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 Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]

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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] EmptyMar 11 Oct 2016 - 21:46
Suite du RP : Ainsi parlait la folle aux chats
Et également : Soleils Ambrés, nuits azurées, cercle parfait (Pages 8-9)

15 Avril 1165. Manoir Ventfroid, aux environs de 9h, le matin.


Le temps était finalement venu. Une petite semaine s’était passée depuis qu’Ambre et Morion s’étaient rendus compte que finalement, leur manoir et leurs idéaux n’étaient peut-être pas si sûrs, peut-être pas si secrets. A cause de quoi ? D’une simple femme. Tout du moins c’est ce que les apparences laissaient présager. Une vieille femme, un peu folle, connue en vertu de cela sur l’Esplanade, et non pour autre chose. Seule, ou presque, affublée d’une fantomatique domestique passée d’âge, et qui, d’ordinaire, ne cherchait de noises à personne, et ne recevant la visite de personne non plus. Un élément totalement isolé donc, qui n’aurait jamais auguré la moindre menace, ne fusse son talent assez particulier, doublé d’un manque flagrant de lucidité; elle était venue faire montre de celui-ci directement devant les femmes concernées, à savoir Ambre de Ventfroid, et Grâce de Brasey. L’une n’étant pas du genre à laisser les choses se faire ainsi, et l’autre non plus, disposant en plus d’un mari que la menace pouvait faire réagir de la pire des manières. Elle avait donc, probablement sans le savoir, la folie et l’angoisse guidant ses pas, et non, comme l’on aurait pu le supputer de la part d’une femme de noble naissance, la raison, décrié sans le moindre complexe les choses qu’elle avait vu en songe, des choses terribles, des présages funestes, et pire que tout, des choses vraies. Certaines étaient facile à démentir. Il s’agissait là de faits passés, de choses qu’une négation pouvait aisément rabattre au rang de simples calomnies. Oui, cela pouvait instiller le doute. Pouvait, seulement. Et dur, sans preuve écrite, de certifier l’exactitude d’un événement qui datait de plusieurs années. En ce qui concernait les choses matérielles, cependant, nous voilà dans une situation bien plus inquiétante. Un tableau, par exemple, si son existence était révélée à la bonne personne, pouvait s’avérer une preuve accablante de duperie, de perfidie. C’est exactement ce qu’il s’était passé. Elle avait eu, par un biais encore inconnu des trois nobles visés par la trentenaire, connaissance du présent que Morion avait fait à Ambre, juste après leurs noces. Un problème d’autant plus épineux que celui-ci démontrait avec une beauté majestueuse la haine et la soif de sang qui animait les deux époux à l’égard de la famille ducale, maltraitant son blason comme un fangeux martyrisait ses proies. La seule erreur de cette femme avait finalement été de ne pas en référer aux plus hautes instances, et de venir, dans un sursaut aussi inespéré que bienvenu d’altruisme, à ceux qui étaient directement concernés par ces révélations oniriques. Malheureusement pour elles, ces trois-là avaient été extrêmement réactifs. Paralysée, contrainte au silence pour plusieurs jours, elle n’avait pu faire pire que ce qu’elle avait déjà fait. Cela un temps du moins, afin de laisser à tous le temps de préparer soigneusement les prochaines initiatives à prendre, qui fatalement, devaient entraîner à un moment donné la réduction au silence certaine de cette femme, passée de doux-dingue à atrocement dangereuse. Une semaine avait passé. Plus ou moins. Grâce de Brasey avait assuré la surveillance de la résidence rendue un brin contrainte via ses espions, pendant que les époux Ventfroid avait réfléchi, et finalement trouvé, le meilleur moyen de la mettre à mal.

Aux premières heures de la matinée, Talen, selon les instructions de Morion, avait été «récupérer» la trentenaire, afin de la conduire, contre son gré évidemment, dans ce qui serait probablement la dernière demeure qu’elle ne verrait jamais. Les choses s’étaient déroulées - presque - sans accroc. Malheureusement, la domestique avait été difficile à neutraliser. Morion avait d’ailleurs fait une tête de six pieds de long en apprenant, une fois le domestique rentré, qu’il avait failli être mis à mal, d’une certaine manière, par une vieille femme à un cheveu de l’impotence, lui son maître d’armes, lui son homme de main de confiance. Il avait finalement opté pour le sourire sardonique et une acide réflexion sur les capacités déficientes de son bras droit, que l’âge semblait rendre de plus en plus velléitaire. Les cris poussés par la vieille femme furent nombreux jusqu’à ce que la mort ne finisse par la ravir à sa demeure.

De fait, si l’évasion de Talen et de son colis ne fut guère remarquée, les rues encore plongées dans l’obscurité à peine tourmentée par les torches de la nuit, plusieurs habitants de l’Esplanade et gardes en patrouille eurent un écho, difficile à localiser mais bien réel, des lamentations.

Inquiet, Morion avait attendu un bon moment, même après que la folle eût été enfermée dans la Cage, que des gardes se mettent en route, parcourent les rues. Il n’en fut rien. Peut-être certains continueraient à chercher l’origine de ces cris mystérieux, mais en l’état, personne ne semblait s’y intéresser suffisamment pour mobiliser un escadron complet. Et le comte espérait que cela reste ainsi le plus longtemps possible.

Il n’était pas allé voir Saurell. Il savait quel rôle l’isolement pouvait jouer sur la pression psychologique d’une personne victime de torture. Talen ne lui avait que peu laissé entrevoir les détails de son voyage - elle aussi avait eu sa dose de coma - et l’avait liée sans un mot à la roue, en préparation du traitement qui l’attendait. Et depuis cet instant, elle était seule, isolé de tout bruit. Morion avait expressément donné congé à tout le personnel excepté les cuisiniers. Les séances de tortures ouvraient assez rarement l’appétit, mais ce n’était pas une raison suffisante pour mal recevoir ses invités, surtout quand ceux-ci venaient rarement, à l’instar de la Baronne de Brasey.

Sur les ordres du Comte, un déjeuner matinal était donc en préparation du côté des cuisines. Ou plutôt, quelques rafraîchissement, des boissons et quelques menues pâtisseries, de quoi agrémenter les quelques minutes qui s’écouleraient avant qu’ils n’assassinent une femme innocente. Etonnant comme la situation s’avérait complètement décalée avec leurs actes. L’innocence de la missive d’Ambre ne ferait fleurir sur les langues pendues que la rumeur d’une Brasey invitée par une famille comtale à prendre le thé à une heure très matinale, certains, peut-être, chez les plus défavorisés ou mis en retrait de par leur manque d’influence ou d’argent, jalouseraient cette petite baronne qui s’aventure tout à fait calmement chez des nobles de haut rang, mais sans plus. Alors que la réalité serait tâchée de sang et ponctuée de cris d’agonie et de supplications.

Prêts depuis un moment, Morion se retourna vers sa femme.

«Il faudra que les espions de Grâce se chargent de… nettoyer la demeure de cette femme. Talen seul n’avait ni le temps ni les moyens de faire le travail aussi proprement que je ne l’aurais souhaité. Il se mordit légèrement la lèvre, observant une nouvelle fois l’avant de son jardin depuis la fenêtre du hall. Je ne doute pas de la fragilité psychologique d’une telle femme à l’esprit déjà affligé de nombreux maux, mais tiens tu vraiment à me voir lui faire subir tout cela ?»

Il ne remettait en aucun cas en cause la détermination et le courage de sa femme, ça c’était certain, mais il émettait tout de même quelques réserves à l’idée de la laisser voir ses mains, qui d’ordinaires étaient plus promptes à lui laisser des caresses et à l’étreindre, se tâcher de sang et participer à la profanation d’un corps encore en vie par de multiples sévices. C’était un conflit purement sentimental. Il n’annulerait certainement pas ce qu’il avait prévu, mais fondamentalement, il savait assez de choses pour n’avoir besoin que de Grâce. Et encore, besoin était un terme relatif. Les affaires des Brasey l’intéressaient assez peu, en définitive. Donc l’idée était juste de savoir d’où les renseignements venaient. Grâce était juste là pour s’assurer que Saurell était mise hors d’état de nuire, en définitive, et apprendre de vive voix ce que Morion voulait également savoir.

Dix heures, voilà l’heure à laquelle Grâce était censée arriver.

Ambre avait rejoint Morion un peu plus tard, ce dernier s’étant assuré que Talen avait bien fait son travail, et avait ensuite guetté avec une certaine inquiétude l’activité de l’Esplanade. De fait, impossible pour lui de tenir en place, et ce ne serait certainement pas le cas avant qu’il n’ait mis un terme à la vie de cette femme.

«La voilà.»

Les mots avaient quitté sa bouche au moment même où les ombres discrètes d’un mouvement non loin de l’entrée avaient accroché son regard. Talen vint peu de temps après pour aller chercher la baronne près de l’entrée. Lorsqu’elle fut entrée, les deux époux l’attendaient comme pour une visite officielle - ce que c’était, en quelque sorte. Morion s’avança le premier. Il n’était pas vêtu différemment d’ordinaire, ses tenues de confort ayant une très forte tendance à ressembler en presque tous points aux tenues qu’il arborait en public. Quelques ornements de moins, çà et là. Des boutons de bois au lieux de parures d’argent, ses cheveux un peu plus lâches qu’à l’accoutumée. Néanmoins, cette détente vestimentaire n’était pas à prendre en compte lorsque l’on observait son faciès. Légèrement durci à cause de la tension, le ton grave, il avait dans ses intonations verbales la même urgence que celle qui régnait depuis quelques jours au manoir. Il se fendit néanmoins d’un sourire courtois et inclina le buste en guise de salutations.

«Baronne de Brasey,
voilà longtemps que nous nous sommes vus. Il se redressa. Avant de passer aux… choses sérieuses, prenons le temps de boire une coupe, tout est déjà prêt au salon. Je pourrai vous tenir au courant du déroulement des derniers événements, notamment. Y compris en ce qui concerne l’enlèvement. J’ai besoin de votre concours exprès.»

Il était assez rare d’entendre Morion dire qu’il avait besoin de qui que ce soit, signifiant par là que la chose était assez urgente. Il se doutait que personne ne mettrait un pied chez Saurell avant un moment, néanmoins, il fallait rapidement rendre l’intérieur de la demeure comme neuf, et faire disparaître le corps qui y gisait, attendant probablement qu’on le découvre. Dans la tête de Morion, les deux vies innocentes qu’il avait à prendre venaient d’être remplacées par un Trois retentissant. Il n’aimait pas beaucoup ce chiffre, lorsqu’il était attribué à un nombre de morts. Il n’était pas du genre superstitieux, mais les choses s’arrangeaient ces derniers temps des plus étranges manières.


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Grâce de BraseyBaronne
Grâce de Brasey



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] EmptyMer 12 Oct 2016 - 23:00
Les jours semblaient s’être enchaînés à une vitesse folle, sous peu elle serait liée à un nouvel homme et pas des plus respectés, ni des plus admirables à son sens. Une nouvelle contrainte, une nouvelle embûche à surmonter, comme s'il n’y en avait pas déjà assez avec le Monde qui s’écroulait malgré le fait que certains essayaient de la maintenir en ordre tant bien que mal. Il avait semblé à Grâce que c’était hier qu’elle avait reçu Ambre de Ventfroid pour lui demander quelques informations à propos des quasiment irréprochables d’Alchas et qu’elles avaient été interrompues par l’arrivée pour le moins remarquable de Dame Saurell, la folle aux chats.
Impossible d’oublier cette veuve détraquée et son discours initiateurs de doutes. Son apparente sincérité aurait pu être désarmante si elle n’avait pas été angoissante ou n’avait engendré de la colère, de la révolte, contre la porteuse du message, mais surtout contre ce que cela impliquait. Elle remettait en doute tellement du peu d’intimité et de secrets, de réel secret, qu’il leur était permis.

Comme dit, la Baronne avait mis sous surveillance la demeure de fauteuse de troubles. Avec ce qu’elle lui avait donné le jour de sa visite, peu étonnent que la douce dingue ne se soit aventurée hors de sa tanière infestée de félins les premiers jours. Pas de visites non plus, seulement la domestique, cette harpie antique complètement sourde sortaient pour les commissions ou autres courses, bien évidemment suivie. Puis elle-même était sortie, recevant toujours aussi peu.

