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 [convocation] La nuit des hurlements

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Rosen de SombreboisBaronne
Rosen de Sombrebois



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 4 EmptyDim 17 Juil 2022 - 18:48


La nuit des hurlements
Rosen feat ...


« Touché ! »

Louée soit Rikni ! J’arbore un air sadique, triomphal. Touché. Je l’ai touché. Cela dit, je constate bien vite qu’il ne tombe pas.

« Oh ? » lâché-je étonnée comme il se met à courir vers moi.

Merde.

Je saisie ma lame en un éclair, dandine d’un pied à l’autre, légèrement voûtée en avant pour pouvoir lestement me déplacer et esquiver quelque soit le côté. Allez, approche. Approche ! J’analyse le plus rapidement possible la trajectoire et j’ai à peine le temps de pivoter sur le côté, prenant un appui intégral sur ma jambe gauche pour effectuer un quart de rotation en arrière que je vois le corps s’écrouler.

« Ah… d’accord. »

Bon. J’ai un petit rire fatigué, la pression retombe d’un coup. Tout ça pour ça… en tout cas, il ne se relève pas et je replace ma lame à la ceinture.

« L’information n’est pas montée assez vite au cerveau ? raillé-je le cadavre. La bienvenue à Sombrebois, avec l’hospitalité de la baronne. »

Je m’agenouille au niveau de sa tête pour récupérer mon arme.

« Bonjour... »

J’essaie donc de retirer la hache fichée dans son crâne, mais elle résiste si bien que je dois m’y prendre à trois reprises pour y parvenir.

« Au revoir. »

Un chaud jet vermeil m’éclabousse copieusement le visage et je souris alors, totalement grisée. Je replante ma hache là où elle était et passe mes mains dans mes cheveux pour les rabattre en arrière, puis sur mes joues, mes doigts sillonnant mes lèvres que je pourlèche avec délectation. On est loin d’un réel abreuvage même si un peu de sang a coulé dans ma bouche, mais ça ira très bien comme ça. C’est suffisant pour me redonner quelques couleurs, dans tous les sens du terme d’ailleurs.

Je tourne alors ma tête vers mon fils toujours amorphe suite au tranquillisant de Marie-Ange. Notre troisième massacre ensemble. Quand il sera plus grand, on se battra peut-être ensemble un jour, côte à côte, comme son père et moi l’avons déjà fait d’une certaine façon.

« Vois, fils. C’est du sang. Du sang des ennemis venus pour faire couler le notre. Tous les hommes aiment le sang. Toi aussi, tu l’aimeras. »

Je glisse délicatement mes doigts entre ses lèvres afin qu’il puisse lui aussi goûter cette petite victoire, découvrir le goût exaltant de ce liquide chaud et galvanisant. Le baptême du sang. L’odeur est tellement enivrante.

Ah, dire que Roxanne me considère tellement comme une…

Merde, Roxanne !

Clignant des yeux rapidement, j’émerge soudain de cette brève transe et bondis pour refermer la porte et la bloquer avec un banc afin de sécuriser l’endroit pour avoir un peu plus de temps devant moi. Je me précipite ensuite vers elle dans un vertige qui me fait tanguer un peu en chemin. J’aurais dû dormir un peu plus cette nuit au lieu de la laisser me baiser jusqu’à l’aube…

« Roxanne ! Roxanne, tu m’entends ?! »

Elle me regarde alors d’un air un peu sonné et je suis soulagée de voir qu’elle est toujours vivante. Je tâtonne le tissu poisseux sur sa hanche en réfléchissant à comment je pourrais bien la soigner.

« Ça va aller... je vais arranger ça. »

Je cherche autour de moi ce qui pourrait me servir. Je devrais peut-être aller chercher la besace de Marie-Ange… elle doit sûrement avoir ce qu’il faut pour des soins de premier secours. Des bandages pour comprimer déjà, faute de mieux pour le moment. Étrangement, Roxanne n’a pas l’air de souffrir plus que ça.

« C’est quoi tous ces plans foireux, hein ? je lui demande, une matière étrange sous les doigts que je ne remets pas encore. Et pour l’amour du ciel, quand tu me jures sur ta vie de te faire confiance, évite de crever… Surtout que j’ai dit que je voulais mourir dans tes bras, pas que tu crèves dans les miens ! »

J’esquisse un gloussement qui aurait pu être plus franc si quelque chose au fond de moi ne me disait pas qu’il y a vraiment un truc qui cloche. Je ne comprends toujours pas pourquoi nous avoir séparés les uns des autres… la pire stratégie possible. Une stratégie incohérente, même. Je sors ma lame dans l'idée de découper le flan de la robe afin de pouvoir mieux accéder à la blessure mais, là, sous le tissu, je réalise enfin que c’est quelque chose de granuleux qui a attiré mon attention. Quelque chose de métallique. Une cotte de mailles... ? Oui, ça doit être ça. Je pose ma lame par terre sans l'utiliser du coup puisqu’elle n’est visiblement pas blessée. Mais alors pourquoi ce...

Elle essaie faiblement de me dire une phrase que je ne comprends pas. Je m’approche alors instinctivement pour entendre ce qu'elle me dit.

« Je suis désolée… »

Je n’ai senti qu’une pression vigoureuse suivi d’une désagréable décharge. Le temps que je comprenne ce qu’elle vient de faire, mes yeux se sont posés sur le poignard enfoncé dans mon ventre. Mais…

« Roxanne ? »

Mon regard emplit d’incompréhension et d’une effarante tristesse se relève vers elle, la légère décharge se muant en un frisson encore plus désagréable qui remonte en une vague presque nauséeuse le long de mon ventre.

« P...pourq...uoi tu... »

Je comprends pas… son poignard est tombé là-bas… mais combien en-a-telle donc sur elle ?! Ah, voilà qui m’apprendra à être si stupide. Mon corps s’alourdit à un point qu’il me paraît peser le poids d’une enclume et semble se vider de toute force, tant que je ne suis même pas capable de finir ma phrase. Suis-je en train de mourir ? Chaque trait de mon visage se fige, soudainement rigide, dans cette stupide expression hébétée de celui qui ne comprend pas ce qui vient de lui arriver. Une expression dévastée et terrifiée face à cette impression de glisser doucement vers la mort.

Pas que je ne la pensais pas capable de faire ça ou que je ne m’y attendais pas. Pas comme si je ne le savais pas, que ça risquait fortement de finir comme ça. Pas comme si elle même ne me l’avait pas sous entendu, pas comme si Alaric ne m’avait pas prévenu ce matin même qu’elle pourrait bien me tuer ce soir. Mais c’est le choc. C’est si soudain que je ne l’ai pas vu venir, toute désemparée que je suis dans la panique de la situation quelle a fomentée. Si désorientée que le fait de savoir pourtant qu’elle me la ferait à l’envers ce soir m’est complètement sorti de l’esprit au point de lui avoir crié sottement que je lui faisais confiance.

Et le temps que je réalise qu’elle a en fait tout savamment calculé de part en part pour m’isoler des autres afin de pouvoir me planter sans le moindre obstacle, c’est déjà trop tard. Roxanne ne commet pas de telles erreurs, elle a toujours un coup d’avance. J’ai oublié qu’elle manigançait quelque chose et que je devais me méfier… C’était prévisible. Elle n’allait pas prendre le risque qu’ils réussissent à récupérer mon fils… Autant nous tuer avant tous les deux. Oui, aucune réelle surprise. C'est le choc. Juste le choc...

Je me suis précipitée à son chevet dans l’espoir de la sauver pour qu’au final elle me poignarde. Comme c’est cruel… ironique. L’ange du sexe, c’était vraiment bien. L’ange gardien, ça avait un côté mignon, amusant. Mais l’ange de la mort… je ne pensais pas le trouver si vite, camouflé au sein du précédent.

Ma tête bascule toute seule, chacun de mes muscles semblant se relâcher progressivement. Roxanne la soutient pour accompagner doucement mon corps au sol en position latérale face à la porte, juste devant ma lame. Elle se relève ensuite, retire la sienne de mon ventre, l’essuie sur ma robe. Pendant qu’elle m’explique alors certaines choses – pour une fois qu’elle parle ! Je vois mon sang s’écouler petit à petit dans une flaque inquiétante.

Maudite Roxanne… pourquoi ne m’a t-elle pas parlé avant ?! On aurait pu faire les choses autrement ! Mais non, elle m’explique que c’était l’occasion toute trouvée de… je cite, les faire sortir au grand jour. Et après ? Ça change quoi ? Tout ça pour le bien-fondé de ses affaires, évidemment, et pour sauver le bourg tant qu'à faire. Elle pense donc que je dois mourir. Non. Elle a décidé que je devais mourir pour tout ça. Encore mieux.

Alors qu’elle entreprend tranquillement de dépouiller le cadavre pour se changer et se faire passer pour un assaillant, Athanase se met finalement à pleurer, le tranquillisant atteignant visiblement ses limites. Mon fils… moi qui ai mal au cœur de l’entendre pleurer en temps normal, je suis là, gisant à terre dans mon propre sang, impuissante, incapable d’esquisser le moindre mouvement pour le réconforter ou le protéger. Et l’autre qui ne veut plus fermer sa gueule maintenant… c’est à rendre fou, cette ironie. Je suis sûre qu’elle le fait exprès pour ne même pas me laisser crever en paix !

Sentir ensuite ses mains dénouer le portage sans être capable de faire quoi que ce soit me plonge plus profondément au sein de cette tragique détresse. Athanase s’agrippe désespérément à une mèche visqueuse de mes cheveux ensanglantés en pleurant de plus belle, mais Roxanne a vite fait de lui faire lâcher prise. Je la vois sortir un flacon mais j’ai beau me débattre mentalement, pas un seul de mes muscles ne veut bien réagir. Et je vois le petit corps de mon enfant s’inanimer doucement sans ne rien pouvoir y faire. L’espace d’un instant, je crois bien qu’elle vient de le tuer sous mes yeux horrifiés.

Mais finalement, elle daigne enfin me dire qu’elle compte mettre Athanase à l’abri. Elle ne pouvait pas commencer par là au lieu de me causer une telle terreur ?! Le soulagement n’est cependant pas total.

Rien ne m’assure que ce n’est pas un mensonge de plus. Elle m'a déjà tellement menti... Tous ces mensonges qu'elle m'a sortis, la plupart n'avait même pas lieu d'être. Mais j’ai envie d’y croire, qu’elle veut vraiment le mettre à l’abri pour lui offrir une meilleure vie. C’est tout ce que je demande. Tout ce que je voulais. Le savoir en sécurité loin de toute cette folie. Et si ma mort sauverait le bourg, alors ce serait parfait comme ça. Ça me va très bien.

Pour une fois, on est peut-être bien sur la même longueur d‘ondes en repensant à tout ce qu'elle vient de me dire. J’apprends qu’elle a apparemment usé d’un paralysant assez puissant pour durer des heures des fois que, à tout hasard, ça puisse me sauver. Sauf que je n’aurais pas des heures devant moi. Je suis en train de me vider de mon sang.

Roxanne pense que je lui en veux pour ce qu’elle vient de faire. Lui en vouloir de sauver mon fils et de mettre fin à ce massacre ? Moi, je pense toujours que si elle pense me connaître, c’est loin d’être gagné visiblement. En tout cas, je ne suis finalement pas si importante qu’elle voulait bien me le faire croire tout à l’heure… moi qui pensait avec effroi qu’elle voulait laisser tout le monde mourir juste pour que je puisse survivre… il s’avère que c’est surtout l’inverse. Je suis donc rassurée de voir que ce n’est finalement pas son plan. Je n’aurais jamais pu être en paix avec cette idée…

Et je la regarde ainsi s’éloigner. Sans un mot réconfortant, sans même un geste d’affection, dans une simple indifférence quant à la douleur et la détresse que je peux ressentir ou au fait que je puisse mourir ou survivre. Me laissant simplement là pour morte avec quelques directives au cas où je m’en sortirais.

Et je crois bien que c'est le coup de grâce. Que c'est ce qui me hantera longtemps, si jamais je survis. Pas que je me faisais des illusions là encore, mais j'osais espérer qu'il y avait tout de même un maigre fond de sincérité dans cette affection qu'elle prétendait me témoigner. Qu'elle prenne le risque de me tuer parce qu'elle estime que cela est nécessaire, c'est une chose que je peux comprendre aisément. Mais que cela ne lui fasse absolument ni chaud ni froid en est une autre que j'ai du mal à accepter. Eh bien, tant pis. Il va bien falloir.

Ah, si seulement je pouvais bouger… pouvoir donner un dernier baiser à mon fils ou lui dire un dernier mot. C’est une torture insoutenable que d’être clouée là et je sens mon cœur se briser dans ma poitrine. C’est peut-être bien la dernière fois que je le vois. Même si je m'en sors et que je souhaite juste le revoir, je suis presque certaine que Roxanne ne me laissera jamais le retrouver.

Elle aurait sans doute bien trop peur que je cherche à repartir avec ou que je permette à quelqu'un de remonter jusqu’à lui si jamais elle me disait où il sera. Preuve en est… à aucun moment elle ne m’a dit où et quand je pourrais aller de temps en temps le visiter. Elle m’a seulement parlé d’une Daniella Macto qui semble être une vieille bique pour m’aider à faire mon deuil… encourageant. Elle sait comment me motiver, il n'y a pas de doutes... Mais c'est mon fils, moi, que j'aimerais aller voir ! Pas une putain de mégère à la con ! De quel droit pourrait-elle m’en empêcher ? De quel droit empêche-t-on une mère de revoir son enfant ? J’espère sans trop y croire qu’elle ne fera pas ça.

Au fond de moi, j’ai envie de croire plutôt que cette vieille femme pourrait être un indice d’où le retrouver, mais je préfère ne me faire aucune illusion là encore. C’est surtout pour montrer à tous que j’ai bien perdu mon fils. Le paraître et l’image. Encore et toujours des manigances… mais celles-ci sont dans mes intérêts. Elle répète le nom de la femme pour que je ne l'oublie pas et sa demande n'a visiblement rien d'une proposition mais tout d'une directive, au vu de comment elle m'a dévisagée et du ton employé.

Ma vision s'assombrit en même temps que ma respiration s'affaiblit de plus en plus, ralentit. Dans ma tête, j'ai l'impression d'entendre un étrange bourdonnement et de ressentir des picotements. La flaque de sang a bien doublé de volume depuis tout à l'heure.

Je dois m'accrocher si je veux tenir le coup. En espérant qu'ils me trouvent rapidement, me croient bien morte, dégagent au plus vite, qu'on me mène à Edwige avant que je n’ai perdu tout mon sang, qu'on ne me fasse pas brûler vive en me pensant morte et que je trouve la force de survivre à ma blessure. Voilà pas mal d’écueils à surmonter pour espérer avoir une chance de le retrouver un jour...

