroit pareil ? Certainement pas… Il était hors de question de prendre le risque de se finir dans un sale état.

C'est donc une mercenaire contrariée, mais déterminée qui reprit le chemin de l'auberge où elle put prendre un bain, enfiler une tenue propre avant de se rendre dans la grande salle. Préférant s'isoler, la rouquine s'installa seule en bout de table pour ingurgiter son repas. Le regard que lui lança Braan exprimait tout son mécontentement, mais Ryn n'en avait cure. La solitude lui permettait de se recentrer sur elle-même pour mieux réfléchir et remettre de l'ordre dans ses idées. Elle songea ainsi à son départ, prévu pour le lendemain. Elle pensa au frère et à la sœur qu'elle devrait escorter jusqu'au Labret, sachant pertinemment qu'elle serait seule pour les protéger. Après tout, il était hors de question d'imposer cela à ses compagnons alors que tous aspiraient déjà au repos, au confort et à la sécurité de Marbrume. Elle réfléchissait le regard plongé dans son bol de soupe sans goût tout en essayant de faire abstraction de l'animation et du bruit autour.

23 Mai 1167.

[Interlude] Le crépuscule avant l'aube. Ulb7

Tout comme les montagnes, les gens sont à la fois semblables et différents, si on peut les reconnaitre au premier coup d’œil les gravir demande de la patience et une certaine obstination. Si un flanc vous résiste, peut-être que passer par un autre versant sera plus efficace. Si celui-ci aussi vous donne du grain à moudre, alors c’est peut-être votre méthode qui est à revoir.

Aeryn Monclar en était un exemple parfaitement représentatif de cette comparaison. Et si Clay n’était pas le grimpeur le plus expérimenté qui soit, il pouvait montrer une certaine persévérance après s’être remis d’un échec. Il avait bien évidemment ruminé une partie de la journée avant de se confronter à l’évidence que si jamais il espérait un jour obtenir de la taciturne mercenaire un semblant d’honnêteté au sujet qui, il le savait, les préoccupait tout deux, il devrait commencer par gagner ses faveurs de manière plus traditionnelle.

La prêtresse n’avait pas eu à faire ce chemin, mais parce que visiblement Aeryn avait décidé d’elle-même de franchir le gouffre les séparant. Avec lui, elle n’avait pas l’intention de faire le même effort. Il avait eu tort de vouloir cette réciprocité, une envie née d’un mélange d’impatience et d’une pointe de colère. Il avait passé sa vie à se battre pour pouvoir la diriger dans la direction qu’il voulait et se retrouvait soudain lié à un quelconque destin choisit par d’autres. Il n’aimait pas cela, même si son corps tout entier, comme son esprit, ne cessait de lui crier que c’était important, vital même. Vital, alors qu’il en mourrait, ironique.

La route et le silence l’avait aidé à y voir plus claire. Errant dans Sombrebois qu’il n’avait pas vu depuis des années, il ne put cacher la joie que lui apportait la vision de ce lieu ayant retrouvé la vie. Tout était très différent des ses souvenirs. Les maisons, les visages, les rues, les sons, mais il retrouvait malgré tout cette ambiance si particulière qui l’avait caractérisé à l’époque. Une sorte de vivacité rugueuse qui manquait à la ville. Cela donnait envie, envie de vivre.

Il retrouva la mercenaire à la taverne. Isolée, sans réelle surprise. Même ses compagnons dont elle semblait partager la complicité n’avaient visiblement pas le talent de lui être supportable trop longtemps. D’une certaine manière, elle lui rappelait quelque peu sa propre personnalité avant de rencontrer Lucian. En colère, triste et seul, seul par choix comme il le clamait à qui voulait l’entendre à l’époque, il était parvenu sous l’insistance de l’étrange prête à percevoir un monde plein de possibilité et de merveilles qui lui était jusque là invisible. Plus improbable encore, il l’avait finalement convaincu que fréquenter d’autres personnes n’était pas foncièrement une mauvaise chose.

Ainsi se présenta-t-il à elle avec une carafe et deux verres.

- Le lait de chèvre au miel de la paix… je peux ? demanda-t-il en indiquant du menton la chaise face à elle.

Une fois installé, il les servit tout deux. La taverne était bien vivante encore à cette heure, mais au moins pouvait-on s’entendre sans avoir besoin de hurler.

- Vous ne me parlez pas parce que vous ne me faites pas confiance. Vous ne me faîtes pas confiance, parce qu’on ne se connait pas et on ne se connait pas parce qu’on ne parle pas. Dit-il avec un sourire tranquille avant de s’accorder une gorgée. Une boucle qu’on pourrait briser, non ? la questionna-t-il d’un regard.

