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 Malins & Caprins - Guillemette

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GuillemettePaysanne
Guillemette



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MessageSujet: Re: Malins & Caprins - Guillemette   Malins & Caprins - Guillemette - Page 2 EmptyMer 16 Fév 2022 - 12:49
Terrée dans mon angle, derrière le dos lourd du seigneur, j'entends monter comme un roulement lourd : des pas, nombreux. J'entends Capscha cesser sa course affolée, gronder tout bas, repartir en sens inverse, vers la porte. J'entends le troupeau s'égailler un peu, me semble-t-il. Les dogues du noble commencent à tirer leurs laisses, les têtes se penchent de droite et de gauche, leurs oreilles pendant d'un côté puis de l'autre. Leur colère monte. L'homme et son sous-fifre sont debout, tendus. Les bruits de pas augmentent. Non. C'est des bottes, j'entends clinquer un peu de ferraille parmi les gémissements de la pluie.
Quand ça tambourine contre la porte et qu'une autre voix masculine se fait entendre, je me déporte un peu, pour mieux voir. Je me sens ridiculement petite, en retrait là-dedans.

Je vois débouler un contingent d'Usson, je reconnaîs le gros ventre de lune du brailleur de tête : il était présent quand j'étais allée faire tondre mes brebis, au printemps dernier. Ces regards lubriques et ses moustaches sales qui faisaient tomber les angles de ses lèvres épaisses m'avaient écoeurée. Il me salue, je grimace.

« Des connaissances à toi, la Mouette ? Nous aurez tu tendus traquenard ? Car cela y ressemble, manifestement. »

Je secoue la tête, vite, en ânonnant des " Non non non " de fin de souffle. Le glacé de mon ventre se resserre en poing. Ils sont là. Ils sont là. J'attrape le bras du seigneur, et je grince, complètement affolée :

" Ils sont là, dehors, ils sont là, par ma vie, par Anür, il y en a dehors, écoutez-moi. "

Il me toise sans bien comprendre de quoi je veux causer, et sa colère méfiante et vulgaire lui voile encore les traits et l'esprit. Je tends mon bras :

" Je les sens. Je les sens venir ! Ils sont ont sentis ! Je vous dis qu'il y en a dehors ! "

Je n'ai presque pas de voix. Dans la tonitruance de ces voix mâles, aspiré par mon angoisse qui me fait sortir les yeux comme des moyeux de roue, je n'ai qu'un filet aigu qui me coule des lèvres. Dehors, Capscha se met à hurler, les brebis se mettent à brailler, et j'entends s'agiter le troupeau. Je me jette contre la paroi de derrière moi, et plante mon nez entre les planches : là, l'odeur, elle est là. Ils sont juste là.
Je repousse les planches en me jetant en arrière :

" ILS SONT LA ! " pleine de sanglots dans la voix. Acculée. Acculée. Mon affolement bat le toit de la grange de ses grandes ailes : je suis piégée. La porte est encore ouverte, une partie des hommes d'Usson était restée à l'extérieur, et on les entend pousser les premiers cris.
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Mederich de CorburgComte
Mederich de Corburg



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MessageSujet: Re: Malins & Caprins - Guillemette   Malins & Caprins - Guillemette - Page 2 EmptyMer 16 Fév 2022 - 13:29





«  Y sont là, y sont là, elle est complètement con celle-ci. Bien sûr qu'on est là. » Bougonna le gros moustachu dans l’encadrement de la porte. Manifestement il pensait toujours avoir la main mise sur la situation et se comportait, comme il l’avait annoncé, comme le maître des lieux.

Pour le Comte de Corburg, c’était une autre affaire. Dans son esprit, les briques s’assemblaient à la vitesse d’un cheval au galop. Il lui restait de nombreuses options pour sortir de ce traquenard par la haute, l’important étant dans un premier temps, de faire diversion pour s’éviter de finir en pelote de laine mal dégrossie. Les tireurs devaient n’avoir qu’une petite zone d’action, aussi, par un bond de coté, il était fort probable que tout le monde s’évite un flèche dans l’arrière train. Pour sûr, le hasard, la chance, le destin ou les dieux, feraient que sans douter, un ou deux, peut être trois larrons, se blessent dans l’opération. Tout cela, sans compter les gens d’armes se trouvant dans le dos du gros, qui eux, savaient ou se trouvaient les tireurs et seraient se mettre hors de la ligne de mire tout en sortant belles dagues pour larder beaux croupions. Soit, voila un scénario bien peu optimiste, mais qui, une fois l’effet de surprise passé, donnerait forcément l’avantage aux Hardis Roukiers. Car les gredins n’étaient pas des guerriers et ils ne savaient surement pas à quoi s’attendre en se frottant à des gens savant manier l’acier. Une belle boucherie en prévision, mais pas de quoi casser trois pattes à une oie sauvage.
Mederich aurait apprécié donner l’ordre, il lui brûlait les lippes, mais sa tempe cognait douloureusement. L’alcool, la fumée, la surprise, les hurlements des chiens et par dessus tout, cette satanée donzelle qui piaillait elle aussi à la mort. Tout cela créait un imbroglio sans nom dans sa caboche et il fut sur le point d’exploser quand, les premiers cris s’élevèrent de l’extérieur.

La réel brutalité le frappa comme un coup de trique sur les doigts et tout devint clair.

«  La Fange. » Pesta t-il entre ses dents jaunes. 

Sans attendre, il délesta son marteau de guerre et le brandit d’une main ferme. Ce geste fut entraina une cascade de mimique et tout les chevaliers présents firent de même. De sa main libre, Mederich débouchons une outre qui pendait à sa ceinture et en aspergea la pique, la frappe et l’enclume de son arme. Les autres firent de même, aspergeant leurs lames. Une forte odeur d’iode se dégagea dans la pièce, une odeur qui fit aboyer de plus belles les dogues.



«  Par la queue de Serus vous avez tous été bercé trop prêt de la poutr… » Essaya d’articuler le Gros devant le spectacle qui se jouait devant ses yeux ahuris. Mais il ne put finir sa phrase, dans son dos, les hurlements inhumains venaient de couvrir les bêlements des chèvres et les brailleries des chiens. A dire vrai, il ne dirait plus une seule phrase, car en se retournant, le dénommé sans nom se trouva nez à nez avec un être qui lui arracha la gorge d’un coup sec de la mâchoire. La vermeille tâcha les murs, laissant l’assemblée admirer le terrifiant spectacle.



«  Un Ancien. » Bafouillia Mederich en resserrant sa prise. C’était le nom que les guerriers donnaient parfois à un tel être. On le reconnaissait par son allure, dépourvue de poils et de cheveux, dépourvue du reste d’humanité subissant parfois, une peau verdâtre, presque transparente, une gueule pleine de crocs plus longs que ceux des limiers et des griffes à l’apparence de poignard. Un Fangard venu des débuts de la Fange, un être qui avait survécut jusqu’ici et qui avait tout d’un fléau pour les hommes. 
Au dehors, les margoulins devaient être en prise avec un autre représentant de la non mort, car ils continuaient à hurler. Mederich se reprit, s’adressant à la jeune femme.



«  Rend toi prêt des limiers, ils se sacrifieront plutôt que de laisser cette bête s’en prendre à un être vivant. Ce combat n’est pas le tient Mouette. Vous autres, Roukiers, lames haute, gardez à l’oeil, préparez vous, il attaquera avec la rapidité du vent. Soyez fort. Une fois fait, chargez et frappez. Pas de répit. »



Mederich avait omit de préciser que la première cible serait sans doute une première victime. L’Ancien trônait, dégoulinant au milieu de la pièce en ayant déjà laissé quatre cadavres dans son sillage. Véritable démon de l’ancien monde, il avait ôté ces vies sans presque qu’on ne le remarque et dans ses yeux morts, il cherchait une nouvelle victime. Mederich ne put l’affirmer, mais à cette instant, il crut apercevoir une lueur d’intelligence, une lueur qui racontait une chose bien précise : Le Fangeux jaugeait ses adversaires et cherchait à trouver le maillon faible ; le Vieux Rab ne fut point surpris quand les mires sans vie semblèrent s’arrêter sur la jeune bergère.




