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 Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]

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Morion de VentfroidComte
Morion de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 7 EmptyVen 5 Aoû 2016 - 1:17

A vrai dire, les propos de sa femme n’étaient pas si improbables, se dit le comte. Il avait lui-même envisagé la possibilité qu’en vertu des symboles présents sur le blason, Traquemont y soit mêlé d’une manière ou d’une autre. Mais c’était impossible. Yseult avait certes lu des choses qui auraient pu la pousser à entamer des actions contre les Ventfroid, mais elle lui avait elle-même dit qu’elle n’en ferait rien pour l’instant, et cette manière d’agir… trop tordue pour les habitants du fortin. Yseult la première d’ailleurs. Et ces missives avaient commencé bien avant que Traquemont commence à vouloir se mêler des affaires de l’Esplanade. S’ils avaient voulu agir, sans aucune autre preuve que la parole de la châtelaine, Morion aurait sans peine balayé leur assaut qui se serait fait bien plus ouvert et direct. Mais oui, cela aurait pu être possible.

«Au début, j’ai bien pensé que cela avait un lien. Je l’ai pensé jusqu’aux sortie suivantes, à dire vrai. Et c’est à ce moment que j’ai commencé à calculer le délai que mettait une missive à me parvenir sitôt que j’étais rentré. Et cela colle à la minute près avec la sortie que j’ai effectué après, et non ma sortie au Temple. Sinon j’aurais accordé plus de méfiance et d’intérêt à la châtellenie, sois-en sûre.»

Il avait mis du temps à écarter cette piste, cependant. Dans tous les cas, au moment où tout ceci avait commencer à se dérouler, Traquemont n’était guère considéré par Morion que comme un caillou habité par quelques récalcitrants, potentiellement utiles du fait de leur éloignement certain de la ville et de ses intrigues. Et la méfiance qu’il avait à leur égard ne venait pas de cette sombre histoire, mais de leur entrée à gros sabots dans le royaume des vipères, sans qu’ils n’aient eu la décence d’en apprendre le fonctionnement. Il composait fort bien avec, mais la châtellenie n’était en rien impliquée, c’était certain. Et soumis comme ils étaient là bas, il n’y avait pratiquement aucune chance que l’un d’entre eux ait lancé ce genre d’initiative sans que ce fut validé et approuvé par la châtelaine.

Guettant ses réactions, il observait sa femme réfléchir, attendant ses conseils ou suppositions. Il avait un temps d’avance et de réflexion considérables sur elle, mais un regard neuf, d’une femme qui ne fonctionnait pas du tout comme lui, c’était toujours bon à prendre. Talen se gardait beaucoup de parler de ce sujet, estimant, à juste titre, que cela ne le concernait que lorsque le comte en faisait explicitement mention devant lui. Et malgré les interpellations de Morion, il n’avait jamais abouti à meilleur résultat que lui, de toute façon. Ses mains suivaient parfois celles de son épouse, ou remontaient ses bras pour se laisser pendre à ses épaules. Il ne faisait guère attention à ce qu’il faisait, son esprit tout entier était monopolisé, à nouveau, par cette affaire. Il aurait peut-être du en faire mention à un autre moment mais… La mention de sa sortie avec Hector avait tout fait remonter d’un seul coup, comme un jet d’eau maintenu trop longtemps sous pression.

Il eut un petit rire, à moitié involontaire, quand elle lui parla de ses sorties. C’est vrai qu’il n’en faisait peut-être pas assez mention. Il passa une main sur sa joue, le regard clairement amusé par sa remarque. Nullement moqueur cela étant dit.

«Mon amour, quand je sors il s’agit presque toujours d’une excursion ayant pour but, toujours atteint jusqu’à présent, d’assassiner quelqu’un. Penses-tu réellement que je notifierais quiconque n’est pas absolument nécessaire à ce genre de mission de mon départ ? Non, Talen est toujours le seul au courant. Les domestiques sont toujours en congé à ce moment. Même Cassandre l’ignore, elle se contente de me faire remonter les informations, et je prends des mesures ensuite. Elle a, qui plus est, moins de contact que moi dans les bas-fonds. Ainsi… Il haussa les épaules. Tout dans l’investigation semblait conduire dans une impasse. Et la chose la plus excitante et amusante était de trouver une brèche dans l’épais mur, puis de s’y faufiler, en toute discrétion. Et il était très doué pour ça. Une écriture d’une connaissance, faite pour me duper ? Ce n’est pas idiot. Quant à la surveillance, la plupart des espions que j’ai ici sont des agents doubles, souvent associés à d’autres familles, moins puissantes. Donc, oui, nous sommes surveillés. Comme tout le monde. C’est un des principes même de la vie de la noblesse. Toujours espionner tout le monde. Mais ces espions-là sont hors de cause. Comme je te l’ai dit, ils s’entre surveillent.»

Un traître était tout à fait envisageable, et c’était l’option qu’il avait pour l’heure privilégié. En plus de celle d’un lointain ennemi de sa famille. Il ne voyait pas d’autre option poussant quelqu’un à agir, disons, gratuitement de cette façon. Morion n’avait entrepris aucune action de représailles à l’heure actuelle, mais si quelqu’un s’attaquait à lui sans être solidement préparé, il s’en mordrait les doigts. Et que dire maintenant que sa femme était en cause. Il mettrait sereinement le feu à la ville pour débusquer les malins qui pensaient pouvoir l’effrayer ou faire pression sur lui. C’était forcément quelqu’un de relativement haut placé… Ou peut-être pas. Le flou gaussien de cette histoire en devenait presque insupportable. Chaque supposition émise démontrait le peu de renseignements dont il disposait. Il fallait qu’il s’y atèle, désormais, et c’était également une des raisons de son retour. Car s’il ne pouvait pas laisser Ambre seule, il pouvait encore moins le faire maintenant que la menace s’était étendue, depuis son mariage probablement, à elle. Et là ils secouaient le mauvais cocotier, très clairement. Morion avait considéré à ce moment que malgré l’amusement que cela lui procurait, ils venaient de commettre une première et énorme erreur. S’attaquer à sa femme. Même Estrée avait frémi quand elle avait vu le regard du comte, lorsqu’il avait lu la missive.

«… Dessiner… Il esquissa un sourire. Excellente idée. Quelle fabuleuse idée j’ai eu d’avoir épousé une femme aussi douée avec des pinceaux. Oui, nous ferons ça. Cela fera peut-être avancer les choses. Il faudra donner le maximum de détails aux visages, ma mémoire est d’une rare efficacité, mais mes souvenirs s’ancrent parfois sur de minuscules détails. Un coup d’oeil, une ride, une tâche rousseur… Cela risque de t’être très fastidieux.»

Il secoua légèrement la tête à sa remarque suivante. L’hypothèse avait des airs d’exactitude, mais…

«Non. Enfin… Ce n’est pas mon domaine qui est visé, certes. Mais ils se sont “attaqués” à moi, puis à toi. Je suis Comte de Ventfroid, et tu es sa femme. Si je meurs tu deviens tenante du titre jusqu’à ce que notre fils puisse récupérer ses droits. Et tu auras de toute façon le droit de regard sur ses affaires, jusqu’à ce qu’il n’en veuille plus. On peut logiquement supposer qu’ils peuvent m’en vouloir à moi comme à ma Maison. Ils visent après tout le dernier héritier de la famille. Il soupira légèrement. Contrarier des gens… Probablement, mais il ne peuvent pas mettre une tête sur l’objet de leur contrariété, un nom encore moins. Cela, mon père et moi nous en sommes assurés. Mais mes ancêtres n’ont pas toujours nécessairement agi à visage ombré, disposer d’un ordre royal… Cela donne confiance, surtout si personne ne peut rien y redire. C’est une éventualité. Mais parcourir mille ans d’histoire… Cela risque d’être long. Trop. Même si je vais devoir m’y mettre. J’ai une assez bonne idée de la taille de notre arbre et des noms qui y figurent, je pourrai probablement faire un tri rapide dès le début mais… Espérons que cela ne concerne personne dont l’ouvrage a été perdu. Il y en a peu, mais il y en a.»

Il fouilla, un moment, les noms qui lui venaient spontanément en tête. De très vieux noms, évidemment, et le plus souvent terriblement éloignés d’ici. Beaucoup de contrevenants aux affaires du royaume. Et des familles bien plus modestes aussi, qui n’avaient été traitées avec autant de respect ou de discrétion. En fait, si l’on essayait de calculer le nombre exact d’ennemis potentiels des Ventfroid, si tant est qu’ils aient pu avoir vent de leurs méfaits, la liste devenait si ridiculement longue qu’une vie n’aurait suffi à tous les énumérer, même à l’oral.

«De Lantres, D’Argenlac, de Saurcel, Sarrante, Crêteraide, Gueulecerf, Pâlys, Castelrouge, la liste est si longue. Je ne saurais même pas par où commencer, à dire vrai. Certaines de ces familles ont été exterminées par la mienne, d’autres ont vu certains de leurs membres oblitérés… Et l’on a pu avoir vent de ça, et fatalement nous en tenir rigueur, d’autant plus que nous ne prenions pour cible que les têtes dirigeantes. C’est bien là tout le problème. Il haussa légèrement les épaules, dénotant une certaine résignation. A vouloir faire régner l’ordre, nous avons semé le Chaos et emprunté sa voie. Cela nous va tout à fait, et nous suivons ce chemin sans broncher, en acceptant pleinement tout ce qui en découle. Mais dans ce genre d’affaires… Je crois qu’il va me falloir semer plus de chaos qu’ordinairement. Trois de ces familles sont néanmoins à Marbrume. Les de Lantres. D’anciens Barons, déchus de tous leurs titres, qui ont néanmoins réussi à se faire une place en ville grâce à leur fortune… conséquente. Ils sont joailliers. J’ai… Il leva un regard cynique vers sa femme. J’ai assassiné l’héritier de la fortune familiale. Il servait d’espion, soit aux Rivain, soit aux Sylvrur eux-mêmes. Il profitait de se faire commander de belles parures pour signaler toute personne suspecte à ses yeux en ville dont la parole serait assez écoutée pour soulever une révolte. C’était ma dernière cible récente. Et la dernière missive reçue, si j’exclus celle qui te concerne. Malheureusement avec tout ce qu’il s’est passé je n’ai guère eu le temps d’enquêter, et c’est quelque chose de très regrettable. Enfin maintenant que je suis là… Il faut surtout que je définisse le but de ces missives. Malgré tout ce que j’ai pu faire, je n’ai pas encore réussi. Et il doit pourtant y en avoir un, c’est extrêmement dangereux de s’attaquer à moi sans avoir un objectif précis en tête. Je ne fais pas la différence entre les plaisantins et les sérieux, et ceux-ci semblent me connaître assez pour le savoir… Il soupira. Et voilà qu’il s’attaquent à toi, maintenant, cracha-t-il, visiblement irrité par ce fait. Une énorme, vraiment, une énorme erreur. Aux yeux du comte c’était une déclaration de guerre, il n’y avait guère d’autre mot. Nous les trouverons. Mais il faut être prudents. Ils semblent avoir quelques longueurs d’avance. J’aurai probablement besoin d’aide pour parcourir mes archives… toi qui tenais à les lire… Tu seras servie, je pense.»
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Ambre de VentfroidFondatrice
Ambre de Ventfroid



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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 7 EmptyVen 5 Aoû 2016 - 15:43
Morion avait donc envisagé un lien avec la châtelaine, lui aussi, mais avait déjà écarté l’hypothèse depuis. La comtesse écouta, sagement, ses arguments, ses impressions. Il avait vent de cette affaire depuis bien plus longtemps qu’elle, qui découvrait tout juste. Il avait pris le temps de pourpenser, de faire des recherches, de soulever des hypothèses, d’en supprimer d’autres. S’il recevait ces missives presque aussitôt après les sorties concernées, qu’Yseult en soit responsable, alors qu’elle vivait dans une forteresse à plusieurs lieues de là… A moins d’avoir laissé des hommes à elle en ville qui s’occupait de cette sorte de chantage étrange, c’était donc peu probable pour elle de pouvoir réagir aussi vite. Et de toutes les rencontres qu’Ambre avait faites avec la châtelaine, elle trouvait également que cela ne lui correspondait point. Yseult était une femme droite et honorable, malgré son côté garçon manqué. Si elle avait des choses à dire contre un noble, elle le disait, et pas en fourbe. Toujours en face, lorsqu’elle pouvait se le permettre. S’amuser à envoyer des menaces sous-jacentes, à une famille plus puissante que la sienne, mais surtout alors qu’elle avait déjà un fort au bord de la fange à administrer, ça n’était vraiment pas le genre laissé entrevoir par la châtelaine. Après, elle pouvait très bien cacher son jeu mais… Ambre accordait peu de crédit à cette hypothèse. S’il y avait un lien avec Yseult, ça ne venait pas d’elle ; tout au plus de quelqu’un qui n’avait pas apprécié voir Morion en sa compagnie, au Temple.

- Si ce n’est pas la sortie avec Yseult qui a déclenché les missives… As-tu fait une quelconque action, à cette époque, qui aurait pu déclencher ce comportement ? En octobre il fallait vraiment t’avoir dans l’œil pour s’amuser à ce genre de choses, la fange commençait à peine, l’on avait tous beaucoup à penser. Celui ou celle qui t’envoie ça doit beaucoup te tenir grief, si jamais tes actions étaient routinières et sans particularité.

Ambre haussa un sourcil face aux paroles qui suivirent. A la mention d’assassinats, elle frissonna légèrement sous la main de son époux, glissée sur sa joue. La comtesse n’était pas stupide, beaucoup de nobles étaient responsables de la mort d’autres personnes. En général cela dit, l’on envoyait des intermédiaires. Que Morion se déplace lui-même… c’était en soi une marque d’importance de la cible mais… les risques étaient plus grands, par défaut.

La comtesse posa doucement sa propre main contre celle de son mari et entremêla ses doigts aux siens.

- Mon époux, souffla-t-elle, un peu ferme soudain. Je ne veux plus que tu sortes administrer ce genre de sanction en ne prévenant que Talen. Même si tu as des scrupules à potentiellement réveiller mon inquiétude… je n’en ai que faire. Je veux être mise au courant. Il est hors de question qu’un jour tu ne reviennes pas, sans que je n’aie aucun moyen de savoir ce que tu étais sorti faire, et pouvoir réagir en conséquence si quelque chose avait mal tourné.

De toute façon, c’était trop tard, désormais qu’il sortirait seul, alors que sortir était déjà rare en soi chez lui, elle se douterait forcément de quelque chose. Ambre comprenait qu’il ne prévienne pas des « sorties » concernées cela dit, mais elle entrevit, l’espace d’un instant, le côté sombre son mari. Il en parlait avec un flegme légendaire, comme s’il avait été éduqué pour tuer, comme s’il faisait cela tous les jours. Il avait même ri face à sa remarque alors qu’elle ne s’était pas doutée que ces sorties concernaient des meurtres. Elle en découvrait visiblement un peu plus chaque jour sur son époux. La comtesse n’était pas choquée ; pour protéger les siens et son héritage il y avait parfois des actions de ce type à entreprendre, et avoir des scrupules ruinait l’esprit, à force de trop culpabiliser. Mais elle restait tout de même prise de court. Imaginer son mari partir dans les bas-fonds en prétextant folâtrer, puis terminer par planter sa dague dans le cœur de son interlocuteur… Cela devenait moins étonnant, s’il se mettait à recevoir des missives inquiétantes. A trop côtoyer les ombres elles terminaient par vous engloutir.

Bizarrement, l’évocation brève de Cassandre bloqua un instant le souffle de la jeune rousse. Qu’elle ait moins de contacts que lui dans les bas-fonds… c’était possible, mais il suffisait d’avoir les bons. La blonde était une espionne depuis toujours. Ambre doutait sincèrement que ses griffes ne se refermassent que sur l’Esplanade. Cela serait fort étrange de sa part, même. Cependant… commencer à douter de ce contact-ci, ça n’était pas même la peine d’en parler à Morion. Il ne verrait dans cette hypothèse que des doutes appuyés par l’inimitié que les deux femmes s’accordaient l’une à l’autre, et n’accorderait pas même crédit à cette idée. Il aurait à moitié raison, sûrement. Non, il faudrait trouver quelque chose de concret contre elle avant de le lui exposer, s’il y avait vraiment quelque chose à trouver.

- Cassandre, justement. Elle est l’une si ce n’est ta meilleure espionne. Elle ne pouvait pas le nier, malheureusement. Pourquoi ne pas lui avoir parlé de tout cela, depuis tous les mois que cela dure ? Vos réseaux n’auraient-ils pas permis de débusquer ces hommes, et ce très vite ?

La question couvait une réelle curiosité, pour le coup. Morion avait dit que seul Talen était au courant de ces menaces étranges, et elle-même désormais. La comte avait-il réellement délaissé cette affaire au second plan ou se plaisait-il à la laisser durer ? Elle ne souligna en rien la possibilité que la blonde pouvait avoir une part de responsabilité là-dedans cela dit. Ambre ne le ferait jamais. Pas tout de suite du moins.

- Qui sont les personnes dont tu reconnaîtrais l’écriture au premier coup d’œil ou presque, Morion ? Je sais que tu as très bonne mémoire, mais tout de même. Si l’auteur de ces lettres prend la peine de masquer sa plume, il est peut-être bien plus proche qu’on ne le pense.

Quant au fait qu’ils soient surveillés, oui, Ambre n’en doutait point. Les ragots de l’Esplanade étaient une eau de vie dont la cour se passait peu. Que son époux soit surveillé avec un tel zèle cela dit… C’était définitivement peu commun.

Ambre sourit lorsqu’il approuva son idée de peindre les visages qu’elle avait pu y voir. Sans fausse modestie, il était vrai que pouvoir dessiner des visages était un talent potentiellement prisé. La milice utilisait beaucoup ce genre de choses pour traquer les criminels. Si la plupart du peuple était illettré, reconnaître un visage placardé sur les murs de la ville ils savaient faire en revanche.

- Je mettrai le maximum de détails, tout ce dont je me souviens, déclara Ambre, les yeux dans le vide, revoyant certains visages en pensée, essayant de les figer dans un coin de son esprit. Certains seront flous, il y avait du monde dans cette salle mais… d’autres devraient être fidèles. Plus je laisserai du temps passer et plus ma mémoire se fera moins précise donc… Je m’y attèlerai dans l’après-midi, très rapidement.

Ambre resta silencieuse le temps que Morion ne lui expose la suite, et réfléchit en même temps. Selon lui c’était bien l’héritier de la famille Ventfroid qui était visé, non pas Morion de Ventfroid à titre personnel. La comtesse écouta les noms des familles ennemies du passé des Ventfroid, fronça légèrement les sourcils au nombre impressionnant qui sortit des lèvres du comte. Un nombre qui était impressionnant cela dit, uniquement parce que les histoires étaient vieilles, parfois oubliées. Ambre sourit légèrement lorsque Morion lui parla de l’aider à décortiquer les archives familiales, mais ce fut un sourire préoccupé. Elle venait de recevoir trop d’informations d’un coup, et elle se massa un instant le visage, essayant de rassembler ses idées dans l’ordre. Elle noua ses doigts derrière la nuque de son mari et vint poser son front sur le sien, yeux fermés. Plusieurs secondes passèrent ainsi, puis elle reprit la parole, toujours dans la même position.