-Apprenons à nous connaître. Je vous propose un échange simple, l’un de nous pose une question, l’autre peut choisir de la sauter sans conséquences, mais les réponses doivent être honnête si elles sont données. Ensuite c’est au tour de l’autre. Afin de ne pas gâcher votre salive, je ne vous donnerais pas mon vrai nom, alors inutile de le demander. Si vous avez un sujet que vous refusez d’aborder, je m’y plierais de la même façon.

Il leva son verre en signe d’invitation.

- Cela vous tente ?

-La paix,hein, répéta-t-elle en avisant l'intru d'un regard perplexe. Dire que je ne savais même pas que nous étions en guerre…

D'un geste de main, la mercenaire l'invita à s'asseoir en face d'elle, non sans soupirer,évidemment. Après tout, Clay la dérangeait quelque part, même si Ryn ne faisait rien d'autre, en apparence, que d'observer son bol de soupe fade. Néanmoins, curieuse, la rouquine le laissa s'installer tout en écoutant ses suppositions à son sujet… Suppositions, loin d'être fausses qui s'achevèrent sur une proposition qui la laissèrent coi.

-Poser des questions à l'autre. Choisir de répondre ou non à celle que l'on nous a posé… Rester honnête et ne pas vous demander votre nom… Mouais, dit comme ça, ça semble facile… Encore faut-il avoir des questions à poser.

La rouquine lui offrit un regard plutôt narquois avant de recommencer à manger. Se saisissant de son bol, en prit une belle lampée avant de le reposer sur la table pour mieux s'essuyer les lèvres d'un revers de manche.

-D'accord… s'exclama-t-elle. D'où venez-vous ?

Question plutôt bateau mais comme aucune autre ne lui vint à l'esprit, Ryn s'en contenta. La réponse ne lui apprendrait probablement rien mais au moins entrouvrait-elle légèrement la porte de la discussion.

23 Mai 1167.

Elle ne les rejeta pas directement lui et sa proposition et accepta même de se plier aux règles proposées sans les discuter. Bien sûr elle se permit une petite plainte, ou plutôt un doute sur l’intérêt, mais comme elle avait l’air de se plaindre de tout et de tout le monde, on pouvait au moins parler de victoire temporaire. Clay s’en satisferait !

Une première question simple à poser, mais pas forcément à répondre.

- De là-bas ! Indiqua-t-il en pointant son doigt vers le bar où il avait commandé le lait. Il haussa un sourcil amusé mais continua plus sérieusement en faisant tournoyer le lait dans le gobelet de fer. Je suis né à Marbrume, et j’y ai passé mes premières années, puis j’ai voyageais, je devais avoir hum… douze ans à mon départ, presque vingt à mon retour si on omet quelque passage rapide. Une étrange sensation que de revenir chez soi. Tout semble plus petit… plus étriqué. Ce qui semblait normal avant devient étranger.

Il haussa les épaules pour conclure, comme s’il ne savait pas vraiment quoi ajouter d’autres qui rendrait ce sentiment plus clair et qui dépassé de toute façon déjà le cadre de la question. Il réfléchit en s’autorisant une nouvelle gorgée, réfléchissant aux champs des sujets qu’il pouvait se permettre en premier lieu. Pas trop personnel, mais qui serait intéressant quand même.

- Je crois avoir compris que vous étiez chez les lames depuis peu, mais mercenaire depuis bien plus longtemps. Pourquoi ce changement ?

La première réponse de Clay lui fit hausser les sourcils tandis qu'un mélange d'incompréhension et de mécontentement vint illuminer son regard d'azur. Elle avait bien réalisé qu'il ne s'agissait que d'un simple trait d'humour, même s'il lui était encore bien difficile de ne point se vexer pour si peu. Ce genre de blague lui donnait toujours l'impression que son interlocuteur se moquait d'elle en la prenant pour une imbécile. Chose particulièrement difficile à supporter pour la jeune femme. Aussi, pour se détendre et se rassurer, la rouquine songea à Log et Théophile, imaginant qu'il pourraient aisément répondre de la sorte, en plaisantant, sans qu'il ne soit question d'une quelconque moquerie. Mais eux, la mercenaire les connaissaient bien, contrairement à l'individu assis face à elle qui avait encore tout de l'inconnu… Peut-être se moquait-il d'elle, après tout.

Néanmoins, l'homme finit par répondre plus sérieusement. Ryn l'écouta attentivement, même si l'expression de son visage se fit naturellement plus neutre.

