Marbrume



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 [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]

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Isaure HildegardeBannie
Isaure Hildegarde



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MessageSujet: [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]   [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar] EmptySam 8 Déc 2018 - 0:19

La journée ne s’annonçait pas très belle. Un orage avait décidé de venir tenir compagnie à la pluie battante qui dégringolait depuis le milieu de la nuit, le vent s’était évidemment rajouté à l’ensemble, offrant un début de journée maussade. Perchée dans ma cabane, j’avais passé la plupart de mon temps à essayer de renforcer mon toit, de mettre des petits récipients chapardés ici et là pour éviter que tout ne prenne trop l’eau, inutilement évidemment. Les yeux fatigués, l’humeur encore moins chaleureuse qu’à mon habitude, j’avais fini par abandonner ma demeure de fortune pour affronter la tempête qui ne semblait guère avoir envie de se stopper. On ne sort jamais lorsqu’il pleut, c’est une règle fondamentale ici, la fange est beaucoup plus présente lorsque les nuages sont présents. Fallait-il cependant bien se nourrir et si les monstres étaient de sortis, les animaux aussi. J’avais donc ressenti ce besoin de vérifier mes pièges un peu plus loin, quitte à déjà être humide, autant être définitivement dégoulinante.

Je n’avais de toute manière pas beaucoup de vêtements. Ne m’imaginant pas porter mon jupon avec cette météo, j’avais donc enfilé ma tenue en cuir, celle beaucoup trop large pour moi, qui appartenait à un homme et que j’avais récupérée il y a un moment déjà sur un cadavre. Descendant doucement l’échelle, j’avais passé la capuche sur ma longue chevelure brune, histoire de la protéger un minimum. Peine perdue. M’aventurant sur les différentes passerelles sans un bruit, tout du moins, en essayant d’éviter de remplir déjà mes chaussures de l’eau des marais –eau qui avec les larmes du ciel avait fini par augmenter-, une fois sortie du village, j’avais accéléré la marche. Les trous dans mes bottes ne me facilitaient pas la tâche, si le bruit de mes pas dans les flaques était déjà désagréable, la sensation froide de l’eau s’y infiltrant n’arrangeait rien. Les mèches de mes cheveux non entretenues venaient se coller à mon visage à chaque mouvement. Je n’avais pas pu m’empêcher de lancer un dernier regard au village, comme des chats fuyant la pluie, tous cherchaient à se protéger, à se maintenir au chaud. À quoi bon. Nous n’avions pas de grand mur protecteur, de toit solide et étanche, non, nous n’avions pas grand-chose, pas suffisamment pour espérer sortir complètement sec de ce temps définitivement pourrit.

La fraîcheur environnante n’aidait en rien à apprécier le moment présent et c’est tout aussi contrarié qu’après ma sieste nocturne que je m’engouffrais sur les petits sentiers que je connaissais par cœur. Toujours le même, par sécurité, par habitude, par réflexe, je ne savais pas trop, je devais encore avoir la naïveté de croire que si je faisais une mauvaise rencontre, ma connaissance du lieu pourrait me sauver. Naïve que je vous dis.

Toujours est-il que c’est bien après deux bonnes heures de marche que j’avais fini par arriver à mes premiers pièges : vides. Du moins, en apparence, en y regardant bien et malgré le soin que j’avais mis à chercher les dissimulés, la chasse semblait avoir été bonne, trace de lutte, restant de poil, un des deux avait dû être bénéfique, la constatation était sans appel, on avait dû me voler ma proie. Bougre. Fichtre. Coquebert. Remettant en état le tout, j’avais délaissé ma position à contrecœur pour avancer davantage dans une zone « moins » sécurisée. Pas de protection d’arbre, il fallait contourner une grande étendue d’eau pour arriver aux filets que j’avais placés, alors que j’étais presque arrivée, la foudre avait décidé de frapper, offrant une luminosité désagréable sur le lieu. L’unique arbre au milieu de l’étendue venait de prendre feu, accaparant toute mon attention. Beaucoup plus lentement, j’avais remonté mes filets fabriqués avec les moyens du bord, des vieux vêtements que j’avais dépiautés –ne me regardez pas avec ces yeux-là, ils étaient inutilisables de toute façon-. Bonne pioche : un poisson. Un fin sourire avait fini par se glisser sur mes lèvres, alors que je me redressais cette fois-ci définitivement.

Si mon regard fût dans un premier temps de nouveau attiré par les flammes impressionnantes émanant de la souche, qui semblaient s’amoindrir à cause de la pluie capricieuse, il s’était déposé par la silhouette par cette silhouette masculine, se trouvant juste derrière lui, à l’opposé de moi, de l’autre côté de l’étendue d’eau. Plissant davantage le regard, j’avais instinctivement mis dans mon petit sac abîmé par le temps, dont les couleurs n’étaient même plus identifiable ma pêche, avant d’écarquiller les yeux : Un milicien.

Merde. Ils sortaient avec la pluie eux, ne pouvaient-ils pas faire comme tout le monde ? Rester au chaud ? Mes yeux avaient dû s’écarquiller davantage, alors que j’avais cru le voir dégainer, naturellement j’avais fait de même, dévoilant ma dague dont les années d’existences devaient trahir sa qualité. Mes membres s’étaient contractés et mes mains avaient dû trembler légèrement. N’avait-il pas ordre de nous tuer a vu ? C’était ce qu’en disaient les rumeurs en tout cas… Et maintenant ? Je restais immobile, silencieuse, priant les trois qui m’avaient déjà abandonnée depuis bien longtemps pour ne pas qu’il me remarque, espérant pouvoir rapidement disparaître dans la forêt sur ma droite, forêt que je ne pourrai atteindre qu’en revenant sur mes et donc en me rapprochant légèrement de l’homme d’armes.



Dernière édition par Isaure Hildegarde le Dim 13 Jan 2019 - 15:11, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]   [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar] EmptySam 8 Déc 2018 - 13:32
L'une des premières choses qu'on apprenait lorsqu'on rejoignait la Milice extérieure, c'était de ne surtout pas s'éloigner de son groupe. Le danger était partout, omniprésent hors des murs de la cité de Marbrume et les Fangeux n'espéraient qu'une chose : pouvoir se jeter sur un être vivant isolé qu'il pourrait dépecer à loisir. Gondemar savait tout cela, pourtant aujourd'hui leur petite unité chargée d'accompagner l'exploration des terres s'était retrouvée sous une pluie diluvienne et un orage dont les lourds nuages laissaient parfois échapper quelque éclair dangereux qui foudroyait un arbre de temps à autre. Ce n'était pas un temps à rester dehors, mais on leur avait donné l'ordre de faire une patrouille de routine pour surveiller les environs et ainsi limiter le danger pour les plus proches points sensibles. Les Bannis étaient particulièrement actifs ces derniers temps et l'ordre de les abattre à vue remontait à l'été passé, depuis que le Duc avait failli se faire tuer. Allons bon, la belle affaire. Était-ce une raison pour les envoyer se faire massacrer sous l'orage ? Le groupe avait rapidement été forcé de revenir sur ses pas pour trouver un abri de fortune, mais il n'y avait rien sur leurs cartes à leur connaissance et Gondemar fut désigné pour aller en éclaireur d'un côté tandis que son binôme habituel allait de l'autre. Séparer les hommes, quelle folie... L'homme de haute taille n'avait pourtant rien dit, ceux de l'exploration ne comprenaient pas tous la nécessité de rester grouper et il s'éloigna seul sans un mot ni une protestation, hormis un regard mauvais qu'il adressa au donneur d'ordres.

Trempés par la pluie, son armure de cuir et ses vêtements avaient pris une teinte plus sombre, le froid s'insinuait dans ses membres en même temps que l'eau ruisselait à travers le plus petit interstice, se faufilant jusque sous les couches protectrices pour tremper sa peau, lui faire goûter aux prémices d'une mort qui surviendrait bien assez tôt. Refusant de demeurer au milieu des arbres, Gondemar avait finit par repérer une zone dégagée vers laquelle il se dirigea rapidement, s'arrêtant face à une grande étendue d'eau au centre de laquelle un petit îlot hébergeait un arbre de taille moyenne. Cette vision avait quelque chose d'apaisant au milieu de la tempête qui faisait rage autour de lui et le Milicien eut l'impression de se retrouver face à une parcelle du domaine de Serus, un endroit hors du monde et où la Fange ne se trouvait apparemment pas. Par contre les Bannis... Ses yeux bleus venaient d'accrocher une silhouette de l'autre côté de l'étendue d'eau, une silhouette dont la vêture était bien maigre quoiqu'il lui sembla apercevoir une armure de cuir. Intrigué, il fit un premier pas de côté, mais un éclair zébra le ciel à cet instant dans un claquement sec et vint frapper l'arbre sur l'îlot, l'embrasant dans un crépitement de flammes et d'énergie divine qui ne manqua pas de faire sursauter l'homme.

- Par les Trois...