- Mon amour… murmura-t-elle. Je sais que les Ventfroid tiennent des archives qui ont des siècles, et que vous accordez une importance toute particulière au passé, aux traditions. Je serai heureuse de t’aider à chercher dans les restes de votre héritage mais… penses-tu sincèrement que d’autres familles garderaient rancœur contre vous après tant de temps ? Je veux dire, concernant ces Lantres, que tu as touchés récemment, je ne dis pas mais… les autres ? Si ta famille les a exterminés il y a des générations, qui serait assez fou pour t’en tenir grief alors que tu n’étais pas même né ? Franchement, tu crois sincèrement qu’ils se sont passé le mot de génération en génération, et que leur priorité, dans ce monde qui tombe au bord du gouffre, en proie à la Fange, soit toujours la vengeance contre les Ventfroid ? J’ai de gros doutes. Je t’aiderai à chercher quand même, et avec sérieux. Mais, selon moi, il y a forcément autre chose. Des griefs plus récents que des conflits qui ont secoué vos familles respectives alors que tu n’étais pas même dans le ventre de ta mère. La mémoire se perd ; et peu sont les familles qui tiennent des archives avec autant de zèle que vous. Si l’ennemi est l’un de ces nobles qui ne sont pas natifs d’ici… non, outre vos rancœurs passées, il existe forcément d’autres intérêts à ces attaques. Des intérêts bien plus concrets à l’heure actuelle.

Ambre frissonna en repensant à ce Lantres que Morion avait tué. Le fait qu’il avait reçu une missive sur cette sortie… Grands dieux, si on terminait par être témoin d’une de ces actions sanglantes… S’ils finissaient par recevoir quelque chose qui notifiait beaucoup plus qu’avoir vu le visage du comte dans les bas-fonds, cela deviendrait très très dangereux. Si ces personnes réussissaient à le voir tuer un noble, c’était terminé.

- Il faudrait jouer un peu avec ces gens, Morion. Qu’un soir, nous sortions tous les deux, à des endroits très différents de la ville. Nous pourrions voir lequel est suivi, à propos duquel viendra la prochaine missive. A moins qu’elle nous concerne tous deux, et qu’ils aient les moyens de nous suivre de concert alors que nous sommes loin l’un de l’autre. Cela serait… gênant.

Ambre fronça les sourcils, encore. Elle termina par agripper à nouveau les mains de son mari, et les plaquer doucement sur son ventre, juste sous le nombril. L’eau clapota doucement – eau qui avait commencé à tiédir sérieusement, depuis le temps qu’ils parlaient dans ce bain.

- Ils s’attaquent peut-être à moi désormais, mais ils te provoquent depuis des mois. Je refuse de risquer la vie du père de mon futur enfant. Il faudra s’en occuper sans traîner. Et toi, tu vas devoir arrêter d’agir de façon mortelle contre tes contrevenants, alors que tu n’arrives pas à saisir comment ces gens font pour obtenir de telles informations sur toi. Continuer tes agissements comme s’ils n’étaient pas là serait très stupide de ta part.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 7 EmptyVen 5 Aoû 2016 - 17:48
L’avoir dans l’oeil… Eventuellement. Mais pas tant lui, plus son nom. Morion avait conscience d’être, à l’époque de l’arrivée de la fange et même avant, d’avoir disposé d’un visage flou. Peu arrivaient à mettre une face sur son nom, et il était associé, la plupart du temps, et même encore aujourd’hui de bien des manières, à sa maison toute entière, et non à lui en particulier. C’était un fait. Les actions entreprises par des Ventfroid se résumaient souvent, historiquement, même quand ils prenaient par active dans un acte, peu importe lequel, par un truchement habile mêlant des prête-noms et des intermédiaires. S’ils étaient à la fois commanditaires et exécuteurs, leur nom ressortait rarement des comptes rendus. Jamais, à dire vrai, outre dans les “coups” officiels, commandités par l’état et leur autorisant d’agir à visage découvert. Vu qu’ils agissaient très souvent de leur propre initiative… Eh bien c’était assez rare de voir les ancêtres de Morion, ou Morion lui-même, en personne. C’était là la base de toute leur réputation glauque et alimentée par les superstitions. Riches, puissants, apparemment au courant de presque tout ce qui se déroulait dans le pays, mais inconnus. Pour leur bien autant que pour celui du Roi, leur suzerain absolu.

Ainsi, en octobre, lorsque tout ceci avait commencé, cela ne pouvait être qu’en vertu du nom qu’il portait, et en aucun cas autre chose. D’autant plus qu’avant, le représentant officiel de leur famille était toujours Isidore, et ce même si Morion avait repris les rênes. Il était, comme Aaron l’avait été jusqu’à sa mort, l’icône et le monument de la famille, et le jeune comte avait tenu à ce que cela reste ainsi le plus longtemps possible. Il tenait absolument à mener ses affaires dans l’ombre. Seules les circonstances dramatiques des derniers événements l’avaient poussé à revoir son jugement et sortir de l’anonymat. Pour le meilleur, s’il regardait les conséquences de cette sortie de l’ombre. Il avait rencontré des personnes fort intéressantes, et épousé une femme proprement merveilleuse. Qu’il aimait de surcroît. Mais il y avait peu de chances que ses traqueurs soient passés d’un ciblage général de sa maison à un ciblage personnel. Même si c’était, avec le temps, devenu possible, leur étrange régularité tendait à infirmer cette hypothèse. Doué d’un esprit au fonctionnement très mathématique, il avait esquissé un schéma mental de fréquence, incluant tous les facteurs qu’il pouvait prendre en compte, et un signal régulier était ressorti de son analyse. Et il se fiait à la logique la plus percutante. Les plus tordues, il ne les ignorait pas, mais les sous traitait au lieu de les prioriser dans ses réflexions.

Un petit sourire malingre étira ses lèvres, et il pencha légèrement la tête sur le côté. Quelques mèches trempées s’exilèrent de l’arrière de son crâne pour chuter par dessus ses oreilles. Il enserra les doigts de sa femme.

«Je ne risquais pas de te mettre au courant de ces sorties alors que tu n’étais même pas encore mariée… Néanmoins je n’avais pas prévu de te tenir éloignée de ce genre de chose. C’est risqué, la plupart du temps, et ce n’est pas le genre d’affaires desquelles je veux tenir ma femme éloignée, surtout quand celles-ci servent nos objectifs à tous deux. Il se redressa lentement et vint appuyer ses lèvres contre les siennes. Un baiser simple, tendre, amoureux, qui dura de longues secondes. N’étant pas sorti depuis nos noces, je ne t’en ai pas parlé, les affaires à traiter étaient plus importantes. Maintenant que je suis là, nous allons pouvoir reprendre les dossiers restés en suspens, et il est évident que tu seras mise au courant. Rassure-toi.»

Se rassurer n’était peut-être pas si simple, se dit-il. Sortir dans les bas fonds, même s’il s’habillait de manière se fondre facilement dans la masse, ne l’exposait certes pas aux attentats des anti-gouvernementaux ou anti-royalistes, mais il restait tout de même soumis aux aléas des ruelles sombres des quartiers pauvres et mal famés, et tout entraîné qu’il était, il ne sortait qu’habillé en vagabond, une dague comme seule arme pour éviter d’attirer l’attention. Une bande de brigands auraient facilement sa peau.

Morion leva les yeux vers Ambre à la mention de Cassandre. Les choses étaient plus complexes qu’elle semblait ne le penser. Il haussa légèrement les épaules.

«Ce n’est pas si simple. Cassandre est effectivement d’une remarquable efficacité, mais elle reste une espionne. En ce sens, plusieurs facteurs sont à prendre en compte. Tout d’abord, le fait qu’elle détienne beaucoup d’informations concernant les Ventfroid, potentiellement sensibles, ce qui fait d’elle, malgré notre lien, une personne dangereuse. Ensuite, si elle espionne pour moi, elle peut également espionner pour d’autre, devenant ainsi une agent double, triple, ou plus encore. Elle s’insère très facilement en société, cela ne serait point étonnant. Et ensuite, la difficulté quand l’on gère une grande quantité d’espions, de rangs inégaux, dont certains possédant leurs propres espions, et de fermement cloisonner la circulation d’informations. Je suis la centralisation de ces dernières, mais les autres ne doivent disposer que d’une toute petite partie d’entre elles. Et sur ce genre de coup… Moins de personnes sont au courant, moins il y a de cibles, d’informations qui circulent, de risque de fuite, peu importe. Un espion est parfois obligé de troquer des informations croustillantes pour en acquérir d’autres, qui auront plus de valeur aux yeux de son commanditaires que celles qu’il a cédées. Donc non, je ne peux la mettre au courant. Et… Il toussota légèrement, dissimulant à peine un ricanement mesquin. Je mentirais en disant que cette partie de traque ne m’amuse pas. Je ne tiens pas à briser le cours de la partie en y introduisant d’autres joueurs.»

Voilà une preuve, indirecte en tout cas, que Morion n’accordait pas toute sa confiance à Cassandre. Pas assez, en tout cas, pour la mettre au courant de toutes ses affaires. Même ses dossiers étaient rigoureusement classés selon leur niveau de sensibilité, ainsi que l’accès que ses espions pouvaient avoir à ceux-ci. Ceux dont disposait Cassandre étaient finalement assez peu nombreux. Son rang de Vicomtesse et d’amie du Comte jouait beaucoup dans la facilité qu’il avait à traiter avec elle, directement chez lui, alosr que les autres traitaient avec Talen, qui avait beaucoup plus de facilités à se glisser hors de l’Esplanade. Ainsi, presque tous ses espions ne connaissaient même pas leur maître.

«Je pourrais reconnaître… Tous ceux qui m’ont déjà écrit, avec un peu de temps. Néanmoins, la tienne, celle de Grâce de Brasey, de Cassandre, de mes soeurs, de tous mes espions, de Talen, et de certains commerçants de la basse ville me sauteraient immédiatement aux yeux. Même si je trouve leur procédé un peu étrange, s’ils sont si proches, alors ils auraient de bien plus nombreuses manières de me nuire. Or pour l’instant, cela ne semble pas être dans leurs projets.»

Pour les lettres remplies, certaines ayant été envoyées sans le moindre contenu, en tout cas, elles étaient même très curieuses : elles dénotaient un certain… enjouement ? Elles semblaient suppurer un certain humour, un peu acide certes, mais tout de même drôle. Si Morion s’était amusé de cette situation c’était entre autres pour ça. Mis à part que comme dit avant, cela ne pouvait en aucun cas être le fait de plaisantins ou le déroulement d’un canular fort préparé. Il y avait trop à faire en ville et à l’extérieur pour mobiliser des hommes à seule fin de l’afficher lorsqu’il sortait. Cela avait du demander autant de préparation que d’efforts.

Il hocha la tête quand elle lui donna le temps qu’elle passerait sur les dessins. Il doutait que cela donne quelque chose, cela aurait été trop beau. Mais d’un autre côté, si cela fonctionnait alors… Eh bien ce serait magnifique autant que drôle. Débusqués par une peinture alors que lui-même peinait sérieusement à trouver le moindre indice concernant leur passage ou leur base en ville… Son amour de l’ironie s’en trouvait comblé.

«Ambre, l’on a vu plusieurs fois des familles se passer la haine autant que le rang et la fortune en héritage. Déchoir une personne, massacrer les membres de sa famille… Nous sommes parfois allés très loin. Le Nom, voilà qui représente souvent bien plus qu’une simple personne. Ma propre Maison en est le parfait exemple. Nous ne tenons aucune admiration des faits d’armes exceptionnels qu’ont pu réussir les Ventfroid. Seul compte et comptera toujours le respect de nos codes et la durée de notre lignée à travers les âges. S’illustrer sur un champ de bataille…. Qu’est-ce que cela a de réellement important ? Nous autres passons quelques années ici avant de nous faire rappeler par Anür. Mais ici dans le royaume des choses bien réelles, la seule chose qui peut survivre éternellement, c’est le nom. Alors, cela peut paraître improbable, voire même stupide, mais c’est une chose qui est tout à fait possible. Si nous sommes rares, voire les seuls, à tenir des récits historiques aussi détaillés à travers le temps, la transmission orale des traditions, et des préceptes… Quand il s’agit d’en plus transmettre la rancoeur, alors c’est extrêmement efficace. La voix véhicule des messages parfois plus puissants que les mots figés sur un parchemin. Il fronça légèrement les sourcils. Et ces trois derniers siècles… Notre famille fut loin d’être exemplaire, jetée tête baissée dans les histoires de basse cour et… Je préfère ne pas imaginer le nombre de stupidités commises durant ce temps. Il serra légèrement les dents. Typique descendant de ces porcs, Anatole leur en avait bien fait baver à eux aussi. Il y a probablement autre chose, oui. J’ai pu manquer quelque chose, vu le nombre dérisoire d’informations c’est… Presque certain. Mais cette hypothèse n’en reste pas moins valable. La haine, si elle est suffisamment tenace, est exempte des contraintes du temps.»

Il secoua légèrement la tête. C’était agaçant, à dire vrai. Si une famille, peu importe son ancienneté, leur tenait des griefs aussi violents, alors ils ne risquaient pas d’en sortir. Il leva cependant un sourcil surpris à sa suggestion.

«Tous deux ?
Il baissa les yeux vers ses mains, appuyées contre le ventre de son épouse. Tu es enceinte, et tu voudrais que je te fasse sortir une nuit en ville, dans le seul but d’essayer de démêler un peu les objectifs de ces gens ? C’est hors de question, lâcha-t-il, d’un ton sans réplique. Ma vie a beaucoup moins de valeur que la tienne ou celle de notre enfant, et si je ne compte pas la risquer stupidement en agissant comme un animal, il est parfaitement inconcevable que je te laisse dans ce bourbier. Pour une journée… Je ne sais pas. Mais c’est un risque inconsidéré que tu prendrais.»

Les sourcils froncés, il remonta une fois de plus vers elle pour l’embrasser. Non, clairement, si elle n’avait été enceinte, il aurait peut-être considéré le problème plus avant. Si elle voulait sortir, elle pouvait, bien évidemment. Mais vu l’avance qu’ils semblaient posséder, ils pourraient tout aussi bien flairer la diversion, et engager des représailles pour les avoir pris pour des imbéciles. Ils avaient l’air particulièrement intelligents et téméraires, et Morion ne comptait pas jouer avec le feu ainsi en se servant de sa femme comme appât. Encore moins alors qu’elle portait leur enfant. Il y avait sûrement d’autres moyens que celui-là.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 7 EmptyVen 5 Aoû 2016 - 20:19
Ambre accueillit le baiser de son mari avec envie, soulagée qu’il lui assure qu’elle serait désormais mise au courant lors de ces fameuses sorties fatales. La comtesse trouvait étonnant, en fait, que Morion sorte seul dans ce genre de conditions. Quand on voyait à quel point Talen la suivait avec un zèle digne d’un des plus grands protecteurs, qu’il reste au manoir quand Morion, son seigneur, sortait faire taire définitivement un espion dangereux… C’était surprenant. Talen n’avait-il pas juré protection fidèle ? Pourquoi Morion le gardait assigné au manoir ? Aimait-il tenter Rikni ?

- Mmh. Bien. Elle caressa les doigts de l’homme, pensive. Je serais rassurée si tu ne partais plus seul dans les bas-fonds cela dit… Tu es un homme, tu sais te défendre, mais un homme seul, même durement entraîné, peut succomber à n’importe quel traquenard dans ce genre d’endroit. Pourquoi Talen n’est-il pas avec toi ? N’a-t-il jamais insisté pour venir te protéger ? Même moi ai-je demandé sa présence pour la vente aux enchères, alors que cela se déroulait dans un bon quartier de la Hanse, qui est loin d’être aussi mal famé que les lieux que tu sembles fréquenter, murmura-t-elle.

Qu’il sorte seul, déjà, était dangereux. Qu’il sorte dans les pires venelles de la ville, cela formait un combo risqué. Elle vint quérir ses lèvres durant une demi-seconde, avant de reprendre.

- Est-ce dans les habitudes de ta famille de sortir ainsi pour s’occuper de vos opposants ? J’imaginais… eh bien, j’imaginais qu’un Ventfroid, tout auréolé de mystère qu’il était, n’exécutait que des cibles privilégiées ou suffisamment importantes pour nécessiter l’intervention d’un de leurs héritiers en personne. Combien en as-tu tués ainsi… ?

La comtesse se demanda un instant si elle avait réellement envie de savoir. Mais le doute persista à peine. Il était son mari. Elle voulait tout savoir de lui, même les côtés les moins reluisants. Si Ambre rechignait à tuer – elle n’avait, en fait, jamais tué quelqu’un de ses propres mains –, elle savait cela nécessaire, parfois. Tous leurs hommes, leurs fils, leurs frères, avaient tué moult personnes sur les champs de bataille, déjà, ou durant la défense d’un de leurs villages face à des bandits un peu trop farouches. La mort et le meurtre faisaient quotidiennement partie de leurs vies. Cela dit, en-dehors de ces cas, disons, classiques… les Mirail n’étaient pas une famille qui avait souvent dû recourir à ce genre de pratiques. Des ennemis, ils n’en avaient jamais eu à titre personnel, cela englobait toujours un conflit plus large – une attaque contre le Morguestanc, ou autre. Oh, leur tolérance laissait parfois place à une intransigeance sans nom lorsqu’une réelle faute avait été commise contre eux – de l’honneur ils en avaient, tout de même –, mais cela n’avait jamais été sombre à l’image des Ventfroid. Ambre sortait parfois difficilement de ce carcan, et il semblait qu’elle soit devenue le vilain petit canard de la famille, à s’écarter pour embrasser la voie des ombres, celle qui ferait tomber Sigfroi. Ses relations avec son frère étaient devenues un chouia plus distantes depuis ça, et depuis qu’elle avait décidé de le laisser en-dehors de tout ça. Elle savait Evan intelligent cependant. Un jour, il était inévitable qu’il aborde le sujet avec elle.

Ambre écouta ensuite la réponse à propos de Cassandre. Ça n’était pas idiot, en effet. Ne jamais mettre tout dans le même panier. Confier à la Rocheclaire toute affaire qui pouvait éclabousser sa famille, cela serait lui donner un pouvoir bien trop grand sur lui, sur son nom. Faire en sorte que chacun de leurs espions respectifs ne puisse jamais centraliser toutes les informations les concernant était intelligent, et essentiel. Il était bon que certaines choses restent secrètes, et la comtesse se satisfaisait assez bien que la blonde reste à l’écart sur de nombreux points. La jeune rousse leva légèrement les yeux au ciel lorsque son époux parla de « joueurs » et de « partie » cela dit.