Oh Hector… je t’en prie, veille bien sur notre petit garçon. Il est si merveilleux. Tu l’aurais aimé éperdument. On aurait été une famille heureuse… si seulement je n’avais pas tout gâché comme une idiote. Tu serais encore là… il serait encore là… Vous seriez là près de moi, mes rayons de soleil.

Mon bébé… mon petit bébé… aussi grand que puisse-être le monde, il n’y a aucun endroit assez loin de moi pour te tenir éloigner de mes bras quand sera venu le temps de pouvoir enfin te retrouver. Qu’importe que Roxanne me dise ou non où te récupérer. Je parcourrai chaque marécage, chaque caverne, fouillerai chaque village, frapperai à toutes les portes, arrêterai chaque personne que je croiserai sur ma route, consulterai toutes les diseuses de bonnes aventures et engagerai tous les mercenaires de cette terre pour les lancer à ta recherche.

Et je te retrouverai. Que ça prenne des mois ou des années, je te retrouverai pour te ramener près de moi. Et tu reprendras tes terres car c’est toi et ça sera toujours toi le baron de Sombrebois aussi longtemps que tu seras en vie. Je te reconnaîtrai sans nul doute car tu es mon fils et je suis ta mère. Tu es mon fils, tu es ma chair et tu es mon sang.

Mais j'aurai beaucoup de choses à régler avant… Alors je t’en prie, ne m’oublie pas. Ne m’oublie jamais. Je t’aime Athanase. Je t’aime… aussi longtemps que le soleil brillera dans le ciel et que l’eau coulera sur la terre, je continuerai de t’aimer et rien ni personne ne brisera jamais ce lien qui nous uni toi et moi.

Je ne verrai sans doute jamais le premier sourire, ni n’entendrai le premier rire. Sans doute pas plus le premier mot ni le premier maman. Ce sera sans doute même une autre que tu appelleras maman. Mais c’est moi qui t’ai donné la vie et qui ai séché tes premières larmes. Au moins tu es vivant, et tu dois le rester. C’est la seule chose qui compte, aussi douloureuse que puisse être cette déchirure dans mon cœur. Elle est pour moi, je la prendrais toute entière. Il fallait que ça soit fait. Pour ton bien. Oui, c'est tout ce qui compte. Je veux que tu sois heureux, où que tu sois. Libre et heureux et je ferai tout ce qu’il faut pour te protéger.

Parce que tu es ma vie Athanase.


Citation :
J'aimerais savoir si grâce à la compétence chance - lvl2 il serait possible de donner de meilleures chances de survie à Rosen. Merci ! I love you



Dernière édition par Rosen de Sombrebois le Mar 19 Juil 2022 - 14:22, édité 2 fois
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Gudrun MercierPrêtresse
Gudrun Mercier



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 4 EmptyDim 17 Juil 2022 - 22:07
Richard gisait désormais à terre. Tout s'était passé si vite... Focalisée sur son objectif, elle avait vu Soeur Isolde sauter sur l'homme qui la menaçait, avant que celui-ci ne s'effondre sous un coup d'épée magistral. La jeune prêtresse se retrouva à ses côtés, manifestement mal en point mais toujours consciente et étonnamment calme.

- Non, je ne crois pas que ça aille bien. Mais nous sommes en vie, Rikni soit louée !

A peine un instant plus tard, les assaillants étaient hors d'état de nuire et la foule vint les amener dans un lieu plus paisible. Adossée contre un pilier aux côtés de Soeur Isolde, Gudrun aperçut Laura et son frère, une mine affolée sur leurs visages poupins. La douleur s'était vite calmée dans son genou, mais elle savait pour avoir beaucoup trop soigné ce genre de blessure que cela ne durerait pas.

- Non Laura, ça ne va pas. Aide donc Soeur Isolde, tu veux bien.

Elle regardait les gestes de Laura avec une frustration intense. On n'apprenait pas à recoudre quelqu'un en une soirée : ce n'était pas comme ça qu'il fallait tenir son instrument, et puis, que dire de ces doigts hésitants, de cette main tremblante... Gudrun resta muette, craignant de faire sursauter Laura, mais l'irritation allait croissante. Elle essaya de se concentrer sur sa propre jambe, dégageant son genou au mieux. Pierrick avait entamé la confection d'une atelle rudimentaire sous les directives de l'étrange guerrière rousse.

Une douleur sourde commençait à pulser dans sa pommette et son arcade sourcilière. Elle s'était mal rattrapée en esquivant le coup de Richard, et son visage avait heurté le bois dur d'un banc. Rien à voir cependant avec la douleur qui revenait doucement dans son genou. Cela faisait pourtant des mois que ce genou la faisait souffrir, mais malheureusement, il semblait que l'habitude ne rendait pas la douleur plus supportable. Ce n'était pas ainsi que les choses étaient censées se passer. Elles auraient dû, elle et Soeur Isolde, être là pour soigner les autres, pas pour se faire soigner !

- Vous ! Vous venez d... Qu'est-ce qui se passe là dehors ? On va se débrouiller, mais bon sang, il faut qu'on sache ce qui nous attend !

Elle prit le bandage des mains du jeune homme.

- Là, il faut serrer davantage, comme ça. Tiens ce morceau-là...

Elle se mit à psalmodier une prière à Rikni pendant cette tâche, quand soudain, une peur panique la saisit. Une petite foule se tenait dans le temple, et on ne pouvait plus distinguer les morts des vivants allongés au sol. Au loin, un cor retentit, mais ne put changer le cours de ses pensées.

- Bertille ? BERTILLE !
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AlaricGarde de Sombrebois
Alaric



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 4 EmptyLun 18 Juil 2022 - 11:22
Malgré l'obscurité, la pluie, et ses yeux braqués sur l'horizon, Alaric discerna sans mal la créature. Malgré l'orage, leur course effrénée et leurs respirations haletantes, il perçut ses râles gutturaux, ses grondements bestiaux. Le soldat raffermit sa prise sur la main d'Eve et l'obligea à accélérer encore le rythme. C'était idiot : ils ne pourraient pas distancer un fangeux, nul ne le pouvait. Si le monstre avait décidé de les traquer, alors il ne s'arrêterait que lorsqu'il en aurait terminé avec eux. Alaric le savait ; il avait appris à vivre avec ces bestioles, à déjouer leurs pièges, à tirer parti de leurs faiblesses. Mais pas Eve. Il la sentait faiblir à chacun de ses pas, la rattrapait de justesse lorsqu'elle manquait de trébucher, ses petites jambes peu habituées à fournir tant d'efforts dans un milieu aussi inhospitalier. Pourtant, sa comtesse tenait bon, cherchant la force et le courage de poursuivre à ses côtés ; elle l'impressionnait. Mais elle ne pourrait pas suivre son allure pendant des heures, ni s'abriter en hauteur si la situation l'exigeait : elle n'avait ni la technique, ni la rapidité nécessaire. Qu'avait-il espéré ? S'était-il cru à ce point au-dessus de tout de telle sorte qu'ils pourraient fuir en pleine tempête dans les marais sans une égratignure ? Non, bien sûr que non. Il avait espéré, simplement. Il espérait encore. Parce qu'il ne pouvait pas perdre Eve. S'il perdait Eve, il perdait sa raison de vivre, encore. S'il perdait Eve, ses choix auraient été vains ; il aurait échoué, encore. S'il perdait Eve, il se perdait lui-même, pour de bon. Alors, malgré les craintes qui lui nouaient les tripes, il persévérait, foulées après foulées, il priait, ses doigts noués aux siens.

Les Trois entendirent-Ils ses prières ? Alaric ne saurait jamais pourquoi le fangeux se détourna d'eux, le temps de se débarrasser des demi-vivants masqués, mais ce revirement de situation eut le mérite de lui insuffler un peu plus d'espoir. Il gagna en assurance, même lorsqu'il comprit que la créature en avait – trop – rapidement terminé avec ses premières victimes. Déjà, elle se dressait devant eux, le corps légèrement cambré, salivant à l'idée de continuer un repas qui ne la rassasierait jamais. Le temps se suspendit étrangement ; les deux adversaires se jaugèrent, se détaillèrent avec un appétit insatiable bien que d'une nature toute différente. Alaric nota l'épée enfoncée dans son dos, une piqûre désagréable pour la créature, qui aurait le mérite de ralentir ses mouvements. Il remarqua également sa silhouette autrefois féminine, l'arrondi de son ventre qu'il n'avait encore jamais observé sur un fangeux. À dire vrai, il avait toujours préféré les ignorer : trop les regarder lui rappelait douloureusement leurs origines humaines.

Derrière le monstre se trouvait le tertre en forme de tortue. Alaric serra les dents. Il ne pouvait pas échouer maintenant, pas si près du but ! D'instinct, il ancra un pied dans la boue, juste devant la jeune noble ; rempart aussi courageux qu'insensé. Pour la première fois depuis ce qui lui avait semblé durer des heures, il osa lâcher la main d'Eve afin de dégainer sa dague acérée. L'adrénaline coulait dans ses veines, se déversait dans ses muscles, abreuvait son désir de tuer. Accueillant avec avidité la frénésie guerrière qui s'emparait de lui, Alaric plia légèrement ses jambes afin de s'élancer. Il mourrait peut-être maintenant, mais il emmènerait cette saloperie avec lui. Alors le chemin serait tout tracé et Eve planterait le bâton. Sa comtesse lui avait donné envie de vivre, avait-il avoué à Herold quelques mois plus tôt. Mourir pour elle ne serait-il pas la plus belle façon de gagner les bras d'Anür ? Les dieux ne furent pas de cet avis : une flèche traversa le crâne de la bête, stoppant net sa tentative d'attaque. Le fangeux émit un gargouillement répugnant avant de basculer et de s'écrouler dans la boue.

Alaric s'accroupit afin de rester à la même hauteur que la jeune noble, cramponnée à son bras.

Tiens bon, Eve, lui murmura-t-il.

Il lui souffla des paroles réconfortantes, l'enjoignit à se redresser, tandis que ses yeux ne quittaient pas la silhouette apparue derrière le fangeux.

Je sais qui c'est.

Ce qui ne le rassurait guère, malgré son ton calme qui se voulait rassurant. Il pensa à Soeur Isolde, aux habitants du bourg et adressa une nouvelle prière silencieuse. Elle était cheffe de sa faction, blonde l’autre moitié de son crâne rasé, plutôt douée avec les armes, elle est appréciée de son groupe. Ainsi donc son instinct ne l'avait pas trompé : Odalie avait bel et bien établi un accord avec les bannis. Ne restait plus qu'à comprendre les tenants et aboutissants de cette alliance étonnante et mystérieuse. Mais Alaric n'en avait pas le temps. L'air grave, plus méfiant que menaçant, le soldat balaya les alentours du regard, ne se laissa pas impressionner par les compagnons de la blonde, ni par leur nombre, ni par leurs regards peu amènes. Il rengaina son arme avant de se saisir du bâton ; ainsi délivrée de son fardeau, la jeune noble put s'accrocher un peu plus facilement au bras libre de son amant.

Alaric désigna la bannie du bâton, sans pour autant daigner le lui transmettre.

Priscilla, je suppose ? énonça-t-il d'une voix qui se voulait ferme, dénudée d'une peur qui, pourtant, lui nouait le ventre.

L'éclair de surprise qui passa dans les yeux clairs de la bannie aurait pu satisfaire Alaric si la situation n'était pas aussi urgente et dramatique. Au moins, pour une fois avait-il la sensation que la personne en face de lui n'avait pas un coup d'avance sur tout. Pour une fois, il n'était peut-être pas uniquement un pion sur un échiquier...

Odalie a dit que je trouverais de l'aide...

Où était-elle, d'ailleurs ? Il l'imaginait mal être encore dans le bourg, vu le massacre qui s'y déroulait. Ce n'était pas grave. Il avait compris depuis le début que l'étrange femme n'avait été qu'un oracle. Elle avait distillé ses prévisions, lui avait laissé le choix de les suivre ou non. Il était d'ailleurs temps d'aller jusqu'au bout de la décision qu'il avait prise. Les jointures de ses doigts blanchirent tant il serra le bâton dans sa main.

Alors, s'il-vous-plaît, aidez Sombrebois, supplia-t-il d'une voix rauque, éraillée par l'angoisse.

Il n'était pas question de négocier quoi que ce soit. Y'avait-il seulement encore un survivant entre les ruines et les foyers de la place-forte ? Alaric avait fui. Pour sauver celle qu'il aimait, pour protéger ses amis, pour secourir son royaume. Si les bannis n'étaient pas venus jusqu'au tertre de la tortue pour les aider, alors... Alors... Une pression sur son bras mit un terme à son combat intérieur. Eve l'interpella dans un souffle à peine audible, alors qu'elle désignait la créature à leurs pieds. Sous leurs yeux, le ventre anormalement rond de cette dernière se déchirait, s'ouvrait comme si deux personnes s'évertuaient à tirer chacune de leurs côtés. La scène était répugnante, une odeur ferreuse, métallique empuantissait l'air ; des boyaux se répandaient dans la boue puis laissèrent entrapercevoir un corps frêle et anormalement pâle. La respiration d'Alaric, pourtant laborieuse, se bloqua. Poisseuse, étrangement silencieuse, une petite tête pourvue de longs cheveux blonds les dévisageait. Ses yeux étaient d'un vert perçant, sans pour autant être animés d'une faim animale ; son regard intense glaça le sang du garde de Sombrebois. La pluie se mélangeait aux humeurs du cadavre, dessinait des traînées rosâtres sur le corps du nouveau-né, en rien effrayé par l'orage. Il ne semblait pas non plus accablé par le froid, mais demeurait stoïque, replié sur lui-même, ses prunelles profondes sondant le couple qui lui faisait face. Cet enfant était-il un fangeux ? Il n'avait rien de l'une de ces créatures... Mais il n'avait rien d'un humain non plus.

La chaleur procurée par le corps d'Eve contre le sien se dissipa : la noble l'avait lâché, incapable sans doute de laisser le nourrisson, aussi mystérieux qu'il fût, seul sous la pluie dans un tel état. Alaric la retint par la main.

Ne le touche pas.

Il était terrorisé. Lui qui pensait connaître les fangeux sur le bout des doigts, le voilà qu'il était confronté à un phénomène effrayant, inexplicable. Il ne savait pas comment réagir. Il ne voulait pas de ça. Sombrebois était à feu et à sang. Ses amis étaient en danger, certains étaient sans doute mort, d'autres luttaient encore pour leur survie. Il était au beau milieu des marais, encerclé par des bannis dont il n'était pas certain du camp auquel ils appartenaient. Et devant lui, cet horrible enfant ne le quittait pas des yeux.

