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 Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]

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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 6 EmptySam 30 Juil 2016 - 17:09
« Je finirai par découvrir quelque chose. » Une sombre détermination avait couru dans le ton du comte. Ambre l’avait senti, cette expérience au Labret ne l’avait pas uniquement secoué et traumatisé. Elle avait réveillé en lui une curiosité insatiable, un besoin de savoir qu’il ne pouvait pas assouvir en parcourant les nombreux manuscrits de sa bibliothèque. Il était dans le flou complet à propos de ces créatures mortelles. Les autorités aussi s’y intéressaient de près, mais jusqu’à présent, aucune nouvelle arme ne semblait avoir percé contre ces choses. Ils étaient tous terriblement impuissants. Ambre comprenait la volonté de Morion – elle la ressentait aussi, même dans une moindre mesure. Cependant, elle espérait qu’il ne se mettrait pas inutilement en danger pour cela. Qu’il ne se mettrait pas en tête de faire capturer l’une de ces choses vivantes, ou pire, qu’il aille à leur rencontre volontairement pour éprouver leur résistance. Peut-être fallait-il aussi apprendre à se résigner. L’Homme était faible face aux fangeux. Naturellement, tout chez ces bêtes surpassait les capacités humaines physiques. Ils pouvaient seulement se targuer d’une intelligence supérieure, et encore, quand on voyait l’ingéniosité avec laquelle les créatures pouvaient traquer leurs proies… l’on se demandait parfois si une lueur d’intelligence ne brillait pas encore au fond de leurs prunelles. Ils étaient devenus de terribles prédateurs, et même s’ils ne s’attaquaient qu’à l’Homme, les animaux les fuyaient. Bien sûr qu’il fallait en savoir plus sur ces choses, pour apprendre à les vaincre… Mais la tentation de rester en sécurité au sein des remparts était terriblement forte. Et qu’est-ce qui leur disait que leurs sorties continuelles pour chasser et se nourrir ne participaient pas à la survie de cette espèce impie ? On leur offrait de quoi se mettre sous les crocs. Ces choses ne finiraient-elles pas par mourir de faim si plus aucun homme ne sortait de Marbrume ? Qui des enfants des dieux ou des démons mourraient de famine les premiers ? Bizarrement, il était aisé de se dire que ces choses seraient plus endurantes, même sur ce point. Et c’était terriblement démoralisant.

- Je t’aiderai à chercher. J’ai déjà feuilleté de nombreux livres à la bibliothèque du Temple pour découvrir des traces d’une invasion similaire dans notre Histoire et nos légendes mais… je n’ai point trouvé jusqu’à présent.

Son ton était triste, presque résigné. Elle gardait peu d’espoir, en fait, de trouver quelque chose un jour dans les livres. Ils semblaient être les premiers à être confrontés à ces choses. Seules les expériences concrètes contre les créatures pourraient leur permettre un jour de vaincre.

Ambre fronça légèrement les sourcils lorsqu’il parla de rouvrir la plaie. Cela retarderait sa convalescence, et la comtesse n’était pas sûre que cela soit réellement utile. Elle ne commenta rien cependant. Il leur faudrait avoir l’avis d’un guérisseur sur le sujet, elle n’était pas experte. Si un médecin décrétait que c’était intelligent, alors, elle laisserait faire. Le cas inverse, elle essaierait de convaincre Morion de ne plus y toucher.

- Au moins, cette blessure te forcera à rester longtemps à Marbrume, conclut la jeune femme, à peine scrupuleuse de se servir de ça pour souligner qu’il serait en sureté pour un bon moment. Peut-être devrais-je faire en sorte que tu mettes des semaines et des semaines à te rétablir, après réflexion.

Dernier regard taquin face au sourcil haussé du comte.

--

Morion avait protesté lorsqu’elle avait retiré ses bijoux, et uniquement eux. Il avait senti que leur conversation ne risquait pas de reprendre avant le lendemain, et avant de s’exécuter et s’allonger, voir sa femme encore vêtue lui posait visiblement problème. Ambre haussa un sourcil amusé, et le coin de sa bouche se releva en un sourire. Elle se laissa faire, quoi qu’il fasse. Lorsqu’il retira les attaches de ses cheveux, les mouvements et les effleurements réveillèrent des frissons agréables le long de sa nuque et de son cuir chevelu. Les mèches cuivrées coulèrent sur ses épaules. Ambre ferma doucement les yeux alors qu’il venait caresser le tout. Ses mains descendirent ensuite sur son buste, où les doigts virils s’impatronisèrent sous le tissu de la robe. Centimètre par centimètre, cette dernière quitta ses épaules, dévoilant sa poitrine en tombant sur son ventre. Ambre observa son époux baisser les yeux sur ses formes, qu’il n’avait pu voir qu’en pensées depuis trois semaines. Contrairement à son homme, sa peau n’avait point changé. Toujours aussi blanche et lisse, sans aucun bleu ni plaie. La comtesse frissonna doucement en sentant la robe glisser sur ses hanches, puis, sous le regard de son mari, elle termina par l’aider, souriante. Elle souleva doucement ses fesses pour faire passer le tissu dessous, puis ils purent faire glisser le tout le long de ses jambes, jusqu’à ce que la robe disparaisse de ses chevilles et ne tombe au sol avec un bruit léger. Etre nue fut par la suite beaucoup plus pratique.

Ambre l’avait vu sur son visage, durant les regards qu’elle avait relevés vers le comte. L’homme était surpris. Il s’était redressé, légèrement, pour admirer sa descente sur son corps, et l’avait observée avec une espèce d’attente fascinée, visiblement loin d’en attendre tant de sa part cette nuit. La comtesse était satisfaite de l’expression qu’elle voyait, de ces lèvres entrouvertes qui échappaient un souffle de plus en plus aléatoire, parfois bloqué. Quand elle plongea définitivement ses lèvres le long de sa hampe, le soupir qu’il échappa après une apnée de quelques secondes souleva dans le ventre de la comtesse une sensation agréable. Sentir son mari prendre du plaisir la satisfaisait elle aussi, et réveillait en elle un désir évident. Il lui fallait contrôler ce désir cela étant, car cette nuit, Morion serait le seul qui recevrait des attentions aussi poussées. Cela ne la frustrait pas du tout. Elle aimait entendre son homme s’abandonner, oublier le reste. Apprendre à lui donner sans recevoir était aussi l’un de ses devoirs d’épouse, et dans ce cadre intime, cette nuit, elle considérait qu’il était plus logique que cela soit lui qui se détende plutôt que l’inverse. Amusée, sa langue courant autour du membre de son époux, elle nota le poing de Morion qui se referma sur les draps. Elle apprécia sentir son sexe se contracter entre ses lèvres, et cherchait à provoquer toujours plus ces soubresauts, répétant les gestes qui les avaient fait apparaître. Elle variait beaucoup les mouvements cela étant dit, feintant un peu, restant longtemps à effectuer le même geste de sa langue, jusqu’à ce qu’il s’y accoutume presque, avant de dévier brusquement sur un autre rythme et sur des chorégraphies différentes de sa langue. C’était visiblement efficace, et cela lui permettait, à elle, de ne pas se fatiguer à effectuer toujours la même chose dans la même position.

Parfois, lorsqu’elle avait besoin de reprendre un peu de souffle, elle remontait le long du sexe en une longue aspiration, pour libérer le membre de ses lèvres, légèrement à contre cœur. Lors de ces instants, elle prenait une position moins difficile entre ses jambes, rabattait d’une main derrière ses oreilles des mèches de cheveux qui avaient tendance à venir gêner son visage, le tout en n’oubliant pas son époux, sa main venant caresser l’intérieur des cuisses, des bourses, l’autre continuant à effectuer un mouvement de va-et-vient autour du sexe en attendant le retour de sa bouche. Ambre se surprit à vraiment, vraiment apprécier cette pratique. Sentir les soubresauts de Morion, ses soupirs, son plaisir… Ah, et dire qu’elle avait hésité à descendre ainsi entre ses cuisses. Elle ne regrettait pas.

Morion était resté Morion cela dit, même après trois semaines. Bien évidemment ; pourquoi aurait-il changé ? Encore affairée, elle le sentit bouger, se redresser, et releva un instant un œil pour savoir ce qu’il voulait. Il n’interrompit rien cela dit, et vint la caresser alors qu’elle effectuait ses attentions. L’homme retrouvait sa manie de toujours renvoyer la pareille. Et Ambre n’était pas encore au bout de ses peines. Elle ferma un instant les yeux en sentant ses caresses dans ses cheveux, son cou… puis ses mains fondirent sur ses seins. Là, involontairement, Ambre gémit. De surprise. Les gestes de Morion avaient été maîtrisés, doux, agréables, comme à leur habitude… mais la poitrine de la comtesse se montra extrêmement sensible. Beaucoup plus qu’avant son départ. Ses seins étaient tendus, et semblaient ressentir avec trois fois plus d’intensité toutes les touches à ce niveau, et c’en était presque, à certains moments, douloureux, alors que Morion n’avait rien fait de brusque qui pourrait être de sa faute. Non, le corps de la jeune rousse avait changé là-dessus, et le gémissement qu’elle lâcha au-dessus du sexe de son mari fut un mélange de plaisir, de surprise face à ces sensations exacerbées, et de douleur. D’une main, elle guida les doigts de son mari sur les zones les moins réactionnelles, s’efforçant de faire passer ça pour un désir réel plus que pour un évitement. Elle n’y pensait pas sur le coup, elle était bien trop occupée à autre chose, mais nul doute que si Sarah avait vent de cette sensibilité nouvelle, elle la toiserait de nouveau avec son petit air satisfait. Mais, heureusement pour Ambre, parler de la sensibilité de son corps sous les assauts charnels de son époux n’était pas vraiment un sujet qu’elle abordait avec ses domestiques.

Après ce détail, léger mais inattendu, Ambre se rencontra sur son languissement. Morion l’aidait parfois, soulevant son bassin pour approfondir la pénétration entre ses lèvres, guidant un rythme qu’il préférait, ou encore lui montrant qu’elle pouvait aussi faire des va-et-vient avec sa main en même temps que ses lèvres s’échouaient sur son membre, le tout en rythme. Elle apprit, prenait ses marques, écoutait les désirs de son époux et essayait de le combler jusqu’à ce qu’il ne cède, même si elle savait qu’elle ne serait sûrement pas assez douée pour ce premier essai pour le faire sombrer jusqu’à l’orgasme. Mais elle sentait ses soupirs, les contractions de ses muscles, son plaisir évident, et bons dieux ce que cela la comblait.

Cependant, Morion termina par l’arrêter. De façon un peu fébrile, un peu précipitée, comme s’il craignait d’atteindre un point de non-retour. Il releva doucement son menton. Ambre se redressa sur la couche, accueillant son baiser tout aussi fébrilement. Sa langue vint rencontrer la sienne, et ils basculèrent en s’embrassant. Ambre se retrouva allongée au-dessus de lui, et l’homme rabattit ses mains derrière ses cuisses, juste au-dessus du creux des genoux, pour l’inciter à remonter. Pour asseoir son envie, il lui intima l’action d’un mot unique, une lueur matoise dans le regard. Ambre échangea un long regard amusé avec lui, le souffle encore court de la fellation qu’elle avait effectuée. Elle était presque déçue d’avoir dû s’arrêter, et le laisser reprendre le contrôle malgré sa blessure était quelque chose qui la titillait. Saleté de dominant. Ils avaient cependant trouvé, visiblement, un moyen de contourner l’obstacle de sa blessure.

Genoux placés de chaque côté du visage de l’homme, sur les coussins, Ambre avait bloqué son souffle, devinant parfaitement ses intentions. De terribles frissons d’anticipation brûlaient déjà son corps, et à peine avait-il mordu dans la chair de sa cuisse qu’elle s’était cambrée, ses cheveux balayant le bas de son dos, et elle avait rapproché un peu plus son intimité de sa bouche, sans le vouloir. La langue du comte vint vite s’échouer entre ses cuisses, comme il savait si bien le faire. Il mêla la chaleur et l’humidité de sa bouche au contact doux de son souffle, en plus de la poigne de ses mains, derrière, qui agrippaient délicieusement les fesses. Ambre lâcha un long soupir lorsque la langue s’activa, les gémissements se rassemblant lentement mais sûrement dans sa gorge.
Elle se trouvait face à leur tête de lit, désormais, et lorsque les attentions prolongées de son époux commencèrent à faire naître des vagues concentriques de plaisir, la jeune femme empoigna un peu brutalement les barreaux du lit, pour prendre appui, contrôler les tremblements de son corps, et guider les légères oscillations de bassin qu’elle lançait pour accentuer les effets de son mari. Elle serrait la tête du lit à s’en faire blanchir les phalanges, rabattait le cou en arrière, se mordait la lèvre inférieur en gémissant. Sa vulve devenait humide, terriblement humide, et pas uniquement à cause de la langue du comte. Les contractions de son sexe se faisaient de plus en plus régulières. Le plaisir montait, montait, montait…

La comtesse ne sut pas ce qu’il y avait de nouveau. Morion agissait comme à son habitude, maniait sa langue et ses doigts avec la même dextérité qu’avant. Peut-être était-ce le bonheur terrible de son retour, qui agissait indirectement. Peut-être était-ce le manque, qui en trois semaines, avait pris le temps de creuser un vide profond. Peut-être était-ce son corps, qui semblait véritablement plus sensible, à l’image de ses seins qui avaient réagi bizarrement. Mais le plaisir monta, encore, jusqu’à atteindre une apogée jamais égalée. L’orgasme explosa entre ses cuisses, remontant le long de toutes les fibres de son corps, électrisant chaque parcelle de peau. Son entrejambe se contracta avec rapidité, à de nombreuses reprises, subissant les assauts du plaisir. Les cuisses de la comtesse tremblèrent un peu au-dessus du comte, et Ambre se cambra définitivement, brutalement, serrant les barreaux du lit jusqu’à s’en faire mal cette fois-ci. Elle ne savait plus où donner de la tête entre réussir à trouver son souffle, le bloquer sous les vagues de l’orgasme, ou gémir. Le résultat final donna un mélange des trois un peu ridicule. Cela dura de longues secondes, une dizaine, peut-être même une vingtaine.

Après quoi, cela la laissa hébétée un instant. Elle resta immobile au-dessus de Morion, son buste se soulevant à un rythme déraisonné, alors qu’elle savourait encore les décharges que son corps venait de prendre. C’était la première fois qu’elle jouissait. Ambre ne pensait pas, à dire vrai, que connaître un plaisir plus grand que ce que Morion lui avait déjà fait connaître était possible. Mais visiblement, si. Le plaisir avait explosé, terriblement meilleur, terriblement poignant.

- Bordel.

Le mot fusa entre deux souffles exténués alors qu’elle s’en remettait encore. Elle n’avait pas pu retenir la vulgarité, malgré son rang, et l’étiquette à tenir. Mais elle n’était plus Ambre de Ventfroid à cet instant. Elle n’était pas une noble qui devait se tenir droite et surveiller ses paroles. Elle était une femme qui venait de ressentir une nouvelle chose, une chose terriblement bonne. Bien qu’être toujours distinguée, et ce même en présence de son époux, était quelque chose auquel elle tenait en toute circonstance, là… disons que ce fut l’exception qui confirmait la règle. Elle espérait que Morion n’en prendrait pas ombrage, mais était de toute façon trop occupée à récupérer son souffle pour se préoccuper du reste.

Baissant les yeux sur le regard mutin de son époux entre ses cuisses quand elle fut remise, Ambre se mordit les lèvres une dernière fois.

- Ai-je le droit de reprendre mes propres attentions ou monseigneur souhaite-t-il continuer la torture ?
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 6 EmptySam 30 Juil 2016 - 20:50
Evidemment qu’il n’y avait rien dans les bibliothèques du temple… beaucoup de leurs ouvrages étaient mensongers, et si des hommes avaient découvert de telles abomination avant leur arrivée officielle en ce monde et au Duché, eh bien la censure religieuse ou même politique les aurait empêché de parler. Ce genre de choses gênantes faisait peur. Et si l’on aurait jamais pensé à démentir le récit d’un cerf dans forêt, qui aurait fait cinquante pieds de haut, d’un pelage d’or et au regard de braise, incarnation de Serus évidente, des morts revenus à la vie, refusant l’appel d’Anür pour se livrer à d’horribles massacres… Non. Il y avait été, y était même retourné, en compagnie de la dame de Traquemont, et leurs recherches s’étaient avérées parfaitement infructueuses. Néanmoins la tournure historique de certains épisodes, rédigés sans le moindre souci d’objectivité, avait eu le mérite d’amuser le comte. En ce qui concernait les recherches, ils avaient fait chou blanc. Et il n’avait pu, faute de temps, poursuivre d’assidues recherches dans les récits historiques des archives de sa famille. Peut-être que cette soif de découverte d’un remède, d’une arme ou tout simplement d’une origine plus ou moins rationnelle, mais évidente, de ces bêtes pousserait Morion à laisser Ambre feuilleter ses ouvrages à volonté. Il ne savait pas encore, mais mille ans et plus d’histoire, il ne pourrait guère y arriver seul. A l’époque où il parcourait, avide, ces ouvrages, les fangeux étaient inconnus, inexistants même, dans l’esprit collectif. Donc peut-être qu’il était déjà tombé sur un passage, une allusion, une référence… Il fallait qu’il vérifie. En attendant de devoir s’attaquer directement à un spécimen vivant, il faudrait passer par l’écumage des livres.

«Nous verrons. Ils sont là depuis peu de temps et les recherches prennent un temps qu’ils ne nous ont pas laissé,
songea Morion à voix haute. Néanmoins, le sel a été une découverte formidable. Peut-être que… Il laissa mourir sa phrase. Des idées venaient d’éclater avec fulgurance dans sa tête, mais il les tut. Ca n’était pas le moment. Un petit sourire marqua néanmoins ces réflexions silencieuses. Nous finirons par trouver.»

Il était si occupé à graver ces réflexions lumineuses, du moins l’espérait-il, dans son crâne, qu’il entendit la phrase d’Ambre, mais n’en perçut le sens qu’avec quelques secondes de retard. Ses yeux s’ouvrirent plus largement, les lèvres légèrement entrouvertes quand il percuta enfin le sens de ses mots. Un froncement de sourcils faussement réprobateur rida légèrement la peau au dessus de son nez, puis il haussa les épaules.

«Me maintenir ici et retarder plus encore mon rétablissement te servira peut-être un moment, mais ne pas posséder ma pleine liberté de mouvements te prive également de beaucoup de choses.»

Le ton était mutin, tout comme les sous-entendus étaient clairs. Il restait sur Marbrume un bon moment, c’était évident. Il n’en était pas mécontent, par ailleurs. Si son domaine avait revêtu moins d’importance, il aurait probablement souhaité y rester le plus longtemps possible. Rétabli ou non. La vie en avait décidé autrement, et s’il faisait confiance à ceux à qui il avait laissé la charge de ses affaires, au loin, il avait toujours un mal fou à déléguer. Au moins, Marianne savait à quoi s’en tenir, et devrait copier chacune de ses notes pour les envoyer au comte. Il ne pourrait guère faire plus que de la guider et de lui suggérer les réactions et attitudes à avoir face à ses comptes rendus, mais c’était déjà bien mieux que d’être seulement alité dans l’incapacité de faire quoi que ce soit. Sa présence physique là bas pouvait bien attendre. Ambre avait besoin de la sienne, et il s’était langui du moment où il pourrait la lui accorder sans avoir, comme avant son départ, la pression d’une opération en pleine organisation, sans compter le funeste événement qui avait également eu lieu, à savoir la mort de son paternel. Elle semblait bien plus vivace qu’à son départ, même si le manque avait forcément exacerbé sa vitalité, mais le voile terne de la torpeur dans laquelle elle s’était malgré elle enfermée avait disparu.

--


Sa peau offrait un contraste saisissant avec la sienne, une fois que leurs habits à tous deux eurent été totalement retirés. Là où il portait un nombre encore conséquent de séquelles dues aux combats comme à la maladresse qui avait suivi sa période d’infirmité, celle de sa femme était tout à fait dénuée de tout stigmate. Et heureusement. Il aurait probablement horriblement mal pris le fait qu’elle eusse été malmenée d’une quelconque manière en son absence. Il aurait probablement fait retourner la ville, faute de pouvoir le faire lui-même, à la recherche des éventuels coupables.
Ainsi ses yeux s’abreuvaient délicieusement de la vue qui s’offrait à eux, de même que ses mains, qui retrouvaient avec le plus grand plaisir la texture douce de son épiderme, les fines irrégularités qu’il rencontrait quand le corps de sa femme était traversé de frissons, contagieux par mimétisme. Inconsciemment parfois, lorsque ses mains s’égaraient sur ses bras fins, ou passaient dans son dos, ses caresses impulsaient un mouvement plus ferme, il s’emparait presque de la peau, comme pour se convaincre de leur réalité. Cela faisait bien des heures qu’il était de retour, si l’on comptait la soirée chez le Comte de Clairmont, mais tout de même. Il avait été si tourmenté par les rêves sombres, les cauchemars habités par les fangeux, les inquiétudes muettes et sombres se muant en visions horrifiques, déformées par la fièvre, que se retrouver là, au bout de trois longues semaines difficiles à tous points de vue… Il avait encore un peu de mal à s’y faire. Nul doute qu’Ambre saurait le convaincre de la réalité de tout ceci en très peu de temps, elle lui avait elle-même avoué qu’elle savait se montrer très persuasive, ce serait probablement l’occasion pour elle de faire montre de ces talents.


Et lorsque sa femme s’activait, il ne cessait d’être surpris, encore et encore. Une surprise néanmoins laissée au second plan, loin derrière le déluge de sensations toutes plus agréables les unes que les autres qu’Ambre lui offrait. Elle ne jouait qu’un rôle mineur dans le plaisir qu’il ressentait. Et le désir, également. Elle était… douée, il n’y avait pas d’autres mots. Ses attentions, l’écoute et le ressenti de ce qui lui plaisait le plus ou le moins - bien que moins soit ici un terme très, très relatif - sa créativité en terme d’expériences, afin de pousser plus loin le plaisir qu’elle offrait à son époux, cela le comblait totalement. Ils entraient dans un cercle vertueux. Le plaisir que ressentait Morion était décuplé par celui que ressentait, de facto, Ambre, et augmentait encore le sien, dans un cycle torride, mêlé de tendresse, qui ne cessait de s’intensifier. Il faisait des efforts pour contrôler son souffle et les sensations qui pleuvaient sans discontinuer. Pour une première fois, Ambre démontrait une forme de perspicacité aussi étonnante que délicieuse, comme lors de leur toute première nuit. C’était moins flagrant la première fois, d’autant que Morion avait voulu guider un maximum afin de la mettre dans la plus grande confiance, et de faire de cette nuit une nuit qui les marquerait, mais cette fois, il était totalement entre ses mains et ses lèvres, ne pouvant guère rendre que quelques caresses. Une semi-passivité qui, si elle ne lui était pas coutumière, revanchard qu’il était, était terriblement agréable. Là aussi c’était… plus ou moins surprenant. Il pouvait lâcher les rênes, et laisser son plaisir entièrement sous le contrôle de sa femme. Pour avoir passé plusieurs semaines à exercer un contrôle tyrannique et absolu sur tout ce qui se passait autour de lui, pouvoir lâcher prise dans un tel contexte était… Vraiment plaisant. Enivrant, d’une certaine manière. Elle jouait admirablement avec les sensations qu’elle voulait donner, et l’entretien de ses sensations. Accoutumé à un rythme particulier, qui stabilisait l’augmentation du plaisir, puis changeait d’un coup sur une base plus rapide, ou plus lascive, avivant une nouvelle fois, plus fortement encore, le brasier qui couvait en lui, avant de l’apaiser à nouveau, relativement. Il ne pouvait anticiper ses gestes, seulement lui indiquer quand ses mouvements se faisaient les plus agréable, et lui donner, de temps en temps, une marche à suivre qui lui plaisait particulièrement. Et, évidemment, répondre par les caresses qu’il souhaitait également lui procurer, même si cela faisait bien pâle figure en comparaison du don que lui faisait son épouse.

Il montra une certaine surprise, qui se traduisit par une légère hésitation, dans ses gestes, à la véhémence que montra Ambre à certaines de ses caresses, sur ses seins, dont elle s’était pourtant toujours montré friande, mais auxquelles elle n’avait jamais été si...réactive. Il mit cela sur le compte du manque et du plaisir qu’ils partageaient, mais ses yeux se plissèrent un bref instant. Il n’y songerait que bien plus tard, mais cette sensation, et ce genre de réactions, il les avait déjà vus, chez quelqu’un d’autre, dont l’évocation n’avait pour l’heure rien à faire ici. Ses propres pensées étaient surtout concentrées sur son épouse et l’endroit où elle s’affairait avec une compétence et une chaleur croissante, il n’avait aucune envie de penser à autre chose à ce moment, et ne le fit pas.

Si elle doutait de son talent, l’arrêt de Morion dans ses attentions, soudain, aurait suffi à provoquer le contraire. Peut-être les trois semaines d’abstinence totale jouaient leur rôle là dedans, mais il n’en était pas moins au bord de la rupture. La pensée l’effleura, un moment, que s’ils s’adonnaient chacun à ce genre de pratique, il allait devenir difficile de leur faire quitter leur couche, maintenant qu’ils avaient chacun un moyen de “pression” sur l’autre. Leurs ébats n’en gagneraient que plus en qualité et en ivresse, et il se surprit à vouloir ardemment sa guérison totale pour reprendre le contrôle total sur son corps, et ne plus devoir subir, à sens presque unique, les caresses et attentions, terriblement agréables certes mais un poil unilatérales, d’Ambre. Leur plaisir n’en était que plus intense quand il était partagé au maximum.

Lorsqu’elle fut au dessus de lui, il put enfin prendre sa revanche. Elle avait déjà goûté à ce genre de caresses, mais ainsi, les choses étaient totalement différentes. L’angle pour venir l’assaillir était idéal.