- Nous ignorons combien ils sont, tu sais. Pour réussir à te traquer si parfaitement, ils doivent avoir un certain nombre de connaissances. Nous sommes, nous, du coup… trois, à être au courant de cela. Morion, Talen, et désormais elle. C’est trop peu. Il faudra mettre des hommes sur l’affaire, même si nous ne leur disons pas tout. Nous ne pouvons pas gérer cela seuls, même si nous passons des heures enfermés dans ton annexe dans jours durant pour trouver quelque chose.

Qu’ils tombent sur cette pratique, ces missives étranges reçues, dans les livres des ancêtres de Morion, était peu probable. Qui sait, ses plus lointains ancêtres avaient peut-être subi le même genre de menaces, et les responsables avaient potentiellement été consignés dedans. Mais cela serait trop beau pour eux.

La comtesse écouta son époux, son discours sur la haine qui pouvait traverser les générations. Elle était d’accord, mais pas au-delà d’une certaine mesure. Des conflits qui avaient traversé les siècles, non, pour le coup elle n’y croyait réellement pas, sauf si les griefs avaient été assidument entretenus par les générations suivantes, qui avaient continué à se taper dessus réciproquement. Si une famille avait été détruite par les Ventfroid, réellement détruite, il était peu probable d’en entendre parler des siècles après, à moins d’un fanatisme digne de la folie. En revanche si le conflit remontait à une ou deux générations à peine, c’était déjà plus envisageable. Quelqu’un qu’Isidore, ou Anatole, voire le grand-père de Morion, aurait contrarié. Là, cela serait assez récent pour tenir rancœur tenace contre le nom de cette famille. Et, en ce cas, il serait aisé de faire surveiller les membres des familles concernées, si Morion connaissait tous les noms qu’ils avaient froissés ces cinquante dernières années.

- Le Nom change de tonalité et de saveur selon qui le manie. Tu l’as dit toi-même, avant que tu ne deviennes héritier, tu portais en horreur les penchants dans lesquels était tombée ta famille. Si tu as redonné avec ton père la grandeur et le mystère passés de votre nom… Je ne suis pourtant pas certaine que cela a toujours été ainsi ; une foule d’héritiers se sont succédés, parfois indignes de votre rang. C’est arrivé chez toi, c’est arrivé également chez moi – je ne suis pas sûre qu’une seule famille noble n’ait jamais été déçue par l’un de ses membres. Enfin, ce que je veux dire par là… Les griefs pour lesquels on pouvait vous en vouloir à l’époque sont potentiellement devenus caducs aujourd’hui. Mais… oui, je concède que la vengeance est un plat qui se mange froid. Il ne faudrait point se laisser surprendre par ce genre d’éventualité juste parce qu’on les trouve moins probables qu’une autre.

Ambre plissa un peu les yeux à la dernière réplique de l’homme, mais sa propre réplique fut coupée par un baiser. Elle l’embrassa, langoureusement, glissa ses doigts dans ses cheveux humides, mais mit fin assez rapidement à l’échange pour pouvoir réagir à ses propos.

- Ne dis jamais plus une chose pareille. Ni devant moi, ni devant personne. Sans quoi je serai tentée de te couper cette vilaine langue, ajouta la comtesse en haussant un sourcil d’avertissement. Ta vie a beaucoup moins de valeur que la mienne ? Et puis quoi encore. Tu es l’héritier des Ventfroid, tu es mon époux, tu es l’homme que j’aime. Je n’ai visiblement pas le même point de vue sur la valeur à accorder à ta vie. Ton analyse semble biaisée par quelque chose qu’on appelle communément l’amour. Elle posa un index menaçant dans le creux entre ses deux clavicules. Je ne veux pas me mettre en danger, mais je ne veux pas non plus te laisser seul à agir pour quelque chose qui nous concerne tous les deux… Donc, pas forcément toute une nuit, mais, il y aura bien des moments où je devrai sortir pour des affaires personnelles, pendant lesquelles tu ne seras pas forcément au manoir non plus. Si cela n’arrive pas rapidement, je dis juste qu’il faudra le provoquer. Je ne parlais pas forcément des bas-fonds bien évidemment, être rousse réduit drastiquement les chances d’être discrète là-bas. Elle ricana, par dépit. Juste de soirées comme j’ai pu le faire pour cette vente aux enchères, par exemple.

En se montrant bien plus discrète cela étant, pour voir si ces fameux espions réussissaient à la traquer lorsqu’elle ne se présentait pas directement à visage découvert, sans se cacher.

- Mais si tu trouves cela trop risqué, pour notre enfant et pour moi… ajouta Ambre en dernier lieu, nous trouverons autre chose. Elle ne comptait pas piquer une crise comme une enfant, elle comprenait aussi ses motivations et ses craintes. Ne prends juste pas trop de risques inconsidérés de ton côté alors que tu m’interdis d’en prendre. Je risque de crier à l’injustice. Ou mourir d’angoisse. Au choix.

Elle revint sceller leurs lèvres après avoir terminé sur cette touche d’humour, mais qui n’en restait pour autant pas moins vraie.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 7 EmptySam 6 Aoû 2016 - 2:04
Une main, puis l’autre, qui s’égaraient sans but sur le corps de son épouse. Rien de bien tentateur. Des caresses aussi douces qu’aléatoire, parcourant une surface douce, humide, pâle, que Morion aimait tout particulièrement. Il aurait pu s’aventurer, lors de ces nombreux moments où son esprit voguait seul dans ses propres pensées, s’amuser, ou tout simplement par pure curiosité, faire la comparaison entre sa femme, à qui il était à jamais liée, et Cassandre, qui s’il s’était lui-même entâché d’une sévère faute, avait été, un temps du moins, une femme qu’il avait également aimé. Il n’avait jamais fait cette comparaison, et ne la ferait probablement jamais. Ambre avait tout balayé, avec une efficacité formidable. Mais même s’il l’avait faite, il n’aurait guère trouvé d’avantage à sa vassale. Et l’amour ne jouait pas forcément un rôle là dedans, si ce n’est celui d’amplificateur. Les avantages étaient déjà présents avant que Morion ne se rende compte de l’intensité des sentiments. Il cherchait ses mots, et releva le regard vers elle quand il les trouva.

«Nous sommes des témoins, autant que des acteurs. Quand une cible atteint l’importe requise, nous nous en chargeons en personne. Nous avons toujours fait ainsi. Les cibles de moyenne ampleur, nos domestiques ou intermédiaires peuvent s’en charger, mais ce sont nous qui écrivons nos histoires, et relatons chaque fait. Il faut que nous assistions à la scène. Il s’avère cela dit que la plupart des personnes qui figurent sur nos… listes, disons, deviennent des personnes d’importance. Nous n’agissons jamais dans le vent ou pour de la piétaille, et nul ne vient demander notre “arbitrage” si cela n’est pas absolument nécessaire.»


C’était devenu pire depuis la Fange, en vérité. Avant elle, les Ventfroid intervenaient très rarement. Leurs cibles étaient la plupart du temps très éloignées du Duché, et seul Sigfroi, présent à Marbrume, avait réussi à s’attirer leur courroux. S’ils travaillaient à sa perte, ils ne purent mettre leurs projets à exécution à cause du Fléau. Mais depuis que la ville tournait en vase clos, eh bien les choses étaient devenues différentes. Ils n’avaient comme adversaire actuel que le Duc, qui s’il était devenu le dernier suzerain absolu du royaume, de façon purement… Aléatoire, osons dire les choses, n’en demeurait pas moins une personne que les Ventfroid avaient juré d’abattre. Ainsi que toute sa famille, et tous ceux partageant ses idées. Mais toutes les cibles, c’est là le plus important, éventuelles, qui pouvaient conduire à l’accomplissement de cet objectif étaient devenues prioritaires, par défaut. Donc oui, Morion s’en chargeait la plupart du temps seul.

«Tu ne veux pas connaître ce nombre, mon amour. Je te l’assure. Les voyages que j’effectuais avec mon père étaient rarement touristiques, et si je ne participais pas forcément de manière armée à la chose, j’ai commencé très tôt avec… Eh bien avec Anatole. Ainsi que toute sa famille. Le nombre s’est réduit avec le temps, et uniquement car Marbrume ne comporte que quelques âmes, et que ce nombre faiblit plus qu’il n’augmente. Il serait mieux que tu ne te poses pas trop de questions à ce sujet. Dis-toi simplement que j’ai plus usé de dagues que d’épée, au cours de mon existence.»


Et il était tout à fait sérieux. Le nombre de familles touchées était peut-être restreint, mais tant sous le commandement d’Isidore que lorsqu’il disposait de toutes les ficelles, il ne faisait pas dans la dentelle. Qu’il s’agisse de femmes, d’enfants, de vieillards… Cela n’avait aucune importance, la mort et la justice n’avaient ni visage, ni âge. Et les familles étaient parfois nombreuses. Ce traitement était en revanche, par le passé, réservé aux nobles. Comme le disait, le nom était très important, et mieux valait le rayer des cadres que laisser l’éventualité d’une future vengeance vivace. Il écrasait tout, et s’assurait que rien ne repousse derrière. Ce qu’Anatole, premier héritier de la famille, n’avais jamais pu faire, se dit Morion non sans un certain dégoût. Sa mort était nécessaire.

Il avait bien prévu de mettre des hommes sur l’affaire. Son seul souci actuel était le suivant. Il ne pouvait décemment dire à ses espions qu’ils enquêtaient pour son compte personnel, afin de débusquer d’éventuels adversaires. Aux yeux de Morion ce simple renseignement était déjà trop sensible. Et l’abus de précautions du comte l’empêchait de faire ça.

«Sais-tu qu’aucun de mes espions ne travaille pour Morion de Ventfroid ? Certains travaillent officiellement pour Talen, d’autres pour Sigurd du Val-D’Aube, et d’autres pour Adèle de Villefranche. Deux de ces noms sont totalement… Enfin presque totalement fictifs. Ils vivaient non loin du Duché, fut un temps. Ce n’est plus le cas. Il tut les raisons de leur départ, mais son regard lourd était suffisamment équivoque pour que sa femme comprenne qu’ils n’étaient pas partis en voyage. Cela va être difficile d’agir de concert avec eux sans avoir une bonne raison de le faire. Je ne fais jamais espionner pour rien, surtout quand je ne sais même pas sur qui j’enquête. La provocation sera de toute façon très rapidement nécessaire. Il faudra réfléchir ensemble au motif officiel de leur travail. Ni Adèle, ni Sigurd, ni Talen n’utilisent ces hommes pour des futilités. Nous allons devoir… créer des cibles.»

Si Morion n’avait aucun scrupule à utiliser les gens à leur insu, il en avait déjà un peu plus lorsqu’il s’agissait de mettre en danger des vies innocentes. Meurtrier, mais pas gratuitement, c’est ce qu’était le comte. Et mine de rien, si les soutiens du Duc étaient nombreux, ce qui méritaient l’ire des Ventfroid l’étaient déjà beaucoup moins. Ce serait un travail ardu et subtil, que Morion appréciait tout particulièrement. Mais ils n’auraient aucun droit à l’erreur.

Sa remarque suivante eut un faible écho dans son esprit, mais il en tint compte, tout de même. Il comprenait parfaitement ses arguments, et s’il n’était totalement d’accord avec elle sur la durée pendant laquelle la haine d’un autre pouvait persister, ils étaient d’accord sur le fait que la vengeance était une des causes probables de cette affaire. Quant aux motifs profond, ce débat n’avait pas encore lieu d’être. Ils tombaient très souvent d’accord, comme si leurs esprits étaient accordés, mais ne pouvaient l’être sur tout. En l’occurrence la vision de Morion quant à ce sujet était bien plus sombre et dure que celle de sa femme. Ce fut sa réplique suivante qui eut plus d’impact.

«Biaisée ou non, cela ne change rien. Je peux faire attention et prendre le minimum de risques par amour pour toi et nos futurs enfants, mais cela n’égalera jamais la vigilance que j’aurai vis à vis de la femme dont je suis tombé amoureux et que j’ai épousé. Inutile de lutter sur ce point
, dit-il avec un petit sourire, je sais de toute façon quels sont les risques que je peux prendre et ceux qui me sont interdits. Mon rang comme ma famille imputent de très nombreuses obligations auxquelles je ne me permettrai pas de déroger. Et la survie en fait partie, tout comme, si tu te souviens, le mariage heureux et prospère.»

Ils avaient tous deux l’avantage d’avoir un esprit alerte, et Morion celui d’avoir une considération presque nulle pour la vie d’autrui. Tout du moins celles de ceux qui ne faisaient pas partie de son cercle de relations intimes. Tout le reste, il était prêt à le balayer dans l’objectif d’atteindre un but, et ce sans même ciller. Cela ne faisait donc aucun doute pour lui qu’ils parviendraient à élucider ce mystère, quoi qu’il arrive. Et en s’en tirant, sinon indemnes, saufs. C’était le plus important.

--

Il resta un moment avec sa femme, à deviser, ou parfois à la laver, alors qu’elle était déjà bien propre, distraitement. Il finit par réagir quand, au bout d’un moment, qui lui parut d’ailleurs assez court, l’eau était devenue assez fraîche pour tirailler désagréablement sa plaie. Il esquissa une petite grimace, et à regret, posa doucement les mains sur les épaules de sa femme.

«Je dois sortir. Il faut que je passe de l’onguent et panse une nouvelle fois ma blessure. ma peau et l’eau semblent avoir un désaccord que je ne me sens pas d’entretenir.»

Il avait dit ça sur le ton de la plaisanterie, mais la douleur risquait de devenir beaucoup moins amusante s’il ne sortait pas rapidement.

Lorsque Morion se fut hissé, plus à la force des bras qu’autre chose, en dehors de la cuve, et se soit séché entièrement, passant avec une pléthore de précautions sur les quatres plaies hideuses de sa cuisse, il lâcha un soupir, et se dirigea sans prendre la peine de s’habiller, pour le moment, vers la couche, claudicant comme un vieillard. Il s’était saisit du pot d’ivoire qu’Estrée lui avait confié avant son départ, qui contenait assez d’onguent pour deux bonnes semaines, ainsi que des bandes sèches. Il passa cependant un long moment à l’observer, guettant les modifications que sa peau subissait, tâtant doucement le muscle, tout autour, voir si les renflements diminuaient - et heureusement c’était le cas - dans le bon sens. L’aspect de cette blessure lui déplaisait toujours autant, et il se demandait toujours sérieusement s’il devait rouvrir le tout pour essayer de faire quelque chose de moins… teinté d’amateurisme.

«Mon amour, peux-tu m’aider, pour l’onguent ? Mes doigts sont probablement moins délicats que les tiens.»


Un petit soupir lui échappa. Ciel ce qu’il détestait être assisté.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 7 EmptySam 6 Aoû 2016 - 17:23
La jeune rousse terminait de nettoyer son mari à mesure qu’il parlait. Elle avait glissé ses mains dans son dos, et s’était rapprochée de lui pour frotter entre ses omoplates, glisser sur les reliefs de ses cicatrices, et cela jusqu’aux lombaires. Puis elle repassait sur les flancs, remontait sur les épaules et descendait le long des bras, atteignant son propre corps lorsqu’elle suivait jusqu’aux doigts de son mari qui s’égaraient eux-mêmes sur la peau de la comtesse. Ambre avait réussi à contenir ses envies charnelles, et continuait à le toucher sans aucune arrière-pensée ou presque. Le sujet qu’ils avaient abordé dans la cuve devait y être pour beaucoup. Difficile de se concentrer sur le désir pour son époux lorsque ça parlait de danger, d’espions, de meurtres. Pour le coup, cela avait beaucoup détourné l’esprit de la jeune femme. Ambre caressait une dernière fois l’avant-bras de Morion lorsqu’elle se figea en entendant le nom de la première victime du Ventfroid. Son souffle fut coupé un instant, alors que l’information mettait un temps à percuter son cerveau. Ses yeux s’écarquillèrent.

- Anatole ? Ton oncle… ?

Ambre fronça les sourcils alors qu’elle essayait de rassembler toutes les informations et les souvenirs qu’elle avait à ce sujet. L’incendie du domaine Ventfroid, cela remontait à une quinzaine d’années. Elle était beaucoup trop jeune à cette époque, elle devait avoir sept ans, elle n’avait donc pas beaucoup de souvenirs personnels. Mais elle savait que cela avait beaucoup secoué les ragots du Duché cette affaire. Beaucoup avaient déploré la perte de la famille, déjà parce que la mort d’une branche entière d’une famille comtale n’était pas quelque chose d’anodin, mais aussi parce que la branche d’Anatole était beaucoup plus sociale que celle d’Isidore et Morion. Il y avait eu beaucoup de relations avec les nobles de la cour et des autres domaines. Même les Mirail les connaissaient assez bien, à dire vrai – mais, pour une raison qu’Ambre n’avait jamais connue, son père Aaron ne les avait jamais réellement appréciés. Même sa mère, ancienne Rocheclaire, ne s’était étrangement jamais étendue sur le sujet, alors qu’il y avait pourtant beaucoup de choses à dire. Peut-être avait-elle définitivement tourné le dos à son ancienne vie une fois mariée à un autre nom, ou peut-être n’avait-elle jamais ressenti le désir de partager cette partie de son passé avec ses enfants. Ambre n’avait donc que peu d’éléments, mais elle savait qu’ils avaient connu Anatole. Elle avait entendu plusieurs fois l’histoire de cet incendie.

- Le feu n’était pas accidentel ? Une question, simple et concise, s’éleva. Pourquoi ?

Il faisait partie de sa famille, après tout. La famille était sacrée chez Ambre, et heureusement pour elle, jamais un Mirail n’avait fait preuve d’une trahison telle que la mort en tant que sanction eut été nécessaire. Elle voulait comprendre. A l’époque, Morion était jeune ; elle se doutait bien que le meurtre avait donc été programmé par Isidore mais… la question subsistait : pourquoi. Cet homme avait visiblement voulu façonner un fils et un héritier intransigeant. Peut-être un peu trop. A quinze ans Morion était presque un homme fait, certes, mais… pour le mêler à un meurtre de masse, qui concernait sa propre famille… Ambre prit de la distance avec son mari dans le bain, s’écartant de son corps pour venir embrasser son visage des yeux, comme pour mieux le jauger. Tout cela lui faisait peur. Elle n’avait point peur de son mari, même si, certes, ces informations, nouvelles, étaient sombres et lui faisaient entrevoir une part de son époux qu’elle n’avait que rarement observée, tout au plus devinée. Non, elle avait peur, car leurs projets à tous les deux étaient déjà compliqués, mortels. Si Morion avait déjà tant joué le justicier dans les ombres, le nombre d’ennemis qu’il pouvait avoir augmentait considérablement. Et elle avait donc peur de perdre le père de ses futurs enfants. Il suffirait que quelqu’un ait réchappé de cet incendie à l’époque, un témoin gênant, ou d’une autre affaire, pour lui en vouloir sérieusement. Le passé était le passé mais… pour des choses si récentes, le danger pouvait être réel.

