Marbrume


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 [convocation] La nuit des hurlements

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Laura LucetCouturière
Laura Lucet



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 5 EmptyLun 8 Aoû 2022 - 19:37
La nuit fut longue, très longue ; cependant, Laura en avait vu passer d'autres, des nuits d'horreur, des nuits d'angoisse, des nuits de torture. Lorsqu'elle eut terminé avec la prêtresse aux longues boucles brunes, elle retrouva l'homme qu'elle n'avait eu le temps que de suturer partiellement avant l'irruption des miliciens fous ; une fois la plaie refermée, elle récupéra son aiguille et passa au blessé suivant. Une estafilade sur la jambe, une morsure de fangeux au bras, encore une plaie à la jambe… laissant les cas les plus graves aux soigneurs plus expérimentés qui officiaient sous la houlette de celui que le Prince avait appelé Père Altan, la petite couturière improvisée chirurgienne de fortune faisait au mieux pour aider à sa relative échelle à soulager les blessés et les éplorés, les survivants.
Il fallut du temps à l'adolescente avant de prendre pleinement conscience que les combats étaient terminés, que plus personne ne chercherait à les tuer cette nuit, qu'elle vivrait un jour de plus, encore. A cet instant-là, la jeune fille fit une pause dans ses soins et se retourna vers Pierrick qui ne s'éloignait guère d'elle : l'étreinte que le frère et la sœur partagèrent à ce moment-là les étouffa mutuellement d'une félicité et d'une euphorie qu'ils n'avaient connu alors qu'une seule fois dans leur courte vie, à leur arrivée à Balazuc. Les Lucet ne sortirent de leur écrin de calme et de soulagement que lorsqu'ils entendirent Aeryn les interpeller en coup de vent : le départ pour le Labret était toujours d'actualité, ils devaient s'assurer d'être assez forts pour pouvoir supporter le trajet.

Leur chambrette ayant rapidement été investi par un mutilé, les deux adolescents continuèrent de travailler une partie de la nuit puis se trouvèrent un recoin où ils purent s'assoupir et espérer récupérer quelques forces. Laura sombra la première d'un sommeil sans rêve, trop épuisée physiquement et émotionnellement pour permettre à son esprit de se laisser aller à quelque divagation, recroquevillée contre la cuisse de Pierrick dont la main caressait les cheveux à moitié défaits de sa petite sœur dont il était si fier. Quelques heures plus tard, les rôles étaient inversés : les yeux bruns de Pierrick s'étaient clos, sa poitrine se soulevant à un rythme lent, profond et régulier. Laura regarda longtemps son aîné dormir, incapable de se défaire du sourire qui étirait ses lèvres : pendant quelques heures suspendues au milieu de l'écoulement immuable du temps, envolée la méfiance de l'Autre, disparue l'angoisse du lendemain, oubliée la morsure au bras, Laura savourait simplement le fait d'être toujours vivante et d'avoir encore son frère à ses côtés. Ce bonheur simple et pourtant si précieux, la couturière l'adora d'autant plus lorsqu'elle vit un premier rayon de soleil percer à travers la grande porte du Temple. Ce rayon de miel orangé avait beau mettre en exergue des scènes de désolation, des familles séparées, des soldats lourdement blessés, du sang tâchant l'enceinte sacrée du sanctuaire, la marbrumienne ne le trouvait pas moins magnifique.

La cadette Lucet pensa réveiller Pierrick et chercher Aeryn mais son regard fut attiré par le Père Altan qui portait Soeur Gudrun dans ses bras et qui était suivi par la clerc que l'adolescente avait recousu. Intriguée par la scène, la jeune fille laissa son frère profiter d'encore quelques instants de repos et emboita le pas aux trois religieux, conservant néanmoins une certaine distance. Elle put les voir entrer tous trois dans un dortoir et, au moment où le prêtre ressortit seul, Laura vit une fille suivie de deux jeunes enfants passer devant elle et s'arrêter devant la porte : la couturière reconnut Bertille et ses cadets mais cette dernière semblait assommée de fatigue car elle ignora royalement la petite sœur de Pierrick et rassembla toutes ses forces pour écouter l'homme qui semblait vraiment soucieux du repos des deux prêtresses. Coulée contre le mur, la jeune Lucet regarda le Père Altan passer à côté d'elle sans qu'il ne relevât sa présence puis attendit un peu, observant les trois enfants sombreboisiens assis contre le mur, agglutinés les uns sur les autres, oscillant sur ses jambes avec hésitation. Le soleil était en train de se lever, le départ était imminent : c'était maintenant ou jamais.

Laura approcha d'un pas léger et silencieux : l'épuisement de Bertille, de son frère et de sa sœur lui permit d'entrer dans la chambre sans être empêchée et, finalement, la cadette Lucet fit face à celles avec qui elle avait affronté le plus dur de cette nuit qui viendrait sûrement hurler dans ses prochains songes. Sa sempiternelle robe sale sur les épaules - à présent tachée de sang qui n'était pas le sien - et ses cheveux un peu défaits, frisottant hors de sa tresse, la couturière se tint devant les deux religieuses, se triturant machinalement les doigts où quelques petites traces rosâtres restaient tenaces sur ses cuticules.