Les yeux levés vers elle, une partie du visage dissimulée sous elle, sa langue s’insérait doucement entre ses lèvres pour y caresser la fleur humide, un mouvement ascendant lascif ayant pour destination son clitoris. La pointe de sa langue passa doucement tout autour, relevant doucement la peau qui le recouvrait, ou à l’inverse, passant d’un mouvement appuyé afin de ne pas rendre douloureuse la caresse sur cette parcelle de chair si sensible. Il redescendait ensuite caresser l’entrée de son vagin, laissant, sa langue dehors, son souffle rafraîchir et contraster la brûlure de ses caresses orales. La seule liberté qu’elle avait, à ce moment, c’était de laisser osciller son bassin pour amplifier la profondeur de ses caresses, et pour le plus grand plaisir de Morion, elle ne s’en privait pas. Et dans le même temps, ses mains, agrippées à ses fesses, qu’elles griffaient légèrement, appuyaient parfois dessus, plaquant l’intimité d’Ambre contre sa bouche, lorsque sa langue, avide de plus de mouvements, de profondeur, pénétrait son vagin pour en caresser, crochetée, la paroi supérieure, se tordant légèrement à l’intérieur pour en épouser les contours, passer sur chaque parcelle disponible, avant de ne revenir qu’à son entrée, qu’il parcourait sur tout son pourtour. Parfois, il se laissait aller, comme elle juste avant, à un mouvement constant. Il partait de la base de son périnée et remontait lentement, laissant sa langue glisser sur l’entrée du vagin, remontant lentement jusqu’au clitoris, savourant les contractions de ses adducteurs, involontaires, ou celles de ses muscles releveurs qui venaient augmenter la surface que sa langue pouvait prendre d’assaut. Quand la monotonie de la caresse avait assez duré, il appuyait fermement sur le galbe de ses fesses, et venait plaquer ses propres lèvres sur les siennes, embrassant goulûment, à plusieurs reprises, sa fleur. Tantôt le relief de ses lèvres, et tantôt, plus espiègle, plus taquin, elles se posaient au sommet de son intimité, et impulsaient un léger, très léger mouvement de succion, aspirant avec une extrême douceur au niveau du clitoris. Mal exécuté cela pouvait faire mal, il l’avait appris à ses dépens. Néanmoins ce temps était désormais loin, et il se plaisait réellement à mettre son apprentissage au service du plaisir de la femme qu’il avait pris pour épouse. De là où il était, il pouvait saisir de sa vue le délicieux paysage de sa femme, dressée au dessus de lui, en position de force, et pourtant malmenée quand même par Morion. Il voyait son ventre se contracter, son buste harmonieux se soulever au rythme de sa respiration de plus en plus saccadée. Ses triceps, saillants, lorsqu’elle agrippait et serrait les barreaux boisés de la tête de lit. Cela ne faisait que le galvaniser.

Il émit une légère impulsion du menton pour qu’elle se soulève légèrement. Sa langue et ses lèvres n’étaient pas ses seuls atouts. Il passa, glissant sur la courbure de sa fesse, jusqu’entre ses jambes, une main baladeuse et brûlante de rejoindre le ballet oral, levant légèrement la nuque pour se ménager plus de place. Ses doigts griffèrent d’abord l’intérieur de ses cuisses, doucement, avant de s’attaquer, avec sa bouche, à son intimité. Ils passèrent le long des lèvres, et d’une impulsion, les écartèrent pour laisser toute place à ses caresses langoureuses. Sa langue s’inséra à nouveau en elle, lentement, mais adoptèrent rapidement une cadence plus poussée, plus frénétique. Son menton se relevait rapidement vers elle, sa main libre appuyait très régulièrement sur son derrière pour augmenter l’impact de ses caresses. Il n’arrêta ce manège que plus tard, dans une dernière impulsion qui laissa sa langue s’enfoncer aussi loin qu’elle le pouvait. Il la recourba vers le haut, afin de passer sur la paroi supérieure du vagin, et s’en extrait avec une lenteur calculée, dans un mouvement très appuyé. Il n’en avait pas fini, mais comptait passer à la vitesse supérieure. Il laissa tout d’abord quelques baisers, légers, sur ses lèvres, se relevant parfois pour remonter jusqu’à la terminaison de son pubis, pendant que ses doigts, relâchant l’écartement de la peau protégeant sa fleur, vinrent lentement s’insérer en elle après des caresses lascives, destinées autant à l’exciter qu’à humidifier les doigts avec la propre cyprine de sa femme. Il avait déjà passé assez de temps à la stimuler pour se permettre d’y insérer son index et son majeur, directement. Sa langue et ses lèvres purent ainsi se concentrer entièrement sur la zone clitoridienne, pendant qu’il entamait le caractéristique mouvement de va et vient, appuyant sur les parois vaginales pour intensifier les sensations qu’il voulait lui procurer. Pas un seul instant il ne la quittait des yeux, goûtant son plaisir autant qu’il le lui offrait. Par réflexe, les mouvements circulaires ou verticaux de sa langue se calquaient sur le rythme donné par son poignet. Tantôt lent, lascif, où il pouvait ainsi se concentrer sur les caresses orales, titillant son clitoris avec précision, tantôt rapide et ferme, sa langue se faisant moins appuyée mais distribuant des caresses légères, espacées d’un faible temps de latence, un rythme saccadé où sa langue venait stimuler la peau et le bouton de rose en dessous, pendant que ses doigts s’activaient avec énergie. Il la sentait brûler, entre ses doigts. D’une manière différente des autres fois, cela étant. Leur séparation peut-être, ou la nouveauté de la position, qui rendait Morion bien plus aptes à distribuer des caresses, semblaient la rendre bien plus réceptive, en tout cas, plus rapidement. Sentant le plaisir de son épouse monter en flèche, les contractions se rapprochant ou s’intensifiant, son souffle perdre un schéma cohérent pour ne saisir les bouffées d’air qu’au vol, quand elle le pouvait, il intensifia notablement ses caresses. Les dernières fois, le plaisir était monté, mais ils étaient passé à plus concret, alors que cette fois ci, cela leur était difficilement réalisable, pas sans rendre Morion malade de douleur. Profitant de la sensibilité nouvelle et d’ailleurs terriblement excitante d’Ambre, ses doigts se courbèrent, appuyant les parois, parfois s’écartaient pour stimuler autant l’entrée de son vagin que l’intérieur. Il forçait son poignet à s’incliner vers le haut, pour aller à nouveau caresser la paroi supérieure, où se situait son point le plus sensible. Et il reprenait des allers retours frénétiques, se concentrant par la suite sur des mouvements appuyés de sa langue, qui parfois rejoignait la base des doigts insérés en elle, caressant l’orée de son vagin d’une langue taquine, avide de pénétrer également malgré la gêne qu’il s’imposait tout seul. Lorsque les vagues de plaisir se firent les plus intenses, qu’elles explosèrent en elle comme un raz de marée, il ralentit, progressivement, sans pour autant s’arrêter totalement. Lorsque les tremblements les plus violents cessèrent, il haussa le sourcil, en écho à son juron, compréhensible, amusant même, mais… surprenant. Pouffant légèrement, il laissa son souffle la caresser, et évitant de torturer trop longtemps encore une zone rendue encore plus sensible, il se contenta de l’embrasser, une fois, deux fois, dix fois, avec douceur. Il se recula légèrement sur la couche, quand elle le questionna. L’hésitation était présente. Il n’avait pas envie de s’arrêter maintenant, mais d’un autre côté, sa séance de torture lui avait laissé le temps de se calmer un peu, le plaisir qu’il ressentait étant toujours vivace, mais principalement alimenté par celui qu’il procurait à sa femme. Il était encore ferme, mais au moins, les barrières qui avaient sauté avaient eu le temps de se reconstruire un peu.

Il poussa doucement Ambre à se relever pour glisser ses bras devant elle, par dessus ses cuisses, la faisant légèrement reculer. Et il la poussa, encore, jusqu’à ce qu’il puisse l’attirer à elle, et l’embrasser à pleine bouche. Son membre vint d’ailleurs frotter contre son intimité humide, une caresse qui éveilla un frisson électrique. Il l’embrassa encore, partageant son propre goût avec sa femme, puis, les mains autour de son visage, et peut-être, en son for intérieur, un peu gêné de formuler une telle demande, esquissa un sourire et vint murmurer à son oreille après lui avoir titillé le lobe :

«Je continuerais bien des heures, et des heures.
Il fit une brève pause avant de reprendre. Fais-moi trembler, mon épouse.»
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 6 EmptyDim 31 Juil 2016 - 1:25
Morion l’embrassa encore plusieurs instants, dans la continuité du plaisir qui couvait et pulsait encore en elle après l’orgasme. Ses lèvres étaient délicieuses, chaudes, et Ambre aurait pu rester ainsi toute la nuit, si rester à genoux n’était pas au long terme désagréable et ankylosant. La comtesse était encore loin de ressentir des douleurs à ce niveau cependant, et Morion aurait pu s’attarder toujours plus un bon moment. Mais sa question avait fusé, car elle voulait faire naître chez lui un plaisir au moins aussi intense que ce qu’elle venait de connaître. L’arrivée d’un orgasme, et sa fin, l’avait rendue fébrile, jusqu’à un pic, et elle sentait que si elle ne se remettait pas à être active rapidement, elle se perdrait dans la satisfaction hébétée caractéristique après la fin d’un ébat, et elle ne pourrait point offrir à Morion la même passion que celle qu’elle pouvait encore apporter là de suite.

Ambre s’amusa de voir Morion rabattre sa tête sur les coussins, hésitant. Cette place lui convenait visiblement beaucoup, et il rechignait de la quitter. Elle haussa un sourcil, regard baissé sur lui, une main encore à moitié appuyée sur un barreau du lit. Quand il glissa ses mains sur ses cuisses pour pousser dessus et lui signifier de redescendre le long du lit, elle arbora un sourire satisfait. Elle déplaça donc ses genoux, lentement, glissant sur les draps plissés de leur couche. Quand elle fut assez basse, Morion l’attira à lui, et elle bascula avec plaisir. Ses seins sensibles effleurèrent la courbe de son torse, sa bouche se perdit sur celle de son époux, longtemps. Un puissant frisson la parcourut lorsqu’il titilla le lobe d’une oreille et vint murmurer. Le faire trembler. Oh oui, elle comptait bien le faire.

Elle l’embrassa, encore, et le léger mouvement qu’elle eut pour faire cela lui fit sentir l’extrémité de son mari entre ses cuisses, frottant sur l’intimité humide. Une vague de désir subite traversa son ventre, réveillant à nouveau ses envies alors qu’il venait déjà de la satisfaire comme jamais. Son souffle se coupa quelques instants, lèvres entrouvertes au-dessus du visage de son mari. Elle ne put pas résister à quelques taquineries. Son bassin oscilla doucement, très doucement, pour venir effleurer à nouveau le membre, sans appuyer contre les hanches ou l’orée de la cuisse. Elle avait peur de lui faire mal à cause de sa blessure, aussi touchait-elle juste son sexe. Ce fut une torture agréable pour Morion peut-être, mais une torture terrible pour Ambre. Elle brûlait, en fait, que le membre du comte s’impatronise entre ses chairs. Qu’ils lient leurs corps comme ils savaient si bien le faire avant le départ du comte. Qu’ils se lient comme le voulaient les dieux, pour faire fructifier une union. Ambre poussait les mouvements en ce sens, poussait son propre désir, caressant le gland de ses lèvres intimes. Bientôt, le sexe de son mari se présenta spontanément à l’entrée de son vagin à force de mouvements, et la comtesse dut prendre une longue inspiration pour s’arrêter et empêcher la pénétration. Ses doigts se recourbèrent sur le torse dans une poigne nécessaire pour se maîtriser. Le moindre coup de rein un peu trop véhément risquait de mettre à mal sa cuisse, et elle savait que si elle se laissait s’empaler, ils ne réussiraient plus à être raisonnables, ni l’un ni l’autre. Ce fut donc avec une frustration réelle qu’elle arrêta ses tentations, et reprit une descente plus plongeante.

Ambre se plaça à nouveau entre les jambes du comte, allongé sur la couche. Elle embrassa son ventre, et fit exprès, en glissant, de faire toucher son sexe de ses seins. Ses cheveux, également, rabattus sur le côté, venaient chatouiller la hanche de l’homme. Quand sa bouche fut enfin au niveau du membre viril, prêt à recommencer les attentions qu’elle faisait un peu plus tôt, Ambre leva ses prunelles céruléennes vers le visage du noble. Elle allait laisser durer encore un peu.
Faussement menaçantes, les dents de la comtesse se découvrirent légèrement. Elles vinrent mordiller la peau des testicules, appuyant des pressions légères sur ces dernières. Sa bouche souleva ces deux petits ronds de chair, parfois aidée de sa langue. Ses mains, aussi, n’étaient pas inactives. Lascivement, elles caressaient l’intérieur des cuisses, griffant doucement des ongles jusque sur le périnée, où les doigts s’attardaient un peu, pour remonter sur les bourses et accompagner la bouche. Parfois les mains s’évadaient le long de l’aine jusqu’au bas du ventre, puis le pubis, essayant de mettre les sensations du comte à fleur de peau.

Quand elle en eut assez fait avec les testicules, Ambre remonta le long de la hampe. A nouveau, les dents coururent sur la surface, apparaissant parfois vicieusement entre deux coups de langue ou baisers. Quand elle arriva sur l’extrémité du sexe cependant, elle les rangea, laissant uniquement ses lèvres et sa langue humide parcourir la peau. De la pointe de sa langue, la comtesse entreprit de lents mouvements circulaires au-niveau du frein, puis verticaux. Ensuite, elle vint faire déborder la langue, glissant le dessous du muscle, bien plus lisse et muqueux – donc plus doux et chaud –, sur toute la surface du gland. Elle enchainait les mouvements rapides, les tapes de la pointe de sa langue, les mouvements circulaires ou longitudinaux, avec des caresses plus lentes, mais elle alternait toujours de façon aléatoire, pour que l’homme ne puisse jamais s’attendre à la suite.
Bientôt, ses lèvres revinrent entourer entièrement le sexe. D’un seul mouvement, elle engloutit le membre, main droite resserrée autour de la base pour le redresser de façon adéquate. Se souvenant ce qu’il lui avait montré plus tôt, elle amorça un mouvement de va-et-vient du poing, en même temps que ses lèvres. Quand sa bouche remontait, sa main suivait, et inversement. Ambre augmentait la pression de ses lèvres, aspirait, gémissait parfois, attisée par son propre plaisir à sentir son mari s’abandonner. Les contractions de son sexe avaient repris, il se relevait dans sa bouche, gonflait parfois, gorgé de sang. Ambre tâta, continua à alterner le rythme et les caresses, puis, quand elle pensa avoir trouvé le bon filon pour mener son homme jusqu’à la jouissance, elle prit appui sur le lit de sa main gauche, l’autre toujours refermée autour du membre. Subrepticement, elle accéléra la cadence. Ses lèvres donnaient une pression de plus en plus accentuée, sa langue tournait et virait au sein de sa bouche pour compléter les va-et-vient, goûtant à chaque parcelle de peau. Son propre souffle s’accélérait sous l’effort, en même temps que celui de son mari.

Quand elle sentit l’homme sur le point de se perdre, sa main vint rejoindre la sienne. Elle mêla ses doigts à ceux de Morion, faisant attention à ne pas toucher la cuisse blessée. En presque deux mois de mariage, même si les trois dernières semaines avaient été passées loin l’un de l’autre, la comtesse avait appris à repérer certains signes – le moment où Morion était sur le point de jouir en faisait partie. Son expression changeait, son souffle avait des ratés. Ce fut la même chose cette nuit. Les prémices de la fin s’étaient montrées, et Ambre avait continué sans diminuer le rythme pour ne pas gâcher la jouissance.
Le membre du comte trembla. Ambre sentit chacun des soubresauts, et bientôt, la semence chaude s’épancha dans sa bouche, à jaillissement intermittents. Ambre frissonna, serrant la main de son mari, fermant les yeux pour se concentrer sur ses gestes et accompagner les derniers instants de son orgasme. Quand le comte eut terminé de laisser échapper un râle de plaisir, Ambre continua pourtant quelques secondes à faire courir ses lèvres le long du sexe, doucement. Son propre cœur battait assez fort, et l’élan de désir retombait progressivement. Puis, une dernière fois, Ambre remonta le long de la virilité, pour la quitter définitivement. Le vît s’échappa de sa bouche et retomba entre les cuisses du comte. La jeune rousse se redressa légèrement, lançant un regard à Morion, un peu amusé. D’un pouce, elle essuya sa lèvre inférieure, et déglutit discrètement. Ce fut un goût particulier, nouveau.
Elle espérait que Morion avait apprécié. De fait, s’il avait terminé par jouir, c’était un fait, mais elle espérait ne pas avoir fait de faux pas durant l’acte – lui avoir fait mal durant quelques moments par exemple, à caues de son inexpérience, cela pouvait être possible.

Ambre se rallongea auprès de son époux, et fonça embrasser son cou. Elle se blottit contre lui, entièrement nue, du côté de sa jambe valide pour pouvoir se presser tout son soûl. Elle l’étreignit, avec passion, et laissa échapper un doux rire près de son oreille. Elle était… heureuse. Morion était rentré en vie. Pas en aussi bon état qu’à son départ, mais en vie. Il était là, elle pouvait le sentir, l’embrasser, lui parler. Ils venaient d’échanger un autre de leurs nombreux ébats, qui ne serait point le dernier. La comtesse était comblée. Elle caressait doucement les mèches châtain, légèrement luisantes de sueur, respirant auprès de son époux, se remettant encore de leurs efforts. Maintenant que leur ébat était terminé, les pensées regagnaient à nouveau son esprit, dans cette quiétude agréable après l’amour. La jeune femme sembla se perdre longtemps dans ses réflexions, écoutant la respiration de son mari, savourant la pulpe de ses doigts qui avaient tôt fait de venir caresser son dos dès qu’elle s’était allongée contre lui.

- Je suis heureuse de te retrouver, mon époux, souffla-t-elle contre lui. Tu m’avais manqué. Sincèrement. Je… Elle eut une petite pause, visiblement réticente à s’ouvrir plus avant. En toute honnêteté, j’ignorais, en acceptant ta proposition d’alliance il y a plusieurs mois, que je me sentirais si bien dans ce mariage. Je ne voyais pas plus loin que nos projets lugubres, alors que désormais j’envisage… tout, ou presque, à tes côtés.

Ambre se tut. Elle était un peu gênée, et ne poursuivit pas plus loin. Elle n’était pas habituée à ce genre de déclaration. Elle replongea ensuite dans ses pensées, s’évadant sur d’autres idées, qui après l’ébat étaient revenues en force, désormais que le comte ne détournait plus son esprit. L’homme passait machinalement entre ses omoplates, ou ses côtes et la lisière d’un sein. Ambre frissonnait légèrement, encore fébrile après leur échange charnel, mais de façon moins intense bien évidemment.
Ils restèrent silencieux un long moment, moment durant lequel Ambre réfléchissait, de toute évidence. Elle avait la tête ailleurs, et Morion put le sentir, peut-être. De sa main, la jeune femme termina par attraper celle de l’homme, et la caresser brièvement de son pouce. La comtesse se redressa sur son coude pour pouvoir embrasser le visage du comte du regard, et elle le regarda quelques instants, sautant d’une prunelle à l’autre. Elle avait l’air préoccupé.

- Il y a autre chose que j’aimerais te dire, même si je ne saurai jamais si c’est le moment opportun.

Elle caressa encore de son pouce la main du comte, avant de tirer un peu dessus, et la guider contre son corps, jusqu’à son ventre, juste sous le nombril, où elle garda la main plaquée là. Elle plongea son regard bleu dans celui, tout aussi bleu, de l’homme, prête à guetter chacune des réactions, chacune des expressions.

- Je n’ai pas saigné depuis nos noces. Pas une seule fois, alors que j’aurais dû, depuis un bon mois déjà. Je crois… je crois que tu vas être père, Morion de Ventfroid.

Elle avait craqué. Elle qui s’était donné un délai jusqu’à la mi-avril pour acquérir des certitudes et lui en faire l’annonce, s’était retrouvée avec cette idée, ce soupçon, accroché dans sa tête depuis que Morion l’avait enlacée. En fait, les réactions ultrasensibles engrangées sur sa poitrine, qu’elle n’avait encore jamais remarquées puisque personne n’avait été là pour toucher ses seins, avaient réveillé en elle la pensée d’une grossesse. Car dans les documents qu’elle avait lus, cela avait été cité. Quelque chose comme « la femme portante, grâce à Serus, voit son giron se modeler, s’apprêter à allaiter la chair de sa chair, et quelque sensibilité se fait ressentir les premiers temps de cette période changeante ». En bref, un autre signe venait de s’ajouter à la longue liste déjà nommée par Sarah, et Ambre elle-même commençait à avoir du mal à opposer des contre-arguments qui pouvaient encore rendre une grossesse peu crédible. La présence de cette sensibilité inédite au-niveau de sa poitrine, en plus de tout le reste – la fatigue, les nausées, les odeurs, le retard de ses règles – avait achevé de gonfler son espoir. Sa détermination à attendre le bon moment pour le lui annoncer, comme elle l’avait prévu, avait volé en éclats (et ça n’était pas du tout le fait d’un échec critique, non non :v).

- L’indisposition et la fatigue que je ressens depuis bientôt deux semaines désormais ne sont pas passées. Je dors beaucoup trop, j’ai des haut-le-cœur… C’est Sarah qui m’a mise sur la voie, j’avais beaucoup trop de choses à penser pour m’en rendre compte moi-même, mais je lui ai fait jurer de ne rien dire tant que cela ne se concrétisait pas.

Ambre rit doucement, de dépit. Elle venait de lâcher l’information à peine Morion était rentré, finalement l’ordre donné à la domestique de rester strictement muette sur le sujet n’aurait servi à rien. Quand Sarah croiserait le comte, ce dernier saurait déjà tout.
La comtesse avait gardé les yeux posés sur Morion tout du long, sa main enserrant toujours la sienne, contre son ventre. Une expression de joie couvait sous les traits de la jeune femme, comme si elle n’osait pas encore se laisser aller à la réalité de l’information. Elle avait tellement refoulé, repoussé l’acceptation d’une grossesse de peur d’une déception qu’elle ne réalisait pas encore malgré le doute qui la tenaillait depuis un petit moment déjà. Elle comptait un peu sur la réaction de Morion pour partager cette envie, et cette attente, toutes deux terriblement importantes pour leur couple.

- Tu vas être père, répéta-t-elle dans un souffle, comme pour réaliser elle-même.

Et elle allait être mère. Ils seraient parents. Ils légueraient un héritage aux dieux, tous les deux. Définitivement.
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 6 EmptyDim 31 Juil 2016 - 5:14
Agréable… oui, c’était agréable. Mais frustrant, ça l’était également, d’une certaine manière. Même si quelque secondes plus tard Ambre balaierait cette frustration comme le vent un fétu de paille, cela n’était pas sans lui rappeler que malgré tout, unir leurs corps passionnément comme ils l’avaient fait de nombreuses fois avant son départ. Même s’il l’avait comblé, même si elle s’apprêtait à faire de même, le côté… différé de la chose, dans l’intensité des plaisirs ressentis était quelque chose qui frustrait Morion, clairement. Les sensations et la fièvre qui les habitaient compensaient fort heureusement cet agacement, l’oblitéraient même, et ils savaient tous deux que ce n’était que temporaire. Les jours où ils pourraient à nouveau se fondre l’un en l’autre arriveraient tôt ou tard, et s’il était raisonnable, plus tôt que tard. En tout cas il avait intérêt de l’être s’il voulait écourter au maximum sa convalescence. Quoi qu’il en soit, s’il était parfaitement conscient de son état et de ce qu’il lui interdisait, il ne se priva pas d’augmenter l’importance des caresses, oscillant faiblement le bassin et dressant son membre pour appuyer sa fleur d’une contraction du périnée. Il fut presque déçu, voire pas presque du tout, en vrai, qu’elle finisse par se soustraire à ses caresses. Mais il partageait son raisonnement. Tout risquait de voir son charme sérieusement entamé par une douleur incisive, provoquée par un mouvement brusque, ce qui ne manquerait pas d’arriver s’ils allaient plus loin que de simples caresses tentatrices. C’était dommage, mais risquer de se malmener sérieusement, et d’en payer le prix fort ensuite… Ni l’un ni l’autre n’en avaient envie. Leurs envies seraient un temps muselées, et se déchaîneraient en temps voulu. Avec probablement une intensité accrue. Un mal pour un bien ?

Quoi qu’il en soit, il ne pouvait nier ressentir une hâte certaine aux attentions annoncées par sa femme. C’était… Le souvenir encore vivace de ses lèvres et de sa langue, était toujours gravé sur sa chair. Il l’observait, contenant son impatience. Ses mains vinrent s’aventurer dans ses cheveux, rehaussant doucement les boucles, caressant, massant son cuir chevelu. Il se redressait parfois pour atteindre sa nuque, sans l’interrompre dans ses caresses, ni même lui donner une impulsion, une indication. Il voulait juste savourer. Il passait sur ses épaules, le corps déjà perclus de frissons alors qu’elle n’avait pas commencé le brûlant manège, déjà entamé toute à l’heure. Sa peau s’électrisait, sous ses doigts, ses lèvres taquines, et il soutenait son regard, lui renvoyant un demi-sourire, la fièvre l’habitant ne l’autorisant guère à plus. L’objectif de sa femme était admirablement rempli. Son bassin était parcouru par de légers soubresauts, et il se mordait régulièrement la lèvre, contenant à grand peine l’impatience grandissante.

Il laissa un profond soupir lui échapper lorsqu’enfin elle s’empara de son membre. C’était à la fois pire et mieux que les caresses mesquines qui avaient précédé. Mieux car la tension s’était accumulée longtemps, et pire car les sensations étaient bien plus décuplées. Elle avait mis encore plus d’ardeur, cette fois ci. Enserré dans l’étau brûlant et humide, il ressentait chaque mouvement de langue, chaque augmentation de la pression de ses lèvres, parfois de ses dents qui raclaient légèrement la peau, accompagnées par le mouvement lancinant de sa main, qui stimulaient plus encore chaque vague de plaisir qu’elle déclenchait. Ses changements d’allure, imprévisibles, soudains, faisaient monter son plaisir rapidement, l’apaisaient un peu avant d’en remettre un grand coup. Il gardait le visage dressé vers celui de son épouse, mais parfois ne pouvait s’empêcher de fermer les yeux, s’abandonnant totalement aux simples sensations tactiles qu’elle lui procurait, laissant une chaleur croissante et une tension caractéristique l’envahir. Sensations très différentes de celles qu’il avait ressenti lors de leurs ébats, quand il la pénétrait. Ici l’étau était moins étroit, moins contracté, et surtout elle en maîtrisait pleinement la pression. Sa langue était également une arme à ne point négliger. Tantôt douce, courant sur sa hampe avec souplesse, tantôt rigide, contractée pour appuyer ses caresses. Un pur délice. Il sentait le plaisir monter, avec irrégularité, mais sans discontinuer. Elle finit par trouver un tempo idéal, qu’elle renforça petit à petit, accélérant sans cesse. Le ventre de Morion commençait doucement à se contracter, signe de l’approche de sa jouissance. Son souffle se rompait parfois, se hachait. Les contractions de son membre se firent plus insistantes, il se gonfla légèrement. Morion cambra légèrement le dos sous la tension. Il serrait la main d’Ambre, ses doigts entremêlés aux siens, recourbés contre le dos de sa main.