Ambre caressa doucement la joue de son époux d’un pouce. Elle aimait Morion, terriblement. Aimait l’homme qu’il était devenu. Isidore avait été trop dur cependant. C’était ce qu’elle pensait. Certaines parties reculées de son mari étaient devenues trop sombres, trop prompts à accorder la mort. Cela dit, c’était dosé chez lui. Il ne frappait jamais sans une bonne raison, et à côté, se montrait être un mari aimant contre lequel l’on avait strictement rien à redire. Ambre n’avait jamais pu lui reprocher ses actions contre les autres, tout simplement parce que jusqu’à présent elle n’avait jamais eu aucune raison de le faire. Morion n’était pas fou, encore moins inconscient, même s’il avait tendance à se montrer téméraire. Elle avait épousé un homme intelligent, et un pilier autour duquel elle pouvait construire sa propre part sombre, qui ne demandait qu’à s’étendre depuis les actions de Sigfroi. Seulement, Ambre avait parfois peur que cela prenne le dessus sur elle. Morion continuerait-il à l’aimer si elle perdait définitivement son côté Mirail, si elle se renfermait dans ses projets mortels en oubliant sa propre personnalité ? Elle en doutait fort, et ne souhaitait pas finir ainsi elle-même. Cela briserait leur mariage.

- Je l’ignorais, répondit-elle en réponse au discours sur les espions. Cela te correspond bien cela dit. Ton nom est secret et mystérieux depuis des années. Que tes espions ne sachent pas même qu’ils travaillent pour toi, cela ne m’étonne même pas. Elle eut un petit sourire. Quant à créer des cibles… Il faudra déterminer s’il faut d’abord viser l’Esplanade ou la basse-ville. Savoir si ces ennemis inconnus agissent plus dans l’une ou l’autre partie de la ville. Dans tous les cas, il sera aisé de choisir certaines cibles. Peu sont innocents, même parmi nos confrères de l’Esplanade. Ambre haussa les épaules. Cela reste de l’espionnage pour permettre de débusquer nos vraies cibles, ça n’est pas comme si on prévoyait de tuer tous les intermédiaires nécessaires pour remonter à eux ; cela serait une erreur même, beaucoup trop voyante.

Ambre garda le sourcil surélevé à la réplique sur son époux sur les risques qu’il était prêt à prendre lui, mais pas à laisser encourir à sa femme ; chose contre laquelle elle ne pourrait jamais lutter, disait-il. Il sous-estimait visiblement la propre vigilance qu’elle pouvait posséder à son égard. Elle restait une femme, certes, et avait potentiellement moins de marge de manœuvre que lui. Mais elle ferait tout pour le protéger, lui et leurs futurs enfants, quoi qu’il arrive. Quitte à devoir, un jour, se mettre en danger elle-même, si la situation était si grave qu’elle le nécessitait.

- Eh bien, cela devrait l’égaler, mon chéri. Ne prends pas plus de risques sous prétexte que c’est toi et pas moi. Tu n’es pas le seul à être tombé amoureux. Pense-y, conclut-elle dans un dernier baiser, sachant très bien qu’il était inutile de le faire changer d’avis là tout de suite dans ce bain. Morion était du genre borné. Un côté de sa personnalité qui avait ses charmes.

--

Tous les bons moments avaient une fin. Ce fut le cas de leur bain également. Les deux mariés sentaient bon, avaient effacé la sueur que recelait potentiellement leur peau, et il n’était plus nécessaire de prolonger le moment alors que l’eau avait commencé à bien refroidir, soulevant une chair de poule persistante sur les bras de la comtesse.
Ambre quitta la cuve, et surveilla son mari d’un œil lorsqu’il fit de même. Discrètement, elle le regarda se mettre debout, et le suivit du regard jusqu’à la couche, qui était visible depuis l’encadrement de la porte donnant sur la salle des ablutions. Elle ne voulait pas être vue, ne voulait pas donner l’impression à Morion qu’elle le couvait ou s’inquiétait trop de son état – elle connaissait son besoin d’indépendance. Quand elle vit s’asseoir sur la couche sans qu’il ne soit tombé, Ambre se détourna légèrement et prit le temps d’enrouler autour d’elle une serviette propre et sèche, ainsi que d’affermir le nœud qui nouait ses cheveux, qui s’était relâché le temps du bain.

Revenant près de son mari, elle attrapa entre ses doigts le pot d’onguent que lui tendait Morion.

- Bien sûr. Je te le ferai chaque fois que le guérisseur sera absent ; c’est fastidieux pour toi de le faire. Avant ça cependant…

Ambre tint le petit pot d’une main et partit fouiller un peu dans sa coiffeuse. Elle ouvrit un tiroir, et en ressortit une petite fiole. Transparente, contenant un liquide tout autant transparent, elle ressemblait à s’y méprendre à celle qu’elle avait offert à son mari avant de partir en guerre. Et la ressemblance était normale, car c’était exactement la même chose : une petite fiole qui contenait de l’eau d’Anür. Une fois la fiole en main, elle repartit auprès de Morion, et s’assit sur la couche, du côté de la jambe blessée. Elle déboucha la fiole doucement, et la pencha au-dessus de la cuisse, non sans faire une petite pause avant de verser définitivement le liquide. Pour permettre à Morion de se préparer, car l’eau salée allait faire mal. Mais c’était nécessaire pour purifier.

- Tu es prêt ? souffla-t-elle.

Quand il fit signe que oui, elle versa le contenu de la fiole, doucement, tout le long des quatre griffures. Elle posa son autre main sur son genou pour éviter qu’un soubresaut de douleur n’éparpille le liquide n’importe où sur la cuisse, et attendit de longues secondes. Quand elle décréta que cela était suffisant, elle sécha doucement les contours de la cicatrice, puis tamponna pour mettre à sec la plaie elle-même. Elle frissonnait légèrement quand elle sentait Morion serrer les dents, même si elle avait le visage penché sur sa jambe. Elle n’aimait pas le sentir souffrir, encore moins lorsque c’était de son fait.
Quand tout fut sec, de ses doigts fins, la comtesse banda la cuisse de l’homme, avec une généreuse dose de bandage. Elle noua le tissu d’un nœud ferme, et quand elle se fut assurée que tout tenait bon, elle releva le visage vers Morion pour l’embrasser. Et se faire un peu pardonner ce moment douloureux.
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Morion de VentfroidComte
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 7 EmptySam 6 Aoû 2016 - 20:47

L’annonce fut… Surprenante. Enfin la réaction d’Ambre ne le fut pas, elle. Il n’en aurait pas imaginé une autre à vrai dire, à part peut-être un mouvement de recul face à un crime pareil. Néanmoins, elle savait parfaitement qui elle avait pris pour époux, et qu’il était loin d’être blanc comme neige. Carrément à l’opposé même.Quant à lui expliquer les raisons profondes de cet acte… C’était long et fastidieux. Tandis qu’il réfléchissait à sa réponse, il se rendit soudain compte qu’il n’avait parlé de ce fait à personne. Talen était au courant, évidemment, il avait été sous les ordres d’Isidore bien avant d’être sous ceux de Morion, mais en dehors de leur entourage proche, le silence entourant cette sombre affaire avait été très opaque.

En y repensant, c’est vrai que l’affaire avait secoué la ville… Morion s’était amusé à essayer de deviner si cela venait du fait que l’on entendait assez peu les Ventfroid en général, et qu’une affaire aussi bruyante soit aussi étonnante que choquante, ou parce que les gens étaient purement choqués par la brutalité de l’événement et le nombre de morts. Tout le personnel de maison avait péri, sans même compter les têtes dirigeantes de la famille en ce temps. Il s’était avéré que cela se résumait en un mélange des deux. Parfois l’un l’emportait sur l’autre.

«Anatole oui, celui-là même que ta mère servait, avant d’épouser ton père. Quant à savoir pourquoi… Un pli dur barra ses lèvres. Ils avaient beau être à la tête de la famille, Anatole étant l’aîné de sa famille, il perpétuait les trois siècles bouseux de honte que nous avaient infligés nos ancêtres, ou plutôt, de sempiternelles insultes à la mémoire de ceux qui avaient vécu avant eux, en délaissant leur devoir pour leur profit personnel, se conduisant certes, comme la plupart des familles de la cour, mais également à l’opposé de ce qui est recommandé pour un Ventfroid. Il fronça les sourcils après une petite pause. Mon père a attendu longtemps le moment de l’évincer. Et moi aussi, dit-il, le sourcil levé. Etonnamment, et malgré ma jeunesse, je les haïssais. Anatole, sa femme immonde, ses enfants imbuvables, arrogants, si fiers de leur domaine et de leurs innombrables richesses… Ils n’en méritaient aucune. Et… à ce moment, nous faisions tout pour laver, d’une certaine manière, les péchés des ancêtres, et de ceux qui vivaient encore à l’heure actuelle. Le feu semblait être un bon moyen de tout récurer, de fond en comble. La sanction, c’est là la seule vraie raison de notre acte. Nous n’allions pas laisser quelqu’un d’autre s’en charger. Personne ne l’aurait fait de toute façon. Puis s’il fallait qu’un jour je dirige à mon tour la famille, et ce en fonction de nos préceptes les plus anciens, ce genre de rituel était… nécessaire, d’une certaine manière. Le fait qu’ils soient de mon sang n’ont fait que faciliter la chose, finalement. J’avais appris à les haïr, et je les connaissais bien. C’est plus délicat, lorsqu’il s’agit d’un parfait inconnu, au début.»

Plus qu’au nom des Ventfroid, Isidore avait même qualifié cette action vengeresse de devoir envers Rikni, la déesse envers laquelle ils avaient toujours eu le plus d’affinité. En plus d’une sanction purement traditionnaliste, le père de Morion se sentait guidé par le devoir d’accomplir une dernière épreuve avant de rendre aux Ventfroid leur prestige d’avant, par la suppression de tous les membres qu’il considérait comme gangrenés.
Et Morion, tout fanatique qu’il était avait accueilli cette épreuve avec… un mélange de soulagement et de joie. De joie pure, celle que ressentent les pieux lorsqu’on les met face à face avec la religion. Il avait d’ailleurs montré plus de zèle que son propre père, un sacré cas dans le genre, à cette occasion. Quand il disait qu’Ambre l’aurait probablement détesté, cela eût put clairement être vrai, même si à cette époque, elle était encore toute jeune. Mais les meurtriers sont rarement appréciés, même si leurs crimes sont dissimulés sous le couvert de la religion et des traditions.

«La Basse Ville sera ma priorité. Ils ne semblent pas avoir franchi une seule fois les portes de l’Esplanade, quand bien même ils savent quand moi j’en sors. Sinon ils auraient notifié mes visites à diverses personnalités, au cours du temps, or ça n’est pas le cas. J’ai rencontré Grâce et plusieurs fois Cassandre dans leurs demeures respectives, et rien ne m’est parvenu. S’ils savent aussi bien ou chercher, et si bien se cacher, alors leur connaissance de la ville doit être extrêmement pointue. Si qui plus est ils sont étrangers, ils n’ont pas du beaucoup en sortir, la ville est tortueuse, ne s’y repère pas qui veut.»

En effet, s’il se faisait discret dans le milieu mondain, il n’en était pas pour autant absent, et les affaires qu’il menait sur l’Esplanade semblaient avoir toutes passées les mailles du filet de ses traqueurs. Cela ne pouvait signifier que deux choses. Soit ils étaient basés dans la partie basse de Marbrume, soit avouer qu’ils étaient souvent présents également à l’Esplanade serait trop compromettant pour eux. Mais tout dans l’attitude de ces personne démontrait la confiance et la nonchalance, donc Morion avait de sacrés doutes quant à leur présence dans les quartiers nobles. La piste était cependant ouverte.


Un petit sourire fleurit sur ses lèvres, après sa dure tirade à l’encontre des membres défunts de sa famille. S’il était particulièrement borné, il n’ignorait pas pour autant les sentiments de sa femme. S’il les considérait comme une inépuisable source de ravissement, de les savoir partagés à la même intensité que les siens, au moins, il ne comptait pas les trahir, et au contraire, les préserver et les entretenir. Cela ne le dédouanerait en aucune façon de ses responsabilités, mais faire preuve d’un peu plus de prudence à l’occasion de ses excursions, si elles se reproduisaient, ne lui demanderait pas beaucoup d’efforts supplémentaires.

--

L’après bain était généralement agréable, quand la chaleur de la chambre venait compenser les fraîcheurs de la salle d’ablution, ou faire frissonner leur peau, dont les nerfs étaient encore excités suite à des bains aussi fougueux qu’agités, mais cette fois, c’était bien moins sensuel et confortable. Le sérieux de la conversation précédente, et sa blessure avaient de quoi refroidir les souvenirs chauds qui avaient spontanément décidé d’apparaître dans son esprit.

Il l’observa, ou observa surtout le contenu de sa main lorsqu’elle revint vers lui. De l’eau. Saturée au possible en sel. Il en aurait grimacé d’avance, si ça avait été son genre. Il resta néanmoins serein jusqu’à ce que les premières gouttes touchent sa plaie. Fort heureusement sa femme était bien plus délicates que les guérisseurs-boucher qui l’avaient examiné et traité jusqu’à lors, mais l’eau, elle, ne s’embarassait d’aucun sentiment, et il le sentit presque immédiatement. Une douce sensation, pendant quelques brèves secondes, quand l’eau fraîche s’égoutta sur sa peau martyrisée, et chaude. Puis lorsque le sel entra en contact avec les tissus cicatriciels et rougis, une brûlure intense parcourut toute sa jambe, avant de se concentrer sur les plaies, les rendant presque aussi douloureuses qu’aux premiers jours. Il serra brutalement les dents, qui grincèrent sous l’effort, et bloqua sa respiration un moment. Il ne la relâcha que lorsque les dernières perles de liquide salé furent épongées, et encore, si la douleur s’était estompée, elle persistait. Mais c’était une bien maigre peine comparé à ce qu’il encourait s’il ne prenait pas soin de cette blessure. Il lâcha un profond soupir, et une fois la jambe bandée, dont le traitement fut bien plus doux, ses sensations légèrement engourdies par la douleur bien plus vive d’avant, il sourit à sa femme pour la rassurer, et lui rendit tendrement son baiser.

Il saisit des affaires propres et sèches, des chausses amples afin d’éviter les frottements contre sa jambe, laissant Ambre se vêtir également. Il venait de rentrer, mais ils avaient tous deux du travail, aujourd’hui. Lorsqu’ils furent prêts tous deux, il la serra contre lui.

«Je vais rédiger les invitations pour Evan et Estrée. J’en ferai envoyer une aussi à Zéphyr afin de le convier dans un futur proche à venir prendre repas ici, tu pourras ainsi faire sa connaissance. Je passerai à l’atelier pour que tu co-signes les lettres, et voir ce que donne les portraits que tu auras peint. Je t’aime.»

Après un dernier baiser, ils sortirent, Morion se dirigeant directement vers son bureau. Lui aussi lui avait manqué, d’une certaine manière. Si ses appartements au comté étaient bien plus vastes que ceux dont il disposait ici, en comptant simplement la chambre, le bureau et la salle d’ablution, il préférait largement celui-ci, plus intimiste, et auquel il était bien plus habitué, surtout. En sus de cela, il y avait toujours le premier tableau qu’il avait acheté à celle qui partageait désormais sa vie, juste au dessus de l’entrée, face au bureau du comte. Il l’avait en vue dès qu’il relevait la tête de ses notes, et se perdait régulièrement dans la contemplation des traits de la déesse.

La rédaction des missives ne fut pas longue. Ecrites sur pratiquement le même modèle, hormis celle pour Zéphyr qu’il conviait à venir partager une soirée le dix avril avec eux, afin de faire plus ample connaissance, notamment avec sa suzeraine, Ambre, cela lui prit moins de dix minutes. Mais il n’en avait pas fini pour autant avec les travaux. Pris d’une idée, il se rendit au fond de la pièce, à droite de l’entrée, où il entreposait la masse conséquente de documents lui servant à travailler. Contrats, traités, notes personnelles, comptes rendus, tout y était, classés selon un ordre crypté, donc à première vue chaotique. Et toutes les notes étaient illisibles pour qui n’avait pas la clé. Même pour les plus anodins des détails, diminuant encore les risques pour que les documents qui pourraient intéresser un voleur d’informations soient pris pour cible. Il prit chacun des documents concernant l’affaire dont il venait de parler, ainsi qu’un plan détaillé de la ville. Sur le seul mur nu, il fixa la carte en laissant de la cire fondue sur la roche et en y accollant la carte, puis épingla une à une les missives, sur les lieux auxquels il avait été vu. Cela manquait encore d’informations, mais il aurait une vue plus schématique de la chose ainsi. Il se rendait souvent dans les mêmes quartiers, et les pigeonniers n’étaient pas assez nombreux pour qu’on puisse lui envoyer des lettres avec un temps chronométré à la seconde près. Ca, c’était certain. Il marqua donc, ignorant sa jambe qui commençait à protester de ses allers et retours dans la pièce, chaque pigeonnier public de la ville. Un soupir contrarié lui échappa. Il manquait encore de données, c’était aussi simple que cela.

Plus tard, il entrait dans l’atelier de sa femme, les missives en main. Il vint s’installer près d’elle, observant son travail.

«Tiens. Les lettres à signer. J’ai commencé à réarranger un peu le bureau dans le but de démêler cette affaire. Laisse moi donc voir ce que tu as… Le regard de Morion bloqua de longues secondes sur un des acheteurs présents à la salle. Un catogan blond, noué d’un ruban noir, des habits onéreux, une canne au bois bordeaux, probablement teint, surmonté d’un pommeau en or, en forme de pomme. Il avait déjà vu ça avant. Lui. Je ne sais pas qui c’est. Mais je l’ai déjà vu, il y a très, très longtemps. Il fronça les sourcils, et finit par lâcher avec un grognement irrité. Impossible de savoir où. Ce type, a-t-il fait quelque chose de particulier, durant la vente ? Qu’il vous ait regardé, je peux le comprendre, Hector Talen et toi avez du pas mal attirer les regards mais… Il se mordit légèrement la lèvre inférieure, se grattant distraitement l’arête du nez. Il était totalement seul, d’après ce que je vois… Par les trois ce que je peux haïr ma mémoire, parfois… Il soupira. Je vais effectuer de plus amples recherches. Mais je sais que je connais cet homme, d’une manière ou d’une autre.»

En l’observant, Morion ressentait un tiraillement du passé, comme un souvenir qui essayait de remonter, mais qui était engoncé dans son esprit sans possibilité d’en sortir. Cela l’énervait au plus haut point, d’ailleurs. Mais ce tiraillement n’était pas un simple souvenir. Cet homme, d’un certain âge - la quarantaine bien passée, proche de la cinquantaine même - lui inspirait un dégoût instinctif, sans qu’il puisse mettre le doigt dessus.