Eve, s'-il-te-plaît...

Il reporta son attention sur Priscilla. La bannie avait-elle déjà observé pareil spectacle ?
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Edwige RutherfordPrêtresse apprentie
Edwige Rutherford



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 4 EmptyLun 18 Juil 2022 - 17:51






La nuit des hurlements



Telle une proie face à son prédateur, Edwige ne peut s'empêcher de fixer cette femme, cette engeance de mort, tout au long de son interminable approche. Ses mouvements erratiques, ses rires absurdes, sa tonalité... rien ne va. Elle semble faire tous les efforts du monde pour leur interdire tout sentiment de faire face à une humaine. Y a-t-il seulement une femme derrière le masque, ou n'est-ce qu'un pantin vide animé par la seule volonté de nuire ?

Impossible pourtant de formuler la moindre pensée cohérente. La tueuse se tient devant elle, à portée de meurtre. L'esprit de la jeune prêtresse trace un blanc tandis que tous ses sens s'embrasent. Le battement de son cœur est tel qu'elle distingue à peine ses paroles impies. L'inconnue vient humecter ses doigts dans le sang de la valeureuse Hilde, puis les approche du visage de la brune terrorisée. Edwige ne respire plus, ses grands yeux effrayés sont plongés dans les fentes du masque. Elle se voit déjà égorgée, agitée de spasmes à côté du corps de la bucheronne. Un glapissement lui échappe lorsque l'assassine vient souiller sa joue. Elle tremble comme une feuille. Le temps s'arrête.

Edwige pense s'évanouir lorsque sa tortionnaire se redresse et lui tourne le dos, l'abandonnant comme un jouet cassé bien vite oublié. Une larme silencieuse roule le long de sa joue. Sa respiration lui revient sous la forme de hoquètements. Si tôt la porte refermée sur l'infâme vision, ses dernières défenses tombent, et son effroi cède aux pleurs. Dans sa terreur, la pauvre s'est urinée dessus comme une enfant. Fallait-il vraiment retourner le couteau dans la plaie ? Fallait-il lui faire miroiter la mort d'un peu plus près encore ? Etait-il nécessaire de la replacer dans son éternel rôle de bonne victime...? La guérisseuse se sent attirée entre les bras de Pénélope, consolée à son tour de cette scène qui animera certainement ses cauchemars futurs. Elle n'a plus l'énergie d'incarner le rôle de la prêtresse inébranlable. Son courage a ses limites, et celles-ci ont été largement piétinées ce soir. Elle n'est qu'humaine.

Peu à peu, sa respiration reprend un rythme normal. Edwige se détache du corset de sa voisine en séchant ses larmes dans ses coudes. Toutes deux lèvent les yeux vers le seigneur de Rougelac qui s'approche, rendues muettes par la froideur de son expression. Les menaces qui suivent sont poliment formulées mais néanmoins réelles. Cet épisode a bel et bien trahi quelque chose d'interdit dans le jeu du comte, un intérêt commun avec l'envahisseur, et il ne tient pas à ce que cela s'ébruite. Le noble se montre clair : parler signifiera leur mort.

Encore vulnérable, Edwige se contente d'hocher la tête en reniflant. Elle comprend que cet homme a du pouvoir et qu'il pourrait revenir sur sa décision. Le comte exige leur silence, et s'attribue du même coup l'un des hauts faits d'Hilde, la seule véritable héroïne de cette histoire. La prêtresse se sent salie d'accepter, mais ce n'est pas le moment de se montrer fière. Cette injustice sera corrigée sous le jugement des Trois, dans le monde d'après.

Le manipulateur leur désigne la porte éventrée qui ne les protège plus de grand chose, et leur intime de reconstruire leur barrière. Hébétée, la clergesse se redresse sur ses jambes chevrotantes, puis s'emploie à rassembler les meubles fendus avec l'assistance de la cuisinière. Elle a le sentiment d'avoir la force d'un faon tout juste né. Dehors, leurs bourreaux semblent avoir quitté les lieux, mais leurs pas résonnent encore au loin, vers les étages. Est-ce bien Rosen qu'ils cherchent ? S'en est-elle tirée ? Et son fils ? Est-il déjà trop tard ?

- Qui... Qui sont ces gens ? parvient-elle à articuler, désireuse de meubler ce silence morbide. Pourquoi font-ils cela ? Sombrebois n'a causé de tord à personne...

La guérisseuse sait que ses questions resteront peut-être en suspens, mais le besoin d'extérioriser sa confusion est trop grand. Victor ne la gratifiera probablement pas d'une réponse, désireux de garder ses nouvelles marionnettes aussi ignorantes que possible. Qui sait. Le simple fait de parler, en vérité, lui fait du bien.


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Victor de RougelacGouverneur de Sombrebois
Victor de Rougelac



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 4 EmptyMar 19 Juil 2022 - 7:26
La nature manipulatrice du Comte semblait revenir très rapidement au galop après ce sursaut d'attitude de bienveillance et de compassion qu'on ne lui connaissait que trop peu. Conscient que son intervention, qui avait sauvé les deux jeunes femmes d'une mort certaine, était susceptible de lui causer du tord dans le futur, Rougelac s'était donc empressé de menacer la clerc pour en quelque sorte masquer sa faiblesse passagère. Ce changement radical de caractère n'effaça pourtant pas de son esprit la volonté de préserver la vie de ces innocents et ce quelque soit le jugement qu'on pouvait alors lui porter.

Bouleversée, Edwige semblait finalement se ressaisir et suivre les conseils du Comte non sans chercher à meubler le silence par des mots que le Gouverneur auraient souhaiter ne jamais entendre. Fermant un instant les paupières, Rougelac prit une grande inspiration avant d'hausser les épaules et se mettre lui aussi à l'oeuvre pour bloquer l'accès à la chambre et répondre à la jeune femme sans même lui adresser le moindre regard qui aurait pu trahir quelques émotions.

- Je n'en sais rien. Croyez bien que si j'en eu la moindre idée, je me serais bien gardé de me jeter dans la gueule du loup. Et qui puis est, je doute que dans le cas contraire, vous seriez encore en vie pour me poser ces questions. Tout ce qui se déroule en ce moment a Sombrebois dépasse mon entendement.

Si la meilleur réponse était souvent le silence, dans le cas présent, mieux valait jouer la franchise mais garder pour soit quelques pistes de réflexion encore bien flou. Victor rendra certainement des comptes, mais à qui de droit, lorsqu'il se sera définitivement tiré d'affaire.
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Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 4 EmptyJeu 28 Juil 2022 - 15:47
24 Mai 1167.
[convocation] La nuit des hurlements - Page 4 Tgld


Rosen...

Ce ne fut pas le drapé d’une robe noire que vit finalement émerger la baronne des escaliers, pas non plus une autre paire de botte des silencieux guerriers. Mais un corps presque nu. Sa peau avait une teinte grisâtre tirant vert le vert sombre selon la lumière. Il s’agissait d’une femme, comme le révélait ses hanches fines et ses seins affiché sans autre pudeur que ses longs cheveux noir épais tombant jusqu’à son bassin et couvrant partiellement son buste.
Un pagne dissimulait son sexe sans pour autant lui offrir de réelle décence. Des symboles étaient peints sur sa peau le long de ses jambes et de ses bras aux muscles noueux.

D’aucun aurait pu la trouver séduisante, mais il se dégageait d’elle une sensation macabre et oppressante qui rendait toute attirance impossible. Comme si, un peu à l’image d’un fangeux, elle n’était qu’un corps animé par une force qui n’avait rien de naturel. Mais au contraire des créatures, son regard rouge sang pénétrant possédait une intelligence vicieuse et évidente.

Ses pas étaient si silencieux sur le sol de pierre que si Rosen ne l’avait pas eu devant ses yeux, elle aurait tout ignoré de sa présence. Mais elle la connaissait. Elle avait déjà vu cette femme au beau milieu de son cauchemar, lui offrant la tête d’Hector après une sordide cérémonie. Une vision d’horreur qui s’invitait à présent dans sa réalité.

La femme entra dans le temple et s’arrêta un instant, observant l’autel derrière la baronne, puis cracha au sol avec dédain avant de s’approcher d’elle. De la pointe de son pieds nu elle appuya sur son épaule, manquant de la faire rouler sur le dos, mais relâcha la pression laissant son corps s’affaler de nouveau sur le côté.

Alors elle s’éloigna d’elle pour aller, sans doute, observer le guerrier mort. Si cela n’était pas suffisant, une autre vision de cauchemar déboula par les escaliers suivit de plusieurs hommes en noir. Encore une femme qu’elle connaissait. Une femme qui était soi-disant morte il y a plus d’un mois. Oh bien sûr, pour d’autres, cela aurait pu sembler être n’importe qui sous ce masque atroce et blanchâtre. Mais Rosen avait déjà trop de fois fréquentées Sélène, avec ou sans son accoutrement pour douter une seule seconde de son identité.

Cette dernière fit une moue déçue visible par l’ouverture de son masque sur sa bouche quand son regard se posa sur le corps apparemment sans vie de la baronne. Elle s’avança rapidement dans la pièce avec bien moins de cérémonie que la précédente et vint s’accroupir devant elle.

- Tu m’avais promis qu’elle serait pour moi ! Se plaignit-elle d’une voix presque boudeuse.

- Ceci n’est point mon œuvre, mon enfant.

La surprise passa dans les yeux violets de Sélène et elle leva le visage vers l’endroit où devait se tenir son interlocutrice mais que Rosen ne pouvait pas voir enfermée qu’elle l’était dans son propre corps. Puis elle balaya la pièce des yeux comme si elle cherchait quelque chose.

- L’enfant ?

- Envolé… Il semblerait que quelqu’un nous ai battu de vitesse cette nuit… Même si l’identité de notre concurrente laisse assez peu de place au doute. Quel gâchis… répondit d’un ton plus ennuyé qu’en colère la vision sortie de son cauchemar. Les autres ?

- Deux ont fui dans les marais. Ils ne passeront pas la nuit, on les chasse. Je…

- J’éviterais de parier sur les chances des uns et des autres alors que notre plan se retrouve mis au point mort avec tant de facilité, ma fille. L’interrompit la femme dénudée alors qu’elle réapparaissait dans le champ de vision de la noble, ses traits étranges visiblement contrarié par la tournure des évènements. Expression qui ne s’arrangea pas quand un corps puissant sonna, même di d’ici il paraissait lointain.

- Voilà qui met fin à notre délai… Dit-elle en s’éloignant vers la porte. Sélène, elle, ne bougeait pas d’une once. Son regard était revenu se posé dans celui de Rosen avec intensité. Sans gêne ni douceur elle saisit sa crinière blonde et redressa son visage douloureusement, la fixant avec plus d’intensité encore. Un sourire lent et mauvais naquit sur ses lèvres. Elle avait compris. Rosen le savait.

- Sélène, il est temps d’y aller. Nous te trouverons un autre jouet.

Le silence occupa l’espace quelques instants alors que la tueuse prenait certainement la décision qui mettrait fin à la vie de Rosen. Mais ce ne fut pas le cas. Lentement, elle porta un doigt devant ses lèvres comme pour sceller un secret qu’elles partageaient toutes deux, comme d’étrange complices au sein d’un enfer chaotique. Elle reposa sa tête doucement.

- J’arrive Mère… Dit Sélène en se relevant et en laissant là la baronne baignant dans son sang, mais bien en vie.

***


Eïlyn...

Le cheval percuta la créature avec une telle force que celle-ci vola à plusieurs mètres de là, ses membres brisés, mais pas inoffensive pour autant. Elle n’eut cependant pas le temps de redevenir dangereuse. Un autre cavalier passant à son niveau lui ôta la tête des épaules d’un puissant coup d’épée encore renforcé par la vitesse de sa monture.

Ils défilaient devant elle, par dizaine, plus que n’en avait compté n’importe quelles troupes depuis la chute du royaume. Des cavaliers vêtus de vert, leurs capes claquant au vent et leurs épées s’abattant avec détermination sur les fangeux. Elle parvenait à peine à prendre réellement conscience de leur présence que déjà la tête de file se séparait pour remonter les rues comme une vague meurtrière mais bénéfique pour nettoyer le mal qui s’était établi là.

Par habitude plus que par attention, elle remarqua que plusieurs montures étaient vides de cavalier, et que certains d’entre eux se tenant un bras ou un flanc étaient blessés. Il n’était pas gratuit de traverser les marais en pleine nuit avec une telle force et surtout, si bruyante. Mais ils étaient bel et bien là. Soutien providentiel jaillit du fond de la nuit pour venir les sauver. Elle aurait pu en pleurer si elle n’était pas si fatiguée.
Elle laissa son dos reposer sur les caisses. Ses jambes tremblantes ne la soutiendraient plus que quelques instants. Déjà sa vision se brouillait. Elle sentit glisser. Un bras puissant mais précautionneux se glissa sous le siens pour l’empêcher de s’effondrer lourdement au sol, au lieu de quoi elle atterrit doucement sur son séant. Elle dut cligner des yeux plusieurs fois pour parvenir à rendre net le visage penché sur elle. Mais elle ne fut aucunement surprise de découvrir qu’elle le connaissait.

- Vous avez mis le temps…. Dit-elle d’une voix faible et amusée. Mais vous êtes là.

Comme toujours, il était là quand elle avait besoin de lui. Quand la situation devenait désespérée. Quand on avait besoin d’un acte héroïque et impossible. Toujours là. Elle le vit hocher la tête avant de s’évanouir complètement.


***


Alaric...

- Non, répondit simplement la dénommée Priscilla en réponse à la supplique du Capitaine. Il n’y avait pas de méchanceté dans sa voix. Pas non plus de contrition signalant un quelconque sentiment d’impuissance. Une simple vérité froide et sans parti pris.

- Ma dette ne concerne que ceux qui arrivent jusqu’ici avec le bâton. J’ai…

Elle s’interrompit, surprise, alors qu’Eve murmurait quelque chose à Alaric, pointant de son doigt le cadavre de la créature récemment abattue. Elle avait encoché une nouvelle flèche et ne tarda pas à bander son arc en direction du corps tressautant qui se déchirait comme un sac trop plein. Elle aurait dû tirer. Elle le savait. Mais la vision de cet enfant au regarde calme baignant dans des entrailles était si irréelle qu’elle n’en trouva pas la force. Et elle se surprit à même baisser son arc quand la petite chose promenant son regard sur le monde qui l’entourait finit par s’intéresser à elle. Un mélange de dégout et de honte lui remonta l’échine sous la forme d’un lourd frisson.
Qu’elle était donc cette nouvelle duperie ?