Souffla-t-il en reprenant une respiration qu'il avait suspendu, son regard se portant de nouveau vers cette silhouette inconnue qui semblait l'avoir à présent remarqué. Dégainant son épée par mesure de prudence, Gondemar commença à contourner l'étendue d'eau, notant que l'individu en question était une femme dont l'éclat d'une petite lame venait d'apparaitre dans l'une de ses mains. Fronçant les sourcils, le Milicien entreprit de se rapprocher d'un pas vif, notant qu'à moins qu'elle ne saute à l'eau, le seul moyen pour elle était de passer à quelques mètres de lui pour s'en retourner à la forêt. Pourtant lorsqu'il pu distinguer clairement son visage, Gondemar s'arrêta dans son avancée. Elle avait tout d'une Bannie, c'était l'évidence même, tout comme c'était bien une arme qu'elle avait dans sa main ainsi qu'une petite besace en piteux état, tout comme le reste de sa vêture... mais elle avait l'air effrayée, et jeune. L'ancien soldat fronça plus encore les sourcils, son épée toujours en main, haussant la voix pour se faire entendre par-dessus le fracas de l'orage et de la pluie qui régnait tout autour d'eux.

- Que fais-tu là ?

Ce n'était pas l'évidence même, l'endroit et le moment ne se prêtaient guère à la promenade, ces bois regorgeaient de dangers en tous genres, qu'ils vienne de la Fange ou des Bannis. Il paraissait, de ce qu'on lui en avait dit, que même entre eux ces gens-là pouvaient se trancher la gorge pour un morceau de viande.

- Montre-moi ton bras !

Les ordres étaient les ordres, mais Gondemar voulait d'abord s'assurer de l'identité de la jeune femme avant de décider quoi que ce soit. Si jamais elle tentait le moindre mouvement agressif, il saurait la désarmer. Et si jamais elle tentait de s'enfuir, il saurait la rattraper et la plaquer au sol pour la maîtriser. La différence de gabarit ne faisait aucun doute là-dessus, de même qu'elle avait l'air bien maigre en comparaison de ceux survivants au sein de Marbrume.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]   [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar] EmptySam 8 Déc 2018 - 14:37
Immobile, j’étais restée silencieuse, maudissant mentalement les trois, le manque de chance et cet homme dont j’ignorais tout, mais dont la simple vêture qui indiquait son statut me donnait des boutons. Peu de solutions, peu de possibilités. La météo ne pouvait être que de mon côté, j’étais plus fine, plus habile que celui qui devait se traîner son poids, ses vêtements et son armement. La fuite était l’option la plus probable, tout comme cette idée loufoque de sauter dans l’eau, au risque de rencontrer un fangeux qui se tramerait là, attendant sagement qu’une proie vienne jusqu’à lui. Mon cœur s’était mis à battre violemment dans ma poitrine, tambourinant encore et encore dans le moindre creux de mon corps, mes membres froids s’étaient soudainement réchauffés, signe de la tension qui animait mon être, m’inquiétait, me terrifiait. Et maintenant ? Je ne bougeais pas, l’observant approcher, contourner l’étendue d’eau pour me rejoindre, sans pour autant presser le pas, sans pour autant se précipiter pour m’offrir cette mort que tous m’avaient toujours promis sans jamais me permettre de l’entrevoir réellement.

La pluie continuait de dégringoler, imbibant davantage le cuir que je portais, se faufilant dans le moindre trou, la moindre ouverture, traversant la capuche que je portais pour venir coller toujours plus intensément ma chevelure brune. J’avais cru percevoir sa voix, entendre une question, une interrogation aussi stupide que l’ordre qui avait suivi. Il était à quelque pas et par instinct j’avais dû reculer, jetant un regard derrière moi, détaillant l’eau qui me semblait devenir un risque moindre vis-à-vis de cette lame sans aucun doute tranchante qu’il tenait encore entre ses mains. L’homme s’était stoppé et hormis le pas en arrière que j’avais dû faire, peut-être deux, je n’avais fait aucun autre geste brusque. Ma petite dague se trouvait toujours dans ma main, alors que mes deux prunelles brunes le détaillaient avec cette intensité à la fois apeurée, mais aussi déterminée. J’avais connu le pire, j’avais survécu à l’extérieur, je n’allais certainement pas mourir ici, sous cet orage, dans la boue à cause d’une faim qui me tiraillait depuis plusieurs jours.

Levant ma dague lentement, je l’avais rangée en maîtrisant le moindre geste, la moindre respiration, je n’étais pas un danger pour lui, il suffisait simplement de nous regarder pour le comprendre. Il était grand, large, imposant, j’étais petite fluette et même si les vêtements trop larges que je portais devaient m’épaissir, il était aisé de comprendre que ce n’était pas les miens. Dans la continuité de la manœuvre, j’avais levé mes mains, tournant légèrement mes avant-bras couverts pour dévoiler l’absence d’arme, que ce soit à ma ceinture, ou camouflé, je n’avais de toute manière même pas de manteau, de veste, ou de fourrure sur moi qui aurait pu me réchauffer ou me permettre de camoufler quoi que ce soit. Par choix, je ne montrais pas la peau de mon avant-bras droit, par choix et par non-envie de mourir, cela serait trop simple, cela serait me condamner sans aucune manière de négocier. Un bref coup d’œil à l’eau se trouvant juste à côté de nous, un bref coup d’œil en arrière et cette estimation, cette probabilité que je parvienne à m’en sortir, moindre, incertaine.

Doucement, j’avais de nouveau amené mes mains à mon sac, tout en le regardant, sans détacher mes yeux une seconde de sa silhouette, prête à anticiper une attaque qui entraînerait inévitablement une fuite de ma part, que ce soit par la nage, ou par la boue. Ouvrant retirant doucement mon sac, je finissais par le jeter à ses pieds. Qu’il prenne le peu que je possédais, qu’il l’emporte, mais qu’il me laisse partir
.

- « Prends. » dis-je simplement « C’est tout ce que j’ai. Prends et laisse-moi partir. »

Même dans cette circonstance, je ne me voyais pas parler inutilement. La raison de ma présence n’avait pas le moindre intérêt pour lui, il ne voulait qu’une chose, voir la marque pour se donner bonne conscience, pour pouvoir m’embrocher sans le moindre scrupule, ou pour pouvoir abuser de mon corps avant de me laisser là souillée et pour mortes comme certains de ses collègues l’avait fait à des habitantes de mon village. La brave milice, si fière, si belle, qui tuait sans état d’âme, qui abusait des femmes, qui réduisait en cendre le peu d’espoir qu’avaient encore ceux qui vivaient dehors. Quel type d’homme pouvait bien décider de devenir ce type de personne. Comment en vouloir à Kanna de divaguer et de les traquer ? Parfois, j’en arrivais à me dire qu’elle avait sans doute raison, qu’il valait mieux attaquer les premiers, plutôt que de crever dans les premiers.

- « Prends et va-t’en. » répétais-je avec plus de force.

Si mes paroles étaient froides, sec et sans émotion. Le tremblement de mes mains ne devait pas mentir, l’hésitation et la crainte dans mon regard non plus. Le bleuté de mes lèvres et la friperie de ma peau ne pouvait être que témoin de mon état, de cette angoisse, de cette rencontre que je faisais généralement tout pour éviter, j’avais froid, j’avais peur, mais je ne voulais pas mourir, pas comme ça, pas ici, pas maintenant. D’autant plus que je doutais qu’il soit véritablement seul ici, ce genre de gars restait en groupe, n’osait pas se séparer de leur cher frère et sœur d’armes, je devais déguerpir et vite. Qu’il tente quoi que ce soit et je prendrais la fuite, par la nage, par la boue. J’avais survécu à bien des horreurs, beaucoup trop, ce n’était pas un milicien seul qui allait réussir là où bon nombre avait échoué.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]   [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar] EmptySam 8 Déc 2018 - 15:10
Lorsque la main tenant la dague avait bougé, fut-ce lentement, Gondemar avait immédiatement braqué son épée en direction de la jeune femme, l'avertissant d'un regard noir sans avoir besoin d'émettre le moindre mot. Si elle tentait quoi que ce soit, il la tuerait sans hésiter, la survie primait toujours dans ce genre de situation, quand bien même il avait encore des principes. Parlons-en de ses principes, lui qui détestait tant le comportement de nombre de ses collègues miliciens qui tenaient plus de la brute épaisse que de l'homme véritable, de l'animal cruel plutôt que de l'être pensant bienveillant. La Fange avait ravagé les esprits, mais elle avait aussi permis aux pires d'entre eux d'avoir plus de latitude pour s'adonner aux pires actes condamnables. Lui-même avait fait des choses impardonnables lorsqu'il était mercenaire, mais il y avait en avait d'autres qu'il s'était toujours refusé à accomplir malgré les ordres. Cette femme qui se trouvait devant lui, cette femme savait parfaitement qu'à l'instant où elle montrerait son avant-bras, sa vie s'achèverait ici, tout du moins en théorie, c'est pourquoi au lieu d'obtempérer elle rangea sa dague et leva les mains en signe de non-hostilité. Même ses mains étaient trop minces pour ne pas trahir sa maigreur. Le sac atterrit à ses pieds et l'homme de haute taille ne fit pas l'erreur de baisser les yeux, se contentant de remuer légèrement le tout du bout de sa botte alors qu'elle lui disait de le prendre. Pas de son anormal, pas de mouvement apparent, potentiellement pas de bestiole dangereuse à l'intérieur donc. Il garda son épée en direction de la Bannie, saisissant la hanse, redressant la poche et y glissant la main avant de froncer les sourcils, légèrement étonné. Est-ce que c'était un poisson sous ses doigts ?