« - J'vais pas vous embêter longtemps, j'voulais juste vous voir avant de partir pour vous dire aurevoir. Avec Pierrick, on part pour le Labret. Il était temps, hein Soeur Gudrun ? » rit doucement l'adolescente avant de se tourner vers la prêtresse qu'elle avait recousu. « Ça va votre bras ? J'espère que j'ai réussi à vous soigner, j'ai pas l'habitude de coudre des gens. Enfin, euh… et j'm'appelle Laura. »
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IsoldeQueen
Isolde



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 5 EmptyMar 9 Aoû 2022 - 21:32
Lucian.
Isolde est presque étonnée de le trouver là, tant son aspect raffiné et aérien contrastait avec le chaos qui les entouraient. Isolde lui adressa un regard austère sans qu'il ne soit totalement complaisant. Il lui ordonna de la suivre et bien qu’elle se força de lui répliquer qu’il n’y avait pas le temps, à son départ vers sœur Gudrun, elle comprit qu’il ne lui laissait aucun choix. Soulevant Soeur Gudrun en la couvrant contre lui, il poursuivit sa marche sans adresser ne serait-ce qu’un regard à la dérobée pour l’une d’entre elles.

Lucian se déplaçait dans la noirceur du Temple, se fondant dans celle-ci. Les pas précipités d'Isolde se confondaient dans le silence mortel retombait depuis l'attaque comme une chape de plomb. Seul le sombre écho de son souffle saccadé retentissait. Elle sentait l’eau poisseuse de sa propre transpiration coller à son dos comme une seconde peau.

Cette sentence austère, prononcée par la bouche du Dignitaire, tandis que son conseil teinté de menaces à peines voilées, son ton employé suffisant à l'irriter de la plus parfaite des manières. Tournant vélocement la tête vers lui, elle braqua un regard sombre dans le sien, couvant la véhémence de ses paroles derrière ses lèvres. Le rideau chut comme la vague s'écrasant sur la plage. Un silence, puis une rafale d’une rare froideur. Isolde enserra avec une vigueur farouche un coin de sa robe pour s’armer d’une gracieuse contenance insolente, s'efforçant d'adopter l'attitude la plus neutre qui soit. Elle avait vite appris que le détachement, voire l'indifférence, constituaient un rempart plus fermement ancré que la colère stupidement impulsive. Isolde balaya l'air d'une main négligente, préférant éluder ses mots comme si cela n'avait rien d'exceptionnel. Sans se confondre dans une protestation revêche ou dans un conflit stérile qu’elle savait déjà perdu d’avance, elle s’engouffra à l’intérieur de la modeste petite chambre.

S’avançant elle s’arrêta face à une table en bois, les deux mains posées sur la surface de fortune, elle releva les yeux sur un miroir encadré de fissures. Son reflet lui renvoyait sa propre image : fatiguée, éreintée. Et pourtant il y avait une délicatesse essoufflée sous cette pellicule de sueur et ses cheveux charbonneux, sa tresse naviguant comme un serpent éventré, plaquée contre son sein. La nuit accentuait la pâleur de son teint tandis que les jeux d'ombres aiguisaient ses traits d’une beauté effrayante.
Puis soudain une voix, une nouvelle, qu’elle connaissait déjà.
La prêtresse pivota lentement sur elle-même en retrouvant les traits de celle qui l’avait sauvé.

« Isolde. » Murmura-t-elle, sa voix dérapant dans une émotion étranglée. « Je m’appelle Isolde. »

D’un pas, elle s’avança vers la jeune fille et lui enserra les mains avec une rare chaleur.

« Merci pour ce que tu as fait, Laura. Merci pour tout ». Souffla-t-elle dans un murmure reconnaissant.

Dans un soupir tremblant, elle se permit de fermer les yeux. Ses paupières papillonèrent un instant et une sueur froide glissa le long de ses tempes en sentant la fatigue lui scier les jambes. Isolde fit mine de lisser sa chevelure pour se masser les tempes et recomposer un masque convenable. Elle ne pouvait pas rester ici sans rien faire ! Elle devait rejoindre Aeryn, savoir comment elle allait, et Alaric dans tout cela, était-il toujours en vie ?

Se savoir enfermée ici et privée de toute marge de manœuvre attisait un désagréable sentiment d’impuissance, comme une fleur pourrie entre ses deux poumons. Aussi, dressa-t-elle un regard vers Laura.

« Laura, puisque notre Haut-Dignitaire tient à ce que l’on se repose», débuta-t-elle avec une ironie moqueuse, « pourrais-tu voir la guerrière aux cheveux de feu pour moi ? Dis-lui que je vais bien, dis-lui que n’oublie rien de notre discussion et je trouverai les réponses aux questions qu’elle se pose. Peux-tu lui dire ça pour moi ? »
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Rosen de SombreboisBaronne
Rosen de Sombrebois



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 5 EmptyMar 9 Aoû 2022 - 21:39


La nuit des hurlements
Rosen feat ...


Je ne sais pas depuis combien de temps je suis en train de fixer le toit du baldaquin, repensant encore et encore à ce qu’il s’est passé, repensant encore et encore à mon enfant. Une soif dévorante presque impossible à étancher me tenaille atrocement. Je ne sais pas combien de liquide m’a fait boire Edwige, mais je sais qu’elle m’en a déjà donné beaucoup, lentement, gorgée par gorgée, pour éviter que je ne vomisse ou que je ne sente de trop mon estomac s’alourdir.

Malgré cela, ma bouche reste pâteuse et mes lèvres ainsi que ma langue aussi sèches que pourraient l’être les feuilles mortes d’un arbre, de nombreuses peaux mortes les parsemant ça et là. Une soif tout aussi impossible à enrayer que ce vide terrifiant qui s’est réinstallé en moi. Je voudrais être morte. Je voudrais être partout ailleurs que dans ce maudit lit.

J’ai bien voulu me lever à la seconde où j’ai retrouvé la possession de mes moyens, mais j’ai vite dû me rendre à l’évidence : je n’en étais pas capable. Outre la douleur de ma plaie qui n’aurait jamais été un frein suffisant pour me retenir là, je n’ai pas même trouvé la force de me redresser pour m’asseoir. Obtenir l’impulsion de me relever à peine fut un vrai combat.