Les sensations explosèrent, d’un coup, après quelques secondes interminables. La chaleur coula en lui tout entier, pendant que son souffle, bloqué, se relâcha doucement, bien qu’il conservât une certaine frénésie. Electrisé, les caresses d’Ambre, qui ne cessèrent pas immédiatement, continuèrent à lui envoyer des décharges. Il laissa son souffle se calmer, retomber, doucement, avant d’adresser à Ambre un sourire en réponse à son regard, légèrement étourdi, amusé également. Il n’avait pas qu’apprécié, il avait adoré. Il la serra avec force contre lui, goûtant avec le même plaisir son corps contre le sien, brûlant tout autant, et laissa échapper un dernier profond soupir avant que sa respiration ne retrouve sa régularité coutumière.

Il passa sa main dans ses cheveux, souriant à ses paroles. Il était assez d’accord.

«Je dois t’avouer que j’étais loin de me douter que… j’étais loin de me douter de tout, je peux le dire. Je n’aurais pas pensé notre mariage malheureux, nous avions déjà appris à nous découvrir, mais là, c’est au delà de toutes mes espérances. Il esquissa un sourire de joie sincère. Je suis heureux de t’avoir prise pour femme.»

Il s’attendait à une réponse immédiate, mais elle n’avait pas fini. Il la sentait, son mutisme dénotait une réflexion. Il fronça légèrement les sourcils, lorsqu’elle se redressa. Vu l’heure, et la soirée qu’ils venaient de passer il se demandait bien ce que cela pouvait être. Surtout après cette soirée. Ils avaient généralement évité les sujets graves, afin de ne point entâcher les moments de béatitude qui suivaient leurs ébats. Cela étant, elle avait tout de même l’air préoccupée. Il se laissa guider, doucement, jusqu’à ce qu’elle se décide à confier le fond de sa pensée.

Son cerveau, un bref instant, refusa d’intégrer l’information. Il ne la comprit même pas, c’était tellement soudain que le sens même des mots lui échappa. Elle lui donna pourtant les explications, mais… Ce ne fut qu’à l’itération de son annonce que l’information fit bloc, et l’envahir. Un drôle de fourmillement naquit dans son ventre, qui n’avait rien à voir avec les vestiges fiévreux de leurs caresses précédentes. Il était plus aérien, plus constant aussi. Il enfla doucement, remontant jusque dans sa poitrine, jusque dans sa gorge même, où il bloqua tous les mots qui purent en sortir. Ses yeux s’écartèrent, doucement, ainsi que ses lèvres. C’était vraiment soudain.

Père. Il avait du mal à y croire. Pourtant ce n’était pas étonnant, ils avaient été très productifs après leurs noces, il aurait même été assez étonnant que rien ne se passe après tout ce temps. Mais c’était tout de même bien autre chose de se le faire annoncer. Sa femme portait son enfant, futur fils ou fille. Elle allait prolonger leur lignée, fonder, réellement une famille. Leur propre sang, leur propre chair. Elle allait donner la vie, et il en serait le père. Que répondre à ça, sincèrement ? Son regard coula vers son ventre. Sa main glissa dessus, doucement, pendant qu’il accusait le coup. Il releva finalement les yeux au bout de quelques longues secondes. D’une impulsion aussi soudaine que cette annonce, il saisit le visage d’Ambre entre ses mains et le plaqua contre le sien, l’embrassant sans la passion torride qui animait l’annonce de brûlants ébats, mais avec une profonde tendresse, avec un bonheur vrai. Il ne recula qu’au bout de longues secondes, le regard pétillant de surprise, et de joie. L’expression la plus rare chez Morion, probablement.

Il l’embrassa encore. Et encore.

«Tu me combles au delà de tout ce que j’aurais pu imaginer, Ambre. Je… Il baissa le regard, encore une fois, comme si la réalité lui jouait une facétie d’un goût douteux, puis s’en désintéressa. Merci. Il ponctua sa phrase d’un baiser. Merci mille fois mon amour.»

Il se rabattit sur la couche, entraînant la rousse avec lui. Il la tenait comme s’il avait peur qu’elle disparaisse éloignée de lui plus d’un millimètre. Un silence plana quelques secondes, et il vint embrasser le sommet de son crâne.

«Je t’aime, ma femme, finit-il par lâcher, au bout de quelques secondes de flottement.»

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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 6 EmptyDim 31 Juil 2016 - 17:26
Le seigneur de Ventfroid eut un temps de latence avant d’accuser les paroles de sa femme. Quelques instants passèrent, durant lesquels son visage s’était figé, quasi inexpressif. Puis ses yeux s’étaient écarquillés, ses lèvres légèrement entrouvertes. Sa main avait glissé sur le ventre, avait massé la chair qui recelait, quelque part, un embryon à peine formé et trop peu mature pour encore renfler le ventre de la jeune femme. Ambre avait le cœur battant et un peu chaud, était figée et un peu fébrile, attendant ses premières paroles. Pas qu’elle craignait sa réponse ; elle savait que Morion attendait autant qu’elle des résultats concrets de leur union. Mais une telle annonce restait unique dans une vie ; celle d’un premier enfant, porteur d’espoir, de symbolisme pour une lignée, surtout une lignée noble. Ils allaient fonder une famille, selon les bons auspices des dieux, dans le cadre d’un mariage voulu et correctement assumé. Leur enfant à venir ne pouvait pas tomber dans meilleures conditions – si l’on occultait la Fange, bien évidemment.
Morion quitta la contemplation silencieuse de son ventre au bout de quelques secondes, qui parurent très longues, dans cette ambiance figée et suspendue après l’annonce. Il attrapa le visage de la comtesse, et lui accorda un long baiser, tendre, sincère, profond. Ambre se laissa agréablement emporter, se pressa contre lui dans cette étreinte heureuse et emblématique. A la vision de son expression de joie pure, le cœur et le ventre de la comtesse se gonflèrent d’émotion, et de bonheur elle aussi. Cela monta en elle, alluma une expression plus qu’enjouée sur son visage. Un sourire naquit sur ses lèvres, ses prunelles brillèrent de joie alors que Morion l’embrassait à nouveau, et à nouveau. Elle n’avait jamais ressenti une telle plénitude, de souvenir. Ces derniers mois les malheurs s’étaient faits beaucoup plus nombreux que les bonheurs. La ville avait sombré dans l’horreur, elle avait encaissé beaucoup de deuils. Malgré tout, à travers la mélasse sombre perçait des lueurs éparses, peut-être peu nombreuses, mais puissantes. Elle s’était mariée à un homme qui appliquait le mariage en tant qu’honneur à Anür à la lettre, qui la respectait, qui jusqu’à présent faisait tout pour la combler, même durant leurs divergences d’opinion, qui pour l’instant n’avaient jamais mené à des conflits, juste à des échanges calmes et posés.

Ambre mordilla les lèvres de son époux, et les premières paroles du comte… la firent fondre. Par un réflexe de tendresse, elle caressa la main qui lui tenait la joue, plongeant son regard dans les prunelles adamantines du comte. En plus de l’attendrir, les paroles la firent rire doucement, et elle tourna légèrement le visage pour venir baiser l’une des mains qui encadraient ses joues.

- Je te comble… Qu’est-ce que cela sera lorsque l’enfant verra le jour, alors. Elle se mordit une lèvre doucement, heureuse. Ne me remercie pas, je n’y suis pour rien. Ce sont les dieux qui ont permis de faire fructifier notre mariage si vite. Moi… je n’ai fait que m’offrir à mon mari. Elle eut une pause, réfléchissant un peu. Crois-tu que les faveurs des dieux seront poussées au point de nous offrir, comme premier enfant, un fils ?

Ambre se laissa entraîner sur les coussins avec Morion, car il s’était redressé pour l’embrasser. Elle frissonna en sentant les bras de son époux se refermer autour d’elle comme s’il avait peur de la perdre, et augmenta l’étreinte de son bras autour de son torse également. Elle s’était calée contre lui, tête sur le torse, lorsque Morion vint caresser ses cheveux et déposer un baiser sur le sommet de son crâne. Là, d’autres mots fusèrent.

Ces mots-là figèrent la comtesse. A l’image de Morion qui était resté hébété à l’annonce de la grossesse, Ambre fut légèrement soufflée. Elle entrouvrit les lèvres contre lui, ses prunelles s’arrondirent. Morion ne put rien voir vu la façon dont elle était allongée contre lui, mais il put sentir le bref arrêt de son souffle, ainsi que des caresses que ses doigts effectuaient jusqu’à présent sur sa peau. Ces deux mots, uniques, soulevèrent en la comtesse un nouveau gonflement de plénitude, mais qui était entaché par une surprise certaine. Elle ne s’y attendait pas. Morion ne lui avait jamais dit cela, et à dire vrai, elle n’avait jamais imaginé qu’il le dise un jour.
Car ils avaient été clairs l’un avec l’autre lorsqu’ils s’étaient liés : un mariage de convenance, d’avantage, une espèce de contrat destiné à se donner plus de pouvoir l’un l’autre. Il n’y avait pas eu de séduction, pas de promesse d’amour ni de déclarations tendres. Ils n’étaient pas amoureux lorsqu’ils s’étaient fiancés. Depuis… depuis, certes, de l’eau avait coulé sous les ponts – cela faisait désormais presque une demi-année qu’ils se côtoyaient assidument, dont deux mois de mariage. Mais pour autant, malgré toutes les attentions du comte en tant qu’époux, Ambre ne s’était jamais demandé s’il avait fini par l’aimer. La comtesse savait qu’elle possédait son estime, sa confiance, son respect… mais son amour ? C’était d’un Ventfroid qu’on parlait, n’est-ce pas ? Une lignée d’hommes qui faisaient passer leurs devoirs et leurs obligations bien avant leurs propres sentiments personnels, dont l’héritage était lourd et sérieux. L’on ne laissait que rarement les sentiments fêler les parois d’un Ventfroid, et Morion n’échappait pas à la règle. Droit, sérieux, frigide le disait-on, même. Ambre savait que dans l’intimité, il n’en était rien, et savait se montrer époux attentionné lorsque son travail était terminé. Mais cela était-il lié à son respect scrupuleux des préceptes de sa famille, qui poussait le respect des dieux avec un zèle évident – et qu’il fallait donc honorer son mariage correctement, pour Anür –, ou des raisons réellement personnelles avaient-elles commencé à l’animer ? Ambre n’avait jamais su le déterminer, et à dire vrai, n’aurait pas pu lui en vouloir s’il ne parvenait jamais à l’aimer vraiment. Ils ne s’étaient pas mariés pour cela, même si… même si envisager un mariage à jamais indifférent lui apportait une certaine forme de tristesse.

Ambre fut donc soufflée par ces simples mots, qui voulaient dire beaucoup chez un Ventfroid. Elle ne doutait pas de la sincérité de ces paroles – Morion ne mentirait jamais sur de tels sentiments, cela ne lui correspondait pas du tout –, cependant, elle se demanda s’il s’était simplement laissé emporter par le bonheur de l’annonce d’un enfant à venir, ou si cela était témoin d’une inclinaison plus profonde, qui s’était déjà installée progressivement.
La comtesse se redressa sur son coude, à nouveau. Elle voulait le voir. Morion put admirer un visage heureux et… ému. C’était vraiment ridicule, de se laisser ainsi attendrir par deux pauvres mots. A travers l’émotion pointait un certain questionnement cela dit, et alors qu’elle venait doucement caresser l’arête d’une mâchoire de son bras libre, éprouvant doucement la douceur de la barbe, elle murmura :

- Tu m’aimes ? Est-ce vrai ce mensonge ? Elle avait repris un de ses nombreux airs amusés, comme si elle venait de gagner une autre de leurs batailles de taquineries. J’ai réellement fait faillir le cœur de glace de Morion de Ventfroid ?

A travers ses mots amusés, l’on pouvait cependant sentir le besoin d’avoir confirmation. Ambre était encore à moitié stupéfaite, et au fond d’elle, espérait sincèrement que l’inclinaison du comte était devenue réelle. Etre aimée… C’était quelque chose que son cœur d’artiste avait désiré depuis toute jeune. Mais après la mort d’Armand, ça n’était plus quelque chose qu’elle avait attendu, ou qu’elle avait rendu indispensable pour une union. La preuve, elle avait épousé un comte sans aucune forme d’amour initiale, et s’était dit, en fait, qu’elle ne pourrait jamais aimer personne d’autre. Et que, par extension, elle ne pourrait jamais demander à un autre homme de l’aimer.

Ambre abandonna son air taquin qui n’avait pas trop sa place après une telle déclaration, et reprit son expression touchée, qui regagna ses traits sans grande difficulté. Elle se pencha pour embrasser l’homme, encore, dans un baiser langoureux, profond, mais tendre. Sa langue caressa une dernière fois la lèvre inférieure du comte avant qu’Ambre ne reprenne une distance de quelques centimètres.

- Moi aussi, souffla-t-elle. Je ne l’aurais jamais cru mais… Quelques secondes flottèrent. Je t’aime.

Elle ne l’aurait jamais cru, et elle ne se l’était jamais admis. La culpabilité envers Armand était vive – ça n’était pas digne de l’oublier si vite, alors qu’elle était censée le pleurer tous les jours de sa vie, n’est-ce pas ? Elle avait tout refoulé à cause de ça. Elle avait oublié le défunt dans un coin de son esprit, mais aussi, avait déplacé dans un coin ce qu’elle avait commencé à ressentir pour Morion, pour ne pas faire s’affronter les deux Ambre qui couraient au fond d’elle. Deux Ambre très différentes. L’une, encore jeune, trop passionnée, qui s’était amourachée comme une enfant d’un homme avec qui, finalement, elle n’avait jamais vécu. L’autre, plus mature, plus tournée vers ses responsabilités, qui avait pris pour époux un homme dans le but d’assumer ses devoirs, et qui, progressivement, au milieu des frasques des complots et de l’étiquette, avait appris à l’apprécier, et l’aimer… Elle n’aurait jamais cru pouvoir en aimer un autre dans sa vie, mais Morion avait, progressivement, balayé le défunt Sarosse, sans même jamais évoquer son nom.
Elle ne se l’était jamais admis, aussi pour se protéger. Parce qu’elle savait parfaitement que Morion non plus ne l’avait point épousée par amour. Il ne fallait surtout pas qu’elle attende quoi que ce soit de sa part à ce niveau, sous peine de terminer profondément déçue et malheureuse. Alors, si elle avait commencé à se dire qu’elle était tombée amoureuse, tout en sachant parfaitement qu’à côté, le comte était toujours droit et rigide dans ses engagements, cela aurait pu la briser au long terme. Des sentiments unilatéraux, qu’elle aurait eu toujours peur d’admettre sous peine d’être targuée de faiblir au sein de leur mariage, destiné initialement à faire tomber le souverain d’une cité. Des sentiments que le comte n’aurait pas pu lui rendre, peut-être. Ainsi Ambre avait refoulé, encore et encore, décrétant que ce qu’elle ressentait pour lui n’était qu’une simple affection naturelle, comme elle pouvait en avoir spontanément pour les siens, sans forcément parler d’amour. Maintenant que Morion lui avait sorti ça, cela dit... Continuer à refuser l'évidence était difficile, et ses barrières venaient d'exploser, là, sur leur couche, et elle s'était soudain trouvée à nue, au sens propre comme figuré.

Un nouveau baiser vint s’impatroniser sur les lèvres du comte, et Ambre vint doucement essuyer une larme unique qui avait coulé au coin d’un de ses propres yeux. Un mélange de joie, de bonheur, et de deuil, à sa manière. La dernière fois qu’elle avait prononcé cette déclaration, c’était à un autre homme. Homme qu’elle s’autorisait désormais, enfin, à oublier. Devant les dieux, elle assumait s’ouvrir à un autre. Au plus important, à celui qui avait mis un anneau autour de son doigt, et désormais un enfant au sein de ses entrailles.

- J’ai l’impression que toutes les meilleures conditions sont réunies pour l’arrivée de notre fils ou notre fille, conclut-elle, revenant se blottir au creux du cou de l’homme. Me trompé-je ?
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 6 EmptyDim 31 Juil 2016 - 19:13
Un fils… Pour des besoins pratiques, même si le terme était très inadéquat, Morion espérait que c’en soit un, oui. Il aurait ainsi le soulagement de voir le nom de sa famille perdurer, quoi qu’il se passe. Néanmoins… L’amour ou la tendresse, ou même l’espoir qu’il porterait en ce premier enfant, comme les autres, ne serait nullement entravé, étouffé, diminué, en fonction du sexe de l’enfant. Mais l’époque rendait tout si urgent… Ce serait un soulagement pour tous si c’était un mâle, en effet. Peut-être que si les Dieux avaient bien été témoin de leur ardeur, de leur foi, de leur scrupuleux respect des lois qu’Ils avaient instaurées… Oui, Morion avait bon espoir. Même si la pensée était encore confuse. C’était si difficile, de s’imaginer en tant que père. Il avait, en quelque sorte, absorbé ce rôle pour mener la fin de l’éducation de ses soeurs, mais cela ne concernait que des problèmes de commandement, d’administration, d’assurance et de confiance. Il avait finalement joué son rôle de frère à l’extrême. Ce rôle paternel revenait peut-être plus à Talen, finalement, mais… L’esprit de Morion était sérieusement embrouillé à cet instant. Mais les faits étaient là. Son épouse était enceinte, et bientôt, d’ici quelques mois, à l’aube de l’année d’après, un fils, une fille, leur serait donné(e). C’était tout ce qui comptait, peu importe les espoirs, les suppositions.

«Tu t’es offerte à moi avec confiance, complicité, sans te poser de question, par devoir certes, par tradition également. Sa main glissa sur la naissance de son sein gauche, à plat. Il pressa légèrement la chair, pas dans un but sensuel, mais simplement pour illustrer son propos. Mais l’envie y était également, sincère. Ne mésestime pas ton offrande, elle est plus précieuse que celle de très, très nombreuses femmes font à leurs maris une fois les noces achevées. Il esquissa un sourire, et hocha la tête, visiblement confiant quant à sa question. J’en suis sûr, oui. Et s’ils décident qu’il n’est pas temps encore pour un fils, je n’aurai aucun mal à me plier à leur décision. Deux femmes merveilleuses à la maison, pourrais-je vraiment me plaindre ?»

Il eut un petit rire amusé à cette pensée, se disant que le caractère fort bien trempé de sa femme, malgré ses nombreuses nuances et subtilités, s’il se retrouvait dédoublé, risquait aussi de lui causer bien du tracas. Mais un tracas qu’il accepterait volontiers. Ce serait comme revivre cette époque où Marie de Ventfroid, chaque jour, enseignait à ses filles la vie de femme et surtout, de femme Ventfroid, au sein du manoir duquel rien ne filtrait, pendant que Morion suivait les pas de son père. Néanmoins, les choses avaient changé, et s’il pouvait son montrer parfois bien plus brutal et incisif que son défunt paternel, il n’aurait jamais les mêmes… rites initiatiques quant à ses enfants, et n’aurait jamais l’idée de les éduquer séparément. L’heure n’était plus aux divisions, mais aux unions, et Ambre venait de lui annoncer que la leur, déjà scellée au regard des Dieux, s’en trouvait encore renforcée par l’arrivée future d’un enfant. Il ne pouvait guère demander mieux, sincèrement.

Son… aveu, car c’en était un, sembla marquer puissamment sa femme. Certes, il n’était pas du genre à s’épancher, verbalement. Même dans l’intimité du manoir, lorsqu’ils étaient seulement tous les deux, affairés à diverses tâches de détente, parfois ensemble, comme lorsqu’ils étaient dans le salon, ou leur chambre, à lire patiemment quelque ouvrage, ou que Morion allait observer sa femme peindre, ou jouer quelques notes fluides et agréables à l’oreille, il ne disait pas grand chose. Ses paroles avaient toujours un but, et de ceux qui parlaient pour ne rien dire, Morion était absent. Il avait toujours favorisé le fonctionnel, le pratique, à tout le reste. Il était un auditeur attentif. Ambre lui faisait parfois part de choses cocasses qu’elle avait pu voir, ou les bourgeons naissants dans la bulle par exemple - cet épisode là avait cependant une vraie valeur pour Morion - mais il écoutait souvent plus qu’il ne parlait. C’était pire encore quand il s’agissait de l’émotion. Il était humain, les ressentait, mais toujours au travers du filtre estampillé Ventfroid, qui, à défaut de dénaturer ses sentiments, les rendaient peut-être… moins poignants. Moins brûlants. Mesuré était le bon mot, il était quelqu’un de terriblement mesuré, ce qui expliquait d’ailleurs à bien des égards les difficultés que l’on pouvait avoir à le cerner.
Les mots, qui avaient tout l’air d’avoir eu l’effet d’une bombe, lui avaient… échappé. Cela ne les rendaient pas moins vrais. Mais beaucoup de facteurs s’étaient réunis, ces derniers jours, cette nuit, qui favorisaient la spontanéité, l’émotivité, au détriment de la caractéristique platitude dont il pouvait faire preuve, symbolique de Morion. Cela ne rendait pas ses paroles moins vraies, bien au contraire. S’il aurait pu attendre des mois entiers, malgré la véracité du sentiment, pour s’autoriser à l’avouer, qu’importe les raisons d’une telle retenue, il avait laissé son coeur parler à sa place, pour une fois. Depuis le temps qu’il la connaissait, c’est à dire très peu au regard de sa durée de vie, mais très longtemps dans cette époque au temps distordu qu’ils vivaient, il avait appris à la connaître. Avec l’oeil d’un juge, tout d’abord. Il avait aimé une femme, avant. Un bref instant. Ses sentiments étaient déjà morts quand arriva le fléau, mais il savait ce que c’était, c’est ce qu’il faut retenir. Lors de leurs premières entrevues, il considérait Ambre comme une éventuelle alliée de valeur. Une famille renommée, puissante, native de la ville et connaisseuse de ses traditions, et donc par bien des manières, des courants souterrains qui régissaient les actes et décisions des puissants qui y vivaient. Mais également de sombres intentions chez la belle rousse, qui collaient parfaitement à celles de la famille de Morion. La chute définitive de Sigfroi, et à plus large échelle de tous ceux qui partageaient son sang, ou sa couche. Mais en dehors des simples considérations dissidentes et politiques, en dehors même de toute considération physique, Ambre se montrait tout de même une femme de valeur, aux yeux du Comte. Pleine d’esprit, la réputation d’artiste passionnée ne lui collait pas du tout. Elle en possédait la créativité, l’instinct, l’oeil acéré, doté de ce filtre si particulier qui décelait dans la normalité des fulgurances invisibles aux yeux des autres. Et pourtant, à côté de ces quelques points qui collaient bien à la vision que Morion pouvait alors se faire d’une Mirail, elle avait démontré un esprit alerte, réfléchi, une sagesse certaine, une mesure et un pragmatisme qu’il appréciait beaucoup, ces deux traits étant chez lui exacerbés à l’extrême. Leurs discussions variaient parfois. Elles touchaient à beaucoup de domaine, l’histoire, de simples récits sans intérêts ni but, de petites joutes verbales, que tous deux affectionnaient particulièrement.
L’alliance maritale était un choix logique de Morion. Mais il aurait pu s’en passer. Simplement, tout chez Ambre lui donnait de bonnes raisons d’en venir à ce point, à cette décision. Et c’était déjà confiant sur un mariage réussi qu’il avait fait sa demande. Les visites, avant leur mariage, de la jeune comtesse, étaient une variation agréable dans son rythme de vie. Il restait quoi qu’il arrive entièrement concentré sur son travail et son rôle, particulièrement difficile à assumer qu’il s’était retrouver à l’endosser sans aucune forme de préparation. Tout lui était tombé dessus d’un coup. S’il gérait une grande partie des affaires avant la disparition de son père, ce dernier en abattait une part qui n’était pas négligeable. Puis avec le temps, il s’était surpris à attendre, avec une certaine impatience, ces visites. Lui qui aimait être seul, voilà qu’il appréciait la compagnie d’autrui. Aimait partager un dîner, ou un apéritif dînatoire devant les flammes réconfortante de ce petit salon, devenu base de leurs discussions. Et, c’était assez bizarre comme constat, lui-même ne s’en était fait la réflexion que largement plus tard; mais c’est comme si rien n’avait vraiment changé. Il appréciait sa compagnie au même titre que la sérénité d’une vie seul entre ses murs, car sa présence était… naturelle. Drôle de constat. Comme si elle avait toujours été là. Ils restaient bien évidemment très scrupuleux de chaque code inscrit dans les conventions de bienséance, tacite ou non, mais chez l’un comme chez l’autre, l’appréciation et le respect s’étaient rapidement mués en une véritable affection. Il aimait voir le second fauteuil, devant l’âtre, occupé par sa présence. Entendre, quand en fin de soirée ils se contentaient de partager un moment de quiétude, les pages d’un ouvrage crisser légèrement entre ses doigts. Il n’avait pas forcément besoin de la regarder. Juste de sentir cette aura particulière, et le parfum qui l’accompagnait. C’était suffisant. Pas assez, mais tout de même satisfaisant. Les regards de Talen se faisaient d’ailleurs plus amusés, plus narquois même, à ce moment. Il n’était pas aveugle, et les inclinaisons, morales comme physique du comte, commencèrent à se manifester bien avant leurs noces. Ils se plaisaient, c’était aussi simple que cela.