En somme rien de bien fourni ou de bien exploitable, tout ce qui avait résulté de cette surveillance était de la frustration, celle de ne toujours pas comprendre comment Saurell s’était retrouvée à connaître tous ces détails allant du désagréable au terriblement dangereux, mais encore les mots étaient faibles. L’absence de toutes autres preuves aurait voulu que la jeune femme se résolve au moins à envisager que peut-être la folle avait raison, que c’était bien là, Rikni qui avait pris contact avec cette femme pour lui parler, lui demander de les mettre en garde, leur épreuve étant de réussir à se passer outre cette impression d’absurde et de croire les paroles alliciantes de la détraquée, cependant, elle ne pouvait s’y résoudre. Elle ne pouvait tout simplement pas. C’était tellement improbable, et les autres possibilités étaient tellement plus faciles et plausibles, donnants nombres de possibilités pour que personne de compromettant n’ai vu la peudo-voyante dans les jours où elle s’était trouvé épiée. Cela ne pouvait être autrement, c’était bien quelqu’un, quelqu’un de cette ville qui lui avait soufflé tout cela.

Son avis, Grâce l’avait gardé pour elle, n’oubliant nullement cette histoire malgré toutes les choses qui tournaient et retournaient son esprit à l’approche de ce satané mariage, néanmoins les faits, elles les avaient fait parvenir à Ambre comme promis, ne se gardant d’aucun détail, tout aussi fades soient-ils.

Ce matin-là, comme les autres avaient été un peu amers, mademoiselle de Brasey réalisant à peine les yeux ouverts que venait de filer une nouvelle journée et qu’elle n’avait encore aucune autre manière que celle qu’elle se gardait, de repousser ou annuler son insupportable union. Victoire semblait fort aise de cette situation, affichant une confiance qui déplaisait grandement à l’aînée des filles. Toutefois, la cadette perdit son sourire narquois quand la missive fut apportée à sa sœur. Le cachet ne lui était nullement inconnu et le contenu malgré son abord un peu volage et désuet l’avait fait grincer des dents. Ce rapprochement entre Grâce et Ambre ne semblait guère lui plaire, tout ce qui pouvait avoir l’air d’avantager sa rivale n’était nullement pour lui plaire.

Na laissant paraître aucun indice du réelle sens de cette lettre, la jeune femme se prépara à la hâte pour se rendre à cette prétendue réponse désuète. Elle ne postait pas de robe outrageusement élégante, plutôt une toilette d’une certaine simplicité, d’étoffe fine sans réellement être très précieuse, et surtout avec peu de bijoux. Personne au manoir de Restellis ne sembla étonné de ce manque de panache, la sobriété, sans jamais être négligée, était de mise chez Grâce depuis quelque temps, sûrement car elle avait bien mieux à songer que ces considérations physiques.
L’air se radoucissait doucement, l’été était loin d’être là, mais on sentait le fond de l’air changé. Certains superstitieux pourraient y voir quelques signes. Idiot. Ce genre de commères pourrait voir ce qu’ils voulaient dans n’importe quoi, même les événements plus anodins de la vie.

D’un pas confiant Grâce s’était avancée dans la propriété Ventfroid de l’Esplanade. Les époux l’attendaient for cérémonieux, il fallait avouer que l’affaire était des plus importantes pour eux trois. Elle le salua comme le voulait le protocole, peut-être avec un brin moins de zèle qu’il l’aurait fallu.

« Comte de Ventfroid, Comtesse. »

La jeune femme n’avait nullement le toupet de se targuer de connaître Morion, loin de là, mais il ne semblait à homme à avoir besoin des autres, du moins, pas exactement, tout le monde avait un jour besoin de quelqu’un, néanmoins, quelques privilégiés pouvaient se payer le luxe de ne jamais avoir à avouer ne pouvoir tout assumer, et l’homme face à elle semblait faire partie de cette minorité. De ce fait sa phrase fit légèrement lever un sourcil à la jeune femme qui ne s’autorisa pas à sourire, il aurait passé pour une risette sarcastique de mauvais goût, ce qui aurait été for dommageable.

« Je crois, en effet, que parler de vive voix de ce qui s’est passé ce fameux jour et tout ce que cela a engendré les semaines suivantes ne pourra être que bénéfique et suis tout ouïe pour savoir en quoi puis-je vous être utile. »

Elle avait parlé d’une voix calme, ne montrant traces de l’agacement et du flot de sentiments non réellement agréable que lui inspiraient les jours qui venaient de passer. Posant son regard sur Ambre, elle se permit d’ajouter quelque mot.

« J’espère que vous vous portez bien malgré l’inconfort de notre situation. »
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] EmptyMer 12 Oct 2016 - 23:30
15 avril 1165


Ambre regardait les domestiques s’affairer pour monter la table, et leur préparer un petit déjeuner. La comtesse regardait tout cet affairement d’un air absent, voire un peu sceptique. Expression qu’elle ne cacha pas à la vue de son époux. Si ce dernier pouvait manger comme à son habitude, eh bien, pas elle. Cela faisait quelques heures désormais que la dame de Saurell était enfermée dans leurs sous-sols. Talen s’en était occupé avant la lumière des premiers rayons solaires de la journée. Ambre n’avait presque pas dormi de la nuit, et avait accueilli son domestique bien avant l’aube, dans le salon, une fois que ce dernier fut remonté des entrailles du manoir. Il avait réussi sa besogne, mais Morion et Ambre avaient eu la désagréable surprise d’apprendre que la domestique sourde de la veuve avait eu le temps de hurler à la mort pour tenter d’alerter quelqu’un. Un cri étouffé entre les murs de la bâtisse de la voyante, assez étouffé pour que ceux l’ayant entendu doutent de l’avoir réellement entendu, mais pas assez étouffé pour être passé complètement inaperçu… Ambre était restée stoïque à l’annonce de cette mauvaise discrétion, les dents un peu serrées, le regard bloqué sur un pan de mur. Talen était encore plus agacé contre cette mission qu’il avait été prêt de rater complètement, et n’avait pas besoin du regard morne de ses supérieurs.

Ambre n’avait pas vue la veuve blonde. Talen l’avait rendue inconsciente durant l’enlèvement et attachée dans la geôle des sous-sols, tandis que le couple gardait les yeux tournés vers les rumeurs de l’Esplanade. Leurs espions écoutaient les échos, eux-mêmes surveillaient l’activité de la milice depuis les étages de leur bâtisse, mais les ruelles restèrent calmes, bientôt traversées par quelques domestiques ou nobliaux matinaux qui partaient au marché. La comtesse envoya une notification rapide à Grâce, l’informant innocemment d’une invitation à prendre le thé en cette matinée agréable. Quelque chose de tout à fait innocent d’un point de vue extérieur, si quelqu’un lisait la lettre « par mégarde ». Mais la baronne saurait de quoi il retournait, c’était le principal.
Ni Ambre ni Morion ne partirent consulter leur prisonnière en attendant Grâce. La simple idée qu’elle se trouvait attachée à une roue de torture suffisait à rendre Ambre légèrement nerveuse, cela dit. Qui sait ce qu’elle pourrait leur apprendre ? Leurs secrets avaient-ils déjà fuité vers des oreilles plus haut placées ? Leur sécurité était-elle définitivement en danger ?

Les deux époux s’étaient placés devant l’une de leurs fenêtres, observant leur jardin et les grilles d’entrée du manoir, un peu en retrait, guettant l’arrivée de Grâce de Brasey. Quand Morion s’adressa à elle, après un long moment de silence, Ambre tourna brièvement les yeux vers lui.

- Laisser les espions des Brasey nettoyer le manoir de Saurell… ? C’est donner un peu plus d’informations à des personnes supplémentaires, et extérieures.
Ambre eut une pause, songeuse. Cela dit, cela implique assez Grâce dans cette affaire pour qu’elle n’ait jamais l’envie de nous trahir ; elle se condamnerait elle-même. Pourquoi pas, ainsi.

La rosée du matin faisait goutter les feuilles des arbres et les brins d’herbe. La jeune rousse suivait la progression d’une lipée d’eau sur une branche qui penchait ses doigts courbés vers leur fenêtre, son esprit soudain un peu plus loin à la question suivant de Morion. Elle prit une légère inspiration, et souffla quelques instants.

- J’y tiens, oui. Nos vœux nous ont liés, quelles que soient les épreuves. Tu es un homme, je ne m’attends pas à ce que tes mains ne manient que la plume. Je me suis engagée dans un sombre chemin en devenant une Ventfroid, il serait déshonorant pour moi de fuir mes responsabilités. Si je veux faire tomber le duc, s’arrêter à quelques violences serait ridicule.

Plus qu’un devoir, c’était d’une logique simple. Comment pouvait-elle décemment envisager le meurtre de l’homme le plus important de la cité si elle rechignait déjà à gravir les marches qui y menaient ? C’était tout bonnement impossible. Ambre était certes une femme, délicate, et élevée loin des affres de la guerre, mais elle restait une femme née dans une époque violente. Elle avait déjà fait mutiler un corps pour étudier la fange, qui plus est. S’endurcir, elle avait commencé à le faire depuis de nombreux mois déjà, se forçant parfois, mais réussissant à se forger un masque, une carapace nécessaire autant à son rang qu’à la dureté du Fléau. Alors, elle se tiendrait aux côtés de son mari, les épaules et le visage redressés, regardant Saurell droit dans les yeux, sans fléchir devant les iris de la blonde qui, de toute évidence, seraient larmoyantes devant la trahison. La veuve avait été méfiante, très méfiante contre Grâce. En revanche, elle avait placé Ambre dans une sorte d’innocence et de confiance aveugle, à l’image d’Hector de Sombrebois. La jeune rousse ne savait pas ce qu’ils avaient tous, ou si elle avait un visage digne d’une vierge angélique et immaculée, mais elle avait le chic pour paraître animée des intentions les plus nobles. Comment ne pouvaient-ils pas percevoir la rancœur qui couvait depuis l’assassinat des Sarosse ? Des sots, voilà tout ce qu’ils étaient. La jeune femme jouait bien son jeu, très bien même, et même Morion de Ventfroid paraissait plus sociable désormais qu’il était marié à Ambre de Mirail. Pour autant, dans un élan d’arrogance, la comtesse catégorisait rapidement ceux qui ne voyaient pas plus loin que son joli minois. Des sots.

- Je ne fermerai pas les yeux, Morion. Pas même devant tes relents les plus sombres.


Il était dix heures lorsque Grâce se présenta. Ni en retard, ni en avance, comme toujours. La baronne paraissait aussi neutre qu’à son habitude. Ambre, de même, n’avait point changé depuis la dernière fois qu’elles s’étaient vues chez Saurell, une semaine plus tôt. Quelques légers cernes, potentiellement, mais la comtesse portait une robe aux couleurs chaudes ainsi que ses bijoux coutumiers. Seule son expression, très figée, contrastait avec sa jovialité habituelle.

- Baronne, salua Ambre. Je me porte bien, même si les dieux semblent s’être donné le mot pour rassembler tous les évènements possibles et imaginables pour me fatiguer en même temps. J’espère qu’ils sont plus cléments avec vous.

Grâce avait dû obtenir l’information à propos de sa grossesse depuis la dernière fois, l’annonce officielle à la famille Mirail avait dû porter ses fruits. Cependant la comtesse ne trouva pas le moment approprié pour parler de ce genre de sujet.

La comtesse guida la baronne jusque dans le salon, où un feu de cheminée les attendait. Le printemps était installé depuis quelques semaines, mais les matinées restaient parfois encore bien fraiches. Ambre s’assit dans un fauteuil, et quand les deux autres nobles eurent fait de même, elle montra d’un vague geste de la main le plateau de boisson et d’amuse-bouche.

- Si vous avez faim, ou soif, n’hésitez point. En ce qui me concerne, tous ces évènements me coupent l’appétit.

Un rapide regard vers Morion fut lancé, pour le dissuader de toute tentative pour la forcer à consommer quelque chose. Il était parfois un peu trop invasif et insistant là-dessus depuis qu’il la savait enceinte.

- Notre homme de main a réussi à enlever dame Saurell sans encombres, comme vous vous en doutez. Sans encombres… ou presque. La domestique s’est montrée envahissante, et d’un timbre de voix particulièrement criant. L’on suppose que certains ont pu entendre le tapage jusqu’à ce qu’il la fasse taire, mais vu le peu d’agitation dans l’Esplanade ce matin, rien de plus ne semble avoir filtré. Il ne reste que le cadavre de la domestique que notre homme n’a point pu faire disparaître. Si vos espions sont toujours en faction autour de la demeure – et Ambre espérait bien qu’ils le soient encore –, il serait judicieux de les faire agir pendant que nous nous occupons… du reste.

