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 Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]

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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 8 EmptyVen 12 Aoû 2016 - 20:11
Marianne s’était calmée, peu désireuse d’engager un conflit elle aussi. Nul doute que si Ambre avait renchéri suite à sa tirade, elle se serait davantage échauffée, mais la non réaction de la comtesse, ainsi que l’appel au calme de Morion, avait diminué les ardeurs. Ambre avait entendu tellement de bien de la jeune sœur Ventfroid qu’elle était légèrement étonnée d’une telle répartie, mais elle n’en montra rien. La jeune rousse aurait été dans un état aussi peu raisonnable si son frère ou sa sœur se trouvait dans la même situation, probablement. Morion sembla satisfait que l’esclandre soit tué dans l’œuf, avec raison. Une dispute entre son épouse et sa sœur, deux femmes qu’il aimait, serait agaçant autant à voir qu’à calmer. Surtout que prendre la défense de l’une reviendrait à vexer l’autre – en clair, plein de joyeusetés que les trois nobles se faisaient une joie d’éviter.
Ambre sourit faiblement face aux paroles suivantes de Marianne. Un sourire rendu faible par les circonstances actuelles, mais il n’en était pas moins sincère. La comtesse était contente si sa petite contribution au domaine grâce aux plans avait déjà commencé à être utile. Elle n’avait pour l’instant jamais mis un orteil chez les Ventfroid alors c’était compliqué pour elle de se rendre compte. Marianne paraissait connaître par cœur les affaires du comté en tous les cas. Quant à Morion… c’est de la fierté qui courait sur ses traits, en écoutant les paroles de sa sœur. Fier, il pouvait l’être, c’était certain. C’était un pari risqué qu’il avait pris, il y a des mois de cela, en choisissant d’être présent à la vie sociétale de Marbrume plus qu’à son comté, et en laissant donc ce dernier aux mains de ses sœurs. A l’heure actuelle, cela avait porté ses fruits, même si l’annonce de la blessure d’Estrée était tout à fait le genre de nouvelle qui pouvait lui amener des regrets cela dit. Ambre allait prier… et prier pour sa belle-famille.

- De rien, c’est le moins que je puisse faire, répondit Ambre en réponse aux remerciements de Marianne. Elle tourna ensuite rapidement le regard vers son mari. Je vais leur envoyer un mot rapide pour leur dire de venir vers vingt-heures en ce cas ; ils ne devraient y voir aucun inconvénient.

Aussitôt dit, aussitôt fait ; tandis que la conversation dérivait sur le domaine principalement, et le temps que le repas n’arrive, Ambre fit apporter une plume et du parchemin. Elle rédigea rapidement pour le manoir Mirail, quelques simples mots : « Mon frère, cela vous dérange-t-il toi et les autres d’arriver vers vingt-heures plutôt que les dix-huit heures prévues ? Nous avons reçu une mauvaise nouvelle au manoir ; Estrée est souffrante et c’est Marianne que vous aurez l’occasion de voir ce soir, en conséquence. Avec toute mon affection, Ambre. »
La réponse d’Evan arriverait rapidement, répondant par l’affirmative ; ils viendraient plus tard. Vu la proximité des manoirs, Ambre aurait pu porter la nouvelle en personne plutôt que convoyer un messager, mais elle n’avait pas souhaité quitter son époux et Marianne.

La comtesse écouta avec intérêt les propos sur le domaine, quels qu’ils soient. La vie qui y grouillait, le système de guildes. Des images se formaient dans l’esprit de l’artiste selon les descriptions, et cela réveillait en elle l’envie de voir les lieux de ses propres yeux. De voir ces gens, qui étaient devenus les siens. Désormais qu’elle était enceinte, il ne faudrait point tarder à ce qu’elle visite le domaine, d’ailleurs, car ses capacités pour voyager s’amenuiseraient bien vites. Cela dit, la peur de la comtesse était toujours présente. Sortir dehors, même sous la protection de son mari, n’était toujours pas quelque chose qui l’enchantait, malgré la présence de son domaine et de ses gens au loin. S’ils tombaient sur des brigands, ou pire, des fangeux ? Comment pourrait-elle se défendre avec sa petite dague ? La comtesse chassa ces pensées pour se concentrer sur les paroles de Marianne, qui ne cessaient plus. Ambre ignorait si c’était dû à son angoisse pour sa sœur, ou si c’était naturel, mais une fois partie, elle ne s’arrêta plus de parler. Les sujets de conversation lui venaient spontanément, et même s’ils étaient pour l’heure concentrés sur le domaine, puisque c’était sa vie quotidienne désormais, la comtesse ne doutait pas qu’elle soit capable de varier de pleins de nuances. Marianne était une femme agréable, sociable, qui aurait parfaitement eu sa place à la cour ducale, c’était certain. Ambre buvait toutes les informations, qui étaient bien plus précises et détaillés que celles que son mari pouvait lui fournir. Pas qu’il avait refusé de lui parler du domaine, loin de là, il se montrait juste beaucoup moins descriptif dans ses propos, de manière générale. Alors, les apports de Marianne furent bienvenus. Ambre fut tentée à plusieurs reprises de poser des questions sur l’attaque qui avait été subie la veille, cause de la blessure d’Estrée, mais se retint. Le nombre de pertes, les dégâts subis, c’était tout à fait le genre d’éléments qui plomberait définitivement l’ambiance de la journée. Mais cela couvait autour d’eux, et parfois, Ambre surprenait le regard de Morion qui se perdait dans le vide, quelque part loin de leur conversation. Dans ces moments-là, elle revenait lui prendre la main et serrer doucement.

Vint finalement le sujet sur l’enfance de Morion, en fin de repas, qu’Ambre avait amené. La comtesse nota avec amusement la gêne de Morion, et sa réaction avait eu le mérite d’accroître sa curiosité. Elle observa avec intérêt Marianne, qui semblait tout autant amusée que la jeune rousse, et écouta ses propos. L’épisode sur sa méticulosité et les légumes lui fit hausser un sourcil moqueur, mais ce fut un réel éclat de rire qui termina par sortir à l’évocation de la vengeance contre Talen. Grands dieux, elle voyait toujours ces deux-là s’entendre à merveille, alors imaginer un Morion adolescent qui luttait à sa manière contre le domestique avait de quoi faire rire.

- J’aurais aimé voir ça, s’amusa Ambre après s’être remise de l’image qui s’était dessinée dans son esprit. Un regard largement railleur se posa sur son époux, et la comtesse fut heureuse d’avoir posé la question. Mauvais perdant… Cela ne m’étonne pas tant que cela ; j’ai cru remarquer que c’était très Ventfroid, de ne pas accepter l’échec.

Le visage de Morion, lisse, était particulièrement goûteux. Ambre ne raterait plus jamais une occasion de le charrier là-dessus, c’était certain. Il devait le savoir aussi ; il connaissait parfaitement le caractère taquin de sa femme depuis un moment.
Ambre fut détournée de la contemplation du comte par une autre question cela dit. Marianne, à son tour, soulevait quelque chose qui la rendait curieuse, depuis un long moment visiblement. Ambre posa son regard sur la jeune Ventfroid, avant de couler vers Morion, pour revenir vers Marianne.

- Oh. N’a-t-il jamais donné aucun détail ?

Elle pouffa un peu, sans attendre de réponse. Non, bien sûr que non, qu’il n’en avait donné aucun, pas besoin de demander.

- Comment j’ai pu le ravir… Le terme est mal approprié, mais flatteur. Ambre sourit. Eh bien, j’imagine que j’ai eu pour moi la chance de venir d’une famille qui conserve encore une certaine influence à Marbrume, dernier bastion de l’humanité. Un avantage certain à se lier à ma famille, quand bien même nos habitudes sont effectivement bien éloignées des vôtres. Ambre se tut, réfléchissant. Cela dit… Je n’étais pas la seule à bénéficier de ces avantages, alors j’imagine que cette réponse satisfait peu votre curiosité. Ambre réfléchissait encore. En effet, pourquoi Morion l’avait choisie elle plutôt qu’une autre ? S’il avait affirmé l’aimer tout récemment, elle était persuadée qu’il n’était encore point amoureux au moment de la proposition de fiançailles. L’amour n’entrait pas en ligne de compte, pas encore, à ce moment. Ambre n’avait jamais réfléchi à la question ainsi, et désormais qu’elle lui était posée, elle prit le temps de se souvenir. Je crois… Je crois que je l’ai surpris. Elle pianota doucement d’un doigt contre le dos de sa main, replongeant dans sa mémoire. Il était venu assister à une exposition dans mon manoir, malgré son horreur des mondanités, parce qu’il voulait changer la décoration de son bureau, dans lequel il n’arrivait plus à travailler. Ambre coula un regard amusé vers son époux ; cette phrase faisait ressortir tout à fait justement le côté maniaque rappelé par Marianne un peu plus tôt. Il n’attendait pas grand-chose de cette soirée si ce n’est l’acquisition d’une de nos œuvres. Quant à moi, quand j’ai vu un Ventfroid pénétrer chez moi… Disons que votre réputation auréolée de mystère vous précède, et j’ai tenté une approche. Rien de séducteur, s’empressa d’ajouter la comtesse avant que Marianne ne se fasse des idées. Mais je l’ai convié à voir une autre de mes œuvres, loin des regards. Avec le recul, je me dis que c’était sûrement un peu sot ; j’ai eu de la chance que ça ait été lui et pas un autre. En tous les cas, il a pu admirer une toile dessinant la mort de Sigfroi – toile que j’ai brûlée depuis, j’ai refusé qu’il me l’achète, même s’il l’a proposé. Surpris, donc. Je ne suis pas certaine qu’il avait vu plus loin que mon joli minois, mes sourires et mes talents pour décorer son bureau, initialement. A moins que tu ne viennes me contredire, mon époux. Elle tourna un regard amusé vers Morion, le laissant nuancer et apporter son point de vue à l’histoire, peut-être. Cette surprise a éveillé de la curiosité, l’envie d’en découvrir plus sûrement, et nous nous rejoignions aussi dans nos idées sur le duc donc… Ambre haussa les épaules. Cela s’est fait tout seul ?

Elle ne voyait pas quoi dire de plus ; elle avait fait une description fidèle du début de leurs relations. Une rencontre autour d’un tableau, la découverte qu’ils partageaient tous deux des griefs identiques contre le gouverneur de cette cité… leurs caractères respectifs avaient fait le reste.

- Mon père avait beaucoup de scrupules à me marier à un Ventfroid, à l’origine. Ambre sourit, un sourire à la fois amusé et nostalgique désormais que son père était décédé. Il n’a jamais apprécié votre famille, en fait, mais j’ignore pourquoi. Aaron ne s’était jamais vanté du fait que sa femme ait aimé un jour un Ventfroid et avait longtemps rechigné à lui appartenir à cause de ça ; ainsi, même sa propre fille ne connaissait pas l’histoire. Cependant ma mère a su le raisonner sur ses réticences visiblement assez stupides, et Morion lui a plu, lorsqu’ils se sont vus. Un instant, les dernières paroles que son père avait eu pour elle avant de mourir surgirent dans l’esprit de la comtesse. « Tu as épousé un homme bien plus digne et sérieux que ne l’était ton ancien promis. Je suis heureux d’avoir pu te lier à lui et d’avoir pu assister à votre union. Je regrette une chose : ne pas voir naître vos futurs enfants. » C’est ce qu’il m’a dit avant qu’Anür ne l’emporte. Elle jeta un bref regard à Morion ; elle n’avait jamais cité avec une telle précision ce qu’Aaron avait pu dire à son sujet. Les propos étaient gravés cependant. Profondément gravés dans sa mémoire, et ils le resteraient jusqu’à sa propre mort.

Ils parlèrent encore un moment des circonstances de leur union, si Morion se sentit d’humeur à rajouter ses propres détails, puis Ambre termina par lancer, après s’être arrêtée sur les cernes de Marianne :

- Souhaitez-vous monter vous reposer désormais ? Je vous montrerai mon atelier lorsque vous aurez dormi, ou avant si vous y tenez tout de suite, peu me chaut.

Le repas était terminé, et la comtesse pouvait accompagner Marianne jusque dans les étages tranquillement, sans que Morion n’ait à les accompagner.

- Tiens-nous au courant de l’arrivée de nouvelles, d’accord ? souffla Ambre à Morion avant qu’elles ne quittent définitivement la pièce.

Elle posa une main douce sur son avant-bras, serrant brièvement pour lui communiquer un peu de chaleur, et de courage. Ils attendraient tous des nouvelles d’Edric et d’Estrée, et elle espérait que le soulagement prendrait rapidement la place pour faire céder l’angoisse. Qu’avaient dit les guérisseurs, là-bas ?
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 8 EmptyDim 21 Aoû 2016 - 3:20
Marianne esquissa un petit sourire à la remarque d’Ambre. Ne pas accepter l’échec, voilà un bel euphémisme. Elle avait plusieurs fois saisi, au détour d’un couloir, ou même pendant les repas, alors qu’une bonne conduite était de mise, et que le jeune comte essayait, au mieux, de s’y plier, des expressions confinant à la rage la plus sombre couvant dans ses yeux. Non pas qu’il n’acceptait pas l’échec, mais qu’il le haïssait, le réprouvait, et s’il avait pu l’éradiquer de la surface du monde, il l’aurait fait. Tous avaient au moins une fois subi les humeurs de Morion, excepté ses parents (encore qu’à ce sujet, la jeune femme n’était pas totalement sûre). Estrée avait toujours été celle dont les affinités avec le comte étaient les plus nombreuses, et ainsi, avait toujours ou presque trouvé un moyen de le calmer ou de lui faire la face lumineuse des choses, mais pour les autres, y compris Talen pourtant rompu à la pédagogie des cas difficiles, c’était un défi qu’ils avaient vite appris à ne plus relever. Elle haussa donc légèrement le sourcil, à mesure que ces souvenirs remontaient, amusants pour la plupart, quoi qu’ils avaient été surtout des moments assez tendus durant leur enfance, et indiqua son frère du bout du menton, tout aussi moqueuse que son épouse.

«Ne pas accepter l’échec ? Un ours ne l’aurait pas approché quand il savait avoir raté une passe ou n’avait pas retenu un passage d’archive, tant son humeur s’avérait exécrable. Elle eut un petit rire, puis finit par hausser les épaules. Il s’est bien calmé, tous devons l’admettre, néanmoins il semble avoir rayé le concept de son vocabulaire.

Morion leva le doigt pour l’interrompre, un rictus ironique aux lèvres : Je n’ai jamais réellement eu ce concept en l’esprit. Je préfère le terme de leçon. Et méfiez-vous, je risquerais de me mettre en tête de vous en donner à toutes les deux.»

Marianne pouffa brièvement. Elle n’avait pas besoin de plus de leçons. Contrairement à Estrée, que Morion avait formé largement accompagné de Talen, elle avait monopolisé une grande partie de son frère. Lui-même était alors assez peu expérimenté dans la gestion d’un tel domaine, ayant toujours laissé cet aspect de ses responsabilités à son père, et cela n’avait été une partie de plaisir ni pour Morion, ni pour Marianne que d’organiser le tout. Qui plus est l’arrivée des réfugiés avait rendu la chose terriblement difficile. Donc la jeune femme avait subi tant la tyrannie de Morion, qui voulait s’assurer que les capacités intellectuelles de sa soeur soient exploitées à fond, que ses humeurs lorsque lui-même butait contre un problème, logistique, matériel ou autre, qu’il avait du mal à régler. Et pourtant, si moralement il se sentait toujours plus proche de sa soeur, avec qui il avait partagé bien plus de moments, et dont les esprits se rejoignaient sur bien des points, cette épreuve avait grandement contribué à pousser l’estime de Morion vis à vis de Marianne terriblement haut. Pour être même totalement honnête, sans aller jusqu’à la considérer comme une étrangère, il n’avait guère d’avis forgé sur elle. C’était une femme, qui portait certes son nom, mais avec qui il n’avait pas assez partagé de temps pour lui accorder plus que le respect minimum qu’il devait à une personne de sa famille. Mais les choses avaient bien changé, et finalement le Fléau avaient fait d’eux un duo de gestionnaires redoutable, qui s’entendait particulièrement bien. Marianne émettait nombre d’idées, que Morion validait ou non, il les modifiait, puis elle-même les enrichissait. Estrée faisait une formidable commandante et dirigeait d’une main habile tous ceux qui vivaient sur les terres de Ventfroid au nom du Comte, mais il y avait un travail de titan abattu en amont par la plus jeune soeur des tenants du nom.

Mue d’une curiosité toute féminine, à plus forte raison lorsqu’il s’agissait, dans ce cas, de l’histoire qui avait conduit son frère à prendre épouse, elle se fit très attentive. A vrai dire, il n’avait donné, en effet, aucun détail. Il avait bien mentionné la réception chez les Mirail, mais… sur le ton de la raillerie, à dire vrai. C’était avant d’y aller, et il se gaussait, même par écrit, de voir que sa concentration était tellement mise à mal dans son bureau par la décoration qui l’ornait jusqu’à présent, qu’il était prêt à se rendre chez d’autres nobles, une des nombreuses choses qu’il n’aimait pas faire, juste pour remédier à son problème de concentration. Cela avait beaucoup amusé, au domaine. Puis plus tard, il leur avait annoncé en personne ses fiançailles et le mariage à venir, sans entrer dans les détails. Bien qu’il éprouvât alors une certaine attirance pour Ambre, il ne voyait guère le mariage que comme une simple formalité qui leur simplifierait nettement la vie à tous deux, sans compter que l’âge de Morion n’arrêtait pas sa progression, et l’époque rendait chaque chose, chaque décision, particulièrement urgentes.

Marianne haussa les sourcils, visiblement surprise également. Elle ne doutait guère… En fait si, elle doutait totalement des goûts de son frère en matière de femmes. La seule avec qui il avait eu une relation sortant du cadre professionnel était Cassandre, et Marianne ne l’aimait pas du tout. Là dessus Ambre et elle s’entendraient à merveille. Quant aux autres, elles n’arrivaient guère à franchir le stade de simples relations qui servaient les intérêts de Morion. Un petit sourire mutin fut adressé à son frère.

«Surprendre Morion… voilà une chose déjà surprenante en soi. Ce n’est guère aisé, voilà un exploit qu’il est difficile de négliger,
dit-elle sur le ton de la plaisanterie. Mais en dehors de ça, elle sentit une certaine évidence. Après ses déboires avec Cassandre, le comte semblait s’être fermé à tout rapprochement avec la gente féminine, même dans un but purement intéressé. Au mieux se laissait-il faussement séduire, les rares fois où il pointait le nez dehors, mais simplement dans le but d’être dans une meilleure position pour tenir son pion avec fermeté, et si possible des moyens de pressions. C’était toujours un acte vil, parfois même cruel, il n’y avait jamais de possibilités d’alliance véritable, avec Morion. Son mépris pour la caste humaine semblait ne pas connaître de limites, à ce niveau là. Sans être misogyne ou méprisant envers les femmes, elles comme les hommes ne revêtaient généralement à ses yeux que le statut d’objet. Se marier… Même dans une optique politique ou financière, au vu du fonctionnement des Ventfroid à ce sujet, il était peu crédible qu’il s’amourache de la première venue, quand bien même ses idées fussent séduisantes. Le récit concernant la peinture de Sigfroi lui permit ainsi de voir Ambre sous un angle légèrement différent. En tant que femme de son frère elle bénéficiait d’ores et déjà de son respect, un respect certes codifié et contraint, mais avoir eu le courage (ou la folie) de présenter à un homme aussi influent que le comte une telle toile, sans savoir ce qu’il déciderait d’en faire… Voilà qui était admirable. Elle garda cependant ses réflexions pour elle, se contentant de couler un regard incisif sur les deux époux. Jeune mais très, très vive d’esprit.

- Effectivement, compléta Morion, je n’avais aucune intention au sujet d’Ambre avant de voir cette toile. Toutes étaient pour moi identiques - je parle là des femmes - et la seule chose qui m’intéressait en prenant la route du manoir des Mirail était de pouvoir continuer à travailler sereinement. Je n’irai pas remettre en cause les qualités physiques de mon hôtesse ce jour là, mais les choses ont rapidement évolué après la présentation de l’oeuvre traîtresse dans son atelier. Et puis… ses lèvres s’amincirent jusqu’à former un rictus mesquin et moqueur, finalement, je ne pouvais laisser une pareille femme tomber entre de mauvaises mains, qui ne sauraient exploiter son talent ou ses idées. Mettons que oui, cela s’est fait tout seul, mais que l’idée d’une alliance m’est rapidement venue.

- J’imagine… Marianne réfléchit quelques secondes. Cela doit être à cause d’Anatole, si votre père n’a jamais aimé notre famille. Ou peut-être à cause de notre réputation, qui n’est pas totalement usurpée. Nous sommes des agents des ombres, et là où nous passons, nous faisons souvent régner le chaos. Il est naturel pour quiconque d’honorable et digne de se méfier de nous. Quant au sujet Anatole… il n’inspirait de sympathie pas même à sa propre famille, excepté son proche entourage. Elle plissa légèrement les yeux. Il me semble également que votre mère était alors sa vassale directe. Si elle a fini par épouser feu votre père… Il y a fort à parier que des choses se sont jouées avant leur union. Les intérêts et les alliances fructueuses ne surpassent jamais l’attirance entre des êtres. Elle jeta un oeil à son frère. Il devait bien savoir de quoi elle parlait, lui qui, par le passé comme maintenant, avait refusé de dissocier les deux.»

Morion fronça légèrement et brièvement les sourcils à la citation de sa femme. Il n’avait jamais entendu les mots exacts d’Aaron, en effet. Bien qu’Ambre eût évoqué la soirée et les événements, ils n’étaient pas revenus sur le sujet, et il n’était pas dans ses projets de la forcer à ressasser tout cela. Cela datait désormais, mais il y avait l’opération à préparer alors, sans compter le deuil récent, puis son absence, trop longue, et son retour… Et il ne comptait pas évoquer le sujet. Ils étaient contraints d’avancer, quoi qu’il arrive.

«Céline supportera fort bien Evan et le reste de la famille, malgré le malheur. Aaron était un homme éminemment respectable et honorable. Il ne partageait pas forcément nos idées, mais il n’était pas de ceux qui s’éloignent de leur ligne de conduite. Nul doute que sa femme tient également de lui. Les Rocheclaire sont également… supposés être de la même trempe.»