- « Prends et va-t’en. »

Gondemar retint un grognement de mécontentement, puis en se redressant avec le sac dans la main, le jeta aux pieds de la jeune femme, dardant sur elle un regard moins sombre.

- Tu as faim ?

Un éclair zébra de nouveau le ciel au-dessus de leurs têtes et le Milicien sembla hésiter, avant de lentement rengainer son épée sans pour autant quitter la menace des yeux. Enfin menace... Il ne fallait jamais se fier à un petit minois, celle-ci avait l'air capable de survivre malgré les difficultés. Depuis combien de temps vivait-elle ainsi ? Des semaines, des mois ? Des années ? L'homme de haute taille soupira légèrement et porta la main à son armure, la glissant entre deux interstice pour saisir quelque chose qu'il extirpa prudemment, difficilement, avant de le jeter sur le sac.

- Toi, prend ça et va-t-en. Ne reviens plus jamais ici, les autres ne seront pas aussi cléments.

Puis il recula de plusieurs pas, sans pour autant la quitter du regard, lui laissant loisir de ramasser le petit pain dont il venait de se défaire et qui aurait du servir à son repas du soir. Elle semblait si jeune et si maigre, malgré cette lueur dans son regard, elle aurait pu être de ceux qui survivent au sein de la Cité en volant ou en vendant leur corps, mais au lieu de cela elle était dehors, sous la pluie et l'orage, avec la Fange qui rôdait non loin. D'ailleurs des éclats de voix semblèrent résonner dans son dos et Gondemar pivota de moitié, tendant l'oreille, jurant entre ses dents avant de reporter ses yeux bleus sur la Bannie.

- Allez dégage !

Lui aboya-t-il dessus avant de se détourner pour de bon, repartant au pas de course en direction de là où il venait. Si ses collègues arrivaient et voyaient une cible, non seulement il risquait de graves sanctions, voir même une exécution sommaire, mais elle serait traquée, probablement violentée avant d'être tuée. Un sort peu enviable s'il en était.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]   [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar] EmptySam 8 Déc 2018 - 17:41
Sa lame s’était retrouvée braquée vers moi, me tirant une grimace, alors que sa botte secouait mon sac et mes poissons. C’est là que je me suis rendu compte que je ne réfléchissais pas convenablement, au lieu de me concentrer sur les battements de mon cœur ravageant l’intérieur de mon corps, je me fixais sur ces bottes et l’absence d’ouverture, de trou, désirant soudainement cette chose banale, mais oh combien agréable. Je m’imaginais déjà lui sauter dessus pour récupérer l’objet de mon désir, avant de secouer doucement la tête devant le ridicule de cette pensée. Le stress sans aucun doute. Mon sac avait fini par atterrir à mes pieds, alors qu’il me questionnait sur l’état de ma faim. Sans faire l’erreur de le quitter des yeux, j’avais plié les genoux, puis à tâtons récupéré ma possession. En me redressant, j’avais simplement secoué la tête. Pensait-il réellement que je me baladais avec des poissons juste pour le plaisir ? Pour me parfumer peut-être ? Odeur des marais sur odeurs des marais, nouvel odorat des bannis, pas cher, pas cher. L’inconnu avait fini par rengainer son épée, provoquant chez moi ce soupir de soulagement, ce pas vers ma petite victoire, je n’allais pas mourir ici.

Sans que je ne comprenne pourquoi, il glissa sa main dans ce qui semblait être une poche intérieur et comme par instinct, mimétisme ou naïveté, j’avais eu l’espoir moi aussi d’en posséder une, une que je n’aurais potentiellement pas vue, mais non. Ce fut une grande déception, d’autant plus lorsqu’il jeta vers moi ce morceau de pain. Inspirais-je tant que ça de la pitié ? Il fallait parfois ravaler sa fierté, souvent même, accepter de n’être qu’une merde, un rien, quelque chose d’invisible ou d’inexistant aux yeux des autres, ceux qui ont la chance d’avoir un toit ou des murs pour les protéger. Mais ça, ça non, je n’y arriverais pas. Puis il m’avait lancé ce regard sombre, puis maintenant quoi ? Maintenant qu’il prenait conscience qu’on crevait la gueule ouverte dehors, qu’on n’avait pas de somptueux repas à la poudre de boue et aux petits cailloux rôtis à point il m’offrait sa miche ?


- « J’n’en veux pas » grognais-je à cause de mon ego et ceux même si mon ventre hurlait toute autre chose « Gardes ta pitié pour les enfants pauvres de ta ville » soufflais-je.

Mes doigts avaient néanmoins détaillé le tout avec précision, émettant cette légère pression dessus, l’odeur aussi loin soit-il de mes narines m’étaient immédiatement revenu en souvenir. Du pain. Pas encore dur, pas trop mou, du vrai pain, qui se mange et dont la mie moelleuse à l’intérieur pouvait être retiré délicatement. Oui, ça me donner envie, envie de faire une boule de mon sac et de partir en marche arrière avec mon précieux trésor. Mais, non, moi je n’acceptais pas ça. Alors lorsque des bruits de voix au loin indiquèrent que les autres arrivèrent, lorsque la foudre frappa encore une fois un peu plus haut, je lui avais rejeté son pain, grognant légèrement. Puis il m’avait dit cette phrase « Allez dégage », avec cette sonorité si particulière. Celle qui me projette des années en arrière, dans un souvenir que je pensais avoir oublié. Serrant mon sac contre ma poitrine, j’avais reculé doucement en marche arrière alors qu’il disparaissait au pas de course et pour une raison que je ne comprenais pas je lui criai, convaincue que ma voix serait couverte par la pluie :

- « Y a une cabane plus haut… »

Parce qu’il devait avoir froid lui aussi et que sans aucun doute ne devait-il pas connaître aussi bien ce marais que moi. Moi, j’avais disparu, le palpitant battant toujours plus fort, j’avais eu peur, peur de mourir, peur de me voir abusé, de sentir de trop prêt la chaleur d’un homme, de devoir tuer pour survivre, parce qu’il fallait toujours survivre n’est-ce pas ?


-- 10 Janvier 1166 --

Je suis levée depuis une bonne heure déjà, le soleil semble enfin bien décidé à revenir un peu nous tenir compagnie. Dès le petit matin, les premiers rayons du soleil s’étaient extirpés, les oiseaux avaient commencé leurs chants habituels, rassurants, apaisants. J’avais fait sécher mes affaires de cuirs la veille, profitant de cette clémence météorologique pour laver mon linge. Alors aujourd’hui, je ne puais pas non, je m’étais baignée dans l’eau froide de l’étendue à quelques pas du village, j’avais brossé mes cheveux avec mes doigts, prenant le temps d’en démêler la totalité, c’était rare, mais ça me donnait l’impression d’être encore normale lorsque je le faisais. Le souvenir de cet étrange milicien me hantait depuis que j’étais rentrée au village, cette journée d’orage. Je ne comprenais pas la raison de son comportement, pourquoi m’avait-il épargnée ? Même si cela me réjouissait, cela m’avait semblé incohérent, des miliciens j’en avais déjà vu et jamais ceux-là ne s’étaient comportés ainsi, que ce soit ceux de l’extérieur ou de l’intérieur, alors pourquoi ? Au village, on savait toujours plus ou moins où se trouvaient les patrouilleurs, ceux-là mêmes qui nous traquent sans souvent s’apercevoir qu’eux même sont observés par nos éclaireurs. Certains utilisent les informations des attaques, d’autres pour la plus grande majorité pour les éviter minutieusement. J’étais pour la plupart du temps de cette deuxième catégorie, mais aujourd’hui, j’avais besoin de l’épier, pour comprendre, je me devais de comprendre.

- « Je me porte volontaire comme éclaireuse. »
- « Bien, il y a une troupe plus haut, tu devrais arriver jusqu’à eux en marchant une bonne heure. Soit prudente. »

Comme souvent, je n’avais pas répondu et même si j’avais bien vu dans les prunelles de mon interlocuteur de la curiosité et de la surprise. Je ne participais qu’au minimum à la vie du village, je partageais ma chasse lorsqu’on chassait en groupe, je faisais les tours de rondes obligatoires et ça s’arrêtait là. Pas cette fois, pas aujourd’hui, et même si ma motivation était purement égoïste, j’avais besoin de savoir, de comprendre : pourquoi. Quoi de mieux pour ça que d’observer un humain au milieu de ses congénères, dans son quotidien. J’avais pressé le pas, avec cet espoir que cette troupe repérée était bien la sienne et après une heure de marche rapide, lorsque j’avais entendu les voix s’élever arrivant vers moi, je m’étais glissée dans une souche vide entourée d’une multitude de buissons pour observer, pour écouter. La vie à l’extérieur m’avait appris à être discrète, silencieuse et j’étais tout à fait capable de rester des heures durant sans bouger le moindre orteil.
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Gondemar Rosalis