D’un œil, elle invita Morion à continuer pour s’attarder sur Saurell et les détails la concernant s’il le souhaitait.
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] EmptyJeu 13 Oct 2016 - 3:20
C’est ce qu’avait imaginé Morion. Impliquer Grâce d’une manière que par de simples mots prononcés par une femme à demi-folle. La rendre coupable, même de façon infime et très indirecte, d’un meurtre au moins et d’un enlèvement, voilà qui saperait toute éventuelle volonté de trahison. Le comte n’avait rien contre la Baronne, bien au contraire. Néanmoins, il n’était pas assez fou pour lui faire totalement confiance. Et il espérait, pour la sécurité de la famille et de la baronne elle-même, qu’elle pensait comme lui. Leurs relations en seraient d’autant plus saines et productives si les deux parties se jugeaient tant avec l’oeil de l’allié qu’avec celui de l’adversaire. Il était donc satisfait que sa femme partageât son avis à ce sujet. Ils n’avaient de toute façon guère le choix, il ne pouvait renvoyer Talen dans ce secteur. Le vieux domestique lui avait assuré avoir été le plus discret possible, mais le bruit provoqué par son méfait pouvait avoir ouvert des yeux alertes, et si l’obscurité nocturne apportait là un bienheureux concours, l’on ne devait prendre aucun risque. Seules des tierces personnes pouvaient ainsi s’en charger, et il ne comptait pas impliquer Cassandre dans ces histoires-là. Elle était déjà au centre de beaucoup d’autres, nul besoin de la rendre plus présente encore. Sa femme ne le lui pardonnerait probablement pas, se dit-il avec une certaine ironie.

Ses yeux se clorent un instant, à sa réponse. Réponse qu’il avait attendu, bien qu’il eût tout de même posé la question. Peu lui chalait, sincèrement, qu’elle assistât à ce genre de spectacle morbide. Néanmoins, qu’elle s’y force, voilà qui lui plaisait moins, mais si sa volonté était si robuste, alors il n’avait aucun autre contre-argument à avancer pour l’en dissuader. Cela étant dit, avoir été formé à l’art de la guerre ne signifiait pas forcément avoir reçu également l’éducation et le devoir de mener des séances de tortures, où l’on brisait volontairement, sciemment, et lentement l’esprit et le corps d’une personne, souvent jusqu’à ce que mort s’ensuive, pour obtenir des informations. Les batailles et l’application consciente de sévices pervers étaient deux choses différentes.

Un mince sourire, dénué de joie, fleurit sur ses lèvres, sans que ses yeux ne quittassent la fenêtre qu’il ne cessait d’observer.

«Soit.»


Bien qu’il soit destiné à partager sa vie, il se demanda un moment si son épouse les verrait tous, ces relents sombres. Il espérait que non, en même temps qu’il se détachait de cette pensée. Il n’avait pas honte de ce qu’il était, bien au contraire.

---

Dans le salon, Morion s’offrit le luxe d’un thé, encore brûlant, et grignota vaguement quelques pâtisseries. Il était, soyons francs, affamé, mais les vrais repas attendraient. Il soutint sans rien laisser paraître le regard de sa femme lorsqu’elle refusa de se sustenter, même un minimum, mais elle put clairement percevoir une lueur de désapprobation au coeur des iris de son époux. Les événements récents étaient certes inquiétants, et ceux qui se profilaient pas forcément plus engageants, cela n’était pas une raison pour se négliger. S’il n’avait aucune influence sur le sort, dont les ficelles étaient tenues par les Dieux seuls, il pouvait en revanche faire de son mieux pour que la grossesse d’Ambre se déroule dans des conditions les plus optimales possibles. Ce qui, effectivement, conduisait à un comportement légèrement invasif.

Il attendit que chacun - son épouse exceptée du coup - ait pris quelques minutes pour boire et manger, avant de prendre la parole.

«Mon domestique a eu la présence d’esprit de dissimuler le corps au sein même de la demeure, dans le cellier familial, néanmoins, il faudrait que sa disparition soit définitive, en effet. Je ne puis guère permettre qu’une dépouille reste ainsi des jours et des jours isolée de tout. Et il est évidemment hors de question de renvoyer mon homme de main là bas. Votre concours nous sera ainsi très précieux.»


Passé cette formalité, importante mais moins au regard du reste, il regarda alternativement sa femme, puis son épouse, les coudes sur l’accoudoir de l’épais fauteuil, les mains jointes et doigts entrelacés sous son menton. Ses yeux se perdirent quelques instants dans l’âtre craquant de la cheminée, puis il soupira.

«En ce qui concerne notre rapt. Imaginer toutes les possibilités qui conduiraient à la fuite des informations qu’elle a elle-même révélées, puis les vérifier prendrait trop de temps. Nous-mêmes avons déjà verrouillé, ou prévu de le faire, les cibles les plus probables en ce qui concerne une trahison. En revanche, je n’omets pas - et personne ne le devrait - la probabilité d’une véritable messagère de Rikni. Et Elle est la dernière avec qui je souhaite entrer en conflit. Il fronça très légèrement les sourcils. Baronne de Brasey, si vous avez des questions à lui poser, il sera bon de faire vite. Je suis d’un naturel patient, mais je doute que son corps comme son esprit ne supportent longtemps les traitements que je vais lui infliger.»

Il préleva une lampée dans sa tasse de thé, puis releva les yeux, regardant une nouvelle fois les deux femmes.

«Je tiens à vous prévenir, l’isolation de la pièce est telle qu’en peu de temps, il va y régner une chaleur suffocante. Il serait bon de préparer quelque linge humide, cela vous sera fort utile à toutes les deux. Grâce, avez-vous des questions, ou toute autre demande à formuler ? Nous sommes toute ouïe.»

A dire vrai, si la jeune baronne n’avait rien à quémander, qu’il s’agisse d’un service ou d’une précision sur les informations dont les Ventfroid disposaient, notamment, ils n’avaient plus qu’à descendre tous trois au sous-sol. Il n’y avait aucune raison valide de retarder la mise à mal de leur victime, et plus vite ils seraient débarrassés de cet.. .élément gênant, et mieux cela serait pour tout le monde. Les autres enquêtes menées prenant de toute façon nettement plus de temps, ils n’avaient pas spécialement l’occasion de s’attarder dessus, faute de donnée concrète à se mettre sous la dent.
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Grâce de BraseyBaronne
Grâce de Brasey



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] EmptyDim 16 Oct 2016 - 11:00
Chacun semblait s’accorder avec les autres pour les politesses soient les plus brèves possible. C’est ainsi que la réponse polie d’Ambre à la question courtoise de Grâce se compléta non sans, arracher, quelque peu malgré elle, un léger rictus sarcastique à la Baronne, toutes deux connaissants, au moins deux contrariétés, du moins dans le cas d’Ambre, l’un d’entrer ne pouvait décemment être appelée ainsi, que les fatiguait, les minaient et avec lesquelles elles devaient composer, comme leurs existences, leur éducation leur avaient appris.
Cependant, ce n’était nullement le temps pour ce genre de divagations et petite attentions aux accents légèrement frivole de discussion mondaine.

Il était ardu de ne pas sentir ce certain malaise, cette certaine tension qui régnait dans la pièce. Le dénouement d’une affaire qui mettait les nerfs à vif tels que celle-ci n'était nullement une chose qui se faisait dans la nonchalance. D’ailleurs, il était notable de constater les précautions prises, dans la demeure on ne sentait plus cette discrète et quasiment invisiblement présence des domestiques, le Manoir était vide de tous yeux et oreilles indiscrets.

Installée dans un des fauteuils du salon, la jeune femme regarda les époux un instant, comme on regardait quelque qui vous adresse la parole, c’est ainsi qu’elle entraperçut leur bref échange du regard après que la Dame est signifiée qu’elle ne désirait rien avaler. Elle ne les connaissait assurément pas si bien l’un et l’autre, mais l’état de Madame expliquait bien la teneur de leur échange. Cependant, la façon dont ils géraient cela ne la regardait nullement, sans compter que dans leur cas, elle n’avait nul intérêt à se mêler de ce qui ne la regardait pas. La jeune femme se contenta alors de se taire écoutant la suite des mots qui lui parvenaient alors qu’elle s’offrait une infusion. Elle non plus ne pouvait rien avaler de solide.

« Bien entendu, je ne peux qu’approuver le fait de faire disparaître le corps au plus vite. SI votre domestique ne peut se rendre à nouveau sur les lieux, peut-il tout de même se rendre à la demeure de Restellis ? Il serait judicieux qu’il rencontre Azhim pour lui expliquer la situation que lui-même préviennent mes hommes. »

Son ombre, son confident avait été lavé de tous soupçons depuis la visite de l’aliénée. Il aurait été tragique qu’il soit à l’origine de cette fuite. Grâce lui octroyait beaucoup d’avantages et liberté, surtout de parole, se faire remercier ainsi, elle ne l’aurait jamais supporté, ni même toléré. Il était obligatoirement dans la confidence, étant son intermédiaire parfait, lui qui connaissait la ville et ses quartiers les moins favorisés.

« Je ne souhaite que connaître, sûrement comme vous, comment a-t-elle pu se trouver en possession d’information plus que personnelle à mon égard. J’ai déjà commencé à filer quelques pistes sur les médiateurs les plus évidents, néanmoins, mes renseignements ont montré qu’aucun de ceux que je pouvais soupçonner n’a été en contact directement ou indirectement avec Saurell ou quelqu’un qui la visitait régulièrement. »

Pour Grâce la tâche devait être bien plus évidente que pour Morion et Ambre. Elle connaissait tous ceux qui tenaient ses informations de première main, que soit parce qu’ils étaient présents, ou parce qu’ils l’avaient vécu. Elle n’avait relevé les dires du Comte sur le fait que la démente puisse effectivement être une envoyée de Rikini, elle avait déjà envisagé cette possibilité, sous toutes les coutures et en avait titré ses propres conclusions ; pour l’heure l’absence de preuve que cette fortuite déduction soit d'origines humaines n’était suffisante pour dire qu’elles étaient d’origine divine.

« Je n’ai guère de demande à formuler, du moins aucune qui ne puisse attendre de voir ce que votre invitée a à répondre. »

Des questions la Baronne en avait un certain nombre, toutefois elles méritaient plus d’être posé dans un moment de calme et non alors que tous étaient sur le qui-vive.
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] EmptyDim 16 Oct 2016 - 17:12
Ambre échangea un autre regard avec Morion, attendant un assentiment discret, une prise de décision à propos de la question de Grâce. Le comte ne parut pas y voir d’objection, ni la comtesse, alors, cette dernière répondit :

- Je vais informer Talen, il se rendra auprès de votre homme de main pendant que nous descendrons vers dame Saurell. La jeune rousse n’avait jamais rencontré Azhim mais elle savait qu’il s’agissait là de l’homme de confiance principal de Grâce, pour avoir entendu son nom à plusieurs reprises dans la bouche de la baronne. Ambre n’aimait pas tout ça, n’aimait pas impliquer tant de personnes – cet Azhim, et d’autres espions potentiels –, mais comment pouvaient-ils faire autrement ? Il fallait espérer que Grâce, à l’avenir, n’ait jamais de raisons de vouloir s’attaquer aux Ventfroid, car elle était en train d’obtenir des éléments capitaux pour les mettre à mal. Mais c’était ainsi. L’on ne pouvait pas espérer vaincre sans former d’alliances dans l’ombre. Prendre ce risque était un coup d’échecs à tenter. Talen devrait être en mesure de tout expliquer, et de donner des éléments détaillés sur l’endroit où il a caché le corps, et l’endroit où il reste des traces de sang… Mais nous vous conseillons d’éviter d’envoyer Azhim en personne dans le manoir Saurell, tout comme nous évitons que Talen ne se risque à y revenir.

Des espions dont le visage et l’existence n’était pas officiellement associés aux Brasey était bien plus sécurisé, si d’aventure on les entrapercevait non loin du manoir, lieu du méfait, lieu qui bientôt soulèverait murmures dans l’Esplanade. Où était passée la veuve de Saurell ?

- Nous avons également commencé à envisager les pistes qui auraient pu fuiter de notre côté. Seulement, rien ne semble être lié à vous. En effet, l’hypothèse de monsieur Martres, l’auteur du peintre, ou celle de Cassandre de Rocheclaire, personnes qui en théorie avaient pu trahir le couple. Mais l’on voyait mal comment ou pourquoi ils auraient pu fournir des choses sur Grâce à la voyante en même temps que le reste des informations sur les Ventfroid. Le seul électron commun qu’avaient envisagé Grâce et Ambre était Joscelin de Puylmont, mais là encore, son panel d’actions paraissait si court pour avoir pu obtenir tout cela. A moins que tous dans cette pièce sous-estiment avec grande erreur le baron. Espérons qu’elle parle vite, cela nous évitera de perdre du temps.

La baronne n’avait point envie de friandises elle non plus ; le plateau resta donc vide. Quelle idée de la part de Morion de proposer des canapés fruités alors qu’ils allaient bientôt avoir les mains couvertes de sang – au sens propre ou figuré ?