Né à Marbrume mais ayant baroudé çà et là durant des années avant de rentrer chez lui... La notion même de foyer lui était inconnue. Malgré les années, Ryn ne s'était jamais senti chez elle nulle part et elle se demandait si lui-même connaissait le réel sens de ce mot. Quelque part, elle en doutait fortement. Sinon pourquoi se sentir à l'étroit dans un endroit qui devrait être synonyme de lieu de repos et de ressourcement ? Pourquoi ne pas reconnaître ce qui, pourtant, devrait être familier ? Tout ceci, elle le savait, ne la regardait tout bonnement pas.

Puis vint le tour de sa question… Une question bien étrange qui la surprit tout particulièrement. Qu'imaginait-il des mercenaires au juste ? Sans doute pas grand-chose à en juger par ses interrogations.

-Les lames sont des mercenaires… Au fond, d'une manière ou d'une autre, j'ai toujours appartenu à une compagnie. Il n'y a donc pas eu de vrai changement. Enfin, ce n'est pas vraiment ainsi que je le vois. Les mercenaires sont rarement des solitaires… Ce sont des soldats qui n'appartiennent à aucune terre, à aucun seigneur… Ils répondent à leur blason, à leur famille… Enfin, si l'on peut voir ça comme une famille.

Difficile pour Aeryn de ne pas faire l'amalgame. Sa famille avait justement été sa toute première compagnie et rien ne différait réellement dans la relation qu'elle pouvait avoir avec ses frères ou ses compagnons d'armes. Au fond, pour elle, c'était plus ou moins la même chose : ils vivaient au même endroit, obéissaient à la même personne et faisaient le même travail.

Clay pouvait bien interpréter ses propos comme bon lui semble, la rouquine n'en avait cure. Et puis, c'était à son tour de l'interroger.

-Vous aussi vous êtes du genre à vous cacher derrière l'humour ? lui demanda-t-elle à son tour.

23 Mai 1167.

C’était une réponse honnête, du moins Clay sentit que la jeune femme s’était convaincue de celle-ci. Mais il était aussi certain qu’elle-même, malgré toutes ses barrières et ses convictions, devait sentir la différence entre les lames et la plupart des compagnies. Il avait sorti sont épée à coté de mercenaires, contre des mercenaire et bu autant que vécu en leur compagnie. Non, tous ne se ressemblaient pas et les Lames moins encore que les autres. Malgré la disparité de ses membres, il s’agissait d’une compagnie militaire, de celle qu’on pouvait envoyer en campagne une année complète sans craindre qu’elle ne s’étiole ou ne s’adonne au pillage.

Parfois, il se disait qu’ils ressemblaient plus à des soldats que la milice. La guilde réunissait des hommes et des femmes qui avait fait plus que de faire du combat leur moyens de survivre ou d’être rémunéré, ce dont se contentait la plupart des miliciens ou des mercenaires. En était pour exemple Desmond et ses boucliers, pour lui, tout cela n’était qu’un outil, une voie vers plus de pouvoir, plus d’argent.
Les lames étaient des guerriers, c’était leur nature. Leur façon d’appréhender le monde. Mais il ne dit rien de cela. Le but n’était pas de débattre sur ses avis, mais d’apprendre à la comprendre et même quelqu’un d’aussi long à la détente qu’il pouvait l’être parfois, savait que commencer par « non, tu as tort ! » n’était pas la meilleure des idées.

Alors il se gratta le menton pour réfléchir à la question qu’elle lui retourna, lui accordant l’intérêt qu’elle méritait au-delà de sa façade évidente.

- Je ne crois pas m’y cacher non… Disons plutôt que j’ai découvert qu’il s’agissait souvent d’un bon moyen de communication et que parfois, quand l’on a peur c’est un soutien efficace. Un bouclier plus qu’une cachette si vous préférez. Et puis, j’aime les bonnes blagues ! Répondit-il finalement, un coin de ses lèvres retrousser. Il était sur qu’elle avait son humour aussi et se demandait ce qu’il pouvait donner.

- Qu’en est-il de vous, Aeryn ? Répondez-vous au blason ? Ou à la famille ?

Quelque chose lui disait - dans son regard comme dans l'expression que son visage - que sa réponse ne l'avait guère convaincue. La raison du "pourquoi" lui était tout bonnement inconnue, mais elle se satisfaisait tout de même de sa propre honnêteté. Après tout, n'avait-elle point répondu sans détour ? Si …

Tant pis pour lui.

Lorsque Clay s'exprima à son tour pour répondre à la question de la mercenaire, celle-ci lui lança un regard perplexe. Après tout, quelle était la différence entre se cacher et se protéger à l'aide d'un bouclier ? Ne le faisons-nous pas pour les mêmes raisons, dans un esprit de préservation et de protection justement ? Qu'importe les mots, finalement, ne restait toujours que l'interprétation de ces derniers et la rouquine avait sa propre manière de penser.