Ce fût celle qui avait le moins sa place dans cet endroit qui trouva assez de courage pour finalement réagir à cette situation nouvelle. Peut-être son inexpérience de la fange la rendait-elle assez inconsciente pour surmonter l’instinct primal de méfiance des autres. Alors, malgré la demande ou plutôt l’injonction de son amant, Eve approcha de l’enfant.

- C’est une enfant Al… Dit-elle tout bas en s’accroupissant près de l’étrange événement. Le bébé, ne lui bondit pas à la gorge, ne fit jaillir ni crocs ni griffe pour lui déchiqueter le corps et le visage. Non, il se contenta de l’observer de ses grands yeux éclatants.

Lentement, la petite princesse avança sa main. Elle s’attendait à chaque seconde à voir cet être étrange révéler son horrible nature. Mais rien n’arriva et à sa grande surprise, elle la trouva aussi chaude et douce au toucher que pouvait l’être le ventre d’un bébé. A l’exception de l’appendice qui dépassait de son nombril pour la relier comme un tuyau aux restes de son immonde porteuse, qui lui, était d’un froid glacial. L’enfant lui saisit le pouce avec douceur et le serra dans sa minuscule main.

Elle tourna la tête vers Alaric.

- Ta dague Al… Demanda-t-elle en lui tendant son autre main. Devant l’hésitation de ce dernier et la tension qui habitait visiblement les bannis elle reprit, aussi fort que l’endroit et son courage le lui permettait.

- J’ignore tout de ce qu’il se passe. Mais à moins que l’un de vous soit près à abattre un enfant, aussi étrange soit-il, et à me trouver sur sa route. Je vais le prendre avec moi, donc, Alaric, prête-moi ta dague. S’il te plait.

Fût-ce l’audace de la jeune femme dans une situation si précaire qui brisa le sortilège qui semblait s’être abattu sur eux ? Peut-être, en tout cas ce fut l’effet qu’il eu sur Priscilla qui pouffa malgré elle, chassant la tension de ses épaules, en apparence du moins. Elle descendit la colline alors que le Capitaine de Sombrebois finissait par céder à la demande, remettant sa dague dans la main de la jolie brune qui s’empressa de couper le cordon, séparant une fois pour toutes la progéniture de sa génitrice. Elle ne voulait pas vraiment que cette chose les accompagne, mais elle ne se voyait pas vraiment l’abattre non plus. Elle faisait, malgré son étrangeté, trop… humaine.

Elle aurait pu s’accommoder de la laisser là. Mais visiblement leur invitée avait décidé pour eux et par la parole qu’elle avait donné à Odalie, elle ne pouvait pas juste laisser le deux derrières. On ne respectait pas grand-chose parmi les bannis, encore moins parmi les égorgeurs. Mais la parole donnée était une chose sur laquelle ils devaient compter. Sous peine de voir tout ce qu’ils avaient bâtît s’effondrer.

Quand elle arriva à leur niveau, elle posa sa main sur le bâton, sans toute fois tenter de l’arracher des mains d’Alaric. Se contentant de planter ses yeux dans les siens, jusqu’à ce qu’à contre cœur, sachant qu’il n’obtiendrait pas d’elle une aide pour son bourg, il finisse par lâcher prise de lui-même. Elle dégraffa la fourrure qui lui couvrait les épaules et la jeta à la jeune femme sans pour autant lui conseiller verbalement d’enrouler cette… gamine dedans. Au lieu de quoi elle parla à Alaric.

- Si cette chose se met à faire du bruit ou attire les siens d’une quelconque façon, je l’abats. Ainsi que tout ce qui se mettra en travers. Lui chuchota-t-elle. Ses yeux se levèrent vers la lueur encore verdâtre qu’on percevait au loin.

- Qui aurait cru qu’ils s’en serviraient ainsi ? Questionna-t-elle plus bas encore visiblement sans s’attendre à ce qu’on lui réponde. Elle haussa les épaules et se détourna de ce spectacle improbable. Il y en avait eu beaucoup cette nuit.

- On y va. Ordonna la bannie, s’attendant visiblement à être suivit alors que le groupe les entourait pour s’enfoncer dans la nuit.

Eve se relevait l’enfant dans ses bras emmitouflé de fourrure. Elle regardait Alaric avec un mélange de détermination et de doute dans les yeux. Malgré son audacieuse intervention, il comprit sans peine qu’elle était parfaitement terrorisée et qu’elle espérait trouver en lui la force qui lui manquait.


***


Lucian...


La maigre ligne de défense du Temple se réduisait à peu de chagrin à présent. Près de la moitié étaient mort, en emportant autant d’assaillant que possible et s’étaient encore plus resserrait autour de l’entrée qu’ils défendaient repoussant la vague toujours plus pressante d’homme en noir. Seule la femme aux cheveux de feu et le haut-dignitaire déambulait encore hors de cet amas de corps, leur balai mortel trop ample pour se contenter d’un maigre corps à corps. La rage s’était complètement emparée de la guerrière à mesure que la narguait l’insaisissable prêtre en restant toujours à portée de ses coups mais sans qu’elle ne parvienne à faire plus qu’effleurer son ample robe qui était, la preuve étant, déchirée en plusieurs endroits.

Il n’attaquait que rarement, même si une estafilade sur son bras nu lui avait appris à s’en méfier. Ils savaient visiblement tout les deux que s’il lui offrait une ouverture trop grande en prenant le risque de se fendre ou du moins de sa rapprocher pour l’atteindre, elle le transformerait en charpie d’un unique coup. Mais il lui semblait bien qu’il ralentissait, sans doute gagné par une fatigue qu’elle était incapable d’éprouvait avec le don qu’elle avait reçu. Il lui suffisait d’être patiente pour l’avoir, et ça aussi ils le savaient tous les deux.

Pourtant Lucian n’affichait pas une once d’inquiétude ou de panique, au contraire, un insolent sourire restait peint sur son beau visage emprunt d’un calme assuré comme s’il maîtrisait la situation dans ses moindres détails. C’était bien cela qui l’agaçait le plus. Mais bientôt elle l’aurait.
Elle frappa le sol avec tant de force qu’un pavé se fendit et éclata à l’endroit où se tenait le prêtre une seconde plus tôt. Il avait fait un bond impressionnant en arrière, se mettant pour la première fois hors de sa zone d’attaque. Elle haussa un sourcil surprit devant cette défilade.

Le cor résonna.

La rage qui l’habitait se décupla en comprenant à quel point il l’avait berné. Comment des renforts avaient-ils pu arriver si vite ? N’avaient-ils pas eu la garantie de prendre le bourg au dépourvu ? De faire couler une rivière de sang bien avant que quiconque n’est, ne serait-ce que vent de ce qu’il s’était passé ici ?
Mais il ne faisait aucun doute que le son qu’elle venait d’entendre appartenait à la milice. Déjà il lui semblait entendre une puissante cavalcade dans la rue qui descendait derrière le prêtre qui avait continué à reculer de plusieurs pas alors qu’elle réfléchissait. Si elle se lançait à sa poursuite, elle ferait face à une plusieurs guerriers à cheval, peut-être des archers. Un risque que même elle ne pouvait pas prendre.

Et il le savait. Elle le vit la saluer avec élégance de son épée, la provoquant à nouveau. Elle le haïssait du plus profond de son âme. Mais elle avait encore trop de choses à faire pour prendre le seul et unique trône. Ces querelles de simples mortels ne devaient pas interférer. Elle poussa un puissant sifflement. Et aussitôt la pression sur les survivants se tarit alors que les hommes en noir rompaient le contact pour remonter la rue au pas de course.
L’inconnue jeta un dernier regard à Lucian, gravant son visage dans sa mémoire, se jurant de lui faire payer son audace au centuple et partit à son tour, à une vitesse surhumaine, remontant la file de ses hommes sans peine pour même les dépasser.

Lucian soupira.

Un instant plus tard, une charge de cavalerie se répandit autour de lui pour poursuivre les assaillants dont ils rattrapèrent l’arrière garde à mi-chemin du fort. Nombreux furent abattu par les cavaliers avant de pouvoir regagner l’enceinte protectrice du château sans pour autant qu’ils ne parviennent à en refermer les portes au nez des renforts. Les miliciens s’engouffrant sur leur monture dans le grand hall du château.

- Fouillez les rues, éliminez la moindre menace ! Ordonna une voix puissante et autoritaire, qui fut aussitôt obéit par une partie plus en arrière des cavaliers qui se dispersa en petit groupe dans les rues adjacentes. Ceux qui entouraient l’homme qui avait ordonné le suivirent alors qu’il s’approchait de Lucian et de la place du Temple. Le prêtre s’inclina profondément, et visiblement avec sincérité devant le nouveau venu alors qu’il mettait pieds à terre.

***


Laura, Gudrun, Isolde, Aeryn...

Le mouvement de recul près des portes indiqua qu’il se passait quelque chose. Mais aucun cri ou mouvement de panique ne gagna la foule quand les portes furent ouvertes en grand pour laisser entrer plusieurs miliciens ainsi que les mercenaires survivants de l’extérieur. A la tête du groupe, le père Altan et Pat le Roux marchaient un pas derrière une haute silhouette qui observait la foule avec un mélange d’autorité et de compassion. Le pourpoint de cuir vert et noir qui avait recouvert sa chemise depuis la dernière fois qu’Aeryn l’avait vu lui donnait un air plus âgé et sérieux. Mais c’est surtout le médaillon circulaire bien en évidence sur son torse représentant l’armoirie royale qui semblait transformer le simple mercenaire à la grande gueule en une personne d’autorité.

- Place pour le Princeps ! Ordonna un milicien d’une voix puissante qui fut coupée par un geste de la main de Clay. Ou plutôt de Vincent, car tel était le nom du premier fils sur Roi et héritier du Royaume du Morguestanc. Son regard se promena sur la foule pour trouver celui d’Aeryn. Il s’y attarda une seconde puis poursuivit son examen de la foule, son regard se posant sur les dépouilles des miliciens et de leurs victimes. Puis il engloba la foule du regard et étendit les bras.

- La couronne s’excuse d’avoir tant tardé à venir au secours de son peuple. Mais je vous jure sur mon honneur et mon sang que plus personne ne vous menacera cette nuit. Merci à vous tous d’avoir survécu pour voir une nouvelle aube se lever. Sombrebois a tenu, grâce à vous, chacun d’entre vous.

A la surprise générale, provoquant même quelque hoquet chez ses hommes, le prince s’inclina très bas, en signe de contrition envers un peuple qu’il estimait visiblement avoir lésé malgré son sauvetage inattendu. Et cette humilité lui fut rendu. Un homme qui avait récupéré une épée sur l’un des corps mit soudainement genoux en terre pour saluer le prince et fut imiter par un effet de marée part tous les gens présents ou au moins en état de le faire. Milicien, mercenaire, prêtre, tavernier, bucheron, couturière, simple badaud. Tous ou presque partagèrent cet instant solennel jusqu’à ce que le prince se redresse.

- Coutiller, que vos hommes s’assurent que chacun ici est en sécurité et a accès au soin nécessaire. Père Altan, vous êtes ma voix ici. Ces hommes vous obéiront.

- Je m’appliquerais à faire respecter cette consigne votre majesté.

Le prince se détourna et regagna l’entrée du Temple. La nuit serait encore longue avant que l’aube promise ne viennent. Et il y avait un regard qu’il n’avait pas croisé dans cette foule. Ses yeux se levèrent vers le fort. Il pria qu’elle soit encore en vie, mais savait que les chances étaient minuscules. Malgré tout, il tira son épée et regagna son cheval pour se rendre au fort.


HRP:
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Laura LucetCouturière
Laura Lucet



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 4 EmptyJeu 28 Juil 2022 - 16:58
L’orage qui tonnait au dehors semblait s’être immiscé dans l’esprit de Laura qui peinait à calmer ses tremblements. Toutes ses pensées s’étaient comme agglutinées en une énorme boule de nœuds faites d’innombrables questions qui se succédaient les unes après les autres sans attendre une réponse qui ne viendrait jamais tant la situation échappait complètement à la petite couturière pourtant désireuse de rattraper le fil de l’histoire, la grande comme la petite, celle de cette calamité qui s’abattait sur eux tous, pauvres hères abandonnés des Trois, et la sienne.

La cadette Lucet sentit une main se poser sur son poignet qui ne cessa de frissonner pour autant. La prise ne tarda pas à se resserrer avec plus d’autorité.

« Calme-toi. »

Les grands yeux bleus de l’enfant se relevèrent alors pour croiser ceux de la prêtresse qui, malgré sa blessure et la souffrance qui devait aller avec, gardait toujours son sang-froid. Rien ne semblait pouvoir l’ébranler, pas même la perspective de la mort qui l’avait pourtant frôlé de près. Si Laura avait un peu plus de temps pour réfléchir, elle se serait certainement sentie honteuse de craquer là où d’autres en bien plus mauvais état restaient dignes ; seulement, en l’instant, elle essayait surtout d’assimiler les indications de la religieuse – qu’est-ce que ça voulait dire ‘cautériser’ ? – et, sans s’en rendre compte, ses doigts s’étaient enfin immobilisés.
Un vieil homme manifestement plus au courant de ce qu’il fallait faire s’approcha alors avec une outre dont il versa le contenu sur la plaie découverte de la jeune femme aux boucles brunes, chose qui la crispa. L’aïeul se tourna alors vers Laura et désigna ses doigts encore collants de sang du menton ; la petite sœur de Pierrick tendit ses poignets et le grand-père renversa une partie du liquide dans le creux de ses mains. Le nez de l’adolescente fut agressée par l’odeur de l’alcool mais, rapidement, elle se frotta les paumes, son aiguille et son fil roulant sur sa peau et s’imbibant d’eau-de-vie, le sang collé gouttant sur le sol. Dans le même temps, elle entendit un grognement dans son dos qui lui rappela celui des bandits lorsqu’elle commençait à les coudre à la va-vite après leurs retours d’attaques de convois ou leur rencontre avec des fangeux. Les dents serrées, Laura se retourna vers la prêtresse et commença à la coudre, essayant de faire au mieux et au plus vite pour qu’elle souffre le moins possible tandis qu’Aeryn se penchait au-dessus d’elle pour donner quelque chose à la blessée. La petite couturière improvisée guérisseuse aurait aimé pouvoir détourner l’attention de la clerc, lui changer les idées mais le temps leur manquait et elle sentait à la crispation du corps qu’elle touchait que la douleur prenait le pas sur tout le reste alors l’adolescente se dépêcha car c’était le mieux qu’elle pouvait faire.