Un épuisement installé depuis bien trop longtemps dans mon corps pour me permettre d’espérer seulement surmonter ma blessure et d’intenses vertiges m’ont fait retomber aussitôt dans le lit dans une grimace de douleur. Quand Edwige m’a simplement assise adossée au lit, j’ai cru que j’allais défaillir devant les bouffées de chaleur qui sont montées et l’étourdissement nauséeux. Oui, je dois me résigner à rester alitée car j’ai atteint un état de faiblesse inquiétant.

Les heures passent bien trop lentement, cruelle agonie à laquelle je ne sais comment me soustraire. Les heures passent toujours bien trop lentement à celui qui souffre dans le silence, seconde après seconde, sans ne pouvoir rien faire d’autre que de fixer le plafond. Sans ne pouvoir rien faire pour faire taire cette douleur dévorante. Alors je m’évade d’une façon ou d’une autre, mon esprit s’éloignant bien loin de cette maudite chambre, bien loin de ce maudit fort et de ce maudit bourg, bien au-delà de tous ces murs étouffants et de cette sinistre réalité.

Alors je ferme les yeux et je pense très fort à mon fils. Où est-il ? Va-t-il bien ? J’essaie de percevoir, de voir, d’entendre, de sentir. D’être juste là, avec lui. Près de lui. Marie-Ange y arriverait, elle. J’en suis persuadée. Et si elle le pouvait… pourquoi pas moi ?

Alors je perçois – imagine ? un chemin. Alors j’entrevois – devine ? de la végétation bordée de nombreux étangs. Alors je ressens – pressens ? La vitesse d’une progression saccadée, rythmée par de nombreuses secousses.


J’ouvre les yeux brusquement devant cette vision à la clarté poignante, des angoisses me ceignant l’estomac. Trop intense. Athanase… je serais toujours près de toi, hein ? Je te le jure. Si seulement tu pouvais être encore avec moi… je donnerais tout ce que j’ai pour ça. Si tu savais… absolument tout.

T’entends ça, vieux corbeau ? Ça t’amuse d’avoir fait de ma vie un champ de ruines ? Ça ne s’arrêtera jamais, hein ? C’est pas grave… plus rien n’a d’importance désormais. Maudit sac à plumes… Tu sais quoi ? Ramène moi mon bébé d’ici quelques semaines et je te rendrai celui que je t’ai pris et fait enterrer sous l’auspice des Trois. C’est un marché intéressant, non ? T’en penses quoi sale plumeau ? T’es en train de t’arracher les plumes du cul pendant que je te parle c’est ça ? Non, tu te les lisses alors ? Bon… je pensais que tu te reluisais le troufion !

Quelqu’un vient taper à la porte avant d’entrer. Un con de milicien qui doit encore me maudire - pour changer - sans doute, à qui je n’accorde pas même un regard. De toute façon, il faudrait encore que je trouve la force de tourner la tête… et je préfère économiser mon énergie pour des choses plus importantes, comme de me gratter le cul par exemple. Mais l’homme vient s’asseoir sur un tabouret à coté de mon lit et me pose des questions.

Il n’a pas l’air spécialement désagréable de ce que je décèle dans son intonation et à sa voix j’imagine qu’il doit être jeune. J’aimerais lui répondre de dégager de ma chambre et de me foutre la paix car outre le fait que j’ai d’assez mauvais rapport avec la milice – pour ne citer qu’elle - la dernière chose dont j’ai envie en ce moment c’est bien de parler de tout ça.

Mais il y a une loi immuable dans ce monde qui stipule que tout ce que Roxanne désire, Roxanne l’obtiendra. Pas que j’ai réellement envie de lui rendre service, de l’aider dans ses intrigues ou d’encore jouer les pantins désarticulés. Après tout, je ne sais même si elle n’a pas tué Athanase. Mais je crois pouvoir dire que je sais voir mes intérêts personnels dans cette histoire et que si je tiens à avoir la moindre chance de pouvoir revoir mon fils un jour, je ferais mieux d’aller dans son sens.

Et toujours les mêmes choses à répéter aux uns et aux autres, encore et encore. Ça rend fou. Sous la couverture, mes doigts se crispent légèrement dans le matelas, de toutes mes maigres forces. Pas bien vigoureusement.

« Le cloaque,
dis-je faiblement après qu’un petit silence ce soit installé. Comment savoir où... » 

Mon timbre est las, fatigué. Peu avenant et dénué d’émotion. Monocorde. Je parle lentement, essayant d’articuler chaque mot au mieux. Mais mes lèvres semblent douloureusement rigides et j’ai du mal à respirer, aussi essoufflée que si j’avais couru, ce qui me force à faire de nombreuses pauses pour rependre ma respiration.

« Ils sont arrivés... par le sous sol. Je sais pas comment… On a fui en haut. La milice les retenait dans le hall. Les femmes et les enfants, se sont cachés ici. Et… ils nous ont vite rattrapés. J’arrivais avec la châtelaine au deuxième étage lorsqu’on a été séparées. Au détour du couloir… ils étaient nombreux. »

Je prends une meilleure inspiration avant de poursuivre.

« Je l’ai perdue de vue. J’ai été acculée dans le temple… J’en ai tué un. J’ai entendu du bruit derrière moi… je me suis retournée. »

Mon regard vide se perd dans le vague. J’ai un frisson en repensant à ce qu’il s’est réellement passé. A la sensation de la lame qui s’est enfoncée dans mon ventre. Ma tristesse devant le regard de Roxanne devenu soudain si froid, si indifférent. A ses mots - j’aimerais me dire que ce n’était qu’une carapace et qu’au fond d’elle, mon sort ne l’indifférait pas tant, mais je n’y crois plus. Je ne veux plus y croire et me leurrer sur ce chemin.