-Dés l'instant où je décide d'arborer un blason, je le considère comme ma famille. C'est aussi simple que ça, répondit-elle en se saisissant de son gobelet afin d'en boire une gorgée ou deux. Ma famille, je la choisis soigneusement, en fonction de mes propres valeurs. J'adopte le blason, la cause… Je n'ai jamais toléré les routiers, les pillards. Du moins, c'est ainsi que l'on m'a élevé.

Son père avait beau être un monstre envers ses enfants, il n'en était pas moins un homme d'honneur. Si l'épée devait être sortie de son fourreau, ce ne pouvait-être que pour défendre les plus faibles. Voilà pourquoi la compagnie des Monclar n'a jamais fait partie des plus riches ou des plus importantes en termes de taille. Rodrick estimait que l'humain n'était pas fait pour vivre en grande communauté et favorisait les petits groupes. Ryn, d'après le malaise qu'elle ressentait au milieu de la foule, ou lorsqu'elle passait trop de temps en compagnie des autres, ne pouvait que rejoindre son opinion.

Trouver sa prochaine question lui semblait compliqué. La rouquine n'était pas du genre à se lancer dans de longues discussions et encore moins sous forme d'interrogatoire. Pour elle, seul le temps et les évènements partagés pouvaient aider à apprendre à connaître les gens. Exiger l'honnêteté ne pouvait servir de garantie et, au fond, Clay était tout à fait capable de détourner la vérité ou la dissimuler … Comment lui faire confiance ?

-Pourquoi venir me parler ? Non, ce n'est pas la bonne question … Laissez-moi reformuler, elle but une autre gorgée, son regard plongé dans celui de l'inconnu. Pourquoi, selon vous, ce jeu peut vous permettre d'apprendre à me connaître ?

23 Mai 1167.

Il lisait les ambivalences de son regard, les contractions discrètes de ses sourcils, le soulèvement de sa lèvre inférieure en une moue qu’elle retenait. Les lueurs de colères et de trouble dans ses yeux. Il ne pu s’empêcher de repenser à la chasse au loup à laquelle il avait participé alors que son quatorzième printemps se terminait lentement. Avec un camarade ils avaient fini par acculer une femelle blessée sur le bord d’un promontoire et c’est le même regard qu’il avait perçu dans ses étranges pupilles jaunes. L’animal blessé, rancunier, incompris, doute colère mêlés.

Qu’elle était la blessure d’Aeryn ? A quel point était-elle profonde pour que ce regard soit devenu son quotidien ? A l’époque, il avait abaissé sa lance, incapable de se résoudre à donner raison au jugement que portait sur lui l’animal. Il n’avait pas voulu endosser ce rôle, par compassion, ou par lâcheté, le mélange subtil des deux peut-être. Cette décision avait couté deux doigts à son compagnon. Qu’en était-il aujourd’hui ? Serait-ce une erreur ? Agirait-il différemment ?

Il but une longue gorgée pour adoucir sa gorge devenue étrangement sèche pendant sa réflexion. La réponse à celle-ci était aisée, même si au vu de la personnalité de la jeune femme, il comprenait qu’elle ne fasse pas le lien d’elle-même. Un loup, même dressé et blessé, reste un loup.

- Parce que la manière qu’à une personne de répondre à une question compte autant que le contenu de sa réponse. Et les deux nous en apprennent plus sur son caractère et ses habitudes. Il n’y a surement pas de quoi fonder une amitié uniquement sur cette base, mais c’est déjà un début…

Nouvelle gorgée, plus courte.

- Notez que cela reste mon avis et que je peux fort bien me tromper. Mais par exemple, au vu de vos réponses, je dirais que pour vous, "famille" signifie plus profondément devoir. Vous n’y voyez pas la tendresse d’une mère à son enfant, ou d’un mari à son épouse. Non, pour vous c’est une responsabilité, un code. Et je dirais que c’est parce que c’est ainsi qu’on vous l’a inculqué. Votre père sans doute… j’admets que cette déduction-là est facile vu votre nom et sa réputation. Il attendait le meilleur de vous et même quand vous l’atteigniez, cela ne suffisait pas. Cela n’a jamais suffi. Vous le savez, vous savez même qu’il avait tort je pense, mais cela ne l’a pas empêché de réussir à vous modeler selon ses préceptes et aujourd’hui même à votre corps défendant, vous les suivez comme un soldat suit les ordres de son général. Supposa-t-il alors d’un ton bas, juste assez audible pour que Ryn soit bien la seule à entendre son explication. C’est pour ça que vous êtes en colère, contre lui, contre vous et contre le monde. C’est pour ça que vous ne croyez pas une seule seconde au fait que je sois de bonne foi ou que je puisse simplement vouloir vous comprendre. C’est pour ça que vous n’avez pas de bouclier sur le champ de bataille, uniquement des armes. Parce que celui qui aurait dû vous apprendre à vous défendre et à aimer n’a fait que vous apprendre à vous battre. Alors vous vous battez.