Le mot “supposés” flotta un instant sur les lèvres de Morion. Visiblement pas assez ces derniers temps, ou plutôt, il voyait bien que la dévotion de Cassandre n’avait pour but que de maintenir un contact des plus assidus entre Morion et elle. S’il s’en servait, il constatait cependant que la dévotion héritée du passée et des anciens serments s’était étiolée, ces derniers temps. Pas assez pour l’heure, mais tout de même un peu. Au moins la mère d’Ambre n’était pas de celles là.

«A vrai dire, pas même Aaron ne se serait mis en travers de ma route, concernant notre union. Sans même évoquer le peu de choix viable qu’apporte la cour, il ne m’est guère coutumier que l’on me refuse quoi que ce soit. Cependant nous nous sommes rejoint sur le point le plus important. Je me souviens encore de ses mots. Nous parlions, au delà du mariage, d’Ambre elle-même et de sa qualité de future épouse. Il fit une pause, retraçant la longue conversation qu’il avait eue avec le comte de Mirail. “Je tiens simplement à m’assurer que même dans l’échec, la pauvreté, voire l’insurrection du peuple envers notre caste, ou la mort, vous serez un mari exemplaire. Que mon aînée n’est pas un simple pantin destiné à vous apporter ressources pour élever à bien un domaine qui de toute façon tombera, mais qu’elle sera bien votre femme, celle qu’Anür aura liée à vous, et qu’elle sera traitée de la manière qui lui est due. Que vous la protégerez de toutes les manières possibles et imaginables, par votre rang, votre verve et votre épée, contre les dangers de l’extérieur… tout comme de l’intérieur de nos murs. Et que, s’il le faut, vous mourrez pour elle.” Voilà ses mots. Morion contempla ostensiblement ses ongles, les doigts recourbés en avant. A partir de là, la partie était gagnée.»

Marianne eut un petit rire, moins faible et plus sincère cette fois. Aussi ironique qu’amusé. Car le pire dans tout cela, et même si son frère agissait avec une certaine démonstration de plaisanterie, c’est qu’elle savait pertinemment que dans l’esprit de Morion, la réflexion citant que “la partie était gagnée” avait clairement du lui traverser l’esprit, mot pour mot. Si l’idée de l’alliance avec sa promise avait, comme il le disait, fait son apparition assez tôt après leur rencontre… Il avait probablement échafaudé tous les scenarii possibles.

«A vous entendre, je ne suis pas mécontente de vivre au château. Là au moins mon esprit peut tourner à plein régime sans être perturbé par les tribulations fantastiques et houleuses des aventures de cour. Elle poussa un petit soupir, et releva le regard vers Ambre. Je vais prendre quelques heures pour dormir un peu. Je ne tiens presque plus debout, j’aurai bien le temps de découvrir votre atelier ensuite.»

Morion confirma d’un bref signe de tête son assentiment à la question, plutôt rhétorique en fait, de son épouse, et passa quelques doigts doux sur la surface lisse de sa peau en réponse à son attention.

Talen fit apporter du parchemin et de l’encre dès que les femmes furent montées, d’ailleurs. L’idée d’une nouvelle ascension ne lui plaisait guère, et le pigeonnier étant de toute façon affairé au jardin, peu importait qu’il soit ici ou en haut pour rédiger ses lettres. Sa première missive fut très brève. Elle ne demandait qu’un compte rendu plus précis de l’attaque, ainsi que des nouvelles sur l’état d’Estrée. Morion n’avait pas bougé du salon et Ambre était revenue lorsqu’une réponse lui parvint, remise en main propre par Herbert. Il la lut plusieurs fois afin de bien s’imprégner de chaque mot et de tous les retenir. Il finit par en émerger, et observa un moment son épouse.

«L’attaque était d’ampleur moyenne. Une demi-douzaine de fangeux, tout au plus. Il y a de nombreux blessés, mais il n’y a eu “que” cinq morts, c’est un quota largement acceptable compte tenu des pertes que nous avons déjà essuyé au plateau. Quant à Estrée… Morion lâcha un léger soupir. Les guérisseurs sur place ont pu endiguer le saignement et retirer la pique sans encombre, mais le pronostic vital est toujours engagé. Ses dents se serrèrent inconsciemment, tant à cause de l’inquiétude, que de la frustration de ne pouvoir être sur place au lieu de quémander des informations à Edric. Ses chances s’avéreront nettement plus élevées si elle passe la nuit. Elle connaît de brèves périodes de conscience, pendant lesquelles Edric lui fait administrer du lait de pavot. A priori aucune zone capitale n’a été touchée mais on ne peut guère être sûr… Elle dort, la plupart du temps.»

Edric semblait en outre tout à fait à l’aise avec son rôle de dirigeant par intérim. Il savait y faire, bien qu’il soit un vassal, à l’instar des Rocheclaire, il avait mené ses combats et restait le dirigeant officiel des Castelmont. Si déchiffrer son horrible écriture était une épreuve, il restait un homme éduqué, et rompu aux techniques de gestion d’un domaine, d’une famille… Peu importait. Et c’était un homme de confiance, Estrée et Marianne n’avaient pas hésité à lui confier les rênes, et Morion aurait sûrement fait exactement pareil.

Il rédigea immédiatement une réponse. Renforcer les défense, retirer un groupe d’hommes du Labret pour compenser leurs propres pertes, ainsi que s’assurer qu’Estrée ne bouge pas. Il voulait quelqu’un à son chevet à chaque minute, peu importe l’heure qu’il était. N’ayant pas le registre ou les souvenirs de Marianne en tête il ne pouvait citer autant de noms qu’il l’aurait voulu, mais il ordonna au chevalier de piocher allègrement dans les effectifs de la guilde des herboristes si cela était nécessaire.

«Cette situation m’insupporte… Il se pencha vers sa femme, et caressa d’une main dénuée de tout tremblement, malgré la tension évidente qui couvait en lui, le ventre qui abritait leur enfant. Espérons que la nouvelle que nous apportons de notre côté suffise à mettre du baume au coeur de tous. Je notifierai Edric de tout ceci après le dîner avec ta famille. Ne te fais pas trop de mauvais sang. Estrée a l’air fragile mais… Elle est terriblement solide. Elle ne se bat pas mais connaît les dangers du champ de bataille, et ne laisserait jamais une blessure, encore moins fratricide, la mettre à bas. Son dévouement envers Rikni est sans failles, elle triomphera.»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 8 EmptyDim 21 Aoû 2016 - 20:10
Ambre se mordit la lèvre pour s’empêcher de rire à l’intervention de Marianne puis de Morion lui-même, qui sous-entendait de façon amusée de leur donner une punition à toutes les deux si elles continuaient à se moquer de lui ainsi en sa présence. Non, vraiment, toutes ces descriptions de Morion dans sa jeunesse ne l’étonnaient pas du tout. Il n’avait pas réellement changé à l’heure actuelle, il était juste plus… mesuré, disons. Et s’il n’avait pas été marié désormais, Ambre était certaine qu’il aurait continué à passer ses soirées à travailler, à perfectionner ses objectifs, à mettre la barre toujours plus haut jusqu’à la réalisation de ses souhaits. Morion ne supportait pas l’échec, elle le savait bien, et son entêtement à garder le cap pour travailler même au bord de l’inconscience, comme cela avait été le cas pour sa blessure au Labret, c’en était bien la preuve. C’était un côté de lui qu’Ambre devrait apprendre à museler, ou composer avec. Même si, comme le disait Marianne, il s’était bien calmé depuis, la preuve en était qu’il réussissait parfaitement à assumer ses activités et son rôle d’époux de concert. Après, la jeune rousse ne l’avait encore point vu face à l’échec jusqu’à présent, il fallait dire. Tout lui réussissait plus ou moins jusqu’à présent ; même le Labret, il y avait survécu, et en était rentré gagnant avec les autres migrants. Faire face à un Morion en rage après une défaite, quelle qu’elle soit, était encore une expérience inconnue, et Ambre n’était pas pressée de la connaître.

Marianne écouta avec intérêt l’histoire de la comtesse. Une rencontre qui menait à un mariage, c’était toujours intéressant de toute manière, surtout lorsque cela concernait sa famille. En voyant l’expression de la jeune Ventfroid, ainsi que son air amusé, Ambre se surprit à penser que cette histoire, elle la raconterait sûrement plusieurs fois à ses enfants, plus tard. C’était le genre de question que les bambins posaient toujours. La jeune rousse imaginait très bien Morion enjoliver certaines parties pour son bon plaisir, alors, Ambre se ferait une joie de le reprendre lorsqu’il le faudrait, voire à enjoliver selon son point de vue à elle. Cela serait un exercice sûrement fort amusant, plus tard. Mais ils n’en étaient point encore là.
Un léger sourire pointa à nouveau sur les lèvres d’Ambre à l’évocation de l’idée d’alliance de Morion.

- Ça, elle t’est rapidement venue, certes. Ambre se souvint en image de l’instant dans le cloître, sur le petit banc de pierre, près de l’étang, alors qu’il faisait sombre et frais en cette soirée d’automne. Sur ce coup, c’est lui qui m’a surprise, reprit-elle en regardant Marianne. L’idée en elle-même n’était pas absurde mais elle était inattendue, car rapide. J’ai dû prendre quelques jours avant de lui donner ma réponse, et avertir mes parents. Disons que lorsqu’une idée lui vient en tête… Morion ne pèse pas le pour et le contre pendant longtemps. Il sait tout de suite ce qu’il veut.
Ambre posa à nouveau le regard sur son époux. Oui, le comte était un homme déterminé, qui savait parfaitement ce qu’il voulait de ce qu’il ne voulait pas. L’on pouvait converser avec lui, le raisonner sur certains points, lui montrer d’autres points de vue, mais jamais il ne se montrait influençable ou manipulable.

La comtesse réfléchit ensuite aux propos de Marianne concernant Anatole et son propre père. Elle eut une petite moue de la bouche, témoin de ses pensées qui vagabondaient, puis reprit.

- C’est fort possible. Il faudra que je demande à ma mère de me raconter un peu les relations qu’ils entretenaient avec votre famille… Je n’ai point connu Anatole et je serais curieuse d’entendre un pan de cette histoire de la bouche de ma famille.

Ambre jeta un œil prudent à Morion. Elle savait pertinemment que le sujet Anatole était délicat chez les Ventfroid, surtout depuis qu’elle avait appris que sa disparition n’était en rien accidentelle. Il avait été haï, raison de son meurtre ; Ambre évitait donc d’aborder ce cas en présence de Morion. Une idée vint à Ambre cependant, alors qu’ils conversaient tranquillement là-dessus. Il était vrai que sa propre mère avait été proche des Ventfroid à une certaine époque. Peut-être pourrait-elle se montrer utile quant à ces mystérieux espions qui leur envoyaient des missives étranges ? Si elle avait été en plein cœur des affaires de la famille héritière de l’époque, peut-être que quelques noms lui viendraient en tête un jour ? Mais cela signifierait mettre au courant Céline de toute cette affaire et… Ambre n’était pas certaine de vouloir la mêler à tout cela. Elle en parlerait à Morion, plus tard, et il aviserait.

La jeune rousse haussa un sourcil lorsque le sujet vint sur Aaron. Pas quand Morion déclara qu’il était un homme respectable, mais quand il évoqua la discussion qu’il avait eue avec lui dans le jardin du manoir Mirail pour demander sa main. Ambre n’y avait pas assisté, il s’était agi d’une discussion entre un père et son futur gendre. La comtesse n’avait pu qu’attendre, impuissante dans un coin, que Morion ne vienne lui annoncer le résultat de cet échange. Ce crétin s’était d’ailleurs amusé de lui faire une mauvaise blague à son retour, mais de façon générale, Ambre n’avait jamais vraiment su ce qui s’était dit entre son père et Morion. La comtesse tiqua légèrement d’émotion, à penser que son père avait porté de tels propos pour sa fille aînée, et que Morion les avait approuvés, nécessairement, pour obtenir sa main. Elle frissonna légèrement au souvenir de son père, à l’imaginer converser ainsi avec celui qui était désormais son époux, puis elle rit faiblement sur la suite du discours.

- T’ai-je déjà dit que tu faisais montre d’une arrogance toujours aussi amusante mon époux ? L’on ne me gagne pas, l’on… me mérite. Elle pouffa doucement, glissant sur la suite de la conversation. Le regard de la comtesse revint se poser sur Marianne. Vivre loin de la ville vous épargne très certainement nombre de pirouettes et d’hypocrisie, je conçois que cela doit apporter une certaine liberté à ce niveau, commenta Ambre. Même si a contrario, la solitude et l’éloignement des autres protagonistes et derniers survivants doit peser.

Par la suite, la comtesse accompagna Marianne dans les étages. Morion resta au salon, autant pour se préoccuper des nouvelles du domaine que pour ménager sa jambe blessée, qui était toujours en bonne voie de guérison cela dit. Dans deux semaines, l’homme pourrait sûrement se passer de sa canne même si cela serait encore douloureux de marcher à partir d’un certain temps. Et les époux pourraient aussi reprendre des activités disons… plus passionnées dans leur couche.
Marianne trouva toute seule son ancienne chambre bien évidemment, et la présence d’Ambre fut plus une compagnie qu’un réel guide dans ce manoir que la jeune Ventfroid connaissait de toute façon bien mieux que la comtesse, pour l’instant. Marianne y avait passé son enfance, tandis qu’Ambre ne le côtoyait que depuis quelques mois. La jeune rousse la laissa prendre place dans la petite pièce et repartit tranquillement descendre les escaliers pour revenir avec son époux, qui venait visiblement de recevoir des nouvelles. Ambre serra les mains devant elle en voyant les prunelles de son mari sauter de ligne en ligne, et attendit qu’il ne relève les yeux vers elle, le ventre noué. Un bref soupir de soulagement traversa ses lèvres lorsqu’il l’informa qu’Estrée vivait toujours, même si pas de la meilleure des manières.

- Eh bien… J’imagine que si elle dort, elle souffre moins, déjà, murmura Ambre, même si cet état d’inconscience parsemé de périodes de conscience douloureuse était un état peu enviable. Au moins pouvait-elle rejoindre les rêves de Rikni le temps que son corps se remette et la fasse surmonter cette blessure. Si cette dernière avait été vitale, elle serait déjà morte, non pas ? C’était ce que voulait se dire Ambre. Elle espérait, vraiment, qu’Estrée se relèverait. Tandis que Morion rédigeait une réponse rapide, la comtesse s’installa à ses côtés, glissant une main qui se voulait rassurante sur un genou. Elle pria silencieusement pour sa sœur. Les trois dieux, sans distinction. Combien de temps crois-tu que le domaine tiendra ainsi ? rajouta Ambre, inquiète. La jeune femme se laissa couler contre son mari lorsque sa main vint caresser son ventre, et elle-même vint poser ses doigts sur la surface de la mâchoire du comte, glissant sur la barbe. Je l’espère, Morion, je l’espère. Si Estrée s’en sort cette nuit, je gage que l’on pourra raisonnablement dire que vous avez les bons auspices des dieux, qui vous arrachent toujours à la mort de peu. Ou à l’inverse, qu’ils aimaient les mener tout près du domaine d’Anür, mais Ambre tut la réflexion, préférant conserver la plus optimiste. Je prierai pour qu’Estrée puisse partager la nouvelle que nous allons apporter, et qu’elle puisse connaître notre enfant lorsqu’il sera né. Ambre sourit tristement. Morion lui demandait de ne pas trop s’en faire, mais, c’était surtout à lui qu’il fallait dire ça. C’était de sa sœur qu’il s’agissait. Alors, la comtesse enlaça son mari, et lui offrit une étreinte qui se voulait rassurante et pleine de compassion, sans autre mot supplémentaire, jusqu’à ce qu’ils reçoivent d’autres lettres qui feraient peut-être pencher la balance d’un côté ou de l’autre pour Estrée.

--

Marianne s’était reposée plusieurs heures, de bonnes heures à dire vrai. Les vingt heures sonneraient bientôt et Evan et le reste des Mirail se présenteraient très vite, aussi avait-on décidé d’aller réveiller la jeune Ventfroid, à regrets cela dit, vu le repos dont elle avait besoin. Ce fut Ambre qui se proposa pour y aller, sans besoin de domestiques, qui étaient déjà pour la plupart affairés au ménage ou à la préparation du dîner. Ambre voulait de toute manière enfin lui montrer son atelier, alors cela ne la gênait pas ; cela tombait même bien. Marianne se confondit en excuses lorsqu’Ambre la réveilla en lui annonçant qu’il était bientôt l’heure du dîner, mais la comtesse la rassura sur le fait qu’elle avait tout à fait le temps de se préparer, et même de la suivre dans son atelier si elle le désirait.

Lorsque Marianne fut à nouveau coiffée et correctement apprêtée pour sortir et rencontrer les Mirail, Ambre lui fit descendre un étage pour arriver dans l’aile du bureau de Morion et de son atelier. Ambre jeta un œil discret à Marianne, tentant de déterminer si elle se doutait de la pièce vers laquelle elle la menait, puis très vite le mystère ne fut plus : Ambre sortit une clé d’un repli de sa robe, pour l’insérer dans la serrure de la porte qui, jadis, était la salle de musique.

- Je ne sais si Morion vous avait prévenue qu’il m’avait autorisée à m’installer dans cette salle… Je sais qu’elle vous tient beaucoup à cœur en tous les cas, alors j’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur d’avoir, disons… dénaturé l’essence originelle des lieux.

Disant cela, avec un petit déclic, Ambre ouvrit la porte, laissant Marianne entrer dans l’ambiance de l’atelier, qui sentait beaucoup le parchemin et les peintures plus que les instruments de musique désormais. Ambre garda les yeux posés sur la jeune Ventfroid, tentant de déterminer ses réactions et les endroits sur lesquels les yeux de Marianne se posaient.
La comtesse lui fit faire le tour, tranquillement, jusqu’au fond, là où se trouvaient les anciens instruments des Ventfroid. Ambre fit glisser doucement le drap qui les protégeait de la poussière, et révéla au regard de Marianne son ancienne vielle.

- Je les ai restaurés, ils avaient un peu terni disons, depuis le Fléau… Vous pouvez les rapporter au domaine si vous le souhaitez, ils mettraient plus de baume au cœur qu’ici j’imagine.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 8 EmptyLun 22 Aoû 2016 - 15:05
Avant d’être un homme déterminé, et même avant d’être un noble d’action et de combats, comme l’avait pu être son paternel avant lui, il était surtout un homme d’esprit. S’il ne refusait que rarement les confrontations physiques et ne ressentait que peu la crainte sur un champ de bataille, il savait cependant parfaitement qu’il n’était absolument pas de ceux qui vénéraient les guerres et combats sanglants. Au contraire, s’il pouvait éviter la violence, il l’évitait. Sur le terrain sinueux des pensées, réflexions, analyses et complots, en revanche, il s’amusait beaucoup, et ce depuis qu’il avait les connaissances nécessaires pour plonger à bras ouverts dans tous les ouvrages mis à sa disposition, même les moins sérieux d’entre eux. Il y avait trouvé là un oasis de connaissances variées, de points de vue différents sur le monde, qui s’ils se rejoignaient tous sous la souveraineté absolue de la Trinité et ne dérogeaient jamais aux principes divins qu’elle apportait avec elle - pour la plupart en tout cas - avaient permis à Morion de confronter très tôt nombre d’avis entre eux, de modes de réflexions, et de voir d’intéressants procédés d’analyses appliqués par divers auteurs. Pourquoi sortir, s’infliger l’insupportable présence d’autrui, lorsque l’on pouvait simplement ouvrir l’épaisse couverture de cuir, parfois de bois, gravée, brûlée, enluminée, ornementée, d’un épais ouvrages, et s’abîmer dans un microcosme de paix et de silence, recelant de nombreuses choses inconnues du lecteur ? La question était tout à fait légitime. Et de fil en aiguille, Morion avait fini par acquérir, lui aussi, un esprit méthodique, chirurgical, doué d’une capacité d’analyse très fortement éprouvée. S’abreuver de savoir n’est pas tout, encore faut-il se doter d’un esprit critique exercé, et s’en servir pour démêler le vrai du faux, d’extraire des minces lignes sombres, courbes, calligraphiées, la quintessence d’un message, et laisser de côté les broderies, les tournures enjolivées, les passages anecdotiques qui s’ils faisaient de sympathiques récits à conter à un tiers, ne possédaient que peu de valeur en tant que tels. Alors… Non, il n’avait pas perdu son temps. Parce qu’après sa rencontre avec la jeune rousse, avec quelques discussions, ayant agrémenté ses régulières visites à son manoir, l’évidence était là; ils étaient faits pour s’entendre sur de nombreux points. Si les plus importants de ces derniers concernaient évidemment leurs inclinaisons politiques, Morion n’avait cependant aucun doute qu’ils en trouveraient d’autre. Quelques échanges avaient suffi pour que le comte effleure du bout du doigt l’esprit de la femme qu’il allait épouser. Et si au début, il s’attendait principalement à la voir honorer la réputation d’artiste et de rêveuse passionnée qui allait avec son nom, il se rendit bien vite compte, non sans plaisir d’ailleurs, qu’elle avait bien plus à offrir, qu’ils avaient bien plus à partager que de sombres complots contre le pouvoir en place. Et il ne se trompait que très rarement lorsqu’il anticipait le potentiel d’une personne. A partir de là, la suite avait été aussi rapide que logique. S’allier, durablement. Pour plusieurs raisons, certes l’intérêt politique et financier d’une union, mais également parce que savoir qu’une comtesse, à marier, était vue trop souvent en visite chez un autre, l’Esplanade ne manquerait pas de jaser, juger et piailler à ce sujet, au risque de ternir la réputation de la jeune femme. Et évidemment car l’avoir chez lui leur permettait à tous deux, en dehors des délicieux instants, intimes, sereins, passionnés, ou simplement tranquilles et complices qu’ils pourraient partager, ils pourraient également travailler de manière nettement plus efficace.

Marianne esquissa un petit sourire avant de répondre.

«D’aucuns le trouveraient même carrément hâtif… Si l’époque actuelle l’excuserait, ça n’était pas le cas avant, et pourtant, il a presque toujours été ainsi. La décision de nous mettre Estrée et moi à la tête du domaine… combien de temps as-tu mis pour en arriver à ce point, Morion ? Une semaine seulement, est-ce bien cela ?

- Quatre jours, répondit Morion, visiblement parfaitement sérieux. Dès que les nouvelles de son père cessèrent de lui parvenir, au vu des événements contés partout dans le pays, il n’avait pas tardé à envisager le pire. Et réagir en fonction. Et encore, j’ai un peu hésité le premier jour. Les trois autres ont simplement servi à préparer le terrain.»