Au sourire malsain de l’autre cinglée qui a décidé de me persécuter encore et toujours, sans doute persuadée qu’elle peut m’atteindre alors qu’elle me fait juste l’effet d’une de ces insupportables mouches qui viennent sur vous pour vous piquer et s’empressent de revenir indéfiniment aussitôt que vous les avez chassées, jusqu’à ce que vous ne réussissiez enfin à les écraser. Un acharnement incompréhensible mais, me direz vous, c’est d’autant plus drôle quand il y a un peu de défi dans la difficulté et qu’on essaie seulement d’avoir ce que l’on veut à l’usure, n’est-ce pas ?

« J’ai senti une lame dans mon ventre. Mon sang coulait par terre devant moi. Je n’ai… je n’ai rien pu faire. »


Je déglutie difficilement, ma langue et mon gosier bien enfles. Et en toute logique, je sors la chose la plus cohérente qui me vient à l’esprit, de ma voix si faible qu’il est compliqué d’entendre ce que je dis sans écouter attentivement.

« La châtelaine est arrivée peu après. Quand elle m’a vue par terre... sans mon fils, elle s’est lancée à leur poursuite. Elle doit être sur leurs traces. Je ne sais pas si elle arrivera à les rattraper… » 
   

Je cligne lentement des yeux – ce qu’ils sont brûlants ! prends une inspiration laborieuse avant d’enfin tourner la tête difficilement pour regarder mon interlocuteur. Je l’observe un bref instant. Son visage ne me dit rien, ce n’est pas un milicien que j’ai l’habitude de voir. D’ailleurs, ce n’est pas un milicien. Il n’en a pas la tenue. Je remarque alors le blason de la famille royale et je suis décontenancée un instant.

Nom d’un… oh, et puis qu’importe. Mais dans quoi je me suis laissée embarquer encore... Comme si je n'avais pas assez d'ennuis comme ça je suis contrainte de mentir directement à un prince. Les mots de Marie-Ange me reviennent alors subitement en tête lorsqu’elle m’a lu l’avenir, hier :

‘Quelle menace ? lui avais-je demandé. Vais-je mourir bientôt ?
- Non Rosen, pas vous, m’avait-elle répondu avant d’ajouter : un homme entrera en contact avec vous. Un homme haut placé qui fera le point sur ce qu’il va se passer, sur cette menace.’


Cette sorcière était vraiment… une putain de sorcière. Je lui avais demandé si c’était le roi. J’étais… vraiment pas loin. 

« Euh… veuillez m’excuser. Je… »


Je me sens con - oui encore une fois – de l’avoir quelque peu snobé comme le dernier des pécores. Mais un peu plus ou un peu moins… Je n’ai aucune idée de ce qu’un nouveau membre royal fait là actuellement, mais je ne veux pas le savoir. Je n’ai plus la force de me prendre la tête. Vu l’âge que j’estime être proche du mien, j’imagine que c’est le prince héritier. Je crois qu’Edwige m’en a parlé tout à l’heure… mais je n’ai rien suivi, perdue dans mes tourments. Je me sens un peu fébrile, aussi, et je ferme les yeux une seconde en replaçant ma tête face au toit de la tenture.

« Je voudrais juste sortir de ce cauchemar... » 

J’ai une légère toux qui m’arrache une énième grimace de douleur que j’ai eu depuis mon réveil.

« Me lever et rechercher mon bébé. » 

Mais je ne suis même plus capable de tenir assise. Je ne suis plus capable de rien faire d’autre que de fixer le plafond. Même parler me demande un effort considérable et je me sens nauséeuse, agacée par de nombreux fourmillements dans mes membres qui me paraissent peser le poids d’une enclume. Sans parler de la douleur…

« Des hommes sont-ils partis à sa recherche ? », je demande avec une espérance sincère.

Je ne fais pas qu’obéir aux directives de Roxanne ; je l’espère vraiment. Même si elle a malheureusement assez de pouvoir et d’intelligence pour passer au travers de tous les filets. Qu’ils soient retrouvés m’irait bien si l’on pourrait me le ramener. Je me rétablirais au plus vite et je partirais de ce trou à rat avec lui aussi loin que possible… comme j’aurais dû le faire depuis longtemps. Mais si la vie était si facile, ça se saurait.

 « Je donnerai tout... ce qu’il me sera possible d’offrir à celui qui pourra me le ramener… tout ce que j’ai… absolument tout. »

Je sens presque mes lèvres trembler, y plante les dents brièvement pour tenter de les stabiliser, réussissant juste à me faire mal.

« Dans quel état est le bourg ? Y-a-t-il beaucoup de blessés et de morts ? J’aimerais être présente pour le bûcher funéraire… j’y tiens vraiment. Si on peut me porter dehors. Sur une chaise… et… j’aimerais que le corps des deux résidentes du fort qui sont tombées... soit brûlées à part et que leurs cendres soient placées dans la crypte. »

Hilde et Marie-Ange méritent bien ça, de reposer dans le caveau familial de Sombrebois. Elles faisaient partie de la famille et elles sont mortes pour elle. Hector les considérait comme telles, en tout cas. Je le sais.

Une angoisse refait pour la deuxième fois de la matinée surface. Toujours cette sensation d’urgence vitale que je peine à tenir en respect. Je me gratte la poitrine avec insistance, essaie de ne pas m’agiter malgré ce besoin impérieux que je ressens. Athanase… je repose ma main sur le lit lorsque je me rends compte que j’étais en train de me triturer inconsciemment les seins. Ayant oublié quelques secondes ce qui peut bien se trouver autour de moi.