Il n’y avait pas de moquerie dans sa voit, pas non plus de pitié mal venue, un simple avis de qu’il avait l’impression de percevoir au travers de ses paroles, de ses attitudes et de son regard.

- Je n’affirme pas détenir la vérité, mais chaque nouvelle réponse me permet d’un peu mieux comprendre qui vous êtes et de corriger mes erreurs. Jusqu’à ce que, je l’espère, vous soyez celle qui dirige le pinceau de votre toile… Voilà une phrase qu’aurait pu dire le père Altan, je dois un peu trop l’écouter parler. conclut-il avec un sourire tranquille avant de poser sa propre question.

- Aimez-vous quelqu’un Aeryn ? Peu importe de quel type d’amour nous parlons. Y a-t-il une relation à laquelle vous donneriez cette définition sans hésiter ?

L'avouer à voix haute la tuerait probablement, mais Clay avait sans doute raison, sur toute la ligne. Comment le savait-elle, elle qui se voulait constamment la face ? Tout simplement parce que ce n'était pas le premier à affirmer ce genre de chose et Ryn détestait cela.

Elle détestait cette transparence qui laissait percevoir à n'importe qui tout ce qu'elle tentait de dissimuler.

La colère devait aisément se lire sur son visage à présent tant elle bouillonnait de l'intérieur. Ses mains enserraient fortement son gobelet comme si elle voulait l'étrangler. Le tuer, lui, cet individu de plus qui se targuait de pouvoir lire en elle comme dans un livre.

-La manière que peut avoir une personne de répondre à une question à l'instant T dépend d'un grand nombre de paramètres dépassant souvent la simple personnalité. Il y a tout un contexte à prendre en compte, comme les choses vécues durant la journée, les jours ou encore les semaines précédentes. Tout cela façonne un tempérament qui n'est, naturellement, jamais fixe. En tout cas, c'est ainsi que je vois les choses, souffla-t-elle entre ses dents. Les mots, ce n'est que du blabla, Clay. Les nobles savent les enjoliver à merveille, ils ont je-ne-sais combien de termes seulement pour le mot "merde" et pourtant, à l'odeur comme à la forme, ça reste la même chose.

Repoussant son verre vide, la mercenaire poussa un long soupir de contrariété. Fermée en entendant son énième question, elle réajusta sa position sur son banc, croisant les bras dont les coudes vint de poser sur la table.

-Quelle importance ? grogna-t-elle. J'aime mes frères, ils sont mon sang et ma chair, mes compagnons d'armes. Pour eux, je serai capable de raser ce monde et ils feraient probablement la même chose pour moi.

Cela, Aeryn avait beau l'affirmer sans faillir, elle doutait pourtant que ses aînés puissent remuer ciel et terre pour elle. Kaël et Ivaad, bloqués au Labret, n'avait pas remué ciel et terre pour la tenir au courant de leur état. Ils n'avaient même pas hésité à la laisser seule à Marbrume tout cela parce que leur client refusait de voir une femme rejoindre son escorte… Rohan et Aren l'avaient battu et torturé durant toute son enfance et sans doute auraient-ils fait bien plus si personne ne les avait arrêté. Quant à Loghart… Combien d'années avait-il passé à errer dans ce maudit duché sans jamais se préoccuper d'elle ?

-Vous n'êtes pas le premier à me poser cette question, figurez-vous. Et pour être franche, cela m'agace fortement. Aussi vais-je vous répondre la même chose : qu'est-ce que ça peut vous foutre ? Voyez, c'est bien pratique, cela fera également office de question.

23 Mai 1167.

La colère. Pas froide, oh non, volcanique au contraire. Il s’était attendu à son arrivée, après tout, selon sa théorie, elle était en colère à chaque instant que les trois faisaient. Un brasier incandescent qu’elle parvenait difficilement à dissimuler sous une couche d’indifférence factice. En se permettant de la définir, il l’agressait, car tout ce qui la touchait l’agressait. Ainsi avait-elle été forgée.