Et avant comme après leurs noces, Morion n’avait jamais eu de reproche sérieux à lui faire. Avant la question ne se posait pas trop, et après, il avait même été carrément surpris par l’ardeur et l’énergie que mettait Ambre à porter dignement le nom qui était devenu le sien après la cérémonie qui les avait unis, à vie. Il avait douté, un instant. Douté que les pensées qu’elle avait pu avoir par le passé envers la famille des Sarosse, certes éteinte, mais dont le souvenir avait marqué la ville, reviennent à la charge, et entravent, peut-être, sa joie de vivre, ou tout simplement la quiétude de leur ménage. Grossière erreur. Il était impressionné, chose extrêmement rare. Au début, peut-être, timide. Elle déboulait, en quelques sortes, dans l’univers opaque et mystérieux des Ventfroid, dont elle savait que la droiture et la dignité étaient… légendaires, pour qui les avait un minimum cotoyés. Et elle avait pu se rendre compte d’à quel point Morion était un homme sérieux. Un manoir chargé d’histoire, dans lequel vivait le chef d’une famille dynastique, dont l’histoire se perdait presque dans les âges. N’importe qui serait intimidé, et Morion lui-même parfois se demandait comment il devait faire pour porter les responsabilités d’un tel héritage. Une hésitation qui ne dura cependant pas bien longtemps chez la Comtesse de Ventfroid. Tenant avec fierté son rôle d’épouse, elle l’aidait, le conseillait parfois, et savait juger quand l’heure était au travail, et quand ils pouvaient se détendre, se distraire, se perdre ensemble.

Et même au niveau de leurs plus intimes moments, sa confiance avait grandi, s’était assurée, et d’un mariage certes de convenances et d’arrangements, les choses avaient rapidement évolués. Certes la nature de leur mariage était comme citée au dessus, mais les deux êtres s’appréciaient, et ne voyaient aucun inconvénient à le montrer. Ardemment. Tendrement, passionnément. Cela dépendait. Elle nuançait pas mal les propos ou actions de son mari, ses remarques étaient juste, et même récemment, alors qu’il lui avait demandé de s’entraîner avec lui, peu importe le contexte dans lequel ils évoluaient - et la mort d’Aaron n’avait pas du tout aidé sa femme - elle se pliait aux demandes qu’il jugeait importante. Elle prenait sur elle, et persévérait. Morion n’était pas idiot, ni insensible. Il était difficile de ne point aimer une femme pareille, c’était une évidence. Cela avait peut-être mis du temps à se déclarer, il restait quelqu’un de naturellement méfiant, mais les choses s’étaient faites sans son accord, elles avaient évolué dans leur coin, discrètement, et avant qu’il ne s’en rende réellement compte, il était plus attaché à Ambre qu’il ne voulait bien l’admettre. Leur séparation avait rendu la chose plus flagrante encore. Et il n’avait pas envie, malgré les risques que pouvaient apporter un tel sentiment à l’égard de quelqu’un, de le contester. C’était contraire même aux principes divins. S’ils souhaitaient que le mariage soit fertile, heureux et prospère, comment pouvaient-ils prendre ombrage d’une union qui se célébrait dans l’amour ? Un sentiment à double tranchant, certes. Il pouvait s’avérer une force inépuisable, comme une faiblesse terriblement dangereuse pour qui déciderait de s’attaquer à lui. Mais à cet instant, il s’en moquait royalement. Il défiait n’importe qui de s’attaquer au monument qu’il représentait, avec tous les dangers que cela signifiait pour le pauvre attaquant.

Un sourire déforma légèrement ses lèvres à sa question. Son visage était serein, et n’exprimait pas la moquerie, ou la taquinerie. Le visage lisse et tranquille d’un homme heureux, et sincère. Ses yeux pétillaient, et sa tête se pencha légèrement sur le côté.

«Failli. Je te trouve bien présomptueuse ma douce. Sa main s’égara un moment sur sa joue. Les Ventfroid ne faillissent jamais. Ils savent reconnaître leurs forces et leur faiblesses et il semble que tu sois devenue ma force, avec le temps. Et tout comme nous savons reconnaître la défaite lorsqu’elle survient… J’admets volontiers me consumer d’amour. Il est des choses contre lesquelles lutter est idiot. Je t’aime, Ambre, et je suis heureux que ce soit le cas.»

Il savoura son baiser, le lui rendit avec une égale tendresse, sa main venant saisir sa nuque, entremêlant quelques mèches rousses pour venir appuyer leur étreinte. Ce qu’elle lui dit après, partager son sentiment… C’était encore plus délicieux que de se laisser aller à l’aveu de son amour. Car il aurait pu l’aimer, la désirer, s’en occuper comme de ses yeux, sans que le sentiment ne soit réciproque. De nombreux malheurs avaient ponctué la vie de son épouse, et il aurait été, sinon normal, compréhensible que son esprit reste ferment ancré à des tendresses passées, ou peu enclin à se laisser aller à de nouvelles passions. Et pourtant non. Il la serra contre lui, moins fermement, plus tendrement. Amoureusement, en fait, tout simplement. Il était heureux. Au sens premier et simple du terme. Aimer sa femme n’était pas un choix, le sentiment s’était imposé à lui, et s’il l’acceptait totalement, Ambre en était bien plus responsable que lui. Néanmoins, accepter ce fait, et voir qu’en sus de ça il était partagé, lui procuraient des sensations terriblement simples, et pourtant dont les nuances physiques étaient complexes. Un creux, à l’estomac, symbole d’une certaine excitation, des frissons de délice qui couraient son dos et ses bras, et une légèreté d’esprit qu’il n’avait pas ressenti depuis très, très longtemps, et qui n’avait rien à voir avec la béatitude engourdie, où l’esprit se vidait, après de torrides ébats. C’était un état d’esprit plus subtil, et plus constant aussi, même s’il se tasserait un peu, la nouvelle de leurs échanges amoureux étant encore toute récente.

Ses doigts brossèrent doucement ses cheveux, recourbés, les étalant sur ses épaules, laissant quelques mèches retomber avec désinvolture sur sa poitrine. Il sourit, et assura confiant :

«Tu ne te trompes pas du tout. Elles sont idéales.
Il laissa un petit soupir d’aise lui échapper. Et mieux que cela, je pense et j’espère qu’elles ne feront que s’améliorer.»

Elle avait raison sur un point, les conditions étaient, malgré l’époque, parfaite. Si les parents s’aimaient, alors ils pouvaient avoir la certitude que peu importe l’éducation de l’enfant à naître et les conflits qui secouaient la ville, son enfance serait idéale. Peut-être pas parfaite, mais au moins n’aurait-il pas à grandir entre deux époux se considérant froidement, au mieux amicalement.

Il s’installa un peu mieux sur la couche, et rabattit les peaux chaudes sur eux, embrassant encore sa femme de nombreuses fois. L’épuisement guettait, bien que la sensation particulière au creux de son estomac ne l’aie pas quitté un instant.

«Repose-toi mon amour. La journée demain nous appartient, nous auront le temps d’en profiter.»


Il finit par fermer les yeux, non sans l’avoir admirée encore quelques minutes. Une vision dont il ne se lassait pas, mais comme si le fait d’avouer son amour, et d’en recevoir également la confidence, avait changé sa manière de voir sa femme - c’était pas complètement faux, même s’il s’agissait là d’un tour habile de l’esprit humain - il la contemplait encore, se réjouissant de chaque parcelle, chaque mèche, chaque cil, chaque légère imperfection, presque invisible, de sa peau.

--- ### ---


25 Mars 1165. 10 Heures.

Ce qui réveilla Morion ne fut ni Talen, ni sa femme, pour le coup, et il aurait largement préféré l’un ou l’autre. Mais sa jambe dirait, atrocement. La douleur était diffuse, étendue à tout le muscle, et nantie d’une brûlure sévère au niveau des plaies et des tissus cicatriciels. Lâchant un grognement discret, peu enclin à réveiller son épouse, il fit pivoter légèrement son membre, comme s’il essayer de chasser un insecte posé dessus. Sans effet aucun, si ce n’est d’accentuer un peu plus la sensation de tiraillement, il lâcha un soupir de dépit. S’il n’avait fait de folie avec sa femme, la soirée chez les Clairmont s’annonçait coûteuse, et les contrecoups se faisaient déjà sentir. Il eut la chance d’avoir passé une nuit sereine - le contraire aurait été aussi décevant que surprenant - mais la journée s’annonçait moins drôle. Cependant, il avait encore des discussions à avoir avec sa femme. Plus poussées sur le Labret, éventuellement, et l’entrée récente d’une famille à son service qu’il avait certes mentionnée en missive, mais dont il serait bon de débattre. En outre, même si cela n’avait rien de faits guerriers ou de batailles, elle avait également des choses à raconter. Et il voulait les entendre.

«Ma douce. Il est l’heure d’ouvrir tes yeux.»


Son ton était à peine crispé, mais il avait besoin d’eau chaude, de se baigner, et surtout de détendre ce maudit muscle. Il passa, comme chaque matin où il s’éveillait à ses côtés, sa main dans ses cheveux, puis fit doucement glisser les couvertures pour dénuder ses épaules, puis le haut de son corps, le caressant tendrement.

«J’ai besoin d’un bain, je crois. Et d’un nouveau petit déjeuner dans notre chambre.»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 6 EmptyLun 1 Aoû 2016 - 0:20
Ambre frissonna contre son époux ; sa main englobant son sein avait déclenché d’autres traînées chaudes, exacerbées, alors que le contact avait été simple, sans aucune volonté libidineuse. La moindre pression sur son sein était ressentie de façon décuplée, presque gênante, et Ambre se demandait comment elle avait pu ne pas le ressentir encore, par le simple fait de se vêtir. Le retour de Morion avait sûrement contribué à attiser ses sensations, en plus de ses hormones. Elle espérait cela dit que cette sensibilité se calmerait rapidement, comme les nausées qui avaient déjà commencé à se tarir, car devoir museler son mari sur ses gestes à propos de sa poitrine douloureuse n’était pas quelque chose qui l’enchantait. Sa main rejoignit doucement celle de son mari, sur son sein, où elle garda la paume de l’homme plaquée, entremêlant ses doigts aux siens.

- Je ne pourrais pas le nier. L’envie y était, et y est toujours. Mais quelle femme n’en aurait pas eu envie, sincèrement. Regarde-toi. Sa main quitta le sein pour venir glisser sur le torse de l’homme, et un index taquin remonta sur la gorge, jusqu’à la pointe du menton, qu’elle souleva doucement, comme pour mieux jauger le physique de l’homme. Je dois faire des jalouses. Dans ses yeux brilla une lueur amusée, et l’on pouvait sentir aussi, une once de fierté. Elle n’avait aucun scrupule à admettre qu’elle était très fière d’avoir épousé un tel homme, qu’on parle du plan physique comme général. Et elle comptait bien le garder.

La comtesse pouffa un peu lorsqu’il parla de deux femmes merveilleuses à la maison, et s’autorisa même des yeux levés au ciel. Ambre apprécierait beaucoup avoir une fille, c’était un fait. Apprendre à un petit bout de fille à devenir une femme, à allier raffinement et dignité pour assumer le nom de sa famille, lui léguer tout ce qu’elle avait appris elle-même en tant que femme… Le lien entre une mère et une fille pouvait être puissant, si les relations étaient bien menées. Cela dit, la comtesse préférait donner naissance à un fils, d’abord. Offrir un fils était beaucoup plus symbolique dans le monde qui était le leur. C’était un devoir important, et Ambre serait la première déçue si elle n’enfantait que des filles. Sans fils, la lignée mourrait. Le nom des Ventfroid serait perdu. Déjà que, de base, offrir un fils était un désir puissant, dans le contexte actuel, c’était pire. Marbrume était au bord du gouffre, et de fait, le couple Ventfroid avait des risques de mort prématurée bien plus importants qu’avant. Ambre ne comptait point mourir, loin de là. Mais offrir l’héritier de la lignée, et avoir le temps de l’éduquer correctement, avant de, peut-être, se laisser emporter par la fange, était essentiel. Ils ne pouvaient plus attendre, et si Ambre avait le pouvoir de réduire neuf mois de grossesse en deux, elle l’aurait fait. Elle espérait en tous les cas que la grossesse se déroulerait bien, et qu’il n’y aurait point de fausse couche… C’était assez courant pour le craindre, et la comtesse le supporterait mal. Elle portait l’enfant de Morion. Leur sang et leurs chairs mêlées, le fruit de leur union. Même si elle ne pouvait pas encore le sentir, ou voir physiquement ce changement, envisager de perdre ça… non, ça n’était pas même envisageable.

- J’apprécierais beaucoup avoir un Morion miniature, à titre personnel. Elle eut une moue amusée du bout des lèvres. Mais je chérirai notre enfant quoi qu’il soit, fils ou fille.

Morion réitéra ses propos. Il confirma ses inclinaisons, répéta ces mots si savoureux aux oreilles de la comtesse. Morion de Ventfroid était amoureux. Sincèrement. Et elle était la bénéficiaire de ce sentiment. Son corps semblait empli, à cette annonce. Sa poitrine était gonflée, les mots avaient du mal à sortir, des papillons couraient dans son ventre, des frissons faisaient bruisser sa peau. Elle était heureuse. Et fébrile. C’était similaire à ce qu’elle avait déjà connu… mais similaire seulement. Aujourd’hui, le sentiment paraissait plus concret, plus profond. Plus solide, et surtout, cimenté dans une union maritale, consommée et bientôt productive. Ambre était sincèrement heureuse, et n’aurait pas pensé que Morion avait ployé lui aussi, si vite, à des sentiments concrets. L’apprendre ainsi, et maintenant… Cela rendait les retrouvailles parfaites, encore plus intenses et heureuses, déjà que le niveau avait été haut, après trois semaines d’absence. La perspective d’un enfant à venir, et désormais l’aveu qu’ils s’aimaient… Grands dieux, une séparation de presque un mois, malgré toutes les peurs et les épreuves, avaient aussi ses bons côtés, visiblement. Ils s’étaient rendus compte, tous deux, qu’ils tenaient à l’autre bien plus qu’ils n’avaient voulu se l’admettre. L’angoisse presque maladive d’Ambre au départ du comte, si ça n’était pas une preuve de ses sentiments, l’on pourrait difficilement trouver mieux.

- Présomptueuse… Sur ce point, j’ignore si c’est réellement un défaut. Elle retint un autre rire, taisant la réflexion que faire tomber amoureux un Ventfroid était un succès en soi. Mais cela serait faire preuve de mauvaise foi de te taquiner là-dessus… Je ne suis pas certaine que tu aies été le premier à ouvrir ton cœur, de nous deux. Elle prit une petite inspiration, émue. Je ferai tout pour que tu ne te lasses jamais, mon époux, souffla Ambre, amoureuse.

Alors que Morion la serrait contre lui, Ambre courba son corps de façon à ce qu’elle se fonde sur lui parfaitement. Une jambe vint doucement s’enrouler autour de celle, valide, du comte. Son bras vint enserrer l’homme, venant crocheter au-niveau du flanc opposé, avec fermeté. Aimer, se sentir aimée… Oui, elle ferait tout pour que cela ne s’essouffle jamais, même avec le temps et la routine des années. Elle entretiendrait cet amour. Chérirait ce mariage. Et elle espérait que rien ni personne ne viendrait faire de l’ombre à ce qu’ils pouvaient ressentir l’un pour l’autre.

Ce fut sur toutes ces pensées agréables que Morion termina par rabattre les couvertures sur leurs corps enlacés.

- Toi, repose-toi. Tu en as bien plus besoin que moi, mon chéri.

Elle l’embrassa une dernière fois, avant de choisir la position la plus adéquate pour se laisser dormir contre lui. La douce réflexion que cela ne serait bientôt plus possible, de dormir à moitié à plat ventre contre lui, sur le côté, la traversa. Bha. Ils trouveraient bien une autre façon de dormir, malgré son ventre. Elle appréciait beaucoup le sentir dans son dos aussi, bras passé par-dessus sa taille.

Ambre mit très longtemps à dormir. Morion sombra avant, bien plus exténué que sa femme. En même temps, en plus de sa blessure, il avait aligné le voyage jusqu’à Marbrume, la soirée de Clairmont, et maintenant une bonne partie de la nuit à ses côtés… Le sommeil de Rikni était bienvenu. Le repos du guerrier, il l’avait clairement mérité. La comtesse l’écouta dormir, savourant le rythme calme de sa respiration, qu’elle n’avait plus entendu depuis longtemps. Dans son sommeil, elle continua doucement à caresser sa peau de son pouce, dans un balayage doux. Elle n’avait pas sommeil. Elle était encore fébrile de toutes ces déclarations. Elle avait oublié depuis longtemps ce que c’était qu’être heureuse, et l’avait brusquement découvert à nouveau, et puissamment. Quand la comtesse était avec Morion, elle avait l’impression d’évoluer dans une bulle. Il y avait juste à espérer que cette bulle n’éclate pas brusquement.

Ambre termina malgré tout par s’endormir, après avoir beaucoup ressassé ses pensées joyeuses. De l’amour, un enfant. Elle était presque peinée de devoir s’endormir, car ça lui ferait oublier tout cela l’espace de plusieurs heures. Mais elle termina par sombrer elle aussi, et rejoindre la respiration douce et calme de son mari.

--

Au matin, Ambre fut la dernière réveillée. Morion put s’en rendre compte, il lui fut plus difficile qu’à l’accoutumée de la faire émerger des bras de Rikni. C’était potentiellement lié à sa difficulté à s’endormir la veille, mais aussi à son besoin de sommeil largement accru depuis deux ou trois semaines. Si son époux ne l’avait pas réveillée, sûrement aurait-elle encore dormi une heure ou deux. Les caresses de Morion terminèrent par la faire ouvrir les yeux cela dit. Sa main dans ses cheveux, le glissement de la couverture sur ses épaules nues, les attentions prolongées du comte… Elle inspira doucement, profondément. Ses paupières s’ouvrirent, battirent quelques instants, accrochant à travers la pénombre encore ambiante de la pièce le regard de son époux. Un sourire fleurit aussitôt sur ses lèvres.

- Par les Trois. Cette vision au réveil m’avait terriblement manqué, murmura-t-elle, l’esprit encore légèrement somnolent, mais très agréablement secoué par ce visage aimé. Bonjour, mon époux. Elle déposa un baiser pour ponctuer ces mots.

Ambre se redressa pour approfondir l’échange, mêlant sa langue à la sienne. Cependant, elle sentit l’homme profiter du mouvement et de sa nouvelle liberté – moins entravé par le corps de sa femme – pour se tortiller un peu et tenter de soulager une jambe qui avait décidé de faire des siennes. Les traits légèrement crispés, l’homme paraissait néanmoins serein, dans leur couche. Ambre fronça un peu les sourcils, concernée par cette douleur qui accompagnerait l’homme pendant une longue durée de convalescence.

- Un bain, oui. Cela devrait te soulager, ajouta-t-elle, toujours avec un ton doux. Nos ablutions communes m’avaient manqué, elles aussi.

Un autre baiser fut déposé sur les lèvres, mais elle ne tarda pas à quitter la couche. La comtesse serait aux petits soins pour son mari blessé. Tant qu’elle n’était pas grosse comme une baleine, elle comptait bien s’activer un maximum pour ses activités habituelles, et celles, moins habituelles, qui pouvaient s’ajouter. La blessure de Morion faisait partie des moins habituelles.

Ambre ouvrit en grand les rideaux de leur chambre, et les rayons vinrent illuminer la pièce. Le temps était beau dehors ; quelques nuages blanc, moutonneux, flottaient dans le ciel. En tendant l’oreille, l’on pouvait entendre les domestiques s’activer dans les différentes ailes du manoir. La chambre conjugale n’avait point changé depuis le départ de Morion. Le comte pouvait noter la présence des trois manuscrits dont il lui avait conseillé la lecture, posés les uns sur les autres sur le rebord d’une étagère de la bibliothèque. Mais c’était le seul détail notable ; tout était strictement identique. Ambre attrapa son saut-de-lit en satin, apposé sur le dossier du second fauteuil devant la cheminée, et glissa ses bras nus dans les manches. Elle noua le cordon autour de sa taille, puis coiffa légèrement ses cheveux. C’était une tenue de confort, loin d’être adéquate pour sortir, mais cela tombait bien, car elle ne comptait pas sortir. Jetant un regard et un sourire à l’adresse de son mari, Ambre partit ainsi quérir Talen pour lui demander de monter un petit déjeuner et s’apprêter à leur faire couler un bain. Son absence dura une minute à peine, car elle croisa rapidement le domestique. Talen parut visiblement heureux de la voir, et un tantinet narquois peut-être, comme s’il mesurait le degré de contentement de la comtesse après le retour du seigneur Ventfroid.

Le petit-déjeuner fut donc monté rapidement, et tandis que le bain chauffait, les époux purent manger. C’était savoureux. Même si les mariés avaient dégusté plusieurs repas ainsi au lit, ils restaient peu courant de manière générale, et rappelaient beaucoup, en écho, la matinée qui avait suivi leur nuit de noces. Un souvenir très agréable. L’ironie faisait que cette matinée serait similaire également par le bain qu’ils allaient prendre tous les deux. Cela enchantait Ambre.
Entre deux galettes de céréales, la comtesse posa doucement les yeux sur le bandage de la cuisse, et déclara doucement à Morion :

- Je te changerai le bandage après le bain, quand tu seras sec. J’aimerais faire venir un guérisseur tous les jours pour qu’il surveille cela cependant. Je ne suis pas experte et je veux que cela soit détecté à temps, si jamais il y a un problème.

Assise sur la couche, Ambre passa machinalement une main sur son ventre, un geste qui deviendrait presque instinctif tout le long de la grossesse.

- J’aimerais prendre un guérisseur en temps venu également, pour le suivi du bébé… A l’heure actuelle, elle était loin d’avoir un ventre suffisant pour être surveillé, mais cela viendrait vite. Avons-nous un médecin attitré ici, ou des domestiques compétents sur le sujet ? Je pourrai faire venir l’un de ceux que nous avons au manoir Mirail, sinon. Quand… quand souhaites-tu rendre l’information publique ?

Talen termina bientôt par les informer que le bain était chaud, et Ambre tendit doucement la canne ouvragée à Morion. Elle pouvait l’aider à marcher, qu’il se serve d’elle comme pilier, mais elle doutait que cela soit une situation qui lui convienne. L’homme préférait marchait seul, et cela convenait tout aussi bien à Ambre, tant qu’il ne forçait pas trop. Elle pénétra la salle des ablutions la première, pour lui tenir la porte. Près de la cuve, quand Morion put prendre appui dessus, Ambre retira son saut-de-lit, noua ses cheveux, se retrouvant dans son plus simple appareil : sa nudité. Elle attendit que Morion eut plongé dans l’eau chaude et se soit installé à sa convenance avant de faire de même.
Quand elle fendit l’eau, Ambre soupira d’aise. Comme à son habitude, elle se mit à genoux au-dessus de son mari, avec un soin tout précautionneux cette fois-ci, pour ne pas ébranler la cuisse. Elle espérait que la chaleur du bain soulagerait ses douleurs. Doucement, Ambre vint butiner les lèvres de son mari, mettant ses mains en coupe pour venir asperger doucement les épaules de l’homme.

- Tes douleurs vont-elles en s’améliorant, au moins, depuis trois semaines ? questionna la jeune rousse, préoccupée.

Après avoir embrassé humidement le creux de son cou, elle commença à faire glisser un savon sur le torse du comte.

- A part la guerre… as-tu d’autres nouvelles à me confier ? Des détails plus reluisants que des morts et de la douleur... Petite pause. Tes sœurs vont-elles bien ? Qu’ont-elles dit, lorsqu’elles ont su que je travaillais sur leurs instruments ?

Ambre eut un sourire timide, sachant bien que les deux jeunes sœurs avaient autre chose à faire, mais le moindre détail lui était important. Elle ne voyait que peu sa belle-famille, et aimait à apprendre à la connaître, un peu par procuration, certes… mais elle appréciait donc recevoir des nouvelles à ce propos, par la bouche de son époux. En fait, elle appréciait écouter Morion de manière générale. Et bizarrement, les bains qu’ils passaient ensembles étaient toujours propices aux confidences douces et calmes, jamais pressées par le temps ou le travail. C’était un instant rien qu’à eux, saupoudré d’odeurs fleuries et de câlins humides. Un vrai régal.
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 6 EmptyLun 1 Aoû 2016 - 14:18
Ces matinées, Morion en avait presque rêvé. Presque, et encore, les quelques pas qu’il lui avait manqué pour en arriver aux visions nocturnes d’un réveil en compagnie de son épouse, dans la chaleur de leur chambre, réveillés par un bruit discret à la porte, sur laquelle Talen venait parfois toquer quand ils traînaient un peu trop, après une nuit bien agitée, quand il tirait son épouse d’un sommeil un peu lourd ou inversement quand c’étaient ses caresses, ses baisers, qui le tiraient de sa torpeur, avait été les nombreuses préoccupations de son esprit pendant son absence. Il ne s’empêchait pas de penser à elle, bien au contraire, et il supputait avec une certaine justesse que ses nuits auraient probablement été encore plus légères s’il n’avait pas concentré toutes ses pensées dessus avant de s’endormir. Parfois simplement par visions fugitives de leurs nuits passées, réminiscence plus frustrante qu’autre chose mais apaisante en soi, parfois il s’imaginait son parfum, le contact de sa peau contre la sienne dans leur couche, l’odeur particulière de peau chaude, unique, qu’avait Ambre quand ils étaient couchés dans l’intimité.

Inutile de dire que c’était bien plus agréable dans la réalité. Même si sa jambe atténuait tout de même légèrement la joie qu’il pouvait ressentir. Il commençait à s’y habituer, néanmoins, c’était tous les matins la même chose. Dans les cas où l’épuisement alourdissait son sommeil, c’était la douleur de sa plaie qui venait le tirer de ses rêves, ou parfois d’un simple néant reposant, le rappelant à la réalité des choses. Par contrecoup, la douleur était plus saisissante. Plus qu’une réelle douleur, c’était un tiraillement incessant, dérangeant, et qui surtout, provoquait d’horribles démangeaisons. Son muscle, malgré ses déchirures, était toujours tendu, contracté, ce qui n’arrangeait pas du tout les choses. Quant au bain… s’il s’avérait nécessaire afin de justement calmer ces contractions et engourdir un peu les sensations, il le redoutait. La caresse de l’eau chaude n’était pas forcément un cadeau, à l’entrée dans le bac.