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GuillemettePaysanne
Guillemette



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MessageSujet: Re: Malins & Caprins - Guillemette   Malins & Caprins - Guillemette - Page 2 EmptyMer 16 Fév 2022 - 20:18
L'égorgement fut si bref, mes dents se choquent sous mon hoquet de surprise. Le cadavre tourne sur lui-même, dans l'élan des mâchoires immondes qui lui ont arraché la chair jusqu'aux tuyaux. Mes yeux s'inondent et je perds le fil. Mes genoux se dérobent comme deux tiges et je m'affaisse contre la cloison de bois, derrière moi. J'entends brailler le seigneur. J'entends, mais je mets du temps à lier les mots entre eux. Moi. Ses chiens. Je les vois baver leur hargne au bout d'une logue chaîne qui les tient tous les trois ensemble, en éventail, autour d'un pilier de soutènement. Pilier. Mes yeux montent : la charpente est renforcée, trois grosses poutres traversent en large, à peine plus haut que mes bras levé, le ciel de la grange. Toutes mes alarmes sonnent à m'en faire saigner les oreilles. Il me dit d'aller aux chiens.

Je les regarde tous, ils sont dressés, jambes écartées, de soudards à soldats, hérissés, leurs lames brillent. Et malgré moi, je sens mes yeux aspirés vers l'immonde monstre qui est juste au devant de l'encadrement de la porte ouverte. Tout le monde est immobile. Je voudrais mourir là, tant ma terreur me pétrit les chairs de ses crocs. Je voudrais vomir mon horreur. Quand mes yeux rencontrent les siens, mon vertige me fait presque chuter. Sans réfléchir, je mets un pied sur le dos d'un des mâtins noirs, et me jette en l'air, les bras vers le ciel.
J'attrape la poutre et me hisse à une allure folle, tremblante, avec toute ma hargne de survie.
Mon mouvement brusque a fait basculer le monde. Le Fangeux a bougé.
Un bras humain vole, je vois un ventre arraché se vider entre les griffes du Fangeux. Il est plus rapide qu'un chien. Il est plus rapide qu'un loup. Je suis effondrée, horrifiée. Perchée accroupie sur ma poutre, parfaitement inutile.
Je touche le toit de mon dos. Je relève la tête. Sortir. Je commence à déceler des tuiles avec ma pointe de couteau. Elles sautent. Je tremble terriblement, les hurlements, les bruits de coups sourds, de chair qui se déchire, me font presque perdre la tête. La tuile saute. Je m'arcboute du dos contre les liteaux et pousse des cuisses, un pied dérape, je manque de chuter, réessaie, échoue. Je passe un bras à travers et la pluie frappe mon visage d'une grosse gifle. Je respire saccadé, suffoque. La mort est en bas, et je crains à chaque seconde de sentir quelque chose me transpercer une cheville. Les mains serrées sur les liteaux, je pleure, les dents serrées à me les déchausser. Sortir de là, sortir de là, sortir de là ! Je retourne mon visage en direction des combats. Le Fangeux est toujours debout.
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Mederich de CorburgComte
Mederich de Corburg



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MessageSujet: Re: Malins & Caprins - Guillemette   Malins & Caprins - Guillemette - Page 2 EmptyJeu 17 Fév 2022 - 8:48





Dans l’existence d’un bretteur il existait un moment unique, connut des seuls gens sachant manier l’acier et le fer. Un moment qui ne portait pas de nom et qui se définissait difficilement pour les profanes, mais que les combattants avaient tous vécus. Mederich lui donnait le nom de « fil ». Un instant ténu, éphémère, sans réel forme ni consistance, un moment ou le temps semblait se solidifier et qui pourtant, se déroulait à la vitesse d’un chariot au galop. C’était la période qui précédait le chaos, la folie et bien souvent la mort ; l’instant infime entre la vie et le trépas, celui ou ne subissait que l’expérience et la chance et les quelques réflexes acquis au court d’une vie de pratique. Autant dire, rien de bien engageant, surtout quand ce trouvait en face de vous, un être qui avait défié le vivant et qui évoluait maintenant dans une sphère lointaine, que nul âme faites de chaires et d’os ne pouvaient atteindre. Voila peut être le secret le plus effrayant de la Fange, outre la terreur et la douleur, c’était la compréhension même de son fonctionnement qui resterait à jamais un secret pour l’humanité. Un putain de secret que Mederich s’était juré de combattre jusqu’à son dernier souffle, quand dans la bruines et les vagues qui le portaient au loin, il avait observer son foyer sombrer dans les flammes et la mort. Corburg était tombé et tout les Fangards payeraient le prix de sa chute. 


L’Ancien avait finit d’observer, il avait fait son choix, et comme le Comte s’y attendait, tout c’était déroulé à une vitesse qui dépassait l’entendement. Alors que la jeune bergère avait cherché l’abris procuré par le trio canin et le poteau qui les retenaient, le mouvement vif de cette dernière avait du appâter l’appétit du monstre. Sans douter que la possibilité de finir sous les crocs acérés des mastiffs lui avait semblé une option moins reluisante que celle de plonger ses crocs dans une gorge chaude ; il s’était alors désintéressé de la donzelle pour fondre comme un véritable oiseau de proie sur le Sire Tueur de Chèvres Ier. Le jeunot avait à peine eu le temps de hurler.
Bien trop soumis à la peur et à la pression, il en avait oublié de tenir fermement sa lame recouverte d’eau de mer. Ne disposant pas d’une targue, il n’avait put se protéger correctement et quand l’Ancien fut sur lui, il eut pour simple réflexe celui de lever le bras pour contrer son attaque. Erreur fatal qui lui couta le membre. Volant presque jusqu’au plafond et à la cachette de la mouette, le brandon sanguinolent à la main toujours attaché n’était lui plus soudé au corps de son propriétaire. D’un simple revers, le Fangeux lui avait arraché avant de fendre son armure au niveau de l’estomac pour lui arracher la tripaille. 

Le fil était rompu. Le moment était venu.



«  Corboie ! Sainte-Rikni ! » Hurla Mederich, déclenchant l’hallali.

Tous s’élancèrent en avant. Du moins, tout ceux ayant trouvé assez de courage pour se sortir les doigts du fondement, surmonter leur peur et choisir de défier le mal par la lame. Mederich était rompu à l’exercice, ce n’était pas la première fois qu’il allait au devant de la mort et surement pas la dernière. Dans sa tête, plus aucuns objectifs à part celui de terrasser la bête et d’afficher sa tête au tableau de chasse. Mais dans l’opération, Côme de Broque fut bien plus rapide que lui, il le devança d’un élan semblable à celui d’un cerf sautant les futaies et abatis son lourd tranchoir sur l’omoplate droite de l’Ancien rampant. Le coup fut sec, précis, net et aurait sans douter trancher n’importe quel homme en deux, mais le Fangeux n’en était plus vraiment un. Comme s’il avait sentit le coup venir, il avait réussit à se dégager, un brin de seconde avant, si bien que la lame n’avait ripé que partiellement sur son corps visqueux et sanguinolent. 
La bête n’avait même pas hurler, se contentant de borborygmes glutturaux, avec l’elasticité d’une araignée géante, elle se retrouvait maintenant en face de la troupe armée qui s’opposait à elle. Cette fois ci les hommes étaient resserrés, prêt à abattre leurs lames, le prochain coup ne serait pas en sa faveur et elle le savait. 



C’est alors qu’une tuile s’écrasa au sol, puis une seconde et une troisième. La quatrième frappa la tête du Fangeux ce qui le poussa à lever son regard sans vie en l’air. Il y vit la jeune bergère qui cherchait l’escampette par la haute, mais il y vit surtout une cible désarmée, atteignable et qui ferait un met de choix, sans acier et sans fer. Bien qu’ils n’appréciaient en général guère l’escalade, cet Ancien la était rôdé à l’exercice et c’est avec la souplesse d’un mille pattes qu’il se créa ses propres prise, prêt à aller chercher son dut prêt de la faitière.