- La merde dans laquelle je me mets en vous énervant à donc la même forme et la même odeur que celle qui sort de votre cul, Aeryn ? Et pourquoi pas Fange tiens ? Ça aussi ça veut dire merde. Pourtant il ne me semble pas qu’une bonne pelle suffise à nous débarrasser de celle qui traine dehors. Alors quoi, Aeryn, je me cache derrière l’humour et vous derrière la bêtise ? Allons, ne me prenait pas pour plus stupide que je ne le suis ou que vous ne l’êtes. Les mots ont un sens, plusieurs parfois, tout comme la manière dont on les utilise et vous le savez parfaitement. Je vous parle d’amour et vous me parlez de compagnon d’arme parce que vous ne savez pas ce que c’est ou plutôt vous ne voulez pas savoir. Vous vous dites surement que si vous aimez vous aurez une faille dans votre carapace, mais vous ne voyez même pas qu’elle en est couverte. Quoi que non, vous ne vous le dites pas, quand ça arrive, je suis certain que vous vous énervez et que vous repoussez celui qui semble pouvoir vous poussez à vous poser la question.

Il secoua la tête devant le ridicule de sa réaction. Pensait-elle vraiment pouvoir le berner ainsi ? Se berner elle-même ?

- Reste forte, Aeryn ! Tu n’as besoin personne, Aeryn ! Qui voudrait de toi, Aeryn ? Tu ne le mérite pas, Aeryn ! Tu n’es rien, Aeryn ! Je peux vous voir vous le hurler mentalement les yeux fermés. Alors ce que ça me fout ?

Il finit son verre et le posa, le claquement sonore indiquant plus de force, peut-être de tension qu’il n’en exprimait de sa voix toujours calme. Il se pencha légèrement en avant et lui dit d’un ton aussi honnête que froid :

- C’est que je veux savoir si là-dessous il y a quelqu’un à découvrir ou si tu n’es qu’une gamine lâche et effrayée avec un couteau qui a toujours peur de l’ombre de papa. Alors, c’est ça ma question, es-tu quelqu’un, Aeryn ?

Son pied glissa lentement pour prendre appui sur le sol.

Plus il parlait ou plutôt l'insultait, plus le sourire de la mercenaire prenait de l'ampleur jusqu'à se faire carnassier.

-Alors ça y est, on en arrive aux injures ?] siffla-t-elle en se redressant lentement sans le quitter des yeux. Sa main gauche vint alors se saisir du pichet pour mieux se servir un autre verre qu'elle avala doucement.

-Mais allez-y, "Clay", continuez voyons. Pourquoi vous arrêtez maintenant… Puisque vous semblez tout savoir, poursuivez, je vous prie.

Calme en apparence, sa voix semblait pourtant plus grave, plus profonde. Dans ses yeux brillaient les flammes de toute la haine et la violence qu'elle nourrissait, bâillonnait depuis des années et qui ne demandait qu'à s'exprimer.

-Vous pouvez bien penser ce que vous voulez de moi, j'en ai rien à foutre. Mais épargnez-moi vos théories fumeuses à mon propos. Je suis ce que je suis et cela ne regarde que moi.

Terrifiée, elle l'était mais ce qui l'effrayait ne la touchait pas personnellement. Si son père réapparaissait devant elle aujourd'hui, elle le tuerait probablement, comme elle tuerait ses deux frères aînés. Faible, elle l'était, mais elle saurait piocher dans ses dernières force le moment venue car Aeryn n'a jamais été le genre de femme à renoncer.

-Je vais vous faire gagner du temps : il n'y a rien à découvrir. Je ne suis pas quelqu'un, je suis moi. Je m'appelle Aeryn Monclar, j'ai mes failles et mes plaies, mais je ne me cache pas derrière un nom d'emprunt parce que j'ai peur de mon papa ou de ce que les autres pourraient penser de moi à cause de son nom. Mais si j'étais vous, je cesserai immédiatement de me provoquer, parce que l'on vous nomme Clay, fange ou merde, cela ne changerait rien pour moi et je n'hésiterai pas à vous faire goûter de mon… mon quoi déjà ? elle fit mine de réfléchir, se grattant le menton du revers de sa main tenant toujours le pichet...Ah oui, de mon "couteau".

Et elle lui jeta le reste du contenu à la face.

- Crétin, souffla-t-elle en posant lourdement le contenant sur la table.

La petite scène eut tôt fait d'attirer l'attention des lames installés quelques tables plus loin. Consciente qu'ils interviendraient si la situation s'envenimait, la mercenaire leur fit signe de ne pas bouger.

23 Mai 1167.

Les gouttes de lait perlaient dans sa barbe quand les plus grosse trainée dégoulinaient dans son cou et sur le haut de sa veste, imbibant même le col de sa chemise. Il la regarda une boule de colère contenue. Il avait pensé qu’elle exploserait au mot « papa », au lieu de quoi elle essayait de le retourner contre lui. Oh sans nul doute sa relation avec son paternel n’était bien plus envieuse que la sienne, mais la remarque ne lui fit ni chaud ni froid. S’ils avaient pu se ressembler à une époque, les problématiques qu’ils affrontaient été bien différente à présent.
Il rit en secouant la tête, faisant voler quelques gouttes.