Bientôt, il n’y eut donc pas d’autre suite logique que de quitter le salon pour rejoindre les sombres sous-sols. Ambre ne souhaitait pas revenir sur la possibilité d’une réelle intervention divine, pour elle il s’agissait du pire scénario possible. Elle ferait tout pour faire avouer à Saurell des choses plus concrètes, plus pragmatiques.
Laissant Morion prendre la tête, étant celui qui détenait la clef permettant de déverrouiller la geôle, Ambre informa doucement Grâce :

- Nous possédons une geôle, au niveau inférieur. La zone est peu usitée, un peu vieille, mais le tout est assez éloigné des oreilles indiscrètes, même celles de nos domestiques.


Ambre se couvrit les épaules d’un châle avant de descendre au sous-sol. Morion avait prévenu que dans la pièce règnerait très vite une chaleur insupportable, mais elle se découvrirait le temps venu, car en attendant, le sous-sol restait un endroit presque jamais fréquenté, sordide et froid.

Talen fut prévenu de sa nouvelle mission, et tandis que les trois nobles évoluaient vers la geôle où était enfermée Saurell, il était déjà en route pour le manoir de Restellis. Azhim aurait bientôt du travail.
Ambre laissa passer Grâce à la suite de Morion, fermant la marche dans les escaliers. Le long couloir, unique, menait à la geôle, et seulement à elle. Pas d’autres embranchements dans ces sous-sols ci, juste une destination unique. Un tapis, affiné par les années, murmurait sous leurs pas, quelques traces de toiles d’araignées oubliées par Talen furent visibles dans les coins du plafond, puis, bientôt, le trio fut prêt de la porte.

Morion glissa la clef dans la serrure. Après un déclic, ils purent enfin entrer dans la petite geôle.
La pièce était exigüe : à trois visiteurs, ils se trouveraient très vite à l’étroit. Dans le coin droit de la pièce, une vieille couchette, usée, traînait au sol. Plus loin, un brasero aux braises rougeoyantes et calmes, ainsi qu’une table de bois, sur laquelle reposaient ustensiles en tout genre : pinces, couteaux, arrache-dents, tous limés pour être efficaces, mais sur certains brillaient encore quelques traces ternes de sang ou de rouille trop profondément incrustées pour que le domestique ait eu le temps de les toutes les récurer.
L’élément majeur de la pièce n’était ni la couchette, ni le brasero, ni les ustensiles de torture cela dit. La veuve de Saurell, un sac sur la tête, était présentement ligotée à une roue de bois. Poignets et chevilles attachés en X, cou également entravé par une lanière de cuir contre le bois de la roue, la veuve pouvait à peine bouger, sous réserve de se blesser elle-même si elle forçait trop. Cette simple position devait déjà mettre à mal ses muscles et ankyloser ses membres.

A l’entrée de ses tortionnaires, la femme, rendue aveugle par le sac sur sa tête, avait sursauté. Ses épaules tremblaient, son menton s’était relevé vers le bruit, et elle tentait visiblement de percevoir des mouvements, des visages, au travers des mailles de l’obstacle qui lui masquait les yeux.

- Qui êtes-vous ? lança-t-elle dans le silence. Sa voix était apeurée, suintant d’incompréhension et de peur. Par la Trinité, ne me faites pas de mal…

Ambre s’était posée dans le coin gauche de la pièce. Elle resta silencieuse, son visage ne trahissant aucune émotion alors qu’elle baissait les yeux sur leur prisonnière. Qui étaient-ils ? Le choc risquait d’être grand pour la blonde. Cette dernière n’avait pas confiance en Grâce, elle l’avait confié la semaine passée, et elle devait sûrement craindre le comte de Ventfroid. Mais Ambre ? Celle à qui elle s’était confiée, celle qu’elle avait considérée bonne et désintéressée, celle qui l’avait rassurée sur le contenu de la fiole médicinale apportée par Grâce ? S’attendait-elle à ce qu’elle fasse partie de ceux bientôt responsables de son trépas prématuré ?

Bouche hermétiquement close, Ambre ne dirait rien tant que la veuve serait aveugle. Patiemment, elle se posait en tant qu’observatrice, laissant Morion prendre les initiatives pour la suite des « réjouissances ».
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] EmptyLun 17 Oct 2016 - 4:16
Morion n'avait guère de problèmes à grignoter, comme le démontrait son appétit. Proposer quelques canapés et friandises avant ce qui semblait s'annoncer comme une séance de torture pouvait paraître décalé, mais ne l'aurait-ce pas été encore plus s'il avait proposé les friandises et rafraîchissements après ?

La tournure des évènements ne lui plaisait pas beaucoup, à lui non plus. Oh, les plus graves étaient en passe d'être réglés, c'était évident; leur source se situait à l'heure actuelle dans son sous-sol. Mais pour parvenir à ce résultat, l'affaire avait du être ébruitée, de façon infime certes, mais il n'était pas dans les habitudes de Morion de laisser autant de monde au courant de ses problèmes. Entre les espions qui avaient surveillé la demeure, les siens qui avaient investigué, et désormais, le proche homme de main de Grâce, cela commençait mine de rien à faire beaucoup de monde. Pour une histoire censée être marquée du sceau du secret absolu, cela prenait des airs presque burlesques. Le seul réel problème étant le choix. Ils n'en disposaient d'aucun autre. Ils n'auraient pu enlever Saurell eux-mêmes, pas plus qu'ils n'auraient pu enquêter. Personne ne faisait ça en l'an de grâce mille cent soixante-cinq. Et s'ils n'avaient besoin de mettre leurs espions au courant des détails des instructions qu'ils recevaient, ils étaient souvent choisis pour leur discrétion mais aussi leur intelligence. Ce qui impliquait qu'ils étaient capables de réflexion avancée. Et par ailleurs, de toutes les personnes dont Morion se défiait — les Trois savaient si elles étaient nombreuses — ses propres espions étaient ceux dont il se méfiait le plus, même les plus loyaux. En admettant qu'ils maîtrisent le concept de loyauté.

Alors qu'ils descendaient sous le Manoir, en tête du petit cortège, Morion se mettait en condition. C'était un état particulier à adopter; capable de la plus extrême violence, d'une fermeté absolue, sans pour autant manquer de courtoisie. Il ne fallait ni avoir l'air de prendre plaisir ou de s'énerver face à un manque de réponse, ni hésiter une seule seconde à briser le corps de la victime morceau par morceau. L'inflexibilité inspirait à la séance une sorte d'inexorabilité qui bien souvent, avait beaucoup plus d'effet que le plaisir ou la rage. Une personne calme et sereine, en même temps qu'elle était déterminée, ne donnait aucun espoir à sa cible, là où la rage pouvait donner envie à sa victime de dire n'importe quoi, pouvu qu'il se calmât. Et plus la séance approchait, plus le risque qu'elle ait été touchée par la Déesse hantait le comte. Sa résolution ne flancherait pas, mais il ne pouvait s'ôter de l'esprit qu'il était peut-être en train de commettre une des plus monumentales erreurs de sa vie. Mais désormais que le sort en était jeté, faire machine arrière leur était de toute façon impossible. Si mettre Rikni en colère était leur crainte, alors il fallait s'en inquiéter avant de valider le rapt de la baronne.

Une fois dans la geôle cependant, il ne s'occupa pas de Saurell immédiatement. Au contraire, il l'ignora superbement. Sa réplique lui arracha un regard vague dans sa direction, mais avant de la libérer de son masque de toile, il prit le temps de revérifier ses outils. Il griffa, du plat de la lame d'un coutelas, l'arête de la table sur laquelle il était posé pour juger, au bruit mat qui résonna dans la pièce, que l'arme était suffisamment aiguisée. Il prit ensuite un soufflet, et se rendit face au brasero, qu'il attisa durant de longues secondes. Chaque bruissement faisait jaillir de petites gerbes d'étincelles, suivis d'intenses craquements de satisfaction. Si personne ici n'avait hâte d'entendre les supplications et hurlements de la baronne, les charbons ardents, eux, semblaient se délecter par avance du mal qu'ils allaient faire. La température grimpa d'ailleurs de quelques degrés dans la pièce.

Une fois que tout fut prêt, à ses yeux, il se plaça devant la baronne, et releva doucement le masque entoilé qu'elle portait sur le visage. C'est la première fois qu'il la découvrait. Son visage ne lui disait rien, à vrai dire. Peut-être l'avait-il croisée un jour, mais son visage n'était pas de ceux qui marquaient. Encore que la terreur manifeste qu'elle ressentait, son alitement forcé et sa négligence peut-être naturelle avaient atteint de manière irrévocable son faciès, qui ne possédait guère plus les traits d'une noble de cour. Il n'avait pas assisté à l'après-midi avec Ambre et Grâce, évidemment, mais de toute évidence, elle les reconnut l'une comme l'autre quand elle les aperçut, son expression s'en retrouva grandement modifié.

Il recula de quelques pas, le visage figé, et après quelques instants de silence, finit par prendre la parole.

«Je suis le Comte Morion de Ventfroid, Seigneur de la Maison Ventfroid. Vous connaissez déjà la Baronne Grâce de Brasey, ainsi que mon épouse, la Comtesse Ambre de Ventfroid. J'ai cependant peur de ne pouvoir accéder à votre seconde demande.»

Il jeta un regard de biais à son épouse, puis Grâce, et enfin la table qui supportait les outils de souffrance. Il n'en saisit aucun, cependant.

«Inutile de perdre du temps en palabres. Vous êtes entrée en possession de renseignements sensibles concernant ma famille, ainsi que celle de la baronne de Brasey. Je veux savoir d'où vous les tenez. S'il s'agit d'un espion, je veux son employeur et son nom. S'il s'agit d'un ami à vous, également. Vous ne sortirez pas d'ici sans avoir parlé, c'est très simple. Et je suis d'un naturel horriblement patient.»

Ne jamais dire à sa victime qu'elle allait de toute façon mourir, et qu'elle était condamnée. C'était un excellent moyen de perdre toute chance de recevoir une réponse.

«C'est... j'ai déjà tout dit, Monseigneur, Rikni m'est appar-

Morion la coupa brutalement dans sa phrase d'un revers de sa main droite qui jaillit comme un éclair pour venir percuter la noble en plein visage. Sa tête partit sur le côté, emportée si vite que le cuir qui maintenait son cou contre la croix émit une protestation craquante. Impassible, il contempla un filet carmin quittant les lèvres de la trentenaire, et essuya sa propre main sur ses braies. Sa voix résonna une nouvelle fois dans la pièce, toujours aussi monotone.

«J'ai parlé d'espions, de relations, nullement de providentielles visions soi-disant apportées en rêve par une Déesse. Si Rikni souhaitait avertir quelqu'un, Elle avait l'embarras du choix. Vous choisir n'était pas sa meilleure carte à jouer. Je répète : qui vous a fourni ces informations ?»

La main de Morion se tenait prête pour une nouvelle gifle explosive. Déjà, la joue de la baronne avait rougi, et le coin de ses lèvres explosé par le coup avait gonflé, donnant à sa face fanée un aspect encore plus difforme et miséreux. Sa position en croix sur la roue achevait de donner à cette femme un aspect totalement pathétique, qui pour beaucoup, aurait même inspiré un certain mépris ou dégoût tant c'était misérable.

Citation :
Un post un peu court mais je voulais pas rater l'occasion de vous laisser décrire la réaction décomposée de Saurell :v et qui plus est, vous laisser poser quelques questions avant que Morion ne se mette sérieusement au boulot. Promis je mettrai un peu plus de tripaille et de violence au prochain épisode. ♥
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Grâce de BraseyBaronne
Grâce de Brasey



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] EmptyDim 23 Oct 2016 - 22:35
Grâce eut un sourire convenu quand Ambre lui conseilla de ne laisser Azhim s’approcher en personne autour de la demeure, désormais vide, de Saurell. Bien entendu que le domestique n’approcherait la tanière aux chats de trop près, trouvant quelques moyens détournés pour faire passer les ordres aux hommes de main. De cela sa maîtresse n’avait aucun doute, après tout, son esprit vif était une des qualités qui l’avaient poussé à l’accepter comme ombre, homme de toutes les situations.