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MessageSujet: Re: [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]   [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar] EmptySam 8 Déc 2018 - 18:09
Elle avait rejeté son pain avec la même fierté que lui-même l'avait fait lorsqu'il était encore un gamin des rues, avec ce regard défiant et ce mépris de la pitié d'autrui. A l'époque son pain il le volait, il détestait qu'on lui fasse l'aumône, il redoutait toujours le piège, la demande qui suivrait, la présence qui voudrait s'imposer, alors il rejetait tout en bloc, ne comptant que sur lui et ses rares amis de même condition que lui. C'est pour cela que Gondemar ne prit pas mal ce rejet, pour cela qu'il ramassa le pain, l'essuya contre son pantalon avant de le ranger précieusement dans la petite poche intérieure de son armure de cuir. La jeune femme avait reculé alors qu'il lui disait de déguerpir, tournant lui-même les talons pour s'éloigner en courant rejoindre les autres, entendant pourtant la voix en arrière qui lui criait quelque chose à propos d'une cabane. L'orage tonna au-dessus d'eux et il eut un doute sur le sens de ses mots, mais il ne s'attarda pas ni ne rebroussa chemin, retrouvant ses camarades miliciens qui s'inquiétaient de ne pas le voir revenir. Il chercha rapidement une réponse, puis affirma s'être égaré, avoir repéré une forme dans les bois qui ressemblait à un abri. On hocha la tête, on décida de trouver cet endroit et on continua d'avancer. L'homme se demanda si la jeune femme avait pu trouver de quoi faire cuire son poisson et si personne ne le lui avait pris, savourant ce soir-là avec lenteur le pain qu'il avait en sa possession. Drôle de vie qu'ils avaient tous, fut sa pensée en s'endormant une fois son tour de garde passé.

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Cela faisait plusieurs jours déjà que l'orage était passé et le souvenir de la rencontre ne hantait plus autant l'esprit de Gondemar qu'au lendemain de celle-ci. La nécessité d'être concentré sur son environnement, d'éviter de croiser les Fangeux et, lorsqu'ils en trouvaient un isolé, de réussir à l'abattre malgré le danger que cela représentait, tout cela suffisait pour occuper l'esprit de n'importe qui et l'homme avait fini par ne plus se préoccuper de chercher une silhouette encapuchonnée dans les bois. Progressant ce jour en ligne pour battre la forêt à la recherche d'indices permettant de remonter jusqu'à des groupes de Bannis plus ou moins isolés que l'on pourrait exécuter, les Miliciens accompagnaient une fois de plus leurs camarades de l'exploration avec lesquels ils coopéraient régulièrement depuis l'été. On parlait à mi-voix, on tendait l'oreille et on scrutait les alentours, redoutant de voir arriver un groupe de Fangeux plutôt que d'humains. La tempête avait fait des ravages dans la forêt et il fallait régulièrement enjamber des obstacles tels que des branches ou des souches d'arbres abattus ou foudroyés. Gondemar pour sa part échangeait avec un collègue plus âgé qui avait à son actif un beau palmarès de survivant, ayant participé à de nombreuses missions dont l'opération Labret, le Milicien préférait le terrain que les honneurs, l'extérieur plutôt que l'abri des hautes murailles de la cité. Bien que peu bavard, l'ancien soldat savait écouter et son aîné ne manquait pas d'anecdotes au sujet du monde tel qu'il était avant l'arrivée de la Fange.

- ... et là je lui ai dit "Écoute mon p'tit gars, soit tu ranges ton couteau à beurre, soit j'te met une fessée devant ta belle et t'auras que tes yeux pour pleurer ta honte".

Une ombre de sourire effleura les lèvres de Gondemar qui secoua doucement la tête, amusé malgré lui, d'autant plus que le vétéran éclatait de rire à ce souvenir.

- Et ben crois-le ou non Rosalis, mais l'gamin a lâché son arme et y s'est rendu sans faire d'histoire. Tout ça parce qu'un aut' mignon avait voulu courtiser sa p'tite femme, ah les jeunôts j'te jure, rien dans la caboche.

- Et vous l'avez emmené ?

- Non penses-tu, c'était qu'un gamin, j'l'ai sermonné et confisqué son arme, j'allais pas l'mener à la potence pour ça. A l'époque ça s'faisait pas.

Ils acquiescèrent de concert, leurs expressions se fermant un peu, songeurs. Oui les choses avaient bien changées, mais pour autant il n'était pas dit qu'un jour cela ne pourrait pas redevenir comme autrefois, à ceci près qu'ils n'étaient pas certains de voir ça de leur vivant. Là était tout le problème. Continuant de cheminer, le vétéran s'éloigna un peu de Gondemar pour se diriger une dizaine de mètres plus loin, hélant un collègue plus jeune à qui il semblait vouloir raconter une autre anecdote, laissant l'ancien soldat continuer la battue de son côté. Celui-ci ralenti le pas, cherchant de ses yeux clairs des signes qu'il finit par repérer et, intrigué, se déporta progressivement un peu à l'écart du groupe, oh pas de beaucoup, mais assez pour être moins en vue tout en restant à portée de cri en cas de nécessité. Il finit par froncer les sourcils, portant la main au manche de son épée qu'il ne tira pas pour autant, avisant des buissons épais qui l'intriguèrent assez pour qu'il s'arrête. Soit un animal était passé par ici, effrayé et bousculant les branchages et herbes hautes sur son passage, soit il s'agissait d'un être humain ou... Il huma l'air à plusieurs reprises, guettant l'odeur de pourriture rance qui accompagnait toujours les Fangeux et, ne sentant rien de ce genre, ni non plus une odeur quelconque de sang, demeura immobile, guettant les buissons qui dissimulaient sans qu'il ne la voit encore une souche d'arbre.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]   [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar] EmptySam 8 Déc 2018 - 18:32
L’avantage de mon épaisseur médiocre, c’est que je peux me faufiler partout sans être vue. Même si j’évite le plus possible le contact avec les autres humains, surtout ceux de la ville, lorsque l’envie me prend j’arrive la plupart de temps à me faufiler sans la moindre crainte d’être remarquée. Nous bannis, nous ne sommes définitivement plus rien, invisible, transparent, inexistant, hormis ceux qui nous traquent et hormis ceux faisant un peu trop de bruit, pour les autres, c’est comme-ci nous n’avions jamais existé. Il ne faut pas s’en plaindre, ou mal comprendre mes propos, moi ça me convient parfaitement. Entre ça et ma vie en geôle, je préfère largement ça. Quoi qu’il en soit, glissée dans la fente de la souche, j’avais fini par me redresser, avisant dans ce petit trou, d’un œil, évoluer la troupe autour de moi. Ils étaient moins nombreux que ce dont je me souvenais, ce qui m’arrangeait. La chance semblait me sourire, puisque ce fut sans aucune difficulté que je reconnaissais l’homme qui avait choisi de m’épargner.

Comme lors de notre première rencontre, la pluie et l’orage en moins, il me semblait grand, imposant, plus âgé que moi, sans que je ne puisse identifier exactement de combien. Peut-être cinq ou dix ans maximum, c’est ce que j’avais supposé, mais je n’avais jamais été très bonne pour donner un âge à une personne. Retenant ma respiration, immobilisation chacun de mes membres, j’écoutais la conversation apprenant de ce fait le nom de ce milicien : Rosalis. L’homme semblait en pleine conversation avec un de ses collègues, un homme lui aussi, plus âgé, beaucoup plus que le premier. Bavard pour deux, celui qui m’avait offert du pain n’avait guère semblé avoir le temps d’en placer une et après avoir essayé le rire dû à une anecdote que je ne trouvais pas drôle, il avait disparu plus loin. L’occasion était trop belle pour qu’elle me glisse entre les mains. Lentement, sans bruit, j’avais fui ma protection rampant entre les buissons pour contourner Rosalis qui s’approchait de ma première cachette. Il était important que je ne lui fasse pas peur, important que je me laisse voir, c’était l’unique manière que j’avais de savoir si oui ou non il était différent. M’arrêtant à trois mètres devant lui, j’avais fini par m’extirper de mon buisson, m’dépoussiérant légèrement. Si l’homme était observateur, il devait savoir que de là, aucun de ses collègues ne pouvait m’apercevoir, la forêt était trop dense, trop profonde.

- « Tu dois rebrousser chemin, Rosalis. » Murmurais-je doucement.

Si c’était bien la curiosité qui m’avait amené jusqu’ici, pour le voir, pour déterminer qui était celui qui se jouait le bien vu des dieux pour daigner épargner une bannie, c’était toute autre chose qui m’avait poussée à sortir. En continuant dans ce sens, ils allaient tomber sur la fange, en nombre. Une famille s’était fait décimé il y a peu et les bêtes continuaient à rôder, j’allais évidemment faire silence sur cet état fait, convaincu que l’imbécile déciderait d’y aller pour essayer de sauver ce qui n’était définitivement plus secourable. La mort prenait toujours ce qu’elle désirait, toujours.