- Oh j’en doute fort « Aeryn Monclar », appuya-t-il avec une hilarité emprunte de sarcasme. Ce nom n’est pas le votre, pas plus que Clay n’est le miens et vous vous cachez derrière pour ne pas à découvrir qui vous êtes. Moi au moins j’ai la décence de le reconnaître. Aeryn Monclar n’est qu’une coquille vide dans laquelle vous vous êtes réfugiées. Fille d’une brute, sœur de brutes et brute elle-même ? Pfeuh, je n’y crois pas une seconde même si vous faîte semblant le plus parfaitement du monde.

Il haussa les épaules en levant les mains bien à plat comme s’il expliquait quelque chose d’évident à un parfait imbécile. Elle ne l’était, il le savait, mais pour qu’elle-même le comprenne, il devrait sans doute la pousser loin, très loin.

- Pourquoi aurais-je peur de vous provoquer ? A cause de l’objet pointu ? Parce que vous êtes incapable de me dire pourquoi le fait que je veuille vous comprendre vous énerve autant ? Ou peut-être que je devrais avoir peur parce que vous êtes la dangereuse « Aeryn Monclar » qui se sert de son nom pour rejeter les autres uniquement parce qu’elle est terrorisée à l’idée de ne plus pouvoir se définir ? Quitte à ce que cette définition soit donnée par un tyran qui a passé l’arme à gauche ? Désolé, mais je ne vois là pas grand-chose apte à inquiéter qui que ce soit.

Il lui offrit un sourire désolé.

- Crétin, je le suis sans aucun doute, la preuve, je vous parle encore. Mais au moins je ne fais pas passer ma lâcheté pour du courage ni mon nom pour une excuse. Vous savez ce qui vous trahi Aeryn ? Ce sont vos yeux. Je vous parierais ma bourse qu’ils vous viennent de votre mère, ça devait être une femme forte, elle. Dommage qu’elle soit morte, ça manque de femme comme ça alors qu’on se retrouve avec vous. Car vos yeux hurlent votre solitude, Aeryn. Planquez là sous toute la colère et le déni qui vous chantera, ou en jouant de la lame, « Monclar », vos yeux vous trahirons toujours parce qu’eux au moins ont les couilles de dire la vérité.

-Qu'est-ce que ... s'exclama-t-elle en lui lançant un regard ahuri chargé d'incompréhension et de cette lueur particulière qui se distingue chez tout individu qui se retrouverait face à un fou en plein crise de démence. Au moins, cela eu pour effet d'apaiser quelque peu ses nerfs. Après tout, quel intérêt pouvait-il y avoir à débattre avec un aliéné ? Aeryn Monclar est le nom que l'on m'a donné à ma naissance, soupira-t-elle de lassitude en passant une main dans ses cheveux. Arrêtez un peu vos conneries. Je ne me cache pas derrière un nom, ce n'est qu'un nom, pas un bouclier. Il me donne une identité et non une personnalité.

Pourquoi donc se justifier face à lui ? Il se fichait bien de ses réponses et cherchait uniquement à la provoquer en la faisant sortir de ses gonds… Et il y était parvenu, l'espace de quelques minutes avant qu'elle ne réalise que tout cela était stérile.

-Vous savez quoi, allez-y. Insultez-moi si cela vous chante. Dénigrez-moi, imaginez tout ce que vous voulez à mon propos… au fond, j'en ai rien à foutre. Je n'ai rien à vous prouver, vous n'êtes rien ni personne.

Lui offrant un sourire méprisant, la mercenaire délesta sa bourse de quelques sous, de quoi rembourser généreusement le lait de chèvre.

-Vous n'essayez pas de me comprendre. Vous estimez simplement que puisque je ne colle pas à la vision de la femme de votre rêve, je dois être punie. Mais, vous savez quoi ? Cette femme, elle n'existe tout simplement pas. Ce n'est qu'une image que vous avez eu le temps d'enjoliver…. Moi, je ne suis qu'une pauvre femme qui traine ses casseroles et ses bosses en essayant tant bien que mal de se construire dans un monde qui ne cesse de changer. Alors, voyez-y de la lâcheté si vous voulez. Je ne peux rien faire contre votre propre interprétation et je n'ai jamais été du genre à essayer de me battre contre des moulins à vent.

Elle haussa les épaules et déposa les pièces sur la table.

-Quant à ma mère et à ses yeux, vous en savez sans doute autant que moi : rien. Elle est morte en me donnant naissance. Laissez donc mes yeux hurler ce que bon leur semble et n'y prêtez pas attention. Quoiqu'ils disent, le message ne vous est certainement pas destiné.