De son coté, Pierrick était perdu, presque aussi tremblant que sa sœur. Il entendit la voix d’Aeryn au-dessus de lui et leva les yeux, cherchant du regard ce qu’elle avait préconisé. Un garçon de son âge lui tendit précipitamment les deux planches de bois et une longue bande de tissu mais, presque aussitôt, l’aîné Lucet se vit privé de ses outils, Soeur Gudrun préférant manifestement tout faire elle-même. L’adolescent voulut protester mais s’abstint et se contenta de faire ce que la religieuse voulait bien lui laisser, peu désireux de la contrarier. Soudain, l’hendoise se figea, comme si elle se rappelait soudain de quelque chose. Les yeux fouillant la foule, elle se mit soudain à crier désespérément le prénom d’une fille, s’agitant sur le sol du Temple.

« - Arrêtez, vous allez vous défaire l’attelle ! Je vais la chercher ! » s’exclama Pierrick avec autant d’autorité que sa voix le lui permettait.

Le garçon se leva alors et commença à chercher dans les rangs des réfugiés, interrogeant le moindre visage féminin qu’il trouvait du regard du prénom que la clerc avait crié avec tant de désespoir.
Il se passa peu de temps entre le début de ses recherches et l’entrée en grande pompe des défenseurs du Temple. Tandis que Pierrick se figeait dans sa fouille, debout au milieu des gens, Laura, elle, suspendit également ses gestes en sentant un instant où la prêtresse paraissait atteindre les limites du soutenable. En entendant le cri d’annonce du milicien puis la voix toute d’une calme autorité de celui qui avait été présenté comme le Prince, la cadette Lucet resta immobile, son regard osant à peine se lever par-dessus son épaule. Un des Princes, ici ? Comment était-ce possible ? Les nobles restaient dans leur château d’habitude…
Les mains toujours posées sur la clerc à l’épaule partiellement suturée, la couturière ne fit pas partie des personnes qui s’agenouillèrent devant celui que Laura ignorait être l’héritier du trône du dernier royaume connu, le futur Roi si les Trois le voulaient, mais elle vit son frère s’exécuter au milieu de la foule lorsque les personnes autour de lui s’abaissèrent jusqu’au sol avec ferveur. Alors, tandis que de nouveaux mouvements agitaient les soldats et les badauds et que Pierrick repartait en quête de la dénommée Bertille pour Soeur Gudrun, la jeune fille se retourna vers sa blessée, lui chuchotant d’une voix fébrile :

« - Tenez bon ma Mère, j’ai presque fini, courage… »

L’adolescente se focalisa de nouveau sur son soin afin de ne pas laisser son esprit s’embrouiller de plus belle, ignorant ainsi l’immense soulagement de savoir que le plus grand danger était derrière elle et qu’elle comme Pierrick avait survécu à cette nuit où ils avaient approché les limbes d’Étiol de bien près.

Spoiler:
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AlaricGarde de Sombrebois
Alaric



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 4 EmptySam 30 Juil 2022 - 18:09
Non. Le ton froid, implacable de la bannie lui transperça la poitrine, le gela de l'intérieur. Alaric ouvrit la bouche pour protester, mais aucun son n'en sortit. Sa tête bourdonnait. Ses pensées se fracassaient les unes contre les autres, tourmentées par les battements frénétiques de son cœur, dévorées par la réalité qui, peu à peu, s'insinuait dans son esprit, cruelle, inéluctable. C'était impossible, il ne pouvait s'y résoudre. À sa volonté de transmettre le bâton à Priscilla se disputait sa rage de la poignarder avec l'arme improvisée ; à son envie de s'enfoncer plus loin dans les marais s'interposait son sens du devoir qui, inlassablement, le poussait à regarder derrière lui, vers les personnes qu'il avait abandonnées. Ses amis. Ses camarades. Son royaume.

L'apparition aussi étrange que morbide de l'enfant ne parvint pas à calmer ses nerfs mis à rude épreuve. Toute couleur avait déserté ses joues : seule l'estafilade ensanglantée bigarrait son visage. Le soldat déglutit. Il réprima un gémissement – de crainte, de colère, de désespoir – lorsque Eve se libéra de ses doigts. Plus la noble s'éloignait, plus les tremblements des mains d'Alaric s'intensifiaient. « Non » aurait-il voulu lui rétorquer, d'un ton aussi ferme et autoritaire que la blonde. Non, ce n'était pas qu'une enfant, c'était... Il tressaillit lorsque le nouveau-né enlaça le pouce de son amante, comme n'importe quel bébé aurait agi. Comme Ellaine l'avait fait avec lui lorsqu'il avait gagné la pièce où sa mère, fatiguée, mais souriante, lui avait présenté sa petite sœur pour la première fois. « Non » mourut sur ses lèvres une seconde fois alors qu'il ne trouvait pas la force de lui donner son arme. Il était sur le qui-vive, déchiré, paralysé ; ses yeux hurlaient à Eve d'arrêter, sa posture défensive, contractée, lui intimait de l'écouter – s'il-te-plaît. Mais la comtesse de Clairmont haussa le ton – ce qu'il avait été bien incapable de faire jusqu'à présent. Le rire de Priscilla lui parvint de très loin, d'aussi loin que le tumulte du vent et le grondement du tonnerre. Néanmoins, il fut suffisant pour le sortir de sa torpeur : ils n'étaient pas seuls avec cette enfant. Il ne pouvait refuser la demande d'Eve, pas maintenant, pas ici. À contrecœur, il lui confia sa dague acérée. L'effroi que lui inspirait le nouveau-né rivalisait avec la tendresse qu'il lui évoquait, lové entre les bras de la jeune femme. Pas de griffes, pas de crocs, pas de cris... Mais comment pouvait-il être sûr qu'elle ne se transformerait jamais ? Que ce n'était pas encore une ruse d'une entité à laquelle il ne voulait pas croire ?

Alaric releva son visage vers Priscilla, dont les doigts fins s'étaient refermés sur le bâton. Même si le soldat se résigna à le lâcher, il soutint le regard de la bannie, ne courba pas l'échine ; la pluie durcissait ses traits, accentuait la lueur grave qui assombrissait ses prunelles.

Il hocha la tête au chuchotement de la blonde et, que les Trois le punissent davantage s'ils le désiraient, il pria pour que l'enfant trépassât d'une manière ou d'une autre. C'était plus facile de le détester, de le voir comme un monstre. Au moins ne souffrirait-il d'aucun remord... Au lieu de quoi, il devrait être aux aguets, protéger Eve d'un danger dont elle semblait ne pas avoir conscience.

Quoi ? murmura-t-il, interloqué par les paroles de la bannie. Tu sais qui a attaqué Sombrebois ?

L'urgence, la panique, la colère avaient fait grimper la tonalité de ses mots, désormais audibles pour l'ensemble du groupe. Alaric manqua d'apposer une main sur l'épaule de la blonde afin de la retenir, mais se ravisa au dernier moment. À coup sûr les réflexes de Priscilla briseraient ce qu'il restait de lui... Il pressa le pas et se hissa à sa hauteur.

Où on va ?! On ne peut pas... Je ne peux pas... s'étrangla-t-il, incapable de terminer sa phrase.

Il se retourna, fixa la pénombre. L'obscurité et la pluie ne l’empêchèrent guère de deviner la silhouette de la forteresse, le contour des remparts, les ombres menaçantes des guerriers muets, les portraits de ses amis gisant sur les jolis pavés des ruelles, la danse pernicieuse des flammes entre les poutres des maisonnettes.

Non.

Pas rude, pas glacial. Désespéré, désolé. Inutile et pourtant indispensable.

Alaric avait l'impression de tomber ; ses jambes flageolantes n'y étaient pour rien. Il connaissait cette sensation, celle de se noyer. De cesser de respirer. Il croisa le regard apeuré d'Eve. Elle avait autant besoin de lui qu'il avait besoin d'elle. Mais comment pouvait-il encore la soutenir alors qu'entre ses bras reposait cette chose aux grands yeux verts, adorable, abominable ? Les Trois se moquaient-ils de lui au point de déguiser l'objet de sa haine en une enfant et de la placer entre les mains de la femme qu'il aimait ? Elle te suit jusqu'au bout de la nuit et tu n'es pas capable d'affronter une petite créature ? Alaric frémit, détailla la rondeur des joues du bambin, ses lèvres fines, ses menottes qui s'agitaient, étreignant de temps à autre la chemise d'Eve. S'il n'avait pas assisté à cette naissance lugubre et absurde, il aurait trouvé la scène attendrissante. Et pourtant, pourtant, la dague qu'Eve lui avait rendue le démangeait. Alaric ancra son regard dans les yeux de l'enfant, y aperçut brièvement sa silhouette. Torturée, meurtrie, éreintée. Où se trouvait le monstre ? En face de lui ? Ou dans ce reflet émeraude ?

Il devait se reprendre. Pour lui, pour elle, pour eux. Il était peut-être terrifié, mais il ne pouvait pas se montrer aussi lâche – pas encore – alors que la jeune noble avait fait montre d'un courage exemplaire jusqu'à présent. D'un geste de la tête, il lui proposa d'augmenter son allure et de marcher à ses côtés, afin de garder un œil sur elle et son ignoble paquet.

Pourquoi Odalie m'a envoyé dans les marais ? lança-t-il à la blonde.

Car, finalement, la voyante l'avait manipulé depuis le début. Elle savait que les bannis n'aideraient pas le bourg. Eve avait eu raison : Odalie avait utilisé leur relation – mais comment savait-elle ? – et ses connaissances au sujet de la bataille pour le persuader. Avait-il seulement bien fait ? S'ils étaient restés au château... Si, si, si.

Dis moi ce que tu sais.

C'était plus une supplique qu'un ordre, qu'il avait presque dû hurler, afin de couvrir la clameur des bourrasques fouettant les arbres. S'il avait été seul, Alaric aurait cessé sa marche. Il aurait confronté la bannie, excédé, fatigué par tant de mystères et de non-dits, sans craindre une réplique sanglante de sa part. De toute manière, il avait toujours pensé qu'il mourrait dans les marais. Mais il n'était pas – plus – seul. Il y avait des risques qu'il ne pouvait plus prendre. Alors il se mit en marche malgré lui, ses yeux dardant sa prétendue sauveuse, pendu à ses lèvres. Pour quoi, au juste, suis-je devenu un déserteur ?
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Edwige RutherfordPrêtresse apprentie
Edwige Rutherford



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 4 EmptyDim 31 Juil 2022 - 19:13






La nuit des hurlements



La longue attente cloîtrée dans l'angoisse se change en éternité pour Edwige et Pénélope. Le comte de Rougelac, malgré son rôle salvateur, maintient une distance froide avec les deux femmes. Peut-être ne sait-il effectivement rien de ce qui s'est joué ce soir. Peut-être a-t-il sa propre opinion. Pour sa part, la jeune religieuse ne se sent plus l'énergie de se mêler des affaires des autres. Les siennes sont déjà dans le plus grand désordre, et quelque chose lui dit que le Temple se souviendra de son départ précipité plus que de ses raisons.

- ... Merci, murmure finalement la brune à destination de Victor. Vous avez pris un risque pour nous... Rien ne vous y obligeait.

Si Edwige n'a pas le cœur à sourire, elle courbe néanmoins l'échine vers le noble aux cheveux grisonnants. La clergesse fait partie de cette minorité d'ingénues qui, mises face au mal, font l'effort de reconnaître le bien. Les menaces l'intimident assez pour lui faire baisser les yeux, mais le résultat de son intervention est là : elles sont en vie, et les enfants aussi.

Le silence se fait pesant. Rien ne vient plus le déranger, ni le croisement des lames, ni le bruit pressé des pas sur le plancher. Le manoir paraît plus calme qu'il ne l'a jamais été. Une nuit aura suffit à faire de cette maison accueillante un tombeau.

D'un élan commun, Edwige et Pénélope se dirigent vers l'armoire afin de libérer les plus jeunes rescapés. Les pleurs ne tardent guère malgré leurs meilleurs efforts pour éloigner leur attention des multiples corps. L'odeur du sang tiède règne dans la pièce. Elle souillera probablement les lieux pour longtemps.

- Rosen... s'inquiète la guérisseuse en s'affairant à dégager l'accès du couloir. Pénélope, trouves un endroit sûr pour les enfants. La baronne a peut-être besoin d'aide...

A peine la porte franchie, Edwige trébuche sur le cadavre massif d'un garde de Sombrebois qui s'affaisse jusqu'à appuyer sa joue sur le plancher. La jeune femme, dans un état second, enjambe les corps jusqu'à accéder à l'escalier. La scène est digne d'un odieux cauchemar. Ces masses informes sanguinolentes avaient des familles il y a encore quelques une poignée d'heures. Alors que la Fange menace les derniers remparts de l'humanité, comment les hommes parviennent-ils encore à de tels massacres...? Combien de vies gâchées pour des motifs toujours plus futiles ? Edwige voudrait trouver un lit et se cacher dessous pour pleurer jusqu'au matin, mais elle sait que ses soins risquent d'être requis. Si le sommeil lui est permis dans les quarante-huit heures, ce sera déjà un miracle.

Son soulier glisse dans les entrailles d'un assaillant masqué alors qu'elle grimpe les marches vers l'étage. La Rutherford achève le trajet pieds nus et haletante, couverte d'un sang qui n'est pas le sien. Elle s'interrompt soudain, réalisant que d'autres traces similaires aux siennes marquent déjà le plancher. Des empreintes de pieds féminins menant vers l'autel de la maisonnée, accompagnés par d'autres. Edwige demeure un instant stupéfaite face à cette découverte étrange qu'elle décide de suivre. Dans la pénombre du temple intérieur, une silhouette blonde repose contre le sol de pierre, inerte.

- Rosen ! s'alarme immédiatement la religieuse en se précipitant à ses côtés. Rosen, par les Trois...

Est-il trop tard ? Edwige colle son oreille à ses lèvres. Son souffle est presque imperceptible, mais dans ce calme plat, elle peut le sentir. Elle ne perd pas un instant pour localiser la source de son saignement, puis pour appliquer les premiers soins. La blessure est impressionnante mais les organes vitaux semblent avoir été sciemment épargnés. Est-ce un coup de chance ? Pour le moment, la question est sans importance. La guérisseuse agite ses mains pour les empêcher de trembler, puis se met au travail. Entre deux bandages, son regard cherche anxieusement un petit corps dans les environs.

- Où est Athanase...?


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Rosen de SombreboisBaronne
Rosen de Sombrebois



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 4 EmptyLun 1 Aoû 2022 - 1:45


La nuit des hurlements
Rosen feat ...


J’ai de plus en plus de mal à respirer et l’impression que je vais perdre connaissance d’une seconde à l’autre. Comme si une force invisible contenait mes poumons, j’ai la sensation qu’ils ne se remplissent plus entièrement. Que ce soit le paralysant qui commence à impacter mes muscles respiratoires ou que je trouve de moins en moins la force de respirer avec le sang qui s’échappe toujours plus de mon corps, le résultat est le même. L’air ne rentre plus tout à fait comme il le devrait.