- « Fais demi-tour, ou tu vas mourir, toi et tes amis. » le voyant hésiter j’avais rajouté simplement « La fange est là-bas. »

Puis j’avais fait silence, me déplacement habillement pour être certaine de rester toujours à l’abri des regards, loin des yeux malveillants qui, je n’en doutais pas une seule seconde, me condamnerait sans la moindre hésitation. J’avais déjà mon moyen de m’échapper, les hauteurs des arbres, ils étaient particulièrement haut aussi et le nombre important de branches me permettrait de grimper jusqu’à disparaître des regards. Du moins, ça, c’était si il me laissait faire sans donner l’alerte, dans le cas contraire, je prendrais position de faire mon ennemi un allier et je me précipiterai vers la fange. De là, cela serait celui faisant le moins de bruits qui auraient une chance de survie et j’étais convaincue d’être celui-là. Il m’avait permis de vivre une fois, je lui offrais la possibilité d’en faire de même, cependant, pouvait-il réellement être capable de faire confiance à une bannie ?
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MessageSujet: Re: [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]   [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar] EmptySam 8 Déc 2018 - 18:47
Le buisson avait bougé, Gondemar avait serré son épée, dégainant immédiatement, redoutant de voir un ennemi surgir et... La tête qui s'extirpa de là, rapidement suivie par le reste du corps, il la reconnu immédiatement et abaissa son arme, demeurant immobile tandis que la jeune femme qu'il avait croisé quelques jours plus tôt se redressait devant lui, époussetant ses habits. Le murmure qu'elle eut acheva de le surprendre et il cligna des paupières, intrigué. Comment connaissait-elle son nom ? Puis l'évidence le frappa, elle avait dû entendre la conversation avec son collègue. Rengainant son arme, il l'écouta réitérer sa mise en garde et, baissant de plusieurs tons, pris finalement la parole, son expression devenant plus grave.

- Comment sais-tu ça ? Et qui es-tu ?

Il n'allait pas lui faire l'affront de lui demander pourquoi elle l'aidait, il se doutait qu'avec ce qu'il avait fait la dernière fois, elle voulait certainement équilibrer les comptes et ainsi ne plus rien lui devoir. A ce souvenir il eut une ombre de sourire qui passa brièvement sur ses lèvres avant qu'il ne secoue légèrement la tête.

- Ils sont trop nombreux pour nous là-bas, c'est ça ?

Mieux valait vérifier l'exactitude de l'information, quitte à partir et revenir plus tard avec davantage d'hommes pour nettoyer la zone. Il préférait la croire sur parole, même si un de ses collègues n'aurait pas manqué de dire que c'était une tromperie destinée à les éloigner d'un camp de Bannis. Jetant un bref regard en arrière pour s'assurer qu'on ne s'occupait pas encore de lui, il reporta rapidement son attention sur la jeune femme.

- Et comment je fais au juste ? Ils voudront vérifier par eux-mêmes et alors ça sera trop tard.

L'ancien soldat connaissait la Fange et ses pièges, il savait combien il était aisé de perdre la vie contre l'une de ces créatures, que le fait de la tuer, si l'on était mortellement blessé par elle, équivalait à remplacer un pion par un autre car la transformation serait inévitable, tôt ou tard. Gondemar ne tenait pas à finir en plat de résistance, mais il ne voyait pas comment convaincre les autres Miliciens de dévier de leur trajectoire.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]   [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar] EmptySam 8 Déc 2018 - 19:49
Il avait dégainé, inévitablement, réflexe du à son métier, je suppose. Au fond j’espérais qu’il ne se comportait pas comme ça avec ses amis ou son épouse. Je l’imaginais volontiers arriver dans une pièce et dégainé plus rapidement que son ombre, provoquant la surprise ou l’hilarité de ses proches. L’image m’avait distraite quelques secondes, avant que sa voix grave m’oblige à revenir dans le moment présent. Surprise de voir qu’il me croyait sans m’accuser de traîtrises, ou même d’essayer de le distraire, j’avais simplement opiné. Comment est-ce que je savais ça ? Qui est-ce que j’étais ? Est-ce que cela avait réellement de l’importance tout ça ? J’avais froncé les sourcils, décidant de jouer définitivement cartes sur table, convaincue que cette révélation n’entraînerait rien de plus, rien de dramatique.

- « Une bannie pas si monstrueuse que ça visiblement. »

Je n’avais pas l’habitude de me présenter, pas l’habitude de donner mon nom, trop convaincu de n’être plus rien d’important, plus rien du tout, simplement. L’idée de formuler mon prénom ne m’avait même pas effleuré l’esprit, consciente qu’il n’en ferait rien. L’homme n’avait toujours pas remis en doute mon affirmation, émettant la bonne supposition. Une nouvelle fois j’avais opiné, hochant simplement la tête de haut en bas en guise d’affirmation. En agissant ainsi je me mettais dans une position délicate, si les autres membres du village venaient à être informée de cette aide, je serais accusée de traîtrise et renvoyée du peu que j’avais réussi à obtenir, à conserver, de ce faux semblant de normalité qui me permettait encore de vivre. Encore une fois, je restais générale, répondant sans donner davantage d’information :

- « Il faut s’éloigner. Rapidement. Le nombre est important. »

Un fangeux était déjà complexe à maîtriser, alors plusieurs, c’était du suicide, simplement, définitivement. Fronçant les sourcils, j’écoutais la suite de ses propos, décontenancée, je venais déjà le mettre en garde et je devais en plus lui trouver une solution pour sauver le petit cul de ses collègues ? Écarquillant les yeux, je secouais doucement la tête, perplexe. J’avais fait ce qui devait être fait, rien ne m’obligeait à aller plus loin, rien ne m’obligeait à faire en sorte de tendre davantage la main. Il devait en avoir conscience, il devait s’en douter et pourtant via son interrogation il essayait de me demander de l’aide, du moins, le percevais-je comme ça. Il serait simple d’emmener la troupe dans un piège, simple de les amener juste où je le voulais pour laisser les autres s’occuper de cette milice que je n’aimais pas, pourtant, cela ne me disait rien.

- « Tu vas faire ton métier, non ? Alerter de la présence d’une bannie. »

La suite devrait être logique, la troupe ne se concentrait plus que sur moi, avec suffisamment d’avance et ma connaissance du lieu j’avais une grande chance de disparaître. Il suffisait juste de me faire voir, de me dévoiler au bon moment. Quelque chose me murmurait qu’il refuserait inévitablement cette solution, alors, en tout acquis de conscience, j’avais reculé d’un pas, puis d’un deuxième, offrant ma silhouette à un des hommes un peu plus haut. L’alerte fut donnée plus rapidement que ce que j’avais bien pu penser, l’homme hurlant à s’en égosiller les cordes vocales « BANNI BANNI ». J’avais dû afficher un léger sourire sur mes lèvres, alors que mon regard se reportait sur mon interlocuteur principal. Fais ton travail, pensais-je avec force, attaque-moi, lance-toi à ma poursuite. Et l’unique mot qui s’échappe encore de mes lèvres fut toute autre chose :

- « Bonne chance »

Juste après, je m’étais précipitée pour disparaître dans la forêt du côté opposé de la progression des hommes. J’étais rapide et agile, signe de mes nombreuses années de présences dans le coin, je savais pertinemment que si je parvenais à atteindre les hauteurs du marais, je pourrais disparaître dans les ruines des demeures de pêcheurs restant ici et là. Je n’imaginais pas une seule petite seconde me faire attraper, j’étais confiante et dans le pire des cas, j’osais garder l’espoir que ce Rosalis me viendrait en aide, fermeraient les yeux sur ma présence. À moins que ce soit lui qui cherchait à me manipuler, à moins qu’il change d’avis ? Maintenant que j’avais une troupe de miliciens au derrière, ce n’était plus le moment de réfléchir, plus le moment de douter. J’avais choisi la zone la plus boisée, celle qui où les arbres étaient nombreux et dont je connaissais l’emplacement presque sur le bout des doigts, j’avais un avantage grâce à ça, ça me permettait de ne pas être vue en permanence et juste au bon moment, je m’étais laissée tomber sur le sol jusqu’à rouler dans un petit terrier, terrier que je recouvrais immédiatement de feuillage et de terre accrochée ensemble que j’avais montée moi-même de mes petites mains. J’avais normalement à leurs yeux disparu.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]   [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar] EmptySam 8 Déc 2018 - 21:37
Elle ne lui donna pas son nom et si Gondemar fut tenté de le lui demander directement, l'urgence de la situation imposait de laisser de côté ce genre de détail pour se concentrer sur l'essentiel, à savoir éloigner les Miliciens de la zone de danger. Oh il se doutait bien qu'en temps normal une Bannie telle qu'on pouvait l'imaginer au sein de Marbrume aurait voulu les précipiter dans un piège plutôt que de les en éloigner, mais il fallait croire qu'effectivement la jeune femme n'était pas de ce genre. C'est ainsi qu'aux questions qu'il posa lui fut répondu des évidences qu'il aurait préféré ne surtout pas entendre. Se servir d'elle comme appât, c'était une technique qu'il désapprouvait et elle sembla ne pas avoir besoin de son accord pour agir malgré tout. A peine s'était-elle décalée sur le côté que Gondemar réalisa ce qu'elle faisait, ouvrant la bouche pour protester, alors que dans son dos résonnait le cri d'un de ses collègues en lieu et place de ce qu'il s'apprêtait à dire. "Et merde" songea-t-il alors que la renégate affichait un sourire satisfait, leurs regards se croisant et partageant la même pensée l'espace d'une brève seconde.