23 Mai 1167.

Clay haussa un regard faussement surpris dans l’accentuation rendait bien entendu impossible d’y croire. Il s’exclama :

- Vous êtes donc capable de discuter sans balancer votre haine au premier venu ? Et bien l’on progresse, doucement mais surement. Bientôt vous commencerez peut-être même à répondre honnêtement quand on vous pose une question. Dit-il en lui indiquant la chaise qu’elle avait abandonné du menton, lui proposant tout naturellement de se rasseoir.

- Si vous n’avez rien à me prouver, pourquoi donc passez-vous votre temps à vendre cette image de barbare stupide qui ne comprend rien et ne veut rien comprendre ? Qui pensez-vous donc duper ? Et pourquoi devriez-vous le duper ?

Il sortit un petit torchon de sa veste et se tamponna le visage sans se soucier le moins du monde des regards qu’ils attiraient. Ou même qu’elle se serve de son rêve pour essayer de le mettre mal à l’aise, de s’en détacher complètement. S’il n’aimait certainement pas plus qu’elle de voir étaler ses craintes en place publique, il n’était pas non plus du genre à les fuir, surtout pas pour la laisser se conforter dans son argumentaire biaisé.

- Et comment est-elle donc la femme de mes rêves ? Comme pour votre mère, vous en savez autant que moi, à savoir rien. Et ça vous terrifie, sinon vous n’auriez pas besoin de me rappeler que vous ne l’êtes. Je vous demande qui vous êtes, et vous me répondez : « pas elle » ou « pas la fille de mon père ». D’accord, vous n’êtes pas elles. Et donc qu’est-ce que cela change ? En quoi ai-je eu ma réponse ? Si je vous dis que je ne suis pas une table, est-ce que cela suffit selon vous à me définir ? Dit-il en jetant négligemment le torchon sur la table qui les séparait toujours.

- Pensez-vous que bondir sur vos pieds et me jeter du lait en clamant que je n’essaie pas de vous comprendre change quoi que ce soit à l’affaire ? Ne me faîtes pas croire que les insultes sont à l’origine de votre réaction. Vous étiez déjà prête à me sauter à la gorge rien que parce que je m’intéressais à vos réponses. Ai-je poussé le bouchon un peu trop loin ? Sans aucun doute, mais je ne compte pas m’en excuser. Mais puisque visiblement vous ne cherchiez qu’une raison valable de justifier votre colère, je vous l’ai fournie.

Il leva sa main comme pour l’empêche de parler bien qu’elle n’ait rien dit, un sourire calme sur le visage.

- Pas besoin de me remercier, j’aime bien rendre service. Dit-il en lui faisant un clin d’œil. Vous voyez, l’humour, ça détend. Maintenant que vous pouvez me trouver antipathique sans chercher d’excuse, pouvons-nous continuer à discuter sans que la moindre de mes questions ne semblent vous écorchez vif ?

-Je crois que l'on ne s'est pas bien compris,dit-elle, les bras croisés et toujours debout, plantée sur ses positions. Je ne vous dois aucune réponse ou explications, pas plus que vous ne m'en devez également. Pousser les gens à bout pour obtenir d'eux ce que vous voulez est, à mon sens, une manœuvre écœurante.

La mercenaire se tenait droite, telle une statue de glace à laquelle l'on aurait pu aisément croire qu'elle lui en avait également emprunté la froideur.

-Mais vous avez raison, je ne sais rien de vos rêves, rien de plus que ce que vous m'avez raconté du moins… Et puis, au fond, quelle importance, ajouta-t-elle en haussant les épaules. Cela ne me regarde pas… Et comme je vous l'ai dit, je ne peux rien contre votre propre interprétation à mon sujet. Croyez, imaginez, rêvez ce que vous souhaitez, cela ne me concerne pas finalement. Je me suis emportée, c'est vrai. C'est ce que je fais toujours lorsque l'on m'agresse. Vous pouvez très bien croire que ce n'est pas ce que vous avez fait, si cela peut vous rassurer… Mais pourtant… Vous avez essayé de me plier à votre volonté, en tout cas c'est bien ainsi que je l'ai interprété et, contre cela, vous ne pouvez rien non plus.

Et pensait-il sincèrement qu'elle se montrerait plus ouverte ou seulement plus aimable après cela ? Autant se mettre le doigt dans l'œil, la mercenaire venait de se refermer comme une huître protégeant jalousement sa perle.

-Je vous laisse donc avec notre humour , monsieur. Vous pouvez tout aussi bien interpréter mon départ comme une preuve de lâcheté ou… Ce que vous voulez d'ailleurs. Ce n'est pas mon problème. Adieu.