Qu’Ambre s’intéresse à Anatole…. Morion avait balayé cet homme de sa vie facilement, et les autres en avaient fait de pareille manière. A vrai dire, sous l’égide de Marie et Isidore de Ventfroid, les héritiers n’avaient même jamais considéré les véritables tenants du titre comme faisant partie de leur famille. Morion avait peut-être eu une éducation radicale, mais ses soeurs et son frère avaient également eu leur lot d’enseignement, suivant les principes Ventfroid les plus anciens. A la manière douce, disons. De fait, peu lui importait, finalement, qu’elle cherche à en savoir plus. Après tout cela concernait également sa mère, donc elle aussi, quelque part. Il ne devrait normalement pas y avoir de restes choquants, ou de choses qu’il voulait tenir dissimulées à la connaissance de sa femme.

Sa remarque suivante le fit doucement sourire. Il haussa légèrement les épaules. «Et je constate que cette arrogance est contagieuse, à t’entendre.» Il laissa cependant sa soeur répondre.

«A dire vrai… nous ne sommes pas seuls. Etonnamment, c’est en venant ici que je me suis rendue compte à quel point vous, dit-elle en insistant sur le “vous”, êtes éloignés. D’épais murs, des gardes, une vie presque à huis clos, à peine perturbée par quelques sorties au coeur de la masse… Ironiquement, vous vivez tous dans la même cité, et êtes terriblement éloignés de ces mêmes survivants. Ce n’est pas un reproche, notez. Mais là bas, nous sommes au milieu de ces derniers survivants, justement, ils constituent même l’essentiel de la population, et nous sommes forcés de nous mêler à eux, de travailler avec eux si nous voulons d’une, s’assurer une certaine… légitimité, et de deux, si nous voulons nous assurer de la stabilité du domaine, ou au moins de son bon fonctionnement. Quelque part… elle sembla réfléchir quelques instants. Quelque part, de nombreuses frontières ont été abolies, à cause du Fléau. Et c’est finalement une bonne chose. Nous vivons en cercle relativement fermé, nous sommes mal protégés, mais la vie est loin d’être insupportable là bas. Bien au contraire, je dois dire. Les Dieux veillent sur nous, et chacun d’entre nous veille sur l’autre.»

Morion était assez étonné, même si cela ne se vit, d’entendre ces mots sortir de la bouche de sa soeur. Il savait, au fond de lui, que le rôle qu’il leur avait donné, à elle et Estrée, était, pour des femmes de noble naissance, très difficile, voire carrément punitif. Ce n’était en aucun cas un rôle auquel elles avaient été destinées. S’il avait eu plusieurs options sous la main, il les aurait évidemment toutes éprouvées avant de s’en référer à celle ci. Il les avait cherchées ces options d’ailleurs. Dans son proche entourage, personne d’autre qu’elles n’était apte à la direction du domaine. Il aurait cependant pu s’y rendre lui-même ? Laisser seules ses soeurs dans la demeure citadine ? C’était proprement hors de question. Marianne elle-même venait d’évoquer la houle vicieuse qui secouait la cour, depuis des siècles et des siècles. C’était inhérent à son existence, les sièges du pouvoirs avaient toujours été le coeur d’horribles conflits internes déguisés en chaudes alliances et douces caresses. Elles étaient jeunes toutes les deux, et pas mariées. Les prendre avec lui au château ? Ainsi la demeure serait restée ville, et malgré leurs espions, ils auraient fini par être dangereusement dépassés par les événements. C’était également hors de question. Quant aux autres, qui auraient pu assurer, à l’instar des deux soeurs, disons, une forme particulière de régence, un peu comme Edric dans l’instant présent… Talen ? Ce n’était pas dans ses attributions, il n’avait en aucune manière la formation pour, et aurait de toute façon refusé de quitter ses maîtres. Edric ? Gérer un domaine il pouvait le faire. Combien de temps ? Les conditions n’étaient pas les mêmes. Il devait toujours y avoir un Ventfroid au domaine, c’était très simple, et ils ne pouvaient laisser le Castelmont seul, sans directives, qui auraient en sus de cela étaient différées par le temps de vol des oiseaux messagers, ou carrément perdues par un mauvais temps soudain, et parce que les funestes événements attendaient que personne ne les attendent pour arriver, il aurait été ingérable de laisser un homme, ou une faction d’hommes diriger le comté et les gens qui y vivaient, en prenant le risques de laisser les mauvaises surprises arriver sans pouvoir y réagir dans la seconde. Non, il n’y avait que ses soeurs. Et si elles ne s’étaient jamais plaintes ouvertement, Morion avait cependant toujours pensé, légitimement, leur éducation avait été particulière mais pas non plus complètement déviante des codes traditionnels, qu’elles regrettaient, un peu, d’être forcées à cet emploi. C’était gratifiant, enrichissant, certes difficiles mais cela les endurcissait autant qu’aiguisait leur esprit, mais ce n’était pas un rôle fait pour elles. Entendre Marianne encenser à ce point ses tâches et la vie du comté, en tant que dirigeante, et qui plus est une dirigeante qui n’hésitait pas, quand il le fallait, ou par plaisir, à se mélanger au reste de la petite population vivant aux abords du château… cela collait assez bien au caractère, rapidement forgé, de la jeune Ventfroid, mais cela restait néanmoins surprenant.

Plus tard, sa missive toujours en main, il était songeur, bien moins emporté que lorsque sa soeur était présente, se satisfaisant de son sort, malgré son inquiétude apparente, et louant la vie qui était la sienne désormais. Il prit le temps, avant de lui répondre, d’entourer sa taille de ses bras, et de l’attirer contre lui. Il réfléchissait et calculait, mais son inquiétude, difficile à apaiser là maintenant, avait besoin du concours doux et délicat de la présence de sa femme, contre lui. Il la hissa contre lui, et sa tête, au regard perdu dans les flammes d’une cheminée mourante, vint s’appuyer contre sa poitrine. Un petit soupir lui échappa.

«Edric tiendra le temps qu’il faut. Il sait ce qu’il a à faire. L’après bataille, il la connaît parfaitement, qu’il s’agisse de guerres d’hommes, ou contre ces sales bêtes. Il saura rassurer les gens. Tu verras quand tu le rencontreras. Il est impossible de craindre cet homme, malgré sa carrure d’ours. Il inspire naturellement la confiance et le respect. Si Estrée possède un avantage en tant que femme, qui bien qu’autoritaire, sait parfaitement où elle va, et sait juger de façon juste les situations qui se présentent à elle… Edric est un pilier très solide. De tous, c’est lui qui est le plus aimé, de ses hommes ou des réfugiés. Et ses qualités en tant que commandant sont indéniables. Il sait quand il doit faire appel à l’aide de quelqu’un, et sait quand il doit se montrer ferme, voire strict. C’est instinctif chez lui.
Pour Estrée en revanche, même si Morion croyait de toutes ses forces à son rétablissement, la logique, elle était sans appel. C’était compromis. Et même si elle s’en remettait, qu’elle survivait à tout ça, les séquelles pouvaient être plus graves que ce que l’on imaginait. Maladies, grande faiblesse et… elle avait été touchée au ventre. Cela mettrait peut-être même en danger sa fécondité. S’il ne doutait pas que la nouvelle serait accueillie par Estrée avec le flegme qui était le sien… Cela risquait de ruiner toute chance d’union éventuelle. Il priait Serus avec ferveur d’épargner un tel drame. Apprendre une stérilité après l’annonce de la naissance de son neveu… Cela serait bien trop cruel. Je ne sais si nous avons la chance conférée par les Dieux, ou si au contraire, ils aiment nous voir danser avec la mort, à quelques centimètres seulement de ses linceuls froids et sombres. Nous avons toujours été de fidèles compagnons de l’oubli et des caveaux, que nous avons souvent contribué à remplir. Je me rassure en me disant que les Trois ont toujours salué ces prises de risques, et les ont récompensées par la possibilité de nouvelles danses, toujours plus macabres. Un cercle vicieux et funeste, mais qui fait notre histoire depuis bien après notre naissance. J’estime donc ses chances maximales. Assez tristement, pour qu’elle puisse recommencer. Si ce sort est peu enviable, c’est Leur don, aussi cruel et ironique soit-il.»

Un mince sourire amer déforma ses traits. Ses pensées avaient sur ces remarques parfaitement rejoint celles de sa femme, sans qu’il ne le sache. Cela ne rendait pas les choses plus drôles, et certainement pas encourageantes. Laisser entrevoir la possibilité d’un éventuel cycle de dangers mortels, voilà qui n’aurait de toute façon rassuré personne. Néanmoins… Voyons le bon côté de la chose. A fréquenter la mort avec une telle assiduité, on finissait, parfois, par s’en faire une amie, une compagne qui se joignait à vous lors de réguliers passages à la frontière de ses royaumes, qui vous regardait, de ses prunelles vides, et pourtant tentatrices, vous lançant sur un ton mesquin, plaisantin, suave, l’invitation à la rejoindre, cesser ces ballets sans contact, pour se jeter dans ses bras. Avec les Dieux au dehors, qui, de leur présence majestueuse, guidaient les pas du danseur, simple homme ou simple femme soumis à leurs jeux, parfois pervers, parfois doux, mais toujours frappés du sceau de la divinité, de la justesse, de leur éminente supériorité. Une suprématie qui vous poussait à danser avec une confiance aveugle. Quand la danse leur plaisait assez, alors ils vous tiraient des voiles opaques et froids des robes de dame la Mort, rétablissaient vos maux, récompensaient vos efforts, et vous offraient, tôt ou tard, une nouvelle valse. Plus ardente, plus serrée, ainsi de suite. Une façon bien onirique, ou plutôt, cauchemardesque, de voir la succession actuelle et future, passée aussi également, des événements jalonnant la vie et l’existence de la dynastie de Morion, mais qui au moins, les aidait à prendre la chose avec leur sempiternelle mesure.


Deux autres missives vinrent à Morion. La première, pour leur informer de la stabilité de l’état d’Estrée, relative mais durable pour l’instant, et également des derniers renforcements de défense, du nom des morts, et des blessés qui avaient été le plus gravement blessé. S’ensuivait également quelques courtes phrases, destinées à informer Morion et plus particulièrement Marianne des ressources qui avaient été utilisées pour les bûchers, les soins et le rétablissement des palissades enfoncées. De la pure logistique, relatée avec une parfaite fidélité, malgré le caractère abominablement illisible de l’écriture d’ours d’Edric, qui aurait du faire appel à un scribe ou un transcripteur, mais qui dans son zèle avait préféré tout écrire lui même, prétextant la peur de se faire arracher les yeux par Estrée si elle apprenait qu’il n’avait même pas pris la peine d’écrire à son Seigneur de ses propres mains. Il tentait toujours des piques humoristiques, qui ne tombaient jamais à plat, tant elles surprenaient. Cela contribua, au fil des lectures, à rassurer et détendre un peu le comte, qui n’arrivait toujours pas à comprendre le sens tordu de l’humour de son vassal, encore moins dans de telles situations. Quant à Ambre, nul doute que ces petites plaisanteries diminueraient également les inquiétudes dont elle souffrait, vis à vis d’Estrée comme du domaine, ou même de son époux. La seconde était en revanche un véritable tissu d’âneries. Morion relut trois fois la lettre pour s’assurer que sa raison n’était pas partie en exode dans des terres plus saines, mais non, tout avait été rédigé noir sur ocre, par la patte d’Edric. Prétextant d’abord que gérer ce comté était une épreuve dont il ne voulait plus, et à aucun prix, il rouspétait à caractères bien marqués que les quelques personnes qui avaient un peu de temps libre le harcelaient pour voir la soeur de Morion, pour lui porter présents et bénédictions, et qu’il n’arrivait plus de sa seule carrure à endiguer le flot ininterrompu de réfugiés qui se pressaient à l’entrée, allant jusqu’à lui envoyer des pierres et de vieux légumes au visage, sous couvert d’une insupportable tyrannie. Totalement faux, évidemment. S’ensuivait également, de façon tellement succinte que Morion faillit passer à côté, un compte rendu rapide de la fin des travaux de rénovation, et de la bonne application des soins aux blessés. Aucun nouveau mort à déplorer, c’était proprement miraculeux, disait-il. Puis il râlait, une nouvelle fois, jurant et pestant, assurant qu’un homme de son calibre n’était pas fait pour tenir par la queue la plume d’un volatile à seule fin de “grabouillassinner”, élucubration visiblement tirée d’un dictionnaire propre à Edric, dans le seul but de rassurer sa Sainte Majesté le jeune Morion que tout roulait comme dans une calèche.

Il ne put s’empêcher de ricaner, quoi qu’un peu exaspéré par la conduite ridicule du chevalier, et de faire lire la dernière missive à Ambre.

«Je vais peut-être commencer à douter sur la survie du comté dans les prochains jours, finalement,
dit-il d’un ton sérieux, démenti par un regard oscillant vaguement entre le désespoir profond et l’amusement certain. Il m’arrive encore de me demander d’où cet homme a pu finir à la tête des Castelmont, et par quel tour saugrenu il s’est octroyé le respect de ses hommes. Voilà une chose que les plus grands devins ne parviendraient pas à apprendre, je pense.»

--

La visite. Sitôt le malaise d’avoir aussi longtemps dormi fut-il passé, le programme lui revint en mémoire, et elle se dépêcha de se revêtir et de se parer, afin d’être aussi prête à sortir de sa petite chambre, que d’accueillir avec les époux Ventfroid la belle famille. Elle avait très envie de les rencontrer.

Au tout début, quand Morion avait parlé de cette visite, Marianne avait trouvé assez étonnant qu’on lui propose d’explorer une pièce dont elle devait forcément connaître tous les secrets. Voilà plusieurs mois qu’elle n’avait pas mis dans l’austère demeure, mais tout de même, elle y avait passé presque vingt années, c’était un peu étrange d’entendre cela. Puis elle finit par comprendre où elles allaient, toutes les deux. Elle savait ce qui se trouvait dans l’aile condamnée et doutait que Morion ait ouvert cette partie du bâtiment à la jeune rousse, et doutait même qu’il ne le fasse un jour. Lui-même n’y allait que très, très rarement. Il n’aimait pas ça. Il ne restait donc que très peu de pièces à cet étage. Et il ne lui fallut pas longtemps pour deviner où elles allaient. Morion ayant parlé d’atelier, elle se demandait tout de même pourquoi Ambre la conduisait vers la salle de musique, et eut rapidement sa réponse, quelque secondes après le dernier cliquetis révélateur de la clé dans la vieille serrure.
Au début, elle observa le tout avec une parfaite neutralité. Pas qu’elle soit surprise, ou gênée par ce qu’elle voyait, bien au contraire. Mais revoir cette salle intimiste malgré sa taille, où elle avait passé tant d’heureux moments avec sa soeur et sa mère, avant que l’une finisse commandante et exilée au domaine, et l’autre arrachée à ce monde par le Fléau, en compagnie de leur tout jeune frère Eredas… Une intense bouffée de nostalgie noua son estomac, et vint former une petite boule dans sa gorge. Ses yeux se mirent à lui faire ressentir d’étranges picotements, et elle souffla légèrement, peu désireuse de se confondre en émotions ainsi devant la femme de son frère, puis s’avança, entre les toiles. Elle observait, circonspecte, chaque détail, notant le talent évident d’Ambre pour le dessin et la peinture. L’odeur de vieux bois, de vernis, de sciure et de cire, mêlé de très, très légères senteurs florales, dispersées ici par les trois femmes très assidues par le passé, avait disparu. L’on sentait le parfum de la jeune femme, mais les anciennes odeurs avaient été remplacées par les nouvelles. Sauf une. Ambre ne pouvait guère la percevoir, elle, et c’était normal. Mais cette odeur douce-amère, particulièrement poignante, du passé, des instants révolus, définitivement morts, mais vivant encore dans l’esprit et au travers des yeux de la jeune brune… Elle était bien présente.

Elle observa, critique, le travail d’Ambre sur les instruments. Elle s’approcha pour en caresser certains du bout des doigts, pinça la corde d’une vièle, apprécia la fraîcheur du bois d’une flûte. Elle releva les yeux, souriante, quoi qu’encore un peu troublée par l’entrée dans la salle qu’elle avait toujours le plus aimé ici, et celle dans laquelle elle avait passé les meilleurs moments de son existence.

«Morion nous avait prévenues, pour ce qui était de la restauration des instruments. Mais c’était tout. Elle fronça les sourcils, puis les releva rapidement, afin de dissiper toute chance de mauvaise interprétation. Et il a eu parfaitement raison de vous confier cette salle. Après le décès de ma mère… Nous n’avions plus envie d’y mettre un seul pied. C’était beaucoup trop difficile. Nous y avions passé tellement de temps, et pas seulement pour la musique, simplement pour discuter, apprendre ou réviser nos leçons, parfois… Y retourner, Estrée et moi, après tout ce temps… Morion a même hésité à faire condamner la porte, comme un mémorial. Elle baissa un peu les yeux, sentant une bouffée de tristesse, d’amour et de mélancolie mélangées monter en elle, puis soupira longuement. Je suis sincèrement heureuse qu’il ne l’ait pas fait. Elle tourna les yeux vers ses instruments, ceux de sa soeur, puis haussa légèrement les épaules. Ils en avaient, là bas, des instruments. Bien moins précieux mais… Cela leur allait. Elle serra légèrement les dents, retenant un flot de petites larmes mélancoliques, puis vint prendre les mains de sa belle-soeur, troublée, le regard brillant, mais visiblement déterminée quant à la suite de son dialogue. Vivez-y, apportez-y toute la vie que vous pouvez y mettre. Au plus fort de l’hiver, quoi qu’il arrive, cette petite salle est toujours un repli estival, un petit cocon, dans lequel vous emmènerez vos enfants. Vous jouerez ensemble, leur apprendrez les arcanes du dessin et de la peinture, leur apprendrez les subtilités de la musique, les joies et tristesses de la poésie. Vous regarderez, comme nous le faisions enfants, votre mari, le père de vos fils et filles, reposer son esprit et écouter vos oeuvres, calmement installé en bas, dans le cloître. Et vous n’y laisserez pénétrer que les personnes dont la présence vous est précieuses. Cet endroit fut mon havre, celui de ma mère, celui de ma soeur, et c’est à ces conditions seulement que je vous laisse les droits qui vous plairont sur cet endroit. Forgez-y d’heureuses mémoires. Elle eut un petit sourire gêné de s’être laissée emporter. Cette salle semble être avoir été bâtie dans ce but.»

Elle lâcha les mains de la comtesse, et soupira. Elle n’aurait jamais songé que revenir ici lui aurait provoqué un tel magma d’émotions. Ce n’était pas désagréable, mais sa sensibilité était bien plus à vif que celle d’Estrée, ou plus frappant encore, celle de son frère. Des trois, elle avait toujours eu le sens artistique et la saisie des émotions fugitives les plus poussés.
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 8 EmptyDim 4 Sep 2016 - 23:27
Hâtif… Ambre sourit à ce mot en jetant un œil rapide à son mari. C’était à la fois vrai et faux. Le mot supposait un certain défaut : être hâtif, par extension irréfléchi, peut-être. Mais ça n’était pas ainsi qu’elle voyait Morion. Il réussissait juste à prendre ses décisions sans tergiverser pendant des lustres… ce qui était une qualité, selon la comtesse. Les décisions prises n’étaient pas forcément les bonnes après, mais c’étaient les siennes, ses choix, et il ne s’encombrait pas l’esprit avec des « et si » interminables. Il avait les épaules pour agir et réagir en tant que seigneur. Cela se voyait constamment. Par là, Ambre savait que si un jour leur famille rencontrait une crise, quelle qu’elle soit, il serait toujours apte à prendre les choses en main.

Ambre ne commenta pas plus cela dit, et écouta le frère et la sœur pour la suite de la discussion. Marianne était probablement dans le juste. Les nobles de l’Esplanade, du moins ceux qui n’en quittaient jamais la pierre claire, et qui ne sortaient que rarement se mélanger au peuple, étaient de fait devenus particulièrement isolés. Les Mirail, de tous temps, avaient été aimés du peuple, par leurs apparitions régulières, leurs achats courants chez les artisans, les conversations qu’ils ne rechignaient pas à échanger avec des Marbrumeux dont le sang n’avait rien de noble. Cela dit, tout cela était difficilement comparable à une famille qui vivait de concert avec ses sujets, qui se battait tous les jours à la frontière d’un domaine en friche, qui offrait ses membres et son sang pour leurs gens. A l’heure de la Fange, il y avait ces nobles qui luttaient avec leurs hommes. Et puis il y avait les autres, qui terminaient de dilapider leur fortune dans les entrailles de l’Esplanade sans courage ou espoir de survie. Qui soulevaient parfois leur bourse ou leurs ressources pour le peuple, mais qui n’auraient jamais la complicité qui liait les roturiers et un noble qui se battait avec eux. Alors, forcément, Ambre n’avait aucun mal à imaginer le lien qui s’était installé entre Marianne, Estrée et le reste des réfugiés à Ventfroid. Entre une famille inaccessible qui restait enfermée dans son château, et une famille qui coupait elle-même le bois qui emporterait les morts dans un dernier bûcher, il y avait une très, très, grande différence. Aussi comprenait-elle tout à fait ce que Marianne avait voulu dire. Ambre se demanda si elle serait, un jour, aussi estimée par les gens du domaine que ne l’étaient actuellement les deux sœurs Ventfroid. Elle était désormais la comtesse de tous ces gens, mais pourtant, elle n’en avait vu aucun, et le danger qui courait dehors l’empêchait d’être aussi présente qu’elle l’aurait voulu. Tout cela, c’était en plus sans compter la grossesse naissante de la jeune rousse, qui l’empêcherait très vite de voyager à cheval. Et faire rouler une calèche lente dehors, au milieu des monstres, pour une simple visite au domaine, c’était prendre des risques inconsidérés pour rien. Bref, Ambre n’était donc pas prête de jouer correctement son rôle de comtesse et c’était quelque chose qui la préoccupait, même si elle réussissait sans encombre à enfermer ce genre de réflexions dans un coin de son esprit. Elle n’y pouvait rien. C’était ainsi, et cela ne semblait pas prêt de changer.

- Je serais heureuse de correspondre avec vous régulièrement au sujet du domaine, déclara Ambre pour terminer le sujet. Les détails essentiels seront toujours pour Morion je le sais, mais si vous avez le temps, parfois… J’aimerais avoir un point de vue régulier sur la vie là-bas, sur les gens.

--

Avec Morion, après avoir accompagné Marianne dans sa chambre.

Le besoin de tendresse de Morion fut tranquillement accueilli par la comtesse. Doucement, elle caressa ses cheveux tandis qu’il lui répondait, tête appuyée contre la naissance de sa poitrine, regard perdu dans les flammes de la cheminée du salon. Elle se rassérénait elle-même dans cette étreinte, adressant quelques prières muettes pour la sœur de son époux, et pour la bonne tenue du domaine durant ce laps de temps.