- « Bonne chance »

Une inspiration plus tard, l'homme de haute taille dégainait son épée alors que la jeune femme s'enfuyait à toutes jambes, le Milicien sur ses talons, ainsi que le reste du groupe armé. La course-poursuite commença et si Gondemar courait suffisamment vite malgré son gabarit, ce n'était pas le cas de ses collègues hormis peut-être le vétéran qui fort heureusement s'était préalablement suffisamment éloigné pour que la fuyarde et son premier poursuivant aient une longueur d'avance. Gondemar nota cependant qu'elle courait bien plus vite que lui, n'ayant pas d'épée ni d'équipement pour la ralentir. Il la vit disparaître de sa vue, chutant vers le bas et il ralenti à peine en arrivant au niveau de la planque, ne voyant rien de plus que le camouflage et, retenant un sourire, continua sa course en accélérant de nouveau. Il mena ainsi ses collègues sur encore une bonne centaine de mètres avant de ralentir progressivement, mimant la déception et reprenant son souffle en haletant, pestant faussement.

- Je l'ai perdue !

Lança-t-il à ses collègues qui arrivaient à sa hauteur, lesquels jetèrent des regards partout autour d'eux.

- Quoi ? Comme ça ?!

- Elle courait vite la saleté, elle m'a distancé et je l'ai perdue de vue.

On lui tapota l'épaule d'un geste compréhensif, chacun reprenant son souffle avant qu'au loin un hululement sinistre ne résonne, celui de fangeux qui avaient dû être attirés par les brefs cris des Miliciens.

- On dégage, retour au campement et on prévient les autres qu'il y a du fangeux dans le coin.

Chacun des Miliciens acquiesça gravement, dégainant son épée pour le chemin du retour et cheminant en formation serrée tout le temps que dura le trajet pour retourner audit camp. Gondemar pour sa part ne manqua pas de ressasser l'échange qu'il avait eu avec la jeune femme, même s'il avait été aussi bref que leur première rencontre. A présent qu'ils étaient quittes, allait-il la revoir ? Ou bien se tiendrait-elle loin du danger qu'il représentait, surtout en présence des autres ? Une part de lui voulait pouvoir encore lui parler, lui demander son nom, savoir comment elle survivait dans un monde aussi hostile, mais la voix de la raison lui soufflait qu'il valait mieux qu'ils ne se revoient pas, question de sécurité et de survie.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]   [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar] EmptySam 8 Déc 2018 - 23:45
Silencieusement, j’attendais que le temps passe, que le danger s’estompe, que les miliciens disparaissent et que la fange ne soit plus. Les hurlements, la course poursuite avaient attiré les monstres, les vrais. Naturellement, la peur m’avait envahie, si les Hommes ne pouvaient pas me trouver, ne pouvait pas percevoir dans ma cachette, pour la fange c’était différent, elle avait cette faculté de trouver ceux qui faisait semblant d’être mort, alors mettre la main sur une planque si proche de la terre. L’angoisse avait fini par s’estomper, les heures par s’écouler, le fangeux présent par s’éloigner. Je m’étais extirpée de mon trou, qui aurait pu devenir ma tombe si la bête m’avait mis la main dessus et c’est avec cette idée en tête que j’étais retournée au village. Ma deuxième rencontre avec l’homme d’armes avait marqué mon esprit. Nous étions quittes cette fois-ci, définitivement. J’étais convaincue de ne plus jamais le revoir. Plus jamais.

-- 21 Janvier 1166 --
-- Village de Monpazier --

Les jours qui avaient suivi cet étrange événement m’avaient prouvé que j’avais raison. Je n’avais plus cherché à revoir ce milicien, je ne l’avais plus recroisé. C’était une bonne chose, du moins, cela me soulageait. J’avais fini par retrouver mon quotidien non pas sans un certain plaisir. Le village n’avait pas été mis au courant, hormis ma fuite vis-à-vis des hommes d’armes, après tout, à qui n’était-ce jamais arrivé d’être entraperçu, rien de suspect en soit. Aujourd’hui était différent, la pluie avait fini par se lever encore une fois, ce qui n’était pas rare à cette période de l’année. Je n’étais cependant pas au village, non, j’étais à Monpazier. Pour la première fois depuis bien longtemps, j’avais dormi dans un véritable lit, au chaud, dans des draps. Cette nuit était issue d’un troc équitable, d’un marchandage intensif entre le fils du tenancier et moi-même. Il avait eu besoin d’une suicidaire pour faire un trajet jusqu’au Labret et je l’avais fait sans hésiter, évitant la fange.

Évidemment, le paquet n’était en rien légal, ce qui avait davantage justifié mon implication, mais ça, moi je m’en fichais pas mal. J’avais gagné une nuit au chaud, dans une véritable chambre, un bain et une brosse offerte pour l’occasion. Une brosse. Je ne portais pas des vêtements sales non, je portais mon jupon et mon haut en tissu, ancien certes, mais sans le moindre trou. J’avais eu envie de ne plus être banni pour un jour seulement et si une fois le soleil couché je retrouverai ma tenue de cuir trop large, pour l’heure je n’étais juste que moi. Isaure Hildegarde.


- « Madame Hildegarde ? » fit une voix derrière la porte « J’ai préparé un plateau-repas, avec votre trajet… Je me suis dit que ça vous ferez du bien. Père vous offre d’ailleurs une nuit supplémentaire. »

Je n’avais pas répondu, bien trop heureuse, bien trop joyeuse pour ouvrir immédiatement. Après plusieurs minutes derrière la porte, l’homme avait fini par descendre les marches retournant à l’étage inférieur, là ou différents clients devaient déjà l’attendre. Enfilant mes bottes, que j’avais astiquées là aussi avec soin, j’avais tiré une grimace en détaillant les ouvertures qui laisseraient passer encore inévitablement l’eau, la bouge et les cailloux. J’avais déjà essayé à de nombreuses reprises de le recoudre un peu, mais après autant de rafistolage ce n’était plus possible. J’avais ensuite ouvert la porte avant de descendre, soulevant mon jupon pour éviter de trébucher dedans. Je n’avais plus l’habitude d’avoir quelque chose de ce type sur moi, mais ce n’était pas si désagréable, par habitude, une fois en bas, je n’avais regardé personne, je m’étais installée à l’endroit que le tenancier m’avait indiqué, proche d’une fenêtre, avisant l’extérieur. Un plateau avec divers éléments devant moi. Ça sentait bon et j’avais faim, terriblement faim, mais par habitude, je sentais le moindre aliment que je portais à mes lèvres, le testait a préalable sur ma peau, on voulait tellement faire disparaître les bannis que je trouvais les attentions beaucoup trop belles, trop intenses pour cela soit vrai.

La crainte de me retrouver en mauvaise posture était finalement beaucoup trop importante et ce fut sans grande surprise que je repoussais le plateau qui me faisait pourtant tant envie. J’avais peur, peur qu’on cherche à me faire disparaître, peur qu’on me reconnaisse en tant que bannie, peur de me retrouver une nouvelle fois humiliée. Alors j’avais choisi de rester silencieuse, à ma place, détaillant l’extérieur avec un certain intérêt. Je pouvais rester des heures ainsi, à regarder, analyser, voir les couples s’entrelacer, les connaissances discuter, voir la vie d’un village s’épanouissant. L’homme avait fini par s’approcher, visiblement contrarié que je ne touche pas à sa préparation :


- « Madame Hildegarde, vous n’avez pas faim ? Ce n’est pas à votre goût ? »
- « Je.. Non… Je n’ai pas très faim » mentis-je alors qu’une nouvelle fois mon ventre hurlait famine.

L’homme avait certainement compris mon inquiétude, si bien qu’il se sentit obligé de me prouver que je ne craignais rien, avalant une gorgée du breuvage chaud, puis coupant un morceau de pain, grignotant les sucreries glissées sur le plateau et avalant le tout. Il m’avait offert un sourire, ce genre de sourire que j’étais incapable d’afficher sur mes lèvres, puis était reparti, me laissant de nouveau seule avec ce plateau-repas que je pouvais commencer à déguster. Et maintenant ? Maintenant j’avais bien dans l’idée de rester là, de ne pas bouger, de profiter d’un peu de confort aussi minime soit-il.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]   [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar] EmptyDim 9 Déc 2018 - 13:15
Monpazier, village aux portes du Labret composé de courageux paysans, de quelques rares commerçants et de solides barricades défendues par des Miliciens qui assuraient une rotation régulière pour permettre de se reposer chacun son tour. Le groupe de Gondemar avait aidé l'exploration à faire plusieurs battues ces dernières semaines, venant en renfort suite à plusieurs blessés par le fait de Fangeux qui s'étaient révélés plus hargneux et vicieux que d'autres avant eux. Les Hommes repoussaient progressivement la Fange, fut-ce parfois de seulement quelques dizaines de mètres par jour, pourtant lentement mais sûrement leur lutte portait ses fruits et les chemins entre les différents villages se faisaient petit à petit un peu plus sûrs, même si la menace perdurerait encore longtemps. Quoi qu'il en soit, l'ancien soldat et ses collègues avaient eu droit à un quartier libre pour trois jours ce matin-là et le moins qu'on pouvait dire, c'est que c'était plus que bienvenu. Ils avaient crapahuté sous l'orage, dans les bois et même le début des marais, s'exposant à bien plus de dangers que d'ordinaire, eux qui s'occupaient surtout de la sécurité des convois en temps normal. Qu'à cela ne tienne, ils s'en étaient sortis indemnes et sitôt le quartier libre donné, Gondemar avait décliné toutes les propositions de ses collègues pour aller se restaurer, boire et s'amuser ensemble, affirmant qu'il comptait manger et dormir durant ce laps de temps qui leur était accordé. On le charria bien un peu, mais on le laissa aller vaquer à ses occupations, les autres décidant de gagner le plateau même du Labret et, notamment, Usson qui les appelaient avec son centre-ville animé et ses nombreux commerces. C'est ainsi que chacun s'en alla de son côté et que le milicien, pour sa part, revêtit un manteau long par-dessus son armure de cuir afin de dissimuler son statut et son épée, s'en allant vers le seul endroit où l'on pouvait manger avec appétit.