Je ne sais pas si je tiendrai encore longtemps comme ça. Je me sens tanguer et le bourdonnement s’amplifie. Les picotements se font aussi ressentir aux extrémités, comme dans mes doigts ou mes orteils. Mais toute engourdie que je suis, je les sens à peine. Plus les secondes s’écoulent et moins je vois comment je pourrais survivre.

Et puis, tout le monde doit être mort. Marie-Ange est morte. Edwige doit être morte aussi… je dois être la seule survivante de ce putain de château. Il n’y aura sans doute plus personne pour me soigner. C’est sans doute mieux comme ça. Je suis tellement fatiguée de vivre… et à quoi bon maintenant.

Je ne reverrai sans doute jamais mon fils. Je ne le verrai dans tous les cas jamais grandir. Je ne pourrai plus vivre avec lui. Les premiers mois de vie sont ceux où un enfant grandit le plus vite. Ceux où il se construit et a besoin de sa mère... Alors à quoi bon. A quoi bon vivre ainsi ? Je n’ai plus rien désormais. J’ai tout perdu… absolument tout. Je serai incapable de surmonter ça. Je crois qu’aussi forte que je puisse être, ma résistance est en train d’atteindre ses limites.


A quoi bon lutter ? Autant me laisser aller et qu’on en finisse une bonne fois pour toute. Ça sauvera au moins des vies. J’aimerais fermer les yeux et que tout se finisse. Mais mes yeux sont toujours ouverts face à la porte, me paraissant d’ailleurs devenir désagréablement secs.

Oui, que tout se termine et que que cette maudite malédiction s’achève. C’est drôle, quand on réalise.

- Mon père : assassiné.
- Ma mère : assassinée.
- Mon oncle : assassiné.
- Mon époux : assassiné.
- Moi : assassinée.
- Mon fils………



Combien de temps saura-t-il y résister ? Peut-être entre vingt et trente ans avec un peu de chance, âge où semble retomber cette étrange couperet. Tout cela n’a plus d’importance. C’est fini. Tout est fini.

Un mouvement silencieux sur le pas de la porte attire soudain mon attention alors que je sombre doucement. Ma vision commence à se brouiller, mais elle est encore assez nette pour distinguer une silhouette féminine dérangeante qui s’immisce à l’intérieur du temple pour s’approcher de moi et contrôler mon état. Vaguement, elle m’interpelle quelque peu. Mais c’est quand j’entends la voix de l’autre cinglée – sans grande surprise, à vrai dire je me doutais bien qu’elle serait là - en train de s’exaspérer de ne pas avoir pu m’avoir que je la remets subitement en l’entendant lui répondre.

La voix donnée. Encore elle. Décidément. Si maintenant j’en ai deux sur le dos… comme si une ne suffisait pas elles s’y mettent à deux maintenant !

Et de les écouter parler de moi comme si je n’étais pas là – allez-y continuez je vous en prie, j’ai toujours aimé être le centre de l’attention... En tout cas, force est de constater que le plan de Roxanne risque d’être sacrément compliqué. Elles ont déjà compris… et sans moi pour noyer le poisson, ça va être une sacrée paire de manche, alors bonne chance à elle dans ses intrigues. Il faudra qu’elle se débrouille sans moi, et elle a intérêt sur ce coup là si elle ne veut pas que je revienne d’entre les morts pour lui botter le cul.

Bon... je crois que j’ai dû parlementer un peu trop fort avec Etiol… Mais c’est pas grave, c’est bien comme ça. Si mon fils survit… si Roxanne survit… c’est le principal. Et peut-être que les autres aussi ont survécu… qui sait ? Deux personne qui auraient fuie… Alaric est toujours vivant alors, et il n’est pas parti seul. Je ne sais pas s’il est parti avec Eve ou Pénélope, mais je crains que l’une des deux ne soit morte, pour le coup. Si Edwige et les enfants pouvaient être vivants aussi…

Allons-y. Un marché est un marché après tout. Je t’en prie maudit corbeau, fais toi plaisir. Ma vie contre la leur. C’était bien ce que j’avais demandé ? Au loin, j’entends un cor sonner qui semble encore plus contrarier l’autre tarée à poil. Aide ou autres ennuis, je ne saurais le dire. Au point où j’en suis de toute façon… je ne sais pas vraiment si ça pourrait être pire.

Je regarde – vois, plus exactement - l’autre face de cadavre me fixer encore, me dévisager, même, plongeant son regard dans le mien. Visiblement incapable d’accepter l’idée que je puisse être déjà morte. Elle va même jusqu’à m’empoigner brutalement par les cheveux pour pouvoir mieux observer mon visage et si elle espérait qu’une quelconque réaction ou grimace ne puisse me trahir, c’est bien évidemment raté.

Mais malgré l’urgence, elle prend de longues secondes pour chercher la moindre trace de vie au sein de mon visage et c’est quand je la vois sourire que je comprends qu’elle vient, je ne sais comment, de découvrir que je suis toujours en vie. Non, ça n’a rien de bien étonnant en réalité pour quelqu’un qui sème les cadavres comme on sème du blé. Mes yeux sont bien vivants même si mon regard est éteint… Et ils travaillent tant, d’ailleurs, sans les paupières pour les préserver, que je crois bien les sentir s’humidifier pour compenser la sécheresse.

Et voilà donc venue la fin. Soit, je suis prête. Je me demande si Roxanne sera quand même un peu triste, au fond, de se dire qu’elle m’aura menée tout droit à la mort - alors même que je voulais juste la sauver. Bien sûr que non. Cette seule pensée est stupide… Quand je me mourrais pendant mon accouchement, c’est à elle que je pensais. Et là c’est encore à elle que je pense. Mais ma dernière pensée, elle sera pour mon enfant sur qui je veillerai.

Je ne sais pas vraiment si je rejoindrai son père… peut-être que oui avec ce qu’il a fait après tout. Peut-être a-t-il sombré dans les profondeurs des marais. Peut-être que non, que les Trois lui auront pardonné ce crime qu’il a dû faire sous la contrainte. Je l’espère de tout mon cœur. Mais je veillerai sur mon enfant, même si mon âme sombre au plus profond des marais.

Mais alors que je m’attendais à être achevée, la voilà qui me fait signe de silence ?!



Et elle s’en va comme ça ?!

Dites moi que c’est une blague !

Qu’elle revienne !

Etiol, espèce de sac à plumes !

Fais la revenir !

Saloperie de charognard !

Me laisse pas comme ça !

Etiol, sac à merde !

Emporte moi !

Emporte moi !

Emporte moi !

Espèce de… de sale pigeon déplumé !



Dites moi que c’est une blague… elle me laisse vraiment comme ça ?!

Sérieusement. Ma vie est décidément la pire des comédies. J’en arrive à un point de non sens tel que mes alliés me poignardent et mes ennemis me laissent vivre. L’ironie de la vie… Ah, à quel point je dois me taper l’air con, là, vautrée par terre sans pouvoir bouger d’un millimètre, à me vider de mon sang pendant que mon bébé est en vadrouille je ne sais où - à cause d’une personne sensée nous protéger et qui m’aura bien baisé la gueule - à supposer qu’il soit toujours vivant.

Oui, je me sens juste terriblement con vous n’avez pas idée. Pour sûr, il y a de quoi se taper des barres et se foutre de ma gueule. Pas étonnant que cette conne ne m’achève pas et qu’elle ait jeté son dévolu sur moi. Je suis le meilleur amusement possible… ma vie est un amusement à elle toute seule. Et la voilà qui repart après avoir reposé ma tête au sol dans une douceur qui contraste étrangement avec la façon dont elle s'en est saisie. Là voilà qui repart en me laissant là pauvre de moi.

C’est pas grave… ça ira. Ce n’est qu’une question de minutes maintenant avant qu’Etiol ne me fauche de toute façon. Je ne suis même plus en état de voir la flaque s’étendre. Ma vision est de moins en moins fonctionnelle et je me sens tellement légère. Je ne sens même plus le sol froid sous mon corps. Finissons-en. J’ai juste à me laisser aller tranquillement. Pourtant, au plus profond de mon for intérieur, je sens une partie de moi qui veut continuer de lutter pour survivre.

J’aimerais mieux mourir. Mais si je survie… ça va être une véritable course contre le temps pour reprendre les choses en main. Je sais très bien pourquoi elle ne m’a pas achevée. A dire vrai, je ne suis même pas sûre qu’elle parvienne à me tuer un jour. Sa vie serait bien ennuyeuse sans mes épopées hilarantes à suivre… bien ennuyeuse sans pouvoir jeter son obsession sur moi et m’imaginer sombrer à petit feu.

Et j’aurai intérêt à faire preuve de finesse et de brio d’un moyen ou d’un autre, parce que je crois imaginer très bien ce qu’elle a en tête. On se reverra encore si j’ai le malheur de survivre, je n’en ai aucun doute. Mais j’aimerais autant que ce soit moi qui lui tombe dessus cette fois pour lui régler son compte plutôt que l’inverse. Oui, l'ironie de la vie... elle passe son temps à me laisser vivre et je passe mon temps à vouloir la buter. Ce décalage qu'il y a entre nous...

Je ne sais plus qui veut quoi, qui est avec qui et contre qui dans cette histoire, mais dorénavant si j’en ai l’occasion, je me concentrerai sur l’essentiel et cesserai de gamberger des heures durant sur ce qui se trame. Une pure perte de temps… j’aurais bien mieux à faire. Ça sera à mon tour, de tramer des choses. Et ils verront. Oui, ils verront… Ils verront à quel point je peux jouer, moi aussi.

S’ils pensent bien me connaître ils ignorent juste un détail : je suis le second fléau du Morguestanc et je me ferai un plaisir de leur le faire réaliser. Ils ont torts de me sous estimer... Oui, je suis un peu prétentieuse moi aussi à mes heures… je sais.

Je sens l’inconscience me gagner doucement et je sais que si je me laisse aller, je risque très certainement de ne jamais me réveiller. Par contre, ce que je ne sais pas, c’est si j’ai vraiment envie de me battre pour survivre. Lutter ou abandonner, telle est la question.

***

« Rosen ! Rosen… »

J’ouvre les yeux. Non, en fait j’essaie d’ouvrir les yeux. Mais je n’y arrive pas. Ah, oui. Ils sont déjà ouverts. Au loin, je distingue faiblement la voix paniquée d’Edwige, mais je ne la vois pas. Un sombre voile obscurcit ma vision et je me sens comme si j’avais pris un sacré coup sur la tête, toujours incapable d’esquisser le moindre mouvement ni de prononcer le moindre mot. Mon esprit s'embrume... ma conscience perd en consistance.

Edwige est vivante… Voilà une bonne nouvelle. Peut-être sont-ils tous vivants alors... C’est plus sereine que je me laisse sombrer vers le néant, au cœur de ces abysses insondables. A moins que je ne sois en train de la rejoindre dans l’autre monde ?


Bonjour le sang, bonjour la mort, bonjour ténèbres, mes vieilles amies...




Citation :
Merci pour cet évent, c'était très chouette !

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Gudrun MercierPrêtresse
Gudrun Mercier



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 4 EmptyLun 1 Aoû 2022 - 22:49
Elle s'en voulait de n'avoir pas pensé à Bertille en premier lieu, et c'est le cœur serré qu'elle attendait le retour de Pierrick tout en se concentrant sur la confection de son attelle. Laura à côté recousait tant bien que mal la plaie de Sœur Isolde avec l'aide du Père Harold. Qu'il soit là, au Temple, ce soir-là, ne la surprenait guère au fond, car c'était un homme au grand cœur. Elle était soulagée qu'il soit toujours en vie, et le serait davantage lorsqu'elle verrait Bertille.

Elle n'avait toujours aucune idée de l'issue des combats là-dehors, quand soudain un brouhaha lui fit relever la tête. Ce n'était pas un bruit d'alarme, mais plutôt de soulagement. Toujours assise contre le pilier, elle serra fermement le dernier nœud du tissu et observa les nouveaux arrivants, à travers les jambes de la foule qui se pressait. Elle n'en distingua pas grand'chose, se concentra sur la voix, le discours : même si elle n'appréciait guère les excuses, une impression de délivrance l'envahit. C'était bel et bien fini. Plus tard, elle se demanderait sans doute pourquoi personne n'avait eu connaissance de la présence du prince ici, pourquoi le Père Lucian n'en avait rien dit. Pourquoi la châtelaine du Val d'Asmanthe et le gouverneur de Rougelac semblaient avoir été au fait de certaines choses. Pourquoi Richard avait tenté de la tuer ce soir, lors même qu'il était venu se confesser la veille, seul à seule avec elle. Mais à ce moment là, elle savourait le plaisir d'être en vie, et en sécurité pour quelques jours de plus, et elle s'inclina comme tout le monde face à leur sauveur.

Le moment de grâce passé, elle eut le bonheur de voir Pierrick réapparaître en compagnie de Bertille, suivie de son frère et sa sœur. Elle attira la petite fille à elle pour l'étreindre avec une tendresse qui ne lui était pas coutumière.

Seul Éric manquait à cet instant là pour que la situation la rende heureuse. Mais pour l'heure, les questions et les attentes devraient être mises de côté, car pour les prêtresses et les habitants du bourg, le labeur nocturne ne faisait que commencer.

HRP:
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Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 4 EmptyVen 5 Aoû 2022 - 10:40
24 Mai 1167.
[convocation] La nuit des hurlements - Page 4 Tgld

Alaric...

En comparaison de la Châtelaine, ou d’Odalie, Priscilla se révéla d’une étonnante facilité à l’échange. La bannie, si elle ne prenait visiblement pas de plaisir particulier à se voir posé des questions insistantes, ne partageait clairement pas le gout du mystère de ses autres interlocutrices. Tout juste se contenta-t-elle d’un signe du plat de la main pour lui signaler de moduler plus avant le ton de sa voix. Après tout, ils étaient dans les marais, au beau milieu de la nuit.
La blonde ne semblait pas inquiète outre mesure de ce point, sans doute que des années passées à survivre dans cet environnement hostile finissaient-elles par amoindrir la crainte d’une mort violente. Une preuve de plus que l’homme s’habituait au pire avec une étonnante facilité.

- Pas précisément. C’est un client comme un autre, lui répondit-elle donc d’une voix calme et maîtrisée. Mais je sais comment ils ont fait exploser vos portes. Le feu grégeois est encore plus puissant que les notes ne l’indiquaient. Notre venue ici n’aura pas été totalement inutile finalement.

Elle parlait d’un évènement qui avait couté des dizaines de vies sans aucun doute et qui devait se poursuivre encore à cet instant. Mais son flegme était tel que l’on aurait pu penser qu’elle discutait de l’augmentation du prix du poisson. Visiblement, la vie des gens de Sombrebois ne l’émouvait pas tant que cela.