Je déglutie à nouveau, peine à ramener ma respiration à un rythme acceptable. J’ai l’impression d’étouffer, de mourir. J’arbore une moue de souffrance une fraction de seconde, puis mon regard se replonge ensuite dans la voilure au dessus de ma tête, de nouveau inexpressif maintenant que cette courte crise est passée.

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Gudrun MercierPrêtresse
Gudrun Mercier



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 5 EmptyMar 9 Aoû 2022 - 22:05
Elles avaient passé toutes deux une nuit blanche à courir de ci, de là, mais pour l'heure elles étaient toutes deux réunies avec d'autres personnes, chacune d'elle concentrée sur sa tache.
Gudrun n'avait rien à dire qui soit d'une aide quelconque, alors, économisant son énergie, elle enroulait mécaniquement des bandages en silence, comme s'il s'agissait de la chose la plus importante à faire à ce moment-là, les yeux perdus dans le vide. Elle leva le regard un instant sur sa consoeur, sous les yeux de laquelle des cernes foncés étaient apparus. Gudrun admirait ses efforts pour rester éveillée : à cet âge là, il suffisait de fermer les yeux pour trouver le sommeil. Le Haut-Dignitaire de Serus dérangea soudain le calme religieux qui s'était établi par la force des choses dans ce petit endroit. La prêtresse s'interrompit momentanément, le regardant sans comprendre arracher le mortier des mains de Soeur Isolde.

Elle ne comprit pas davantage quand ses pieds quittèrent le sol, mais l'élan de panique céda bien vite la place à une indignation qui, si elle ne franchit pas la barrière de ses lèvres, la fit rougir de colère et de honte mêlées. Elle était désormais bien réveillée, et quand il finit enfin par la reposer après un temps qui lui parut extrêmement long, elle le fixa d'un regard glacial qui en disait long. Elle était assise au bord de sa couchette, s'efforçant de garder le dos droit, plein de fierté blessée, et pourtant, aucun reproche ne sortit de sa bouche, car les paroles de Lucian lui rappelaient par trop celles qu'elle-même répétait sans cesse à ses patients. Elle appréciait sa franchise et sa manière de parler sans détour, des qualités trop rares à ce niveau de responsabilité.

Il finit par partir, les laissant seules à ruminer les tristes nouvelles. Gudrun n'avait côtoyé que peu de temps Marie-Ange, mais elle avait été un de ses repères lors de son arrivée dans le bourg. Elle l'avait aidée quelques fois, lui avait montré quelques plantes inconnues. Le père de Bertille était mort également, alors combien des personnes qu'elle avait pris le temps de connaître ici avaient trouvé la mort lors de cette attaque ? Combien avaient fini estropiées, condamnées à une vie de mendicité ? Combien d'enfants à la rue, ou, pire encore, de parents ayant perdu les leurs ? Tout cela avait-il un sens, encore une fois ?

Une fois de plus, elle n'aurait pas le temps de réfléchir à tout ça : bientôt, Laura faisait irruption dans la petite pièce. Elle lui adressa un petit sourire fatigué.

- Oui, en effet... Tu étais là au mauvais endroit, au mauvais moment. Si tu étais partie plus tôt pour le Labret... Mais enfin, vous allez bien, et tu nous a bien aidés, je ne sais comment nous aurions fait sans vous. Tant mieux. Tu ne veux tout de même pas rester ici ? Après tout ça... J'imagine que les règles ont quelque peu changé.

Elle se retourna vers Isolde, les paroles de la jeune prêtresse lui remémorant certains faits.

- Vous la connaissez. La femme étrange, habillée comme un homme, armée comme un homme. Vous avez accompagné le Haut-Dignitaire.

La colère enflait en elle. Sa consoeur savait, elle était peut-être, sans doute, au courant depuis le début, depuis leur départ de Marbrume, peut-être même avant ? La peste soit de ce royaume de mascarade ! Sa main agrippa la tête du lit, s'y crispant comme si elle cherchait à se redresser. Chose impossible sans perdre sa dignité.

- Vous étiez au courant pour le prince.

Ça n'était pas une question, c'était une affirmation. Peu lui importait à ce moment là la justice, ou même la logique et le doute. Pas après une telle nuit, et une telle humiliation.
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Laura LucetCouturière
Laura Lucet



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 5 EmptyMer 10 Aoû 2022 - 19:03
Enfin, elle savait son nom. Au cours de cette folle nuit, Laura n'avait guère eut le temps d'y penser, les événements s'étant enchainés si rapidement et avec une telle brutalité qu'elle n'avait évidemment pas eu l'opportunité de se présenter à cette prêtresse ou à n'importe qui d'autre dans le Temple et, en retour, d'obtenir un prénom auquel associer ce visage. Maintenant que la folie des Dieux s'était tue et que le soleil se levait lentement sur un horizon teinté de sang au-dessus de Sombrebois, la jeune couturière rencontrait véritablement Isolde tandis que celle-ci refermait ses mains sur ses malingres poignets tout en la remerciant dans un chuchotement sincère. La cadette Lucet regarda la religieuse fermer les yeux pour, peut-être, apprécier cet instant de calme où, enfin, elles pouvaient se contempler et se découvrir mutuellement sans craindre que la voûte céleste ne leur tombe sur la tête.

Un timide sourire aux lèvres, Laura enserra à son tour les doigts fins de la clerc.