Il n’était désormais plus temps pour quelque discussion, aucun d’eux ne semblant vouloir faire plus durer l’attente. Suivant le couple dans les couloirs de leur Manoir, la jeune femme ne souffla mot, se contentant de regarder brièvement autour d’elle de temps à autre et de hocher la tête lorsque la Comtesse leur expliqua où ils la conduisaient. A vrai dire, le long couloir, unique, dont le tapis élimé étouffait avec peine le bruit de leur pas, n’avait été pour rassurer la demoiselle. Une pensée, un songe affreux, surtout pour elle avait germé dans son esprit. Pourquoi n’auraient-ils tout pas déjà interrogé la Dame Saurell, appris tout ce qu’ils y avaient à apprendre d’elle et qu’elle, la seule autre personne lors des confessions de l’illuminée, est été la prochaine sur la liste ?
L’idée était profondément paranoïaque, ce qui n’était pas réellement la nature profonde de la Baronne, cependant, dans son monde, dans leur situation, il fallait être prudent et cette précaution pouvait souvent friser la démesure en envisageant le pire. À vraie dire, il était tout à fait vraie qu’elle ne connaissait tant les Ventfroid et que sa position aurait pu laisser penser à quelques esprits un plus fermé, plus buté qu’elle faisait partie de la supercherie, même si elle aussi était trempée dans cette dernière, trempée jusqu’à un point où il serait compliquer de se dépêtrer de cette situation sans soucis aucuns. Il n’y avait qu’un seul fait qui la tranquillisait assez, qu’il soit vrai ou non, celui que s'ils avaient eu le moindre soupçon, quelque chose aurait déjà été fait à son encontre. Or, rien, rien qu’elle n’avait vu, rien qu’elle n’avait décelé, alors que ces derniers temps elle surveillait tout et tous ceux qui l’approchaient de près ou de loin.

La tension la gagnait peu à peu, chaque pas laissant quelques raideurs supplémentaires dans tout son corps, par forcément pour cette pensée à la crédibilité douteuse qui lui caressait l’esprit, mais également et possiblement principalement le fait qu’elle appréhendait ce qui allait se passer dans ce fameux cachot. Cette appréhension qu’elle cachait derrière un masque d’absolue neutralité. Elle n'avait des choses, parfois des choses peu reluisantes, cependant, une séance de torture jamais. Grâce ne flancherait pas, elle s’en était donné le défi. Elle voulait savoir ce que la douce dingue savait sans oser l’avouer, se dissimulant derrière son masque de veuve névrosée.

Il raisonna comme une la marque de commencement, le crissement de la clé dans la serrure.

Le cachot n’avait rien de luxueux, après tout, ce n’était nullement sa fonction. Les yeux de la jeune femme la parcoururent brièvement, s’attardant en premier sur les ustensiles soigneusement disposés sur une table. Charmant, toutefois, n’étaient-ils pas là pour un moment charmant. Puis les mirettes reprirent leur chemin, se détournant avec un certain soulagement de ces objets pour se poser sur la pièce maîtresse, Saurell elle-même.

Attachée sur la roue, avachie par la position qui devait malmener depuis plusieurs heures ses muscles, un sac sur la tête, elle n’avait pas réellement fière allure, si tant était qu’elle l’avait eu un jour. Elle semblait si faible et vulnérable. Aucune pointe de pitié ne sembla se manifester, de suite. Cette folle avait pactisé avec bien trop malin et jouer son coup bien trop maladroitement pour mériter une certaine clémence. Cependant, quand les premiers cris retentiraient possible que la donne se trouve changée. Sa voix qui retentit, tremblante, apeurée ne fit qu’accentuer la scène.

Grâce se plaça au côté d’Ambre, se contentant d’observer encore, toujours. Il n’y avait que la routine froide de Morion, son discours, l’incompréhension terrible, grandissante dans les yeux de la blonde, cette trahison qui miroitent dans ses yeux rougis.

Lorsqu’on l’invita à prendre la parole, la prétendue voyante se contenta de répéter encore que la Déesse était venu lui souffler tout cela, laissant encore planer le doute sur la véracité de cette hypothèse. Tout était pour elle, à part, peut-être le bon sens, ou du moins le sens pratique, celui de la généralité des choses. Après tout, peut nombreuses étaient les interventions divines.
De toute manière elle n’avait pu finir sa simple phrase, stoppée nette, comme une enfant menteuse qui aurait été remise à sa place.

Pathétique.

Rien, il n’y avait rien à dire, seulement attendre l’ouverture, la brèche ce qui allait faire vaciller le moral de Saurell.
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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] EmptyMer 26 Oct 2016 - 14:46
Le choc se lisait sur le visage de la voyante. La gifle de Morion était partie, brutale, sonnante, cruelle, résonnant dans le petit ergastule. La tête de Saurell avait valsé si vite que l’on eût pu croire un instant qu’elle allait se détacher de son cou. Le visage bloqué sur le côté après la gifle, le souffle court, les yeux écarquillés, la blonde se remettait du coup, un filet de sang coulant sur son menton, provoqué par l’acier de la chevalière ornant l’index de la main qui l’avait frappée. La stupeur et la douleur, mais surtout la spontanéité de l’attaque, avait empêché toute réaction chez la veuve, si ce n’est l’hébètement.

Ambre regardait ce petit bout de femme attachée par les lanières de cuir à la roue de torture. Son visage était neutre, mais contrairement à Grâce, pas complètement impassible. Si la baronne ne laissait entrevoir qu’une réelle indifférence, voire un mépris évident pour la captive, Ambre de son côté, laissait briller une lueur de regret dans le regard. C’était gâchis que tout cela. Les Ventfroid avaient failli, leurs informations n’étaient pas aussi bien gardées qu’ils le pensaient, et désormais, une pauvre veuve rendue à moitié folle par la perte de ses enfants et de son époux devait en payer le prix. L’amertume et le dégoût couraient dans la bouche de la comtesse, mais ces sentiments étaient plus liés à la précarité de leur situation qu’au sort final de la Saurell. Le désir de vengeance d’Ambre lui rongeait encore le cœur, bien assez pour rester droite face à ses engagements pour la mort programmée du Duc. Malgré ses émotions nouvelles dirigées contre un autre qu’Armand, malgré son enfant à venir, elle destinait toujours une majeure partie de sa rage et de son mépris contre Sigfroi. Cette flamme de détermination l’empêchait de ressentir de l’empathie pour Saurell. Tout simplement. Mais le regret restait présent. Si cette femme s’était mêlée de ce qui la regardait… Personne n’aurait eu à en pâtir.

Ambre regardait donc ce petit bout de femme. Cette dernière releva les yeux. Leurs regards se croisèrent. Un instant, Saurell sembla oublier Morion et sa main déjà prête à frapper de nouveau. Elle observait Ambre, avec une telle expression bouleversée, blessée, trahie, que l’on aurait pu croire un instant qu’elle allait fondre en larmes. Nulles larmes ne coulèrent sur les joues de Saurell – pour l’instant –, mais ce fut d’une voix infime et brisée qu’elle tint ces paroles :

- Je n’avais pas confiance en la baronne de Brasey… cette vipère malsaine… Mais vous, comtesse… ?

Ambre laissa passer quelques secondes de silence. De toute évidence, elle venait de décevoir la voyante. Voire la blesser.

- Vos rêves ne vous-ont-ils pas prévenue de votre sort si vous agissiez ainsi ? Pensiez-vous réellement que la détention d’informations si sensibles n’allait pas vous porter préjudice ?

La rousse remettait en cause les « visions » tant évoquées de Saurell, comme ils le faisaient tous. La veuve murmura un instant pour elle-même.

- Alors il est trop tard pour vous sauver… J’ai trop tardé à comprendre les signaux de Rikni. Vous êtes perdue, comtesse. Perdue dans des objectifs vains qui vous dépassent. Machinalement, elle essuya le sang qui perlait sur sa lèvre d’un léger coup de langue. Là-dessus, elle se tourna de nouveau vers Morion. Je n’ai rien à dire, messire. Je ne tiens ces éléments que depuis la Déesse des rêves et de la guerre. Frappez-moi, molestez-moi, tuez-moi… Mon discours ne changera pas. Peut-être me croirez-vous, lorsque votre femme aura mis au monde chacun des enfants que j’ai cités. De façon totalement décalée, un sourire fleurit même sur son visage. Mon mari m’attend sûrement aux côtés d’Anür. Quant à Rikni, elle admire la force et l’honneur face aux épreuves. Je n’ai donc ni peur de la mort, ni de la douleur.

Son discours était d’un rare courage. Pourtant, son corps suait de peur. Si ses idéaux étaient profonds, son instinct de survie n’était pour autant pas totalement étouffé. Ses pupilles s’étaient rétractées par la peur, ses membres tremblaient, ses yeux cherchaient à accrocher le regard des deux femmes dans la pièce – fuyant par réflexe celui qui avait l’éducation pour la violence. Elle crispait les poings, et sa cage thoracique se soulevait de façon rapide, en attente et en appréhension. Malgré tout, son discours ne semblait pas prêt de changer.

Le visage d’Ambre s’était complètement fermé. Toujours pas de nom, si ce n’était celui de Rikni. C’était le seul qualificatif qu’ils refusaient tous d’entendre. Elle venait de sceller l’ouverture de sa torture.
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Morion de VentfroidComte
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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] EmptyMer 26 Oct 2016 - 17:01
Morion n’en était pas encore à hésiter. Pas maintenant. Et clairement, le sort de cette pauvre femme était de toute façon scellée. Simplement, il était de son devoir, avant qu’elle ne finisse par rendre son âme à Anür, si tant est que l’accès à son domaine lui soit effectivement autorisé, de pousser la pression à son extrême. Si jamais un seul indice, une seule once de mensonge se dissimulait derrière ses propos à caractères divinatoires, il se devait de les trouver, peu en importe le prix. Ce n’était après tout pas tant lui qui le payait que le corps et l’esprit brisé de la voyante. Et s’il avait des doutes quant à ce qu’il paierait à l’avenir, cela ne devait pas l’arrêter pour autant. Il jaugea, l’oeil neutre et le visage fermé, la déception de la baronne. Jetant un coup d’oeil oblique en direction de son épouse, l’ombre d’un rictus amusé traversa fugacement son visage. La comtesse de Ventfroid, son calme, sa sérénité, sa douceur, et son aisance, peut-être, en faisaient une femme à qui il était aisé de faire confiance. Lui-même s’était laissé prendre au jeu, il devait l’avouer. En temps normal, Ambre n’aurait probablement jamais fait partie de celles qu’il laissait ainsi entrer chez lui alors qu’il ne la connaissait quasiment pas. Et pourtant les faits étaient là; ils étaient mariés, et bientôt parents. Néanmoins, sur d’autres, cela pouvait avoir des implications nettement plus graves. Comme, par exemple, le fait de faire aveuglément confiance à une femme dont le mari vous mettrait à mort dans des conditions parfaitement atroces. Il comprenait sa déception. Être ainsi trahi, en sus d’être blessant par confiance détruite, était également une défaite personnelle. L’on donnait crédit et valeur à une personne, et voilà qu’elle ne s’en montrait pas digne. Et parfois, la blessure provoquée par une erreur de jugement était bien plus cuisante que la trahison elle-même.


Quand le nom de Rikni résonna encore une fois aux oreilles du comte, il leva la main, une fois de plus, pour la frapper. Et se ravisa. Les sourcils légèrement froncés, il comprit que de simples coups ne suffiraient pas, si elle mentait, à lui faire changer d’avis. Si elle n’était pas investie par la déesse — ce que Morion espérait de tout coeur — elle pensait cependant sincèrement l’avoir été durant ses nuits. Rien que cela, voilà qui pouvait transformer une brindille chétive en mur d’acier pratiquement infranchissable. Ses mains seules n’auraient pas assez d’impact pour en fendiller les épais moellons.


«Je ne comprends pas. Il se détourna de sa victime, prenant le chemin de la table, cherchant d’un oeil relativement distrait l’outil qu’il trouverait, pour l’heure, le plus efficace. Il posa ses mains à plats sur le bois, visiblement en pleine réflexion. Je ne comprends pas pourquoi vous auriez été choisie, plus qu’une autre. Je ne m’avancerais jamais à interpréter Ses chemins de pensée, mais avouez que c’est étrange. Sans ces rêves, vous ne nous auriez probablement jamais croisés. Si Rikni voulait que ses avertissements soient pris au sérieux, elle aurait mieux fait de confier son message à quelqu’un disposant d’un minimum de crédit à vos yeux. Il saisit un jet de dagues, au nombre de quatre, dont la lame excédait à peine la dizaine de centimètres de long, larges d’un, deux centimètres maximum, au fil dentelé. Elles étaient ridiculement petites, mais leur apparence ne laissait rien présager de bon sur l’usage qu’il était prévu d’en faire. Vous savez, les livres nous apprennent parfois l’existence de personnes, qui comme vous, ont eu le don de prévoir les chemins qu’emprunterait le temps, et de mettre sous forme de mots ces visions oniriques. Et, malheureusement, leur pouvoir de persuasion était si faible que jamais personne ne les crut, jusqu’à ce que ces prédictions deviennent enfin réalité. Il fit cliqueter les couteaux entre ses doigts, et s’en revint à sa position d’origine, tout près de la baronne. Malheureusement, vous tombez trop bien. A un moment un peu trop parfait. Ma femme en voie d’enfanter, moi-même en voie de rémission de mes blessures… Vous eûtes apparues plus tôt, ou bien plus tard, j’aurais peut-être consenti à un peu plus de réflexion. Et tous ici connaissons la méfiance des partisans ducaux, ainsi que du mal que certains sont prêts à faire pour voir tomber les têtes les plus anciennes.»