Avant toutes ces considérations cependant, il prit le temps de bien sortir des restes endormis qui embrumaient légèrement son esprit. Il observa Ambre, un spectre de sourire aux lèvres, se lever, ouvrir les rideaux, vue qui éveilla quelques envies en lui, qu’il musela, sans les étouffer totalement. La chambre était effectivement la même qu’à son départ. Il nota du coin de l’oeil la présence des ouvrages qu’il lui avait confié avant l’opération, et retint un léger rire. L’un de ces livres avait probablement du s’avérer inspirant pour son épouse, se dit-il. Et il n’allait pas s’en plaindre. Il aurait menti s’il avait dit qu’il ne le lui avait pas laissé, partiellement, dans ce but. Ne pouvant jouer le rôle de guide ou de précepteur lorsqu’il était parti, il fallait bien qu’elle continue à apprendre, et quoi de mieux qu’un livre savamment enluminé et expliqué pour cela. Il observa, également, le satin couler doucement sur son corps, caressant ses formes et les soulignant. L’envie de passer le bout des ses doigts dessus, pour allier ses propres caresses à celles, particulières en ce cas, du tissu contre la peau de sa femme l’effleura. Peu disposé à bouger pour lui faire subir ses impulsions cependant, il attendit, plus ou moins sagement, l’arrivée du petit déjeuner, et de Talen, qui préparerait leur bain. Il grignota, à vrai dire, plus qu’il ne mangea. L’appétit n’était pas trop au rendez-vous, et s’il se fit un devoir de manger un peu de tout, et de se remplir l’estomac, ça n’était pas de gaieté de coeur. Il hocha doucement la tête, à sa remarque, et haussa doucement les épaules.

«Hum… Tous les jours, cela me paraît un peu abusif. Depuis l’ablation de certaines chairs, je n’ai guère eu de problème de santé, si ce n’est la douleur, parfaitement normale. Enfin… Si je fais retravailler la suture pour qu’elle soit mieux réussie, il risque de devoir venir souvent, en effet,
conclut-il avec un petit rire.»

Sa main, libre, vint caresser la main de son épouse, sur son vent, liant ses doigts aux siens. Le bonheur soulevé par la nouvelle qu’elle lui avait annoncée était encore tout à fait présent. Et en l’occurrence, il n’avait rien contre la venue d’un guérisseur quotidien pour sa femme. Il ne voulait aucun problème, et être assuré que sa grossesse se déroule dans les meilleures conditions.

«Eh bien, Sarah est assez compétente dans ce domaine, mais ce n’est pas une guérisseuse, loin de là… Elle saura te trouver des maux peut-être, propres à ta condition, et des remèdes en conséquence. Et les autres médecins… Il soupira légèrement. Je les ai tous congédiés et envoyés au domaine. Je ne suis pas spécialement du genre à me retrouvé affligé d’une quelconque maladie, donc j’ai préféré les envoyer là où ils seraient plus utiles. Fais donc venir un des guérisseurs de votre famille. J’aime autant que ce soit quelqu’un en qui tu aies un minimum confiance qui s’occupe de toi pendant ta grossesse.»

Il prit quelques secondes d’intense réflexion, cependant, pour son autre question. C’était… C’était tout de même une grande annonce. Nul besoin de l’afficher à tous et de faire venir les crieurs pour cela, mais rien que leurs familles respectives seraient ravies d’apprendre pareil événement à venir. Le reste ferait probablement son chemin tout seul, en fait. Il leva un regard vers celui de son épouse.

«Je pense qu’inviter ta famille à dîner serait une bonne idée, pour le leur annoncer. Nous n’avons guère eu le temps de partager un repas, ou en tout cas, moi je n’en ai pas eu le temps, et je me ferais un plaisir de les rencontrer dans une atmosphère plus intimiste qu’auparavant. Quant à mes soeurs… Il serra doucement la main d’Ambre, toujours sur sa femme. Estrée doit bientôt venir à Marbrume. Nous le lui annoncerons tous les deux. Quant à Marianne et le domaine… Nous le ferons tous les deux et de vive voix, également.»

Il n’avait pas envie de répandre lui-même la nouvelle comme une traînée de poudre, jugeant que seuls ceux qui étaient vraiment proche d’eux avaient le droit de se le faire annoncer de cette manière. Nul doute que les autres, les domestiques, peu importe, se chargeraient de la répandre à leur manière, via leurs commérages discrets, et que l’Esplanade serait rapidement au courant. Les choses se savaient vite.

«Je ne pense pas que les autres soient importants. Mais… Son regard se fit narquois, ses paupières se plissèrent légèrement. Peut-être devrais tu notifier, directement ou non, le Baron de Puylmont de l’heureuse nouvelle. Je suis presque certain qu’il en bondira de joie. Et que son coeur s’arrêtera lui-même de colère, pensa Morion, mesquin.»

Il tut cette dernière remarque, la précédente étant lâchée de toute façon sans sérieux. Moins Ambre et lui avaient de contacts, et mieux c’était. S’il décidait en plus d’attaquer de diverses manières toutes les filles de Mirail, il aimait autant que les missives se perdent en chemin, tant qu’à faire. Même si, pour le comte, asséner un coup pareil à Joscelin n’était pas sans lui inspirer une certaine joie, purement malsaine mais tout à fait délicieuse.

Laissant de côté ces pensées, il laissa à Ambre le soin de lui répondre, de conseiller ou non une autre approche pour l’annonce de la mise en route d’un éventuel héritier, ils l’espéraient tous les deux, ou d’une enfant. Malgré les célébrations de la ville au succès de l’opération, beaucoup, nobles ou non, étaient encore en deuil, et la ville voyait son atmosphère bien alourdie, quand bien même le soulagement reprenait peu à peu ses droits. Ces nouvelles là occuperaient un moment les bouches les plus aptes à bavasser, c’était une bonne chose.

Le bain prêt, il saisit sa canne, et sortit prudemment de la couche. L’effort, comme tous les jours, fut assez coûteux, mais il commençait à s’y accoutumer. Il boita, doucement, et prenant son temps, jusqu’à la salle d’ablutions, redoutant l’instant qui suivrait. La présence de sa femme le rassérénait tout de même. Il laissa la canne non loin du bac, et s’assit, légèrement en appui sur le rebord. Saisissant sa jambe, sous la cuisse, il la fit passer prudemment dans la cuve, puis passa la seconde et s’immergea totalement. La sensation fut la même qu’à chaque fois. Au début, le sentiment d’aise qui l’emplissait au contact de l’eau, légèrement fumante, qui venait instantanément apaiser les tensions physiques accumulées pendant la nuit. Néanmoins, au lieu d’un soupir d’aise, il bloqua sa respiration. Les quelques secondes de pause flottèrent, doucement, longuement dans l’air, puis sa plaie commença à picoter, puis brûler. Il pouvait presque mentalement définir l’exact pourtour de chacune des griffures dans la sensation était précise. Il serra les dents, laissant son corps s’accumuler à l’inconfort. A chaque fois, il avait la désagréable impression de sentir la suture frotter dans les trous qui avaient été percés dans sa chair pour insérer le fil, quand bien même la peau s’était depuis un moment refermée autour d’eux. Il lâcha un long soupir, et s’adossa à la cuve, jambe tendues. Les quelques remous, sous l’eau, eurent l’effet d’une caresse, mais une caresse faite d’une main aux doigts cloutés et griffus. C’était crispant. Quelques minutes lui furent nécessaires, pour s’y habituer.

Il imita ses mouvements une fois qu’elle fut également installée, remerciant silencieusement sa femme pour les précautions qu’elle prenait à ne pas entrer en contact avec la blessure. Il prit de l’eau entre ses mains, et la laissa couler dans le dos de la rousse, sur ses épaules sa poitrine.

«Oui, légèrement. Je ne me sens plus malade, c’est déjà un progrès, et la douleur, si elle est permanente, s’est faite bien plus sourde. Quelques fois le muscle se contracte involontairement, et c’est… Dérangeant, je dirais. Mais je suis en bonne voie de rétablissement. Je ne suis juste pas habitué à être attaqué si profondément. Les coups de fouet de mon père étaient de vraies caresses à côté, finalement. Il préleva un peu de mousse sur son propre torse, et vint en passer sur les bras, épaules et le haut du buste de sa femme. C’aurait pu guérir plus vite, si les circonstances avaient été propices. Mais l’infection, puis l’orage qui a rendu la plaie plus friable que du sable… l’attaque des fangeux au campement a bien retardé les choses.»

Elle s’en doutait sûrement, mais il aimait autant ne pas faire mention de son propre comportement, qui possédait une part de responsabilité pas négligeable du tout dans le retard de guérison et les difficultés qu’il rencontrait. Si comme on le lui avait demandé, il était resté immobile, il serait aujourd’hui bien plus capable qu’il ne l’était. Tout ceci avait cependant été nécessaire, il ne regrettait pas son attitude passée. Ils auraient probablement eu beaucoup plus de mal, si le commandant du groupe était resté alité, incapable de donner des ordres.

«A part la guerre… Eh bien, je te l’ai peut-être notifié de façon superficielle dans une missive, mais après l’opération, au domaine, j’ai reçu la visite d’un banneret sans maître, au domaine, qui justement en cherchait un. Il fut fort courageux sur le champ de bataille, et semble quelqu’un d’aussi fidèle qu’honorable, bien qu’il ne soit pas natif de Marbrume. Il prit une pause de quelques secondes, suivant le tracé des veines du cou d’Ambre d’un index erratique, puis releva les yeux vers elle. Il ne porte pas le Duc dans son coeur, non plus. Il est donc notre vassal depuis le vingt mars. Et en attente d’ordres. Je pensais l’inviter ici, avec sa soeur, seule autre survivante de sa famille, pour présenter tout le monde, et peut-être commencer à rentabiliser le lien vassalique. Un sourcil se leva tout seul à sa propre remarque. Jamais le manoir n’aura été aussi fréquenté ces cinquante dernières années...»

Il eut un petit ricanement, en réponse à sa remarque, et esquissa un sourire enjoué, à la mention de ses soeurs.

«Ravies. Surtout Marianne. Estrée était un peu trop préoccupée pour se laisser aller à ce genre d’attendrissement, mais Marianne était sincèrement heureuse de voir que ce pan de leur histoire ne tombe pas dans l’oubli. Et par conséquent est encore plus hâtive de te rencontrer. Mais tu pourras, dans un moment plus calme et plus propice, le montrer à Estrée. J’attends confirmation, mais elle va bientôt venir, comme je te l’ai dit, dans les prochains jours.»

Il se redressa, au bout de quelques secondes, et vint prendre sa femme contre lui, dans une étreinte ferme. Il embrassa la peau humide de son cou, ses lèvres, sur lesquelles il s’attarda volontiers, puis recula légèrement le visage.

«Et toi ? Même si ce n’est pas grand chose, je tiens tout de même à savoir ce qu’il s’est passé ici durant ces trois semaines, fussent des choses futiles, sans intérêt pratique pour notre avenir. Ta vie n’était pas en pause pendant ce temps, alors je tiens à savoir. Et cela me fera du bien d’entendre ces petits détails du quotidien, ou… Même insolites.»
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 6 EmptyLun 1 Aoû 2016 - 19:50
- Tous les jours, peut-être est-ce un peu trop zélé, je le conçois. Deux à trois fois par semaine alors, imaginons. Il viendra vérifier ça et voir si rouvrir la plaie est possible, ajouta Ambre, en fronçant légèrement les sourcils. Elle n’appréciait pas cette idée, c’était évident. Ouvrir son mari alors qu’il était en bonne santé, c’était presque comme l’amputer ; c’était quelque chose qu’elle n’aimait pas imaginer. Sans compter la douleur que cela allait lui causer, et le délayage que cela aurait sur son rétablissement, à rouvrir une blessure qui avait déjà commencé à cicatriser… Combien de temps allait-il rester diminué ? Malgré ses taquineries de la veille sur le fait que plus il restait longtemps blessé, plus il resterait auprès d’elle au manoir, la jeune femme était inquiète et peinée de cette jambe qui le faisait souffrir. Plus vite il était remis, mieux elle se sentirait. Je veux le faire venir dans l’après-midi ou la soirée cela dit. Il existe sûrement des onguents qui pourront engourdir ta cuisse pour te soulager…

La comtesse picorait leur plateau sur le lit, et se laissa couler contre son mari alors qu’il venait lui aussi caresser son ventre, liant ses doigts aux siens. Un soupir d’aise lui échappa, et quelques frissons heureux parcoururent son échine. Ce geste, pourtant anodin, l’emplissait de joie, de satisfaction. Ils seraient bientôt trois… Elle avait arrêté de se raconter des histoires, de repousser l’échéance de l’acceptation, de trouver d’autres raisons qui justifierait son retard dans ses saignements. Elle était enceinte, et avait accepté ce fait en même temps qu’elle l’avait annoncé à son mari, la veille. Cette acceptation la transposait d’amour et d’espoir, et le tout était exacerbé par les déclarations amoureuses qu’ils s’étaient faites la veille. Parler de la surveillance de sa grossesse, même si elle débutait à peine, était donc un « projet » qui lui plaisait beaucoup.

Ambre pouffa légèrement aux propos de son mari.

- Cela te ressemble bien, de te délester de tous tes médecins compétents, tiens. Tu es décidemment bien téméraire lorsque tu t’y mets. Elle vint mordre doucement ses lèvres entre deux gorgées de lait. Je ferai venir l’un des guérisseurs des Mirail, oui, cela me va tout à fait. En attendant que cela soit nécessaire, Sarah sera suffisante. Elle m’abreuve déjà de mixtures en tout genre pour « fortifier l’enfant »... Ambre eut un léger sourire en revoyant le visage de la domestique dans son esprit. La pauvre, je crois qu’elle devenait folle à ne pouvoir en parler à personne jusqu’à ce que tu apprennes la nouvelle de ma bouche. Te savoir au courant risque de la soulager.

Quand Morion lui annonça l’arrivée prochaine d’Estrée à Marbrume, elle entrouvrit doucement les lèvres, surprise. Elle ne s’y attendait pas, et ce fut une agréable nouvelle. Les deux femmes n’avaient eu que peu le temps d’échanger durant le mariage, comparé à tout ce que deux belles-sœurs pouvaient avoir à se dire.

- Oh, je me ferai une joie de l’accueillir au manoir. J’espère qu’elle ne grincera pas trop des dents en voyant ce que j’ai fait de sa salle de musique. Le coin des yeux de la comtesse se plissèrent légèrement, amusé. Si elle vient au manoir… pourquoi pas lui en faire l’annonce en même temps qu’à ma famille, dans un dîner où nous serions tous présents ? Je suis certaine que ma mère se fera une joie d’apprendre à mieux te connaître, mais aussi ta sœur. Quant à Marianne… J’ignore quand tu comptes retourner au domaine, mais… Son regard coula sur le bandage de la cuisse, retrouvant une once de sérieux à travers la bonne humeur. Si nous attendons de voyager jusque là-bas pour lui en faire l’annonce, elle risque de l’apprendre bien après les autres. Car je ne compte pas partir à l’ouest dans une semaine, vu ton état, mon chéri. Mais j’imagine qu’Estrée fera passer la nouvelle après son passage à Marbrume, souffla Ambre, à moins que nous fassions envoyer une missive...

A moins que la jeune Estrée ne garde le secret jusqu’à ce que Morion puisse l’annoncer lui-même au comté, mais cela serait potentiellement un peu cruel pour la pauvre Marianne, qui ne l’apprendrait donc point avant la fin avril, voire début mai. Et si le domaine Ventfroid était assez isolé de la cité, il n’était pas non plus totalement ignorant de ce qui s’y disait. Si les ragots secouaient assez l’Esplanade, il était possible que cela effleure vite les oreilles de Marianne, même si elle se trouvait à des kilomètres de là. Et Ambre n’était pas sûre que la jeune femme apprécierait l’apprendre ainsi.

- Nous sommes quoi, fin mars… Eh bien, j’imagine que nous pourrions faire ce dîner la première semaine d’avril peut-être, lorsqu’Estrée sera arrivée et qu’elle se sera remise du voyage. Je préviendrai ma famille, ils seront heureux de venir dîner ici. J’espère que la nouvelle sortira ma pauvre mère de la mélancolie de son deuil, souffla Ambre, un peu triste l’espace d’un instant.

Quand Morion évoqua Joscelin de Puylmont, la comtesse haussa un sourcil. Un sourire narquois découvrit ses dents, et elle vint tapoter de son index les lèvres du comte.

- L’on parle d’annoncer cette nouvelle à ceux qui nous sont chers, et tu penses, presque aussitôt, à notifier le baron ? Quel ego, mon époux. Penses-tu réellement que notre mariage et l’annonce de ta survie au Labret ne soient pas suffisants ? Tu as besoin d’enfoncer toujours plus le clou ? Ambre rit doucement, car les remarques sur l’ego de son mari étaient faussement sérieuses. Elle prendrait le même plaisir à étaler le bonheur de la nouvelle face à ceux qui en serreraient les dents. Voir sa tête serait fort satisfaisant, je l’admets. Tout comme voir la face de cette chère vicomtesse de Rocheclaire, claqua Ambre, de façon aussi soudaine qu’inattendue.

Les mots lui avaient échappé. Elle jeta un regard en coin à Morion, avant de se détourner et de se reconcentrer sur le plateau du petit-déjeuner. La comtesse n’abordait jamais le sujet de la blonde avec son mari, et avait encore moins souligné les inclinaisons de Cassandre à son sujet en sa présence. Elle n’aimait pas ça, cela ne rendait les faits que plus réels. Ambre avait toujours arboré un silence inhabituel à ce sujet, même quand Morion pouvait évoquer la blonde par besoin durant leurs conversations privées. La rousse avait toujours eu peur de déborder si elle devait toujours donner le fond de sa pensée sur cette vassale, alors, par respect pour son mari et pour éviter des conflits puérils, elle gardait le silence, tout simplement. Car contrairement à Joscelin, Cassandre était une femme qui passait régulièrement, et avec qui il fallait traiter. Ambre l’avait subi à ses dépens tout ce long mois où Morion avait été absent. Bref, elle passa sur cette remarque sans plus approfondir, un peu gênée d’avoir laissé entrevoir un certain besoin de prendre l’ascendant sur cette femme.

Dans la salle des ablutions, après avoir noué ses cheveux au-dessus de sa nuque, Ambre observa sans commenter les efforts de son mari pour entrer dans le bain. Elle ne proposa pas de l’aider, ni ne prit un air excessivement compatissant – même si intérieurement, elle frissonnait de le voir ainsi – car elle le connaissait assez pour savoir que cela le gênerait. Ambre observa, de façon assez neutre, les dégâts que la guerre lui avait causés, gravant l’image dans son esprit, comme pour se promettre de ne plus jamais lui permettre de rentrer ainsi. Il souffrait de simplement glisser sa jambe dans une eau qui, avant, le faisait soupirer d’aise. Désormais, la chaleur détendait ses muscles, mais agressait sa blessure. Il était crispé, et le resta de longues minutes encore, même une fois rentré dans l’eau. Ambre s’efforça de le détendre lorsqu’elle le rejoignit. Après avoir mouillé la partie de son corps non immergée et commencé à savonner, elle massa ses épaules et l’arrière de sa nuque du mieux qu’elle put en étant face à lui. Ses doigts agrippaient la chair, la pressait, appuyait de petites pressions du bout des doigts, glissait parfois de façon circulaire, s’attardaient aux zones où elle sentait une tension persistante. L’ambiance chaude et humide de leur salle d’eau lui rappelait bien des moments passés en son sein, et une sensation d’envie fugace courut dans son ventre, qu’elle contrôla en inspirant doucement. Faire l’amour ici serait tout autant impossible que la veille, si elle voulait ménager son époux. Elle saurait prendre son mal en patience, jusqu’à ce qu’il soit guéri.

Ambre courba légèrement le cou pour aider Morion à passer la mousse pour frotter, tandis que ses propres mains continuaient à nettoyer le torse et descendaient progressivement sur le ventre. Elle frotta contre l’abdomen, puis remonta contre les côtes, espérant que la pression ne rendrait pas ses bleus douloureux. De temps en temps, entre deux phrases de Morion, elle déposait des baisers humides sur ses lèvres, ou venait tout simplement mordiller le creux du cou en même temps qu’elle écoutait ses propos, s’amusant de le laisser tenir un discours cohérent dans des conditions qui leur donnaient à tous les deux envie d’autre chose.

- Mmh. Tu guériras plus vite désormais que tu as l’occasion de te reposer, déclara doucement Ambre en versant à nouveau de l’eau sur les bras de son mari. Je suis quand même contente que tu sois revenu en bonne voie de guérison, même si te voir dans un tel état me fait frissonner rien qu’à imaginer ce que c’était il y a trois semaines. Elle fit une petite pause, massant doucement l’arête de sa mâchoire d’un pouce qui laissa une légère traînée mousseuse sur la barbe. Crois-tu que cela soit assez profond pour te laisser des séquelles… définitives ?

L’os n’avait pas été atteint, mais les guerriers qui conservaient des faiblesses dans l’exécution de mouvements ou de passes après une blessure qui avait été particulièrement compliquée à faire guérir, c’était extrêmement courant. Morion ne devrait pas finir boiteux mais… pourrait-il assumer plusieurs heures d’efforts sans que sa cuisse ne le rappelle à l’ordre, même une fois parfaitement rétabli ? Ambre força subrepticement les sourcils. Morion n’avait pas un caractère qui supporterait être diminué. Si cela devait être le cas, il le vivrait mal, assurément.

- Tu l’avais brièvement évoqué dans l’une de tes missives, en effet, mais j’attendais ton retour pour les détails. Quel est le nom de cet homme ? Il est amusant de remarquer qu’il a cherché un lien vassalique avec toi… Tu as dû lui taper dans l’œil sur le champ de bataille, ou peut-être n’a-t-il pas eu vent de toutes les rumeurs qui courent sur ta famille, en étant un étranger. Ambre ricana un peu, repensant aux histoires de vampires que lui avait conté Anne, il y a bien longtemps désormais. Quoique l’homme était expert à certaines succions, notons. Il aurait pu se lier directement à Sigfroi, mais non, il a préféré choisir une autre famille… Quoique cela ne change rien, puisqu’étant toi-même vassal du duc, il l’est par extension. Mais… la nuance est à noter, toutefois. Peut-être est-ce le reflet de son manque d’assurance dans cette ville qui n’est point la sienne, loin de ses terres. Ou peut-être des griefs qu’il porte à son encontre, comme tu sembles l’avoir noté. Nous verrons bien. Je l’accueillerai avec dignité, en espérant ne pas faire de faux pas.

Morion avait d’autres vassaux, mais Ambre n’avait encore jamais pu jouer son rôle de femme de seigneur à ce niveau. Les Castelmont, elle ne les connaissait encore que de nom, quant aux Rocheclaire… disons que conserver un lien de respect discret et distant était difficile vis-à-vis de Cassandre.

Ambre sourit face à le remarque que la fréquentation du manoir était en explosion.

- En effet. Quand j’étais jeune, votre manoir soulevait toujours curiosité et questionnement, et quand nous nous baladions dans les rues de l’Esplanade et que nous passions devant par hasard, nous nous demandions tous pourquoi nous ne voyions jamais l’héritier en sortir. Il était difficile d’avoir des ragots sur ce qui se passait là-dedans. C’est amusant ; je me demande si nous aurions pu nous connaître étant enfants si ton père ne s’était pas montré si… zélé à te garder à l’écart. Je trouve que cela ne fait pas de mal, un peu d'animation.

Ambre hocha doucement la tête, contente à l’évocation de la satisfaction de ses belles-sœurs à propos de leurs instruments. Elle n’oublierait pas de faire visiter à Estrée son atelier pour lui montrer les vielles qui attendaient toujours, dans un coin de la pièce, presque comme neuves.
La comtesse se laissa aller à l’étreinte de son époux, soupirant en fermant les yeux sous ses baisers. La pointe de ses seins vint effleurer son torse, et elle goûta l’eau qui glissait sur les lèvres de son époux d’un mouvement de langue.

- Moi… Ambre réfléchit un peu, remettant de l’ordre dans ses idées, se repassant les trois dernières semaines en image dans sa tête. Ce n’est pas très intéressant, mais soit. Elle embrassa brièvement les lèvres de Morion avant de reprendre. Le premier jour a été ignoblement difficile, tu peux t’en douter. Je l’ai passé à la cour ducale, attendant des nouvelles de la procession, inlassablement, en compagnie de ma famille. Bizarrement, je n’ai pas beaucoup de souvenirs précis… J’étais à moitié là, passant la plupart de mon temps à prier, me réveillant seulement lorsque le Duc descendait donner les dernières nouvelles reçues. Quand ta missive est enfin arrivée, ça a été l’un des moments les plus heureux de ma vie, je crois, souffla-t-elle, pensive. Même si monsieur m’avait caché la gravité de son état, je me rends compte avec le recul.

Ambre, doucement, entreprit de mouiller les cheveux de son époux, qu’elle rabattit vers l’arrière, avant de commencer à savonner de ses doigts, massant à travers le cuir chevelu, tout en continuant de parler.

- Les premiers jours, les domestiques se sont montrés aux petits soins. Un peu trop. Ambre pouffa. Je l’avais évoqué dans mes missives, mais ils me gavaient comme une oie. J’ai dû m’énerver un peu pour recevoir des assiettes plus raisonnables. Un peu trop peut-être, mais je mentirais si je disais que l’annonce de ton retour m’avait complètement soulagée. Tu restais absent, dehors, entouré de monstres tous les jours, et mon inquiétude rôdait toujours. Cela influait un peu sur mon humeur. Mais je me suis occupée. Beaucoup. J’ai lu les livres que tu m’avais conseillés, même si j’ai arrêté la lecture de l’un d’eux, qui s’est montré… frustrant. Elle haussa un sourcil, regard appuyé, mains toujours relevées sur le crâne de son mari. J’ai réparé les instruments de tes sœurs, bien sûr, mais j’ai aussi continué et terminé de recopier les plans pour le domaine. J’ai peint. Il faudra que je te montre la peinture ; elle est encore loin d’être terminée, mais j’ai besoin de ton œil et de ton avis. Morion avait embrassé du regard lui aussi la masse grouillante de Marbrumeux noircissant la grande rue des Hytres. Il saurait lui dire si c’était fidèle à ses souvenirs. Les Clairmont veulent que je peigne un portrait d’une de leurs filles également, même si j’ignore pour quand encore. J’ai rencontré Hector de Sombrebois également, durant la vente aux enchères, comme je t’avais écrit…

Ambre eut une pause, se remémorant la soirée. Ses pouces terminèrent de nettoyer la zone derrière les oreilles du comte, et la jeune femme eut terminé de lui laver les cheveux.