«Concentre tes pensées sur lui, mon amour. Ne néglige pas les autres mais… Je crois que tu tiens quelque chose.»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 7 EmptyDim 7 Aoû 2016 - 0:18
Les raisons du meurtre d’Anatole et des siens étaient… dures. Compréhensibles, mais dures. Ambre ne pouvait point trop juger malheureusement, à l’époque elle était trop jeune. Le comportement répréhensible que relatait Morion à propos d’Anatole, elle ne pourrait jamais vraiment en prendre la pleine mesure ; elle n’avait pas connu cet homme et les siens, et si d’aventure elle les avait croisés, elle ne s’en souvenait pas. Morion avait tué son oncle, et ses cousins. Il avait tué les héritiers légitimes du titre de Ventfroid, et était devenu, par ce biais, celui qui hériterait. Ambre tut la réflexion, mais elle se demanda si la volonté d’Isidore n’avait pas été plus motivée par la volonté de prendre la place de son frère plus que par celle de « nettoyer » les bras pourris de la famille. Réelle vindicte et réel fanatisme envers les préceptes de leurs ancêtres, ou ambition personnelle ? Cela serait quelque chose qu’elle ne saurait jamais, ça non plus. Isidore était disparu, très certainement mort, et ses enfants à venir ne connaitraient jamais leur grand-père. Une chose était sûre en tous les cas, si le fanatisme d’Isidore se retrouvait aussi chez Morion, il était largement modéré en comparaison. Et la comtesse espérait qu’il n’ait plus jamais à accomplir ce genre de sanction générale. Si leurs enfants pouvaient éviter de subir des conflits nobles en plus de la fange, cela serait pour le mieux. Evincer le Duc avant qu’ils ne grandissent pour leur éviter de grandir dans la haine… C’était quelque chose qu’elle souhaitait à sa progéniture.

- Je ne te ferai pas évoquer plus longtemps ce souvenir qui semble te rebuter. En effet, évoquer Anatole et sa famille avait relevé chez son époux une moue de mépris, encore tenace, malgré les années. J’espère simplement que cet incendie est bien passé pour accidentel chez tous ceux vivant au duché. Cela serait typiquement le genre de grief récent qui pourrait soulever vengeance, mon chéri. Si quelqu’un dans le Morguestanc tenait à Anatole et ses enfants… Espérons qu’il n’ait vu en cet accident qu’un simple accident.

Ambre était encore assez stupéfaite de cette nouvelle information, et ne fut donc pas plus loquace. Il lui faudrait du temps pour assimiler tout cela. Morion était à peine rentré et tout se mélangeait. Le bonheur de son retour, la menace nouvelle de maîtres-chanteurs étranges et anonymes, sa grossesse naissante, le passé de Morion… C’était compliqué de faire face à tant de nouveaux éléments d’un coup. Mais cela devait être nécessaire ; après trois semaines d’absence, forcément qu’ils avaient des choses à se dire.

Quant au reste de leur affaire, la comtesse hocha doucement la tête. Commencer par la basse-ville, soit. Les déductions de son époux étaient pertinentes ; Ambre avait de toute manière déjà bien des oreilles à l’Esplanade, elle voyait mal quoi faire de plus dans l’immédiat. Alors si ces inconnus semblaient venir du reste de la ville, il était logique de s’y pencher, en espérant que cela ne soit pas un piège habile de la part de ces gens. Marbrume était une vraie toile d’araignée, soulever les bons fils dans les bas quartiers serait déjà un travail long et fastidieux, qui les occuperait un bon moment.

--

Morion resta silencieux durant les soins de sa cuisse, mais Ambre sentit bien les aléas de son souffle et les contractions réflexes de son corps. Elle l’embrassa longuement pour conclure les soins, se faire pardonner la douleur qui reviendrait chaque fois qu’il faudrait refaire le bandage, mais aussi pour profiter de son époux quelques instants de plus. La comtesse avait senti qu’il était temps de quitter leur chambrée, et qu’ils allaient devoir se séparer un temps pour leurs affaires respectives. Des affaires importantes, que la comtesse ne souhaitait point négliger, mais partir s’enfermer dans son atelier, seule, alors que Morion était rentré depuis moins de vingt-quatre-heures la peinait. Elle aurait voulu ne pas le quitter d’une semelle, se laisser aller contre lui sur un sofa de leur salon, dessiner en sa présence… Mais elle avait besoin d’une concentration importante pour ce qu’elle comptait faire. La solitude pour cela l’aiderait sûrement. Ils profiteraient l’un de l’autre le soir venu.

- Fais donc, mon époux. Ma famille risque de se douter de quelque chose d’important si c’est toi qui leur rédige l’invitation alors que je suis toujours en contact assidu avec eux mais… cela m’amusera qu’ils s’étonnent d’être conviés de façon officielle. Je me demande ce qu’ils vont s’imaginer. Ambre pouffa doucement. Pour Zephyr, choisis le jour qui te plait le mieux.

Elle eut ensuite un sourire muet, heureux et légèrement amusé, lorsque Morion conclut l’échange en disant qu’il l’aimait. Désormais qu’il avait laissé échapper ces sept lettres, il semblait ne plus pouvoir s’en passer. Elle lui murmura la réciprocité avec un dernier câlin, puis il fut temps de se séparer pour la journée.

Ambre quitta donc son mari avec regret, même si leurs bureaux respectifs se trouvaient à quelques mètres l’un de l’autre à peine. La comtesse s’était parée comme à son accoutumée ; élégamment, portant les bijoux offerts par Morion pour agrémenter sa tenue. Elle s’affichait rarement sans désormais, et ce fut en tenant machinalement la goutte de son pendentif qu’elle pénétra son atelier.

Ce dernier n’avait pas changé depuis le départ de Morion. Les meubles avaient toujours le même emplacement, le parfum de la pièce était identique, l’ambiance générale était fidèle à la peintre qui y passait quasi quotidiennement. Quelques détails pourraient accrocher l’œil du comte cela dit, détails qui étaient témoins du temps passé. Le chevalet près des fenêtres – pour capter le maximum de lumière – supportait une large toile, plus large que les dernières œuvres qu’Ambre avait peintes, et si l’on venait faire le tour de l’objet pour observer le travail en cours, l’on pourrait admirer les prémices de la grande rue des Hytres, noire de monde, écho du matin du 3 mars 1165, juste avant l’aube. Les fonds du décor étaient encore à peine esquissés, mais le centre avec la foule présentait déjà un nombre de détails assez ahurissant. Les couleurs étaient sombres, offrant une ambiance assez désespérée au tout, avec parfois quelques touches de brillance : une alliance sur le doigt d’un milicien, une peluche entre les quenottes d’un enfant qui pleurait le départ de son père, les mouchoirs des femmes qui s’agitaient dans les étages des maisons au-dessus de la rue, souhaitant bonne fortune aux volontaires… et pleins d’autres touches de ce genre.
Sur la droite de la salle, tout au fond, trônaient les instruments des sœurs Ventfroid, un peu entassés pour ne pas prendre trop de place, mais l’on pouvait voir qu’ils avaient retrouvé leur brillance d’antan. Ils avaient été cirés, et pas une seule trace de poussière ne subsistait sur le bois et les cordes.
Sur le bureau, l’on pouvait voir de nombreux parchemins roulés et fermés par de fins cordons, entassés et rangés dans un ordre qui semblait avoir une logique pour la comtesse. Il s’agissait des plans recopiés pour le domaine Ventfroid, tous terminés. Il faudrait qu’elle pense à les faire passer à son époux, qu’il les fasse envoyer à Estrée et Marianne.

La comtesse ne se dirigea pas vers le bois de son bureau cela dit, même si son regard se posa dessus. Elle partit ouvrir les rideaux en grand, jeta un œil à sa toile qui attendait sagement sur le chevalet, mais s’en détourna rapidement également. Elle était mieux sur son chevalet pour peindre mais pour de simples visages et une petite scène qui tiendrait sur un papier pas très grand, un support plat lui suffirait. La jeune rousse tira un tabouret près de la grande table qui lui servait un peu de fourre-tout pour son matériel de peinture, dégagea d’un bras de la place – pot de pinceaux et parchemins vierges glissèrent sur quelques dizaines de centimètres. Ambre ramena quelques mèches de cheveux qui lui tombaient devant les yeux d’un geste de la main, retroussa un peu ses manches, et sortit fusain et pigments, ainsi que plusieurs feuilles de papier vierge. Mettant l’une d’entre elles devant elle, la comtesse posa les yeux sur la surface vierge, et prit une longue inspiration. Elle ferma les yeux, et resta longtemps à revoir en esprit cette soirée passée avec Hector. Une dizaine de minutes au moins. Elle accrocha tous les détails, tous les souvenirs qui pouvaient s’afficher sous ses paupières closes. Puis, après une nouvelle inspiration, elle rouvrit les yeux, et posa la pointe de son fusain sur le parchemin. Son poignet commença la courbe d’une première mâchoire, et ne quitta plus la surface de la table de longues heures durant.

Ce fut Morion qui interrompit sa transe artistique. A l’ouverture de la porte, elle jeta un œil rapide à son époux, qui entrait, missives en main. Sa main s’arrêta sur la surface du papier – les doigts de la jeune rousse étaient noirs de charbon –, et elle essuya un peu sa dextre sur un mouchoir avant de prendre une plume pour signer les lettres concernées. Elle parcourut rapidement les mots de son époux, et traça son nom et sa signature au côté de celle de l’homme.

- Regarde donc, ajouta Ambre en soulevant quelques dessins, mais ce sont des esquisses rapides, il me faudra bien plus de temps pour…

Morion tiqua presque aussitôt sur un visage cependant. Son regard s’arrêta longuement sur le dessin de la salle qu’elle avait fait, le dessin général, avec les tables, et les différentes intervenants, vus depuis la table de la comtesse. Il tapota doucement du doigt l’homme au catogan blond, et Ambre leva un sourcil.

- Lui ? Morion, il n’est pas étonnant que son visage te dise quelque chose ; c’est l’un des propriétaires les plus prisés de la ville, à dire vrai. Il rivalise avec certaines familles nobles voire les surpasse en terme de fortune – de toute façon, tous les acheteurs dans cette salle avaient forcément de quoi remplir leur bourse. C’est l’un des rares dont je connaisse le nom à cette soirée, les autres étaient de nouveaux riches que la fange a favorisés, dont les visages ne me disaient réellement rien. Cet homme, là, est Edmont Sabagne, héritier d’une longue lignée bourgeoise, propriétaire de nombreux chantiers navals au port. En fait, l’on pourrait croire que la Fange aurait ruiné son affaire, et ça a failli être le cas puisque nous n’avons presque plus de bois, mais il détient, du coup, les dernières rares péniches marchandes qui peuvent naviguer un peu. Il les loue à prix d’or au plus offrant, et si ce commerce reste particulièrement instable, car il suffirait pour lui de perdre ses possessions pour sombrer – l’arrivage de bois étant clairement insuffisant pour assurer la demande de constructions de bateaux, même pour des simples péniches –, pour l’instant cela l’a rendu plus riche que ce qu’il était avant la fange. L’on murmure que pour palier à ce risque présent de perdre ce qui fait actuellement sa fortune cependant, il se soit tourné vers d’autres investissements dans l’ombre, mais je ne me suis jamais penchée plus en détails sur la question.

La comtesse fit une pause, réfléchissant, tentant de se remémorer la soirée.

- Durant la vente… Non, il ne m’a pas paru sortir du lot. Il a investi dans… Ambre eut une pause. Dans rien du tout, en fait. Il n’a rien acheté durant cette vente, pas même les derniers commerces qui faisaient faillite mais qui auraient été florissants sous la main d’un bon investisseur. Plusieurs boulangeries notamment, avaient ainsi été mises aux enchères. Il était à deux tables de la mienne, à peine. C’est tout ce que je pourrai te dire, je crois.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 7 EmptyDim 7 Aoû 2016 - 2:47
Les engrenages de l’esprit de Morion fumaient pratiquement au sens littéral, tant il faisait fonctionner ses méninges à plein régime. Des mois qu’il n’avait aucun indice, et maintenant qu’il en avait un peint sous le nez, il n’était pas fichu de se souvenir de qui c’était. Et le pire, dans tout ça, malgré le fait que sa femme lui ait donné le nom de cet individu eh bien… Cela ne l’aidait en rien. S’il avait été mêlé à du commerce, il en aurait forcément entendu parler autrement mais… Le souvenir titillait doucement son cerveau sans jamais vouloir se manifester complètement. Comme si cela pouvait éveiller de nouvelles réminiscences, il le détaillait, ignorant superbement le reste de la salle dépeinte, concentrant son regard et ses pensées sur lui uniquement. Evidemment, l’intérêt d’une telle chose était vain. L’image ne se tournerait pas vers lui, l’homme ne parlerait pas, rien. Cela figurait parmi les pires frustrations que Morion ressentait. Savoir quelque chose, ou l’avoir su, et ne pas réussir à remettre le doigt dessus. Cela pouvait l’obséder des jours durant, pendant lesquels il écumait la bibliothèque de son manoir, celle de son château s’il le fallait, et pourquoi pas celle du temple. Il devenait aussi fiévreux qu’incontrôlable. Edmont Sabagne. Edmont. Sabagne. Il connaissait ce nom, oui, comme à peu près tous ceux qui avaient les moyens de faire de gros frais, ou comme toutes les grosses fortunes qui avaient survécu à l’arrivée du Fléau. Le problème n’était pas là. Il avait vu cette personne… sans jamais la voir en face. Voilà que son manque de fréquentation du genre humain s’avérait utile, tiens. Ses souvenirs de cet homme remontaient horriblement loin. Si une rencontre avait été faite, c’est Isidore qui l’aurait accueilli. Et sans Morion.

Les sourcils si froncés qu’ils s’en rejoignaient presque, il fermait les yeux, les doigts posés sur ses tempes. Il triait le peu d’informations dont il disposait, dont certaines se contredisaient, en plus. Tout d’abord, il connaissait cet homme. C’était un fait. Il faisait suffisamment confiance en sa mémoire et n’oubliait jamais un visage qu’il avait vu. Deuxièmement, il ne l’avait jamais rencontré. Tableau, enluminure, dessin, schéma ? C’était là tout le mystère. Troisièmement, cet homme n’avait rien acheté à la vente aux enchères. Alors était-il là spécifiquement pour garder Ambre à l’oeil, ou avait-il d’autres intérêts à se trouver là ? Etait-ce seulement lui l’espion de sortie ce jour là ? Un homme de sa trempe n’était pas du genre discret.

Une pensée fusa dans son esprit. Aucun Ventfroid n’avait rencontré cet homme. En tout cas, pas son père. Talen aurait été à ses côtés, et il l’aurait très certainement reconnu. Vigilant comme le vieux chevalier était, Morion ne doutait pas un seul instant que son serviteur eusse pu faire tomber rapidement les masques. C’était d’autant plus vrai après l’ordre absolu qu’il lui avait donné. Morion était donc peut-être le seul à l’avoir vu par le passé. Il rouvrit les yeux, jetant un regard courroucé au tableau entamé, fusillant du regard ce fichu Sabagne dont il n’arrivait pas à retrouver les origines. Il grogna de frustration, et se releva. Un peu trop brusquement, il en avait complètement oublié sa jambe estropiée. Il chancela légèrement pendant une demi seconde, et reprit un appui sec sur sa canne.

«Je veux son arbre généalogique, sur les dix dernières génération, lâcha-t-il, irrité. Il me faut… Je vais mobiliser des hommes, qu’ils le tiennent à l’oeil. Et il faudra se fournir certains de ses documents privés, antérieurs à la fange. Il n’est pas ce qu’il semble être, ça c’est certain, et je le découvrirai sous son vrai jour. Sa main se resserra sensiblement autour de son pommeau. Ambre, s’il est si riche que ça, il est possible qu’il ait fait l’acquisition de certaines de vos oeuvres. Nous devrons peut-être évoquer le sujet avec ton frère. Essaie de rassembler ce que tu peux, c’est vital.»

Il ne savait pas d’où venait ce dégoût instinctif pour cet homme. L’émotion qu’il avait du lui susciter par le passé devait être très forte mais… Pourquoi diable n’arrivait-il pas à mettre le doigt dessus ? C’était insensé. Il se surprit à se fustiger de ne pas avoir été assez attentif, plus jeune, à ce qu’il avait pu voir, lire, observer, entendre. Il lâcha un soupir bref, puis baissa les yeux vers Ambre. Il comprit qu’il avait peut-être été un peu trop… explosif, et se pencha vers elle pour lui laisser un baiser sur le front.

«Navré. Je ne supporte pas que ma mémoire me joue des tours. Mais cet homme n’est pas qu’un marchand, c’est certain. Je sais au moins où orienter mes espions… Il esquissa un sourire contrit, puis se redressa. Je vais leur écrire. Adèle de Villefranche est une femme particulièrement dure en affaire qui détient des exploitations légumières dans les faubourgs. Elle voudra sûrement faire convoyer ses marchandises par la mer jusqu’aux plages proches du plateau. Si quelque chose concernant cet homme te revient… Viens m’en faire part. Je vais éviter de trop me déplacer, précisa-t-il. Sa jambe venait de prendre un coup quand il s’était levé, et il ne voulait pas la pousser à bout trop vite.»

Sabagne. Diantre, il était certain d’avoir entendu ce nom. Et pas à propos d’un maudit loueur de bateaux.

Le soir était déjà tombé. Morion avait par deux fois fait délayer le service du repas d’une bonne demie heure, absorbé dans ses livres. Le fatras dans son bureau était impressionnant. Des livres plein le large meuble sur lequel il écrivait d’ordinaire, des parchemins éparpillés sur le sol, des reproductions de tableau en miniatures, il y avait de tout, agencé n’importe comment. Durant la fin de la journée, il avait envoyé ses espions aux quatres coins de la ville, pour débusquer, et suivre cet Edmont. Il avait reçu un grand nombre de rapports, tous adressés à Adèle de Villefranche. L’un d’eux manquait, cela étant. Luis, un voleur de pommes sur les marchés, qui était aussi agile qu’un singe, raison pour laquelle Morion le payait assez pour qu’il puisse racheter un étal de pommes entier. De son côté, il avait fait chou blanc. De tous les traités commerciaux de la ville qu’il avait pu lire, le nom de Sabagne ressortait quelques fois, effectivement, mais il n’y avait pas le moindre renseignement intéressant à se mettre sous la dent. C’était carrément déprimant. Pourtant, il avait écumé tous les livres qu’il avait à sa disposition. Et dans les années pré-Fange, il n’avait rien fait de spécial. Devait-il remonter plus loin encore ? Très probab-

*Toc. Toc. Toc.*

«Entrez, Talen.

- Luis a répondu, Comte Morion.

- Donnez.»

Le ton sec, presque brutal de Morion n’étonnait guère Talen, qui se plia sans broncher à sa demande. Il observa d’un oeil mi-intéressé, mi dépité le foutoir de la salle. Il savait que Morion savait très bien où était disposé chaque document et qu’il utilisait le sol surtout pour avoir, disons plus de place, mais son esprit de domestique se sentait presque insulté par une telle vision. Il ne fit aucun commentaire, cela dit. Ce “bazar” était aussi factice qu’organisé.

Morion parcourut des yeux le parchemin, et se rendit aussi vite que sa jambe le lui permettait vers la carte qu’il avait déployée. Il épingla la lettre, enroulée, sur un point précis de la carte. Un bordel. Le dernier endroit où Edmont était entré aujourd’hui. Il avait visité nombre de personnes, toutes décrites par le jeune espion, mais il n’avait fait qu’échanger des politesses avec eux. Inintéressant.