- On va à Balazuc. Du moins dans ses abords. Vous ferez les derniers mètres tout seuls. Nous ne sommes pas très bien vu dans le coin. Et tu peux, parce que tu as déjà eu bien de la chance d’arriver en un seul morceau jusqu’à nous. Repartir serait encore plus stupide que de venir.

Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule pour indiquer la jeune femme aux traits pâles et fatigués qui serrait contre elle le colis maudit. Aucun doute que si Alaric décidait de rebrousser chemin vers le bourg, Eve refuserait de s’éloigner de lui. Et visiblement Priscilla ne tenait pas à avoir à composer avec une dispute de couple au milieu des Marais. Le Capitaine devait en avoir conscience car il reprit, ou essaya, de reprendre le contrôle de son ton à la question suivante. Le sujet choisit fit sourire à pleine dents la bannie, comme si c’était là un des thèmes les plus drôle qu’elle ait pu entendre.

- Pourquoi Odalie fait-elle ce qu’elle fait ? Si tu trouves la réponse à cette question, n’hésite pas à partager.

Elle dût se rendre compte du désarroi du capitaine et, chose étonnante, en sembla plus mal à l’aise que d’évoquer la mort des habitants. Elle ralentit légèrement le pas pour se mettre à son niveau et reprit avec moins d’amusement.

- Tu dois avoir compris qu’elle sait des choses qu’elle ne devrait pas savoir. Il en a été de même pour nous. Grâce à elle on a pu sauver des vies. J’ai… Je m’étais endetté envers elle. Elle m’a dit que ma dette serait payée si je mettais en sécurité les personnes qui viendraient planter un bâton sculpté cette nuit sur la butte. Alors, c’est ce que je fais.

Nouveau coup d’œil sur Eve, ou plus précisément sur la chose qu’elle transportait. Ses lèvres crispées. Visiblement Odalie ne devait pas l’avoir informé de ce menu détail. Était-ce là un oubli ? Un manque de savoir ? Après tout, la voyante pouvait parfaitement manquer de précision dans ses visions. Personne n’est parfait, n’est-ce pas ? Malgré tout, le plus inquiétant restait sans aucun doute la possibilité que l’Oracle ait parfaitement eu conscience de l’arrivée de cet étrange évènement et ait choisit de ne rien en dire. Après tout. Que ce soit lui, Eve, ou Priscilla. L’un d’eux aurait-il suivit ses prédictions si elle avait annoncé qu’un enfant né de la Fange verrait le jour à l’endroit de leur rencontre ? Était-ce pour cela qu’elle les avait tous mené là ? Pour que cet enfant soit ramené dans le monde des hommes par des gens qui pensaient être là pour leur propre raison ?

La Bannie avait dû suivre le même genre de raisonnement que lui parce qu’il la vit faire une moue entre suspicion et agacement. Visiblement, elle n’aimait pas plus que lui l’idée d’être l’outil d’une sorte de destin décidé par quelqu’un d’autres. Juste face à eux, une forme émergea parmi les ombres. Alaric entendit Eve étouffer un hoquet d’affolement en s’apercevant qu’il s’agissait d’un banni de plus. Un véritable colosse, presque aussi imposant que l’ancien chevalier Desmond, mais ses traits étaient burinés par bien plus d’années. Étonnant qu’un homme d’une telle carrure puisse se déplacer si silencieusement. Il se pencha à l’oreille de Priscilla et chuchota quelque chose qui lui valu un hochement de tête, puis reparti comme il était venu. Il n’avait pas effectué dix mètres que sa masse disparaissait dans les ténèbres.

La chef du petit groupe tourna la tête vers lui.

- Des cavaliers… Beaucoup de cavaliers. Milice à première vue. Ils se sont dirigé droit vers Sombrebois. Il y a peut-être encore de l’espoir pour le bourg, dit-elle sans joie ou critique, annonçant simplement un fait. En réalité, la présence de la milice semblait plus la perturber que l’impact que cette présence aurait sur l’attaque.

- On va devoir rallonger un peu notre trajectoire. Ces crétins ont réveillé tous les marais.

Alors qu’elle se détournait pour reprendre sa marche dans une direction un peu plus à l’ouest que précédemment, Alaric put sentir la main d’Eve se glisser dans la sienne et la presser avec force. En tournant le visage vers elle, il put découvrir que malgré sa peur palpable et la fatigue, dans ses yeux se trouvait un éclat d’espoir féroce, une conviction qu’une chose positive dans cette nuit d’horreur était entrain d’advenir. Elle n’osa pas exprimer le fond de sa pensée devant leurs… protecteurs, mais il sut pour la connaître chaque jour un peu mieux, qu’elle savait quelque chose sur ces cavaliers.


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IsoldeQueen
Isolde



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 4 EmptySam 6 Aoû 2022 - 10:50
Isolde se saisit de la dague d'Aeryn, peut-être simplement pour se rassurer. D'un geste vacillant et tremblant, elle resserra l'étreinte de ses dents sur le cuir, manquant de transpercer le cuir tant la douleur se propageait comme une onde sismique à lui en donner le vertige. Isolde courbait l'échine, ses mèches collées de sueurs se plaquant sur son visage, les yeux ancrés sur ses doigts qui se nouaient et dénouaient comme un milles pattes hystérique. Des traits de feu inondèrent chaque fibre de sa peau dès qu’elle sentait l’aiguille traverser la chair à vif, propageant un enfer liquide dans ses veines. Une fois la blessure refermée, on attrapa une bande de tissu vulgairement découpée qu'on lui serra fermement autour du bras. Isolde résista à la mauvaise impulsion de se fracasser le crâne contre le mur. Les morsures douloureuses s'estompaient, les battements désordonnés de son corps refluaient dans sa poitrine, les tremblements fiévreux qui agitaient son bras s'espaçaient. Mais enfin, la douleur s’apaisa, un calme salvateur après l’averse douloureuse. Isolde dévisagea la gamine avec circonspection, même sous la panique, Laura avait opéré avec des gestes précis malgré l’inexpérience.
Cette gamine aurait pu devenir une soigneuse renommée.

Isolde inclina la tête vers la jeune fille. La chaleur de son accueil et ses prunelles brillantes d’une reconnaissance silencieuse. Son regard bienveillant et vif la dévisageait, sans doute à la recherche d'un signe extérieur témoin de sa récente panique.

« Merci.» Acheva-t-elle, se rendant compte qu’elle ignorait le prénom de la jeune fille en déposant une main en bénédiction sur le haut de son crâne. “Merci pour tout.”

Isolde se redressa et vacilla quelques pas, se retenant à l’épaule d’Aeryn qui la soutient contre elle en verrouillant son bras autour de sa taille dans un étau solide. Ses jambes la soutenaient encore, les Trois en soient loués. C’était important vis-à-vis des Fidèles, surtout dans les conditions actuelles, aucun aveu de faiblesse ne lui était toléré.

« Merci à vous.»

Isolde cligna des yeux, presque étonnée de découvrir Clay sous la peau d'un Prince.
Elle se tourna vers l'arrivée du prince, toujours fidèle à l'idée qu'elle s'était faite de Clay, une ancre, un roc. Lorsque le prince se détourna pour regagner le Fort, Isolde ne s’attarda plus sur lui ; il y avait encore beaucoup à faire.
Le dos de sa main monta d'elle-même à son front pour chasser les perles de sueurs et se déverouilla de l’étreinte d’Aeryn, pressant son épaule avec chaleur pour la rassurer ; les mots se dispensaient après ce qu’il venait de se dérouler au Temple.

« D’autres blessés sont-ils à soigner ? Avancez-vous. » Sa voix était affaiblie mais fermement posée.

Comme si une blessure pansée allait la mettre hors course. Sa fierté déplacée l’obligeait à se tenir ancrée sur ses appuis.


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AlaricGarde de Sombrebois
Alaric



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 4 EmptyDim 7 Aoû 2022 - 10:42
Un client. Les informations concernant le feu grégeois ne l'intéressaient pas outre mesure ; il s'en occuperait plus tard. En revanche, il avait désespérément besoin de savoir qui avait attaqué Sombrebois. Leur assaillant avait tout orchestré à la lettre, sans doute depuis des mois. Il avait minutieusement élaboré une stratégie efficace, au cours de laquelle il avait leurré la milice dans un premier temps, avant de concentrer l'essentiel de ses forces à l'intérieur même du château. D'ailleurs, Alaric ne savait toujours pas d'où ces guerriers étaient sortis. De la cave, certes, mais depuis quand un passage secret existait-il sous la forteresse ? Rosen en avait-elle eu seulement connaissance ? Rosen...


Ses poings se serrèrent un peu plus ; les vestiges de son cœur se consumaient.


Le soldat repensa aux adversaires qu'il avait abattus, à leur comportement mystérieux. Aucun d'eux n'avait jamais crié lorsqu'il leur avait ôté la vie, personne n'avait hurlé à leur poursuite. Qui pouvait être à la tête d'une telle armée presque... inhumaine ?

Le client de qui ? renchérit-il. Qui est le commanditaire de cette attaque ?

Un ton détaché, presque trop calme, qui contrastait avec la panique qui l'avait étreint quelques minutes plus tôt. L'armure d'Alaric dégoulinait, elle était lourde, si lourde. La chemise qu'il portait en-dessous collait à sa peau, trempée par la pluie et la sueur. Son corps avait froid, glacé par les rafales de vent, gelé par l'averse qui n'en finissait pas. Et pourtant, Alaric brûlait d'une rage qu'il ne pourrait plus contenir très longtemps. La vengeance était une vieille amie qu'il avait oubliée pendant plusieurs mois ; elle lui tendait les bras, avenante et généreuse, désireuse de l'enlacer à nouveau. Elle attisait les braises de sa colère plus efficacement que des branches de pins jetées négligemment dans les flammes.

Il n'ajouta pas que le sergent de Balazuc ne l'avait pas à la bonne non plus. Lorsqu'il avait défendu le camp nouvellement installé et sapé son autorité, en décidant de protéger Isaac... Isaac.


Les braises rougeoyaient, bouillonnaient, tapies dans ses entrailles.


S'il l'avait confié à Aeryn... Aeryn.


Un nouveau crépitement grésilla dans sa poitrine.


Alaric tâcha de se concentrer sur les réponses de la bannie. Pour une fois, il avait trouvé quelqu'un qui daignait répondre à ses interrogations. Il fronça les sourcils, pensa à Odalie et à ses paroles sibyllines qu'elle s'était plu à déverser à d'autres que lui ; Priscilla aussi en avait fait les frais. Songeur, les propos de Sœur Isolde lui revinrent en mémoire. Isolde.


Une flammèche supplémentaire s'alluma en lui.


La prêtresse lui avait appris que sa sœur désormais disparue – dans des circonstances qu'elle n'avait pas précisées – se prénommait Odalie. Interloquée, elle avait tenté d'en apprendre plus sur cette mystérieuse diseuse de bonne aventure. Priscilla avait une dette envers la voyante et elle avait épargné la vie de la jeune femme...

C'est Odalie qui a voulu épargner Sœur Isolde ? réfléchit-il à voix haute.

Alaric porta instinctivement la main droite sur sa dague, lorsqu'un colosse émergea des fourrés. Il se détendit à peine lorsqu'il comprit qu'il s'agissait de l'un des bannis au service de la blonde. Ils échangèrent des mots que le soldat ne put comprendre et, sur ses gardes, lança un regard inquiet à Eve qui marchait toujours à leurs côtés. Il s'obligea à ne pas observer l'enfant que la noble maintenait fermement contre elle. Priscilla s'était retournée plusieurs fois vers la comtesse – ou plutôt, vers son paquet ignoble – et Alaric avait espéré que la blonde oserait l'arracher des mains de son amante pour exterminer la menace. À son grand désarroi, elle n'en avait rien fait.

La milice ? répéta-t-il, stupéfait.

Des renforts ? Il n'osait l'espérer. Était-ce le sergent de Morgestanc qui était revenu à leur rescousse ? Mais Eïlyn n'avait-elle pas dit que... Eïlyn.


Le feu le dévora.


Ses pieds s'arrêtèrent sans qu'il ne s'en aperçoive, ses muscles se tendirent, ses dents se serrèrent à se briser les unes contre les autres... Une main se glissa dans la sienne. Son courroux reflua ; la douleur s'estompa, telle une vague quittant les rivages pour regagner la mer. Un baume sur son cœur meurtri. Crispé, Alaric dévisagea la jeune noble, lut dans ses yeux ce qu'elle n'osait exprimer à haute voix. Eve savait quelque chose. Un détail qu'il ignorait. Un lien avec ces cavaliers qu'ils avaient manqués de croiser. Le soldat lui répondit par la perplexité, sourcils relevés, ses yeux toujours aussi sombres. Si Eve avait eu vent de renforts probables, elle lui en aurait parlé, non ? Pourquoi l'aurait-elle laissé fuir dans les marais, abandonner ses coéquipiers et ses amis, si elle savait que la milice viendrait les secourir ? Cap’, fais attention, sentiments et secrets ne font pas très bon ménage. Parfois derrière les secrets, il n’y a que d’autres secrets. Les baumes atténuaient la douleur, mais n'étaient pas toujours suffisants pour guérir la blessure. Sa mère le lui avait appris. Elle s'était rarement trompée.

Alaric ne lâcha pas les doigts de son amante, mais ne répondit pas pour autant à leur étreinte. Il s'enfonça dans un sombre mutisme, ses yeux résolument fichés droit devant lui, son dos légèrement voûté. Ses pieds avançaient l'un après l'autre, sans qu'il ne sache comment ; il avançait tel un corps privé d'âme, faisant fi de la boue qui piaulait désagréablement sous ses bottes, de l'orage qui zébrait le ciel en continu, affichant son ombre pitoyable sur les terres hostiles. Il ne savait plus ce qu'il devait penser, ce qu'il devait craindre, ce qu'il pouvait espérer : le bourg serait-il sauvé ? L'avait-il abandonné pour rien ? Que savait Eve ? Il ne voulait pas émettre de conclusions hâtives, mais ses pensées désordonnées ne lui murmuraient aucune réponse concrète ou satisfaisante. Il était épuisé. Mais il savait que le sommeil le fuirait pendant des semaines.

Alaric releva la tête vers la bannie qui marchait devant lui. Elle avançait d'un pas assuré, le port altier, ses sens aux aguets. Le soldat devinait son habitude de se mouvoir dans les marais, à sa démarche prudente, mais pourtant souple et silencieuse. Ses cheveux blonds, obscurcis par la pluie, dansaient sur sa nuque au rythme de sa marche soutenue. Les bannis avaient été au centre de – presque – toutes ses discussions dernièrement. Au lieu de se morfondre, il pouvait au moins essayer de démêler quelques vérités. Il puisa ce qui lui restait de courage ; malgré ses doutes, la main dans la sienne lui insufflait l'énergie qui lui faisait défaut.