- Une soupe avec un morceau de votre viande la moins chère, une miche de pain et un broc d'eau, s'il vous plait.

Commanda à mi-voix l'homme de haute taille au tenancier qui se tenait au comptoir, ce dernier lui adressant un regard prudent, presque méfiant aurait-on pu dire.

- Vous venez travailler dans l'coin ?

- Non, je suis juste de passage quelques jours. Vous avez des chambres ?

- Ça oui j'en ai, vous avez de quoi payer ?

Le pseudo voyageur déposa sur le comptoir deux pistoles, levant sur son vis-à-vis un regard bleu glace indéchiffrable. Le tenancier prit une des pièces et la porta à sa bouche, la mordant un peu avant de la retourner entre ses doigts, finissant par hocher la tête avec un sourire.

- Avec ça mon bon sir, vous aurez un bon lit et vos repas pour plusieurs jours. Combien de temps restez-vous ?

- Trois jours et trois nuits.

- Bienvenue alors. Installez-vous à une table, j'vous apporte ça dans un instant.

Puis s'excusant, il contourna le comptoir et s'en alla près de la fenêtre où une cliente semblait ne pas vouloir toucher à son repas. Gondemar suivit la scène des yeux, aimant toujours voir et entendre ce qui se passait dans un endroit où il comptait séjourner, avant de froncer les sourcils en apercevant le visage de la jeune femme. Nulle capuche ne dissimulait sa chevelure, nulle armure de cuir trop grande pour son gabarit ne la couvrait et son visage était propre, dépourvu de pluie ou de boue, ni de branchage ou de feuille ou même encore de poussière sur ses habits. Le Milicien cligna des paupières, surprit, regardant le tenancier revenir alors que la cliente commençait à manger doucement, avec précautions. Il reporta son attention sur le gérant des lieux.

- Je vais m'asseoir.

Puis il se détourna, faisant quelques pas dans la salle avant de bifurquer vers la table située près de la fenêtre, prenant une inspiration avant de s'installer sur la chaise qui faisait face à la jeune femme, de l'autre côté de la petite table. Il afficha une ombre de sourire, bien que la curiosité demeure, mêlée à un certain amusement face à tant d'ironie du Destin.

- Bonjour.

Devinant par avance qu'elle puisse réagir avec crainte, il lui fit un clin d’œil complice de son orbite côté fenêtre puis resserra un peu plus le manteau autour de lui, qui faisait comme une grande cape épaisse dissimulant toujours son armure de cuir, les plastrons aux avant-bras exceptés.

- Ne dis rien, je ne voudrais pas me faire repérer. Je ne suis qu'un voyageur venu se reposer quelques jours, rien de plus. Il faut croire que les Trois ont un sacré sens de l'humour, tu ne trouves pas ?

Les Trois lui en soient témoins, il n'avait pas cherché à retrouver cette femme ni non plus à la traquer. Il n'avait fait que son travail, en vérité même il ne l'avait pas totalement fait et ne comptait pas le faire présentement là non plus. Un bon repas chaud et du repos, voilà ce à quoi il aspirait comme pouvaient le prouver ses traits tirés malgré le léger sourire naissant sur ses lèvres.


Dernière édition par Gondemar Rosalis le Dim 9 Déc 2018 - 16:20, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]   [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar] EmptyDim 9 Déc 2018 - 15:54
Installée sur ma chaise, le regard fixé sur un point sur l’extérieur je ne porte guère attention à ce qui se passe autour de moi. Je sais que c’est un tort, mais pour une fois, je ne veux pas passer pour une sauvage, mais pour une femme qui savoure tranquillement un repas en solitaire. Que puis-je bien risquer dans un établissement aussi simple et pittoresque, loin de la milice et de la grande ville ? Ici, je n’étais que madame Hildegarde et peu connaissait ma véritable condition. Mon ventre hurlait famine et après que le tenancier m’ait prouvé que je ne risquais rien, j’avais finalement commencé à manger. La chaleur du repas ne pouvait être qu’agréable, une véritable explosion des papilles. Je n’avais plus l’habitude de manger autant et surtout aussi bon. Je ne connaissais que les poissons, les infusions de plantes, les mélanges étranges d’aliments qui ne devraient même pas pouvoir se marier ensemble et parfois, quand la chance me souriait, j’avais un peu de pain dur. Cette fois-ci, le pain n’était pas dur, le liquide était bon, et le repas copieux et surtout rassasiant. Si j’avais réussi à me contenir au début, vu de l’extérieur par la suite, je devais passer pour un véritable ventre sur patte.

Malheureusement pour moi ce moment agréable s’estompa rapidement, lorsque j’avais dû relever mon regard de mon assiette pour me concentrer sur la raison de la chaise non loin de moi qui m’étire, jusqu’à y voir s’installer une imposante silhouette masculine. Mes yeux avaient dû soudainement crier ma détresse alors que j’avais eu ce léger mouvement de recul, c’était lui, le milicien, Rosalis, celui qui m’avait aidée pour finalement me courir derrière pour éviter à ses collègues de se retrouver engloutis par la fange. Est-ce que je regrettais cette main tendue ? Pas vraiment, plus quand j’avais appris qu’un groupe d’armes avaient quelques jours plus tard tué plusieurs membres du village, dont une gamine qui n’avait commis que pour une unique faute d’êtres naît au mauvais endroit, au mauvais moment. Silencieuse, je n’avais pas répondu à son bonjour ni à son clin d’œil, n’étant pas certaine de le comprendre. L’homme semblait avoir dans l’idée de manger à ma table et comme par crainte de le voir me chaparder mon alimentation, je ramenai le tout minutieusement vers moi. Partageuse, je ne l’étais pas, stupide, peut-être un peu.


- « Je ne trouve pas non… » répondis-je à sa phrase, je ne voyais rien d’amusant à la situation, convaincue qu’il allait revenir sur ses décisions passés « Je ne suis aussi qu’une simple voyageuse là uniquement pour me reposer un peu. Le royaume est petit… la coïncidence aussi… Beau manteau en passant.»

Je ne pouvais pas m’empêcher de le détailler avec suspicions, le hasard ne faisait que rarement bien les choses et les coïncidences n’avaient jamais eu le moindre sens positif à mes yeux. Pourtant, je l’imaginais mal avoir fait tous les villages à ma recherche, il lui était d’ailleurs impossible de m’avoir suivie. J’étais certainement encore un peu naïve, mais certainement pas dénuée de bon sens, ou même aveugle. Abandonnant son observation, j’avais vérifié les environs, pas de trace de miliciens autre que lui, c’était définitivement bien trop étrange, étaient-ils peut-être morts finalement ? Quoiqu’il n’aurait pas cette tête-là, il avait l’air fatigué, pas déprimé.

- « Tu as vraiment mauvaise mine, la chasse serait-elle trop épuisante pour ton âge ? Il faut savoir se ménager… Et tes amis, ils ne sont pas là ? »

Le tenancier avait coupé la conversation sans le vouloir, venant simplement déposer la commande de l’homme qu’il ne connaissait pas. Son regard avait dû s’appuyer une seconde sur ma silhouette, m’interrogeant du regard, afin de s’assurer que je reste discrète, que je ne le mette pas dans l’embarras. Encore une fois, j’avais la sensation de n’être qu’un rat, qu’un rien qu’on déplace, qu’on utilise, puis qu’on jette, un brave mouchoir en tissu usagé. Rien de plus.