«Talen. Je crois que l’une des femmes qui travaillent pour vous est justement prostituée dans cette maison close. Convainquez la de faire d’Edmont son client, aussi régulièrement que possible. Au cas où il aurait des filles préférées dont elle ne ferait pas partie… arrangez-vous pour qu’elles soient bavardes. Je veux tout savoir, de la façon dont il les traite à la manière dont il les prend. Vous pouvez disposer.

- Bien. Dois-je me faire servir le dîner ?

- Oui. Il est déjà tard, Ambre ne doit pas trop délayer ses repas. J’ai déjà un peu trop forcé.

- Bien.»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 7 EmptyDim 7 Aoû 2016 - 16:14
La comtesse observa son époux réfléchir et réfléchir encore. La vision du visage de cet Edmont semblait réellement avoir eu un effet stupéfiant sur l’homme. Sourcils froncés, regard concentré, il tentait de se souvenir d’où il le connaissait, ou du moins, d’où il l’avait croisé. Ce qu’il ne réussissait visiblement pas à déterminer. C’était étonnant, que Morion soit persuadé l’avoir déjà vu, réellement persuadé, sans savoir comment. Etait-ce si ancien que ça ?
Ambre baissa elle-même les yeux sur son dessin pour effleurer du regard le visage de Sabagne. Elle avait froncé les sourcils, elle aussi. La jeune rousse n’aurait pas pensé que le regard de Morion s’arrêterait sur lui. Certes, c’était un bon point que son identité leur soit finalement connue, mais… bon sang, c’était un grand riche de la ville. Son quota d’influence, il devait sacrément l’avoir dans la basse-ville. Si cet homme était leur ennemi, il n’était sacrément pas à prendre à la légère. Mais subsistait une question essentielle : pourquoi ? Pourquoi cet homme s’amuserait-il à provoquer les Ventfroid ? La comtesse voyait mal ce que cela pouvait lui apporter, il était le genre de personne qui avait déjà tout ce qui lui fallait pour vivre. Pourquoi se risquer à s’attaquer à l’une des grandes familles de Marbrume ? Il y avait plus à perdre qu’à gagner, et surtout, elle voyait mal ce qu’un grand riche comme lui aurait à gagner plus que ce qu’il n’avait pas déjà. Néanmoins, quelles que soient les raisons, si cet homme était réellement lié à ces missives étranges… il faudrait redoubler de prudence, et pas qu’un peu.

- Morion… Elle sourit alors qu’il était venu baiser son front pour se faire pardonner ses paroles brusques et irritées. Elle ne lui voulait pas du tout, elle était un peu pareille lorsqu’elle était prise d’une concentration intense comme la sienne à l’heure actuelle. Fais attention, un homme de cette trempe doit sûrement avoir des espions aussi. N’en envoie pas trop à ses trousses, même si nous avons l’avantage de la surprise et de la brusquerie de la chose. En effet, d’un point de vue extérieur, rien ne pourrait justifier ce soudain espionnage sur Edmont, l’on ne pouvait pas vraiment se douter que la comtesse de Ventfroid avait peint quelque chose qui avait réveillé chez son mari de mauvais soupçons. Mais se faire griller dès les premiers jours resterait bien dommage. Il doit s’attendre à être surveillé, une fortune pareille attire forcément des concurrents.

Ambre décala quelques parchemins pour montrer à Morion les autres visages qu’elle avait dessinés, en désespoir de cause.

- Les autres ne te disent vraiment rien… ?

Elle soupira. Non, vraiment, que les soupçons de Morion se portent sur Edmont, ça n’était pas pour lui faire plaisir. Même s’il y avait encore beaucoup de choses à démêler. C’était dangereux. Cependant… Si cet homme était vraiment lié à tout ça… Un sentiment profond commença à serrer son ventre. Une moue méprisante avait figé ses traits. Riche ou pas, puissant ou pas, elle ferait tomber ce type. S’il avait l’arrogance de s’attaquer à eux, ça n’était clairement pas avec sa bienveillance naturelle qu’elle allait réagir. Edmont ferait face à la comtesse de Ventfroid, et non pas la petite peintre charmante qui offrait des cadeaux. L’on ne s’attaquait pas à sa famille. Jamais.

- Je sais que les Mirail ont déjà fait affaire avec lui, oui, mais il ne s’agissait pas de peinture, sinon je m’en souviendrais. Je n’oublie jamais un client personnel – car malgré le talent de mes tantes, c’est souvent moi qu’on vient voir pour des dessins depuis quelques années. Je me renseignerai, il doit y avoir des traces des transactions, ou ma mère s’en souviendra peut-être.

Elle irait leur demander en personne, hors de question d’évoquer le nom d’Edmont Sabagne dans une missive qui avait des risques d’être détournée. Elle irait fouiller dans leur salle des archives dans tous les cas. En fait, elle allait y aller tout de suite, cela ne serait pas très long ; le manoir était à quelques rues à peine. L’un des rares avantages de vivre en huis clos – pas besoin de faire trois jours de voyage pour rejoindre des amis voisins.

- Je me déplacerai, oui, conclut Ambre en baissant un regard sur sa canne. Ménage-toi mon époux. Je ne pense pas avoir un éclair de souvenir dans la journée, mais, qui sait. Va donc faire travailler ta mémoire.

Ambre pouffa, sachant déjà qu’elle travaillait à plein régime. Morion avait l’expression absente, le regard vague, alors qu’il essayait de retenir des filaments du passé. Elle le laissa filer, curieuse, voulant l’aider en émettant des hypothèses sur où il avait bien pu voir cet homme mais… elle avait de fait bien des choses à faire elle aussi.

Une fois que Morion eut quitté son atelier, elle termina certains détails sur ses dessins, mais finit par mettre le travail en pause. Elle continuerait ça après : Morion avait de quoi réfléchir et laisser de premières recherches sur Sabagne, si d’autres visages sortaient du lot elle pouvait tout de même prendre quelques jours pour les terminer. La jeune femme rangea donc ses dessins, quelques pinceaux et papiers, et après s’être nettoyé les doigts, toujours pleins de fusain, elle informa Talen qu’elle s’éclipsait une petite heure chez les Mirail, grand maximum, mais qu’elle serait à l’heure pour le repas.

Il s’avéra que sa famille était sortie ; seule subsistait au manoir la femme de son frère, Hélène, et leur fille Juliette. Mais Hélène attendait son deuxième enfant et était enceinte de six mois désormais, avait donc besoin de beaucoup de repos, alors Ambre demanda à ce que les domestiques n’informent pas de sa présence ; qu’elle reste à se reposer dans sa chambrée, Ambre avait des choses à faire rapidement. Elles auraient l’occasion de discuter toutes les deux lorsqu’ils viendraient tous dîner chez Morion de toute façon. Ambre évolua donc dans le manoir Mirail, seule. Un sentiment de nostalgie la prit alors qu’elle traversait les couloirs, qu’elle respirait le parfum de la demeure où elle avait passé la plus grande partie de sa vie. Les femmes de la famille avaient été envoyées très tôt à Marbrume, pour apprendre la vie de cour, et à partir de ses dix ans environ, Ambre avait plus vécu à Marbrume qu’au domaine Mirail même. Elle passait au moins une fois par mois au comté cela dit, qui n’était pas très loin à cheval, mais sa vie avait terminé par se construire à la cité. Quant à Evan, à l’inverse, sa place était au domaine, avec leur père. Mais de même, de leur côté, leurs passages à la cité étaient réguliers – ce qui justifiait certainement pourquoi les Mirail étaient si connues à Marbrume même –, et Ambre avait partagé de nombreuses vacances à jouer dans les couloirs du manoir de l’Esplanade avec son frère, comme cul et chemise. Les murs de cette bâtisse recelaient toute son enfance, et cela faisait désormais presque deux mois complets qu’elle l’avait quittée… C’était particulier comme sensation.

Un léger sourire sur les lèvres, elle évolua jusqu’à leurs archives, prit un tabouret et éplucha doucement les papiers, jusqu’à trouver ce qu’elle cherchait.

--

Ambre fut finalement rapidement de retour ; cela ne lui avait pas même pris une heure. L’heure du dîner approchait, mais elle était remontée directement dans son atelier pour continuer les dessins. Celui d’Edmont ne pouvait pas être plus précis, donc elle détailla les autres. Hommes et femmes, tous ceux dont elle se souvenait les traits pour pouvoir les dessiner.

Talen termina par venir la chercher pour le repas cela dit. Relevant le nez de sa table de dessin fourre-tout, Ambre sourit :

- Ah, mon époux se décide à manger, enfin ?

Le domestique eut l’ombre d’un sourire.

- Oui ; mais il semblerait qu’il soit plus concerné par votre appétit à vous que le sien.

Ambre leva les yeux au ciel. Forcément. L’homme pouvait passer des soirées entières sans manger lorsqu’il était absorbé par son travail.

- J’arrive dans quelques minutes Talen, merci.

L’homme inclina doucement la tête, non sans jeter un coup d’œil au bordel ambiant présent sur la table de dessin, et le domestique se fit la réflexion que les deux époux se ressemblaient bien sur ce point. Même si la table de la comtesse restait moins un foutoir que le bureau de Morion, là de suite.

La comtesse fut la première arrivée dans la salle à manger. Les couverts étaient déjà installés, les torches éclairaient doucement la pièce. Ambre prit place en attendant son mari, et renifla précautionneusement le verre de vin que Talen lui avait déjà servi. Elle fronça le nez presque aussitôt, tournant le visage, dégoûtée. Non, décidemment, cela ne passait plus du tout. Soupirant, elle reposa la coupe sur la table, et la plaça près de l’assiette de son mari. Le chanceux, deux verres pour lui tout seul.
Quand Morion fut enfin là, un sourire éclaira le visage de la comtesse. L’homme était un peu décoiffé, comme s’il avait passé la soirée à courir partout dans son bureau.

- Alors, mon époux ? Les choses te sont-elles plus claires après une meilleure réflexion ? Connais-tu cet homme grâce à ton père, ou l’une de tes familles vassales peut-être ?

Ambre posa une main à plat sur quelques documents qu’elle avait placé à sa droite, et les fit glisser sur la table jusqu’au comte.

- De mon côté, Edmont avait déjà fait affaire avec les Mirail, je me souvenais bien. Nos artistes avaient travaillé les sculptures sur les figures de proue de certains de ses navires. Des figures classiques représentant la Trinité en général, le plus souvent Anür, déesse des mers. Il était satisfait de notre travail, je gage, car il nous a quémandés à plusieurs reprises, mais cela date de quelques années désormais. C’est tout. Rien qui sorte de l’ordinaire, les relations sont restées très commerciales et cordiales, assez impersonnelles. Nous pourrons en parler plus en détails avec Evan cela dit, il a plus échangé avec lui que ce que j’ai pu faire.

Quand Talen apporta le repas, Ambre ne se fit pas prier pour manger ; elle avait faim.
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 7 EmptyDim 7 Aoû 2016 - 20:45
Pendant que Talen s’affairait dans la maison, Morion finit par abandonner son bureau. Auparavant il évoluait tout à fait silencieusement dans le manoir, désormais le claquement sec de sa canne, à l’extrémité renforcée de fer pour éviter l’usure, claquait sur la pierre, annonçant sa venue d’un bruit régulier, presque sinistre. Lui-même en ricanait, d’amertume. Sûr que dans cet état là, et tant qu’il aurait besoin de ce maudit morceau de bois, il ne risquait pas de sortir à l’aventure dans les bas fonds. On l’entendrait venir à des lieues, et il n’aurait même pas la mobilité nécessaire pour se défendre. Tout comme ici. Sa femme put entendre le bruit claquant de sa canne dans l’escalier plusieurs minutes avant qu’il n’arrive. La descente n’était pas beaucoup plus aisée que la remontée des marches, il mettait pratiquement le même temps affreusement long à ses yeux dans un sens, comme dans l’autre. L’agacement de cet effort laborieux disparut bien vite, cependant, à la vue de sa femme attablée. Il prit place à ses côtés, en bout de table, après lui avoir laissé un baiser au coin des lèvres. Il avait lu tellement de documents et à une telle vitesse qu’il avait l’impression d’avoir des caractères gravés sur les rétines. Il s’autorisa une gorgée de vin, dans la foulée de sa réponse. La présence des deux coupes l’intrigua un bref instant, puis il se souvint que sa femme pouvait avoir l’odorat particulièrement atteint. Il lui adressa un regard un brin moqueur. Il lâcha un petit soupir, cependant, aux prémices de sa réplique.

«Non, malheureusement, c’est le néant. Mais je sais plusieurs choses de plus, déjà. Je ne le connais ni par mon père ni par personne d’autre. Cette personne, je l’ai vue seul, il y a de nombreuses années, mais je ne sais ni où ni comment. Si mon père l’avait rencontré, Talen aurait été au courant. Et si l’une des familles à notre service aussi, eh bien je serais au courant, et le visage m’aurait sauté au visage en même temps que son nom. Ce qui ne fut pas le cas. Je dois creuser plus avant.»

Il préférait considérer que, malgré l’échec à découvrir l’origine de son souvenir, savoir d’où il ne venait pas, c’était déjà un progrès. Cela n’était évidemment pas suffisant, et ça l’ennuyait au plus haut point de devoir avancer à petits pas, à peine visibles à l’oeil nu, mais il n’avait pas le choix. En réalité, sa femme lui avait permis de faire un bond de géant en avant, même s’il se retrouvait à nouveau dans un cul-de-sac brumeux. Il prit distraitement les notes que lui fit passer Ambre et les feuilleta un moment. Là également point la déception. Il n’avait jamais rien fait ou acheté ou dit quelque chose sortant de l’ordinaire. Et pourtant, l’esprit de Morion lui hurlait que cette personne était tout, tout sauf ordinaire. Il les relut plusieurs fois. Ses yeux commençaient doucement à fatiguer, et il ne voulait rien rater. Mais finalement… Seul un petit détail le fit tiquer.

«Mh… des banalités… Des banalités de riche, certes, mais des banalités, finit-il par lâcher, clairement déçu. Mais n’avez-vous rien de plus… ancien ? A-t-il commencé à traiter avec vous seulement ces dernières années ? Je pensais à une période remontant à seize… peut-être dix-sept ans, à dire vrai. Je ne vois pas mes souvenirs de lui remonter moins loin. Ils ne seraient pas aussi nébuleux, sinon. Peut-être la connaissance d’Evan des affaires de votre famille, même s’il était très jeune à ce moment… Mh, nous verrons. Tu as déjà permis de grands progrès, inutile de presser les choses, j’imagine. Talen s’occupe déjà de le faire surveiller de loin, quant à moi… Je reprendrai mes recherches plus tard.»

Il esquissa un sourire et finit par entamer la nourriture. Il avait un bel appétit, ce soir. La journée d’hier, assez éprouvante, plus celle-ci, qui malgré sa tranquillité s’était tout de même avérée riche en activité, même mentale, lui avaient creusé l’estomac comme rarement. Il ne se priva donc pas, dévorant son assiette comme s’il n’avait pas mangé depuis des semaines. Ce qui n’était pas totalement faux, par ailleurs, vu le peu de nourriture ingérée depuis son départ.

Plus tard, lorsque les derniers vestiges du repas étaient débarrassés, petit à petit, la main de Morion glissa sur celle de sa femme, doucement. Il l’enserra légèrement, et esquissa un petit sourire enjoué.

«Etant donné que j’ai beaucoup travaillé, et que je subis encore les contrecoups du Labret et jours suivants, je ferai une exceptionnelle entorse à mes habitudes, et ne reprendrai le travail que demain matin. Je ne sais si tu ressens plus de fatigue qu’ordinairement, dit-il, les yeux baissant par réflexe leur regard en direction de son ventre, mais je suis à toi toute la soirée, pour une fois.»

--

5 Avril 1165

La dernière semaine avait été tranquille. Réellement. Il n’était pas oisif, et cherchait toujours comme un forcené l’identité et surtout l’origine d’Edmont Sabagne, mais cela ne donnait rien d’autre qu’une augmentation de sa frustration. Lorsque sa jambe s’était montrée plus permissive, il avait cependant recommencé à faire de l’exercice. Rien de méchant ni de dangereux pour sa jambe, il travaillait avec Talen les mouvements du haut de son corps, essayant d’améliorer la qualité de ses parades et de ses coups de lame. Leur précision, surtout. Les fangeux lui avaient bien appris une chose : contre eux, la force brute était inutile; quel que soit l’effort mis à contribution, les fangeux avaient une force supérieure, inutile de lutter contre, le gagnant était désigné d’office. Cependant, avec des frappes plus précises, plus méthodiques… Il y avait tout de même un peu d’espoir. Même si, pour Morion, l’espoir résidait surtout en ne jamais recroiser ces bestioles en aussi grand nombre. Il avait mis un temps, pour s’adapter. Essayer de bouger le moins possible le bassin, les jambes, ses pieds. Talen cessait tout mouvement et corrigeait sa position dès que Morion faisait un faux pas, et au début, il en faisait tant que même lui s’en retrouvait agacé. Cela avait pris plusieurs heures avant qu’il ne puisse rester complètement immobile, compensant à la force des bras l’élan que pouvait prendre sa lame quand il paraît, ou mettre suffisamment de force dans ses muscles abdominaux ou dorsaux pour encaisser une frappe sans partir en arrière. Cela lui faisait du bien, d’une certaine manière. Se dépenser un peu, alors qu’il restait cloîtré chez lui. Ce fait ne le dérangeait pas, c’était qu’il lui soit imposé qui était un problème. En pleine possession de ses moyens, il ne serait probablement pas plus sorti, mais aurait pu. C’était là toute la nuance du problème, et ce qui irritait à ce point le comte; être contraint. Il avait horreur de ça.

L’enrtaînement était cependant fini depuis bien longtemps. Il était déjà onze heures moins dix, l’heure à laquelle Estrée devait arriver. Ambre avait assisté à la séance, dans la volonté de vérifier si son époux ne maltraitait pas sa jambe plus que nécessaire. Il avait vaguement protesté, arguant que sa femme avait surtout besoin de repos, et certainement pas de se lever aux aurores pour rester plusieurs heures les fesses sur un banc à le regarder lutter contre son propre corps, mais elle avait fait fi de chacun des mots qu’il avait prononcé. Elle avait changé, une fois de plus, les bandages après sa séance. La douleur en surface était de moins en moins violente quand le sel coulait dessus, mais les douleurs musculaires… C’était une autre affaire. Le guérisseur avait dit que les choses de l’intérieur mettaient beaucoup plus de temps à guérir quand elles étaient atteintes, surtout en profondeur comme chez Morion, mais le comte n’avait aucune idée, à ce moment, que cela prendrait autant de temps.