Priscilla ? l'interpela-t-il.

C'est le hasard qui lui imposa plus que la logique sa première interrogation, tant ses réflexions n'étaient que désordre et méandres nébuleux.

Quel est le lien entre les bannis et les Victorieux ?
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Dame CorbeauMaître du jeu
Dame Corbeau



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 4 EmptyDim 7 Aoû 2022 - 17:32
24 Mai 1167.
[convocation] La nuit des hurlements - Page 4 Tgld
L’alerte dans le bourg ne fut définitivement levée que dans la matinée et même alors, de nombreuses patrouilles allaient et venaient dans les rues bien plus fréquemment que les passants, la plupart des habitants restant chez eux. L’entrée du bourg, qui avait subit les plus gros dégâts avait été prestement déblayé sous les efforts de la milice. Les plus gros éclats avaient été trainés ou portés jusqu’à l’ouverture béante et entassés jusqu’à former un semblant de mur défensif consolidé avec du gravier et de la terre. Une charrette au flanc couvert de haute planche serait à boucher une entrée juste assez large pour laisser rentrer deux personnes ou un cheval de front. Depuis l’aube il n’avait eu à abattre qu’une créature trainarde qui avait visiblement suivit la piste de la cavalerie avec du retard.

Les assaillants avaient disparu aussi abruptement qu’ils étaient apparus. Des rumeurs de tunnels sous le fort se faisaient entendre parmi la populace, mais certaines histoires devenaient si rocambolesques qu’on en venait à douter du fondement de celles-ci. Le fort était d’ailleurs le point central de beaucoup d’échange. A l’exception du feu vert, c’était bien les évènements survenus dans la forteresse qui étaient le plus entouré de mystère. Certains parlaient de massacre et de cérémonie sanglantes. Mais au final à part que la Baronne était blessée mais vivante et que son fils avait disparu lors du tumulte, rien n’était officiellement reconnu.

Le princeps avait investi les lieux une fois la menace écartée, et nombres d’oiseaux avaient quitté le pigeonnier depuis l’aube. La nouvelle de l’attaque se répandrait vite. Le sergent de Morguestanc avait aisément repris le rôle du Capitaine de la garde et sa seconde. Le premier était toujours porté disparu, et la jeune femme après être passée aux mains d’un chirurgien avait été consignée au lit. Elle avait affirmé que son supérieur et elle, s’étaient réparti la gestion de l’entrée et du fort au début de l’assaut et qu’elle n’avait pas eu de nouvelles depuis.

Connu de la plupart des hommes dotés d’un talent certain pour la gestion d’une zone de conflit, il avait rapidement rétabli l’ordre dans le bourg en limitant autant que faire ce peut les dégâts et incident secondaire. Tous les miliciens habilités ou ayant quelques connaissances en plantes et soin furent envoyé au Temple en renfort pour enfin faciliter la tâche des prêtres et prêtresse présente. Sous la supervision du Haut dignitaire Lucian Altan, un véritable hôpital de campagne s’était finalement installé dans le bâtiment jusqu’à s’étirer sur la place qui le devancé.

***

Isolde, Gudrun…


S’il y avait finalement peu de blessé grave dans la population elle-même, il en allait bien différemment des hommes de la milice qui avaient fait face à la Fange aux portes. Ce n’était qu’en fin de matinée qu’on estima avoir stabilisé les cas les plus grave, ou du moins ceux qui avaient une chance de survivre. Le responsable de Sérus avait quitté sa tenue d’apparat déchiquetée pour un pantalon et une chemise simple tachetée de sang depuis.

Malgré tout, que ce soit par sa haute stature ou l’étrange aura qui émanait de lui, personne ne pouvait manquer de le remarquer dans la foule. Il donnait consignes et conseils avec un calme et une précision olympienne alors même qu’il œuvrait sur telle ou telle blessure avec des gestes mesurés et efficaces. L’homme paraissait insensible à la fatigue et la rumeur de son combat contre la femme à la force incroyable s’entêtait à circuler malgré l’aberrance de son principe renforçant un peu plus son aura d’autorité.

Alors qu’il revenait dans l’enceinte du temple, s’essuyant les mains dans un chiffon qui avait déjà vu passé trop de sang après une énième amputation, il sembla remarquer l’état de fatigue avancé des deux sœurs qui avaient refusé jusque là de limiter leurs efforts et ceux, malgré leurs blessures respectives. Une éclopée et une manchote sauvant l’humanité, voilà qui aurait pu faire la base d’une amusante et héroïque histoire, mais dans le cas présent il estimait qu’il était plus que temps de faire revenir un peu de raison dans ce bel effort.

D’un geste ferme il s’empara du pilon et du pot dans lequel Isolde préparait un onguent pour les fourrer dans les mains de son assistant vêtu de vert avant de lui ordonner d’un geste de la suivre. Sans plus de cérémonie, il passa un bras sous les jambes de Gudrun et l’autre dans son dos alors qu’elle s’appuyait maladroitement contre un mur en enroulant un bandage. Comme si elle ne pesait rien, il la souleva et l’entraina vers le fond de la chapelle, droit dans la chambre de la sœur.

Si elle avait dû être occupée durant la nuit vu les sac et couchette étalée de ci de là, elle avait le mérité d’être à présent vide. Lucian se tourna vers les deux femmes, pendant un très court instant, il sembla bien plus vieux qu’il ne l’était, comme si un millénaire venait de s’abattre sur ses épaules. Mais sa voix calme et forte suffit à lui redonner sa vigueur habituelle.

- Vous en avez fait plus qu’assez et vous aurez encore beaucoup à faire dans les jours à venir. Je ne tiens pas à vous voir vous écrouler de fatigue ou exsangue. Il est donc grand temps de vous reposer à votre tour.

Devant l’attitude farouche des deux femmes, prêtes à puiser plus encore dans des réserves d’énergies déjà bien trop maigre, il secoua la tête en soupirant.

- Sœur Marie-Ange est morte, annonça-t-il sans cérémonie. Sœur Gudrun, vous êtes dès à présent nommé par mon autorité, Prêtresse responsable de Sombrebois. Si une cérémonie en bonne et due forme sera nécessaire, je pense qu’elle peut attendre. Contrairement au bourg. Et la première consigne que je vous donne est de ne pas vous effondrer devant vos ouailles. Reposez-vous donc. Sœur Isolde… si je vous vois sortir d’ici sans mon approbation, je vous ferais ramener et ficeler de force si nécessaire. D’ailleurs, cela tient pour vous deux. J’apprécierais autant que possible ne pas avoir à traiter les représentantes du Temple comme des enfants peu sages alors que les gens ont besoin d’être rassuré sur le soutien que nous pouvons lui fournir. Je reviendrais bientôt avec un repas, chaud si possible. Et j’examinerais moi-même vos blessures. D’ici là. Reposez-vous.

Sans autre forme d’attention, le Haut-dignitaire sorti en refermant la porte. Il nota la présence d’une jeune fille qui s’était rapproché discrètement, suivit des yeux par deux jeunes gens qui devaient être de sa famille. Il sourit et s’approcha d’elle, posant un genou à terre pour lui faire face, même s’il continuait de paraître grand.

- La sœur Mercier a grand besoin de repos, pour sa jambe, dit-il à la jeune en se tapotant la cuisse. Et sa camarade aussi. Tu as l’air de tenir à elle, alors je vais te confier une mission. Si elles essaient de sortir, vient me le dire et on les grondera ensemble. Je vais leur trouver un bon repas pendant que tu les surveilles. D’accord ?

La jeune fille a l’air presque aussi fatigué que les prêtresses hésita un instant, mais l’idée de rendre service comme elle le pouvait à la sœur, même contre son envie, sembla finalement la convaincre et elle hocha vigoureusement la tête. Lucian lui pressa doucement l’épaule pour la remercier. Il était probable qu’elle s’endorme à son poste bien avant son retour, mais avoir un objectif avait chassé la terreur de ses yeux, au moins temporairement.

Il se redressa et pour examiner la scène. Il y avait encore du travail, il s’y mit donc.

***


Alaric...

Si elle ne répondit pas à sa demande de précision, puisqu’elle n’avait aucune raison de dévoiler des informations sur ceux qui avaient négocier avec leur groupe, la mention d’Isolde fit tiquer la bannie qui tourna vers lui un regard où se lisait un mélange de suspicion et de stupéfaction, peut-être même d’une pointe d’inquiétude. Pour elle-même ou pour Isolde ? Elle se retint de regarder dans la direction générale de Sombrebois et choisit plutôt de s’entêter à fixer le chemin invisible qu’elle suivait pour les faire progresser dans les marais.
A quoi bon s’inquiéter ? Elle la connaissait à peine. Et elle avait déjà tant perdu. De toute façon, elle ne pourrait rien changer sur place. Oui, mieux valait continuer d’avancer.

- Non, je n’avais rien contre elle et donc aucune raison de lui faire du mal, répondit-elle finalement à sa question sans entrer dans le détail pressant un peu le pas pour fuir cette discussion qui l’obligeait à penser différemment. Oui, Odalie était venue aussi cette nuit-là. Elle lui avait proposé de régler sa dette pour la vie de la jeune prêtresse. Mais ce n’était pas sa volonté qui avait épargné Isolde. La bannie s’enfonça plus avant dans les marais.

Eve avait l’impression d’être au contact d’une pierre froide et insensible. Pourtant cette sensation ne venait pas de l’enfant né d’une abomination qu’elle serrait contre elle. Non, l’enfant était chaud et doux, ses yeux s’étaient clos il y a plusieurs minutes déjà et elle semblait dormir avec la facilité de n’importe quel bébé. Non, cette impression glaciale émanée de celui qu’elle aimait et qui malgré sa proximité, ne lui avait jamais semblé aussi loin qu’à cet instant.

Prise entre les secrets de deux êtres chers et le temps lui-même, elle s’était retrouvée incapable de confier à Alaric ce qu’elle avait essayé pour empêcher que le drame qu’il craignait n’arrive, et maintenant elle avait l’impression que cet effort inavoué pesait comme une montagne sur leur lien. Elle ne pouvait qu’imaginer le supplice que vivait son amant à cet instant entre colère, peine et frustration. Et elle ignorait si ce qu’elle avait à lui dire serait un soulagement ou un poids de plus et peut-être de trop.

Pourtant elle savait au fond d’elle-même qu’elle avait bien agit. Si Sombrebois devait être sauvé, ce ne serait pas par eux. Pas par lui. Il aurait pu rester et se battre, bien sûr. Et il serait simplement mort dans ce fort et elle avec lui. Tous les renforts du monde n’y auraient rien changé. Mais peut-être ne serait-il pas revenu alors ? Serait-il resté dans le bourg à tenir son rôle de capitaine pendant qu’elle et les autres se faisaient massacrer ? Aurait-il souhaité que cela se passe ainsi ? Sa conscience se porterait-elle mieux ?

Elle laissa malgré tout sa main de la sienne, bien que trop consciente qu’à cet instant la froideur de son compagnon était un poison pour son courage. Ils devraient parler. Quand les oreilles de bannis et ennemis de la couronne ne les écouteraient pas. Si la dénommée Priscilla semblait tenir parole, Eve doutait que révéler la présence d’une personne si proche du Roi dans leur petit convoi ne change pas la donne.

La bannie haussa un sourcil à la nouvelle interrogation que lui glissa le combattant avant d’afficher un sourire sarcastique.

- Nous serons les victorieux à la fin ? Proposa-t-elle, moqueuse mais sans méchanceté, ne sachant pas vraiment quel genre de réponse il attendait d’elle. C’est quoi ? Une sorte de groupe ? Pourquoi aurait-on un lien avec eux ?

***

Rosen, Edwige…

Vincent finit par frapper à la porte de la Baronne en fin de matinée. Il sentait la fatigue peser sur ses épaules. S’il avait su que sa nuit courte après sa mémorable discussion avec Aeryn mènerait sur une cavalcade effrénée, des combats et une nuit blanche, sans doute aurait-il mieux profiter des ces quelques heures de sommeil. Malgré lui il se demanda comment allait la mercenaire. Il avait envisagé de prendre un moment pour aller la voir, mais il savait qu’il n’avait pas le temps. Et la faire mander dans ces conditions aurait sans aucun doute braqué pour de bon la rouquine un peu soupe au lait. Hors, si la discussion lui manquait, il n’aurait pas été certain de pouvoir supporter une pique mal placée à cet instant.

S’il les contenait pour maintenir les apparences, une colère et une inquiétude sourde lui vriller les entrailles. Le comte de Rougelac avait évoqué la dernière vision de sa cousine pendant leur fuite après l’arrivée soudaine des assaillants. Et une des domestiques, une dénommée Pénélope avait confirmé que le Capitaine de la garde avait décidé de l’emmener en sécurité à un endroit qu’elle ignorait. Mais il avait fait fouiller le fort et le bourg tout entier sans trouver la moindre trace d’eux.

Et même s’il voulait garder espoir, les quantités de sang qu’il avait vu sur les murs et la disparition du jeune Athanase lui faisait craindre le pire. Oui, batailler en parole avec la mercenaire n’était certainement pas la meilleure des idées pour l’heure. Une petite voix finit par répondre à ses coups et il se permit d’entrer.

La baronne était alitée. Elle l’avait été poignardée et laissée pour morte pendant l’assaut et devait sa survie à l’intervention d’une prêtresse qui l’avait trouvé gisant dans son sang. Cette même prêtresse qui lui tenait compagnie pour l’heure. La fameuse Pénélope avait bien essayé de s’incruster aussi à la garde de sa maîtresse, mais trop de présence aurait risqué de dangereusement la fatiguer vu son état.

La seule autre personne qu’il avait autorisé à la voir était une enfant que feu le baron avait visiblement adopté au moins de cœur. La jeune fille avait beaucoup pleuré devant le corps inerte mais bien en vie, avant de sombrer dans ce sommeil qui guette les enfants malheureux. Elle avait depuis était portée dans la chambre voisine, qui avait jusque là été occupée par l’une des invitées. Manquante elle aussi. Une femme qui, il le savait, travaillé pour son père bien au-delà de son titre.
Roxanne.

Il s’approcha du lit de la noble blessée et pris place sur un tabouret.

- Ma dame, dit-il doucement pour attirer son regard. Elle était réveillée et consciente, même si la perte de sang la rendait aussi pâle que la mort. Je ne veux pas vous épuiser, je tâcherais d’être bref. Mais je dois vous poser la question. Savez-vous quoi que ce soit sur ceux qui ont pris votre fils, ou sur l’endroit où ils l’ont emmené ? Si le temps joue contre nous, je dois avoir toutes informations que vous jugerez essentielles.



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