- Le baron s’est montré extrêmement… labile, dans ses paroles. Il m’a confié des impressions sur sa femme… enfin, ancienne femme… Ambre avait toujours du mal avec ce mariage avorté, qui n’était réellement pas naturel. Bref, il m’a donc confié des choses sur leur vie commune, et le fait que même avant l’explosion de la nouvelle, tout n’était pas très rose entre eux. De telles confidences m’ont étonnée, ça n’était pas très, disons, correct. Mais j’ai cru comprendre que le baron me porte quelque affection et confiance dont j’ignore encore la provenance. Il semble encore secoué de l’affaire qui a fait éclater son mariage, et il compte se retirer un temps dans son domaine, seul, à ce que j’ai cru comprendre. J’ai tenté de nouer un léger lien, pour nous assurer ce contact le jour où nous aurons besoin de Sombrebois. Enfin, ce fut une agréable soirée, sinon. Talen m’avait… Oh. Ambre pouffa légèrement, se rappelant soudain un détail. Est-ce dans les habitudes de ton domestique de jouer au goûteur ? Il m’a volé mon verre au nez, ce soir-là – celui offert par Hector –, et en a bu une bonne gorgée avant de me laisser boire. La situation est devenue cocasse, quoiqu’un peu gênante, sur le coup. Ce domestique est aussi borné que toi, quand il le veut. Ambre n’en voulait pas au domestique, cela dit. Elle trouvait, en fait, son geste normal. Cela l’avait beaucoup surprise le moment venu mais… elle était la comtesse de Ventfroid désormais. S’assurer de ne pas mourir stupidement par des attaques sournoises, plus qu’intelligent, était nécessaire.
La comtesse soupira un instant, réfléchissant ce qu’elle pouvait conter d’autre.

- J’ai croisé quelques autres connaissances à l’Esplanade également, ai visité souvent ma famille. Rien n’a été contrariant, à part… Ambre se tut un instant. Elle s’était laissée emporter dans la continuité de son discours, et avait commencé à aborder un sujet que son ego rechignait à évoquer en présence du comte. A part ton espionne. Cassandre s’était montré particulièrement insultante, mais pire que cela, menaçante. En plus du mépris qu’Ambre ressentait à l’égard de cette femme, une certaine impression de danger s’était insinuée en elle à cause de cette femme. Impression qui s’était renforcée désormais qu’elle se savait enceinte. Ambre n’avait point envie de conter tout cela à Morion, en réalité. Elle aurait l’impression de venir se plaindre, telle une enfant qui vient rapporter à ses parents les vilaines taquineries de ses frères et sœurs, sans avoir la force et les moyens de régler cela seul. Cela serait ridicule. Aussi, à nouveau, Ambre éluda, même si elle ne pourrait pas longtemps rester silencieuse sur le sujet si Morion la questionnait plus à même. En tous les cas, le fait qu’elle ait laissé échapper, encore, une phrase à son sujet, était témoin de la hargne dont avait fait preuve Cassandre tout le long du mois de mars. Sinon… eh bien, Sarah a commencé à soupçonner ma grossesse lorsqu’elle a noté ma susceptibilité à des odeurs ordinaires. Ambre attrapa une main de son mari et vint la plaquer sur un sein. Je suis devenue sensible à cet endroit-là, aussi. Je dors beaucoup, et j’ai des haut-le-cœur assez réguliers, même si ça semble s’être calmé dernièrement. J’espère que les signes s’arrêteront là, c’est déjà bien assez difficile à supporter.

Ses lèvres se rehaussèrent en un sourire, s’imaginant un instant en épouse complètement insupportable le temps de sa grossesse, rendant Morion fou. Elle rit un peu, souhaitant que cela n’arrive point. Même si elle profiterait sûrement, de temps en temps, d’être au centre de l’attention, couvée comme une marmite sur le point d’exploser, et ce sans aucun scrupule. Même si, à l’heure actuelle, c’était plutôt Morion qui allait être couvé, à cause de sa cuisse.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 6 EmptyMar 2 Aoû 2016 - 4:08
Morion ne connaissait à l’heure actuelle guère d’autre substance qui lui permettre d’endiguer la douleur que le lait de pavot, et sitôt après en avoir pris au plateau, il avait décidé d’arrêter d’en prendre. Il préférait endurer des douleurs à en vomir plutôt que d’être soumis aux effets soporifiques et antalgiques de cette substance qu’il n’avait pas tarder à mépriser. Et en soi, même la douleur était réellement difficile à supporter, une partie de son esprit s’en détachait, pour en mesurer l’intensité notamment, et voir à quel point la guérison progressait, et à quel rythme. Quand il était plus jeune, et donc, quelque part, bien moins résistant à la douleur, les coups de fouets prodigués sans relâche par son père avaient eu un effet tout à fait spectaculaire sur le jeune homme. Non contents de développer de façon aussi cruelle qu’admirable sa résistance aux douleurs diverses, ils avaient également forcé le jeune comte à diviser son esprit pour ne pas perdre les pédales. C’était ainsi moralement, bien plus que physiquement en fait, très supportable. Chaque tiraillement sur sa plaie arrachait grimace ou grognement en fonction de l’intensité du message nerveux, mais il en profitait aussi pour tester sa résistance, et surtout, mesurer la diminution ou l’augmentation de la douleur. Il était doué pour ça, et ainsi, si les médecins ne trouvaient rien à lui donner, eh bien il s’en contenterait fort bien.

«Espérons-le. Mais en toute honnêteté je m’y habitue très bien. Le fait de sentir les brûlures et tiraillements est bon signe. Ma cuisse est d’une certaine manière… fonctionnelle. Je serais beaucoup plus inquiet si je ne sentais rien. Nous verrons une fois l’avis d’un guérisseur énoncé.»

A sa remarque suivante, il haussa légèrement les épaules.

«Je ne m’encombre pas de ce qui ne m’est pas nécessaire, c’est tout. Si je ressens un mal suffisant pour faire appel à l’un d’eux, je fais quémander un prêtre, ou je fais mander un guérisseur quelconque dans le but de trouver l’origine du mal. Mais c’est si rare, les pauvres hommes ou femmes seraient inutiles plusieurs années par décennies.
Il esquissa un petit sourire, quand elle fit allusion au zèle de Sarah. Oui, elle a toujours été très… attentionnée. Parfois trop. Même lorsque j’étais enfant. Cela lui ressemble bien.»

Quant à Estrée, bien qu’Ambre et elle aient pu discuter un peu au mariage, ou le bonheur était à l’affiche, il doutait cependant sérieusement que les circonstances soient idéales pour des discussions bon enfant. Elle venait en qualité de dirigeante du domaine, et même si l’état de son frère n’avait fait que hâter sa venue et la motiver un peu plus, l’esprit protocolaire restait tout de même important. Elle était, elle aussi, directement concernée par la signature d’un traité d’alliance entre Morion et les d’Auvray, donc serait ainsi mise plus au courant. Marianne avait sûrement fait un compte rendu à sa soeur aînée, mais nombre des choses qui avaient été dites dans le bureau du comte, sinon toutes, étaient restées entre ces murs. Morion se contentait de faire remonter les renseignements essentiels, il ne s’embarrassait pas, contrairement à Estrée et Marianne, de détails superflus. Il était le chef de famille, c’était donc à lui que revenait le rôle de centrale d’informations.

«Je ne sais si… Oui, c’est probablement une bonne idée. Même si je ne gage guère de la bonne humeur d’Estrée lorsqu’elle sera là. Tu l’as vue, si je puis dire, et malgré le peu de temps que cela dura, sous son meilleur jour. Je ne serai pas inquiet quant aux relations ou discussions que vous pourrez entretenir, mais ne t’attends pas à revoir la femme qui était à mon mariage. Ce n’était pas vraiment un avertissement ni quoi que ce soit d’approchant, plutôt un simple constat. Depuis les noces, et à plus forte raison depuis l’opération, Estrée était redevenue celle que Morion avait, involontairement, voulu qu’elle soit; une chef de guerre. Je ne sais ce qu’elle fera, je ne compte pas lui donner d’instructions précises, si elle doit ou non révéler ta grossesse au comté. Elle fera ce qu’elle juge bon, mais si elle l’annonce, nous allons de toute façon devoir y aller. Pas immédiatement, bien sûr, je suis parfaitement incapable de monter plus de deux volées d’escaliers, ne parlons même pas de chevaucher, dit-il avec un petit soupir.»

Estrée, sans même une seule indication du comte, pouvait tout à fait retenir l’information. C’était, chez les Ventfroid, une nouvelle fort espérée, et attendu. Il était le dernier homme vivant de leur famille. Un enfant, donc potentiellement un héritier - et nul doute que si aucun mâle ne se profilait en premier, ce ne serait pas l’unique tentative - signifiait énormément pour chacun d’eux, les filles comprises. Et dans le simple but de taquiner sa soeur, et de maximiser sa joie le jour où elle l’apprendrait, elle pourrait fort bien attendre l’arrivée de Morion au domaine et sa propre annonce. Néanmoins, les choses allaient si vite… Les modalités de révélations se feraient sur le tas.

«Ce serait heureux pour ta mère, oui. Le début du mois d’avril me paraît bien. J’aurai l’air un peu moins sorti du champ de bataille d’ici là, je gage. Il ne faudrait pas que ta soeur nous fasse un malaise en me voyant, elle avait déjà l’air suffisamment intimidée à ma vue, la première fois, dit-il avec un soupçon de taquinerie, faisant référence à sa première visite au manoir des Mirail, où la jeune soeur d’Ambre s’était avérée… mutique, face à la présence du comte. Et l’euphémisme était clair.»

En ce qui concernait Joscelin, s’il avait été seul juge de la chose, il ne se serait pas contenté d’un seul clou, mais de tous les objets tranchants, pointus et métalliques qu’abritait Marbrume et ses alentours. Il ne connaissait pas le personnage, ni son histoire - cela ne saurait tarder, des espions travaillaient déjà activement à ce projet depuis les noces - mais son comportement l’avait d’office mis sur la liste noire de Morion. Et c’était une liste sur laquelle personne n’avait envie de se retrouver. Et la témérité qui l’animait, qui amusait Ambre, le rendait également particulièrement brutal et violent dans les sanctions qu’il décidait d’engager. En d’autres termes, il avait simplement que Joscelin, malgré les mauvais tours que lui avaient joué Grâce et Ambre lors des noces, subirait également la punition d’un Ventfroid. Et celle là, il en conserverait des marques bien autres que les joues rougies de honte ou de colère d’avoir été humilié. Des marques que le comte qualifiait volontiers de persistantes. Il s’apprêtait justement à lui servir une version édulcorée de ces pensées, mais la phrase concernant Cassandre l’arrêta net dans ses élans de vengeur puéril. Son sourcil se leva lentement, et il coula un regard insistant, pendant de longues secondes, en direction de sa femme. Il en arrêta son déjeuner. Il n’avait pas envie d’engager un quelconque rapport de conflit avec elle si peu de temps après son retour, et encore moins discuter de la vicomtesse. C’était bien trop tôt à son goût. Il ne se permit qu’une remarque sarcastique.

«Je constate que vos rapports vont en s’améliorant, finit-il par lâcher d’un ton légèrement grinçant, mais sans aller plus avant.»

Voilà encore un problème, qu’il avait occulté, mais qui finirait bien par devenir autre chose qu’une discrète épine dans son pied. Il laissa un imperceptible soupir lui échapper. Il connaissait parfaitement les sentiments de Cassandre à son égard, et ils lui étaient d’ailleurs bien utiles. Il aurait simplement souhaité de la part de sa femme un peu plus de… distance ? Discernement ? Il ne savait guère. Mais elle était intouchable, l’idée était simple. Il l’avait épousée, elle portait son enfant, peu importe ce que pouvait bien raconter la vicomtesse, elle n’aurait (en tout cas il l’espérait) jamais la stupidité de l’attaquer de front, ou de le faire d’une quelconque manière qui puisse nuire soit directement à Ambre, soit à son enfant. Contrairement à l’épouse de Morion, elle avait eu l’occasion de voir Morion dans ses colères les plus noires, et il ne s’agissait pas d’une expérience qu’elle souhaitait itérer, encore moins si son courroux était dirigé sur elle. Il laissa cependant couler. Il était dans un état qui ne lui permettait pas de sortir plus loin que l’enceinte de son propre jardin, actuellement, aussi Cassandre allait s’avérer encore plus indispensable qu’elle ne l’était déjà, n’en déplaise à Ambre. Les voir toutes les deux s’observer et se tuer du regard, bien que contenant la foule de remarques acerbes qui brûlaient d’envie de sortir de leur gorge, n’était pas agréable. Il se sentait encore très las, et n’aurait probablement pas la patience de passer outre. Il finit par chasser ces pensées de son esprit. Chaque problème en son temps, et cette fois, l’heure était surtout aux réjouissances. Son regard se porta d’instinct sur le ventre de son épouse. Il n’avait pas envie de laisser quoi que ce soit entacher leur joie, surtout pas Cassandre.

--

Dans le bain la douleur diminuait progressivement. Comme à chaque fois, il en avait pris l’habitude. Il n’avait pas envie d’inquiéter sa femme, et contenait beaucoup ses réactions, mais certaines étaient irrépressibles, à son grand dam.

Il se laissa faire, sous ses doigts agiles, laissant la tension de ses muscles s’évaporer peu à peu sous ses gestes insistants, répétés. La plaie de sa jambe avait un avantage certain : elle relativisait nettement la douleur qu’il pouvait ressentir ailleurs. La marbrure laissée par le bras du fangeux qui l’avait frappé d’un revers bien senti était encore bien visible, et s’il n’avait eu une jambe percluse de traumas divers, il aurait probablement beaucoup plus senti les douleurs osseuses et musculaires que cela avait entraîné. Ses yeux s’étaient à moitié clos, savourant d’autant plus le massage de sa femme qu’il était aussi attentionné que précautionneux. Les souvenirs remontaient chez lui aussi, entraînant, malgré l’incapacité d’aller à l’encontre de son état physique, des manifestations évidentes du plaisir qu’il ressentait et des réminiscences des bains, bien plus sulfureux, qu’ils avaient pris avant son départ. Celui ayant suivi leur nuit de noces étant parfaitement mémorable. Décidant d’ignorer les appels de son corps, au risque de se retrouvé passablement irrité, il poursuivit le nettoyage du corps de son épouse. Il savourait d’autant plus ses baisers, peut-être avec un peu de fébrilité, que toute autre initiative était risqué.

«Eh bien… Laisse ton imaginaire tranquille, si tu veux mon avis. Je ne me suis moi-même pas vu, à ce moment. Et je t’épargnerai les détails les plus sanglants et les plus sordides. Un léger frisson, glacial celui-là, le prit, quand il repensa à ses plaies purulentes, ou encore au sang qui s’en échappait en quasi permanence par bouillons, puis minces filets, mais ne s’arrêtant que rarement. Puis les douleurs, les maladies, qui avaient provoqué un tel nombre de vomissements qu’il ne les avait pas tous retenus. Il esquissa un petit sourire, confiant quant à la réponse qu’il donna à sa question. Eh bien… Je n’en sais rien, le temps me le dira. Mais je m’entraînerai, rééduquerai ma jambe et ferait de mon mieux pour que si des séquelles à vie restent, elles soient le moins handicapantes possible. Si je ménage ma jambe, j’ai bon espoir qu’elle récupère totalement. Avec du temps. Le muscle a été assez attaqué pour que l’os soit apparent aux premiers jours mais… Cela se guérit.»

A vrai dire, il n’était pas aussi confiant qu’il voulait bien le montrer. C’était quelque chose de difficile à anticiper. Il n’avait pas pris un coup de pique ou de lame, mais c’étaient là des griffes de fangeux, qui l’avaient tailladé. Il avait déjà subi l’assaut de l’un d’entre eux par le passé, une triple cicatrice à son épaule le montrait, mais cela avait été assez léger, finalement. Quelques jours bandés, les onguents avaient servi d’excellent remède, et la suture avait même été dispensable. Là en revanche… Il se demandait si sa jambe retrouverait un jour sa pleine capacité, ou s’il ne serait pas boiteux à vie. Il apprendrait à faire avec, c’était certain, mais souhaitait ardemment que cela ne soit pas le cas. Il ne se ménagerait pas plus en étant en pleine possession de ses moyens que nanti d’une quelconque infirmité, alors mieux valait pour sa jambe qu’elle récupère totalement.

«Zéphyr d’Auvray. Et sa soeur se nomme… Idalie d’Auvray, voilà. Ils vivent tous deux à Marbrume actuellement. Je ne sais pourquoi c’est moi qu’il a choisi parmi la tripotée de nobles présents. Peut-être était-ce parce qu’il était sous mon commandement direct, et moins amené à nouer contact avec les autres, répartis sur la colonne. Je me pose toujours la question, et il sera bon de la creuser plus tard. S’il est étranger à Marbrume, il représente un risque mineur de soutien du Duc envoyé en espionnage ou que sais-je, mais j’aime autant me montrer prudent. Il se gratta légèrement la barbe, sur le menton, signe de réflexion. Il m’a néanmoins l’air d’être un homme sûr. Il se gratta plus poussivement, puis haussa les épaules. Nous verrons. Ton regard sera plus neutre que le mien, qui l’ai vu sur le champ de bataille. Je doute que tu fasses le moindre faux pas, par ailleurs, tu es bien plus aisée que moi en public, reconnut le comte. Fait qu’il assumait totalement notons, mais cela ne le rendait pas moins réel.»

Quand elle fit référence à son enfant, il ralentit légèrement le mouvement de ses bras, qui continuaient à savonner le buste et les bras de sa femme. Il y repensa, quelques secondes, son regard légèrement voilé par les souvenirs. Il n’avait connu que peu des habitants de l’Esplanade, étant enfant. A vrai dire, à cette époque, si l’on savait que Marie de Ventfroid avait enfanté, l’on avait quasiment jamais vu la tête de l’héritier. De fait nombre de rumeurs avaient commencé à courir. Enfant difforme, monstrueux, engeance du mal, ou enfant mort-né. Les langues pendaient beaucoup. La vérité était plus simple. Au plus tendre de son enfance Morion avait été un petit très chétif, et tombant facilement malade. Il évitait de sortir. Et il trouva rapidement bien plus plaisant de voir son père s’entraîner, d’apprendre les lettres, nombres et autres savoirs que de sortir, n’ayant pas un contact facile. Isidore avait qui plus est muré le manoir dans un épais silence, si bien que même les autres enfants, qui vinrent plus tard, et la plupart des sorties des Ventfroid se faisaient de nuit, et ne concernaient que de longs voyages. Si les choses avaient été différentes… Ils se seraient peut-être croisés, auraient partagé des soirées, des bals, des jeux. C’eût été amusant à voir.

«Oh tu sais, certains se demandaient même si nous existions vraiment. Ou ce à quoi nous pouvions bien ressembler. Les lumières du manoir étaient les seules choses visibles de l’extérieur, et mon père avait une incroyable tendance à refuser tout contact avec les autres. Pire encore que moi. Mais même enfant… Je pense que tu m’aurais fortement déprécié. Je n’avais pas besoin de mon père pour être frileux au contact des autres. Les livres me seyaient mieux, et je préférais largement leur compagnie à celle, bruyante et inepte, des enfants ou jeunes nobles de mon âge.
Il eut un petit ricanement. Tu m’aurais même sûrement détesté.»

Puis il l’écouta. Attentivement. Il était stupide de nier que les “aventures” de Morion étaient autrement plus palpitantes, mais il appréciait entendre la voix de sa femme, lui conter à sa manière ce qu’elle avait vécu de son côté. Une peinture, ou peu importe. C’était aussi distrayant et agréable que l’observer peindre en silence, ou l’écouter jouer une partition. Et elle participait plus activement que lui - moins ces derniers temps certes - à la vie de l’Esplanade, ses récits étaient de toute façon intéressants.

Il la rinçait ou la savonnait, distraitement, et parfois même, ni l’un ni l’autre, se contentant, le regard dans le vague, de caresser sa peau. Il suivait le tracé courbe de ses épaules, passait sur ses bras, en faisait le tour, remontait même jusqu’à ses mains, ou s’aventurait sur ses hanches, remontant ses mains en coupe pour libérer l’eau emprisonnée sur son corps. Ces bains étaient réellement apaisants, et même si les ablutions éveillaient un certain nombre d’envies, il préférait se concentrer sur des caresses chastes. Il évitait délibérément sa poitrine, ne descendant que jusqu’à l’orée de celle-ci, ou, comme il aimait le faire, en effleurer les côtés ou le galbe qui marquait sa fin. Un petit sourire amusé fleurit sur ses lippes à l’évocation du livre érotique qu’il lui avait laissé. C’était un peu volontaire, cette frustration, même si elle s’était finalement retournée contre lui. Il n’avait pas prévu de rentrer si tard, ni même dans un tel état, comptant sur l’attente des époux pour rendre leurs retrouvailles plus explosives que jamais, et comptant donc sur la lecture de se livre pour attiser l’impatience de sa femme. Si cela avait fonctionné, c’est lui qui s’était du coup retrouvé en mauvaise posture, incapable de mettre ses projets à exécution. Ambre néanmoins… avait fort bien montré que les conseils de Morion n’étaient pas tombés dans l’oreille d’une sourde, et avait plus qu’aimé la démonstration.

Il fut cependant plus attentif à la mention d’Hector. Il ne lui tenait absolument plus rigueur du petit incident survenu au mariage désormais, l’eau ayant coulé sous les ponts, et Morion avait désormais des priorités bien plus urgentes que de tenir rancune à un ivrogne d’avoir fait montre de son manque de résistance face aux spiritueux offerts aux invités. Il s’était lui-même sanctionné en agissant de la sorte, et le comte n’oubliait pas l’utilité que pouvait avoir le baron par les temps qui couraient. Des relations privilégiées avec lui étaient indispensables, et il avait sciemment demandé à Ambre de jouer de sa qualité de “femme parfaite” en conséquence. Et avec Talen à côté…

«Talen n’a fait qu’exécuter l’ordre que je lui ai donné. Et c’est un chevalier qui met toujours un point d’honneur à exécuter parfaitement, ou presque, ses missions. Défense à jadis… Ces trois mots paraissent dénués de sens, mais il est lourd de significations. Avant les choses étaient… Plus difficiles. Le royaume, bien qu’uni sous la bannière d’un seul homme, était encore empli de tumeurs. Tous ne reconnaissaient pas la légitimité des Trois, et donc de l’homme qui tenait son pouvoir de leur bénédiction. Les Ventfroid furent terriblement actifs, durant plusieurs siècles. Leurs vassaux également, de fait. Et leur devoir étant de nous protéger… Cet ordre représente cet ancien serment. Nous protéger comme au temps de jadis. Il n’a fait que goûter le vin, c’est une bonne chose. Si Hector s’était montré trop cavalier au goût de Talen, il l’aurait probablement poignardé dans la seconde… Morion ricana doucement, même si l’humour était en soi terriblement grinçant. Morion n’avait donné cet ordre à Talen que deux fois. La première fois il concernait ses soeurs, et la seconde, Ambre. Et Talen restait un homme de guerre, talentueux qui plus est. Les choses pouvaient vite tourner au désastre, lorsqu’il faisait montre d’un peu trop de zèle. Directement provoqué par Morion, en plus. Quant aux confidences d’Hector… Cet homme est trop simple pour être un éventuel dissident ou peu importe, du moment que cela monopolise l’esprit. En revanche, cela dénote une confiance, certes étonnante, mais toute avantageuse pour nous, en toi. C’est une bonne chose qu’il se soit montré si loquace. Ton aura de fille de bonne famille parfaitement exemplaire est visiblement toujours en marche. Moi-même l’aurai-je cru si tu ne m’avais guidé jusqu’à ton atelier, après tout.»

Il écouta le reste, puis redressa doucement le buste, abandonnant ses caresses pour passer les mains dans le dos de son épouse, et vint caler son front au dessus de sa poitrine, un petit sourire aux lèvres. Avait-elle tant besoin d’être rassurée ?

«Chère Comtesse de Ventfroid, dit-il d’une voix douce, je vous ai épousée, je vous ai offert mon nom, mon héritage, et vous m’avez offert un enfant. Penses-tu réellement que quiconque puisse seulement tenter de s’immiscer entre nous sans subir ma colère ? Je t’aime Ambre, veille à t’en souvenir, la prochaine fois que quelqu’un montrera trop de… confiance. Tu es intouchable, mon amour. A part peut-être par moi, glissa-t-il taquin, en laissant ses mains fondre lentement jusqu’à sa chute de reins.»

Il resta un moment dans cette position, jusqu’à ce que son dos commence à protester, puis s’adossa à nouveau à la cuve.

«Hm… Une pensée fit irruption dans l’esprit de Morion, qui plissa légèrement les yeux, puis leva les yeux vers son épouse. Lors de ta sortie, Talen ou toi avez-vous remarqué quelqu’un vous suivant ? De même, y avait-il des personnes… atypiques, ou étranges, dans la salle de vente ?»
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Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 6 EmptyMer 3 Aoû 2016 - 13:58
Mmh. Ce qui disait Morion n’était pas faux. Tant que sa cuisse lui envoyait des signaux de douleur… C’est qu’elle « vivait » encore, en quelque sorte. En espérant que la douleur termine par disparaître un jour cela dit. Les vieillards boiteux qui se plaignaient dans leurs vieux jours d’arthrose incessante et incurable, par exemple, ça devenait plus handicapant qu’autre chose. Morion était jeune cela dit, et Ambre avait bon espoir que dans quelques semaines ou mois, cette blessure ne soit qu’histoire ancienne. Elle masserait la plaie tous les jours s’il le fallait, ou ferait ce que leur préconiserait le guérisseur, mais elle ferait tout pour que Morion en garde le moins de séquelles possibles. Et elle espérait, aussi, qu’aucune autre mission de grande envergure contre la Fange ne soit aussi dangereuse. Même si dissocier le mot danger des fangeux était en réalité complètement impossible voire utopique.