- Je ne doute pas de la qualité de l’homme à qui tu laisses les rênes de ton territoire, répondit Ambre calmement, parlant d’Edric. Tu n’aurais jamais laissé de telles responsabilités et de tels pouvoirs à quelqu’un qui n’en était pas digne. De nombreux hommes honorables nous ont quitté à cause de la fange cela dit et… La jeune femme se tut, hésitante. Il n’y avait de toute façon pas besoin de mots pour comprendre ce qu’elle voulait dire. Même un parfait stratège de guerre tombait parfois. J’espère juste que notre domaine ne rejoindra pas les terres du Morguestanc qui nous sont désormais inaccessibles. Et que les dieux arrêteront de vous faire jouer avec la mort, je risque de ne pas supporter à la longue que le malheur s’acharne sur notre famille.

Mais c’était utopique de penser qu’il ne leur arriverait jamais rien. Plus dans ce monde, plus alors que des milliers de personnes étaient mortes depuis. Ambre ne savait même pas s’ils auraient des conditions de vie toujours décentes dans quelques mois, si elle serait capable de mener sa grossesse à terme convenablement pour leur enfant. Depuis le Fléau, beaucoup de femmes avaient enfanté de nourrissons mort-nés, ou malformés. L’on disait que c’était à cause des carences alimentaires, d’autres targuaient la malédiction des Trois. Mais tout cela, si cela devait lui arriver, ne serait jamais pire que perdre Morion et devoir continuer seule.

- Si les dieux pouvaient nous donner du répit de temps en temps…

Ambre soupira en plongeant elle aussi son regard dans les flammes. L’attaque de la Hanse, la mort de son père, le Labret, maintenant la blessure d’Estrée… Quand cela s’arrêterait-il ?

La comtesse réussit à afficher un sourire malgré toutes ces pensées, lorsque Morion lui tendit la dernière lettre reçue de la part d’Edric, quelques heures plus tard. Les deux époux étaient restés en présence l’un de l’autre la plupart du temps, discutant parfois, silencieux souvent, appréciant juste le contact de l’autre, chacun perdu dans ses pensées, pensant à Estrée majoritairement bien évidemment. Les yeux de la comtesse parcoururent la missive, haussant un sourcil sous le langage fort peu adapté face à la situation. Si Morion n’avait pas été à côté pour confirmer l’humour du chevalier, elle n’aurait sûrement pas su déceler ce point de sa personnalité et n’aurait pas su quoi croire sur ses lamentations. Elle supposait qu’il fallait de l’humour durant les temps sombres mais… la jeune rousse trouvait cela un tantinet inadapté tout de même. Estrée n’allait peut-être pas passer la nuit, bon sang. Ambre fut néanmoins satisfaite de voir qu’il faisait mention de tas de réfugiés qui se pressaient à la porte pour donner leurs encouragements à la Ventfroid ; un peuple si fervent envers ses supérieurs était toujours beau à voir.

- Je suis étonnée que tu t’entendes si bien avec un tel homme, mon époux. Au contenu de la missive, qu’Edric soit le genre à étreindre fermement une personne pour lui dire bonjour, même une femme, ne l’étonnerait pas. Un comportement pas bien différent de celui d’un Hector de Sombrebois par bien des égards, mais ça n’était là que des suppositions, la comtesse n’avait encore jamais rencontré cet homme. Tant qu’il permet la survie de ton patrimoine, c’est l’essentiel cela étant.

--

Durant la visite de l’atelier, avec Marianne.

Ambre observa Marianne, l’expression de son visage, retenant un temps son souffle en espérant qu’elle ne serait pas peinée, ou coléreuse, de voir la salle de musique transformée en bureau personnel. La jeune noble la prit même par les mains, emportée dans une espèce de maelstrom d’émotions et de souvenirs. Ambre cligna des yeux, un peu surprise, mais soulagée qu’elle « valide » en quelque sorte l’utilisation de la salle. Cet instant effaçait un peu le petit accrochage qu’elles avaient eu les premières secondes de leur rencontre, ce qui était bien mieux pour partir sur des bases saines.

- Merci Marianne. Merci beaucoup, souffla Ambre, avec une sincérité émue. J’espère que vous ferez partie de ces personnes dont la présence m’est précieuse. Estrée aussi. Que nous pourrons observer Morion lire depuis la fenêtre toutes les trois, et que vous pourrez apprendre des choses à nos enfants vous aussi, en tant que tantes. Les vôtres seront toujours les bienvenus également. Car malgré le chemin que les Ventfroid avaient pris, Ambre espérait pour elles qu’elles pourraient un jour fonder une famille aussi. Je n’ai aucun mal à me plier à vos exigences concernant cette salle – je compte bien y vivre autant d’instants de joie que possible.

Par la suite, pour continuer un peu la visite, Ambre lui montra les quelques peintures qui étaient en cours, ainsi que le tableau offert par Morion pour leurs noces, qui surplombait la pièce, accroché à l’un des murs. Ambre s’arrêta un instant dessus.

- Vous aviez déjà dû le voir, le peintre ayant fourni cette œuvre vivant au comté. Ambre sourit, pensive, le regard relevé sur la Trinité. J’y tiens beaucoup mais j’ai quelques scrupules à garder une telle peinture ici pour tout avouer ; il serait tellement facile de se faire prendre stupidement avec. Etant allée jusqu’à brûler l’une de ses propres œuvres, l’on pouvait saisir le sens de prudence de la comtesse. Mais n’en parlez pas à Morion, s’il vous plait. C’est un de ses cadeaux de mariage, je ne voudrais pas qu’il pense que je n’en veux pas.

C’était loin d’être le cas : la toile était très bien peinte, c’était une vraie merveille. Disons simplement qu’elle était dangereuse, et les jours qui suivraient confirmeraient toutes les craintes de la jeune rousse.

--

Il était temps d’accueillir les Mirail désormais, qui ne furent pas en retard d’une seule minute. Ambre fut la première dans le hall à les attendre dès qu’elle avait vu Talen sortir accueillir ceux qui s’étaient manifesté à l’entrée du jardin. Ambre avait gardé la même tenue que la journée, juste reprisé un peu sa coiffure.

Ce fut Evan qui entra le premier, rapidement suivi de sa femme Hélène, dont la rondeur du ventre se devinait aisément à travers la robe avec ses six mois de grossesse. Evan portait un pourpoint rouge sombre, tournant vers le brun, et était élégant, mais rien de bien extravagant. Il était venu pour un repas de famille, intimiste, sans avoir besoin d’impressionner qui que ce soit. Céline suivit ensuite, puis, en dernier lieu, Jade, qui lança de grands yeux curieux tout autour du hall et du reste des lieux qu’elle pouvait apercevoir depuis sa place. Elle n’était jamais venue ici et ne cachait pas son intérêt. Céline, de son côté, avait un peu maigri depuis la mort d’Aaron, cela se voyait encore, mais après un mois et demi elle commençait à retrouver des couleurs, bien que ça ne soit pas encore ça.

- Mère, salua Ambre avec respect, venant lui serrer les mains doucement.

La comtesse jeta un œil à sa sœur, avec laquelle elle n’avait pas entretenu des rapports très assidus ces derniers temps. L’affaire Joscelin avait jeté un froid entre elles, même si Ambre était venue après coup lui parler. La jeune noble n’était pas certaine que Jade lui en veuille encore, mais dans tous les cas, elles se parlaient moins depuis qu’elle vivait au manoir Ventfroid, c’était évident.
Quant à Evan, son visage s’était éclairé à la vue de sa sœur, et il l’étreignit fermement comme s’il ne l’avait pas vue depuis des lustres. Quand Ambre fut enfin libérée, elle sourit, et écarta un bras pour faire office de présentation à sa famille.

- Je ne vous présente pas Morion bien évidemment, mais voici Marianne, la plus jeune sœur de la famille, qui remplace Estrée alors que cette dernière… est actuellement blessée.

Ils la saluèrent tous avec politesse, et Hélène déclara doucement :

- Grands dieux, vous en avez eu du courage pour parcourir les lieues qui vous séparent de Marbrume si vite. Avez-vous fait cela seule ?


Hélène tenait son ventre en parlant, et de son côté, Evan lâcha sa femme pour empoigner vivement la main de Morion pour le saluer.

- Ambre m’a tenu au courant dans sa missive de l’après-midi, j’espère que les Trois permettront à votre sœur de se remettre. A ce propos, si un jour vous avez besoin de mains, ou d’aide, et que je ne suis pas déjà pris par mes propres obligations – même si je le suis, à dire vrai –, n’hésitez pas. C’est tout à fait le genre de situation pour laquelle je serais prompt à aider. Que l’alliance entre nos deux familles ne soit pas juste pour faire joli sur le papier.

Evan sourit un peu, mais son regard resta sérieux, et très solennel. Céline s’approcha pour saluer également, après que Talen l’ait délestée de son mantel, et elle glissa un regard sur la canne ouvragée de Morion. La vue d’un Ventfroid semblait toujours soulever chez elle quelques vieux souvenirs, et c’était ce soir une distraction bienvenue face à son deuil.

- Je ne vous avais encore point revu depuis le Labret, mais, contrairement aux lamentations régulières d’Ambre face à l’état dans lequel vous êtes revenu, je trouve que vous portez bien la canne, vous savez ?

Il y avait là une touche d’humour, certes, mais le compliment était réel. Il était vrai que la canne apportait un certain style, même si Ambre fronça légèrement le nez. Sa mère exagérait à propos des « lamentations ». Quant à Jade, plus jeune personne de toute cette assemblée, s’inclina poliment.

- Tous mes vœux de soutien pour Estrée. J’espère que les prochaines nouvelles seront bonnes.

Passés les premiers échanges avec Morion et Marianne, ils furent invités à rejoindre la salle à manger. Laissant le seigneur des lieux guider les invités, avant qu’Evan ne pénètre dans la pièce, Ambre enlaça son frère une nouvelle fois, dans une étreinte qui, d’un point de vue extérieur, se voulait innocente.

- Je veux que tu dépêches plusieurs de nos espions contre Cassandre de Rocheclaire. Ne pose pas de questions. Nous en parlerons quand nous pourrons. Seuls.

Elle avait lâché tout cela dans un souffle, puis était retombée sur ses pieds, s’écartant de son frère. Elle avait rarement eu le temps de se trouver seule avec lui, à cause de ses obligations, ainsi que celles d’Evan. Après le repas, tout le monde partirait sûrement se coucher, aussi Ambre ne savait pas si elle aurait pu l’intercepter de façon discrète. Cela aurait été bizarre de faire attendre Morion pour rejoindre leur couche pour aller s’entretenir avec Evan avec qui elle aurait pu échanger librement durant le repas.

Il y avait bien longtemps qu’Ambre voulait faire ça cela. Déjà pour le comportement de Cassandre envers elle, qui avait toujours été suspect. Ensuite, désormais que Morion recevait des missives étranges sur des éléments que seuls des espions très zélés pouvaient connaître, la jeune rousse n’écartait aucune piste, pas même celles proches de son époux. Bien au contraire, même. Il était temps de s’occuper enfin du cas Cassandre, chose qu’elle aurait dû faire bien plus tôt, dès qu’elle s’était montrée menaçante en l’absence de Morion au Labret.
Evan haussa un sourcil discret, étonné, mais resta coit. Il baissa le regard un instant sur sa sœur, qui s’était déjà détournée pour pénétrer dans la salle à manger, et la suivit, gardant cette information dans un coin de sa tête tout le temps que durerait le repas.
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 8 EmptyMer 7 Sep 2016 - 16:19
Même si Marianne confirma son assentiment par un simple hochement de tête, cela lui ferait très plaisir d’échanger avec une personne de l’extérieur des missives, peu en importât la teneur. Même les détails les plus importants. Après tout, Ambre était désormais la femme de son frère, et la jeune Ventfroid connaissait bien mieux son frère que son épouse - ce qui était normal, pour l’instant - donc de fait savait bien qu’il la mettrait à contribution ou chercherait à avoir son avis sur différents sujets. Il avait cette façon de fonctionner; il restait seul décisionnaire, et faisait toujours les choix qui lui paraissaient être les meilleurs sans forcément tenir compte de l’avis de quiconque, mais c’était un peu plus subtil que ça. Il se servait savamment des jugements, critiques qu’on lui apportait afin de mesurer ses propres opinions. Cela se voyait assez peu, d’autant qu’il ne demandait pas forcément l’avis d’un tiers, et le faisait sur des sujets parfois trop triviaux pour qu’un avis soit de toute façon constructif. Mais quoi qu’il advienne, Ambre serait de toute façon une partie active de la gestion du domaine. Encore plus depuis qu’elle en avait exprimé ouvertement la volonté. Cela Marianne le savait très bien. Quant au reste, même si elle s’était fort bien accoutumée à la vie du domaine, elle aurait grands amusement et plaisir à converser avec une des femmes de Marbrume. Ce n’était pas comme si elles n’avaient aucun point commun, au contraire. Au moins au niveau des arts, elles trouveraient nombreuses connivences. Quant au reste, l’appétit de savoir d’Ambre concernant le domaine saurait fort affairer la plume de la plus jeune soeur de Morion.

Et ce dernier approuvait d’ailleurs l’idée. Qu’Ambre s’entende avec sa famille était évidemment une bonne chose, mais cela pouvait rester dans les clous officiels, pour la gestion du domaine ou de l’héritage, ou les classiques affaires qui ponctuaient le quotidien des nobles qu’ils étaient. Si néanmoins, cela permettait aux deux jeunes femmes de tisser des liens plus étroits, amicaux en fait, c’était plus que bon à prendre. Ambre découvrirait d’ailleurs avec Marianne une solide alliée concernant les reproches et le mépris qu’elle pouvait éprouver envers Cassandre. Fort heureusement elle ne correspondait jamais avec le domaine, étant alliée de Morion, et non de ses soeurs, car elle aurait du avoir à faire avec une femme qui ne la portait pas du tout dans son coeur. Si Estrée se moquait de toutes ces choses, bien trop occupée avec le domaine, Marianne, elle, n’avait jamais pu la sentir.

---

Du répit. Voilà bien une chose dont il n’avait pas spécialement besoin, mais qu’il n’aurait pas pour autant refusé. Depuis son mariage, force était de constater, et ledit constat était plutôt amer, qu’il n’avait guère pu s’occuper de son épouse autant qu’il l’aurait voulu. S’il n’était pas du genre à négliger ses devoirs, prendre soin de celle qui partageait désormais sa vie en était un également, et bien que les deux premières semaines furent axées autour d’eux, les choses avaient bien vite évoluées. Le Labret l’avait maintenu éloigné, dans l’incapacité, de surcroît, d’écrire autant qu’il l’aurait pu en temps normal. Et l’on ne comptait que les obligations qui avaient été prévues, et d’assez longue date, en plus. Y ajouter en plus les blessures, les attaques imprévues… Il espérait, lui aussi, à plus de calme dans les prochains jours. Les prochains mois même, pourquoi pas. Le Labret avait été conquis, et si sa maintenance demanderait les efforts de tous de façon constante, c’est justement cette constance qui apporterait une certaine stabilité dans les travaux de chacun, notamment les siens. Si les attaques de fangeux ou de bannis constituaient des événements certes graves, ils demeuraient ponctuels, du moment qu’ils n’étaient pas rapprochés. Or ces derniers temps justement… Les problèmes s’enchaînaient avec un rythme proprement infernal. Problèmes qui d’une part angoissaient Ambre, et d’autre part, l’épuisaient. Il tenait le choc, et avait eu l’occasion de reposer son corps - et ce malgré ses bravades insensées - au Labret puis au domaine, son esprit n’avait guère cessé de fonctionner, en revanche. Et il en subissait les contrecoups dès qu’il relâchait son attention. De fait il s’occupait encore plus les pensées afin de les éviter ou de moins se concentrer dessus, et il avait fini par entrer dans un cercle vicieux dont il aimerait sortir assez vite, avant que cela ne se répercute sur sa vie quotidienne.

«Peu de choses nous sont actuellement acquises, hormis la prière. Chacun fait du mieux qu’il peut, c’est déjà bien.»


Les choses n’étaient néanmoins pas si noires. Si peu entouré qu’il soit, il l’était par des personnes de confiance. Qu’il s’agisse évidemment de ses soeurs, qui produisaient un incroyable travail, de Talen, infatigable et loyal, ou même d’Edric, qui malgré son caractère parfois en effet inadapté, était quand même un homme à qui Morion pouvait sans peine, preuve en était déjà faite, confier sa propre vie ou celle de ses soeurs. Quant à sa femme, évidemment, elle était le meilleur entourage qu’il avait au quotidien, et de loin. Depuis qu’il était rentré donc, ou au moins depuis qu’il avait pris la décision de rentrer, les choses avaient été plus sereines pour lui. Son esprit était loin de pouvoir bénéficier de la tranquillité à laquelle il aspirait, mais c’était déjà bien mieux. Mais à peine avait-il eu le temps de profiter d’un peu de répit que la funeste nouvelle concernant Estrée était arrivée, portée par Marianne. Il n’était pas de ceux qui versaient dans le désespoir, mais difficile de ne pas admettre que le sort avait une fâcheuse tendance à s’acharner sur eux. Ils ne perdaient pas pied, aucun d’entre eux - il avait quelques doutes vis à vis de Marianne, cela étant - mais c’était un coup dur de plus à encaisser, et non pas ces dernières semaines, mais depuis que le Fléau était leur lot quotidien… C’était un peu trop fréquent. Accepter la fatalité des événements ne les rendait pas plus facile à vivre, au contraire.

Un faible sourire étira ses lèvres à la remarque de sa femme. Il s’adossa au fauteuil, et l’attira à lui, après un léger haussement d’épaules.

«Je n’aurais probablement jamais accepté son service s’il n’avait pas été notre vassal depuis bien avant ma naissance, en effet. Néanmoins, son utilité compense fort ses… écarts de comportement.»


La vérité était surtout que malgré ses écarts, qui chez Morion avaient très vite tendance à provoquer une intense exaspération, quand il n’était pas purement et simplement affligé, il ne pouvait guère se passer de lui, ni vraiment s’arrêter sur son comportement parfois étrange, au vu de son statut de chevalier. Néanmoins, il ne ratait pas une occasion de lui faire remarquer qu’il faisait, ou disait n’importe quoi. Ce qui semblait plus amuser le grand guerrier qu’avoir un réel impact sur son comportement. Il suffisait de relire la missive pour se rendre compte qu’il avait très facilement tendance à oublier à qui il s’adressait, ou au moins comment s’adresser à ses seigneurs.

---


Durant la visite, Marianne accueillit avec une joie certaine les paroles de sa belle-soeur. Ces voeux, ces rêves qu’elles partageaient dans cette salle, il était réaliste de dire qu’ils étaient totalement utopique, et qu’il était plus probable qu’ils ne vinssent jamais. Entre la fange, et la voie politique qu’avait choisi Morion, celle de la traîtrise, du complot, ce serait une chance inespérée d’en arriver là un jour. Néanmoins, sans espoir, ces jours n’arriveraient jamais. La dureté et l’angoisse de l’époque actuelle ne devaient pas gêner les souhaits, surtout ceux-ci, simples et n’aspirant qu’à du bonheur doux, familial, amoureux.

En revanche, contrairement à ce qu’Ambre pensait, Marianne découvrait la peinture offerte par Morion à l’instant. Elle la détailla longuement, intéressée, allant jusqu’à s’en rapprocher, comme si elle voulait vérifier la bonne codification des coups de pinceaux, visiblement dispensés avec maestria. Elle savait qui avait fait ça, le fait était qu’il n’y avait que très peu d’artistes au domaine, et encore moins avec une telle patte. Qui plus est, la plupart étaient mis à contribution pour des oeuvres bien plus utiles. Les sculpteurs aidaient par exemple les tailleurs ou les menuisiers pour le matériel que les autres employaient, et tout comme Ambre l’avait fait pour eux, dessinaient des plans d’aménagement ou de rénovation de certaines installations. Il fallait du temps pour peindre, et ils ne l’avaient pas souvent. Elle finit par se redresser, un rictus ironique aux lèvres, et tourna son regard océanique vers l’épouse de son frère.

«Détrompez-vous. Les seuls à avoir vu cette oeuvre avant qu’elles ne vous soit transmise sont Morion, et monsieur Martres. Elle soupira doucement. Vous connaissez Morion. S’il peut réduire au strict minimum le nombre de personnes au courant de ce qu’il fait… Il ne s’en prive pas. Et là, je dois avouer que je ne me pose même pas la question de savoir pourquoi il l’a fait. Elle se détourna du tableau. Elle comprenait les scrupules d’Ambre, mais fronça légèrement les sourcils. Je comprends vos réticences, mais peu importe. Mon frère n’offre rien sans y attacher une profonde valeur personnelle. Qu’il s’agisse de ce tableau, ou même du collier au mariage, ces dons symbolisent beacoup, beaucoup plus que ce qu’ils sont. Elle jeta un oeil furtif aux traits légèrement humanisés d’Anür, pour la faire plus ressembler à Ambre. Vous l’avez marqué, cela ne m’étonnerait pas qu’il ait décidé de propulser votre famille sur le trône du Morguestanc, ou… je ne sais pas. Mais gardez donc cette toile. Le manoir regorge de cachettes, elle sera ici en sûreté.»


Un chose qu’Ambre ne serait pas forcément surprise d’apprendre. Morion était en effet un homme peu enclin aux pulsions soudaines - même si cela lui arrivait de temps en temps - et ce dans tous les aspects de sa vie. S’il n’exposait pas forcément tout le processus cognitif qui avait mené à une action, cela ne rendait pas moins celui-ci bien réel, et souvent poussé.

---

Morion n’avait pas tardé à rejoindre Ambre dans le hall, après avoir entendu Talen s’activer pour accueillir leurs invités. Il avait été un peu aidé par sa soeur pour revenir au rez-de-chaussée. Une partie de son après midi avait été occupée par le décryptage de rapports d’espions, toujours aussi désespérément pauvres en informations concernant l’affaire dont il avait fait part à Ambre. D’autres concernaient de tierces affaires, qui elles, suivaient toujours leur cours, mais en ce qui concernait les missives qu’il recevait… Rien de neuf. C’était énervant. Agacement qui s’en fut rapidement lorsqu’il eut rassemblée sous ses yeux la famille d’Ambre. Hormis Jade, qu’il ne connaissait que très peu, il les appréciait tous, chose assez rare pour être soulignée. Céline bénéficiait disons, d’un certain avantage, elle-même ayant eu des liens avec sa propre famille, mais il avait tout de même été agréablement surpris par Evan, qui même s’il était d’une décennie plus jeune que lui, avait déjà toute la maturité et le bon sens que son père aurait pu espérer de la part de son héritier.