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GuillemettePaysanne
Guillemette



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MessageSujet: Re: Malins & Caprins - Guillemette   Malins & Caprins - Guillemette - Page 2 EmptyJeu 17 Fév 2022 - 21:17
Sa hideuse tête semble prendre des proportions insensées : je suis tétanisée. La terreur m'a verrouillé les jambes jusqu'aux hanches, et mes bras sont morts. Je n'ai plus que mes yeux, et mon horreur. Je me suis réfugiée tout contre le toit, près du mur, et le Fangeux a déjà atteint ma poutre par le pilier central. Je ne vois que son torse, ses jambes étant encore dessous lui.
Quand une voix d'homme rugit, je m'élance comme une sauterelle. Mon coeur me bute contre les dents. J'atterris mal, roule mal. Il est sur moi il est sur moi il est sur moi ! Mais non. Je me suis relevée en pleurant, sans même savoir comment, et par-dessus mon épaule, je vois les dos des chevaliers, et puis le monstre. C'est encore moi qu'il veut, mais les fers hérissés qui lui font barrage lui ont coûté quelques secondes. Je me jette à la porte et m'arrête, saisie : le deuxième me fait face. J'hurle, recule d'un sursaut, puis comprends : il lui manque un bout de flanc, ses côtes saillent au blond du feu comme des lames, sa gueule vomit son sang bleuâtre entre ses dents. Il est plus petit. Je sais que dehors, tout le monde est mort.
Mon talon fait tinter du fer. L'épée, au bout du bras arraché.

Le fangeux sur sa poutre a pris sa décision, et il a sauté. Par un réflexe de chienne, j'ai jeté mon dos au mur en pivotant, tenant à deux mains, les coudes collés au corps, l'épée énorme qui pointe en l'air. Je vois une lame grise percer son flanc en plein vol, une autre trancher dans une jambe. Son élan est brisé, sa tête plonge. Je saute, sur place, comme une grenouille, et pointe mon arme vers le bas. Le bras du monstre est en l'air, il va me frapper, il m'a visée, il m'aura. Il fait voler mon épée, fauche une de mes jambes, et je me cogne brutalement la tête et l'épaule au sol. Un jet de liquide chaud m'asperge toute la face. Je passe ma langue sur mes lèvres, les yeux collés, à demie assommée, et le goût brûlant et aigre me ramène tout à fait à moi. Un bruit sourd.

J'ai ouvert les yeux : les deux fangeux sont deux cadavres, l'un à quelques pas de la porte, sans tête, l'autre si près de moi que je sens ses derniers soubresauts tandis que sa gorge béante vomit sur la terre battue.
Quand je lève la tête, le Comte de Corburg, debout, dégouttant de sang bleu et de sueur, son étrange arme à pointe qu'il tient comme un marteau, gluante jusqu'à la garde, me regarde.
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Mederich de CorburgComte
Mederich de Corburg



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MessageSujet: Re: Malins & Caprins - Guillemette   Malins & Caprins - Guillemette - Page 2 EmptyVen 18 Fév 2022 - 8:37





Mederich avait observé de nombreux fangards depuis l’arrivé de la Fange. 
Les dieux devaient toujours être de son coté car, il s’en était toujours sortit. Du moins, prenait-il les dispositions nécessaires pour ; ne jamais vaquer seul en pleine nocte était un des principaux commandement à suivre quand vous souhaitiez survivre plus d’une lune dans ces contrées mortes. La seconde était de toujours être bien armé, très bien armée. La troisième, était d’être toujours bien protégé, très bien protégé. Tout cela mit bout à bout, on arrivait à une augmentation drastique des capacités de survie d’un individu, encore mieux quand il s’agissait de lui même. C’était peut être la un des seuls avantages à se coltiner une bande de blanc bec avide de pouvoir et de gloire : ces imbéciles étaient toujours du genre à vouloir briller et pour cela, ils n’hésitaient pas à quelques folies qui faisaient facilement d’eux des appâts aux yeux des non-morts. Ainsi, l’attention était détourné, l’existence sauve. Rien de bien compliquer me diriez vous.

Mais à l’instant présent, la situation était d’un cocasse que le Vieux Rab n’avait jamais expérimenté. Cette salope de momie suintante était entrain d’escalader les parois du murs, puis le poteau centrale qui menait à sa proie, la jeune donzelle. Cette simple information avait de quoi laisser pantois : ils étaient des dizaines et des dizaines de bons penseurs à lui avoir affirmé que ces créatures n’étaient pas réellement capable de grimpouille, sauf dans certaines conditions bien précises. Une vieille grange en ruine faisait-elle office de condition bien précise ? Mederich se nota mentalement d’aller, une fois son retour dans la Cité de Brume, torcher le cul de ces gratte-papier avec une bonne limaille de fer. De quoi leurs faire les arpions. 

Heureusement pour elle même, la Mouette avait tout de l’agilité d’une belette. De son point d’observation, Mederich pouvait sentir sa peur, pis sa terreur, mais aussi une forte notion du sens de la survie. Réagissait-elle sûrement comme un animal traqué, à l’instinct, et tant mieux, car c’était exactement sa position en cet instant. Il pesta contre lui même de n’avoir point pris de vilains d’armes avec lui ; ces coquins bouseux n’étaient pas souvent utile, mais au moins, utilisaient-ils quelques lanceurs de traits type arbalestre qui auraient été bien efficace maintenant. Le Comte dut ravaler sa bille, serrant avec force les poings sur son arme, comptant les secondes et retenant son souffle alors que la donze et la bête jouait à saut de mouton dans les airs. 
Quand elle s’écrasa au sol, ce fut le moment de ressortir l’acier. 

Ils bloquèrent le saut de l’Ancien par une levée d’acier et de targe. Tout ce passa très vite, Mederich fut complètement prit dans la masse de ses ouailles qui firent le premier pas avant lui, prêt à trancher du visqueux. 

C’est quand il tourna du chef, qu’il aperçut alors la seconde bête dans l’entrebaillement de la porte. Celui ci était manifestement plus jeune et disposait encore des traits d’un être humain. Manifestement une transformation récente, même si, les nombreuses blessures qui le faisaient saigner lui donnaient un aspect cadavérique que biens des cadavres de cimetières ne possèderaient jamais.

La Mouette était prise entre deux feux, des feux froids et sans âme, prête à la dévorer. Alors, le Vieux Rab, sachant qu’il ne couvrirait pas la distance à temps, fit ce qui lui semblait le plus juste. Du heurtoir de son corbin, il frappa l’anneau de métal qui retenait la longe de ses trois limiers; Rath, Sham et Mausen. Les cabots ne se firent pas prier, ils saignaient du cou à force d’avoir trop tirer sur leur chaîne mais filèrent en avant comme le vent, crocs à l’air. Mederich accompagna cette charge canine de quelques cris d’encouragement féroce. Sans douter que les chiens auraient trouvé une mort certaine face à un adversaire en pleine forme, mais le Fangard était bien affaiblit et il ne put résister à l’avidité des mastiffs qui le plaquèrent au sol et le décapitèrent dans un concert de jappements, de hurlements et de grognements.



Un problème de moins, mais il restait encore l’Ancien.



Ce dernier avait réussit à passer la barrière de lames par un saut digne d’un crapaud. Il avait prit quelques coups et récolté quelques blessures, mais son instinct de prédateur le faisait toujours avancer, machinalement en direction de la Mouette. La gueuse tenait une lame comme s’il s’agissait d’un brandon et un bretteur habile devinait sans douter, qu’elle n’en avait jamais eu de telle entre les pognes. Mederich qui disposait d’une petite avance sur ses chevaliers ne réfléchit pas et bondit à son tour. La surprise, la chance ou encore ces foutus dieux devaient être de son coté, car il réussit à enfoncer le pic de son corbin dans la boite crânienne de l’Ancien alors même qu’il allait porter le coup fatal à la métayère. Alors que ce fut le chaos, le silence s’installa. Même les dogs avaient cessés de grogner.
Le Comte de Corburg haletait, il avait perdu deux hommes dans cette histoire. Foutue Fange.

Dégoulinant de sueur et de sang, il saisit un chiffon de toile qui devait appartenir à un des malandrins retournées à trépas et commença à essuyer son arme. Se tenant toujours prêt de la donze, il tenta quelques paroles réconfortantes.


«  Relève toi bergère, nous devons brûler les cadavres avant qu’ils ne se relèvent. Tu n’en fais pas partis, voici belle et bonne récompense. En suite, nous finirons de souper. Aide mes hommes à trouver du bois. Tu pourras te servir dans les poches des coquins, si tu le souhaites. Ils n’en auront plus besoin. »



Il ne lui tendit pas une main, pas un autre regard, mais Mederich était pourtant plutôt content de ne pas la compter parmi les victimes. Il lui fallait toujours un éclaireur pour la journée de demain et qui d’autres qu’elle ?





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GuillemettePaysanne
Guillemette



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MessageSujet: Re: Malins & Caprins - Guillemette   Malins & Caprins - Guillemette - Page 2 EmptyVen 18 Fév 2022 - 22:10
Je suis atterrée. Le hideux visage qui me toise l'est plus encore maintenant, déformé par l'effort, assombri par le sang gluant et bâtard du Fangeux.

Ma tête me fait mal, mon épaule aussi, un peu, mais j'ai surtout les jambes coupées. Je me suis à demie redressée, sur le flanc, et une soudaine convulsion me fait vomir ma viande de tantôt en une grosse masse rose grumeleuse. Elle couvre le visage du cadavre inhumain qui est toujours assez près de moi pour que je puisse lui compter les dents dans sa gueule ouverte. L'horreur m'assourdit.

Capscha.

Ce seul mot me fait me redresser. Capsha, Capsha. Je chancelle à la porte, tangue sur quelques pas, et tombe des deux genoux dans le gras de la terre saturée d'eau. Mes deux bras pendent, lamentables, le long de mes cuisses, mes cheveux se collent en exsudant leur jus gris que la pluie délave. Ma chienne se jette tout d'un bloc sur moi, et je tombe à la renverse. Inerte, je la laisse me labourer le visage de coups de truffe, de coups de langues frustrés car le goût du sang du fangeux doit être abject, de grands coups de front quand elle essaie de fourrer son museau sous ma tête. Elle gémit et geint et ouvre sa gueule, claque des dents, envoie ses pattes griffues. Je réalise que je sanglote au moment où un second haut-le-coeur me fait rendre sur mon côté. Je suffoque mes larmes et ma bile, prends les bourrades de ma chienne en pleine poitrine, et finis enfin par enrouler mes bras sur sur échine et fourrer mon nez au creux de son épaule. Elle s'immobilise.

Je suis trempée, boueuse, les jambes jusqu'aux fesses marinant dans l'espèce de vase argileuse que la prairie inondée est devenue. Je prie qu'il ne cesse de pleuvoir. Les gouttes froides qui claquent sur mon front, mes épaules, mes bras, mes hanches, me vident en ruisselant dans mes vêtements. Je veux fuir. Des nez de chèvres me touchent la nuque, je distribue mes mains à qui veut, et elles se resserrent pour quémander. Je vois flotter un peu plus loin un amas de dos gris. Les brebis sont là également. Je veux filer. Si je pouvais.

Mais l'ordure à marteau ne me laissera jamais faire. Il semble aussi perturbé par la tuerie qu'un de ses chiens l'aurait été par le sac d'un terrier de furets. Mes jambes recommencent à trembler quand j'y songe et j'enfouis à nouveau ma tête contre Capscha. Elle est poisseuse, puante, je l'ai couverte de ma souillure. Je me relève lentement, et cherche à pouvoir me nettoyer. Des amas de tissu, des membres épars, décorent le devant de la grange de couleurs affadies par le plomb du ciel. Il continue de baver sur les forêts autour. Ses fils de salive font luire les sapins et donnent aux vieux saules un air abattu et engourdi. Il n'y a rien autour, alors je fauche avec mes mains des brassées d'herbes touffues et me les frotte sur la face et les bras. Je voudrais rester dehors. La pluie vaut mieux que ces hommes.

Il veut du bois ? L'imbécile. Qu'est-ce qu'il veut trouver sur ce plateau spongieux écrasé sous la pluie depuis quatre jours pleins ? Ma peur devient ire, et l'amertume mousse à mes lèvres qui se tordent avec dédain. Je prends une lourde inspiration et retourne à l'intérieur.
Là, les hommes ont fait " le propre ". Les cadavres sont entassés au centre de la grange, et des monceaux de litière qui avaient été repoussés dans les coins sont venus couvrir les mares de sang. Il faut les brûler maintenant, ces cadavres aussi trempés de sang que de pluie et de ce mucus visqueux qui couvre la peau des revenants. Je regarde autour de moi ; la promptitude avec laquelle mon " protecteur " a douté de moi me fait le craindre plus encore. Si je ne lui obéis, je finirai fendue en deux, ou percée d'un trou rond dans la boîte crânienne... Et puis je prends une décision, me tourne vers la porte, la saisis, bras écartés, plie mes genoux et cherche à la force de mes cuisses à la dégonder.
Elle ne bronche pas, bien-entendu. Plus lourde que prévue, je fais trembler mon dos et mes épaules en vain. De gros rires gras, des moqueries, un brame viril et nerveux m'assaillent tout de suite. Je les sens tous bien plus émus et branlants que leur chef ne me l'a semblé. Quand mes yeux lui passent dessus, ils sont accrochés par son homme de droite, celui qui m'a frappée tout à l'heure. Il est bras croisé près de son Comte, et il me perce d'un oeil fixe, vide, un oeil de jars, un oeil de chien. Il m'a l'air franc comme de l'eau, ce garçon. Et il ne m'aime pas. Je fulmine sans bruit. Les autres ont sorti la porte de son chambranle, et à grands coups de fer, ils l'émiettent en planchettes et copeaux.

Je me suis reculée, près du béant, et j'indique d'une voix de corbeau :

" Il y en a d'autres dehors... "
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Mederich de CorburgComte
Mederich de Corburg



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MessageSujet: Re: Malins & Caprins - Guillemette   Malins & Caprins - Guillemette - Page 2 EmptyDim 20 Fév 2022 - 20:31





Le Vieux Rab se tenait au centre de cette scène, véritable phrase en ruine face à la vague de déchéance que provoquait comme à chaque fois la Fange. Mederich avait souvent vécu cette situation, trop à son gout, mais après tant d’année à vivre face à la terreur, quand cette dernière se matérialisait réellement, il n’y avait rien d’autre à faire que l’affronter. Tandis que ses ouailles s’affairait à s’occuper des morts au plus vite, il prit le temps des les juger, un par un. Certains avaient plutôt bien tenu le choc, d’autres, bien moins. Mais tous vaquaient à cette dégradante occupation sans frémir, sans rechigner, et surement pour les plus peureux, en chiant dans leurs braies. Autant dire que ça nuirait comme il fallait la chiasse dans les abords de cette grange en ruine. Des choses qui n’atteignait plus le Comte, son renifler étant complètement en dehors de ces préoccupation. Prêt des flammes, il se servait de rapide et grosse goulée de l’alcool fort qu’il appréciait tant. Une vieille habitude, même s’il avait finit par se calmer sur sa consommation d’alcool au fil des années. Surtout depuis que tout les Corbiens - ou presque, étaient mort. 
Un peu comme s’il leurs devaient de tenir. 

Mederich avait parfois la sensation d’être le dernier des sangliers à connaitre la futaie. Mémoire vivante et décrépie d’une histoire qui ne serait jamais plus. Lui et Sigmund faisait office de derniers Corbiens, à eux deux, ils étaient Corburg. Une perspective triste, qui du temps ou ils étaient plus nombreux, l’avait fait plongé dans une mélancolie profonde. Aujourd’hui, il ne pouvait se permettre de perdre la caboche, ou trop de faits, trop de souvenirs, trop de passé serait tout simplement oublié à jamais. Une lourde responsabilité, peut être la plus lourde qu’il n’ait jamais eu à porter.

«  Les feux vont mettre du temps à prendre Monseygneur. Nous devrions peut être clôturer la porte et quitter cet endroit au plus vite, nous reviendrons avec plus de… »
«  Es-tu devenu fou Côme ? Nous ne laisserons pas le problème à d’autres, pis encore, faire perdurer la Fange ne me semble pas une très noble d’âme. Je ne donne point crédit à la vie des cul terreux de Genevrey, mais sans eux, nous aurons du mal à nous ravitailler. »



Les deux hommes grommelèrent en acquiesçant du chef, satisfait. Mederich pointa son regard sur la jeune bergère qui était entrain de trouver quelques forces en elle pour s’occuper de la lourde porte. Elle avait manifestement envie de bien faire, ce qui, pour une paysanne était déjà une bonne chose. Mais devait-elle réellement s’occuper du seul rempart face à l’extérieur ? Avait-elle trop peur de se mouiller ? Sans point douter. Mais il ne la blâmerait point, car aucuns de ses coquins n’avaient eu le courage de mettre une jambière à l’extérieur. Devrait-il tout faire lui même ?!



«  Tu as néanmoins raison, cela prend trop de temps » Pesta Mederich alors qu’il appréciait la vue de ces imbéciles qui, trop fier d’avoir trouvé du bois, se mirent à transformer la porte lourde en buchette de petit bois. 



«  Vous autres, cessez promptement par Rikni. Vous vous fourvoyez par excès de paresse et nous n’avons pas le temps de paresser Messyeurs. Ressortez vos lames. Nous allons trancher les têtes des morts. » 



Solution peu orthodoxe, mais plus rapide et tout aussi efficace. S’ils se transformaient tout de même en fangard, ils ne feraient pas grand dégats. Une solution qu’ils entreprirent de tous mettre en oeuvre, cette fois ci en rechignant un peu plus. Quand la voix croissante de la jeune femme s’éleva dans les airs, le temps sembla se figer. 
Mederich se rendit alors à l’évidence, il n’avait toujours pas lâché son marteau d’armes. 



«  Faites avec hâte Meyssieur, puis éteigniez le feu. Quand à toi Mouette, remet-en aux Dieux, nous allons passer une courte nuit à prier pour qu’ils nous évitent. Sans quoi, ce sera à nouveau l’acier et le sang. »



Un rire de corneille déplumé s’échappa de son glissoire, un rire étouffé. Mais plus personnes ne riaient maintenant.



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GuillemettePaysanne
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MessageSujet: Re: Malins & Caprins - Guillemette   Malins & Caprins - Guillemette - Page 2 EmptyLun 21 Fév 2022 - 18:45
Les hommes lâchent la porte avec humeur, soulagement, grossièreté. Je reste ballante. Je me sens tirée de droite et de gauche comme par une laisse autour de mon cou, et ça me frotte dans le mauvais sens. Je suis plus trempée que si j'avais plongé toute entière, un feu, même nauséabond, m'aurait paru de bon aloi. Mais le voilà qui s'impatiente, change d'ordre, toujours avec son air d'évidence, comme si l'on aurait dû l'anticiper avant lui puisque c'était si simple. Je frissonne. Ce mois d'avril est froid, la pluie continuelle a beau piéger l'air sous ses nuages de fer, l'air n'est plus qu'humidité, et on brasse dedans comme dans un étang visqueux.
J'ai froid.

Je regarde dehors, avec une folle envie de pleurer, de me jeter en avant et de disparaître dans mes bois que je connais si bien. Démerdez-vous de vos affaires ! Je suis épuisée aussi, maintenant. Je frissonne, ôte ma longue mante de laine feutrée imbibée jusqu'à la gorge, et l'essore à grands tours de bras, la fais claquer, et la pends à mon coutelas que j'ai planté dans un pilier.
Je ne comprends pas ce qu'il veut me dire quand il parle de "passer une nuit à prier". D'humeur, j'attrape quelques copeaux, les réunis près de mon porte-manteau de fortune en un petit cône replet, sors une de mes petites vessies d'huile, mon amadou spongieux, et mon briquet de ma sacoche de cuir. J'asperge amadou et bois de l'huile après avoir percé la vessie d'un petit coup de canine, et bats mon briquet à répétition. Je me concentre, les yeux froncés sur ma tâche, pour oublier les bâtards enarmurés qui me font toute ma triste compagnie. Mon petit feu crépite. Je prie pour que le seigneur m'oublie un peu. Je suis à l'écart, autant que faire se peut dans l'espace restreint, non loin de la porte béante, et me musse au plus près des flammèches pour me réchauffer un peu. Je n'ai qu'une veste de laine et mes vêtements de chanvre, une surjupe de vieille bure élimée et des jupons fins. Tout a bu la pluie à bonnes gorgées. Je grelotte en me frottant les bras, faisant fi de tous les bruits alentours, ignorant toute exclamation gutturale, m'isolant dans mon humeur et ma rancune. Capscha et les bêtes sont dehors, et m'attendent.

Je crois qu'ils ont prévu un tour de garde, mais je n'écoute pas. Je me couche sur le flanc, la face au feu, et espère que le sommeil me soustraira au froid.
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Mederich de CorburgComte
Mederich de Corburg



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MessageSujet: Re: Malins & Caprins - Guillemette   Malins & Caprins - Guillemette - Page 2 EmptyMar 22 Fév 2022 - 10:12





Une nuit de terreur, une nuit sans lune ou s’en remettre aux dieux étaient le dernier recours possible.
Une nuit elles furent nombreuses par le passé, à scruter le vide, le noir et les ténèbres à la recherche d’une forme ou d’un mouvement qui vous précipiterait dans l’horreur et la violence. Voici comment Mederich avait apprendre ces quelques heures avant le lever du jour, l’humeur taciturne comme de coutume. Il était resté le joufflu presque au sol, le dos collé contre un antique poteau de bois, à ce demander si c’était son corps ou la poutre vermoulu qui tenait encore l’édifice debout. Puis il avait scruté, scruté sans relâche à l’avant, son marteau d’arme toujours bien en main, sachant trop sûrement qu’il ne gagnerait pas l’avantage en cas d’une attaque surprise. Oh qu’elle était belle, la protection d’épaisse et grosse muraille. Qu’il était fantoche de s’y accrocher par habitude, qu’il était bon de se sentir en sécurité, que tout cela était risible une fois les fesses dans la boue dans une étendue sans protection outre que celle conférée par l’acier. S’il l’avait voulut, il aurait noyé son âme dans l’alcool, il aurait plongé dans les souterrains de sa pensées, il se serait perdu jusqu’à oublié toutes notions de temps, de peur et d’humanité. Mais il n’en avait rien fait, préférant continuer à observer.


Dans cette nuit d’encre ou le vent et la pluie n’avaient point cessé, Mederich n’avait pas réellement dormit. Somnoler à peine aurait été plus juste et ils savaient que nombreux des siens, si ce n’est l’entièreté, avait fait de même. Qui pouvait réellement dormir alors que seul une porte débondé vous séparez d’un adversaire redoutable, capable de vous transformer en charpie, de vous faire passer de vie à trépas dans un battement de souffle ? Ayant lancer un regard sombre en direction du coin ou se calfeutrait la Mouette, il y distingua quelques lueurs annonciatrice d’un feu de paille qui fumait plus qu’il ne brulait réellement. La colère monta en lui, n’avait-elle pas entendu ses ordres ? Coquins que ces paysans à toujours penser savoir mieux, à réclamer le feu comme la phalène réclame sa flamme. Un temps il envisagea de la punir, mais un temps seulement, car le suivant, finalement il s’endormit.

L’espace d’un instant, point plus. Le type de réveil qui vous laisse groggy, la caboche en vrac et les idées aussi venteuses que la brise soufflante au dehors. Il savait qu’à peine une heure c’était étiré, mais une heure assez longue pour qu’enfin pointe les premières lueurs de l’aube. Si elles n’étaient pas annonciatrices de salut, elles avaient au moins le mérite de passer quelques éclairages sur les cimes, de quoi éviter de vous faire surprendre par une horde fangeuses vengeresse. Mederich en profita pour transmettre sa méshumeur à ses compagnons, puis il se rendit en direction de la jeune femme et la réveilla d’un coup de pied peu tendre, sachant un simple.



«  Debout. Nous devons partir. Tu ouvres la route. »



Les hommes étaient dans un coltard graisseux mais ils s’en extirpèrent vite au son de la voix du Vieux Rab ; Mederich n’était pas connu pour son zèle de fainéantise, au contraire, avec lui, tout le monde semblait toujours avoir une demi heure de retard. Et le Comte de Corburg en avait déjà plus qu’assez de la campagne, souhaitant arriver à Salers et en repartir, au plus vite.



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GuillemettePaysanne
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MessageSujet: Re: Malins & Caprins - Guillemette   Malins & Caprins - Guillemette - Page 2 EmptyVen 25 Fév 2022 - 10:34
Une botte me laboure les côtes et me fait bondir hors du sommeil dans un état d'alarme brutal. Il me faut quelques secondes pour comprendre, et mon angoisse se fait alors dévorer par la colère. J'ai eu terriblement froid, toute la nuit, et me suis réveillée à maintes reprises, nourrissant de quelques brindilles supplémentaire mon petit cône fumant. Ma mante est, par conséquent, un peu plus sèche, juste assez pour que je m'en réjouisse brièvement.

Je regarde dehors. La pluie a élargi ses interstices, affiné ses gouttes, allégé son plafond : le ciel est parcellé de lignes noires entre des écailles grises, en peau de serpent. L'aube ne se sent qu'à peine, une fine ligne de lumière brille tout à raz de l'horizon. Je me dis que la mer doit être éclairée, que ça doit être joli, que si j'étais seule, j'aurais mené les brebis à mon point haut du plateau pour aller regarder le bref moment durant lequel le soleil serait passé par la fente austère qui a dessoudé les nuages de l'eau plate. Mais j'ai toute une tripotée de marcassins et sangliers mal équarris à me traîner, en sens opposé, jusqu'à demain. Je me retiens de les regarder. Je suis prête.

Je le signifie d'un geste du doigt au seigneur, avec une révérence réduite au bascule de mon front dans sa direction, pointant vers le dehors. Je vais inspecter mon troupeau. Personne autour de la grange. Je siffle, très aigu, fin comme un fil de soie, et attends. Capscha déboule à fond le train, fusée noire dans les herbes hautes, me percute les tibias de son flanc, gémit, bave, tremble, et repart aussi sec rassembler ses ouailles. J'entends à l'intérieur les miennes, d'ouailles, s’enharnacher de fer et de bottes lourdes. Le seigneur sort, me tape une épaule pour m'envoyer sur la voie : Allez.

Un œil sur mon troupeau, un geste à Capscha, et j'emporte mon fardeau dos au matin.

Je regarde régulièrement le ciel, j'espère une accalmie mais je le sens obstiné dans son débordement, et l'ouest demeure baveux et luisant sur les forêts. La grange où nous avons dormi se trouve à la jonction de trois chemins de sangliers, peu empruntés. Un pour la tour Sud, un pour la tour de la Mine, un pour Genevray. Personne, sauf moi, les biches, les laies avec leurs marcassins, n'emprunte ces sentes légères. Mais elles me conviennent, serpentant de bosquets en haies larges, elles me mènent toujours à l'un de mes abris. Elle suivent un arc qui contourne les fermes et les villages, et coupent droit, au plus court, les quelques routes du Labret. Je suis plus proche de la martre et de la laie que des hommes.

Nous marchons la matinée durant, au bas des champs boueux, au dedans des chemins creux, aux lisières des bosquets étroits de marronniers blonds et de charmes tordus. Je marche vite. Avec la pluie, la fatigue, le froid, et l'horreur de la soirée d'hier dans son entièreté, je ne veux plus que me débarrasser de ces sagouins guerroyeurs, et nourris un feu haineux dans mon crâne pour me tenir chaud. Nous marchons environ trois heures comme ça. Mes bêtes commencent à se plaindre, et Capscha doit pousser les jarrets du croc. Je sais que juste derrière ce dernier bosquet, qui suit la pente douce du plateau en descendant vers la gauche, il y a une vaste plaine. Je l'ai pâturée au cours de l'hiver, et les herbes sont plus courtes, mais il leur faudra se contenter de ça pour aujourd'hui.
Je ne contourne pas le petit bois : des chênes et des hêtres, cernés de bouleaux écaillés et de touffes de noisetiers âgés, et protégé par une houle de ronciers plus hauts que ma tête et large comme une charrette attelée. Mais j'ai mes petits couloirs, et mes suiveurs, dans leurs armures de cuir et de métal, ne râleront pas pour quelques épines n'est-ce pas ?
Je me faufile entre deux troncs, glisse dans un petit fossé, remonte en m'accrochant au bois jeune d'un fayard blanc, et me hisse au-delà des ronces. Les grands chênes ont fait place nette, et la pluie s'écarte avec respect. Je lance ma trille, jette mon doigt vers l'avant, et Capscha fait gronder les sabots des bêtes en leur faisant traverser tout droit, jusqu'à l'autre bord, duquel elles se déversent dans la prairie que l'on devine entre les branches. Je reste en arrière. Ici, j'ai deux arbres à moi, et je décide qu'ici, je ferai un feu, et je me sècherai avant de repartir. Je prends une grande respiration, puis me tourne vers le seigneur.

" Monseigneur, je dois faire pâturer mon troupeau. Je vous demande la permission de deux heures de repos ici, où nous pouvons faire des feux pour nous sécher, et pendant lesquelles mes bêtes pourront se remplir pour pouvoir repartir. "

J'ai mis autant de miel dans ma voix que je le pouvais, mais quand je rencontre ses yeux, je ne peux enlever des miens tout le fer que j'y ai accumulé depuis le cauchemar de la veille.
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Mederich de CorburgComte
Mederich de Corburg



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MessageSujet: Re: Malins & Caprins - Guillemette   Malins & Caprins - Guillemette - Page 2 EmptyVen 25 Fév 2022 - 13:28




Mettre une troupe en marche révélait toujours de l’exploit, dussent-ils être une dizaine ou une centaine.
Mais pour des hommes qui avaient affronté l’horreur dans les limbes sombres de la nuit passé, l’aube se révélait être la plus salvatrice des compagnes. Son arrivée réchauffa les coeurs et les culs, bien qu’en vérité il ne fasse ni chaud ni beau ; la pluie n’avait pas cessée et rendait moite et humide tout ce qu’on pouvait deviner à des kilomètres à la ronde. Les lourdes gouttes qui tombaient toujours ruisselaient sur la barbe grisâtre du Vieux Rab qui, de son regard d’acier mort habituel, toisait ses ouailles se mettre en marche. Personne ne rechignait, personne ne cherchait à jouer le tir-au-flanc. Qui aurait sincèrement voulut rester en tel endroit ? Entouré de cadavre mort depuis déjà trop longtemps et de trépassé méconnaissable ne disposant plus de tête. Une bien belle scène de la réalité à laquelle la Fange avait habitué l’humanité depuis sa terrible arrivée. Un quotidien banal aujourd’hui pour ceux qui maniaient toujours le fer. 



On avait promulgué les derniers sacrement du guerrier aux hommes de bonnes valeurs tombés. Leurs corps profanés ne pourraient être ni enterré ni brûlé aujourd’hui, aussi, devrait-il se contenter d’une tombe à ciel ouvert dans un coin défréchit et sans grande gloire. Mais Mederich avait ordonné qu’on prélève chaque objets de valeurs leurs appartenants en plus de leurs épées. Ces dernières finiraient sûrement dans le caveau familiale, ou du moins dans leurs foyers respectifs. Les souverains et les bijoux seraient les seuls dédommagements d’on pourrait se contenter les familles. Puis on avait rassemblé les chevaux qui, effrayés par les fangeux, c’étaient éparpillé autours de la grange. Surement rassuré par la présence caprine, les bêtes n’avaient pas décidés de tourner des fers jusqu’à Marbrume et bien heureusement. Une fois cela fait, il fut temps de partir.



La Mouette imprimait un rythme d’enfer à la colonne. Elle avançait avec l’habilité des gens de sa condition sachant appréhender un terrain trop familier. Mederich tentait de faire bonne figure mais engoncé dans sa muraille d’acier et de mailles, il devait ressembler à un géant pataud tout comme le reste de sa troupe. Traîner les montures à travers les sentes à gibier fut une épreuve qui valurent aux moreau quelques corrections mal placées. Néanmoins, le Comte ne fit aucunes mentions de la difficultés du passage, sachant parfaitement à quoi s’attendre quand il avait mandé une ouverture de la route à cette jeune donzelle. On échangea très peu de mots durant tout le parcours et rien ne donna envie au Comte de le faire. A dire vrai, il trouva un brin dégradant de devoir avancer au milieu des cornues qui s’ébrouaient sous le rythme de la chienne qui servait de gardienne. En un sens, il avait l’impression de faire parti du troupeau et cela ne lui plaisait en aucuns cas. Aussi, son humeur en fut fortement affecté.



«  Cet alchimyste ne perd rien pour attendre. » Bougonna t-il a l’intention de Côme qui lui jouxtait les flancs. «  As tu trouvé que ce liquide salée est quelconque effet ? Est-il mort plus vite ? A t-il eu peur ? Queneni ! Ce margoulin de bas étages. Quand nous serons rentrés à Marbrume, je lui enfoncerai moi même ces fioles dans le fondement, qu’il s’en noy. » 


Une colère justifiée au prix de l’achat. Même si en réalité, Mederich avait été trop occupé pour observer concrètement les effets de ces breuvages sur les lames d’acier. Il espérait ne pas avoir à retirer du fer avant l’arrivée dans le village de Salers. Ce fut à peut prêt à cet instant que sembla se terminer la première avancé. Une clairière vaste après une futaie de grand chêne, se dessina à l’horizon. Un lieu qui avait tout d’un sanctuaire, mais un sanctuaire qui en réalité, n’était qu’illusoire. La Fange ne connaissait pas de murs.



«  Voici enfin les formes pour bonne requête. » Affirma Mederich, sarcastique. «  Accordé. Nous ferons ainsi . » Clama t-il rapidement en suite. Distribuant quelques ordres, il ordonna qu’on allume de gros feu dans des coins abrités, la lumière du jour couvrant leurs présences. Même si les attaques diurnes étaient rare, il restait bandits et larçinneurs à prendre en compte. L’opération prit quelques temps car il fut difficile d’allumer des brasiers au bois humide. On vit beaucoup trop de fumé au gout du Vieux Rab. 
Mais quand cela fut fait, on se mit à cuir quelques mets de route.
Il restait encore un peu de chèvre.



«  Mouette, approche. » Ordonna plus qu’il ne demanda. «  Combien de temps avant Salers à ce rythme ? Cet endroit m’est inconnu. »



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MessageSujet: Re: Malins & Caprins - Guillemette   Malins & Caprins - Guillemette - Page 2 EmptyLun 28 Fév 2022 - 19:33
Je les regarde apprêter leur camp de fortune, et m'aperçois que j'ai faim. Mes vêtements encore mouillés sur mon corps chaud de notre course s'abouchent à ma peau avec aigreur. Je vais pour m'éloigner jusqu'en lisière voir mieux mes bêtes quand je suis rappelée :

" Mouette, approche."

Je me traîne un peu d'une jambe et m'immobilise près du seigneur.

" Combien de temps avant Salers à ce rythme ? Cet endroit m’est inconnu. "

Je réponds aussi sec, j'ai bien largement eu le temps de me faire mes calculs durant la marche. Ce soir, on sera au bois.

" Demain, seigneur. Ce soir, on sera dans la forêt. "

Il pleut encore, mais à léger filet filtré entre les nuages comme entre des doigts, et je me refuse, aussitôt l'idée venue, à m'approcher d'un des trois feux que les soudards ont allumés. Sans vraiment porter attention au seigneur qui me surplombe de son nez de vautour, je fais le tour de mes petites planques en esprit, cherchant une dans laquelle me resterait de mes réserves mises à l'automne dernier. A l'extrémité ouest du plateau, tout proche des palissades qui l'enserrent tout entier pour retenir la fange autant que faire se peut, il y a l'unique châtaigneraie dont j'aie connaissance, et à l'automne, j'y mène les bêtes pour qu'elles s'épaississent du gras que les marrons leur fournit. Je me fais toujours quelques bons sacs, là, pour moi, je que répartis ensuite dans quelque trou ou autre perchoir bricolé depuis la reconquête, le long de mes parcours de pâturage. Je me sème ainsi des petites niches de réserve, quand, comme aujourd'hui, je ne rentre pas à ma grange recharger ma musette. Ce ne sont que des sacs, en général, de bure épaisse ou de chanvre brut, dans des terriers vides ou dans des trous de troncs creux, mais parfois je les ai suspendus, pour limiter un peu le sac des petits animaux qui me les ravagent parfois à l'hiver.

J'attends que le seigneur me libère pour aller me chercher ma pitance, et si j'ai de la chance, peut-être même trouverai-je un nid. Ici, beaucoup de grosses tourterelles des bois viennent nicher, et les grives et les geais bleus leur cèdent les meilleures branches. Je sais aussi que des merles luisants ont colonisé l'étrange conifère qui fait le coin du bas du bosquet sous lequel nous sommes abrités, et parfois, au sol, je trouve des perdrix, mais nous sommes encore trop tôt dans la saison.
J'ai décidément très faim...
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Mederich de CorburgComte
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MessageSujet: Re: Malins & Caprins - Guillemette   Malins & Caprins - Guillemette - Page 2 EmptyMar 1 Mar 2022 - 8:10




«  Demain. » Reprit-il machinalement entrain de calculer à son tour.


La nouvelle lui convenait à merveille même s’il affichait le minois d’une porte de grange à qui on aurait essayé de dessouder les gonds. Dans sa quête de rapidité, ils avaient bifurqué après Usson en direction du Sud, convaincu que le chemin serait bien plus rapide en dehors des sentiers battus. Pour sûr que cette route s’éloignée des villages, mais ces derniers représentaient aussi des haltes obligatoires ou il était nécéssaire de faire bonne figure et bonne pitance. Tant de temps perdus pour point grand chose. L’affaire devait être vite réglée, vite fait, vite bouclée. Mederich n’appréciait pas s’éloigner trop longtemps de la cité, car dans ce chaudron d’imbroglio qu’était Marbrume, les renards et autres charognards étaient nombreux ; on pouvait aisément ce faire prendre une place salement acquise par un ambitieux un peu trop pressant. 



Il chassa Mouette d’un revers de la main, comme on chassait une mouche d’un plat devenu trop froid pour être mangé. Bien qu’il appréciait la fougue de cette jeune donze, elle restait une torche-bouse local, il ne pourrait jamais ce lier d’amitié avec cette engeance sans faire fît de toutes les convenances de sa condition. Mais pour sûr, qu’elle se révélait être utile en ce jour ; s’ils gagnaient réellement autant de temps, le Vieux Rab tiendrait sa parole et là récompenserait comme il se devait. En attendant, elle n’était que la guide, l’ouvreuse, celle sur qui tout les espoirs reposaient et qui risquait plutôt gros en cas de déception manifeste. Des considérations bien sûr, que Mederich ne considérait pas. Le sort de la jeune femme était totalement liée à sa réussite, si elle fautait, elle n’aurait qu’à s’en prendre à sa propre insuffisance. 
Les nombreuses réflexions autours de ce sujet trivial ouvrèrent l’appétit au Comte de Corburg ; dans les feux, crépitèrent les mets que les Roukiers avaient réussit à sauver du massacre de la nuit. Mederich n’aurait put le juger, mais le fumet qui se dégageait des braises étaient différents de celui de la chèvre cuite. On aurait dit du porc, une viande grasse et l’odeur de suif qui s’infiltrait dans les humides bourrasques ne pouvait le tromper. Ses hommes avaient-ils fait les margoulins, pis encore, les pilleurs de cadavres ? S’étaient-ils servit sur les morts ? Sans point douter. 



On fit bombance, mais bombance frugale. Quelques fruits à coques, quelques tranches de pains déjà rassis et de la viande sans aucuns légumes. Un menu de Roy, que Mederich avait dégusté sans aucunes joies. Même les quelques lampées d’alcool fort n’avait pas réussit à lui tirer une seule risette. Il avait lancé quelques oeillades en coin à la bergère qui, avait sans point douter réussit à trouver une manne différente et ce nourrissait d’une pitance personnel bien plus ragoutante. Un temps il fut tenté de lui confisquer, de lui prendre le peu qu’elle avait pour se l’approprier. Le pouvoir était une drogue plus forte que n’importe lequel des alcools. Mais l’envie passa quand il toisa la mine déconfite de celle qui avait trop peu vécue encore. Diantre qu’il se ramollissait avec l’âge. 



Puis, quand il fut temps, il ordonna qu’on étouffe les braises et que la colonne reprenne la route. S’adressant à la jeune femme d’une voix forte, afin que tout le monde l’entendre :

«  Devant Mouette, presse le pas de tes cornues. Nous ne ferons plus de halte avant que la nuit soit tombé depuis deux heures. » 



Oui, c’était le plan. Avancé même dans l’obscurité.



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MessageSujet: Re: Malins & Caprins - Guillemette   Malins & Caprins - Guillemette - Page 2 EmptyMar 1 Mar 2022 - 14:25
Il me fait disposer d'un geste suffisant, et je décampe.

Je file en lisière et constate qu'une bonne partie des bêtes s'est couchée à chômer : dans ma hâte, je n'avais pas vu qu'elles étaient déjà tendues de la panse à l'aube à notre départ. Voilà qui est encore mieux : je ne suis pas allée jusqu'au grand bois depuis plus de six saisons, et à ma connaissance, il n'y a pas d'autre éleveur dans ses environs immédiats. Elles feront festin sans trop chercher, et je peux sans m'irriter les traîner jusque là-bas sans plus de pause.
Je m'esquive vivement et vais déterrer une de mes musettes, sous le charme qui se croit olivier avec ses orteils longs saillant du sol comme des lianes. J'en sors deux grosses poignées de châtaignes, parmi lesquelles bon nombre de véreuses au premier regard, quelques vieilles noisettes qui doivent être toutes flétries dans leurs coques, et un petit collier de chanterelles sèches. Je fourre le tout dans ma musette, et m'en vais, nez en l'air, patrouiller sous les futaies. Les nids sont rares, et j'ai peine à en repérer : la pluie et la précocité de la saison en fait de précieuses opportunités.
Un éclair d'un jaune fleuri happe mon oeil : un loriot. Je souris. Le mâle trille avec fureur dans les feuilles d'un tremble. Je parcours du regard toutes les branches accessibles et repère enfin le petit berceau hirsute et rond sur un rameau. La femelle est perchée un peu au-dessus. J'ajuste ma sacoche, et me lance à grimper.

Je me hisse aux branches basses rapidement, puis progresse avec autant de fluidité que mon excitation me le permet. Le mâle s'agite, s'envole, vrombit, injurie : j'atteins tout de même le nid. Je le décroche, le glisse entier dans ma manche, et redescends.

Lorsque je rejoins le campement, les hommes mastiquent, et leur vague bourdon fait presque silence sous les hautes branches des chênes. Je me creuse un petit foyer, use de mon amadou et de mon briquet sur un cône de brindilles et petits bois blancs, et fourre dedans les premières fumeroles le nid plein que je viens de voler. Durant la cuisson, je grignote mes réserves, et prends la chaleur des jeunes flammes blondes sur le ventre et les joues. Mes omoplates se dénouent enfin. Avec deux branchettes écorcées, j'extrais les œufs carbonisés et les châtaignes rôties des braises, et les enterre délicatement dans l'humus spongieux. J'en ai 5. C'est maigre, un œuf tiendrait dans mon poing serré, mais l'odeur lorsque j'en fais sauter la coquille me fait fermer les yeux un instant.
Je les avale sans plus penser.

Quand le seigneur se remet à aboyer, je somnolais un peu, adossée à un tronc, les yeux sur la plaine que je surplombe et où mon troupeau, qui s'est en grande partie relevé, s'occupe aux herbes et aux jeunes fleurs. La pluie a presque cessé, mais le vent froid venu du nord se traîne encore de grosses masses noires et lourdes dans le sillage. Ce soir, cette nuit, l'eau reviendra. Je soupire.

« Devant Mouette, presse le pas de tes cornues. Nous ne ferons plus de halte avant que la nuit soit tombé depuis deux heures. » 


J'hausserais presque les épaules. Le temps s'étire avec une mollesse insultante : vivement demain... Je trille, jaillis d'un saut hors du bosquet, et emporte vivement ma masse de bêtes et d'hommes dans mon élan. Vivement demain...


Le soir nous écrase de sa grosse main velue, le soleil n'a pas point de la journée, mais la nuit sait sans mal s'immiscer dans les soudures des nuages, et étouffer l'air dans sa froide obscurité. Le vent du nord nous fouette le moindre bout de peau, il s'est mit à gueuler un peu pour hâter ses nuages, et je prévois que la pluie qui nous vient sera glaciale. Mais je marche vite, et ça me tiens au chaud.
Pour éviter le vent, je suis les légères dépressions de terrain, et m'adosse toujours du flanc contre une haie épaisse. La forêt n'est plus loin. Qu'il veuille continuer ou non, nous devrons nous arrêter dedans, ce sera bien notre seul abri contre l'averse qui dévale du ciel à notre droite, et promet en souriant ses dards gelés à nos crânes fatigués.
Je fais pénétrer tout le monde sous le couvert menaçant des grands arbres, mais ne m'arrête de louvoyer entre les troncs que lorsque les chevaux ne se retrouvent plus capables de forcer les broussailles. Ici, le sous-bois est échevelé, serré, un amoncellement de bourgeons et de rameaux pointus qui accrochent la toile des tissus et des capes. La compagnie est un joyeux bordel de jurons : les branches sont basses, mais leur épaisseur nous mettra à l'abri de la pluie, et il leur est possible d'encore poser leurs séants dans les petits écarts que les buissons nous laissent.

" Monseigneur, voici le meilleur abri qu'on puisse se faire pour cette nuit. La pluie revient, et elle sera plus vicieuse que celle de ces derniers jours. Si j'étais seule, c'est même un peu plus profond que je serai allée me mettre. "

Je le regarde de par delà le dos d'un cheval qui m'expose son flanc en s'agitant un peu. Ce soir, je finirai mes quelques châtaignes, et tromperai la faim en allant téter une de mes chèvres. Demain... Demain, je rentrerai à Genevray aussi sec, et m'en irai au boulanger, au boucher et à la légumière. Demain...
Pour cette nuit, je me roulerai avec Capscha au pied d'un de mes arbres : un mélèze modeste, droit comme une flèche, mais dont les branches à aiguilles sont emmanchées par celles de deux gros aulnes qui l'escortent de près. Dans le mélèze, je peux grimper un peu, sans mes clous, et à un peu plus de la mi-hauteur, me jeter dans un de ses voisins chenus, dans lesquels j'ai déjà préparé mes quartiers.
Je murmure une basse prière à Anür, pour que notre nuit soit sans histoire, les yeux toujours sur le seigneur, attendant approbation.
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