Ambre se tut quelques instants lorsque Morion évoqua Estrée, et les raisons pour lesquelles elle rentrait. Qu’elle ne serait potentiellement pas ouverte aux conversations légères. Ambre frissonna légèrement, l’appétit un peu coupé durant quelques instants. La comtesse avait du mal à imaginer l’horreur que c’était là-bas. Oh, elle savait très bien imager, et elle n’était pas stupide. Rien qu’à voir l’état de fatigue dans lequel était rentré Morion, elle savait bien que le Labret était très loin d’être une partie de plaisir, et cela devait être très semblable au domaine. Ambre connaissait les responsabilités d’un comté, pour être fille et désormais sœur de comte. Cependant, le Ventfroid ne lui contait que peu de détails sur la situation là-bas. Ambre avait eu vent des réfugiés qui donnaient la main à la patte, des attaques régulières des créatures, mais clairement, en terme d’administration ou d’action, la comtesse n’avait pour l’instant rien fait. Elle n’y avait encore jamais mis les pieds, certes mais… c’était un peu… gênant ? De se dire que les sœurs du Ventfroid maîtrisaient mieux le domaine que la comtesse elle-même. Jusqu’à présent, tout ce qu’Ambre avait pu faire, c’était recopier des cartes et des plans. Rien de mirobolant, clairement. Elle espérait qu’à l’avenir son rôle prendrait bien meilleure forme. Qu’on la considère réellement comtesse de ces terres résistantes, et pas seulement « femme du comte », à jouer les potiches dans les apparitions publiques. Estrée et Marianne avaient endossé un rôle qui n’était pas le leur, et qui progressivement, devrait devenir celui d’Ambre. Même si, en toute franchise, désormais qu’une grossesse était engagée, Ambre voyait mal comment gérer le domaine au long terme de concert avec son mari, dans de telles conditions désastreuses. Cela la frustrait beaucoup, mais en même temps la soulageait, car l’Esplanade était un lieu qu’elle maîtrisait à la perfection, contrairement au comté.

- Eh bien… J’espère que son passage à Marbrume, même s’il est motivé par ses devoirs et les affaires du comté qu’elle doit voir avec toi… j’espère que cela lui fera du bien tout de même, souffla Ambre, se sentant concernée. J’aimerais autant que les Ventfroid ne tombent pas tous dans cette humeur noire que sème la guerre partout où elle passe.

Ambre fronça légèrement les sourcils. Elle en avait vu, des chefs de guerre changés, profondément marqués, sombres, durs, ou carrément désespérés. La guerre en marquait plus d’un, et il fallait avoir les épaules pour faire face. Si Estrée avait réussi jusqu’à présent à maintenir le domaine à flots, c’est bien qu’elle avait les épaules. Et Ambre ne pourrait jamais reprocher à sa belle-famille la dureté nécessaire à la gestion d’un tel comté au bord du gouffre. Elle souhaitait néanmoins, sincèrement, délester un peu la jeune femme du poids de ses responsabilités lorsqu’elle passerait au manoir, et l’aider au maximum.

- C’est noté pour la première semaine d’avril, alors. Je préviendrai ma famille dès aujourd’hui, ou demain, pour qu’ils aient le temps de tous se garder un jour de libre. Mon frère viendra sûrement avec sa femme ; ma nièce restera avec les nourrices au manoir j’imagine. Quant à ma sœur… Elle haussa un sourcil amusé face à la taquinerie du comte, se remémorant également la première fois que Jade avait pu voir de près le fameux Morion de Ventfroid. Les domestiques seront là pour la réceptionner si elle nous fait un malaise, mais je crois qu’elle a réussi à se faire à toi, va. Une petite tape à la fois amusée et exaspérée vint buter contre une épaule de l’homme.

Lorsqu’Ambre lâcha bien contre sa volonté une réplique à propos de Cassandre… Morion se crispa, et Ambre le sentit, même si elle s’était déjà détournée vers le plateau du petit-déjeuner pour éviter son regard. La comtesse serra subrepticement les dents à la remarque de Morion. Ah ça, pour aller en s’améliorant… Il ignorait à quel point. Mais peut-être comprendrait-il mieux, le jour où il abandonnerait ses œillères. Le jour où il prendrait vraiment le temps de s’arrêter sur les réelles raisons qui entretenaient l’animosité entre les deux jeunes femmes, plutôt que les regarder comme si elles étaient des enfants puériles, dont le sujet de dispute ne méritait pas même qu’on s’y attarde. Le jour où il arrêterait de balayer le sujet d’un geste de la main, peut-être se rendrait-il compte que sa femme taisait déjà énormément de choses potentiellement graves. Elle les taisait, pour lui, pour ne pas s’immiscer dans les affaires de ses espions, mais aussi pour son propre ego. En tous les cas, à force de minimiser l’affaire, Morion le regretterait un jour. Il avait confiance en son espionne, et pensait la tenir. Pas Ambre. Malheureusement, à l’heure actuelle, il était impossible de lui faire entendre raison, Ambre le savait, raison pour laquelle elle ne s’y était jamais essayée. Elle espérait juste pouvoir lui faire ouvrir les yeux un jour. Avant que sa femme ne termine une dague plantée dans le cœur, morte, et son enfant avec.
A noter également que ce cher seigneur de Ventfroid prenait un malin plaisir à rabrouer Joscelin de Puylmont en sa présence, mais quand elle faisait de même avec Cassandre, elle faisait face à un mur abrupt et solide. « Fais ce que je dis, pas ce que je fais », n’est-ce pas ? (:v) Cette manie de défendre cette femme l’agaçait au plus haut point. Mais Ambre haussa les épaules pour toute réponse au sarcasme de son mari. Bien évidemment que ça n’allait pas en s’améliorant. Tant que Cassandre ne rendait pas les armes, cela ne serait jamais le cas.

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Dans le bain, Morion grimaçait parfois, lorsqu’un mouvement pour se laver soulevait une douleur dans sa cuisse. Dans ces moments, machinalement, Ambre augmentait la pression de ses doigts pour le masser et le savonner, comme si elle voulait compenser cette douleur par un soulagement plus accru ailleurs. Elle commençait à redouter le moment de changer le bandage, mais elle s’y tiendrait.

La comtesse malaxait doucement la peau sous la mousse et l’humidité, et prit plaisir à voir Morion se laisser aller au petit massage improvisé, yeux mi-clos, dos légèrement affalé contre la cuve. Ambre savourait aussi ses doigts à lui, ses paumes, qui parcouraient sa peau, ses épaules, et qui invariablement, soulevaient en elle des frissons d’envie. Des semaines qu’ils n’avaient pas pu partager une telle proximité… Et avant leurs séparations, leurs bains avaient rarement été chastes. En fait, Ambre n’avait pas souvenir qu’ils aient une seule fois réussi à s’en tenir à se laver l’un l’autre. Ils avaient toujours terminé par déraper, avec plaisir et fébrilité, vers des caresses plus poussées et rendues très attendues par les ablutions. Et là… elle sentait les effets des envies de Morion également, agenouillée au-dessus de lui, son intimité tout proche de la sienne. Ils s’effleuraient parfois, et la comtesse n’avait pas pu ne pas remarquer. Elle entrouvrit légèrement les lèvres, étouffant son envie dans une morsure qui vint titiller l’épaule de l’homme, se mettant au passage d’ailleurs une noix de mousse sur le nez. Grands dieux, combien de temps cette blessure les forcerait-elle à rester raisonnables… ? Pouvait-elle réussir à prendre d’assaut son bassin sans que les mouvements ne s’étendent aux jambes du comte ? Il faudrait qu’il reste complètement amorphe et inactif, se laissant guider par les coups de rein de la jeune femme, en même temps que cette dernière s’efforcerait de ne jamais effleurer la cuisse. Un challenge difficile, mais qu’elle tenterait sûrement lorsque plusieurs jours auraient coulé, et que la tension serait devenue insupportable. Des semaines qu’ils n’avaient pu profiter l’un de l’autre, et désormais qu’ils pouvaient se toucher, ils devaient museler leur passion… Les dieux avaient un sens de l’ironie douteux.

- J’escompte bien que Talen te garde en forme malgré ta blessure, mais je te préviens, je m’en mêlerai si vous forcez trop. Il y a besoin de rééducation mais… prenez le temps de laisser cette pauvre jambe se reposer. Elle vint embrasser brièvement son époux, comme pour clore une sorte de contrat. Je veillerai à ce que vous soyez raisonnables. Tous les deux. Talen était parfois pire que son mari lorsqu’il s’agissait de combat, raison pour laquelle elle l’incluait dedans. Mmh… Quand tu seras mieux remis, crois-tu que j’aurai une chance face à toi, avec mes coups de dague ?

Elle pouffa un peu, s’accordant peu de talent là-dedans, et n’envisageait même pas réussir à vaincre Morion même s’il arrivait sur elle en boitant, à dire vrai. Mais c’était étrange ; ces séances lui avaient manqué, malgré le fait que cette activité soit peu seyante pour une femme. Tout lui avait manqué, jusqu’aux ronchonnements de son mari.

- Auvray, Auvray… Ambre répéta doucement le nom pour elle-même, essayant de soulever des souvenirs, des choses sur ce nom. Mmh… Non, cela ne me dit strictement rien. Il doit venir de bien loin au sein du Royaume pour que cela ne m’évoque rien du tout. J’espère qu’il est sûr et que tu ne te trompes point à son sujet, oui. Je donnerai mon avis quoi qu’il advienne. Mais si tel n’est pas le cas, et les Auvray s’avèrent félons… Eh bien, je le plains plus que nous, à dire vrai. Il aurait sur le dos ton courroux et le mien réuni, même si ce n’est encore jamais arrivé, je ne donne pas cher de la peau de la personne qui subira ça.

Pour le coup, elle était très sérieuse lorsqu’elle dit cela, et ne partit pas dans un air amusé comme à son accoutumée. L’élaboration d’un lien vassalique était particulièrement importante, et la comtesse ne le prendrait jamais à la légère. Qu’on ne prenne pas leurs vassaux à donner le moindre signe de trahison.

Ambre écouta avec curiosité les propos de Morion sur son enfance, et s’en amusa, à dire vrai. Après avoir terminé de laver les cheveux de son époux, elle entreprit de nettoyer ses bras, jusqu’aux mains, et fit tourner l’alliance de l’homme autour de son doigt jusqu’à ce qu’elle puisse répondre.

- Cette description ne change pas beaucoup de ce que tu es actuellement, Morion. Plongé dans les livres, réticent au contact avec les autres nobles. Même si depuis que tu me connais ça s’est un peu amélioré il est vrai. Elle décocha un regard rieur. Plutôt que détesté, je dirais… intriguée. Oui, tu m’aurais intriguée étant enfant, je pense. Ou effrayée. Un mélange des deux probablement.

Ambre coula un regard plein de réflexion sur son mari cela dit. Il ne lui avait que peu conté son enfance… C’était quelque chose qui l’intéresserait beaucoup, si un jour il se sentait la fibre nostalgique. Morion paraissait avoir grandi dans une solitude énorme… Une solitude dont il se satisfaisait aujourd’hui, qu’il appréciait même, mais la façon dont il couvait sa femme… Ambre se demandait si ce manque de contacts, qu’il avait toujours subi, ne se trouvait pas compensé aujourd’hui dans son mariage, qu’il mettait un honneur tout particulier à rendre heureux. Il n’était pas si taciturne qu’on pouvait le croire, lorsqu’on apprenait à le connaître.

Morion l’écoutait parler, doucement, profitant des histoires qu’elle avait à conter pour continuer à la nettoyer. Chaque fois qu’il passait autour des seins, Ambre avait du mal à rester concentrée. Elle brûlait qu’il vienne les empoigner, qu’il glisse les mains derrière ses omoplates et vienne la plaquer contre lui… Diantre ce qu’elle brûlait de lui. Elle se replaça correctement au-dessus de l’homme, soulageant un instant ses genoux, inspirant doucement pour contenir la fièvre qui montait, terriblement frustrante. S’il savait à quel point l’effet qu’il pouvait avoir sur elle…

- Défense à jadis… Je n’ai rien eu à redire à la protection de Talen, il est vrai. Même sans cet ordre que tu lui avais fait passer… Je ne doute pas qu’il aurait pris son rôle de garde très au sérieux. Il est assez plaisant de sortir en compagnie de Talen. Il joue son rôle de protecteur mais elle est de meilleure compagnie qu’un simple sbire. J’espère cela dit que mes sorties ne l’ennuient guère. Ambre haussa légèrement les épaules, si c’était le cas il n’avait pas vraiment le choix de toute manière, la comtesse ne sortirait jamais seule dans la basse-ville, déjà par simple discernement personnel, mais aussi car Morion lui tomberait dessus s’il l’apprenait.

Concernant Hector, en effet, c’était un homme simple, bon vivant, qui voyait… eh bien, qui ne voyait pas plus loin que le bout de son nez. Du moins était-ce l’impression qu’il lui avait laissée. Il envisageait mal la fourberie chez un interlocuteur… Cela lui porterait préjudice un jour peut-être, mais cela serait dommage. Car il n’avait, au final, pas mauvais fond. Mais Marbrume était impitoyable. Ambre espérait qu’elle avait au moins fait assez bonne impression avec lui pour s’assurer quelques futurs échanges avec le domaine de Sombrebois.

Par la suite, Ambre resta un peu soufflée, lorsque Morion posa son front contre ses clavicules, et entreprit de la rassurer au sujet de leur union. Quand il déclara à nouveau son amour, son ventre se tortilla de bonheur. Elle était peu habituée à entendre ces mots sortir de sa bouche, et ne s’en lassait pas depuis la veille. Une certaine chaleur l’envahit, et embrasa légèrement ses joues. Intouchable… C’était si bon de l’entendre dire pareils mots, de lui assurer une inclinaison parfaite. Ambre fut touchée, beaucoup. Depuis la veille, elle évoluait dans une sorte de… bonheur amoureux, qui avait brisé les barrières qu’elle avait enroulées autour de son cœur. Il fut très difficile de ne pas fondre d’émotion. En fait, elle n’y parvint pas du tout. Souriante, un peu rougissante, elle glissa ses mains derrière la nuque de son mari, fouraillant dans les cheveux.

- Non... J’ai confiance en toi, n’en doute jamais, souffla Ambre. Tu n’as pas besoin de me rassurer là-dessus. Elle était sincère. Elle avait toute confiance en son époux. C’est en Cassandre qu’elle ne croyait pas. Morion, lui, était une des personnes en qui elle accordait une confiance aveugle, et ces dernières se comptaient sur les doigts de la main. A part son frère, peu pouvaient se targuer de posséder toute l’estime de la comtesse. Non, elle avait confiance en Morion, et n’avait pas pensé une seule fois qu’il puisse céder aux avances de Cassandre si un jour elle osait… Cela n’était pas là-dessus qu’elle commençait à avoir des doutes ; la blonde n’avait aucune chance. Mais c’est justement parce qu’elle n’en avait aucune… que la vicomtesse risquait de tomber dans des écarts irréversibles. Ambre craignait pour sa propre sécurité, voire celle de son mari. Dans ses nombreuses visites au manoir en l’absence de Morion, elle avait sans honte aucune parlé de « l’évincer ». Il n’y avait pas menace plus claire. Quant au reste… eh bien, je n’ai appris que hier que nos sentiments étaient partagés, marmonna Ambre, admettant à demi-mots qu’elle se laissait peut-être effectivement trop vite contrarier par la blonde. La comtesse frissonna lorsque les mains du comte coulèrent dans sa chute de reins, et elle reprit dans un souffle, un sourire aux lèvres face à la taquinerie de l’homme. Etre intouchable sauf par toi… Ma foi, je m’accommoderai avec plaisir de cette faiblesse, mon cœur. Elle pouffa doucement. Quand l’homme s’adossa à nouveau contre la cuve, Ambre se pencha vers lui, réduisant la distance que cela avait mis entre eux. Elle échangea un long et chaud baiser. Je t’aime, ne l’oublie pas toi non plus, souffla-t-elle à son oreille en dernier lieu.

Si Morion n’avait pas embrayé sur un autre sujet, sûrement la comtesse serait-elle restée ainsi blottie contre lui, encore toute attendrie par les paroles que son époux lui avait servies. C’était stupide peut-être, mais elle avait la poitrine gonflée de bonheur à partager ce genre de moment avec lui.

Ambre fronça doucement les sourcils à sa question, un peu étonnée.

- Non, rien d’approchant… Sinon t’en aurais-je parlé dans mes dernières missives. Je ne pense pas que nous ayons été suivis, Talen ne m’a rien notifié là-dessus, et je n’ai rien remarqué non plus. Au sein de la vente… eh bien, Hector et moi avons fait notre effet, des nobles ne passent jamais inaperçus, même parmi des marchands peut-être plus riches que nous. Beaucoup coulaient des regards vers notre table, et j’ai beaucoup bataillé avec l’un d’eux au cours des enchères. Un homme qui m’observait beaucoup, mais c’était surtout motivé par sa volonté de déterminer quelles pièces m’intéressaient, je crois. Ou par ma beauté, que sais-je, ajouta-t-elle, taquine. Un vrai espion aurait été bien plus discret. Mais… Pourquoi cette question, mon époux ? Tu as eu vent de quelque chose ?
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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 6 EmptyMer 3 Aoû 2016 - 23:40
Les secrets de Morion. Suffisamment nombreux et complexes, pour beaucoup, pour remplir à eux seuls un ouvrage complet de ses archives. Avare de partage à ce niveau là, qui plus est. Le manque de confiance y était pour beaucoup, et quand cela concernait Ambre, il estimait juste qu’elle n’avait pas forcément besoin de tout savoir, ou alors, que la mettre au courant mettrait ses plans, même involontairement, en danger, ou la mettrait en danger elle, ce qu’il ne pouvait se permettre. Ainsi, contrairement à ce qu’elle pouvait penser de ses oeillères, même si lui-même ne le savait pas, ces dernières n’étaient justement pas si opaque que cela. Tout d’abord, conserver Cassandre à son côté, en plus d’éviter l’ébruitement d’informations comme les bâtards qu’il avait fait, ou jouer de ses sentiments pour s’assurer sa fidélité absolue, était un choix fait sciemment. Quant au reste… Eh bien disons que le comte n’était pas si sourd et aveugles aux tensions qui montaient, et qu’il connaissait très bien Cassandre, ainsi que ce qu’elle était capable de faire pour parvenir à ses fins, quelles qu’elles soient. C’était un problème qu’il traitait au compte gouttes, mais il manquait réellement d’éléments pour rendre toute action juste. Et malgré les menaces qu’avait pu proférer Cassandre, dont il n’était pas au courant, sans passage à l’acte… Il n’aurait pu que la réprimander. Mais l’attitude de la jeune femme depuis ses noces, et même avant, soyons honnêtes, ne lui était pas sortie de l’esprit. Chaque chose en son temps, c’était le principal.

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Un bain qui était aussi agréable que frustrant. La douleur de sa jambe s’engourdissait à mesure que la chaleur prenait possession de ses membres et de ses muscles, et la plaie elle-même s’était de mieux en mieux accoutumée à l’eau chaude, qui de toute façon ne pouvait que refroidir. Le massage de sa femme accélérait sa détente, et cependant attisait son envie. Sans compter que l’avoir nue, au dessus de lui, même si ses attentions étaient parfaitement chastes, était loin de le laisser indifférent. Il avait de sérieux doutes, au demeurant, sur la capacité qu’il aurait à encaisser des ébats, surtout dans la cuve ou leur liberté de mouvement était restreinte, et où ils étaient qui plus est capables d’une certaine… ferveur. Il ne voulait pas se montrer plus entraînant que ce qu’il était déjà, néanmoins, même si c’était atrocement difficile. L’un comme l’autre ne répondraient plus de rien ensuite, avec les risques que cela impliquait. Une situation qui était donc parfaitement et totalement frustrante.

«Talen serait plus du genre à devoir attendre un ordre absolu de s’entraîner avec moi, il a assisté à ma convalescence, et cela m’étonnerait, même de lui, qu’il me pousse à bout en salle. Ne t’en fais donc point, je travaillerai surtout mon habileté, non les charges ou esquives. Il haussa un sourcil à sa question, le sourire narquois. Je suis certain que d’ici une dizaine d’années, tu me battras à plate couture… Si ma jambe ne se remet pas. Je t’enseignerai quelques bottes à utiliser contre des infirmes, si tu veux. Tu auras une petite chance, ainsi.»

Son air goguenard indiquait clairement le peu de sérieux de sa remarque, même s’il n’allait pas pour autant négliger son entraînement. Il avait beau être rentré, cela ne signifiait pas qu’il fallait se reposer sur ses lauriers, et effectivement, avec le temps il lui enseignerait des coups bien plus vicieux, afin qu’elle puisse se défendre… Mais aussi attaquer la première, si cela était nécessaire. L’on voyait parfois arriver un agresseur avant qu’il ne vous tombe dessus, ou était contraint à mettre à mort quelqu’un. Il n’en ferait pas une assassin, c’était certain, mais il avait bien en tête de lui fournir un entraînement complet, long peut-être, mais qui diminuerait les risques au maximum. Et ces séances lui avaient manqué également. Si les dernières avaient été âcres, voire même désagréables pour chacun d’eux au vu de leur situation avant son départ, le début avait été tout à fait plaisant, et les efforts que faisaient sa femme à absorber son enseignement le gratifiaient aussi, d’une certaine manière.

Pour les Auvray, Zéphyr en particulier pour le coup, étant le seul tenant du titre et seul autre survivant de sa famille, en excluant sa soeur, il se fiait surtout à l’avis de sa femme. Elle ne le connaissait pas, son jugement serait objectif. Il ne pensait pas se tromper à son sujet, mais tout était possible aujourd’hui, et n’aimait pas mettre Ambre à l’écart de ce genre de choses. Outre son rang d’épouse, elle jouissait officiellement du rang de comtesse de Ventfroid, un rôle qui imputait un certain nombre de responsabilités. Et si elles étaient pour l’heure assez légère, étant donné qu’à part des plans à recopier il n’avait rien demandé, il ne comptait pas l’épagner longtemps. La grossesse jouait cependant en sa faveur, tant qu’elle n’aurait pas enfanté, et à partir du moment où son ventre montrerait des signes évidents de renflements, il la ménagerait bien plus. Mais d’ici là, et après, elle partagerait autant sa vie que sa couche, ses repas, mais également ses devoirs. Cela pouvait paraître assez étonnant de la part d’un homme qui rechignait tant à déléguer le plus petit de ses devoirs, mais même Marie de Ventfroid, sa mère, épouse d’un homme rigide par dessus tout, avait également partagé les devoirs de son mari. Et l’on ne parlait pas là de l’affiche d’une mise en tous points parfaite en public ou de se faire bien voir de ses pairs.

Quant à son enfance en revanche il resta silencieux. Intriguée… Qui sait. Plus jeune, ce n’était pas tant Morion qui était effrayant, quoi que ses entrainements lui donnaient régulièrement un air de cadavre relevé, mais plus qu’il était d’un fanatisme tel que même ses propres parents avaient parfois tendance à le remettre en place. Il était éminemment plus dur et sélect dans ses jugements. Il n’avait pas cette manie d’éviter la noblesse ou de rester, dans un coin, discret, sans rien dire. Si un mot lui déplaisait, il n’avait aucune hésitation à rabrouer, vertement souvent, le ou la coupable. Son comportement s’était heureusement fortement nuancé avec le temps. Beaucoup moins direct, mais bien plus roublard.


Il écoutait, simplement, son épouse parler et répondre quand il lâchait une remarque, laissant au bain et les attentions de sa femme le détendre. Typiquement le genre de moment qu’il aurait volontiers laissé durer des heures et des heures, malgré l’impossibilité de la chose. Ses envies couvaient, muselées de force et assez contrariées de ce fait, et en même temps, il goûtait à sa tendresse, la douceur de sa voix, ses intonations, parfois sérieuses, normales en fait, parfois plus taquines, espiègles. Il savourait le tout comme une mélodie qui se dispensait fort bien d’instrument, laissant de côtés les soucis du comté, de la ville, ou même ceux qu’il rencontrait avec sa propre jambe. Un petit sourire se dessina à la mention du zèle légendaire de Talen.

«Nul doute qu’il aurait été sérieux, mais pas au point d’exécuter quelqu’un ou au moins de le mutiler à vie s’il s’était avéré à ses yeux un danger potentiel. Ne t’en fais point pour les sorties. Il faisait de même avec ma mère ou mes soeurs, jadis, et cela lui convenait parfaitement. Il sera ravi à chaque fois que tu lui proposeras, il passe le plus clair de son temps ici et apprécie nettement mieux que moi l’air extérieur et l’ambiance citadine.»

Il s’avérait même, lors d’achats divers, d’étoffes ou même d’armes, d’extraordinairement bon conseil. Sa petite manie d’agir ou d’intervenir de façon impromptues se faisait beaucoup plus flagrantes dans ce genre de situations. Et même s’il était vieillissant, il se satisfaisait encore fort bien de ces petites virées.

Alangui contre son épouse, c’est avec un sourire doux qu’il goûta ses répliques. Il avait tout de même préféré préciser. Il connaissait Cassandre depuis plus de quinze ans, et Ambre en était parfaitement consciente. C’était d’ailleurs probablement pour ça qu’elle taisait toutes les paroles qui devaient lui venir à l’esprit à l’évocation de la Vicomtesse. Un petit rappel ne faisait néanmoins pas tant de mal que cela. Et, même si Ambre n’avait encore eu l’occasion d’expérimenter la chose, Morion ne punissait pas, lorsqu’il estimait qu’une faute avait été commise. Il détruisait. Si elle avait entendu les paroles du comte à l’égard de Cassandre lors du bal de leurs noces, peut-être aurait-elle plus facilement enduré sa présence. Impossible de savoir. Il savoura son baiser tant de temps qu’il le put, remontant ses mains jusqu’à l’arrière de son crâne pour l’approfondir. Il muselait certes ses envies, mais elles trouvaient tout de même un moyen insidieux de guider ses mouvements. «Je n’oublie pas grand chose mon amour, et cela ne risque pas d’en faire partie, répondit-il avec un sourire.»

Quant à la question qu’il lui avait posé, elle eut au moins le mérite de le refroidir très légèrement, quand il dut y répondre, forçant un peu son sérieux.

«Vent… On peut dire ça. Depuis quelques mois, dès que je… Je fais excursion en ville, disons, peu de temps après je reçois une missive. Elle est scellée par une emblème que je ne connais pas, indéchiffrable. Et pourtant je connais nombre d’armoiries du duché, et même du Royaume. Cela me perturbe. Certaines des missives parlaient de me guetter, d’autre signalaient ma présence. D’autres étaient carrément vide, mais le message était clair : j’avais été aperçu par l’un de ces… Je ne sais même pas ce qu’ils sont, ni combien ils sont. Et aucun de mes espions ne connaît le cachet qui scelle ces lettres. J’en ai reçu une, au domaine. Suite à ta rencontre avec le Baron de Sombrebois. Pourtant… Talen n’aurait jamais raté quelqu’un vous observant et paraissant réellement suspect. Le mystère est complet.»