Marianne esquissa un petit sourire timide face à la réaction d’Hélène, et elle s’inclina devant chacun des représentants des Mirail avant de répondre, presque contrite.

«A dire vrai, c’est l’urgence de la situation qui m’a donné des ailes, le courage n’a rien à voir là dedans. On pourrait plus probablement parler d’inconscience, dans ce cas. J’étais seule en effet, nous n’avons guère eu le temps de préparer une escorte, nos hommes d’armes sont déjà bien occupé avec… Avec les vestiges de l’attaque et la défense du Labret.»

Morion accueillit avec joie et respect la poigne de son beau-frère, et hocha sobrement la tête à sa remarque. A dire vrai, à moins d’être dans une situation de crise absolue, il était peu probable qu’il fasse appel à quiconque. Même sa belle-famille. Et cela Evan devait probablement s’en douter. Néanmoins, la proposition était sérieuse, et Morion s’en contenta.

«Estrée est forte, elle s’en remettra. Quant à l’aide que vous pourriez nous apporter, la sécurité d’Ambre pendant mes absences est déjà beaucoup, même si naturelle pour vous. Le temps nous dira si plus d’entraide sera nécessaire.»


Et pour tout le monde, mieux valait que ces temps ne viennent jamais. Un petit sourire étira ses lèvres quand Céline parla à son tour, accompagné d’un regard légèrement moqueur en direction de sa femme. Il fit mine de ne pas relever le commentaire concernant ces “lamentations”, même s’il ne raterait pas, dans un cadre plus privé, de le lui renvoyer à la figure. Il fit légèrement claqué le bout de la canne citée au sol, haussant légèrement les épaules.

«Bien que mon père et moi furent fondamentalement dissemblables physiquement, il paraîtrait que nous avons le même port lorsque nous sommes dans l’obligation de nous servir d’une canne. Et il avait visiblement la même aversion que moi envers ces objets.»

Aversion, néanmoins c’était bien pratique, vu le temps qu’il lui avait fallu pour ne serait-ce que poser sa jambe au sol sans avoir envie de hurler. Quant à son père, les conditions de port avaient été similaires. Rentré plusieurs fois de guerres ou de conflits personnels - ou en tout cas liés aux sombres missions des Ventfroid - il était parfois aussi obligé de porter la canne.

Marianne et lui accueillirent avec solennité et politesse les prières de Jade, toujours aussi peu loquace, mais visiblement moins intimidée que lors de la première visite de Morion. Le comte ne savait guère s’il aurait à échanger sérieusement avec elle un jour, sans sa femme pour jouer l’intermédiaire, contant ses aventures, ou mésaventures. Elle était certes jeunes, mais les Mirail, tout du moins Céline et Aaron en tout cas, semblaient avoir eu une belle réussite lors de la conception de leur progéniture, quand on constatait à quel point Ambre et Evan pouvaient se révéler intéressants et d’agréable compagnie.

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La table était déjà dressée et quelques rafraîchissements, plusieurs alcoolisés, d’autres non, avaient été disposés sur le meuble de bois sombre. Talen avait pris l’initiative de faire installer par dessus le mobilier, que Morion conservait nu, d’ordinaire, une nappe de couleur de sous-bois, brodée de motifs brun clair, donnant à la tablée des couleurs forestières. Morion le découvrait pour le coup, et les forêts étant souvent associées aux repaires des animaux sacrés de Sérus, donc notamment à la fertilité, le comte se dit que son domestique avait fort bien choisi le tissu, si bien entendu cela avait été volontaire. Morion était assis en bout de table, à la place qui lui revenait par défaut. A sa gauche, son épouse, et à droite, sa propre soeur. Marianne se retrouvait assise à côté de Céline, et Ambre à côté d’Evan et de son épouse. Jade quant à elle était à côté de sa mère. Quelques légumes frais et fruits de saison furent bientôt apportés pour accompagner le petit apéritif, pendant que les plats terminaient d’être préparés. Il n’y aurait rien d’excessivement consistant ou luxueux, le repas était certes une célébration, mais tous le savaient, Morion n’aimait pas le faste abusif et les repas opulents de façon inutile.

Après avoir donné les dernières instructions en cuisine, Talen revint leur servir leurs verres. Il donna du vin à ceux qui en voulaient, un vin très léger et très fruité, parmi ceux que Morion adorait boire quand il travaillait ou se reposait simplement dans son salon ou le cloître, et servit à Hélène et Ambre des boissons non alcoolisées. Morion observa un petit moment la comtesse de Mirail, ancienne de Rivain, pendant quelques secondes. Pas qu’il donnât un jugement particulier, mais la vue de son ventre arrondi toute à l’heure lui avait rappelé avec une force certaine que sa propre femme se rapprochait désormais officiellement et sûrement de cet état là aussi. Un petit sourire provoqué par cette pensée effleura ses lèvres, puis il sortit de sa rêverie, considérant calmement chacun d’entre eux.

Il sentait d’ailleurs l’impatience de Marianne, à côté de lui. Il n’aurait jamais demandé un déplacement de l’une des membres de sa fratrie pour rien, ça elle en était bien consciente, la seule fois où c’était arrivé, eh bien, c’était pour leur mariage, tout simplement. Elle s’était un peu calmée depuis son arrivée, et même si l’inquiétude restait tout de même vivace, se retrouver chez elle, son ancienne demeure, en compagnie d’un frère qu’elle voyait rarement dans l’absolu, sa femme, qu’elle rencontrait pour la première fois, et sa belle-famille désormais, avait un effet apaisant. Ou au moins, les jauger et les observer, elle qui n’avait plus vraiment l’habitude de côtoyer la haute société de Mabrume, occupait suffisamment ses pensées pour les éloigner des sombres angoisses qui couvaient depuis la veille. Morion avait d’ailleurs signifié à Talen de ne lui transmettre les missives qu’Edric ne manquerait pas de leur envoyer que si celles-ci s’avéraient d’une importance capitale. Autrement dit une nouvelle attaque, une évolution imprévue ou dramatique de l’état d’Estrée. Son regard était déjà assez souvent perdu dans le vague comme cela, il ne voulait pas gâcher cette soirée en étant complètement absent. Pas avec ce qu’ils avaient à dire. D’ailleurs, il saisit la main de sa femme, doucement, et innocemment, relevant le regard vers les Mirail, plus particulièrement Evan et Céline.

«Ce repas, vous vous en doutez tous, n’est pas simplement une réunion de famille - bien que la pensée soit tout à fait agréable - mais également une sorte de petite fête. Ambre et moi avons une annonce à vous faire. Et malgré les quelques imprévus survenus… je tiens à ce que cela soit fait aujourd’hui. Nous sommes tous très occupés, mais il faut parfois prendre le temps de savourer les heureux signes que les Dieux nous envoient, au milieu de cette mélasse guerrière et parfois mortifère dans laquelle nous baignons depuis des mois. Sa main se resserra autour de celle de sa femme, et il esquissa un petit sourire. Nous feras-tu l’honneur d’annoncer la nouvelle à tout le monde ?»
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 8 EmptyDim 11 Sep 2016 - 18:43
Propulser sa famille sur le trône du Morguestanc ? Ambre avait tiqué à ces mots, et une expression de surprise fut visible sur ses traits sans qu’elle ne commente. Marianne et elle devaient descendre accueillir les Mirail, il était largement temps, et s’attarder sur une conversation plus longue et personnelle n’était pas possible tout de suite. Cela dit la réflexion avait sincèrement étonné Ambre. Ça n’était pas quelque chose qu’elle avait envisagé, ni même quelque chose qu’elle avait un jour pensé. Les Mirail à la place des Sylvrur sur Marbrume ? Pareille chose n’arriverait jamais. Les Mirail n’avaient jamais lorgné sur le rang ducal et se satisfaisaient très bien de leur situation actuelle. Si Evan de Mirail devait gouverner, cela serait par obligation et devoir pour une ville qui n’avait pas meilleur successeur. Ambre connaissait son frère : ce pouvoir ne l’intéressait pas. Mais il était d’une nature si noble qu’il pourrait endosser un tel rôle si aucune autre solution n’était possible pour la ville. Cependant, il y aurait toujours d’autres solutions pour Marbrume. Morion ne pouvait pas sincèrement envisager de mettre les Mirail au pouvoir, n’est-ce pas ? Ce parfait crétin ne préparerait jamais pareil projet sans même lui en parler ?
La jeune comtesse plissa légèrement les yeux, involontairement, alors que toutes ces réflexions lui traversaient l’esprit. Marianne venait de lui couper la chique avec une simple idée fugace. Il y avait visiblement de nouvelles choses qu’il lui faudrait évoquer avec son mari. Les Mirail sur le trône du Morguestanc, sincèrement ? Ambre espérait que Marianne avait un peu trop abusé d’absinthe le jour où cette idée lui était venue.
Quant au tableau, Ambre savait que Morion y attachait une grande valeur personnelle. Il ne lui aurait jamais offert ceci en hommage à leurs noces le cas inverse. C’était bien pour cela qu’Ambre avait accepté un tel présent à dire vrai. Ses scrupules à posséder pareille œuvre controversée étaient beaucoup moins puissants que ceux soulevés par l’idée de jeter un cadeau de son mari. Pour l’instant.

--

Ambre regarda et écouta avec satisfaction sa famille échanger avec Marianne et Morion. L’harmonie semblait de mise. Le groupe était essentiellement composé de femmes, cela aidait peut-être. Morion et Evan allaient sûrement se sentir un peu seuls durant les prochaines années, les deux familles manquaient un peu de figures masculines désormais que la Fange avait emporté les autres mâles, qu’ils soient Mirail ou Ventfroid. L’arrivée de fils enchanterait sûrement tout le monde, et pas que pour une question de succession. Malgré tout, les deux hommes n’étaient pas dépaysés pour autant, ni mal à l’aise au milieu de tous ces jolis minois.
Ambre approuvait le terme « inconscience » de Marianne qu’elle utilisa pour répondre à Hélène, mais ne commenta pas ni ne montra d’émotion à ce sujet. La comtesse avait déjà donné son avis là-dessus à l’arrivée de Marianne, nul besoin de le souligner à nouveau pour échauffer les griefs.

- Il est vrai que le temps doit souvent être à l’urgence, par chez vous, renchérit Hélène avec un petit hochement de tête. Vous avez de la chance de pouvoir bénéficier de la proximité du Labret mais… il faut de la volonté, assurément, pour pouvoir tenir tête à la Fange comme vous le faites, là-bas. D’autres auraient depuis bien longtemps abandonné.

Et beaucoup l’avaient fait, à dire vrai, car Ventfroid et Traquemont étaient pour l’instant les seules zones fortifiées en-dehors du Labret possédant encore des hommes. Les autorités de la ville espéraient que Sombrebois et Tourbière seraient repris bientôt, mais toutes les ressources étaient concentrées sur le Labret à l’heure actuelle, chose logique.
Evan hocha rapidement la tête en réponse à Morion – il se tiendrait prêt à répondre à une demande du comte si besoin. Céline sourit à l’évocation d’Isidore ; elle l’avait moins connu qu’Anatole mais elle se souvenait parfaitement de l’image du comte et de la prestance qu’il pouvait avoir avec une canne. Ambre de son côté fit mine d’ignorer le lourd regard moqueur de son mari après que sa mère ait malencontreusement évoqué ses plaintes au sujet de sa blessure. Qu’il se moque donc, elle serait prête à répliquer en temps venu. ( :c)

En parlant de temps venu, l’heure du repas était là. Ambre s’était engouffrée dans la salle à manger après avoir glissé discrètement les mots au sujet de Cassandre à son frère. La jeune rousse posa le regard sur la nappe que Talen avait installée en s’asseyant aux côtés de son mari, vérifiant que les condiments proposés soient au goût de sa famille.
Personne ne l’évoquait mais tout le monde attendait l’explication de ce repas, car s’il aurait pu être anodin, il ne l’était pas. Les Mirail tout comme Marianne attendaient un éclaircissement sur les raisons de ce dîner, et tous commentaient des choses çà et là sur les nouvelles des dernières semaines, mais sans jamais plonger longtemps dans un sujet. Chacun était dans une sorte de statut quo, curieux des raisons de l’invitation, et Morion eut la présence d’esprit de briser l’attente dès le début du repas plutôt qu’annoncer cela plus tard. Un sentiment d’appréhension saisit la comtesse lorsque Morion lui prit la main, mais c’était une sensation positive, bien loin des angoisses ressenties durant l’absence de Morion.

Une petite pause survint lorsque Morion demanda à sa femme d’annoncer la nouvelle. Ambre ne s’y attendait pas, et avait concentré son attention sur le visage de sa famille et de Marianne pour observer leur réaction lorsque Morion terminerait par cracher le morceau, alors cela la perturba durant une demi-seconde. Elle cligna des yeux subrepticement, sourit à son mari en lui rendant l’étreinte de sa main, puis se concentra à nouveau sur les invités.

- Eh bien, j’imagine que les plus perspicaces d’entre vous auront déjà deviné, après les paroles de mon cher époux. Ambre glissa sa main libre sur le tissu de sa robe, au-niveau du ventre. Nous attendons un enfant. Ambre tourna le visage vers sa mère par réflexe. La famille va s’agrandir bientôt, avec la bénédiction des dieux je l’espère, pour nous offrir un nourrisson en parfaite santé.

La mère d’Ambre mit la main sur sa bouche, retenant une exclamation, le regard aussitôt empli d’émotion.

- Grands dieux ma fille, es-tu sûre ? Si tôt ?

- Tous les signes sont là, Mère, confirma Ambre doucement.

- Oh, Ambre… Morion… Félicitations, souffla Hélène, un peu surprise aussi.

- Ah, bon sang, ils ont été plus rapides que nous, Hélène ! plaisanta Evan, glissant le regard sur le ventre de sa sœur, mais il était encore trop tôt pour voir une différence bien entendu. Vous devez avoir de sacrés faveurs de la part de Serus, tous les deux.

Céline avait lâché quelques larmes émues, un mélange de joie et de douleur. Joie pour sa fille, pour sa famille qui allait s’agrandir et lui offrir un petit-fils ou une petite-fille ; douleur en pensant au fait qu’Aaron ne verrait jamais le fruit de cette union. Evan et Hélène souraient, continuant à féliciter le couple. Quant à Jade, elle sourit également, surprise par la nouvelle, mais ses félicitations furent plus mesurées que les autres. Pour un œil averti, l’on pouvait même noter qu’elle était crispée. Elle n’arrivait toujours pas à se défaire de sa jalousie envers son frère et sa sœur, avait toujours l’impression que l’on ne préoccupait que d’eux. L’arrivée d’une grossesse chez sa sœur n’améliorerait pas les choses. Mais elle tût ces réflexions bien évidemment, et fit mine de partager la liesse générale.

Le reste du repas, après cette annonce, fut bien évidemment passé dans la bonne humeur générale. L’on parla beaucoup d’enfants et de descendance, car le sujet était là tout tracé, et l’on palabra même longtemps sur les prénoms qui seraient jolis pour l’enfant à venir selon son sexe, ce à quoi Ambre répondit qu’ils n’avaient pas encore réfléchi précisément. Mais elle écouta les propositions, leva les yeux au ciel quand les prénoms fournis par Evan étaient une farce à peine voilée avec des prénoms farfelus. D’autres sujets que la grossesse furent abordés également, et la soirée se passa agréablement, dans une humeur comme à l’époque d’avant le Fléau. Ce genre de moment était à chérir désormais, jusqu’à la fin.

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7 avril 1165

En réaction au rp Ainsi parlait la folle aux chats.

Les pas de la comtesse se répercutaient sur les pavés de l’Esplanade, soulevant de secs échos le long de la ruelle. Son allure était vive, un peu brutale. Pour ceux qui étaient encore présents à louvoyer dans la haute-ville malgré l’heure tardive et le soleil qui ne tarderait pas à définitivement sombrer derrière l’horizon, ils purent observer une Ambre de Ventfroid affairée, préoccupée, et, pour les plus observateurs d’entre eux, agacée. C’était un bel euphémisme. Un pli trônait entre ses deux sourcils, ses lèvres étaient légèrement pincées, et plus elle se rapprochait de sa destination, plus son visage paraissait se crisper.

Ambre venait de quitter la demeure de dame Saurell en cette soirée, et la journée qui avait été prévue pour être agréable s’était transformée en cauchemar. Morion était absent pour la journée, réquisitionné chez l’argentier de la cité, et durant ce temps, Grâce de Brasey l’avait conviée chez elle pour passer une après-midi entre nobles. Une perspective sans particularité, sans bouleversement prévu. Sauf que les choses ne se passaient jamais comme prévu, bien évidemment. Une veuve de l’Esplanade avait fait des siennes toute l’après-midi à palabrer des choses qui n’auraient jamais – jamais – dû se trouver dans son esprit. Désormais qu’Ambre avait quitté Grâce et la supposée voyante, ses hypothèses concernant les fuites possibles revenaient en force dans sa tête. Plus elle y pensait, plus une colère sourde prenait possession des fibres de son corps.

Aussi, lorsqu’elle arriva enfin au manoir, ce fut une comtesse froide et sèche qu’on retrouva – chose tellement exceptionnelle que Talen en resta tout stupéfait.

- Comtesse. Vous tombez bien, votre mari est rentré il y a à peine…

- Talen, répliqua Ambre en lui jetant presque son manteau à la figure, au lieu de s’en délester convenablement comme à son habitude pour que le domestique aille le ranger. Vous allez me convoquer tous les domestiques dans le hall, tout de suite. Tous, sans exception, et je me fiche qu’ils soient en train de travailler.

Talen cligna des yeux, un peu éberlué, dans l’incompréhension totale. Il allait opposer quelque chose visiblement, au vu de son air hésitant et sa volonté de comprendre, mais Ambre surenchérit :

- Tout de suite, ai-je dit. Sa voix était grondante, et à travers sa colère, Talen pouvait sentir un sentiment d’urgence peu coutumier chez sa supérieure. Lorsque cela sera fait, vous viendrez me retrouver dans le bureau de Morion.

Elle se détourna aussitôt de son domestique sans un regard, pour grimper les marches qui menait à l’étage, et au bureau de son mari. Elle frappa très rapidement à la porte, et Morion eut à peine le temps de donner confirmation pour pouvoir entrer qu’elle ouvrait le panneau de bois. Pas de tendre étreinte ou de baiser après une longue journée, pas de geste d’affection, et Morion put sentir tout de suite qu’il se passait quelque chose. Ambre se posta devant son bureau, l’air à la fois inquiet et agacé, et termina par lancer, directe :

- Nous avons un problème. Un grave problème, Morion. Je ne sais comment cela est possible, mais une autre personne que nous est au courant de l’existence du tableau qui se trouve dans mon atelier. Elle eut une légère pause, juste assez brève pour laisser à Morion le temps d’accuser le coup, avant de reprendre et de tout expliquer. J’ai été conviée à passer l’après-midi avec Grâce de Brasey, une simple rencontre de connivence, pour passer du bon temps entre femmes. Nous avons été perturbées par l’arrivée de la veuve de Saurell, dont tu as dû entendre parler. Tout le monde savait que c’était une noble de mauvaise réputation depuis la mort de son mari, qui l’avait progressivement fait sombrer dans un état proche de la folie. Elle s’est mise à dire qu’elle avait vu des choses importantes dans la nuit, que Rikni lui avait parlé, qu’il fallait absolument qu’elle nous parle, ce genre de propos. Mais avant de se faire congédier elle a cité d’étranges éléments, qu’ils me concernent moi, ou Grâce.

Ambre s’assit sur une chaise, se massant les tempes avant de reprendre. Elle lui conta tout, dans les moindres détails. L’évocation du tableau, qui ne serait pas au goût de Rikni selon les dires de la dame de Saurell. L’évocation des anciennes frasques de Jade, qui n’étaient pourtant connues que d’Evan et d’elle-même. L’évocation de détails présents dans ses propres rêves alors qu’elle n’avait point coutume de les conter à beaucoup de personnes. L’évocation, également, d’éléments personnels de la vie maritale de Grâce de Brasey, ou d’évènements anciens concernant sa famille. Bref, des choses très personnelles, et dangereuses, qui étaient tout à fait stupéfiantes dans les mains d’une parfaite inconnue. Elle expliqua également comment elle avait agi avec Grâce – à savoir, laisser la femme chez elle avec un remède censé la fatiguer assez pour une semaine pour qu’elle n’aille pas déambuler partout à déblatérer de sombres histoires, en attendant que des mesures « plus concrètes » soient prises.

- Je ne comprends pas comment elle peut posséder autant de savoir, ni comment elle a pu être aussi stupide pour venir se vendre en personne. La femme ne pouvait pas espérer rester indemne en balançant des éléments susceptibles de précipiter les Ventfroid sur l’échafaud, n’est-ce pas ? Je reste stupéfaite que le tableau ait fuité, aussi vais-je interroger les domestiques. Aucun n’est censé pénétrer dans mon atelier à part Talen. Ambre eut une grimace, relevant le regard vers son époux. Tu es conscient que cela fait de lui un suspect potentiel également ?

Morion pouvait voir une certaine réticence sur le visage de sa femme, mais ses yeux étaient empreints d’une sombre détermination et un pragmatisme froid face à l’urgence de la situation. Cette idée ne l’enchantait pas du tout, ni même celle qu’un autre domestique soit venu fouiller et aurait pu apercevoir l’œuvre.

- Il faudra également vérifier que le peintre séjournant à Ventfroid soit toujours aussi fidèle que tu ne le pensais. Je… Je ne vois rien d’autre.

Talen termina par interrompre le couple en frappant à la porte du bureau, sûrement pour notifier que tous les domestiques avaient été rassemblés dans le hall.
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 8 EmptyJeu 15 Sep 2016 - 16:06
Vu leur mariage récent, il était fort probable que certains autour de cette table se doutait de ce qui allait être annoncé dans l’instant, effectivement. A part peut-être Marianne, justement. Non pas qu’elle n’ait jamais songé à l’éventualité, au contraire, les alliances maritales étaient également nouées pour prolonger une lignée. Mais la situation du domaine avait eu pour effet de chasser un certain nombres de pensées, et d’accaparer les pensées de la jeune femme pendant un bon moment. Y compris ce soir. Elle faisait de son mieux pour rester concentrée sur la soirée, s’intéresser à sa belle-famille comme à ce qui était dit, mais l’état de sa soeur, et celui du domaine après l’attaque avait largement de quoi faire dériver ses réflexions. De fait, il ne restait guère de place à la divination quant à l’annonce qui allait suivre. En d’autres circonstances elle aurait peut-être pu deviner, elle était du genre futée, mais pas cette fois. Ce qui expliqua d’ailleurs sa réaction. Ses mains vinrent se poser en coupe contre ses lèvres, sous l’effet de la surprise, et ses yeux s’agrandirent tant que la sclérotique était visible tout autour de ses iris océan. Une petite exclamation étouffée parvint aux oreilles des autres personnes assises autour de la table, à peine masquée par l’envie de se contrôler, bancale pour cette fois, et les doigts noués devant sa bouche, qui masquèrent légèrement le son. Morion lui jeta un oeil amusé, expression renforcée par la remarque d’Evan sur la rapidité qu’ils avaient eu à concevoir un enfant. Disons surtout qu’ils avaient tout fait pour maximiser leurs chances, et que si rien ne s’était passé, l’un d’entre eux eût forcément été stérile. Nul besoin de les en notifier, en revanche.

«Oh… finit par lâcher Marianne, quand le souffle lui revint. Je suis sincèrement heureuse pour toi Morion, et pour vous aussi, Ambre. C’est une nouvelle fantastique. Elle leur adressa un sourire fin, mais sincère. Elle aurait aimé qu’Estrée soit là pour entendre cette nouvelle. Un léger voile de tristesse pouvait d’ailleurs se voir dans ses yeux, mais elle ne fit aucune remarque à ce sujet. Tout le monde sera très heureux d’apprendre la naissance future d’un fils ou d’une fille, au comté. J’ai hâte de leur transmettre la nouvelle, conclut-elle le sourire légèrement élargi.»

Pour une fois, c’est elle qui avait la primeur d’une information, surtout de cette importance, alors que d’ordinaire, c’était sa soeur aînée qui la tenait au courant des dernières nouvelles transmises par son frère, tout du moins celles qui ne concernaient pas directement la gestion du domaine. Elle était même, assez souvent, la dernière au courant. Et malgré la situation, elle sentit naître une petite pointe d’amusement mesquin en elle. Au moins, elle était certaine que cela donnerait à Estrée l’énergie de se battre pour se rétablir. Car elle ne se laisserait abattre sous aucun prétexte, mais encore moins avec un neveu ou une nièce à venir, cela au moins c’était certain.

Des suites de cette annonce, ce repas fut bien plus joyeux que la majorité de ceux qui avaient pu avoir lieu durant ces derniers mois. Pendant un instant, au moins, les traces du fléau, de la guerre contre ce dernier, des ressources se raréfiant de jour en jour, de tout le mal que la Fange avait pu provoquer, tout ceci s’estompa, laissant aux Mirail comme aux Ventfroid l’occasion de profiter simplement d’un heureux événement, et de faire, le temps d’un tout petit instant, terriblement précieux, comme si tout allait bien, dans un monde laissé intact.

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Le 7 Avril 1165.

La journée, ou plus exactement les deux derniers jours avaient été… intéressants. Et éprouvants, d’une certaine manière. D’une part, si sa jambe s’était remise, elle n’était pas pour autant guérie. Malheureusement pour lui, il avait été invité par le Grand Argentier du duc à une réception nocturne, qui avait fini chez le Baron Charles dit “Le Canin”, le lendemain midi. Une autre personne l’eût invité, le Canin en personne possiblement, il aurait refusé l’invitation, très certainement. Il essayait d’éviter de sortir, et de rester le plus possible auprès d’Ambre. Sortir ne lui posait en soi aucun problème, pour peu que la raison soit valable. Mais ses entraînements, s’ils lui permettaient de renforcer ses mouvements, son équilibre, et d’activer modérément sa jambe pendant que les tissus musculaires finissaient de se régénérer, voire de se reconstruire, l’affaiblissaient également le reste de la journée, par contre coup. Ce qui était nécessaire devait cependant être fait, et Morion, s’il s’énervait assez facilement de la faiblesse de sa cuisse, n’en demeurait pas moins assidu aux passes d’armes avec Talen, et économe de ses forces ensuite. La présence d’Ambre veillant à ce qu’il ne fasse pas d’excès aidait aussi beaucoup, il fallait l’avouer. Quoi qu’il en soit, il s’était pas mal déplacé, et pas pour rien. Si la mission qu’on leur confia, eux l’étrange assemblée réunie par Boson d’Andaral, semblait assez anodine, une sorte d’enquête à plusieurs niveaux pour tenter de désavouer Le Canin… tout avait vite dégénéré quand Morion avait appris de la bouche même du Canin que Boson, qu’en plus d’avoir accédé à son poste par d’étranges truchements politiques, il était également le frère de leur cible. De sombres complots couvaient, et ça commençait à faire beaucoup en peu de temps. La blessure d’Estrée, les missives étranges, puis ça… Il était gentillet de dire qu’il était sous pression. Il planchait tous les jours sur les étranges espions qui semblaient le suivre, lui et même sa femme visiblement, à la trace, et devait en parallèle s’assurer de la bonne gestion de son domaine, en l’absence d’Estrée aux commandes. Depuis que Marianne était rentrée les choses allaient bon train, sans réel problème, et Edric se pliait aussi bien aux directives de la plus jeune des Ventfroid qu’à celles de sa commandante “officielle”. L’état de la soeur aînée restait tout de même préoccupant.

Sa femme étant absente, il n’avait pu lui conter les dernières nouvelles que Cassandre et lui avaient apprises à la fête du Canin. De fait, si elle avait eu connaissance de ce qu’il s’était passé lors de la réunion préliminaire, elle ne savait pas encore que Morion avait décidé de se retourner contre son commanditaire, ou au minimum de prendre ce qui lui était dit avec des pincettes, et de ne pour l’instant prendre parti pour personnes. Trop de choses étaient à creuser. Il remerciait les dieux, en tout cas, de lui avoir fait épouser une femme aussi… autonome. Il s’occupait volontiers d’elles lorsque leurs emplois du temps respectifs le leur permettaient, mais elle n’était absolument pas une gêne au quotidien. Son ventre n’était certes pas encore ouvertement et ostensiblement rond, mais nombre de femmes auraient joué la carte de l’affectif et de la femme à préserver de tout. Ambre n’était pas ainsi, et c’était un réel bonheur à vivre.

Toutes ces pensées allaient cependant être balayées comme une tempête balaie des fétus de paille.

Quand Ambre entra, étonnamment, le comte leva à peine les yeux. Visiblement très concentré sur la missive qu’il était en train d’écrire, il l’écouta, les sourcils froncés. Il posa un point sec à l’une de ses phrases, et releva la tête. Visiblement lui aussi avait eu droit à son lot de contrariétés aujourd’hui, et toutes ne semblaient pas liées à la réception du Canin. Il la laissa parler, écoutant attentivement chaque mot. Et presque chacun d’entre eux était un coup dur. Un pli dur barrait son visage, déformant légèrement ses traits en une expression de pierre, visiblement pas joyeux pour un sou. Il n’y eut qu’une seule et unique interruption. Herbert avait été mandé avant l’arrivée d’Ambre, et il récupéra la missive que Morion scella sous leurs yeux. La tension était telle dans la pièce de travail qu’il s’inclina rapidement devant les deux nobles, légèrement tremblant, et s’en fut aussitôt retrouver la sérénité roucoulante des volatiles qu’il affectionnait tant.


«Ce qu’Herbert vient d’aller faire envoyer au domaine, c’est une missive ordonnant à Edric de faire mettre Martres aux fers dans les oubliettes du château jusqu’à ma prochaine visite. Je… Il se massa les tempes, et s’adossa au dossier de son fauteuil, visiblement très contrarié. Je ne m’attendais pas à ce que tant de choses aient… fuité ? Il saisit un des nombreux autres papiers qui jonchaient son bureau à la désorganisation feinte. Celui-ci était cependant parfaitement reconnaissable, parmi tous les autres. Il avait été sectionné en son centre, à l’aide d’une dague ou de n’importe quel autre objet tranchant. Une coupure dans presque toute sa longueur. Sur chacune des parties du papier avait été notée une portion de phrase. A gauche “Le voile des secrets” et à droite “se déchire petit à petit”. Il posa le tout face à Ambre. La missive m’a été transmise peu de temps après que je sois rentré de chez le Baron. Je n’avais que des soupçons… En tout cas jusqu’à maintenant.»

Il finit par se lever, tournant derrière son bureau comme un lion en cage. Il boitillait légèrement, et parfois la douleur de sa jambe se rappelait à lui, mais il choisit de l’ignorer, la tension était trop forte. Que les espions, visiblement fort bien renseignés, aient été au courant de sa visite chez le Canin, qu’il n’avait de toute façon pas rendue secrète, ou de la sortie de sa femme, on ne pouvait pas dire que cela le surprenait. Visiblement tous leurs déplacement en dehors du manoir étaient notifiés ou au moins observés, comme si leur vie n’avait d’intérêt que dans cette surveillance passive, sans la moindre prise d’initiative subséquente. Néanmoins, qu’ils parlent de secret, cela avait perturbé Morion. Il n’y avait aucune précision, cela pouvait tout aussi bien être du bluff. Mais après le discours de sa femme, le doute était largement permis. Et c’était très inquiétant. Qu’une seule femme, même réputée folle, ait fait mention d’autant de choses que peu de monde savait, et heureusement au vu du danger que cela représentait, c’était déjà d’une gravité sans précédent. Mais que la missive reçue, précédant cette révélation, fasse également mention de secrets… Le comte doutait très fortement que cela puisse s’agir d’une simple coïncidence. Mais, et si effectivement ça n’était pas une coïncidence, alors les implications étaient beaucoup plus graves que ce qu’ils imaginaient. Une personne c’était déjà de trop, et ils ne savaient pas du tout combien de personnes les espionnaient.

Un soupir rageur lui échappa. Il posa sèchement les mains à plat sur son bureau, penché en direction de sa femme, les yeux fixés sur elle. l’expression n’était pas commune chez Morion, mais elle mêlait l’inquiétude, logique vu la situation, à une colère sourde qui couvait, et menaçait d’éclater.

«Je connais la réputation de la dame de Saurell. Ma seule réserve est que les personnes à qui les Dieux ont parlé et que l’on a pensé fous sont nombreux. Il serra les dents. Il aurait probablement été plus conciliant si l’histoire ne les avait pas directement touché mais… Quoi qu’il en soit, il faut s’en occuper rapidement. Et définitivement.»

Quant aux domestiques… Il avait du mal à voir, bien qu’effectivement les soupçons puissent être portés sur chacun d’eux, qui aurait ne serait-ce qu’une once d’intérêt à dénoncer ce genre de choses. C’était ridicule, d’autant plus qu’en dehors de Talen et Sarah, Morion s’était occupé du recrutement de presque tous les autres. Herbert était également une exception, il était là depuis longtemps. J’assisterai à l’interrogatoire. Pour Talen… Morion mit une légère tape contrariée sur le bois du bureau, qui chassa du faible souffle qu’elle produisit quelques missives qui traînaient là. Oui, j’en suis conscient. Mais quelles que soient les mesures que je prendrai, et il y en aura, j’aurai besoin de lui.»

Et justement, il frappa à la porte. Morion lui indiqua d’un ton sec d’entrée. Visiblement le vieil homme ne savait guère où se mettre, peu habitué à voir les époux Ventfroid dans un tel état d’agitation.

«Comte, Comtesse, les domestiques sont dans le hall, comme mandé.


- Talen, vous irez avec eux. Lorsque nous aurons fini, vous commencerez à nettoyer et mettre en place la Cage.
Morion ouvrit un des tiroirs de son bureau, et en sortit une vieille clé à moitié rouillée, qu’il donna au domestique. Et faites-le rapidement, elle va servir.»

Le domestique s’en fut le premier, et Morion profita de son absence pour se retourner vers sa femme.

«Allons-y. Une dernière chose : Grâce de Brasey et moi avons quelques accointances. Nos intérêts pouvant être servies de diverses manières, elle est une des premières que j’ai approchées après l’arrivée du Fléau. Aussi, ses problèmes me concernent aussi. Nous en rediscuterons après avoir tiré tout cela au clair.»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 8 EmptyLun 19 Sep 2016 - 21:42
Ambre était devenue blême. Assise sur une chaise face au bureau de son mari, elle regarda avec un visage figé la missive que Morion lui montrait. Une nouvelle notification de leurs maîtres chanteurs, qui tombait très mal. Ou très bien, selon les points de vue. Toujours était-il qu’après le cas Saurell, cela faisait beaucoup trop pour une seule journée. La comtesse ne se sentait plus en sécurité, comme si des yeux malveillants la guettaient à l’instant même. Les informations apportées par la voyante étaient déjà un choc, alors la supposition que ces espions inconnus puissent la posséder aussi était alarmante. Très alarmante. Ambre ne maîtrisait plus rien, et quoi qu’elle fasse – quoi qu’ils fassent –, ils n’avaient toujours pas avancé sur l’identité de ces provocateurs. A ajouter à cela le cas d’Estrée, luttant toujours contre ses blessures au domaine, et l’on atteignait un niveau d’inquiétude encore rarement atteint. La jeune rousse était exténuée, et ce surmenage intellectuel avait tôt fait de la balayer le soir venu quand son corps de femme enceinte ne pouvait plus supporter la fatigue. Il y avait intérêt à ce que tout cela se calme rapidement, sans quoi sa santé et celle de son enfant à venir risquait d’en prendre un sérieux coup, ce qu’elle ne souhaitait évidemment pas.

Morion se leva, tourna autour de son bureau et de la pièce, et Ambre réagit à peine, restant sur sa chaise, le regard fixé sur la missive anonyme. Son cerveau tournait à vide. Pour une fois, elle avait du mal à rester de marbre, à afficher cette indifférence royale qu’on lui avait apprise. Ses épaules s’étaient légèrement affaissées, elle se massait une tempe et tentait de s’accrocher à la voix de son époux. Ce dernier montrait de la colère, de la préoccupation, mais aucune surprise. Il paraissait moins atteint que sa femme.

- Bien. J’aurais aimé rencontrer messire Martres dans d’autres circonstances. Je suis déçue. Quant au tableau… je ne vais pas pouvoir le conserver ainsi, mon chéri. C’est inévitable, désormais que son existence n’est plus secrète.

Ambre était peinée d’avoir à envisager cela. Il fallait le faire disparaître, tout simplement. Ou le dénaturer assez pour diminuer sa dimension controversée, en peignant par-dessus par exemple. Ajouter d’autres étendards que celui du Duc parmi ceux déchirés par le Fléau, ce genre de choses. Même si détruire l’œuvre serait purement et simplement plus efficace, sans plus laisser aucune preuve possible. Pourquoi fallait-il que cela tombe sur un cadeau de mariage ?

- C’est la première fois que nous recevons une notification de sortie alors que tu te trouvais à l’Esplanade, n’est-ce pas ? Ces gens savent écrire, et nous pister dans la haute-ville… Bon sang, c’est forcément quelqu’un que nous connaissons, quelqu’un qui partage du sang-bleu, ou qui est assez riche pour avoir un point de chute ici.

Ambre posa le parchemin un peu brutalement sur le bureau. Ses pensées s’étaient tournées vers Cassandre, à nouveau, mais ses griefs contre elle l’empêchaient d’être objective. Sa demande d’espionnage chez les Mirail à son propos ne datait que de deux jours, elle n’avait donc eu aucun retour pour l’instant bien évidemment : il fallait que les espions récoltent un minimum d’informations pertinentes avant de venir au rapport.

La comtesse hésita un peu ensuite, lorsque Morion évoqua la dame de Saurell et ses talents. Elle fronça doucement les sourcils avant de terminer par reprendre.

- Je dois avouer que cette femme m’a perturbée. Je l’ai prise pour une éberluée jusqu’à ce qu’elle me parle de mon rêve. J’ai… Ambre soupira, relevant le regard vers son mari. J’ai rêvé de nos enfants, cette nuit. Tu n’étais pas là, je n’ai donc pas encore eu l’occasion de te le raconter, ni de le raconter à personne. Pourtant, cette femme m’a cité les noms des enfants qui apparaissaient dans ce rêve.

Ambre ferma les yeux durant quelques secondes. Cette femme devait mourir, pour leur propre survie. Mais si elle possédait réellement un don des dieux, ne serait-ce pas une grave faute aux yeux de la Trinité que de lui ôter la vie ?

La comtesse réagit à peine au passage de Talen. La possibilité qu’il soit un traître était ténue, extrêmement faible et surréaliste. Mais elle était présente, si l’on regardait les choses de manière pragmatique. Et ce simple doute suffisait à rendre la comtesse froide et distante. Quant au sujet de Grâce, dans d’autres circonstances, Ambre aurait peut-être tiqué, étonnée de n’apprendre que maintenant que son époux et la baronne de Brasey possédaient des relations allant plus loin que la simple politesse. Cela lui aurait évité bien des retenues face à la brune. Mais son esprit était entièrement accaparé par le danger imminent qui courait sur leur famille, à cet instant. Elle ne releva donc pas, se contentant d’un discret hochement de tête.

Les deux époux descendirent au rez-de-chaussée, dans le hall. De légers murmures s’élevaient doucement entre les domestiques, qui avaient les sourcils plissés, les mines inquiètes, se demandant les raisons d’une telle convocation générale. Quand les deux Ventfroid se montrèrent cela dit, un silence de mort s’installa aussitôt. Ambre arborait une expression comme on ne lui en avait jamais vu au manoir. Raide, les mains enlacées devant son ventre, elle fit quelques pas, remontant la ligne grossière qu’avaient formé les domestiques, les regardant un à un avec un air dénué de toute bienveillance. Talen aussi n’y échappa point. Enfin, la phrase tomba.

- L’un d’entre vous a-t-il pénétré dans mon atelier sans mon autorisation ?
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 8 EmptyMar 20 Sep 2016 - 1:59
Morion n’était pas vraiment moins atteint que sa femme. Physiquement, peut-être oui. Il avait toujours été très peu expressif, et son éducation n’avait fait que renforcer ce trait de caractère natif à la base. Lorsque l’on était chef de famille, ou général, parfois, ou même encore, lorsqu’il devait subir les remontrances et les remarques acerbes de son père, il était capital de rester un roc inflexible. Le reste était inné. Mais moralement, il était furieux, contre ces inconnus dont les missives étaient sans cesse plus inquiétantes et ambigües, contre lui-même de n’arriver à rien à ce propos, et là, inquiet par les révélations qui avaient été faites aujourd’hui. Et également… il doutait. Il ne doutait pas de la véracité des révélations de Saurell. Pour le coup c’était même surprenant de voir l’exactitude de ses mots. Non, le doute était pieux. Si jamais, et cela laissait place à une inquiétude qui allait bien au delà des enjeux matériels et politique, si jamais Rikni lui avait vraiment parlé pendant son sommeil, si elle était réellement investie par la Déesse… Il serait alors confronté à un choix particulièrement difficile. La tuer, cela ne lui posait sur le principe aucun problème. Ôter la vie n’était pas chose à agiter ses scrupules. En revanche, la messagère d’un Dieu… quel genre de colère risquait-il d’attirer sur lui, sa famille, sa femme ? La question se posait sérieusement, et le doute était d’autant plus insidieux qu’obtenir une réponse lui était impossible. Et tout cela tournait dans sa tête à un rythme particulièrement soutenu. Nul besoin de parler plus avant de l’état stable certes mais non moins préoccupant d’Estrée, toujours incapable de quitter son lit et affligée de grandes douleurs, entrecoupées de périodes d’inconscience. Il risquait moins que sa femme sous cette pression, n’étant porteur d’aucune vie, mais n’était pas moins atteint.

«J’aurais aimé que tu le rencontres, ce n’est pas un mauvais bougre. Cela étant, il sera probablement mort avant que tu ne puisses le rencontrer. Par mesure de précaution.»

Si les informations fuitaient, en effet, peu importe la manière dont elles le faisaient, les hommes du Duc postés au Labret ne manqueraient pas de saisir chaque preuve disponible. Remonter au tableau, à Martres, ne serait pas difficile pour un enquêteur un minimum averti. De fait, il fallait que ce peintre, aussi gentil soit-il, passe le pinceau à gauche avant que seule l’éventualité d’une fuite ait le temps de montrer patte blanche. Cette réaction pouvait paraître aussi radicale que brutale, aux yeux du Comte elle n’en demeurait pas moins nécessaire.

«Oui. Sa réponse, un peu sèche - sécheresse en aucun cas adressée ou provoquée par la question de sa femme - faisait écho à la potentielle localisation des espions qui semblaient les traquer. Il me paraît également évident qu’à défaut de vivre sur l’Esplanade, ce dont je doute toujours - nombre autres de mes sorties n’ont été notifiées - ils y ont des contacts, contacts qui semblent en plus partager leurs intérêts. Si je vois mal une famille vous en vouloir, à toi ou aux autres de Mirail, il ne serait guère étonnant que je possède des ennemis au sein même de ces murs. Je suis encore un des rares à posséder des terres productives, je suis responsable d’une grande quantité de vie de ce même fait, et pour ne rien arranger, je me suis… illustré, le terme franchit ses lèvres avec une amertume peu coutumière de l’homme, durant la conquête du plateau, et ai ainsi, sinon acquis, éveillé la bienveillance et l’intérêt de Sigfroi. Certains ont tué pour moins que ça par le passé. Sans même compter le reste de l’historique familial, s’entend.»

Il soupira. Non ces personnes ne pouvaient habiter l’Esplanade. Il était difficile d’y cacher quoi que ce soit trop longtemps, et, malgré la période hautement chaotique, la tranquillité apparente du quartier de résidence des Nobles était contrairement à tout le reste étonnamment tranquille. Assez pour que l’espionnage y soit rendu terriblement risqué. Et les nobles avaient suffisamment connaissance des Ventfroid pour ne point titiller leur colère ainsi. A part peut-être une rancune tenace et perverse de Puylmont… Et là encore, Morion doutait que l’homme soit assez intelligent pour s’y prendre d’une manière aussi retorse. Morion péchait peut-être par orgueil ainsi, mais il doutait de se tromper. Et les autres… Rares étaient ceux qui avaient envie de prendre le risque d’encourir le courroux d’un Ventfroid. Lui aussi possédait sa propre réputation, et elle était aussi sombre que ceux qui en étaient à l’origine. Ne restait plus que la ville basse, où les risques pouvaient être pris avec plus de légèreté. Y retrouver quelqu’un, même lorsqu’on le connaissait, était devenu un véritable sport depuis l’afflux massif de réfugiés. Et si l’hiver avait fait sa moisson morbide, fauchant les âmes les plus fragiles, fortement assisté par la fange qui prélevait chaque jour un tribut sur la population, c’était tout de même atrocement difficile. Et donc, la meilleure des cachettes étaient les sombres ruelles et coupe-gorges qui foisonnaient en ville. Et ça Morion et Ambre le savaient très bien. L’appui de nobles ayant attrait aux jeux de menaces et de chantage n’était cependant plus à exclure, c’était certain.