« - Merci à vous, ma Mère. Vous avez été si courageuse… »

La petite sœur de Pierrick laissa sa phrase en suspens, ne sachant quoi dire tant elle avait envie d'exprimer sa gratitude à cette jeune femme qui avait su garder son sang-froid et sa dignité tout au long de l'attaque et entrainer les ouailles de Sombrebois derrière elle, qui avait montré l'exemple en soignant bien des blessés et qui n'avait pas hésité un instant à bondir sur le milicien qui s'en était pris à Soeur Gudrun. La voix de cette dernière attira d'ailleurs l'attention de Laura, qui lui adressa le même petit sourire. Celui-ci se fana à moitié lorsque l'hendoise émit la possibilité pour elle et son frère de rester à Sombrebois.

Laura aurait été hypocrite de dire que cette éventualité ne lui avait pas traversé l'esprit. Pendant qu'elle veillait Pierrick en train de dormir, elle avait croisé quelques regards, certains l'avaient reconnu, lui avait sourit un peu, un soldat dont elle avait recousu la senestre coupée par une épée lui avait même fait signe de sa main bandée : certains habitants du bourg semblaient l'avoir identifié et, sans la remercier chaleureusement comme l'avait fait Isolde, lui avaient tout de même discrètement témoigné leur sympathie. Peut-être y avait-il un début de place qui se dessinait pour eux ici, au fond de ces bois ?
Le sourire de la couturière se raffermit : hélas, le souvenir de l'accueil des miliciens lui rappelait encore que Sombrebois pouvait toujours la rejeter pour sa morsure et, même si cela ne rendait pas le Labret forcément plus sûr et accueillant, l'attaque donnait au bourg des airs de village fantôme qui n'inspirait qu'un danger prégnant à la jeune fille.

« - Avec des si, on refait le monde. J'vous remercierais jamais assez pour tout ce que vous avez fait pour nous, Soeur Gudrun, mais nous allons partir. J'espère quand même qu'on se reverra. »

Laura releva le nez vers Isolde et fronça les sourcils à la description qu'elle donna d'une femme qui lui rappelait furieusement Aeryn. L'adolescente se retourna une nouvelle fois vers Gudrun lorsque cette dernière donna des détails supplémentaires qui confirmèrent à la cadette Lucet qu'il ne pouvait s'agir que de la mercenaire qui allait les emmener elle et son frère jusqu'au Labret. La jeune fille pouvait également sentir que la tension était montée d'un cran dans la petite pièce, l'hendoise affichant sa mauvaise mine contrariée après avoir évoqué le Prince. La petite sœur de Pierrick ne comprenait pas bien ce dont parlait sa protectrice ni là où elle voulait en venir, mais une chose était sûre : elle ne voulait rien savoir de plus de peur que cela ne lui retombe dessus d'une façon ou d'une autre.

« - C'est d'Aeryn que vous parlez ? Je la connais, c'est elle qui nous emmène au Labret. Je lui dirais tout ça, promis » sourit la couturière à Isolde.

La jeune fille se recula d'un pas, posant une main sur la poignée de la porte.

« - J'vais pas vous retenir plus longtemps, apparemment vous avez des choses à vous dire… j'espère vraiment qu'on se reverra. Et puis le… Haut Dignitaire a raison : reposez-vous. »

Laura savait que cette injonction contrariait toujours la bourreau de travail qu'était Soeur Gudrun et n'avait qu'une petite idée d'à quel point elle pouvait frustrer Isolde ; pourtant, elle ne se départit pas de son sourire et, après un petit signe de main, sortit de la chambre en refermant silencieusement le battant derrière elle. En se retournant, elle croisa le regard fatigué de Bertille qui enserrait son frère et sa sœur dans ses petits bras : dressant un index contre ses lèvres, la cadette Lucet lui fit un clin d'œil avant de s'éloigner dans le couloir, décidée à rejoindre Pierrick. Bien qu'un peu peinée de quitter les deux religieuses qui lui avaient tant apporté en une semaine comme en une nuit, la couturière marchait le cœur bombé de volonté, de courage et d'une pointe d'optimisme, porteuse d'un message pour Aeryn qu'elle comptait bien retrouver rapidement.


Dernière édition par Laura Lucet le Sam 13 Aoû 2022 - 18:09, édité 1 fois
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AlaricGarde de Sombrebois
Alaric



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 5 EmptyJeu 11 Aoû 2022 - 17:38
Pas de réponse. Le soldat de Sombrebois ravala sa frustration, l'enfouit aussi loin qu'il le pouvait – juste sous la surface, là où une seule goutte de plus serait suffisante pour que sa colère se déverse entièrement. Il ne devait pas oublier qu'il avait une bannie en face de lui, une alliée toute relative qui acceptait de lui fournir les renseignements qu'elle aurait choisis de partager, pas ceux qu'il lui réclamait à corps et à cri. Elle ne lui devait rien et lui n'était pas en mesure de négocier.

Alaric eut l'amère satisfaction de découvrir une lueur d'inquiétude, de méfiance dans les prunelles de la blonde. Si elle n'avait pas saisi comment il l'avait reconnue, c'était désormais chose faite. Il comprenait pourquoi les convictions de la prêtresse avaient été mises à mal après sa rencontre avec Priscilla : malgré son arsenal et les camarades peu amènes qui l'entouraient ainsi que son habitude évidente à fouler les marais, elle ne donnait pas l'impression d'être une exclue de la cité de Marbrume. Alaric se demanda comment elle était arrivée parmi les bannis, ce qui la poussait à y rester. Il savait qu'elle n'était pas une exception : beaucoup d'autres étaient comme Priscilla. À bien y réfléchir, maintenant qu'il avait fui la bataille de Sombrebois, ne méritait-il pas sa place de l'autre côté des murs ? Sa démarche n'était pas bien différente de la bannie, ses réflexes, lorsqu'un bruissement incongru perçait le tumulte du vent, étaient identiques. Il n'était pas marqué au fer rouge, mais une cicatrice chauffée à blanc était pourtant bien là, invisible pour la plupart des gens. Mais Eve la voyait. Sa blessure qui ne s'était jamais refermée. Elle n'en percevait pas tous les contours, car il ne lui en avait pas encore laissé l'occasion – il était effrayant de se dévoiler à ce point à quelqu'un – mais elle avait lu entre les lignes, avait pansé ses plaies de ses mots et de ses gestes. Alors il ne pouvait pas se permettre de douter d'elle avant de savoir exactement ce qu'elle avait à lui annoncer. Pour le meilleur et pour le pire.