A vrai dire, il se penchait sur l’affaire depuis qu’elle avait commencé. Au début il ne s’en préoccupait guère, mais elles arrivaient avec un décalage parfait suivant ses sorties, même le minutage d’arrivée du pigeonnier semblait calculé. C’était d’autant plus agaçant que le comte avait l’impression de brasser du vent. Et il aurait sûrement tu la question, si seulement la missive contant l’entrée d’Ambre dans la salle des ventes ne lui était pas parvenue. Qu’on le guette ou l’espionne lui, cela faisait partie du jeu, mais si cela se répercutait également sur sa femme…

«Je ne vois même pas l’intérêt d’une telle chose à dire vrai… L’espionnage ? Pourquoi signaler, en ce cas, le fait que j’aie été plusieurs fois espionné ? Ils doivent se douter que je vais redoubler de prudence - sans succès d’ailleurs, vu le nombre de lettre, corrélant avec précision mes excursions dans les bas fonds. Je ne pense pas que cela reste urgent, mais je pensais que tu aurais peut-être remarqué quelque chose. Tu as l’oeil, après tout.»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 6 EmptyJeu 4 Aoû 2016 - 15:36
Ambre rit à la remarque de son époux, mais prit un air faussement vexé. Sa main vint pousser doucement contre son épaule, l’air de dire « non mais », ce qui était une répartie tout à fait ridicule, même la comtesse pourrait l’admettre. L’eau clapota un instant face au mouvement, et Ambre vint mordiller les lèvres de son époux par pure vengeance, agrippant sa lèvre inférieure et l’écartant légèrement durant quelques secondes. Mais à travers la moquerie, c’était quasi vrai : elle n’avait pas grandes chances même face à un infirme à l’heure actuelle, si tant est qu’il avait été un tant soit peu expérimenté dans ses jeunes années. Ambre prenait la dérision de bonne guerre, mais cela ne l’empêcherait pas d’être sérieuse dans ses entraînements lorsqu’ils reprendraient. Même si elle était peu douée, elle ferait tout pour le devenir un peu. Elle refuserait qu’ils reprennent tant que Morion ne soit pas rétabli dans tous les cas, donc cela allait attendre un petit peu. Puis cela durerait jusqu’à ce que sa grossesse ne le permette plus ; elle ne pousserait pas son corps jusque dans ses retranchements, elle tenait à son enfant un minimum, même si se rendre compte de sa présence était encore difficile.

- Eh bien, j’ai hâte d’apprendre ces bottes secrètes contre les infirmes alors. J’espère que tu prendras soin à les apprendre à nos enfants plus tard, en cas qu’un vieillard tente de les attirer avec des friandises.

Riant encore un peu, Ambre se pencha un peu par-dessus la cuve pour récupérer un petit seau. Elle le plongea dans leur bain pour le remplir généreusement, et doucement, elle releva le menton de son mari et entreprit précautionneusement de rincer les cheveux de son époux. L’eau glissa du petit seau, s’écoulant sur les mèches châtain. De son autre main, Ambre caressa les racines des cheveux au-niveau du front pour empêcher l’eau de lui couler dans les yeux, et continua ainsi jusqu’à ce que la tête de l’homme soit exempte de mousse. Elle glissa ses doigts dans les mèches humides ensuite, pour les démêler un peu, laissa à nouveau quelques baisers entre deux phrases de leur conversation.
A la mention de Talen accompagnant les sœurs et la mère de son époux, cela ne l’étonna pas vraiment. Depuis qu’elle connaissait le Ventfroid, Talen s’était montré être un homme particulièrement polyvalent. L’imaginer prendre du plaisir à faire des sorties, quand bien même étaient-elles strictement féminines, n’était pas si difficile. Il était, disons, un peu plus sociable que Morion.

La suite fut agréable, comme toujours lorsqu’ils échangeaient leurs sentiments. Ambre était touchée, et son cœur fondait comme glace au soleil. Il y avait bien, bien longtemps qu’elle ne s’était plus sentie aussi… légère. Morion la comblait, dans tous les sens du terme. Il ne pouvait pas savoir à quel point ses paroles lui avaient fait du bien. Elle espérait que cela dure, que cela ne s’arrête jamais. Il était utopique de penser que leur couple ne passerait par aucune épreuve à cause de la fange mais… Ambre croyait désormais vraiment en leur couple, et pas que pour faire tomber Sigfroi. Pour eux, pour leur famille… pour leur vie, tout simplement. Elle ne l’envisageait plus sans Morion.

Leur moment de joie partagée fut interrompu cela dit. Interrompu par quelque chose de bien plus sombre. Lorsque Morion lui exposa les raisons de ses questions étranges sur de possibles personnes qui auraient suivi la comtesse et Talen lors de leur sortie, l’expression de liesse et d’amusement qui courait sur son visage la quitta brusquement. Ses traits se figèrent, ses sourcils se froncèrent, et elle se recula un peu, pour mieux observer et écouter son mari. Elle avait reposé le petit seau qui avait servi à rincer les cheveux de son mari, qui flottait désormais autour d’eux dans le bain. Son souffle s’était fait ténu, presque interrompu, à mesure qu’elle écoutait. Ses yeux s’étaient écarquillés légèrement, aussi, et un long frisson de danger avait couru le long de son échine. Ambre abandonna le visage de l’épouse aimante, pour prendre soudain celui de la noble sérieuse, calculatrice, réfléchissant à toute vitesse.

- Depuis quelques mois dis-tu ? Quand précisément ? Son ton était devenu un chuchotis alors que ses sourcils étaient toujours froncés, mélange de colère qu’on s’attaque à son époux, mais aussi d’inquiétude. C’est antérieur à la fange, ou postérieur ? Nous connaissions-nous lorsque tu as reçu les premières, ou est-ce venu après nos fiançailles ?

Ambre aurait pu lui reprocher de ne pas lui en avoir parlé plus tôt, mais, étonnamment, cela ne lui vint pas même à l’esprit sur le coup. Il lui en avait parlé désormais, et elle se sentait terriblement concernée. Bien évidemment. L’on envoyait des missives menaçantes à son mari, elle était forcée de s’en préoccuper. Si on s’attaquait à lui, l’on s’attaquait à elle. Elle respecterait avec un zèle tout particulier les préceptes de leur mariage. Quant à la question sur la chronologie de ces missives, elle était essentielle pour pouvoir déterminer un élément potentiellement déclencheur à ces menaces. Essentielle, et pas anodine. Ambre souhaitait savoir également si ses noces avec lui avaient un lien, ou pas du tout. C’était le genre de détail qu’il ne fallait point laisser passer.

- Il faudra que tu me montres ces lettres, si tu les as gardées, murmura Ambre, une certaine colère courant dans sa voix. Je ne laisserai personne continuer à te menacer de la sorte. Comment est ce sceau qui t’est inconnu ? Je gage qu’il ne me dira rien à moi non plus, nous sommes tous deux natifs du duché, j’ai les mêmes connaissances que toi en héraldique, alors si cela ne t’évoque rien… Mais qui ne tente rien n’a rien. Si elle devait démonter toute la bibliothèque pour trouver une évocation sur ce sceau étrange, elle le ferait. Comment était l’écriture dans ces lettres, lorsqu’elles n’étaient pas vides ? Féminine ? Masculine ? Quelle était la facture du papier ? Enfin, tu me montreras tout ça, je veux le voir de mes yeux, claqua Ambre, déterminée.

Les sourcils d’Ambre s’étaient froncés un peu plus, et elle vint attraper les mains de son mari, les caressant de son pouce, terriblement préoccupée. Elle n’aimait pas ça, c’était évident.

- Quant à mon passage à la vente aux enchères, c’était stupide de t’envoyer ça. C’est loin d’être témoin d’un quelconque talent en espionnage. Je n’ai en aucun cas caché ma présence là-bas, je me suis présentée à l’établissement visage découvert, dans une vente d’art. Ma présence a pu être murmurée partout et venir aux oreilles de ces… espions… sans même qu’ils m’y aient vus. La provocation est ridicule. Ambre fit une pause. N’ont-ils fait que ça, faire remarquer ta présence, ou la mienne, dans les lieux publics ? Tu n’as jamais reçu de chantage ou quelque chose s’en approchant… ? Et… tes sorties, étaient-elles toutes faciles à remarquer, ou as-tu reçu ces messages même après des déplacements censés être très discrets ?

Il fallait dès à présent déterminer si le danger était réel, ou s’il s’agissait juste d’une mauvaise plaisanterie destinée à simplement effrayer. Si on lui envoyait un message dès qu’il participait publiquement à une soirée type Clairmont, ça n’était disons, pas un exploit qu’il y ait été vu. De même pour Ambre avec sa sortie aux enchères.

- De l’espionnage… non en effet, c’est étrange… Un bon espion ne grille jamais les pions qu’il a réussi à placer. C’est stupide. Ambre serra doucement les mains de son mari, sous l’eau. De la provocation ? Des menaces ? Cela parait déjà plus probable… As-tu des ennemis qui pourraient profiter de la fange pour asseoir leur vengeance ? Des ennemis antérieurs à la fange, j’entends. Ceux qui sont venus après, je pense les connaître.

Joscelin de Puylmont flotta un instant dans son esprit, puis la vision s’estompa après un battement de cils. Ambre abaissa les épaules après avoir réfléchi, réfléchi encore.

- Non, tu m’en vois navrée, mais je n’ai vraiment rien remarqué de louche autour de moi… Je t’en aurais parlé bien plus tôt sinon et… Bon sang. Ambre frappa contre l’eau, de dépit et de rage, ce qui fit voleter une gerbe humide par-dessus la cuve. Je ne supporte pas me sentir prise de court. Surtout dans ce genre de dangers. En as-tu parlé à quelqu’un d’autre ?

Si Morion ne considérait pas cela urgent, cela l’inquiétait beaucoup, elle. C’était quelque chose qu’il ne fallait surtout pas laisser de côté. A trop négliger ce genre de détails, on finissait par y laisser des plumes.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 6 EmptyJeu 4 Aoû 2016 - 18:28
Depuis le temps que tout cela durait, Morion avait pu attaquer le problème et le considérer de façon bien plus sereine que son épouse. Elle venait d’être mise au courant, sa réaction était compréhensible, mais le comte estimait que si la situation avait de quoi préoccuper, elle n’était pour l’heure pas menaçante ni même dangereuse. La conquête du plateau avait fortement remué la ville, et même si pendant celle-ci, une missive lui était parvenue… aucune action n’avait été engagée. C’était un problème très épineux, sur lequel Morion passait régulièrement du temps. Néanmoins, il le traitait au second plan. Et autre détail, en dehors des risques, il s’amusait beaucoup. Le problème dans un espace à huis clos, c’était que le mystère avait une rapide tendance à s’évaporer dès lors que l’on mettait un peu d’effort en oeuvre pour le dissoudre. Et c’était… Bien, d’une certaine manière, mais également, pour quelqu’un d’aussi joueur que Morion, terriblement frustrant. Mobiliser des espions, effectuer des surveillances rapprochées, investiguer, tout ceci prenait souvent moins de quelques mois. Et les affaires traitées ne le concernaient jamais, elles concernaient uniquement les objectifs qu’il se fixait, qui n’avaient que peu de rapport avec sa propre famille.

Une main, rassurante, se leva lentement, et vint se poser sous la gorge d’Ambre, à la jonction entre ses clavicules. Il l’y laissa, ses yeux fixés sur les prunelles azurées de sa femme. Ses sourcils froncés et son regard, légèrement dans le vague, dénotaient sa réflexion, au moins aussi intense que la sienne. Il finit par sortir de sa rêverie. Il ne disposait que d’assez peu d’informations, en vérité. Tout le reste étaient des suppositions, déductions et prédictions qu’il avait fait en étudiant ce souci. Morion n’était pas un homme qu’il fallait provoquer impunément en duel, mais son arme la plus redoutable, ses connaissances en étaient témoin, était son esprit. A la limite du diabolique, et constamment actif.

«Je l’ai reçu quelques jours seulement avant de venir à ton manoir pour acheter ton tableau. Soit quelques jours après la visite d’Yseult ici. Elle est restée deux jours, mais… Nous nous sommes croisés au Temple, en premier lieu. Il réfléchit, se remémorant ses souvenirs. Du temps avait passé depuis cette époque, mais tout était très clair. Elle est ensuite venue ici pour m’aider dans des recherches… Voilà. Je suis sorti le lendemain. Et la missive est arrivée dans la nuit.»

Sa main se referma doucement, devenant un poing serré, les phalanges appuyées contre la peau de son épouse, et tandis qu’il rassemblait toutes ses conclusions, son index vint pianoter, doucement, distraitement, au creux de son cou, entre les deux os cylindriques. Il baissa les yeux, fixant un point dans le vide.

«Tu auras tout ce que tu veux. J’ai tout conservé, entreposé, et commencé à relier. C’est un dossier secondaire, mais très intéressant, je n’ai rien perdu. Hm… Oui, marmonna-t-il pour lui même. Il laissa ses mains entre celles de son épouse, et les serra doucement, les caressant au rythme qu’elle avait adopté. Elle ne devait pas s’inquiéter. En tout cas, pas pour l’instant. Leur blason est une tour d’ivoire cerclée par deux serpents sinople, surmontée par un triangle renversé. Le triangle me dit quelque chose, je suis sûr d’avoir vu cette forme quelque part… Quant aux serpents… l’allusion à Rikni est claire, nul besoin de s’attarder dessus, je gage. J’ai recensé tous les blasons du royaume ayant des serpents de facture similaire, et cela a été une immense perte de temps. Toutes les familles étaient connues et réputées soit pour leur affinité à Rikni, soit pour leurs talents au combat, ce qui revient sensiblement au même. Ma famille a entretenu des relations avec certaines d’entre elles mais cela remonte à des siècles et des siècles. La piste reste ouverte cela dit. Il eut un petit soupir de dépit, lorsqu’elle lui demanda de décrire l’écriture. Ca aussi, c’était un problème. Eh bien… Les lettres n’étaient pas calligraphier, et l’auteur semblait prendre un malin plaisir à mélanger les styles de caractère. Je suis encore en train d’en attendre de nouvelles afin d’essayer de tirer un schéma de tout ça. Cela sera sûrement utile afin de commencer à déterminer leur identité.»


Il se mordit doucement la lèvre, en réfléchissant. Il était moins préoccupé qu’elle, et tant mieux. A vrai dire tout ceci l’intriguait tellement qu’il prenait du . Voilà des années qu’il n’avait pas du s’acharner autant sur un problème. Et pour un homme qui aimait autant avoir le nez dans la paperasse que lui, c’était du pain béni. Il avait légèrement hésité, lorsqu’Ambre lui avait demandé de lui montrer tout ceci, mais finalement, cela n’en serait que plus amusant. Tout du moins, pas les réactions de sa femme, mais ils ne s’étaient encore jamais attaqué activement à ce genre de problèmes, ensemble. Ils s’étaient mis au diapason sur les affaires qui concernaient les autres familles et leurs sombres desseins concernant la famille de Sigfroi, mais cela n’était pas allé au delà. Et à ce moment, Morion n’avait aucune raison de communiquer tout ça à Ambre. C’était vraiment la missive reçue au château qui l’avait fait sortir de ses gonds. Désormais ils allaient pouvoir travailler ensemble, sur un problème qu’à l’heure actuelle, aucun d’entre eux n’était à même de résoudre. Et aussi préoccupant que cela puisse être, cela plaisait beaucoup à Morion. Son côté irresponsable et espiègle, sûrement.

«Hm… Je n’en aurais pas fait mention si la lettre ne décrivait pas précisément ta tenue, et l’attitude de Talen à ton côté. Elle est étonnamment précise, ils étaient là bas, qui qu’ils puissent être. Quant aux menaces, non, je n’en ai eu aucune, pour l’instant. Quelques allusions qui laisseraient à penser que ces personnes sont au courant des affaires que je mène dans les bas fonds. Mais elles n’ont jamais été révélé, sinon je serais déjà pendu haut et court.
Morion soupira. Ses sorties, quand elles concernaient ses “affaires” étaient toujours extrêmement discrète, c’était bien là tout le problème. Il prenait systématiquement mille précautions. Non, ils sont bien les seuls à avoir remarqué mes sorties, et toutes. Elles étaient évidemment discrète, je ne sortais pas boire un godet dans une taverne, donc j’ai fait les choses proprement. C’est la seule chose qui puisse vraiment m’inquiéter, d’ailleurs. C’est comme s’ils savaient exactement ou chercher. Et je pousse mes espions à s’entre-surveiller, prétextant que leur cible est une de mes cibles personnelles. C’est très efficace, mais aucun renseignement incriminant l’un d’entre eux n’est remonté. C’est…. inédit.»

Plus que ça, c’était même carrément unique. Il n’était pas donné à quiconque de pouvoir tromper l’oeil des Ventfroid, ils finissaient toujours par arriver à leurs fins. Néanmoins, cette situation, en terme d’échelle, était tout à fait récente, c’était bien pour cela que Morion ne s’inquiétait pas trop. Mais qu’aucun signe, à part quelques indices extrêmement nébuleux, et qu’il était difficile de prendre au sérieux, ne soit émis… Ca clairement, cela défiait toute l’histoire des Ventfroid en un gigantesque pied de nez, d’autant plus grand que le Royaume étendait désormais sa superficie à un seul duché, une seule ville.

«De la provocation, peut-être. Dans quel but ? Il est rare que nous y répondions. Des menaces ? Menaces de quoi ? D’un point de vue extérieur notre famille est irréprochable, c’est très peu probable, et même si certains pourraient avoir des griefs contre moi, je doute qu’il l’annonce de façon aussi… retorse, burlesque presque. Des ennemis nous en avons eu mais… C’est en réalité la seule piste exploitable, alors qu’elle défie toute loi de probabilité. Et il s’agit là d’ennemis qui ne sont pas natifs du duché. J’ai commencé mes activités parallèles bien avant l’arrivée de la Fange, ces personnes n’ont cependant commencé à me les notifier qu’après celle ci. J’en ai déduit qu’ils étaient comme beaucoup coincés ici faute d’autre lieu habitable. Et ils sont en ville, leur assiduité à me contacter est parfaite.
Ses pouces caressèrent doucement le dos des mains de son épouse. A part toi, seul Talen est au courant. Je n’ai pas pensé bon d’en parler à qui que ce soit d’autre, Estrée et Marianne sont déjà bien assez affairées ainsi… Et visiblement, absolument pas ciblées par ces… personnes.»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 6 EmptyJeu 4 Aoû 2016 - 21:53
Morion était calme près d’elle. Il vint poser une paume sous sa gorge, plongeant son regard dans le sien, la calmant à sa manière. La comtesse était loin d’être angoissée et hystérique, mais, oui, cette nouvelle était loin de lui faire plaisir. Savoir que son époux recevait des missives puériles et potentiellement dangereuses depuis plusieurs mois était un minimum inquiétant. Il fallait que le responsable soit particulièrement zélé, ou lui en vouloir, pour continuer à en retirer une certaine satisfaction après presque une demi-année. Et cet – ces ? – inconnu(s) avai(en)t désormais signifié qu’ils avaient sa femme à l’œil, et ce, en plus, durant une période où Morion était loin, incapable de protéger sa femme en personne.

- Mmh, donc cela a commencé avant que nous fassions connaissance… Tu cites ton échange avec Yseult, est-ce juste parce que tu te souviens précisément les conditions de réception de cette missive, ou penses-tu qu’il y ait un lien à ce qu’on t’ait vu avec elle au Temple… ? Une tour d’ivoire, c’est étrange, il y en a une sur le blason de cette châtelaine justement.

Ambre fronça les sourcils. C’était trop évident, trop bête pour être ça mais… au moins l’aurait-elle évoqué. Une tour d’ivoire, deux serpents sinople, un triangle inversé… Cela faisait beaucoup de symboles pour un seul blason. Mais qui d’autre qu’un noble se serait amusé à monter un blason inconnu de toute pièce ? A part les sang-bleu, les petites gens n’avaient que faire de ce genre de choses. A moins d’être particulièrement intelligent au point de se faire passer pour un noble mais… dans ce cas, il faudrait avoir des griefs contre les Ventfroid, et en étant simple personne du peuple, c’était difficile d’avoir quelque chose contre cette famille, qui n’avaient qu’exceptionnellement fait parler d’elle.

La comtesse réfléchissait, et son regard, parfois accrochant celui de son mari, parfois dans le vide, était témoin de cette réflexion. Elle semblait avoir oublié le bain, oublié la peau de son mari qu’elle nettoyait jusqu’à présent. Ses doigts caressaient les mains de son mari, ou venaient se perdre sur le torse, sans but, pour accompagner les pérégrinations de ses pensées.
L’information selon laquelle les missives n’étaient pas calligraphiées, mais dont les lettres alternaient leur style, fit tiquer la jeune femme. Elle resta silencieuse. Un long moment. Les sourcils froncés, elle baissa les yeux sur le torse de son mari, accrochant un point invisible parmi ses poils. Elle prit le temps de réfléchir, encore, caressant le ventre de l’homme de ses doigts, et de sortir les mots qui suivirent.

- Morion… Cette volonté de mélanger les styles de caractère, c’est peut-être parce que tu reconnaitrais l’écriture de la main qui trace ces lettres de mauvais goût. Quelqu’un que tu connais assez bien pour avoir reçu des missives personnelles de sa part, ou que tu aurais vu écrire. C’est soit ça, soit une volonté de te faire douter là-dessus mais… Fais attention. Si c’est quelqu’un qui te connait, cela ne rend les choses que plus dangereuses. D’autant plus s’ils savent avec précision quand et où tu sors… Qui préviens-tu de ces sorties, à part Talen et moi-même ? Crois-tu que notre manoir soit surveillé constamment, au point de pouvoir te suivre à chaque fois que tu mets un pied dehors ? Que tu n’aies jamais remarqué la présence d’un espion depuis tout ce temps cela dit… C’est étrange. Soit ils sont particulièrement doués, soit ils sont là où tu ne les attends vraiment pas mon époux. Dans les deux cas, ça n’est pas à prendre à la légère, souffla-t-elle, venant caresser sa joue d’une main. S’ils savent toujours où t’attendre… L’éventualité qu’un de tes contacts soit traître est à envisager sérieusement.

Que Morion lui dise ensuite que la lettre avait précisé avec détails la façon dont elle avait été habillée durant la vente… Elle tiqua, à nouveau. Elle vint rabattre une mèche humide de ses cheveux derrière son oreille, et ferma un instant les yeux, essayant de se remémorer les invités de cette soirée. Ambre revoyait certains visages, avec une précision étonnante même – elle était artiste et ce genre de détails lui restaient longtemps sur la rétine. Cependant, aucun des hommes ou des femmes qui avaient été présents ne sortaient du lot. Oh, ils l’avaient regardée, oui, parfois avec insistance, mais c’était le lot de toutes les femmes nobles lorsqu’elles mettaient le pied dans la basse-ville, et ça même dans un quartier huppé de la Hanse. L’on coulait toujours des regards sur son visage, sur la facture de sa robe, sur ses manières, sur ses formes. Elle baignait là-dedans depuis qu’elle était toute petite, son visage était connu, et si elle avait dû considérer n’importe quel curieux qui la reluquait de façon un peu trop insistante comme un espion, elle en aurait fait arrêter des centaines. Ainsi, Ambre n’avait réellement rien noté de dangereux dans cette vente… Cela dit, elle se souvenait de beaucoup de visages et… Ambre entrouvrit doucement les lèvres. Elle venait d’avoir une idée.

- Si ma tenue était décrite de façon précise, ou qu’ils ont su décrire l’attitude de Talen, c’est qu’ils m’ont vue de près, mon chéri. Dans ce cas, je les ai aussi vus, lui, elle, ou eux, de près. Même si je n’ai rien remarqué d’étrange, je me souviens encore de beaucoup des visages qui étaient présents à cette vente. Je pourrais les dessiner ; et toi me dire si l’un d’entre eux te parait familier, ou si tu l’as déjà croisé durant tes fameuses sorties qui devaient être discrètes. Ou les faire passer à tes espions, que sais-je.

Ambre releva un œil vers son mari, qui paraissait… peu inquiet, mais presque… amusé ? L’on avait l’impression qu’il voyait en ce problème une aire de jeu tout à fait croustillante. Ambre aimait beaucoup ces genres de jeu de cour, mais pas quand elle en était victime ; et surtout pas lorsque ça touchait le futur père de son enfant. Elle était tombée amoureuse de Morion, malgré tous les obstacles. Il était hors de question qu’on le lui retire, ou qu’on joue avec lui comme on jouait avec un animal un peu bête. La comtesse allait entrer dans la danse de ce petit jeu puéril. Et elle prendrait énormément plaisir à débusquer ces têtes de con. Quitte à provoquer volontairement des sorties de base non prévues, s’isoler dans des lieux où il serait peu aisé de la suivre. Elle allait jouer comme ils avaient commencé à jouer, et ils pourraient se rendre compte que lorsqu’il s’agit de son mari, de sa famille, elle appréciait très très peu les mauvaises plaisanteries.

- Ni Estrée, ni Marianne ne sont visées… Ambre fronça les sourcils, se passant une main contre la tempe. L’on peut raisonnablement penser qu’ils n’attaquent pas la maison des Ventfroid alors mais… toi, de façon personnelle. Surtout s’ils viennent à te menacer par mon biais désormais que nous sommes mariés, c’est… c’est étrange, souffla Ambre. As-tu contrarié des gens ces dernières années ? Bafoué l’honneur d’une femme peut-être ?

Ambre rit de sa propre plaisanterie, imaginant un Morion fuir la demeure d’une amante qui venait de lui déblatérer des sentiments non partagés, casseroles jetées à travers la porte pour l’atteindre. Une image cocasse qui ne lui correspondait bien évidemment pas du tout. Ambre retrouva bien vite son sérieux cela dit.

- Ces ennemis dont tu parles, qui ne sont pas natifs d’ici. Penses-tu à un nom en particulier ? Raconte-moi, ajouta Ambre, doucement, en dernier lieu.

S’il y avait une histoire, ancienne, qui avait éclaboussé les pages des Ventfroid, elle écouterait le tout avec un intérêt sincère. Sa curiosité n’avait souvent que peu de limites ; alors lorsque cela concernait une famille à laquelle elle appartenait, désormais… Elle ne cacherait pas cette curiosité.
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