«Ce n’est pas une priorité extrême pour l’heure, quoi qu’il arrive. Saurell est une urgence à laquelle nous devons répondre dans les plus brefs délais. La mention du rêve et de leurs futurs enfants avait provoqué l’apparition sur le visage durci de Morion un pli dur de colère, entre ses yeux, qui lançaient désormais des éclairs. N’excluons pas la possibilité d’une véritable possession divine. Je tiens à la rencontrer en personne, et cela se fera peu importe le temps que cela prend. Mais c’est ma priorité première tu peux en être sûre.»

Morion ne classait jamais ses “affaires” par ordre d’urgence, en règle générale, parce qu’il était suffisamment méthodique pour les échelonner selon d’autres critères, et les faire progresser ou les résoudre au rythme qu’il lui convenait d’adopter. Le fait qu’il place l’affaire Saurell devant toutes les autres en tout cas, voilà qui n’augurait strictement rien de bon pour elle.

---


Les domestiques étaient assez peu nombreux. C’était même flagrant, en vérité, de voir leur nombre réduit au strict nécessaire. Le comte avait toujours haï l’excès, et cela se voyait même ici. Chaque personne ici avait une tâche bien précise, et tous avaient du développer une certaine polyvalence. Ils avaient été aidés en cela par Talen et Sarah, les deux domestiques les plus anciens de la maison. En dehors de ces deux là, il y avait Herbert, le pigeonnier, mais seulement trois autres domestiques étaient présents. Léonnie Sande, qui s’occupait principalement du ménage et du nettoyage, et les deux marmitons, le chef Antonin Sande, père de Léonie, et son apprentie, Louison Chottier.

Morion était en retrait, à quelques pas de sa femme, fermement ancré sur sa canne, sur laquelle il s’appuyait de ses deux mains, l’une refermée sur l’autre. Il observait calmement chacune des personnes présentes, son épouse y compris. Chaque domestique respectait tout autant Morion que son épouse, et étaient même heureux de sa présence ici. Ils l’avaient tous croisée au moins une fois, et étaient bien contents de voir que sa présence avait fini par apporter une véritable vie à la demeure. Ils n’avaient plus l’impression de servir un spectre, et les couloirs étaient souvent embaumés des fragrances subtiles que portait la comtesse de Ventfroid. C’était agréable. Le reste des tâches était accompli par le duo de choc Talen-Sarah, d’une efficacité remarquable. S’ils respectaient et aimaient Ambre, en ce qui concernait Morion… Ils le respectaient, évidemment. Grâce à lui ils étaient soldés, avaient un toit, et à manger tous les jours ou presque. Mais il était aussi taciturne, discret - parfois trop - et savait toujours tout ce qu’il se passait chez lui. En bref, ils le craignaient. Il n’interviendrait pas, cependant. C’était l’atelier de sa femme, et au même titre que lui, elle était leur maîtresse. Être sa femme ne signifiait pas n’être qu’un bibelot qu’il exhibait avec fierté lors de réception. Encore moins au vu des sentiments qu’il en était venu à éprouver pour elle. A dire vrai il n’était là qu’en guise de témoin, et disons, pour le pire des cas, comme force dissuasive quant aux mensonges qui auraient pu être proférés.

Léonie et Antonin réagirent les premiers, avançant d’un pas timide.

«On peut pas m’dame, s’exprima le chef marmiton, probablement le moins inquiet de tous. D’un naturel ou le bourru se disputait au flegme, il était probablement, Talen excepté, celui qui avait le moins de mal avec Morion. Ils se parlaient très peu, son travail, c’était de nourrir ses maîtres. La ptite est cantonnée au rez d’chaussée et pis c’est pas trop son genre de fouiner. ‘Savez, elle a même peur de monter dans sa chambre, alors… Il haussa simplement les épaules. Et moi j’ai pas le temps d’aller me perdre dans vos bonnes salles, faut bien préparer la popote pour tout c’beau monde, c’que vous faites, ça m’regarde pas tant que vous graillez c’que j’vous mitonne m’dame Comtesse.»

Les mains nouées sur son ventre, Louison, l’apprentie, s’avança également. Très timide, âgée de seulement seize ou dix-sept ans, recrutée à la demande d’Antonin, elle secoua doucement la tête.

«Je ne quitte jamais monsieur Sande, maîtresse. Je ne monte dans les étages que quand monsieur Sande m’y autorise, le reste du temps, je l’aide à cuisiner ou bien j’apprends. C’est tout.»

A dire vrai, les propos de tous les domestiques furent identiques. Herbert arriva à peine à parler, tant ce genre de situation le mettait mal à l’aise, au milieu de tous ces humains, séparés de ses volatiles, mais il parvint, au bout de quelques secondes d’âpre lutte avec une langue visiblement récalcitrante, à infirmer les soupçons d’Ambre. Sarah également. Talen, bien moins intimidé, observa cependant Morion tout le long des interventions. Cela ne lui plaisait guère, c’était évident. Néanmoins il se pliait à tous les ordres qui lui étaient donnés. Morion lui intima en silence de faire ce que l’on attendait de lui; du travail l’attendait ensuite. Il fixa les autres avec intensité en attendant que vienne le tour de Talen, les dents serrées. Il doutait qu’aucun d’entre eux soit en train de mentir. En plus de risquer la colère de leur maîtresse, ils risquaient de perdre à coup sûr leur travail si jamais ils mentaient. Et ils ne pouvaient se le permettre, travailler et être nourri ainsi que logé chez un noble, c’était une aubaine terriblement précieuse par les temps qui couraient. Talen finit ainsi par prendre la parole.

«Navré Comtesse, mais je me dois de vous dire que moi non plus, je n’ai pénétré dans votre atelier. Le Comte Morion m’a formellement interdit d’y entrer sans que vous me l’eussiez au préalable demandé. Tout comme il l’a fait pour les pièces lui appartenant personnellement. Ainsi, sans votre autorisation, je n’y entrerai jamais sans que vous y soyez vous même.»

Voilà qui avait au moins le mérite d’être clair. Il ne savait pour Ambre, mais il ressentait un mélange de soulagement et de déception. De soulagement car cela confirmait qu’il avait raison de faire un tant soit peu confiance à toutes ces personnes, et la déception… le mystère Saurell venait de gagner en opacité et en mysticisme, ce qui lui déplaisait fortement.

Il se rapprocha de sa femme.

«As-tu d’autres questions à leur poser ?»


Elle les avait convoqué, elle les renverrait. Peut-être avait-elle constaté une quelconque forme d’effraction. C’était le seul moyen pour que quelqu’un pénètre dans cette salle. Deux personnes auparavant avaient la clé de cette salle. Isidore de Ventfroid et Marie, sa femme. Aujourd’hui, c’était Morion, et Ambre évidemment.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 8 EmptyMer 28 Sep 2016 - 23:20
Par mesure de précaution. La dame de Saurell allait pâtir de cette mesure, mais le peintre Martres également. Morion venait de le dire, alors cela se ferait, tôt ou tard. Les paroles n’étaient pas tombées comme une sentence, plutôt comme un simple constat nécessaire, mais c’était malgré tout une sentence. Le comte de Ventfroid avait parlé, sans hésitation, et Ambre était restée silencieuse, accusant le coup de cette soirée. Trop de dangers et d’incertitudes étaient tombés d’un coup, c’était épuisant ajouté au reste des aléas que le couple rencontrait actuellement avec leurs maîtres chanteurs. Cela étant dit, cela mesurait d’une certaine manière la détermination de la nouvelle comtesse de Ventfroid. Cette jeune petite artiste décidée à faire tomber un Duc et qui avait pris mari en ce sens… Désormais que les risques se matérialisaient, réels, aurait-elle le courage d’aller jusqu’au bout, de maintenir cette droiture de fer nécessaire à l’atteinte de ses objectifs, ou se laisserait-elle envahir par les scrupules et les bons principes ? Ambre de Ventfroid avait-elle les épaules de tuer quelqu’un de sang-froid, par simple élimination des risques, sans même prendre la peine de s’assurer de la culpabilité des concernés ? Car c’était le cas avec le peintre qui avait fourni la toile, finalement. Pour Saurell le cas était différent : réelle envoyée des dieux ou non, elle en savait trop. Mais pour le peintre… ils ne savaient rien, même si c’était l’hypothèse la plus probable finalement. Impliquer un inconnu dans leurs projets, même de manière indirecte, avait été une erreur. Un tel tableau n’aurait jamais dû être peint ; le risque pris avait été… inconsidéré. Désormais, ils devaient en payer le prix : celui de retirer une vie potentiellement innocente.

Si cela agaçait Ambre terriblement, car cette situation aurait pu être évitée de façon très simple, la jeune rousse n’en commenta rien et ne fit qu’acquiescer brièvement à l’annonce de la mort prochaine de l’artiste, qu’elle n’aurait donc jamais l’occasion de rencontrer. C’était rageant et lui laissait un goût amer sur la langue, mais c’était ainsi. Que pouvait-elle faire ? Se morfondre ? Jamais. Elle était devenue comtesse de Ventfroid et se devait d’assumer de nombreux rôles. Protéger sa famille en était le principal, et cela prenait aussi en compte le petit être qui doucement grandissait en elle, même si pour l’instant son existence était encore très abstraite dans la vie des Ventfroid. S’il fallait en arriver là pour protéger son mari, son fils ou sa fille… Cela n’était strictement pas le moment de laisser le mur qu’elle avait construit depuis la mort d’Armand se fissurer. Elle se devait d’être forte pour atteindre le Duc tout en restant intouchable. Et depuis qu’elle était mariée à Morion, elle avait aussi une sorte… d’obligation à conserver une certaine droiture d’action. C’était peut-être une mauvaise raison, le temps le dirait, mais la comtesse rechignait à paraître faible devant son époux. Devant l’homme qui l’avait choisie initialement pour atteindre le Duc, lui aussi. Que pourrait-il penser si elle se mettait à tourner le dos à leurs promesses initiales ? Si elle devenait un fardeau, une gêne plus qu’une aide dans les objectifs du Ventfroid ?

Ainsi, cette situation ne plaisait en aucun cas à Ambre, mais elle comptait bien s’y soustraire, parce qu’il le fallait. Quant au reste, elle comptait bien gérer d’une main de fer les affaires de son manoir pour qu’aucune bévue de ce type ne se reproduise. Elle avait beau s’être engagée dans une voie difficile, ce genre de surprise très désagréable n’était pas bonne pour la sureté de son enfant.

- Il n’y a pas besoin de nous en vouloir pour nous viser, répondit doucement Ambre à propos de griefs potentiels contre les Mirail. Il suffirait d’une simple envie d’ambition, de faire chuter des familles depuis longtemps ancrées à Marbrume pour se faire une place… Mais tu reçois ces choses depuis bien avant l’annonce de nos fiançailles donc je doute effectivement qu’il y ait un lien avec ma famille. Ce n’est pas la priorité actuelle cela dit, en effet, souffla Ambre avec un air pensif.

Air pensif qu’elle avait quitté sans grande difficulté lorsqu’il fallut faire face aux domestiques rassemblés dans le hall. La jeune femme prise de court par les évènements s’était effacée au profit de la comtesse qui questionnait ceux qui lui devaient des comptes. C’était la première fois qu’elle s’imposait de la sorte. Le personnel du manoir n’avait connu que sa face bienveillante jusqu’à présent, à part les rares fois où les passages de Cassandre l’avaient agacée assez pour que cela puisse se noter sur son visage et son ton. Et Morion restait le chef des lieux, qu’elle soit devenue sa femme n’y changeait rien. Aussi, en-dehors de la logistique et la tenue classiques d’un manoir que toute femme se devait de connaître, l’on n’avait encore jamais vu une Ambre s’impatroniser dans des ordres incongrus, encore moins arborer un air aussi grave et sérieux.

Le visage de la comtesse était lisse, ses prunelles claires semblaient analyser n’importe quel tic présent sur les expressions des servants, et son port de tête n’avait jamais été aussi glacial. Les domestiques étaient mal à l’aise devant tant de formes et répondirent tous d’une voix timide lorsque la question tomba. Ambre les écouta tous un par un, observant leurs réactions, tentant de déterminer si les gestes de timidité ne cachaient pas des signes de culpabilité. Ils eurent tous le même discours : non, personne n’avait pénétré l’atelier. Ambre fit quelques pas devant eux tous, croisant le regard de Talen, puis fit demi-tour en marchant tranquillement, finissant d’écouter les propos de ce dernier. Lorsque tous eurent terminé, Ambre jeta un coup d’œil vers son époux, fit une légère pause pour faire à nouveau face à ses gens.

- Je possède de nombreuses choses très personnelles dans mon atelier, des choses qu’il ne fait pas bon de connaître en-dehors de ces murs, pour vous comme pour nous. J’escompte bien que chacun d’entre vous dise la vérité, sans quoi le coupable vient de se mettre dans une très, très, mauvaise position. Ambre fit une pause, regardant tour à tour les servants. Bien. Maintenant cela dit, j’ai plus confiance en ceux qui partagent mon toit qu’en les autres. Quelqu’un d’étranger à ces murs a pu m’évoquer la présence d’un objet qui se trouve dans mon atelier, alors que, comme vous venez tous de si bien le dire, aucun d’entre vous n’a l’autorisation de s’y trouver sans permission. En d’autres termes, quelqu’un aurait pénétré dans mon bureau personnel. N’avez-vous point vu personne rôder dans les étages du manoir ? Je pense à ceux qui nous visitent de temps en temps, ou les invités occasionnels.

Des visites, il y en avait eu beaucoup pour le coup, ces temps-ci. Cassandre déjà, passait très souvent, et elle était connue des domestiques. Mais d’autres personnes beaucoup plus ponctuelles étaient passées en plus. Un homme rencontré chez les Clairmont pour des affaires commerciales, pour citer le moins connu. Les Mirail, bien entendu, mais toute culpabilité chez eux était presque exclue d’office par la comtesse. Avdokeai von Elrich avait été conviée également, ainsi que Zephyr d’Auvray, et peut-être d’autres contacts que la comtesse ne se remémorait pas là tout de suite, ou que son mari avait vus sans forcément l’informer. Ambre voyait mal quel intérêt l’un d’entre eux aurait eu à venir fouiner dans son atelier, mais quelle autre option était disponible ?

Citation :
Je coupe ici pour éviter de continuer et terminer la scène dans le cas où le dialogue resterait intéressant, pour éviter de devoir dialoguer en sorte de mini-flashback alors qu'on a continué la suite, ça nous arrive trop souvent huehue.
Cela dit si les domestiques apportent vraiment rien du tout pour en faire un post rp, quand ils ont été congédiés Ambre te précisera qu'agir contre Saurell tout de suite (le soir ou les jours qui viennent) est trop tôt et trop risqué, car sa disparition peu de temps après sa rencontre avec Grâce et Ambre serait étrange. Elle te demandera donc ce que tu comptes faire grosso modo, mais bref, voilà, considère que j'ai écrit tout cela si jamais tu considères que rester sur les domestiques est trop court Razz
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 8 EmptyJeu 29 Sep 2016 - 1:27
Morion doutait que l’ambition puisse être un moteur suffisant pour s’attaquer ainsi à eux, à dire vrai. Il était exact que les personnes souhaitant voir les têtes ancestrales au sommet de la ville devaient être une pléthore dont la numération était impossible. Néanmoins, et c’était un détail à ne pas négliger, qu’il s’agisse des Mirail, ou des Ventfroid, ces deux noms étaient des monuments. Des titres prestigieuse, une grande influence, et des réputations, l’une neutre voire bienveillante, l’autre sombre et froide, mais toutes deux solides et plus à refaire. S’ils voulaient faire tomber des têtes, qui qu’ils soient, il fallait d’abord s’attaquer aux plus faibles. Tout du moins, à ceux que le Fléau et l’isolation brutale de la ville avait le plus affectés. Et ils n’étaient ni l’un ni l’autre dans ce cas. Bien entendu, les répercussions s’étaient faites sentir jusqu’entre leurs épais murs, qu’il se soit agi de la perte d’être chers, de difficultés financières, ou tout simplement du manque de contact du à la fermeture hermétique du Duché à l’extérieur du monde. Mais ceux qui, économiquement comme politiquement, étaient plus fragile, étaient également d’un point de vue stratégique bien plus aptes à servir de cible. Si leur tour finirait forcément par venir, il était encore trop tôt pour cela. Et ce malgré le nombre important d’arrivistes et d’opportunistes, nobles ou non, qui s’étaient installés ici, moyennant leur allégeance absolue au Duc. L’idée n’était pas totalement à jeter, que l’on se le dise. Néanmoins, dans la longue liste d’hypothèses que Morion avait pu se forger au cours du temps, qu’il s’agisse des missives étranges ou de cette nouvelle et inquiétante affaire, qui n’avait pas manqué de stimuler à grands remous sa matière grise, elle arrivait dans les dernières, et Morion entendait bien la traiter comme telle. Même si, comme toujours, il accordait une écoute particulièrement attentive aux réflexions de sa femme.

Dans le hall, Morion se fit essentiellement oreille et oeil. Il n’avait pas envie de commenter les interventions des domestiques, ni même celles de sa femme. Il était juste là en ombre menaçante, rappelant sans mot aucun l’idée que si trahison il y avait eu, c’était à lui - malgré la prise d’initiative de sa femme - qu’ils devraient rendre des comptes en tout premier lieu, et qu’il avait une tendance connue de la maison à régler les problèmes de façon expéditive. A part les missives, dont personne à part Ambre et lui étaient au courant, en ce qui concernait leur teneur, tous savaient que les problèmes que rencontraient parfois les Ventfroid étaient réglés avec une vitesse trop grande pour être tout à fait honnête. Ils ne posaient pas de questions, c’était mieux ainsi. Ils ne faisaient même pas courir de bruits entre eux, lorsqu’ils étaient rassemblés pour leur repas dans l’ancienne salle de réception. Ils avaient bien essayé une ou deux fois, tentant vainement de glaner quelque insignifiant renseignement pouvant servir de ragot à Talen ou Sarah, connus pour être depuis longtemps au service des Ventfroid, et donc par voie de conséquence, forcément au courant de nombreuses choses que leurs maîtres n’avaient pas voulu voir quitter les murs austères de la demeure. Mais toute tentative s’était avérée vaine. Talen se souvenait d’une tâche comptable importante à mener dans son bureau. Sarah était prise d’un élan soudain d’abattement et ressentait le besoin d’aller se coucher. Parfois, plus brutal, le vieux chevalier décidait de les rabrouer, et de les enjoindre à ne plus poser de questions dont il ne voulaient pas entendre la réponse. Sarah était plus douce, corrélant sa nature; elle se contentait d’un sourire poli, voire contrit, et maintenait un silence suffisamment long et pesant, l’expression figée, pour que l’importun se sente mal à l’aise de sa propre question.

«Je… Après l’avertissement d’Ambre, et ses précisions, la voix balbutiante d’Herbert se fit entendre. Morion aimait bien ce petit homme. Il était d’un tempérament très doux. Et très rêveur. Il remplissait avec honneur les tâches qui lui incombaient, et malgré l’évident malaise qu’il montrait en présence de congénères de son espèce, il était une personne fondamentalement gentille, que l’on pourrait s’étonner de voir au service d’un homme accordant aussi peu de valeur à la vie que Morion. Sa voix était à l’image de son caractère. Lorsque l’on avait fait le tri entre les hésitations, les raclements de gorges, les syllabes vrillées qui venaient griffer son larynx, il avait une voix douce, mesurée, elle aussi rêveuse, d’une certaine manière. Je ne sais si ça a de l’imp-importance m-mais… Lorsque Maître Morion et vous étiez absent eh ben… La Dame Cassandre elle est venue. Je m’en souviens bien. Le p-p-petit Julot, il devint rouge comme une pivoine à l’évocation du nom d’un volatile - Herbert avait baptisé chacun des pigeons de la volière - mais tenta de reprendre contenance, arrivait tout juste du domaine, p-p-pis fatigué, alors il s’est posé plus loin. J-j-j-je l’ai vue franchir les grilles en allant le r-r-récupérer. Il avait eu une peur bleue que son oiseau soit blessé, aussi avait-il conservé un souvenir terriblement précis de ces instants de pure frayeur. Il était de ceux qui mémorisaient chaque instant d’un traumatisme. Mais j-j-je sais pas plus maîtresse Ambre. Trop peur pour le petit Julot.»

Talen fronça les sourcils un moment, puis lâcha un léger soupir. Ah, oui, en effet, ce moment. Il toisa un moment le pigeonnier, puis finit par lui accorder un regard bienveillant. Suite à quoi c’est à Ambre qu’il se tourna. Sa version était juste et méritait d’être corroborée.

«En effet. Dame Cassandre est passée. Néanmoins je ne peux dire combien de temps elle a exactement passé entre ces murs. Car visiblement, après quelques recherches infructueuses, elle est directement venue dans mon bureau, dans lequel j’étais affairé. Bureau qui se situe suffisamment loin de votre atelier pour que je n’entende rien. Elle cherchait Maître Morion. Cela date de quelques jours, cependant. Maître Morion était en affaire dans la basse-ville, et vous étiez, ce me semble, dans votre famille. Elle est partie sitôt le renseignement, à savoir l’absence de son maître, obtenu.»

Morion ne disait rien, mais la colère couvait dans son regard, et fusillait Talen et Herbert, qui se recroquevillait sur lui-même. Ou tenter une manoeuvre de disparition visant à s’absorber lui-même dans quelque néant occulte, tentative définitivement vaine, le scalpel adamantin des iris de Morion ne le lâchant pas une seule seconde. Cette colère trouvait sa source dans deux raisons. La première était qu’il n’avait eu qu’un très vague écho de la visite de Cassandre. Un simple “elle a demandé à vous voir”, alors qu’elle avait visiblement passé un certain temps ici. Morion lui ouvrait volontiers ses portes, mais tout comme sa femme, il en était venu à constater qu’elle prenait un peu trop souvent ses aises. Et un peu trop longtemps, surtout, alors que la remise des documents qui les concernaient se faisait soit directement par lui, soit par l’intermédiaire de Talen. Mais elle n’avait accès qu’à une toute petite partie des archives du comte, directement stockées dans le bureau du domestique, au cas où justement, il soit absent au moment de les lui transmettre.