- « Tu peux terminer dans ta chambre Hildegarde si tu veux, ne déranges pas trop longtemps notre brave voyageur… Monsieur, voici votre commande. Si je peux faire quoi que ce soit d’autre, je ne suis jamais très loin. »

Si avant son arrivée, j’avais eu cette envie de communiquer, une fois le tenancier reparti, j’étais bien silencieuse. J’avais osé rêver d’un peu de normalité, mes espoirs venaient de s’envoler. Si le responsable des lieux me tolérait parce que je l’avais aidé, a la moindre vague, le moindre problème, la moindre suspicion de problème c’était bien la porte qui m’attendait ou pire la dénonciation. Si mon assiette était déjà presque vide, celle de mon interlocuteur était pleine et fallait-il bien l’avouer beaucoup plus appétissante que la mienne. Ressentait-il à ce point, l’obligation de me narguer ? Lâchant un soupir, je détaillais finalement l’extérieur, fuyant son regard ou sa présence, mais restant, le temps de terminer l’infusion, du moins, c’est ce que je n’avais de cesse de me répéter. La vérité c’est que plus je croisais cet homme, plus il m’intriguait, comment un milicien pouvait côtoyer une bannie avec autant de sérénité ?
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MessageSujet: Re: [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]   [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar] EmptyDim 9 Déc 2018 - 16:15
Évidemment qu'elle ne trouvait pas le sens de l'humour des Trois plaisant, forcément, il suffisait de voir la façon qu'elle avait eu de se crisper lorsqu'elle avait levé les yeux sur lui, quand elle l'avait reconnu. Voilà bien une expression qu'il n'avait vu que trop souvent chez autrui du fait de sa seule apparition et, s'il en fut contrit intérieurement, extérieurement il ne laissait paraître que la compréhension d'une telle réaction. Elle était Bannie, il était Milicien, leurs chemins n'auraient pas dû pouvoir se croiser plusieurs fois sans que l'un d'entre eux ne finisse mal et pourtant. Il hocha la tête quand elle affirma n'être qu'une simple voyageuse, affichant toujours une ombre de sourire malgré la fatigue qui le tenait, fatigue qu'elle ne manqua pas de souligner d'une pique qui arracha une légère toux amusée à l'homme de haute taille.

- Épargne un peu le vieillard que je suis alors et cesse de me courir après comme ça.

Retour de taquinerie avant qu'il ne secoue plus gravement la tête.

- Non, ils sont allés se changer les idées ailleurs, nous sommes en repos

D'où sa présence ici, d'où le fait qu'il porte sur lui ce manteau qui semblait faire de l’œil à la jeune femme, leur échange étant brièvement interrompu par le tenancier qui venait apporter sa commande à l'ancien soldat. Celui-ci le remercia poliment avec un léger sourire, son estomac criant famine dans le même temps. Il écouta d'une oreille la suggestion du maître des lieux, le regardant s'éloigner d'un air songeur avant de reporter son attention sur sa vis-à-vis.

- Hildegarde hein ? Ça te va bien.

Avisant leurs assiettes respectives, il hésita brièvement, découpa le morceau de viande dont l'odeur le faisait déjà saliver, lui qui n'avait mangé que des morceaux secs et salés depuis le début de la mission. Il jeta un regard autour d'eux puis, d'un geste vif et rapide, déposa la moitié de sa viande dans l'assiette de la jeune femme avant de reposer ses couverts l'air de rien, la défiant soudain d'un regard bleu glacial.

- Je te préviens, je ne te fais pas l'aumône. C'est pour ton silence.

Comme s'il avait besoin de ça pour ne pas révéler qu'il était Milicien, alors qu'il était évident que tôt ou tard en trois jours on finirait par s'en rendre compte, ne serait-ce déjà de part son allure, sa vêture ou même le cliquetis métallique de son équipement sous sa cape longue. Faisant comme si de rien n'était, Gondemar commença à manger, plaçant la miche de pain entre son plateau et celui de la Bannie comme s'ils partageaient effectivement leur repas ensemble, tout naturellement.

- Je ne te causerais pas de problème, je suis de repos, je n'ai que faire de ce qui se passe sous mon nez pendant ce laps de temps, ni qui sont les gens que je fréquente.

Un bref coup d’œil vers son visage, accrochant son regard, avant de revenir à son repas. Il commença par la viande, évidemment, faisant en sorte de manger proprement, mais bien trop rapidement pour ne pas trahir la faim qui le tenaillait et dont il s'occupait présentement. Soupirant d'aise, il prit quelques secondes pour en savourer le goût avant de la terminer prestement, passant à la soupe de légumes encore fumante. Une part de lui s'en voulait de manger sous le nez de la jeune femme, aussi lui jetait-il de fréquents coups d’œil, lui désignant tantôt le pain, tantôt sa soupe, cherchant à deviner si elle avait encore besoin de se restaurer. Il pouvait bien partager un peu plus si nécessaire, il était suffisamment économe la plupart du temps pour se permettre un peu de rab quand il le fallait.
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MessageSujet: Re: [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar]   [Terminé] Faut-il toujours une proie et un chasseur ? [Gondemar] EmptyDim 9 Déc 2018 - 18:53
- « En repos » répétais-je simplement « Je me demande qui cour après qui »

Drôle de manière d’imaginer cet état de fait, après avoir fait couler le sang, après avoir abattu ceux qui essayait de survivre encore et toujours, l’homme était en repos. Mes lèvres ne s’étaient pas étirées en un quelconque sourire, détaillant cet homme comme je ne comprenais définitivement pas. Pourquoi restait-il en ma compagnie, pourquoi ne cherchait-il pas meilleure interlocutrice ? Pourquoi me choisir encore et encore sans me trahir, sans me traverser de sa lame, sans faire son devoir de milicien. Qu’attendait-il exactement ? Je ne pouvais pas m’empêcher de m’imaginer le pire, je n’arrivais pas à l’envisager comme quelqu’un de bon qui tout comme moi essayait de survivre. Il était un homme imposant, sa carrure large, son visage plutôt carré, des premières rides indiquant son avancée dans le temps. Le tenancier était venu déposer le plat commandé par mon compagnon de tablée. La voix de Rosalis avait fini par se faire entendre, appuyant sur son prénom, la complimentant et l’unique réponse que j’avais réussi à fournir n’était d’autre que ce mouvement d’épaule.

- « Si ça ne m’allait pas bien, est-ce que tu le dirais aussi ? »

Il avait agi par la suite rapidement, un peu trop à mon goût. Il avait coupé sa viande en deux, me mettant une partie dans ma propre assiette qui était vide. Mon regard s’était écarquillé, instinctivement, j’avais repoussé le tout, lentement, avant de froncer les sourcils devant son argumentation. Me prenait-il pour un pigeon ? Il allait être trahi par sa manière de s’exprimer, par sa manière de faire, de se comporter, de se déplacer, ce n’était pas moi qui allais le trahir non, c’était lui, toute seule. Est-ce qu’il en avait conscience ? Ou est-ce qu’il s’imaginait que j’étais l’unique menace. Non, il n’était pas stupide. Détaillant le morceau avec envie, j’alternais entre la viande et le visage de l’homme d’armes. Hésitante. Évidemment que j’avais faim, évidemment que cela me donnait envie. La viande j’en mange, dès que la chasse est bonne, mais pas celle-ci, non, pas préparé avec autant de soin.

- « C’est de la gentillesse surtout non ? » le questionnais-je « Tu es quoi au juste ? Un suicidaire ? Qu’est-ce que tu cherches ? »

La sonorité de ma voix n’était pas agressive ni réprobatrice, j’étais sincèrement curieuse. Signe de ma pacification, j’attaquais doucement, très lentement mon morceau de viande. Je ne l’avais pas remercié par fierté et j’essayais d’éviter de lui dévoiler à quel point j’étais satisfaite et visiblement heureuse de cette saveur. Mastiquant lentement, j’avais fini par me détendre, tout du moins, par me décontracter, m’installant convenablement sur ma chaise, un léger sourire sur mes lèvres. Ce n’est que lorsque je sentis son regard sur ma silhouette que je repris ma mine bougonne. Hors de question de lui dévoiler que j’apprécié son geste, je n’étais pas une petite pauvre fragile, je n’étais pas là pour me faire entretenir par un milicien. Je n’étais pas une traîtresse.

- « Donc… Là, tu me parles et après ton repos, tu me traqueras, c’est ça ? »

La question avait fui mes lèvres naturellement, mais c’est ce que j’avais retenu de sa phrase. L’incohérence même de tout son comportement jusque-là et je n’y croyais pas. Si vraiment il avait voulu m’abattre, si vraiment il était contre notre présence, à nous banni, il ne m’aurait laissé aucune chance, n’aurait pas voulu me donner son morceau de pain, ne m’offrirait pas sa viande et n’aurait pas collaboré pour sauver ses amis. Je mangeais lentement, et je descendais ma boisson au même rythme, je n’étais pas hostile et ne cherchait pas à fuir, pour l’instant j’acceptais de communiquer sans avoir la sensation que ce soit une bonne idée. Il m’intriguait, c’était un fait, la raison de ma présence, la raison de ce dialogue, mais si lui attisait ma curiosité, lui, quelle était sa raison d’être venu à moi et de partager son repas ? Toujours avec attention, je l’avais analysé, observée avec minutie. Lui aussi semblait avoir faim, lui aussi ne semblait pas toujours pouvoir s’alimenter comme il le voulait. Sans rien dire, j’avais poussé du bout des doigts le peu qu’il me restait encore, mon infusion, un morceau de charcuterie et c’était tout. Je n’avais pas grand-chose, mais j’avais la sensation qu’il n’était pas aussi horrible que l’image que je pouvais avoir des monstres hommes d’armes.

- « Tes collègues sont encore vivants… ? Il ne faut pas retourner là-bas. La fange est active en ce moment, les pertes sont nombreuses. »

Parler de la pluie et du beau temps, ce n’était pas mon fort, mais ce dont j’étais convaincue à présent c’est qu’il ne méritait pas de mourir lui. Est-ce que des personnes méritaient réellement la mort ? En tout cas à mon sens, si les autres de sa troupe pouvaient perdre la vie, cela m’importait, il ne m’avait pas semblé différent de ceux que je redoute et que je n’aime pas.
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