Il leva sa main libre, et vint palper doucement le bras de la baronne, à la jonction entre son bras et son épaule. Restée longtemps dans cette inconfortable position, l’on pouvait sentir d’un simple toucher du doigt les muscles ankylosés, tendus à l’extrême, criant déjà au supplice. Il n’allait guère les aider. Marquant sa cible d’un petit tapotement de l’index, il passa dans sa main gauche l’une des dagues, et observa Saurell un bon moment, l’air presque contrit.


«Je veux le nom de ces personnes qui auraient pu vous faire du mal. Votre isolement, votre folie, tout joue en votre faveur. Vous pourriez comploter contre n’importe qui sur l’Esplanade que personne ne vous prendrait au sérieux, tant votre réputation est mangée par les ragots sur votre prétendue maladie de l’esprit. Avouez que cela aussi, cela tombe plutôt bien, n’est-il pas ?»


Il posa la pointe dentelée du couteau à l’endroit précédemment marqué, et, usant de sa force sans pour autant se presser, força la déchirure des chairs au début, marquée par un gémissement de douleur clairement audible, puis par un cri puissant et suraigu, raclant la gorge et irritant les tympans, lorsque les premières gouttes carmin coulèrent, et que l’acier entama, ou plutôt déchiqueta, tout le long de son passage, les chairs musculaires durcies par l’inconfort. Le bruit agaçait sérieusement le comte, mais il s’offrit pour l’occasion un visage de marbre. Il laissa la dague en suspens dans le bras à mi-chemin environ, puis observa Saurell.


«J’ai encore beaucoup de couteaux, et vous avez un corps bien plus grand que ce que l’acier ne peut couvrir. Donc cela peut durer très, très longtemps, savez-vous.»


Il ponctua la fin de sa phrase en enfonçant jusqu’au manche le couteau déchireur de chairs, frémissant légèrement lorsqu’un hurlement supplémentaire résonna. Diantre ce que c’était désagréable. Il eut un bref soupir, et jeta un regard vers sa femme tout d’abord, puis vers Grâce. Ce qu’il faisait, si elle était une véritable envoyée des Dieux, en plus d’être un odieux sacrilège, était parfaitement inutile. Ce que sembla comprendre la baronne d’ailleurs. Reprenant un souffle ponctués de sanglots gras, la respiration saccadée, jetant un regard effrayé vers la lame laissée pour compte dans son bras, ses yeux vitreux et son teint blafard scrutèrent un moment le Comte, puis son épouse, et enfin, la Baronne de Brasey. Un sourire rendu vague, soit par la douleur, soit par la folie, voire les deux, fleurit sur ses lèvres, lui donnant un air encore plus laid que les éclairs martyrisant sa chair l’avaient fait suer, le tout ajouté à la chaleur ambiante, qui ne faisait qu’augmenter. Si Morion avait été du genre délicat, il aurait probablement froncé le nez. Elle humait la terreur rance, la douleur, et s’additionnait à ce mélange délétère la senteur métallique caractéristique du flux vital, qui s’il s’écoulait modérément, la plaie entravée par l’arme qui l’avait causée, ne semblait pas vouloir cesser, et produisait déjà un égouttement discret sur le sol mi-pierreux, mi-terreux de la Cage.


«Vous ne… vous ne vous rendez même pas compte de ce que vous êtes en train de faire, Morion de Ventfroid… vous dont la famille et son affiliation à Rikni est si réputée, si ancrée dans l’histoire… Vous crachez sur votre propre nom, un nom déjà tâché du sang de rois de jad-»


Il ne la laissa même pas finir. Un pli dur de contrariété barra son front, il serra les mâchoires, et enfonça sans aucune douceur et avec un sursaut certain de brutalité une deuxième lame, dans le bras opposé. Le hurlement que cela produisit, qui s’éteint rapidement faute de souffle pour l’alimenter ne lui fit même pas crisser l’oreille.


«Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas, sorcière.»


Le ton haché du Comte cependant laissait clairement entendre qu’elle avait touché un point sensible. De toutes les personnes qu’il connaissait ou qui l’avaient approché, deux d’entre elles seulement connaissaient certains des sombres histoires de sa Maison. Yseult de Traquemont, et Ambre de Ventfroid. Et aucune d’entre elles n’était éligible au poste de traîtresse, malheureusement pour la baronne. L’une était trop franche, trop directe, pour s’abaisser à de telles manipulations, et la seconde était purement et simplement sa femme. Ses poings serrés, démontrant un énervement notable, finirent par se détendre, et même son visage retrouva l’aspect froid et fermé qu’on lui connaissait, au bout de quelques minutes.


«Je veux connaître le nom de toutes les personnes que vous avez croisé, au cours de l’an de grâce 1164, ainsi que jusqu’à aujourd’hui. Toutes, sans exception, hormis votre domestique, qui ne risque pas de causer le moindre tort.»


Laissant sa question en suspens, il traversa la pièce dans le sens opposé, et posa les deux lames sur le brasero. Proche de sa femme, il leva un regard non inquiet, mais au moins préoccupé vers elle. D’une voix pratiquement inaudible il murmura :


«J’ose espérer que le hasard a guidé le choix de ses mots. Sincèrement.»
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Grâce de BraseyBaronne
Grâce de Brasey



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] EmptySam 29 Oct 2016 - 18:30
Saurell était trop calme, beaucoup trop calme pour une personne qui se trouvait dans sa situation. Bien entendu cela était principalement une façade, les réflexes de ses pupilles, les tressaillements de ses muscles, le faible éraillement dans sa voix, tout cela trahissait sa crainte, son a anxiété face au calvaire qui s’annonçait à elle. Pourtant, il y avait un fond de sérénité chez elle. Sûrement sa démence qui lui jouait un tour, une douce farce, celle de ne réaliser entièrement la situation dans laquelle elle se trouvait, peut-être de penser qu’une des trois personnes présente dans cachot exiguë avec elle, aurait pitié, ou serait convaincu par ses affirmations.
Malheureusement pour elle, sa comédie était jouée devant le mauvais public, ne faisant que l’enfoncer plus dans sa disgrâce, scellant plus encore son sort, si cela était encore possible. L’autoproclamée envoyée de la déesse ne se taisait nullement, mettant toujours plus les nerfs à vif et semant encore plus profondément le doute sur la véracité de ses propos et ce que cela pouvait bien entraîner, présentement et à l’avenir.

Elle avait peut-être été là, leur erreur, montré tous leurs jeux d’un coup, ne laisser que la perspective d’une douleur cuisante, inéluctable. Ils auraient presque pu entendre le bruit de son illusion de brisé en mille petites poussières quand l’aliénée s'était rendu compte de l’implication de la Dame de Ventfroid dans le complot. Certainement qu’il aurait été plus habile de garder ce choc pour un moment de résistance, un instant de force qu’ils auraient pu fracasser. Cela n’aurait possible pas fonctionné, après tout la Dame Saurell faisait seulement une confiance de crédule à Ambre, il n’y avait de lien profond qui les unissait. De toute façon, ne le sauraient-ils jamais désormais, il fallait se contenter de sa situation instaurée.

Grâce observait, silencieuse, pour l’instant pas encore dégoûtée, néanmoins elle ne présumait pas qu’elle ne le serait de toute la séance, ce n’était pas les prémisses. A vraie dire elle écoutait l’élucubration de la prétendue voyante, s’interrogeant non sur la véracité de ses propos mais sur la méthode qu’utilisait le Comte pour les recueillir. La demoiselle n’y entendait rien en torture, elle aurait été assez honnête pour l’avouer, cependant elle avait quelques facilité dans l’art de faire parler une personne et elle doutait que la violence ai raison de la veuve.

Son anxiété et sa paranoïa circonstancielle c’étaient tues le temps que son esprit réfléchisse, s’interroge.

« Des morts, beaucoup de morts, il sont presque tous allé rejoindre le domaine d’Anür. »

Était tous ce que avait franchie les lèvres de la suppliciée le souffle légèrement irrégulier à cause de la douleur qui irradiait de son épaule. Pouvait-elle seulement se souvenir de toutes les personnes qu’elle avait croisées sur toute une année ? Dans son état, lui arrachait le nom d'une personne avec qui elle avait conversé le mois passé serait déjà heureux. Puis, ce n’était pas l’année 1164 qui devait intéresser le tortionnaire, cela aurait été remonté trop loin pour les moyens dont il disposait.

Mademoiselle de Brasey hésita un instant, elle avait une question pour la blonde, une question simple, cependant elle n’était certaine d’avoir un quelconque droit de la poser.

« Par notre propre faute nous n’avons eu tout le message que Rikini vous aurez confié, tout ce contre quoi vous vouliez nous mettre en garde. »

Ils étaient vrais que Grâce et Ambre ne l’avaient réellement laissé parlé, ce fameux jour, furieuse de son intrusion, de la divulgation de leur secret plus ou moins honteux ou douloureux. Elle n’avait eu que des brides.

«- En quoi cela vous intéresse Baronne de Brasey.

- Assurément pas pour le plaisir d’entendre votre voix nasillarde, j’en ai bien peur. Cependant, je vous offre seulement l’opportunité de dire vous-même, sans filtre, sans déformations aucun votre message au Comte qu’il se fasse lui-même une idée de la véracité de vos dires. Qu’il statue lui-même sur le fait que vos avertissements est un caractère divin ou qu’ils ne semblent être qu’une sombre et douteuse farce. »

Ce n’était ni pour elle, ni pour lui qu’elle s’était aventuré à une telle proposition, mais bien parce que toute affabulatrice de talent que pouvait être Saurell, elle se trahirait un moment ou un autre, dans les détails. Ils le faisaient tous. Sans compter qu’il était tout à fait possible que dans son récit la démente parle de personnes ou de détails suspects, de pistes à suivre, creuser approfondir, une manière plus douce, plus insidieuse de lui tirer quelques informations. Assez rudimentaire il fallait l’avouer, cependant parfois il ne fallait chercher plus loin. Après tous, ce jour, celui fatidique de la semaine passée elle avait manifesté un tel espoir que les deux femmes, l’écoutent, la croient, la comprenne.

« Ne vous faites prier Dame Saurell, conseil de vipère. »

Nulle trace d’une quelconque vexation dans la voix de la jeune femme, il en fallait plus, surtout avec ce qui s'était passé et continuait de se passer dans sa vie.

« Je … je … »

La veuve aux chats semblait indécise.
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] EmptyDim 30 Oct 2016 - 19:55
Morion était… impressionnant. Ambre ne ressentait aucune peur face à son mari, mais nul doute que si cela avait été elle qui s’était trouvée sur cette roue de bois, le regard que lui aurait lancé l’homme ainsi que les lames effilées qu’il avait prises en main auraient suffi à la faire flancher. Ambre de Ventfroid n’avait jamais été torturée de sa vie et ne présumait donc pas beaucoup de sa résistance lors de ce genre de cas. Déjà trouvait-elle la dame de Saurell particulièrement courageuse, malgré ses yeux au bord des larmes et ses narines s’écartant au rythme du souffle saccadé qu’elle tentait de contrôler. Morion lui faisait peur, de toute évidence, contrairement à sa femme en qui, quelques jours plus tôt, elle avait eu une confiance aveugle. Le comte de Ventfroid était braqué, sans une once de compassion sur le visage. Prêt à percer la chair, il prenait ses marques, pinçait la peau de l’illuminée pour juger de la zone à entailler, tout en continuant son discours. Sa litanie était destinée à mettre Saurell dans ses derniers retranchements, mais bientôt, la lame aiguisée et dentelée vint déchirer la chair de la captive. Le sang perla sur le bras blanc, tâcha la robe, goutta au sol, et un cri de douleur résonna dans la pièce, agressant les tympans de la comtesse. Morion ne tiqua pas, enfonçant plus profondément la lame après d’autres paroles et devant le mutisme de sa prisonnière, provoquant un nouveau hurlement.

Grâce était stoïque, silencieuse, droite et en parfaite maîtrise d’elle-même. Voir souffrir cette femme ne semblait lui causer aucune peine, même si sa présence ici était certes désagréable. La baronne, pour son âge, était néanmoins fascinante. Les Brasey avaient engendré une femme aux épaules solides malgré son éducation, celle du « sexe faible ».