Quant à la deuxième source, elle était assez évidente; sa femme vouait une haine tenace à l’égard de la blonde, c’était évident. Il éludait le sujet chaque fois qu’il menaçait d’apparaître, mais une telle révélation ne ferait que nourrir des soupçons déjà bien entretenus. S’il n’avait aucunement connaissance - et cela valait mieux, très clairement - des espions lancés à la suite de sa vassale, il en était tout de même au point de vouloir impérativement minimiser tout contact entre les deux femmes. Dans un premier lieu pour éviter un échauffement des nerfs de son épouse, qui, il le savait, pouvait avoir des conséquences sur une grossesse, et deuxièmement, pour épargner les siens. Il ne pouvait se séparer de Cassandre peu importe ses manières. D’une parce qu’ils étaient en affaire depuis trop longtemps, et de deux parce qu’elle représentait un lien fortement ancré dans leurs vies respectives, celui de maître-vassal liant les Rocheclaire aux Ventfroid. La rejeter aurait signifier briser cette alliance séculaire, et Morion ne voulait en aucun cas se faire le parjure des engagements pris anciennement en le nom qu’il portait, et dont il était fier.

«Ambre et moi entretiendrons Cassandre à ce propos. Par “Ambre et moi” il entendait surtout lui, à dire vrai. Avec présomption de culpabilité, il sentait que la discussion risquait de tourner court et de finir par ameuter toute l’Esplanade, ce qu’il ne souhaitait pas. Elle pourrait bien évidemment assister à l’entrevue, mais les questions… Enfin il fallait que tout ceci soit mesuré. Il avait les débordements en horreur. Personne d’autre à signaler ?»

Visiblement non. D’un geste impérieux de la tête, Morion congédia Talen. Il avait des choses à préparer. La cage n’avait pas servi - heureusement, quelque part - depuis longtemps, et décrasser l’endroit ne se ferait pas en dix minutes. De même que l’entretien des outils qui y résidaient. Et vu que les autres domestiques n’avaient pas grand chose à rajouter eux non plus, ce qui pour le coup n’arrangeait pas Morion, ils finirent par retourner au travail.

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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 8 EmptySam 1 Oct 2016 - 20:57
Les domestiques perdaient leurs moyens devant tant de questions. L’évènement était si peu courant, et quand bien même ils ignoraient l’existence d’un tableau qui pouvait tous les envoyer dans la tombe s’il était découvert, ils pouvaient sentir la gravité de la situation. Ils semblèrent être un peu soulagés lorsque la comtesse passa sur la supposition qu’ils pouvaient être coupables, et demanda si quelqu’un d’étranger au manoir leur avait paru suspect. Avec ce glissement d’intérêt, ils pouvaient aider la comtesse à démêler une affaire qui lui tenait à cœur, plutôt qu’être placés en fautifs potentiels et devoir se défendre sur quelque chose qu’ils ne comprenaient que peu. Ce fut Herbert, malgré son mal-être évident à se trouver dans la pièce à cet instant précis, qui répondit le premier. Et à ses mots, le visage d’Ambre se figea. Plus Herbert parlait, plus les lèvres de la comtesse se rejoignaient en une fine ligne pincée, gardant un port digne mais se retenant visiblement grandement de lancer des insanités. Quand Talen termina par corroborer les propos d’Herbert, cela dit, la jeune Ventfroid cligna légèrement les yeux, quelque peu stupéfaite.

- Elle est passée vous quémander, Talen, « après quelques recherches infructueuses » ? Mais, enfin, qui lui a donc ouvert les portes du manoir sans la mener directement à vous pour la guider plus rapidement ?

Un silence accueillit ses paroles. Talen avait entrouvert légèrement les lèvres, prêt à répondre, mais parut comme gêné de l’information qu’il allait donner. Herbert avait jeté un regard craintif vers Morion, détournant très rapidement le regard. Le cuisinier et les autres également se mirent subitement à éviter le regard de la comtesse et du comte, comme inquiets de ce qui allait suivre, car ils savaient tous que les relations entre Cassandre et Ambre n’étaient point au beau fixe.
Ce fut Talen qui répondit, pas craintif pour un sou, mais un tantinet réticent tout de même, comme s’il appréciait peu de décevoir Ambre.

- La vicomtesse possède les clés du manoir depuis un bon moment, pour ses affaires avec messire le comte.

Les paupières d’Ambre s’écarquillèrent légèrement. Un léger souffle traversa ses lèvres alors que ses poumons s’étaient bloqués, et son dos s’était raidi alors qu’elle sentait la présence de Morion derrière elle de façon accrue, subitement. Cette… femme… pouvait entrer et venir comme dans un moulin chez eux ? C’était bien ce qu’il venait de dire ? Elle pouvait entrer et sortir en pleine nuit si ça lui chantait, sans que personne ne puisse avoir vent de son intrusion ? C’était une plaisanterie ? Non pas que cela condamnait forcément Cassandre dans le cas du tableau, mais en-dehors de toutes ces considérations, Morion se rendait-il compte que ça n’était pas convenable ? Comment et pourquoi cette femme était-elle si proche du comte, au point même de pouvoir s’inviter dans l’intimité de leur couple quand la lubie lui prenait ? Comment se sentir en sécurité entre ses propres murs si cette vipère qui souhaitait secrètement son éviction pouvait pénétrer ainsi chez eux ? Cette Rocheclaire avait la main longue. Beaucoup trop longue sur les Ventfroid. Ambre ne comprenait pas pourquoi Morion était si laxiste. Avoir besoin d’elle n’était pas une raison suffisante. Elle n’était pas la seule espionne dont il avait besoin. Pourtant, elle était certaine qu’il n’accorderait pas autant d’égards à d’autres espions tout autant utiles. Tout cela était sincèrement gênant. Qu’est-ce qui retenait le blonde de la faire égorger en pleine nuit, ou de rejoindre Morion pour des moments intimes ? Parce qu’elle ne savait sincèrement plus quoi penser de la relation qu’il entretenait avec cette femme. Elle était beaucoup trop particulièrement pour être une simple question d’alliance, ou d’amitié. Ambre, petit à petit, se demandait si les inclinaisons évidentes de Cassandre envers le comte n’étaient pas réciproques, et ce depuis bien plus tôt que leurs fiançailles.

La colère grondait en la comtesse. Elle avait posé les yeux sur ses domestiques, comprenant très vite qu’aucun d’entre eux ne fut surpris de savoir que Cassandre possédait les clés de la bâtisse. La comtesse tourna les yeux lentement vers son mari, toujours aussi terriblement raide et distante, tout à coup, avant de poser à nouveau son attention sur les servants.

- Il est grand temps de nous entretenir là-dessus en effet, susurra Ambre sombrement sans regarder son époux, alors que les propos étaient à son attention. Vous pouvez disposer et revenir à vos tâches, conclut-elle aux domestiques, qui ne perdirent pas de temps à laisser les mariés seuls.

Ambre ne réagit pas immédiatement, restant immobile dans le hall, laissant couler de longues secondes durant lesquelles elle ne regarda pas son époux. Elle serrait ses mains contre ventre – c’était son port habituel, mais cette fois-ci les jointures de ses poings étaient légèrement blanchis tandis qu’elle les serrait de colère. Ses lèvres s’étaient muées pour former une moue de mépris.

- Je me fiche de connaître tes raisons. Tant que je vivrai ici, cette femme ne possèdera plus les clés de notre manoir. La propre famille d’Ambre ne pouvait pas s’inviter comme bon leur semblait, alors elle ? Je ne vois pas ce qu’il y a de choquant à se faire accueillir par Talen pour recevoir les documents dont elle a besoin. Ce qu’il y avait de choquant, c’est qu’elle vagabonde comme s’il s’agissait de sa propre famille. J’espère pour elle comme pour toi que cette « petite » liberté est une bévue sans aucun lien avec l’affaire qui nous intéresse actuellement, sans quoi je vais commencer à avoir des doutes sur l’intelligence et la perspicacité de l’homme que j’ai épousé.

Que Cassandre soit la responsable de la fuite concernant le tableau ou non, cela reviendrait au même : Ambre exigerait le retour des clés. Quant à la culpabilité supposée de la vicomtesse… Ambre ne savait pas vraiment. Cassandre mangeait dans la main de Morion et faisait tout pour lui complaire. Pourquoi serait-elle allée colporter une information aussi sensible ? L’imaginer fouiner dans son atelier n’était pas étonnant, voire même très plausible, tellement elle avait Ambre en horreur, mais parler d’un tableau illégal ? Pensait-elle pouvoir faire accuser Ambre, la noble peintre, et forcer Morion à évincer sa propre femme pour se protéger après une telle découverte ?

- Il est hors de question qu’elle puisse continuer à venir chez nous même lorsque nous sommes absents.

Bientôt leurs murs abriteraient aussi un enfant, leur enfant. Ambre ne laisserait jamais cette vipère pouvoir approcher un seul cheveu de son fils ou de sa fille. Si Morion comptait laisser aussi peu de sécurité chez eux, cela risquait de poser problème. Un très gros problème.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 8 EmptySam 1 Oct 2016 - 23:08
Que le renseignement sur la possession des clés de la vicomtesse soit un oubli volontaire ou non, Talen était quoi qu’il arrive bien forcé de le révéler. Ambre n’en démordrait pas tant qu’elle n’aurait pas de réponse à ses questions. Et Morion… il ne disait que ce qui lui semblait nécessaire de dire. Nécessaire au point d’en être capital. Et s’il ne l’avait pas fait, et ça pouvait être un oubli pur - Cassandre disposait après tout des clés de la demeure depuis bien avant la mort d’Isidore, depuis des années en fait - c’est qu’il n’avait pas jugé cela obligatoire. Le fait est que l’information tombait au mauvais moment, ça au moins, c’était une évidence. Si le comte n’en voudrait pas à Talen, il ne manquerait pas de s’en vouloir à lui-même. Son mariage l’avait rendu à peine moins secret, en réalité. Il partageait avec sa femme bien plus de choses qu’avec n’importe qui d’autre, c’était normal. Mais très peu tout de même. Par manque de temps pour commencer, mais également car il était secret par nature. Les informations, les confessions, il les distillait. Au besoin, par intérêt, peu importaient ses motifs. Mais c’était toujours dans un but précis. Dire à Ambre que Cassandre possédait les clés de la demeure ne lui aurait rien apporté et n’aurait en rien impacté leur vie, si ce n’est provoquer la réaction qui allait suivre : le retour immédiat de l’objet au manoir. Sauf que là…

Le regard de Morion s’attarda un long moment sur celui de Talen. Les deux hommes arrivaient à se comprendre sans mot dire. Et l’heure était venue pour tout le monde retourner à ses tâches, et de s’y concentrer avec plus de verve encore que d’ordinaire. Nul besoin de le spécifier, la tension dans la pièce était devenue palpable. Et aucun des domestiques n’avait envie d’assister, de près ou de loin, à une dispute entre les deux époux Ventfroid. Ils ne connaissaient pas encore assez Ambre pour redouter son courroux, celui-ci ne s’étant manifesté que de façon succincte lors de visites de Cassandre ayant déplu à la Comtesse. Toutes en fait. En revanche, pour ce qui était de Morion, les choses étaient différentes. Le chef marmiton, Sarah et Talen savaient très bien ce qu’était leur maître une fois les charbons de la colère ravivés. De fait, Ambre avait à peine fini sa phrase que la pièce était déserte, chacun ayant choisi - hormis pour les cuisines - une zone fortement éloignée du hall où s’affairer.

Le comte écouta, calme d’apparence, les remontrances de sa femme. Néanmoins, plus la discussion avançait, et plus ses sourcils se fronçaient, en sus de son regard qui se faisait chaque syllabe sortante plus acéré, plus… vindicatif. Il y avait des tas de choses que Morion tolérait. Parce qu’il s’en désintéressait, la plupart du temps. Ou encore parce qu’il n’avait aucune raison d’y reprocher quelque chose. En revanche, voir ses habitudes, les plus anciennes qui plus est, ses choix, et les décisions qu’il avait pris en âme et conscience - celle de donner les clés à Cassandre n’était même pas de son fait, mais de celui de sa mère - remises en question de cette façon n’en faisait pas partie. Sa voix avait gardé son timbre doux et serein, mais les sonorités sifflantes exhalées par sa gorge et ses lèvres se mouvant à peine pour former les mots qu’il prononçait.

«J’espère que tu te rends seulement compte des mots que tu prononces, Ambre. Le ton était sec, tranchant, et bas. Une colère blanche et venimeuse. Tu vis ici depuis quelques mois. Moi, depuis trente ans. Le monde dans lequel je vis, tu n’as fait que l’effleurer, pour l’instant. Si cet état est voué à changer, il nécessite cependant du temps.»

Sa main se resserra autour de sa canne. Il aurait probablement sauté sur toute autre personne qu’elle s’adressant à lui ainsi pour décharger la vindicte qui couvait en lui. Il fit cependant un petit effort de contrôle.

«Et en l’occurrence, elle ne vient pas ici pour faire du mal, d’autant plus lorsque nous sommes absents. Ni pour te causer du tort, cela m’en causerait également. Je tiens à te rappeler qu’elle et mois nous connaissons depuis un très grand nombre d’années. Il fronça les sourcils, et baissa le ton. Et je tiens également à rappeler que Rocheclaire, en plus d’être un nom inextricablement lié au mien, et donc au tien, est aussi celui qui a permis ton existence. Ne l’oublie pas. Si tu ne dois pas ça à Cassandre, tu le dois à son nom, c’est tout aussi important.»


Il pouvait comprendre la colère de sa femme, sur l’instant. Apprendre la chose ainsi, et qui plus est, alors que cela concernait Cassandre… Néanmoins elle n’avait accès qu’aux espaces publics du manoir, à savoir le rez de chaussée, et les couloirs. Les autres portes, en l’absence de Morion, étaient toutes verrouillées. Qu’il s’agisse de son bureau, des différentes salles qui appartenaient à sa famille et n’étaient plus usitées, bref, il n’y avait aucun moyen pour elle de trouver quoi que ce soit de compromettant, sauf négligence de la part du maître, des maîtres désormais, des lieux. Or, Morion n’était pas quelqu’un de négligent, et aux dernières nouvelles, d’autant plus avec une telle pièce peinte dans son atelier, Ambre ne l’était pas non plus.

«Elle ne peut rien faire sans mon accord. Et Talen l’a éconduite sitôt qu’il fut au courant de sa présence. D’ailleurs, vos relations venimeuses me poussent à lui laisser plus de marge de manoeuvre, et non l’inverse, sans quoi je risque de me retrouver non avec une colérique sur les bras, mais une femme animée d’une volonté vengeresse. Et nous avons trop de problèmes à traiter pour que je me permette ça.»

Il serra les dents, et la toisa un moment avant de finir de préciser sa pensée.

«Encore une dernière chose. Nous la convoquerons et traiterons ce problème tous les trois. En attendant ce moment,
sa voix se durcit sensiblement, je t’interdis de me menacer dans ma propre demeure.»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 8 EmptyDim 2 Oct 2016 - 1:52
Des sentiments contradictoires se bousculaient en Ambre. Elle se sentait à la fois inférieure et supérieure, à cet instant.

Inférieure, parce que Morion venait de la rabaisser. Il venait de lui rappeler où était sa place, souligner qu’elle ne faisait partie de sa vie que depuis peu. Par extension, qu’elle avait moins d’importance qu’une Cassandre de Rocheclaire tout simplement parce qu’elle était arrivée après. Elle lui en voulut pour ça. Oui, elle n’était là que depuis quelques mois. Qu’y pouvait-elle ? Les dieux en avaient décidé ainsi, et ils n’avaient jamais eu l’occasion de se découvrir plus tôt. Cela voulait-il dire qu’elle serait davantage sa femme dans dix ans qu’elle ne l’était à présent ? Que, parce qu’ils ne se connaissaient que depuis six mois, son jugement était moins pertinent qu’après plusieurs années de mariage ? Devrait-elle attendre d’avoir enfanté de tous leurs enfants avant d’être considérée ? Ces pensées étaient exagérées, exacerbées par la situation présente, et la colère, ainsi que la fierté blessée d’avoir reçu ces paroles de la part de son mari. Les premières qu’il lui adressait qui étaient acerbes, en six mois de fréquentations assidues. Elle savait parfaitement qu’elle était loin d’être mal lotie avec Morion de Ventfroid, et qu’il la laissait donner son avis et ses impressions beaucoup plus souvent que la majorité des hommes qui n’usaient de leur femme que pour obtenir descendance. Elle le savait, mais en cet instant, elle ne retenait que ça : je vaux moins qu’une espionne.

Supérieure, car elle possédait visiblement plus d’informations que Morion n’en avait, à propos de Cassandre. Elle ne vient pas ici pour faire du mal, disait-il. Ah… Morion, Morion, mon cher époux… Ambre ne savait pas si c’était une forme de déni particulièrement profonde ou s’il était aveugle de façon spectaculaire sur les griefs qu’une femme amoureuse pouvait porter à une rivale. Il ne savait pas qu’elle s’était entretenue avec Ambre à de nombreuses reprises régulièrement. Il ne savait pas que Cassandre était venue la visiter beaucoup trop régulièrement pendant qu’il était au Labret, parfois simplement pour la menacer, sans besoin aucun de documents. Morion diminuait l’importance de la situation. Il ne voyait là que des querelles d’enfant sur lesquelles il fallait taper de temps en temps. Aurait-il le même discours s’il savait que Cassandre avait promis à Ambre de l’évincer dès qu’elle pourrait ? Lui avait-il autorisé à proférer de tels propos, puisque madame ne « pouvait rien faire sans son accord » ?

Ambre s’était tournée toute entière pour faire face à son mari, le visage fermé, laissant transparaître sa colère plus que son accablement.

- Et toi, te rends-tu compte ? renchérit-elle sèchement. Je ne vis que depuis quelques mois ici, certes, mais j’ai besoin de me sentir chez moi. Je n’ai pas à devoir verrouiller chaque porte que je quitte parce que des étrangers sont susceptibles d’y entrer – et c’est ce qu’elle est pour moi, une étrangère. Je n’ai pas à devoir me trouver en tenue publique dans mes propres couloirs ou devant ma propre cheminée parce que cette femme peut surgir dans un coin à tout instant. Il s’agit de ma vie privée, tout simplement. Comment expliques-tu qu’elle ait tant tardé à se présenter à Talen si elle ne fouinait pas chez nous ? Vous vous connaissez depuis longtemps, trop longtemps. Tu en oublies où devrait être sa place. Un simple cellier ou bâtiment à part pour vos affaires pourrait suffire pour lui fournir tous les papiers qu’il lui faut, pas lui laisser porte-ouverte à notre vie personnelle.

Risquer de tomber sur cette femme dans les couloirs à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, juste parce qu’elle pouvait se le permettre, c’était inenvisageable. Et surtout, elle ne voyait vraiment pas l’intérêt pour elle d’avoir les clés. Les documents pour ses affaires étaient toujours rangés dans le bureau de Morion, bureau qui devait lui être ouvert par un tiers, de même que les documents rangés dans l’office de Talen. Ainsi, qu’on lui explique clairement à quoi cela servait que Cassandre possède les clés pour pénétrer au manoir si elle devait dans tous les cas demander aux maîtres des lieux d’autres clés pour ce qui la concernait ?

La comtesse ricana doucement lorsque Morion évoqua la redevance qu’Ambre devait aux Rocheclaire pour sa simple naissance.

- Je ne dois rien du tout aux Rocheclaire. Ma mère a perdu ce nom dès lors qu’elle a épousé mon père. Je n’ai jamais eu de contacts avec cette famille, ni de près ni de loin, et ma mère n’a jamais paru leur manquer. La seule chose que je leur dois, depuis que je suis mariée, c’est le respect dû à notre lien de vassalité. Une chose que Cassandre devrait se rappeler. A ce moment, Ambre fit une pause in extremis. Elle avait manqué de lâcher l’information sur les passages menaçants de Cassandre au manoir durant le Labret. Mais son ego venait de frapper. Elle le laisserait dans l’ignorance. La comtesse savait qu’elle avait raison. C’était un fait. Or, Morion la prenait pour l’instant pour une enfant, une femme « colérique ». C’était Cassandre qui avait ouvert les hostilités, depuis toujours. Elle qui avait tout fait pour montrer que sa présence au manoir était indésirable. Ambre n’aurait jamais deviné les inclinaisons de la Rocheclaire pour Morion si cette dernière n’avait pas agi aussi méchamment. Si Morion n’était pas capable de s’en rendre compte par lui-même, alors il resterait sot. Tu es décevant, Morion. Ou c’est moi qui le suis, je ne sais pas. J’ignorais que tu me pensais assez puérile pour me battre avec une rivale, comme une adolescente. Cette femme est dangereuse pour notre famille. Tant que tu ne l’auras pas compris, tant que tu penseras que je lui en veux simplement parce que vous êtes proches… Ambre haussa les épaules. J’oubliais que je ne suis qu’une Mirail sotte et superficielle.

La comtesse termina par tiquer sur la fin. Sa façade colérique vacilla un instant, sa gorge se noua.

- Je ne te menace pas, échappa-t-elle dans un souffle, très vite, car une phrase plus longue aurait trahi son émotion. Pas toi, jamais.

Morion venait de lui donner un ordre pour la première fois. Ses épaules s’étaient recroquevillées légèrement tandis que son cou était resté raide et qu’elle accusait le coup. Elle remit ses mains à plat contre son ventre plutôt que de serrer les points, comme pour essayer de se calmer. Cette journée était un véritable fiasco, du début jusqu’à la fin. Après des révélations alarmantes de la dame de Saurell, voilà qu’elle se disputait avec son époux, et en sortait furieuse et blessée. Ambre termina par s’écraser, soufflée tout d’un coup, incapable de continuer sur un registre colérique. Elle lui jeta un dernier regard, qu’elle ne tint pas plus longtemps que quelques secondes.

- J’ai besoin de repos. Je monte. Nous parlerons du cas Saurell demain, nous ne pouvons pas agir tout de suite dans tous les cas.


Ambre remonta à l’étage avant de craquer définitivement, dans son petit atelier. Seul endroit bien à elle dans ce manoir finalement, seul endroit où le petit bout de femme qu’elle était avait son mot à dire. Et, pour la première fois, elle verrouilla la porte alors qu’elle s’y trouvait, s’enfermant dans une solitude salvatrice avec un petit clic qui résonna brièvement. Mouvement qu’elle réitèrerait quotidiennement désormais, puisque la Rocheclaire pouvait rôder.
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