Priscilla ne semblait pas mentir. Mais Alaric devinait qu'elle était bien plus douée que lui à ce jeu-là. Il n'était pas certain de la croire au sujet d'Isolde et d'Odalie, il ne ferait pas non plus cette erreur en parlant des Victorieux. Il secoua la tête.

Un groupe. Leur symbole se trouverait sur une porte, à Ventfroid... Vos nouveaux quartiers qui ne déplaisent pas à Sa Majesté...

Il lui lança un regard de biais, équivoque, et n'ajouta rien de plus. Le soldat avait des tonnes d'autres questions à lui poser, mais il n'en fit rien. La blonde aurait pu le balader trop facilement et il n'était clairement pas armé pour faire face à de nouveaux mystères ou comprendre le sous-entendu de quelques moqueries. Alors il se mura définitivement dans le silence, ses yeux plantés dans le sol, rivés sur les empreintes laissées par Priscilla dans lesquelles il posait ses bottes.

Alaric se pinça l'arête du nez de sa main libre ; une douleur cuisante se réveilla dans ses chairs, au niveau de son poignet. Même s'ils demeuraient dans des terres hostiles et qu'ils n'étaient pas vraiment encore à l'abri, l'agitation de l'assaut commençait à retomber. L'adrénaline fuyait ses membres ; la douleur affleurait à nouveau. Il ne voulait pas laisser la pression retomber, il craignait de s'écrouler pour de bon. Alors il se concentra sur l'orage, sur les grondements qui résonnaient tout autour d'eux à intervalles réguliers. Il les comptait, concentré, remarqua leurs éloignements progressifs. Le vent soufflait encore, mais ne ralentissait plus leur allure, se contentant de courir sur leurs vêtements détrempés. Il replongea volontairement dans la bataille et se laissa envelopper par le flot de ses pensées, mêlé à ses souvenirs récents, bercé par le bourdonnement qui martelait son crâne. Il revit les cadavres autour de lui. Senti à nouveau l'épaisse fumée étreindre ses narines et sa gorge. Il essaya de se remémorer ses luttes rapides et mortelles contre les guerriers muets, sans percevoir les mouvements concrets qu'il avait exécutés. S'il se souvenait des sensations, les images se dérobaient à son esprit ; certains souvenirs resteraient flous à jamais.

Le soleil était levé depuis plusieurs heures lorsque le soldat de Sombrebois daigna relever la tête de la boue. Malgré l'heure avancée, il faisait encombre sombre : une épaisse couche nuageuse encombrait le ciel, dissimulait l'astre. Quelques gouttes éparses tombaient par intermittence. Alaric cligna des yeux, presque stupéfait de constater que le jour s'était levé. Jusqu’aux ténèbres de la nuit ou jusqu’à l’éclat d’une nouvelle aube Alaric, je serai à tes cotés. D'une pression légère, presque imperceptible, il enserra les doigts de sa comtesse entre les siens, unique marque d'affection qu'il avait eue à son égard depuis leur rencontre avec les bannis. Un signe de pardon, un besoin égoïste, il ne sut déterminer sa véritable motivation. Pourtant, lorsqu'il tourna son triste visage vers elle, lorsqu'il vit son petit corps marcher à ses côtés, le dos droit et le regard porté sur l'horizon, il sut pourquoi il avait gardé sa main dans la sienne. Un peu des deux.

Ça va ? lui murmura-t-il, inquiet.

Question idiote. Mais il devait lui dire quelque chose.

Il balaya les alentours du regard et eut l'impression de reconnaître les lieux. De fait, la bannie ne tarda pas à ralentir le pas. Quand Alaric comprit que leur rencontre arrivait à son terme, il s’arrêta et darda ses yeux bleus sur Priscilla.

Si tu ne veux pas me dire qui a organisé l'attaque de Sombrebois... Donne-moi au moins un indice, supplia-t-il. J'ai le droit de savoir.

Il ne savait pas ce que la blonde avait vécu, ni les raisons qui la poussait à rester chez les bannis. Mais il se doutait d'une chose : on ne se faisait pas expulser d'une cité sans entretenir quelque rancœur. Elle devait comprendre son envie - besoin - de vengeance. D'une manière ou d'une autre.


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Aeryn MonclarMercenaire
Aeryn Monclar



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 5 EmptyVen 26 Aoû 2022 - 10:22
Elle avait observé la scène de la délivrance avec un regard éteint peinant à reconnaître le visage familier du Prince. Impossible pour la mercenaire d'accepter cette réalité là. Une vérité qu'elle préférait tout simplement oublier afin de préserver le peu d'équilibre qui lui restait après cette nuit épouvantable… ou plutôt ces derniers jours, tous plus étranges les uns que les autres. Clay l'avait regardé, peut-être un peu plus longtemps que les autres… Peut-être… Après tout, il était fort possible que la jeune femme à la colère sourde ait imaginé tout cela… Dans tous les cas, mieux valait encore pour elle de ne se concentrer que sur l'essentiel : le cauchemar était fini, pour le moment.