Quoi qu’il en soit, sa femme ne tarderait probablement pas à le rejoindre, probablement affairée dans la demeure. Il venait à peine de descendre à vrai dire, après s’être affairé une petite heure dans son bureau. L’annonce officielle de la grossesse d’Ambre n’aurait lieu que le soir, mais la jeune femme arriverait plus tôt, favorisant des heures ensoleillées. Elle passait une nuit au Manoir, puis rentrait chez elle. Ca, c’était la théorie. Celle annoncée dans les dernières missives de sa soeur qu’il avait reçu, toujours accompagnées des notifications de Marianne, comme il le lui avait demandé peu avant son retour en ville. La pratique désormais.

La porte, légèrement à l’heure prévue, s’ouvrit. Ce fut Talen qui entra le premier, parti accueillir en avance la jeune femme, mais l’air contrit qu’il prit en voyant le comte fit instantanément tiquer Morion. Et avec raison. Car c’est Marianne, et non Estrée, qui entra dans la pièce. Si l’aînée des deux soeurs avait eu un empêchement, et c’était tout à fait possible, elle l’aurait prévenu, d’une manière ou d’une autre. Non, c’était forcément quelque chose d’autre. Et son instinct ne le trompa guère. Sitôt entrée, elle se jeta sur Morion, l’étreignant, et contenant à grand peine l’émotion qui couvait en elle. Il attendit qu’elle se fut calmée, avant de l’interroger du regard. Il connaissait l’émotivité de sa jeune soeur, et savait que parfois, elle faisait beaucoup cas d’affaires parfaitement triviales.

«Marianne, calme-toi donc. Que se passe-t-il ?

- Je… Estrée. Le domaine a été attaqué, hier. Les fangeux étaient nombreux et… Elle est sérieusement blessée. Nous ne savions pas quoi faire, elle ne peut plus bouger alors… Edric a pris le commandement des armes, et-

Le sang de Morion ne fit qu’un tour. Son coeur rata un battement, et il blêmit à vue d’oeil. Les yeux étrécis, le timbre si bas qu’il était presque inaudible, il se pencha vers sa soeur.

- Est-ce grave ? Réponds moi honnêtement.

- … Je crois. Elle a été touchée au ventre. Un piquier se défendait contre une de ces bêtes, de ce que m’a dit Edric et… Estrée était en train d’ordonner la formation. La pique a été détournée avec une force telle qu’elle l’a prise de plein fouet. Elle ressortait presque de l’autre côté. Elle est vivante, mais… Elle est faible.»

Morion releva un regard dur vers Talen. Il prit sa soeur par les épaules, la serrant doucement contre lui. Malgré l’infirmité de Morion, Marianne donnait un drôle de contraste. Petite de taille, son visage juvénile encadré par ses cheveux sombre lui donnait à côté de son frère une impression de grande fragilité.

«Dis à Ambre de nous rejoindre au salon, et demande aux domestique de faire porter du vin et des rafraîchissements.»

Talen obéit immédiatement. Lui aussi connaissait et aimait beaucoup Estrée, et la nouvelle l’inquiétait énormément. Morion, quant à lui, était, à sa manière, totalement angoissée. Si elle était vivante, c’était déjà très bien. Mais les blessures de ce genre pouvaient s’avérer terrifiantes. Elle avait certes de la chance de ne pas avoir été blessée par un fangeux mais… Il installa sa soeur sur son fauteuil, et tira une chaise du coin de la pièce pour la mettre près d’elle, non loin du second, qu’il laissait à sa femme.

«Pour commencer, calme toi. Quand Ambre sera là, tu répéteras tout.»
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 7 EmptyLun 8 Aoû 2016 - 16:43
- Tu l’as vu seul…

Ambre reprit le verre de vin qu’elle avait délaissé, non pas pour le boire car l’odeur l’insupportait désormais, mais par habitude. Elle fit tourner la boisson bordeaux au creux du récipient d’un léger mouvement du poignet, suivant du regard les minuscules vaguelettes que cela soulevait à l’intérieur. Cela lui permettait de réfléchir, comme de mieux poser ses idées.

- C’est étrange. Si ton souvenir remonte à une vingtaine d’années, tu avais quoi… Dix ans à peine ? Comment un enfant aurait pu croiser, seul, le tenancier de nombreux chantiers navals au port ? Tu faisais des escapades en solitaire, au nez de tes parents peut-être ?

La comtesse avait haussé un sourcil, sa question étant plus rhétorique qu’autre chose. Elle était à peine sérieuse et n’attendait pas vraiment de réelle réponse, si Morion avait dû se souvenir d’un détail précis il l’aurait déjà fait. Non, de toute évidence, si Morion avait vu cet homme, c’était dans des activités annexes qui n’avaient sûrement rien à voir avec des navires mais… bon sang, le flou était total.
Ambre se massa la tempe.

- Oui, Evan était très jeune à cette époque, et moi aussi… Nous ne pourrons pas avoir d’éléments qui remontent si loin, Evan pourra seulement te relater ce qui date des dix dernières années. A moins que Père lui ait parlé de choses que j’ignore, cela reste… possible, il est l’héritier après tout. Cela dit, Ambre en doutait. Elle avait toujours été au fait des affaires de sa famille, quand bien même n’aurait-elle jamais les rênes du comté. Pour le reste, j’ai remonté nos archives en entier, alors, à moins que les transactions aient été mal rangées, il n’y avait rien d’autre, je suis navrée mon chéri. Et si d’aventure il y a eu un jour entre nous des échanges disons… moins légaux, je ne suis pas certaine que mes parents en aient gardé des preuves écrites, c’est le meilleur moyen de se faire prendre.

Il faudrait questionner directement Evan et Céline, de fait, c’était le seul moyen. Pour le peu d’informations que la comtesse possédait cela dit, elle doutait fort que les Mirail se soient penchés plus avant sur cet homme. Réellement, quand Morion avait assuré qu’il était leur cible, en pointant le dessin, Ambre était restée stupéfaite. Il n’était pas homme à avoir soulevé beaucoup de soupçons chez la noblesse, contrairement au nom Ecuviel par exemple.

En-dehors de cette affaire qui faisait chauffer leur cerveau à tous deux, le repas se déroula bien. C’était le premier dîner qu’ils partageaient tous les deux depuis plus de trois semaines. La présence de son époux était… terriblement parfaite. Sa tenue, ses mimiques, les gestes de ses mains au-dessus de son assiette, sa voix… Ambre s’en était langui des soirs entiers lorsqu’elle avait pris ses repas seule, et avait passé son temps à imaginer quelle aurait été la réaction de Morion face à telle ou telle remarque, tel ou tel racontar de la journée. Cette absence était désormais terminée. Définitivement. Alors, quand Morion glissa la main sur la sienne à la fin du repas, un sourire fleurit aussitôt sur le visage de la comtesse, associé à un regard un peu ému, probablement, en repensant à ce contraste saisissant entre son absence et sa présence. Ses dos se mêlèrent à ceux de son époux.

- Je ressens plus la fatigue en effet, mais il était hors de question que je fasse une sieste aujourd’hui. Elle se rapprocha doucement au-dessus de la table. Tu es de toute manière un bon motivateur lorsqu’il s’agit d’oublier le sommeil, souffla-t-elle, taquine. Quant à toi… Si tu n’as l’avais point faite de toi-même, cette entorse à tes habitudes, sois certain que j’aurais terminé par venir interrompre tes affaires dans ton bureau. Elle remonta doucement sur le poignet, caressant les reliefs de ses styloïdes. Je compte bien profiter de mon mari désormais qu’il est rentré. Tout entier.

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5 avril 1165

La routine quotidienne des Ventfroid avait repris son cours, quoique légèrement perturbée par des éléments nouveaux. La rééducation de Morion, déjà, qui était longue et difficile. Le guérisseur était passé, avait décrété que la plaie était en bonne voie de guérison, mais qu’elle fallait masser très régulièrement la cicatrice pour que les chairs en surface ne se mêlent pas avec les chairs en profondeur, supprimant définitivement la souplesse de la cuisse. La comtesse avait eu du mal à cerner ce qu’il avait voulu dire, mais, si masser la jambe de son époux très régulièrement lui permettrait de retrouver une meilleure élasticité de peau que ce que les cicatrices rougies accordaient actuellement, alors, elle n’y manquerait pas. Elle le faisait tous les jours en changeant son bandage. Et après une semaine, le comte pouvait déjà reprendre une meilleure marche, et assumer des entraînements. La comtesse les suivait tous, le matin. Pour vérifier qu’il n’abuse pas trop, certes, mais aussi parce que leur longue séparation l’avait rendue un peu zélée lorsqu’il s’agissait du temps passé ensemble. Elle ne voulait pas rater un seul instant jusqu’à leur prochaine séparation, car même si cette dernière serait pas mal délayée à cause de la convalescence de son époux, il y aurait forcément un moment où il devrait rejoindre, à nouveau, son domaine. Alors, elle prenait un livre, se posait sur l’un des bancs de pierre de la salle d’entraînement, et observait Talen et Morion s’entraîner. Mais le Ventfroid se vengeait bien à sa manière, lorsque le soir avant les repas, c’était à son tour de recommencer à manier la dague ; entraînement qui avait été mis en pause durant l’absence du comte. C’était Talen qui éduquait la jeune rousse, et Morion, assis à son tour sur le banc de pierre, jambe tendue pour soulager sa blessure, observait les progrès et les ratés de sa femme. L’on sentait bien que son époux assumait mal le fait de ne pas assurer lui-même les entraînements à sa femme, mais cette dernière aurait dans tous les cas protesté s’il avait osé proposer l’idée alors que les siens le fatiguaient déjà beaucoup.

En-dehors de cela, l’affaire Sabagne stagnait – les espions du comte ne donnaient rien de transcendant, et les derniers dessins achevés de la comtesse sur la soirée avec Hector n’avaient strictement rien évoqué chez Morion. Cependant, ils avaient gardé tous les portraits, en cas que l’un de ces visages soit croisé un peu trop souvent à chacune de leurs sorties, ce qui pourrait évoquer une surveillance à leur encontre.
Ambre avait repris sa peinture sur la grande rue des Hytres, et écoutait les commentaires de Morion si d’aventure il en faisait. La comtesse luttait beaucoup contre le sommeil, se refusant à perdre les rares heures en compagnie de son époux, mais parfois c’était inévitable, et elle s’endormait contre lui sur le sofa de leur salon alors même qu’ils étaient en pleine discussion. Il fallait croire que le petit être qui grandissait en elle avait besoin d’énergie, et c’était particulièrement agaçant parfois. Talen s’en amusait beaucoup, lui, et le comte aussi visiblement. Le domestique avait été mis au courant de la situation, et il formait donc avec Sarah le duo de domestiques qui en savait plus que les autres. Ils échangeaient parfois des regards narquois quand la comtesse avait le dos tourné et qu’elle refusait un plat qui lui soulevait des nausées sans raison apparente. C’était un vrai marathon de lui trouver des aliments qui ne la dégoûtait plus, et Ambre espérait sincèrement que cela passerait rapidement, cela ne serait vraiment pas viable si cela durait ainsi pendant neuf mois.

Ambre était fébrile cela dit. En ce jour du cinq avril, sa famille allait apprendre la nouvelle. La famille s’agrandirait bientôt. Déjà, Evan attendait son second enfant, qui devrait arriver au mois de juin – et tous espéraient que les dieux lui donnent un fils après sa fille Juliette –, et Ambre allait contribuer elle aussi à apporter un peu de vie. La Fange ne rendait la naissance d’un enfant que plus poignante, étrangement.
Avant l’arrivée des Mirail cependant, Estrée serait présente la première. La comtesse attendait beaucoup la jeune femme, qu’elle voulait vraiment apprendre à mieux connaître. Elle regrettait un peu qu’elle parte dès le lendemain, enchaîner des heures à cheval en si peu de temps n’était point raisonnable. Mais la jeune Estrée semblait avoir hérité des Ventfroid le même côté borné que Morion. Laisser son domaine sous les mains d’Edric de Castelmont et sa sœur Marianne pendant plus de temps ne semblait pas être une idée qui la laissait à l’aise.

Après l’entraînement de Morion, Ambre était donc partie se préparer convenablement. Elle avait pris un bain, s’était changée. Elle observa de longues secondes le collier de noces offert par son époux, dans le miroir, laissant son regard errer sur les petites aspérités dans l’or qui mimaient les écailles d’une sirène, mais surtout les entrelacs formant des bois de cerf, entourant la goutte de saphir qui pendait entre ses clavicules. Serus lui avait accordé un enfant rapidement, et elle espérait que son corps serait assez fort pour supporter un enfant. Des histoires sordides sur des fausses couches, elle en avait entendu des tas alors… Mais en ce jour, elle était loin de penser à ce genre de peurs. Elle n’attendait qu’une chose : pouvoir annoncer la bonne nouvelle à sa famille. Les dieux avaient toujours un sens de l’ironie indéchiffrable cela dit. Comme s’il fallait toujours compenser un bonheur par un malheur. Le bonheur de ses noces avait été entaché deux semaines plus tard par la mort de son père. Deux semaines après l’annonce qu’il allait être père, Morion apprenait la blessure grave de sa sœur…

Ambre quittait tout juste son atelier lorsque Talen vint la quérir. Elle avait noté l’heure, et elle savait qu’Estrée arrivait bientôt – elle voulait l’accueillir en même temps que son époux. Cela ne fut pas le cas néanmoins, car la jeune femme fut arrivée légèrement en avance, raison pour laquelle Talen était venu la chercher. Ambre fut heureuse d’apprendre qu’elle était là, quoiqu’un peu gênée de ne pas avoir été dans le hall pour l’accueillir, mais quelque chose lui fit froncer les sourcils. Talen fut vague en évoquant l’arrivée de la sœur, et semblait tout sauf joyeux. La comtesse savait qu’il appréciait Estrée pourtant. Elle regarda le domestique, intrigué, et celui-ci marmonna quelque chose comme quoi elle verrait bien en descendant. Ambre fronça les sourcils, inquiète, remonta de quelques centimètres sa robe au-dessus de ses pieds, et descendit donc au salon.

Talen la fit entrer dans la pièce, et les yeux de la comtesse se posèrent aussi sur son époux, assis sur le canapé, tout proche d’une femme qu’il serrait contre lui, mais qui… n’était point Estrée. Brune, les yeux clairs, le visage doux, elle était complètement à l’opposé du visage qu’offrait d’ordinaire Estrée. A l’opposé, mais pourtant… Ambre nota des traits dans le regard et la bouche, des mimiques, qui faisaient… eh bien qui faisaient définitivement Ventfroid. La jeune femme ressemblait à Morion, de toute évidence. Et même si Ambre n’avait jamais vu cette femme en chair et en os, elle la reconnut aussitôt pour avoir pu admirer quelques portraits familiaux au manoir. C’était Marianne, la sœur de son époux.
La comtesse écarquilla doucement les yeux, fit quelques pas pour se rapprocher, et s’inclina légèrement, incapable de cacher sa surprise. Etait-ce une manigance des deux sœurs pour que Marianne termine par rencontrer Ambre plus vite ? A voir la face de Marianne et de Morion cependant, la comtesse sentit aussitôt que quelque chose de grave se passait.

- Bonjour, Marianne, déclara Ambre, la tête inclinée avec respect, mais un pli inquiet entre les sourcils, et une moue toujours surprise sur sa bouche. Je… Je suis heureuse de vous rencontrer, mais je ne vous attendais point, pardonnez mon étonnement. Elle jeta un regard en coin à Morion, qui semblait autant pris au dépourvu qu’elle. Etes-vous venue seule ?

La question sous-jacente couvait : où était Estrée ? Marianne échangea un nouveau regard avec Morion, et ils expliquèrent la situation. Ambre si figea légèrement, douchée tout à coup. Estrée, blessée ? Grands dieux, les Ventfroid allaient tous finir touchés à cause de cette satanée fange ? Ambre écouta le discours de Marianne, mais termina par tiquer. Estrée était vivante, mais « faible ». Alors, que faisait Marianne ici ? Sincèrement ?

- Marianne… N’auriez-vous pas pu nous envoyer une missive, plutôt que risquer un voyage à cheval, seule… ? Votre sœur est peut-être entre la vie et la mort, elle a besoin de quelqu’un de sa famille à son chevet. Elle a plus besoin de vous que nous ici.

Son ton était doux, mais il était impossible de ne pas saisir derrière le reproche, ou l’incompréhension de la comtesse. Déjà, que la jeune femme ait traversé les terres à cheval, seule, en étant une femme incapable de se défendre convenablement face à des voleurs ou des fangeux… Ambre se demandait si les Ventfroid ne possédaient pas un certain gène d’inconscience gravement ancré. Mais, franchement, si Estrée venait à mourir, comment Marianne pourrait vivre en sachant qu’elle l’a laissée mourir seule dans un lit, sans même pouvoir assister à ses dernières volontés si elle en avait ? C’était complètement inconcevable pour Ambre, qui aurait délayé un dîner aussitôt avec une telle situation, même si le dîner concerné permettait de voir son frère et sa belle-sœur. Marianne était visiblement très émotive, et peut-être un peu… immature. Enfin, « un peu ». Non, pas qu’un peu. Elle l’était complètement, à dire vrai. Et ça n’était pas réellement les premières impressions qu’elle aurait aimé se faire sur la cadette de la famille.

Après ça, Ambre garda le silence, jetant un discret regard à son mari. Elle était ébranlée par la nouvelle, et avait serré ses mains par réflexe sur son ventre. Un jour qui devait s’avérer heureux, avec une annonce de grossesse… s’était transformé en calvaire et angoisse, et désormais que Marianne était ici, qui pourrait tenir avec précision des nouvelles sur la blessée ?
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Morion de VentfroidComte
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 7 EmptyLun 8 Aoû 2016 - 23:56
Toute la problématique était là. Morion était très jeune, il ne rencontrait des personnalités influentes que lorsqu’elles venaient elles-mêmes au Manoir, ce qui n’arrivait jamais du temps d’Isidore, et encore moins du sien. Il n’avait pas du tout croisé cette personne en chair et en os, c’était là tout le souci. Et pourtant il s’en souvenait. Pour le comte il était difficile de croire qu’une personne comme Sabagne ait pu figurer dans un ouvrage, ou qu’il ait pu voir une oeuvre le représentant. Il n’était qu’un bourgeois, et devait à peine avoir la vingtaine d’années, à cette époque, peut-être un peu plus. C’était vraiment très étrange.

Morion finit par mettre le sujet de côté. Le jour venu il questionnerait Céline. Elle ne lui devait plus rien, son passé de Rocheclaire, Morion n’en tenait plus vraiment compte. Il la respectait en partie pour son histoire au sein de cette famille, mais l’estime qu’il avait d’elle allait au delà, il la respectait également pour être la mère de sa femme, et aussi la personne qui avait parfaitement élevé et façonné Ambre. Même si nombre de parts d’elle ne dépendaient pas de l’éducation de Céline, elle avait fait un travail admirable. Et quelque part, elle devait être la dernière personne encore au courant, avec des souvenirs suffisamment fiables, des affaires des Mirail remontant aussi loin. En tout cas il l’espérait, sinon, il faudrait se cantonner, malgré les risques, à l’espionnage.