Quant à Ambre, elle avait froncé les sourcils par réflexe lorsque les cris lui avaient vrillé les tympans, se forçant à garder les yeux ouverts sur la scène. Elle suivait les mains de Morion, s’efforçant de ne pas s’arrêter sur les détails, comme regarder à travers un filtre. Chose imprévue, cela dit : l’odeur du sang chaud lui agressa les narines. Elle se trouvait à deux ou trois mètres de la blonde, mais pourtant, les effluves métalliques du liquide vital bouleversèrent ses sens, beaucoup trop à fleur de peau depuis sa grossesse. Doucement, la nausée commença à l’envahir, ses joues perdirent en couleur malgré la température de la pièce entretenue par le braséro. C’était d’un ridicule. Ambre lutta contre le malaise, inspirant un bon coup aux côtés de Grâce, sortant discrètement un mouchoir parfumé sous le repli de sa robe pour le porter à son nez. La jeune rousse respira les odeurs fruitées comme un camé à l’opium, de façon aussi discrète que possible. L’image pouvait la faire passer pour une femme présentant une arrogance pure ou des manières extrêmes, avec son petit mouchoir, refusant de respirer l’odeur de la douleur et de la mort à venir, mais elle ne put pas faire autrement. Ce que Grâce ou Morion pouvaient penser d’elle l’importait peu à cet instant précis, il valait toujours mieux cela que s’écrouler dans l’ergastule.

Ce fut la dernière intervention de la veuve qui sortit Ambre de son malaise léger. Brusquement, Morion avait enfoncé une seconde arme dans l’autre bras, plus dans une volonté de la faire taire plutôt que la torturer cette fois. Ambre avait serré les doigts sur son mouchoir, son cœur avait raté un petit battement devant le trouble de son mari, mais surtout, des nouvelles révélations de cette femme. Comment, pourquoi le savait-elle ? Y avait-il quelque chose qu’elle ignorait, en fait ? Possédait-elle un quelconque lien avec leurs maîtres-chanteurs, qui semblaient aussi bien renseignés qu’elle sur les Ventfroid ?

Quand Morion déposa les lames dans le feu et lui murmura quelques mots, Ambre secoua doucement la tête, une certaine peine dans les yeux. Le hasard ne pouvait pas avoir guidé ses mots. Le comte le savait très bien, et elle lui montrait qu’elle n’avait aucun espoir là-dessus.
La folle aux chats avait troublé le comte, de toute évidence, et finissait de briser les derniers remparts d’Ambre qui refusaient de laisser passer l’hypothèse d’une envoyée des dieux jusque dans ses convictions profondes. Grâce de Brasey permit un sursaut de pragmatisme néanmoins. Toujours aussi piquante, toujours aussi vipérine avec la voyante, elle poussa la blonde à répéter le message de Rikni, dans une volonté moqueuse de toute évidence, comme pour faire ressortir le caractère ridicule de ses élucubrations. Saurell l’avait bien senti, et était hésitante tout à coup. Méritaient-ils, finalement, de recevoir les paroles des dieux ?

- Je…

La veuve tremblait, reniflait légèrement, les larmes de douleur coulant encore sur son visage. Sa voix était devenue frêle, bien plus frêle que lorsqu’elle avait affirmé son absence de peur grâce à sa foi profonde. Son corps, déjà affaibli par les blessures, la douleur et la pression psychologique, semblait embrouiller son esprit plus que de raison. Trop de questions lui avaient été posées entre les coups de dague et les moqueries, et elle tentait de toutes se les rappeler avant qu’on lui fasse sentir sévèrement son oubli.

- Un homme a dit un jour qu’il fallait toujours donner le pouvoir à ceux qui n’en veulent point, répondit la veuve à l’intention de Morion, revenant sur les paroles qu’il avait prononcées avant de la blesser. Les propos parurent trouver écho chez le comte, mais Ambre ne saisit nullement la référence. Pourquoi ai-je donc été choisie… ? Je ne sais point ; je l’ai longtemps demandé à la déesse, sans jamais avoir la réponse…

Elle renifla encore, luttant pour que sa voix ne se brise pas en d’énormes sanglots, jetant des yeux exorbités vers les lames qui doucement prenaient une teinte blanche dans le feu. Quelques soubresauts nerveux dans sa voix se montrèrent lorsqu’elle rajouta :

- Ma domestique… ? Vous l’avez tuée, n’est-ce pas ? Elle était sourde, inoffensive, incapable de vendre qui que ce soit… C’est de la cruauté pure.

Face à l’évidence de la mort de la seule femme qui avait partagé sa vie ces derniers temps, Saurell craqua légèrement, et de nouvelles larmes coulèrent sur ses joues.

- Allons, intervint finalement Ambre, écartant un temps le mouchoir de son nez pour pouvoir parler. Ne laissez pas tant durer l’entrevue, vous perdez du sang. Plus vite nous aurons ce que nous voulons, plus vite votre calvaire sera terminé.

La veuve leva un regard éloquent vers Ambre. Elle savait qu’elle allait mourir. Bien sûr qu’elle savait. Désormais, son égo la pousserait-il à tout emporter dans la tombe, ou la douleur subie lui ferait-elle rendre les armes ? Elle grimaçait, tentait de trouver une position moins douloureuse désormais que ses bras étaient entaillés, déglutissait, comme si cela pouvait desserrer l’emprise de la lanière de cuir autour de son cou. Son regard sembla s’éclaircir, ou n’était-ce que le résultat du reflet des flammes alors qu’elle se tournait vers elles ?

- L’Humanité court à sa perte. La Fange a emporté le monde, nos espoirs, nos avenirs, nos chances de lutte. Enfermés à huit clos, les remous des uns, aussi minimes soient-ils, en deviennent des vagues incontrôlables qui s’écrasent sur les autres. Les dieux peuvent nous en vouloir parfois, mais pas au point de laisser leur création disparaître de façon si ridicule. Rikni m’a envoyé des images, des messages pour empêcher certains remous de détruire cette cité… mais pas assez pour que tout soit clair, j’ai beaucoup de mal à déchiffrer…

Elle gémit de douleur pour poser son regard vers Grâce. Elle paraissait soudain transportée dans son délire de diseuse de bonne aventure : même son ton avait changé, plus terne, plus morne, comme si elle lisait un livre dont elle connaissait chaque mot, comme si elle s’ennuyait.

- Vos remous à vous, baronne… Ils sont un peu trop virulents. Le ruban de votre premier mariage a été brisé, la parole des Dignitaires a été remise en cause, la volonté d’Anür bafouée. Votre amour-propre pourrait coûter beaucoup plus qu’un mariage malheureux si vous refusez de réparer vos torts dans la nouvelle chance qui vous est offerte avec ce bâtard… Anür le veut, vous devez vous marier, et ne plus éclabousser la force de la foi au sein de cette cité.

La femme reprit son souffle. Elle avait sorti tout cela d’une traite, et tourna ensuite brusquement son regard blafard sur Morion.

- Vous… Rikni n’aime pas le tableau que vous avez fait peindre, insulte aux dieux, de les avoir représentés ainsi, cause du Mal qui s’abat sur cette cité, ou aide dans vos projets malhonnêtes ? Quant à Anür, peinte avec les traits d’une mortelle… Nul besoin de préciser ce qu’elle en pense. Saurell eut un rire sans joie. Les remous des Ventfroid, s’ils couvent encore, sont bien trop menaçants. Echouez, et votre avenir en pâtira, vos enfants ne dépasseront jamais l’âge des trois années, seul salut accordé par la Trinité, tandis que les autres s’épanouiront, entachant votre sang. Réussissez, et la cité entière en sera bouleversée, laissant la Fange pénétrer ses murs. Oubliez vos griefs, arrêtez les remous… Arrêtez tout...

Le visage de Saurell s’affaissa un instant, et l’on eût pu croire qu’elle venait de perdre connaissance. Mais elle reprenait son souffle, les yeux dans le vague, tremblante, toute cette litanie l’ayant épuisée.

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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] EmptyDim 30 Oct 2016 - 23:14
Il devenait de plus en plus difficile de douter, il fallait être honnête. Plus elle parlait, à dire vrai, et plus il était difficile de croire que de simples moyens humains avaient été mis en oeuvre pour qu’elle soit au courant de tant de choses. A tel point que le Comte oscillait entre l’envie d’en entendre plus, de savoir jusqu’où s’étendaient ses mystérieuses connaissances, et celle de la faire taire pour de bon avant qu’elle n’étale les secrets de tous devant tout le monde. Ils n’étaient que trois, mais Morion avait des choses à cacher, comme tout le monde. Que ce soit à Grâce, qui lui étant sympathique, n’en restait pas moins une entité parfaitement indépendante de sa volonté - et donc dangereuse - ou à sa femme, qui n’était pas encore prête à entendre certaines choses, à son avis. Et il devait en être de même pour chacun d’entre eux. C’était normal. Sauf que certaines choses qui étaient dites avaient été trop bien dissimulées. Des choses sues par une, deux personnes, peut-être. Il songea un bref instant à Yseult de Traquemont. Leurs rapports avaient toujours été cordiaux, quoique teintés d’un côté comme de l’autre d’une respectueuse défiance. L’une fidèle au Duc, mais également prête à lui marcher dessus si c’était sa seule option, et l’autre souhaitant ardemment sa mort, mais ayant démasqué et compris l’ambition démesurée et sans limite de la châtelaine. Tous deux avaient les moyens de provoquer de sérieux dégâts dans le camp de l’autre, mais ils s’étaient mis d’accord; ils ne feraient rien sans y être obligés par les événements. Or, depuis cette entrevue, et depuis même très longtemps, Morion avait toujours fait en sorte de rentrer dans les clous. Et ses discussions avec Yseult lui avaient appris une chose : elle pouvait s’avérer être une horrible ennemie. En revanche, elle était d’une franchise inflexible. Cela la disqualifiait d’office.

Alors oui, il était normal qu’il patauge un peu. Et se retrouver dans cette situation, en plus d’être embarrassant pour lui qui n’en avait guère l’habitude, finissait par se montrer très, très irritant. Il sentait que la résistance, si l’on pouvait dire, de Saurell ne flancherait pas. Il irait au bout des choses, mais…

Il finit par se retourner vers la suppliciée, les sourcils froncés. Un fin rictus sans joie déforma légèrement ses lèvres quand il lui répondit.

«Voilà un adage des plus pertinents, je vous le concède. Il haussa légèrement les épaules, à la mention de la domestique. Dommage collatéral. Sourde ou non, peu importe, les risques sont à éliminer, il n’y avait guère d’autre choix. N’allez pas penser que je fais ceci car cela m’amuse d’une quelconque manière. Si vous aviez eu le bon sens de vous taire, vous ne seriez pas ici, aucun de nous ne le serait. Et il vous resterait quelques années à vivre, au lieu de quelques heures. Ne vous en prenez qu’à vous-même.»

Il jeta un oeil aux couteaux, qui chauffaient toujours. Une forte odeur de métal chaud se dégageait du brasero. Il n’y avait encore aucune étincelle, si ce n’étaient les quelques lucioles qui s’échappaient des braises rougeoyantes lorsque du bois crépitait, libérant une petite nuée flamboyante. Tant que les lames n’avaient pas cette teinte rosée caractéristique…

Il se rapprocha d’elle, désarmé. Ou presque. Une forte envie de remuer les couteaux dans les plaies, au sens physique du terme, lui tirailla l’estomac, pour punir cette opiniâtreté qui l’échauffait. A dire vrai, un autre facteur jouait. Il se tendait de plus en plus en sentant ce qu’il avait envisagé s’ancrer de plus en plus dans le réel; elle était peut-être, probablement même, une réelle messagère de Rikni. Involontairement oui, sur une lubie divine qu’il ne parviendrait sûrement jamais à comprendre. Mais les faits tendaient à confirmer cette hypothèse à chaque fois qu’elle parlait. Il avait donc sûrement déjà dépassé les bornes en la faisant enlever et en la mutilant. Quant à la tuer… il était déjà loin sur le chemin du blasphème, pousser au sacrilège ne réclamerait guère d’efforts. Simplement, voilà, il voulait se tromper sur son compte. C’est d’ailleurs ce qui le pousserait à continuer jusqu’à la fin. Et visiblement, malgré ses sanglots, elle n’avait pas assez souffert.

Une fois à ses côtés, son regard la jugea longuement, de prunelles rendues aussi dures et froides qu’elles pouvaient l’être, ce qui n’était pas rien chez Morion. Il serra légèrement les dents. Ses rêves n’avaient aucun sens. Ils recelaient des faits d’une précision certes inquiétante, mais… Il soupira. Sans la quitter des yeux, il alla saisir la main droite et immobilisée de Saurell, puis son index.

Le calme semblait l’avoir définitivement quitté. Tout du moins, la froideur totale qui semblait l’habiter depuis son entrée dans la pièce avait visiblement laissé sa place à une colère sombre, discrète, mais violente. Elle parlait trop. Beaucoup trop. Il avait déjà eu du mal à encaisser le fait que sa femme s’explique sans guère de retenue sur des sujets qu’elle ne maîtrisait pas complètement, alors qu’une femme à moitié folle porte un jugement de cette manière, elle qui ne connaissait aucun des trois intervenants dans cette histoire… Pour la première fois depuis pas mal de temps, quelqu’un était en train de réussir à le mettre hors de lui.

Sa poigne sur son index se durcit, et il brisa d’un geste sec le petit membre, dans un craquement sinistre. Il resta bloqué dans un angle improbable, plus vraiment mobile, la première phalange presque broyée par la brusque torsion. Le beuglement de Saurell emplit une nouvelle fois la pièce, avant de mourir dans sa gorge éraillée et asséchée. Morion ne cilla même pas, aucune expression de gêne ne vint perturber le masque brutal qui était né après les dernières remarques de la folle.

«Je vous trouve encore plus dangereuse que nous. Non contente de vous arroger le droit de parler au nom d’une déesse, vous vous pensez également suffisamment juste pour porter un jugement sur nos actions ? Expliquez-moi, madame, depuis quand les Dieux prennent parti pour qui que ce soit, en dehors des Rois ? Ils nous envoient leurs épreuves, nous récompensent quand nous réussissons. Mais d’où considérez-vous que nos projets sont malhonnêtes ?»

Juger. Voilà bien ce qu’elle faisait, et voilà bien la seule chose qui permettait encore à Morion de douter de la divinité de ses propos. Dans le principe absolu… Qu’elle puisse mentionner à demi-mots les deux erreurs qu’il avait commises par le passé, une enquête de très longue durée et et grands moyens mis dans l’espionnage, la corruption, auraient pu arriver à abattre les barrières floues et épaisses que Morion avait installé autour de l’identité des deux bâtards. Mais elle n’était pas de ceux qui possédaient ce genre de moy… Il haussa un sourcil.

«Êtes-vous réellement seule ? J’entends, n’avez-vous donc aucun espion, aucun allié, à l’extérieur, vous faisant compte de ses découvertes les plus juteuses ?»

Il n’attendit même pas la réponse, et l’encouragea en brisant, de la même manière, son majeur. Sa tension était perceptible.

«Je n’ai guère le temps d’attendre que votre langue se délie. Dépêchez-vous, et vous serez libérée de votre existence. Persistez, et vous souffrirez, longtemps.»

Spoiler:
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Grâce de BraseyBaronne
Grâce de Brasey



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] EmptyLun 31 Oct 2016 - 14:01

Nulle piste, nulle autre où celle qui taraudait le tortionnaire et ses complices depuis que les premiers dires de cette femme suppliciée. Le doute s’encrait plus profondément dans leurs esprits. Grâce qui avait rejeté en bloc cette possibilité, commençait à fléchir, se disant que toute folle qu’elle était, en l’absence de preuves accréditant une autre hypothèse, Saurell était possiblement ce qu’elle prétendait. L’idée n’était nullement pour être plaisante ou rassurante, la Déesse ne pardonnerait nullement le sort qu’ils infligent à sa prétendue envoyée. Le mal était déjà fait.

Au moins la langue déliée de la démente avait permis de faire la lumière, le point, sur ses réelles intentions, du moins ses apparentes intentions lors de de sa première intrusion dans leur vie. Ce qu’elle arguait comme motif arracha un faible soupiré exaspéré à Grâce, pourtant elle ne dit rien, aucune remarque n’aurait été constructive face à cette femme. Cela aurait seulement eu le mérite de la faire passer pour plus impulsive qu’elle ne l’était. Intérieurement elle fulminait, encore, encore cette sombre et stupide histoire avec cette imbécile heureuse avinée de Sombrebois. Il avait été prouvé et annoncé que ce remous n’était en qu’une idiote erreur humaine, motivée uniquement par des intérêts purement humains. Elle pouvait bien comprendre avoir offensé Anür avec cette noce, cependant elle doutait qu’en réparation la déesse demande une noce aussi irréfléchie qu’impulsive, de réitérer l’erreur, avec l’assurance d’avoir plus de chance. Celle-là, celle du bâtard, elle n’était voulue que des Patriarche d’Alchas et Brasey, tous deux dans l’unique but ne se débarrassaient pas de leur progéniture à problèmes.

La blonde n’avait aucune idée ce dont elle parlait, semblant s’être fait une idée d'on-dit, des on-dit d’une précision et d’une indiscrétion manifestes et dérangeante.

Chacun avait ses sensibilités, ses insupportables. Le son que produisit le doigt délicat de l’aliénée fit se crisper Grâce. Pas qu’elle appréciait particulièrement voir Saurell se faire transpercer par de petites lames, loin de là. La demoiselle attendait avec une certaine impatience le moment où elle pourrait sortir du cachot, de cet étouffoir. Le braséro ne s’éteignait nullement bien au contraire, alimenter pour chauffer les lames, sans compter sur l’appréhension, la colère qui grondait, montait échauffait le sang. De l’air. Elle en serait mécontente d’avoir de l’air une fois que tout cela serait terminé. Une fois que la prétendue voyante aurait achevé de les mener en bateau.

Les dires du Comte étaient sensés, de toute manière le Comte était un homme sensé, intelligent, méticuleux. La réponse que la démente apporterait était primordiale, cependant il n’y avait nul espoir à se faire, elle ne dirait rien, se savoir condamnée, de n’avoir plus aucune échappatoire, plus personne à chérir, protégé, lui donnait la détermination de ne rien dire. Pourtant la détermination craquait, fondant petit à petit pour couler en même temps que ses larmes.

« Je n’ai personne, plus personne, Il n’y avait plus que ma servante. Ici ils m’ont tous pris pour une folle, une dingue. Personne ne me croit, ne pense que mes dires peuvent être véridiques. Je n’étais plus qu’une farce. »

Cela résumait parfaitement ce qui se chuchotait sur le compte de la veuve, vivant entouré de chats. Elle était une distraction pour oublier le chaos qui sévissait hors des murs et menaçait de s’instaurer entre les remparts de la ville. Cela était presque étonnant, tant de lucidité sur elle-même, sur sa condition et la manière dont la percevaient les habitants d’Esplanades. Elle avait dû voir l’amusement, la pitié dans leurs yeux et entendre quelque ragot de ceux pour qui elle était d’une certaine sympathie.

« Ce que vous faites est néfaste, mauvais pour l’humanité, vous bousculer où rêvez de bousculer l’ordre établi. L’ordre est la seule chose qui nous protège de la chute, de la fin, de se faire dévorer tous, jusqu’au dernier par le fléau. »

Saurell se posait encore en intermédiaire des Dieux, qui voyaient entendait, comprenait mieux, que quiconque ce qu’il fallait faire et comment fonctionnait leur microcosme à l’équilibre plus que fragile.

« Vous … vous ne pouvez pas faire ça. Vous ne pouvez pas faire cela au Monde, à l’humanité tout ça pour vos petites personnes, vos petites rancœurs. Vos caprices sont se lie au destin de l’humanité, c’est cela qui intéresse les Dieux ! Ils ne nous ont pas abandonnés ! Ils essayent de nous sauver ! »

Elle craquait, son ton devait plus affoler, ses yeux se brouillaient toujours plus de, sa voix se serrait au sursaut de ses sanglots.

« Il n’y a plus de roi, ils essayaient seulement de sauvegarder le peu de leur fidèle qu’il reste en ce Monde, c’est pourquoi ils s’intéressent à vous, à chacun d’entre vous, ceux aux dents longues, au bras long, ceux qui peuvent, ou perturbe les choses telles qu'elles sont. »
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé]   Sacrifice sur l'autel de la bonne foi. [Ambre - Morion - Grâce] [Terminé] EmptyLun 31 Oct 2016 - 17:26
La tension montait. Les paroles de Saurell ne devenaient que plus décousues à mesure que la séance continuait. Avait-elle perdu trop de sang, commençait-elle à délirer ? Elle s’était presque mise à prophétiser sur le sort de l’Humanité, sur la survie de Marbrume. A l’entendre, les dieux tentaient d’empêcher l’extinction humaine par son biais, et il fallait désormais éviter les actions inconsidérées pour ne pas précipiter la chute de Marbrume. Sincèrement ? La Trinité réduite à passer par une… mortelle… pour prévenir les uns et les autres que leurs actions étaient mauvaises ? Cela était presque insultant d’imaginer les dieux avec si peu de marge de manœuvre. Pourtant, pourtant… Ambre fronçait les sourcils, les lèvres crispées. Si ses propos étaient ceux d’une mortelle, bien loin de la prestance qu’on attendait des dieux, elle avait toujours ces éléments, ces informations sensées être secrètes, qui tombaient d’on ne savait où. Morion était devenu colère, sa pupille étrécie par l’entêtement de la veuve à ne citer aucun nom que ne soit pas l’un des dieux, et Ambre ne pouvait que partager son agacement. Mais c’était plus diffus, chez elle. La colère était bien moins présente que l’amertume, la déception et l’appréhension mêlées. Depuis combien de temps étaient-ils ici ? Presque une heure ? Une heure, et aucun avancement. Ambre avait la sensation que cela n’avancerait pas plus, même s’ils y restaient la journée. Or, l’absence de nom, c’était soit laisser des ennemis courir dehors, soit admettre que ses visions étaient réelles. Admettre que sa famille allait mourir s’ils luttaient contre Sigfroi… Ce n’était définitivement pas quelque chose qu’Ambre souhaitait entendre. Cette femme avait réussi à instiller le doute, soulevant un goût amer dans sa bouche, faisant frémir ses plus intimes convictions.

Le craquement des doigts brisés fut ignoble, mais rapidement masqué par de nouveaux cris de douleur. Etait-elle seule ? Oui, elle l’était, elle jurait qu’elle l’était, encore et encore, que l’humanité courait à sa perte à cause d’eux, que c’était beaucoup plus grand qu’eux. Ambre supportait de moins en moins ses sanglots et gémissements, ses répétitions incessantes, et évitait la vision de ses doigts disloqués.

- Comtesse, pitié, retenez votre mari ! gémit-elle dans une supplique déchirante, la voix vibrant de douleur et de peine. Je sais, je sais que mes propos ont trouvé écho dans votre cœur, depuis la première fois… S’il vous plait… Je ne sais rien, rien ! hurla-t-elle alors que Morion s’approchait des braséros et des lames prêtes à lui brûler la peau. Personne n’a espionné pour moi, rien, je n’ai aucune relation, par pitié, arrêtez… ! Sa voix, après être partie dans les aigus de façon très désagréable, résonnant sur la pierre et les tympans de chacun, s’épuisait petit à petit. Ne m’abaissez pas à devoir citer des noms au hasard pour vous faire plaisir… s’il vous plait… je n’ai rien fait… rien dit à personne…

Ambre s’était de nouveau crispée lorsque la femme l’avait apostrophée. Si elle faisait signe à son époux, elle était presque sûre de pouvoir accélérer la mort de la veuve. Morion lui-même semblait continuer la besogne plus par essence du travail bien fait et par précaution que par réelle conviction. Il ne croyait plus que Saurell puisse être brisée plus, il en était de même pour Ambre. Elle était déjà en morceaux, devant eux, sanglante, le moral au plus bas. Pourtant, la comtesse ne fit nul signe.

- Ce n’est pas contre vous. Les mots sonnèrent comme une sentence, prononcés par la seule personne dans cette pièce en qui la suppliciée avait eu, un jour, confiance. Le travail doit être fait, souffla la comtesse, et ce furent les derniers mots qu’elle accorda à la blonde.

Une longue plainte s’échappa des lèvres de Saurell, et sa voix commençait déjà à s’enrouer à trop forcer dessus. La comtesse n’appréciait pas cette situation. Qu’on en finisse, sans plus de paroles en l’air. La blonde savait parfaitement ce qu’ils attendaient d’elle. Continuer à entretenir le dialogue n’était plus dans leur intérêt. Désormais, il n’y aurait que la douleur si elle s’entêtait dans le silence, ou la libération, si ses lèvres lâchaient autre chose que des plaintes. Ambre ne dirait plus rien, ne réagirait plus à tout regard suppliant. Le sort de cette femme était scellé depuis qu’on la savait trop dangereuse, trop omnisciente. Heureusement pour les Brasey et les Ventfroid, ce danger serait bientôt complètement éliminé.
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