Le Prince et ses compagnons finirent par quitter le Temple, les laissant aux bons soins d'un haut-dignitaire qui se chargea de remettre de l'ordre dans tout ce merdier chaotique.

Au bout d'un moment, la rouquine toujours plantée au milieu de la nef, se vit rejoindre par des Lames à la mine déçue voire même en colère.

Elle avait merdé. De cela, Aeryn en avait parfaitement conscience. Baissant les yeux, la mercenaire encaissa les réprimandes de son chef sans rien dire. Pourquoi se serait-elle défendue après tout ? Elle n'en avait fait qu'à sa tête, agissant sous l'effet de la colère ou encore de la peur sans prêter le moindre regard à ses supposés alliés. Ne les avait-elle pas abandonné après tout ?

Pat le roux n'avait pas crié. Il n'avait pas haussé le ton non plus. Ses réprimandes ne firent aucunement esclandre et c'est peut-être ce qui blessa le plus la rouquine habituée aux hurlements et aux coups. Tout ce que son supérieur lui reprochait était entièrement vrai. Ryn s'était montrée égoïste et impulsive, ce qui aurait pu causer du tort à ses coéquipiers. Tout cela, elle l'assumait, même si bien difficilement et conclut ces remontrances en s'inclinant humblement.

Les loups, tous plus déçus les uns que les autres, la laissèrent à son introspection pour mieux prêter main forte aux rescapés de l'attaque. La rousse resta là un moment, à observer sans réellement savoir que faire… N'était-elle pas tout bonnement inutile ? Si … Très certainement. Il lui semblait alors de plus en plus évident que sa place n'était pas ici… Ni dans ce bourg, ni auprès des Lames qu'elle avait pratiquement trahi. Son regard glissa sur un visage familier… Les traits du jeune garçon semblaient déformés par l'inquiétude. Isaac cherchait visiblement quelqu'un, probablement un allié ou plutôt un "ami" absent. Peut-être s'agissait-il de la jeune fille qu'il regardait toujours avec des yeux brillants… Oui, sans doute… Heureusement pour lui, il retrouva bien vite la demoiselle se trouvant à l'autre bout du temple, occupée à redresser des bancs. Aeryn sourit discrètement, sincèrement heureuse pour l'orphelin, songeant alors qu'Alaric serait soulagé de savoir le gamin en vie…

En pensant à Alaric, la rouquine ressentit de nouveau le poids de l'inquiétude. Se trouvait-il au château ? Se portait-il bien ? Que s'était-il passé là-bas ? Ryn était bien évidemment tentée de se rendre sur place pour s'assurer de la survie de son ami, mais il semblait clair que ses compagnons lui reprocheraient aussitôt. Alors, bien docilement, en silence, elle se alla aider les siens à nettoyer le champ de bataille.
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IsoldeQueen
Isolde



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MessageSujet: Re: [convocation] La nuit des hurlements   [convocation] La nuit des hurlements - Page 5 EmptyMer 31 Aoû 2022 - 15:16
Quelques notes ombrageuses sur une tonalité orageuse éclatèrent à ses côtés, un éclat de tonnerre qui crépitaient autour de sœur Gudrun.
Lentement, Isolde pivota vers elle.
La mélodie sauvage ses paroles rencontraient des pentes vertigineuses, Isolde fronça imperceptiblement les sourcils. Leurs regards se croisèrent comme un duel d'épée. La réponse s'apprêtait à tomber tel la hache d’un bourreau, sèche et brutale, quand une autre voix retentit pour prendre la suite de sœur Gudrun. Laura. Imperceptiblement, ses dents se crispèrent davantage, sa mâchoire grinçant alors qu'elle se mordait la lèvre faute de commettre un acte irréversible.
Un pincement au cœur alors que fugacement, l'espace d'un instant Laura s’éclipsait dans l’encadrement de la porte sans qu’elle ne puisse lui dire proprement au revoir, une colère froide qui se distilla dans tout son être alors que son poing se serrait sous une impulsion rageuse. Un visage qui se durcissait dans un regard de braise furieuse alors que dans un pure réflexe dictée par la colère sa main se dressa d’un air sec et autoritaire, comme un couperet, pour lui ordonner de se taire.

« Je ne sais pas à quoi vous jouez, mais si vous ne reprenez pas rapidement votre calme lorsque vous vous adressez à moi, je risque de perdre patience.»

Son visage pivota lentement vers elle, une aura menaçante de colère se formant autour d'elle telle une énergie sombre, alors que sa tresse défaite devint l’esquisse d’un serpent sifflant et s'agitant dans l'air dans une danse furieuse.
Un souffle comme une ultime menace.

« Suis-je claire ? »

Le serpent retomba dans une tresse éparpillée le long de son épaule alors qu'elle se redressait, impérieuse et dangereuse.

« Si vous êtes à la recherche de réponses à vos questions. Pourquoi ne demandez-vous pas au Haut Dignitaire vous-même ? Je suis sûre qu’il saura répondre de la meilleure des manières à cette colère que vous ne savez pas maîtriser.»

Et sans attendre la moindre réaction, elle se détourna d’elle, la contourna, quittant la salle alors que ses pas claquaient au sol pour briser le silence menaçant, un faible sourire fatigué s'étirant sur ses lèvres, car elle savait très bien l’arrière goût amer que pouvait laisser les énigmes dans leur sillage, mais Isolde s’y était accoutumée quelque part.
La vie des autres était bien plus importante que les interrogations de Gudrun.

Elle se freina dans son élan, relevant la tête vers elle.
Un sourire navré avant de finalement lâcher en actionnant la poignée de la chambre.

« Je n’ai pas d’autre réponse à vous fournir. »

Et le bruit de la porte claqua derrière elle.
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