Le reste de la soirée, lui, serait dédié à sa femme. Cela lui avait, mine de rien, atrocement manqué. Au domaine, quand il était en état de travailler, il le faisait bien évidemment et sans retenue, mais dans ce contexte, c’était autant un devoir, qu’il accomplissait avec dignité, qu’un palliatif à l’éloignement de son épouse. Maintenant qu’il était de retour, il n’avait plus de raison de se priver, et il doutait sincèrement d’avoir de nouvelles missions du même genre dans les prochains jours, voire même les prochaines semaines. Cette conquête monopoliserait encore de nombreux hommes et de nombreuses ressources pendant un certain nombre de mois, et le duc n’était pas assez idiot pour disperser ses hommes dans tout le duché sous prétexte qu’une conquête avait abouti. Tout se ferait petit à petit. Et pendant ce temps, il profiterait de chaque instant possible à passer avec son épouse. La découverte de ce sentiment rendait cette volonté plus forte encore. Et il s’en satisfaisait fort. S’il ne négligerait pas ses devoirs, il serait tout de même bien plus enclin à délaisser son travail un peu plus tôt pour elle, partager quelques moments d’intimité. Comme ce soir.

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Dans le salon, Morion avait réussi, en attendant l’arrivée d’Ambre qui ne tarda pas, à apaiser un peu sa soeur. Visiblement, elle était épuisée. Elle avait quitté le chevet de sa soeur seulement au moment de partir, et ses traits étaient tirés par l’inquiétude, la fatigue, et probablement une bonne dose de douleur. Plus morale qu’autre chose, mais seulement un mois après que son frère ait failli perdre la vie dans l’opération visant à reconquérir le Labret, voilà que sa soeur s’y mettait, et se trouvait désormais dans une terrible situation, à son tour. Cela faisait beaucoup, pour la jeune femme. Elle n’avait que vingt ans. Et si elle était femme, ces derniers mois avaient été terriblement éprouvants. Destinée à devenir femme d’un homme au rang égal, voire supérieur au sien, perpétuer le sang de sa famille, ainsi qu’un certain nombre de ses préceptes, là voilà gérante d’une très grande part du domaine, conjointement à sa soeur. Elles étaient les deux facettes d’une même médaille, et si l’une se trouvait blessée, dans l’incapacité de travailler… L’autre était directement affectée. Avant la fange, les deux femmes étaient trop différentes pour avoir des relations parfaitement fraternelles. Elles se tiraient souvent dans les pattes, et quand Marianne reprochait à sa soeur sa trop grande proximité morale et comportementale avec son frère aîné, Estrée n’était pas en reste, reprochant à Marianne son émotivité, sa sensiblerie de bonne femme de basse naissance, et ses manières insupportables. Hériter de la gestion du domaine les avait toutes deux endurcies, assagies, et surtout, très fortement rapprochées. Elles étaient devenues parfaitement indissociables, désormais. Et pour le mieux.

Marianne acquiesça silencieusement à la question d’Ambre. Oui, totalement seule. Elle était une femme assez…. fragile, bien plus que sa soeur, mais elle tenait sa témérité du pire d’entre eux, Morion lui-même. Elle ne tarda pas à expliquer, d’ailleurs, les raisons d’une telle folie. Elle se redressa, les sourcils froncés, les mains jointes sur son ventre. Elle n’était pas du genre à se mettre facilement en colère, et ce ne serait pas le cas ce soir. Elle avait assez encaissé ce mois-ci, et ne comptait pas déclencher une esclandre en plus de ça. Elle se contenait, cependant. Ses dents étaient légèrement serrées, et ses yeux pétillaient, de tristesse peut-être, des quelques larmes qui avaient coulé avant, mais également de courroux. Elle était peut-être la femme de son frère, mais il lui manquait visiblement des notions, concernant les Ventfroid.

«… Vous savez, Estrée est une battante. Elle se bat chaque jour que les Trois font, pour conserver un espace libre et sain hors de la fange, qui ne soit pas dans les griffes du Duc et de ses espions. Nous sommes deux jeunes femmes, mais nous sommes aussi, au même titre que vous, Comtesses de Ventfroid, jusqu’à ce que nous perdions ce nom au profit d’un autre.
Elle jeta un oeil à Morion, qui était tout attentif, levé également. Lors d’une bataille comme celle d’hier, ou encore, comme celle du Labret, nous n’avons pas le temps de grimper la dizaine d’étages qui constitue notre château. Nous n’avons pas non plus le temps de prendre une plume, et de rédiger un avertissement, un compte rendu, de ce qu’il s’est passé. Ce temps est employé à panser nos blessures, brûler, et parfois tuer ceux qui sont déjà morts. Vous n’êtes pas sans savoir que dehors, la guerre fait rage. Elle fit une petite pause. Sa voix était très douce, quoi qu’un peu vibrante d’émotion, mais aussi sèche qu’un fétu de paille. Un contraste assez… amusant. En outre, c’est la première fois depuis son mariage que Morion invite l’une d’entre nous à Marbrume en prétextant une annonce officielle. Je devrais peut-être être aux côtés de ma soeur. C’est vrai. Pour la regarder se battre, impuissante ? Pour désespérer comme je l’ai fait aux côtés de Morion pendant qu’il se battait contre ses propres maux ? Edric de Castelmont est aussi précieux à notre famille et à ma soeur que je le suis. Il s’occupera d’elle mieux que moi, et saura mieux gérer les affaires qu’elle ne peut traiter, ne vous en faites donc pas pour ça. Et, ajouta-t-elle, les pupilles étrécies par la colère, ma soeur n’est pas entre la vie et la mort. Elle est en vie, et le restera.»

Morion interrompit Marianne, un sourire amer aux lèvres, d’un geste tendre, une simple main posée sur son épaule. Il jeta un coup d’oeil, un peu désolé, à sa femme.

«Inutile de s’énerver. Ce n’est vraiment pas le moment. Ambre est tout aussi inquiète que moi pour Estrée, elle l’apprécie énormément. Et elle est parfaitement au fait du travail de titan que vous menez là haut, également. L’angoisse te fait parler fort et cru, et ce jour… N’était pas supposé se passer ainsi, ajouta-t-il avec une pointe de dépit.»

Talen finit par revenir avec un plateau, sur lequel reposait un pichet de vin, ainsi que quelques rafraîchissements aux fruits, dénués d’alcool. Il posa le tout devant la cheminée, et s’en fut. Morion l’apostropha simplement avant qu’il ne quitte le salon, pour lui demander d’adresser immédiatement une missive à Edric. Si Marianne n’était pas là, alors il était le seul dirigeant valable là haut. Il leur donnerait des précisions, malgré son écriture de chien boiteux.

Le comte n’était cependant pas en reste. La logique gouvernait ses actions et ses paroles, mais son estomac refusait de se dénouer. Sa soeur, blessée… Il brûlait d’envie de tout abandonner ici, et de foncer séance tenante au domaine pour le prendre en charge, et s’occuper de sa soeur. Il lui suffit d’évoquer seulement cette pensée pour que sa jambe le tiraille légèrement, comme un rappel de son incapacité à faire autre chose que marcher dans l’enceinte de sa propre demeure, et nulle part ailleurs. Un soupir amer fusa d’entre ses lèvres, et il guida sa femme jusqu’à l’autre fauteuil libre, après que Marianne se soit rassit, sa passion adoucie par les réflexions de Morion.

«Bien… Il se rassit sur la chaise. Buvons un peu, le repas sera servi d’ici quelques temps. Il se massa les tempes. Son teint restait toujours pâle, malgré le fait qu’il se soit calmé, un peu, depuis l’annonce. L’inquiétude le tenaillait au moins autant que sa soeur. Il soupira doucement. Nous avions prévu une journée un peu plus gaie mais… Il fallait bien que cela arrive un jour. Lui-même avait un peu de mal à se convaincre. Il avait vraiment du mal à accuser le coup. Marianne, il faudra que tu te repose. Ta chambre est telle qu’auparavant, rien n’a bougé. Tu iras dormir un peu. Ce soir, la famille d’Ambre vient dîner ici, et il faut que tu sois en forme. Ambre a également une petite surprise à te montrer. Elle le fera lorsque tu seras reposée, pas avant.»

Morion pensait à la salle de musique, ou Ambre avait entrepris la restauration des instruments. Elle verrait aussi le travail de la comtesse, ses peintures et esquisses, fort agréables à l’oeil même inachevées. Même si les instruments l’intéresseraient plus. Le comte était persuadé que cela la distrairait un peu.

Pour le reste… Sa jambe blessée était parcouru de légers tremblements. Il faisait bonne figure pour sa soeur, mais au fond de lui, l’ambiance à la fête de la journée venait de prendre du plomb dans l’aile. Il savait que la blessure d’Estrée n’avait pas été causée par un fangeux. Et si elle ne se battait pas, elle était de fait toujours secondée par Edric, qui retransmettait de sa voix de stentor les ordres qu’elle lançait, et la protégeait de toutes les agressions. Le pauvre homme devait s’en vouloir à en mourir d’avoir failli à sa mission. Les fangeux rendaient les défenses, et n’importe lesquelles pas que les leurs, parfaitement aléatoires. Bien qu’une stratégie soit sur le papier parfaite, elle ne fonctionnait jamais une fois mise en application. Les risques, ils les connaissaient tous. Néanmoins, quand ils se concrétisaient… La main de Morion était venue, d’instinct, chercher celle de son épouse, l’enserrant avec une fermeté qui dénotait tout à fait clairement son inquiétude. Il priait très fort, à l’instant, pour le salut de sa soeur. Elle n’avait encore jamais été blessée, Edric avait toujours eu l’oeil et les réflexes pour la sauver, quel que soit la teneur de l’assaut. Morion était un peu inquiet pour lui aussi. Il savait comment réagirait le géant. Il penserait que ce serait de sa faute.

«Ambre… A quelle heure Evan et les autres doivent arriver ?»

Marianne:
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 7 EmptyMar 9 Aoû 2016 - 16:46
Ambre haussa un sourcil discret, le visage un peu figé. Sans sourire, mais sans grimacer non plus, elle écouta Marianne, calmement. Elle ne répliqua rien, ne coupa pas la jeune brune, pourtant elle ne partageait pas son avis, et ce sur aucun point. Les sœurs de Morion étaient des battantes, luttaient tous les jours contre la guerre ? La comtesse avait-elle seulement évoqué le contraire ? Non. Pourtant Marianne avait cru nécessaire de le lui rappeler, comme si la présence d’Ambre au chaud derrière les remparts de Marbrume discréditait toute argumentation venant de sa part. L’arrogance faisait-elle partie de la personnalité de cette Ventfroid ? Visiblement. Que la guerre dehors leur donne beaucoup de travail, ça c’était certain, mais qu’on vienne dire à Ambre que l’on n’avait pas le temps d’envoyer une simple missive alors que la petite brune avait pris le temps de faire harnacher un cheval et de foncer au galop durant plusieurs heures jusqu’à la cité, c’était quand même cocasse. Là où un cheval avait mis une demi-journée, une lettre aurait pris seulement quelques minutes à être envoyée. Et, définitivement, abandonner le chevet de sa sœur, même si on ne pouvait qu’attendre impuissant que la blessée se remette, ça n’était pas au goût d’Ambre. Elle-même avait regretté de ne pas pouvoir plus échanger avec son père durant sa mort. Ce dernier avait eu le temps de donner ses derniers mots, ce qui était déjà pas mal, mais Ambre, elle, n’avait pas pu lui dire les siens. Alors, voir une sœur fuir ces propres derniers instants – car, quoi que pense Marianne sur l’état de sa sœur, il était grave et même si la blessure ne l’avait pas vidée de son sang sur le coup, rien ne disait qu’une infection ne vienne pas s’en mêler et la tuer quelques heures plus tard –, Ambre ne cautionnait pas. Grands dieux, si ça avait été pour venir chercher du secours, pourquoi pas, mais venir passer un dîner avec son frère pendant que sa propre sœur agonisait, Ambre ne parvenait sincèrement pas à saisir la logique : il n’y avait aucun cas de force majeure qui la forçait à assister au dîner avec Morion. Avait-elle eu besoin, inconsciemment, de la présence rassurante de son frère ? C’était possible. Mais la jeune rousse voyait surtout là un comportement immature. Même la comtesse serait restée au chevet d’Estrée, aurait épongé son front fiévreux ou changé ses pansements. Et puis, ne parlons pas de la folie d’avoir traversé les plaines seule à cheval, sans aucune protection armée. Elle était une Ventfroid peut-être, mais porter ce nom n’apportait aucune habileté supplémentaire face à un fangeux, surtout lorsque l’on était une femme.

Bref, c’était clair et net, chacune des paroles prononcées par Marianne, Ambre n’en avait entendu aucune. Machinalement, Ambre caressa d’un doigt la chevalière des Ventfroid sur son majeur droit, et eut un sourire triste, non désireuse d’alimenter l’esclandre. L’envie de répliquer était forte, et assurément l’aurait-elle fait s’il ne s’était pas agi de la sœur de son époux. Morion avait déjà réagi, dans tous les cas, interrompant lui-même la verve de sa sœur.

- Je prierai les Trois pour ça, conclut Ambre doucement en écho aux dernières paroles de Marianne sur la survie de sa sœur. S’il était évident que la comtesse ne cautionnait pas tous les propos de la jeune brune, au moins put-on noter sa maîtrise d’elle-même. Elle n’avait pas souhaité rencontrer Marianne dans ces conditions, c’était certain, et créer un esclandre était loin d’être sa volonté. Ne prenez pas mes paroles pour une attaque. La mort frappe parfois trop vite et laisse beaucoup de regrets aux vivants. J’aurais aimé, moi, être au chevet de certaines personnes.

Elle jeta un regard à peine voilé à Morion, qui avait souffert des jours durant sans même qu’on ne la mette au courant.

La comtesse se massa doucement la tempe après s’être laissée conduire par son mari sur un fauteuil, les yeux un peu dans le vague. Elle aurait aimé se poser dans un canapé et sentir la présence de son époux à ses côtés, pour le rassurer, prendre un peu de son angoisse, même si elle en avait déjà elle-même. Savoir Estrée souffrante… Grands dieux, une pique dans le ventre, elle devait souffrir le martyre. Et ne parlons pas du pauvre piquier qui n’avait pas pu arrêter son geste à temps… Il devait s’en mordre les doigts jusqu’au sang à l’heure actuelle. Ce jour ne devait point se passer ainsi, en effet. Ambre avait perdu toute la liesse qu’elle avait possédée pour annoncer l’attente d’un enfant, et se demandait si elle aurait le cœur à dîner et boire en sachant qu’à plusieurs lieues de là, Estrée de Ventfroid luttait contre une blessure grave.
La comtesse regarda les boissons apportées par Talen, et le remercia intérieurement d’avoir apporté autre chose que du vin. Ils avaient tous terminé par comprendre qu’elle ne supportait plus cette boisson, même si elle se demanda si les simples jus de fruit non alcoolisés n’étaient pas une manière de se moquer d’elle, dont le corps semblait devenu trop faible pour certaines choses. Elle balaya d’un coup de cils la pensée amusante cela dit. Elle espérait que la missive d’Edric arriverait vite ; s’ils apprenaient que la situation d’Estrée était stable, cela adoucirait déjà la journée, au moins. Même si la stabilité d’une telle blessure était relative.

- Oui, répondit Ambre en écho aux paroles de son mari, sortant un peu de ses mornes pensées. J’ai quelque chose à vous montrer, mais remettez-vous du voyage d’abord. Je ne suis pas à quelques heures près. Ambre ne doutait pas que Marianne serait heureuse de voir ses instruments en état, mais avait quelques appréhensions sur la transformation de la salle de musique en atelier cependant. Marianne avait grandi dans ce manoir, avait des souvenirs profonds et ancrés. Revenir pour voir l’une de ses salles de loisir investie par la présence d’une inconnue… Ambre ne savait pas si cela lui ferait réellement plaisir, et redoutait un peu de lui montrer la pièce mais… elle le ferait. J’ai aussi terminé les esquisses des plans que Morion m’avait laissés, ils sont dans un coffret que je vous donnerai avant que vous ne repartiez au domaine, il devrait être facile de l’accrocher à la selle d’un cheval. J’espère qu’ils seront utiles.

Ambre sentit la main de Morion passer par-dessus l’accoudoir de son fauteuil et venir enserrer ses doigts avec force. Elle répondit à la pression, silencieuse, tentant de faire passer un peu de soulagement au-travers du geste, de le soutenir comme elle pouvait. Il faisait face mais clairement, il était inquiet. Si Morion accordait peu de crédit à la vie d’autrui de manière générale, lorsqu’il s’agit de sa famille en revanche, il était humain, comme tout le monde. La comtesse caressa doucement d’un pouce la peau de son mari, avant de se reconcentrer sur Marianne. Elle n’était pas gênée mais les deux époux avaient rarement montré leur affection à part devant leurs domestiques, et si elle était présente pour son mari, il fallait aussi que Marianne ne termine pas par tenir la chandelle.

- C’est prévu pour dix-huit heures. Mais, vu les circonstances… l’on peut décaler le dîner si c’est mieux pour tout le monde. Ma famille comprendra très bien la situation et ne sera pas offusquée si vous préférez rester en petit comité ce soir, tous les deux, souffla Ambre doucement. Elle jeta à Morion un regard équivoque. L'annonce de la grossesse pouvait attendre, s'il le désirait.

De sa main libre, Ambre attrapa un verre de jus de fruit. Un long moment passa, durant lequel les trois nobles se répondirent, échangèrent des banalités dans cette morne ambiance qu’avait apporté la nouvelle de la blessure d’Estrée. L’on se demandait combien de temps encore le domaine serait affligé, combien de blessés et de pertes il faudrait supporter. Dans un autre temps, Estrée n’aurait jamais eu sa place sur un champ de bataille. Désormais, elle était obligée d’agir comme un homme, et elle en payait le dur prix. Ambre pensait à tout cela, et avait perdu complètement sa bonne humeur.

Après avoir considérablement entamé son verre, Ambre jeta un nouveau regard à Marianne, observant les traits des Ventfroid qui couraient sur son visage. Elle ressemblait plus à son frère qu’Estrée, qui était blonde. Ambre tenta de détendre l’atmosphère avec les paroles suivantes, concentrant son esprit sur des pensées moins déprimantes.

- Morion est assez discret et secret de manière générale, j’imagine que je ne surprends personne en disant cela. Elle jeta un petit regard mutin par-dessus son verre à son époux, avant de se reconcentrer sur Marianne. Je sais aussi que vous avez été élevés séparément, mais vous devez quand même avoir bien plus d’éléments que j’en ai. Alors, dîtes-moi. Comment était l’homme que j’ai épousé dans ses jeunes années ? Y-a-t-il des souvenirs que vous vous plairiez à conter ?

Ambre griffa légèrement la main de son époux de ses ongles, taquine. Elle espérait faire remonter des souvenirs plus heureux que la pensée d’une Estrée agonisante dans un lit. Cela détendrait peut-être Marianne, qu’on lui avait toujours décrite émotive et enjouée, accordant plus d’importances à des détails que ses aînés. