[Quête] ⚜ Ordre, soin et prière ft. Louisa Courtepointe - 1er Juin 1167 ⚜

Les indication du Baron, qui précisèrent la scène à laquelle il avait assisté, ajoutèrent à sa confusion. À quel point leurs visions étaient-elles semblables ou connectées? Etaient-ils partis du même point de départ pour qu’ensuite les événements se déroulent de manière différentes ou avaient-ils partagé le même cauchemar, vivant chacun leurs propres horreurs en parallèle, sans pour autant jamais se croiser?

Le Seigneur blâma ensuite les Dieux, un peu comme elle l’avait fait précédemment. Mais plus elle y pensait, plus…
« Peut-être… », répondit-elle simplement, sans grande conviction.
Pourquoi les Dieux, dans leur toute-puissance divine, auraient-ils besoin d’un objet aussi banal que le petit cube noir pour les atteindre?

Aloys lui avoua alors la façon dont il était mort, dans cette fameuse vision, et Louisa eut un éclair de compréhension. Ça n’excusait pas, à ses yeux, le fait de se brûler tout seul, mais au moins comprenait-elle un peu mieux d’où lui était venu ce besoin. Ainsi, ils avaient connu des fins parfaitement opposées: le Baron embrasé par les flammes et elle engloutie par les vagues. Mh…

Il était toutefois temps de partir, et bien que Louisa aurait à la fois tant préféré rester dans la sécurité toute relative de la chambre du Baron que creuser plus avant l’expérience horrifique qui les avait tous les deux bouleversés, elle s’y résolut.
La douce prise du jeune homme sur ses mains, presque tendre, lui fit relever les yeux à temps pour croiser les siens. Elle puisa force et courage dans ce regard ainsi que dans ses mots. Dire qu’elle était arrivée ici tremblante et la boule au ventre, terrifiée à l’idée de lui faire face…
Elle lui sourit alors, pour la première fois probablement, de ce doux et chaud sourire sincère qu’elle réservait d’ordinaire à ses petites charges.

La prêtresse se souvint soudain de sa pince à cheveux, abandonnée sur les couvertures. Elle eut une petite moue gênée et alla la récupérer, s’appliquant ensuite à rattacher sa volumineuse masse de cheveux en son chignon habituel. Il n’aurait plus manqué qu’elle l’oublie ici, tiens…

Lou’ se dirigea ensuite vers la sortie et s’arrêta, dos à la porte.
« Merci… »
Elle ne précisa pas pourquoi… Pourquoi, d’ailleurs? Pour ne pas être le parfait enfoiré qu’elle avait imaginé? Pour lui avoir confié des choses qu’il ne racontait certainement pas au premier venu? Pour l’avoir aidée à traverser l’horreur et la panique qui l’avaient foudroyée?
« Reposez-vous. J’ai bien peur que nous ne soyons pas au bout de nos peines… »
Un dernier regard et elle passa la porte, se réorientant dans les couloirs inconnus du fort de Sombrebois.

Elle s’avançait comme si de rien n’était, descendant les escaliers puis saluant les gardes qui surveillaient l’entrée avec tout le naturel du monde pour essayer de ne pas ajouter aux potentielles suspicions. Mais dès qu’elle fut au-dehors, la façade s’effrita. Elle crevait toujours de trouille et c’est presqu’en courant qu’elle regagna le Temple de Sombrebois et la petite chambre qu’on lui avait attribuée.

Lou’ s’y enferma et se roula en boule sur le lit. Elle aurait tellement voulu aller rendre visite à la petite Margaux mais elle était aussi bien consciente qu’elle était tout sauf stable en ce moment. Des souvenirs des derniers jours ressurgissaient sans cesse dans son esprit: le fangeux qui tirait sur la jambe de Margaux; celui qui avait coincé Gaël contre le chariot; le jeune milicien à la gorge arrachée; Aloys qui se faisait traîner par son cheval au sol; les poings d’Almère, s’abattant sans relâche sur le milicien mordu; le vol plané de Margaux, frappée par l’effroyable Hubert; la voix du Baron qui résonnait sur la place de Sombrebois pour faire arrêter l’enfant et puis tout, absolument tout ce qui s’était passé sur ce fichu navire.

Ses mains recroquevillées devant son visage pour cacher les marques grisées qui y avaient élu domicile, la prêtresse pleurait de nouveau à chaudes larmes. Mais il n’y avait personne pour l’arracher à son désarroi cette fois. C’était trop… Beaucoup trop. Et dire qu’elle avait quitté Marbrume pour espérer trouver un peu de calme parce qu’elle ne tenait déjà plus que par un fil…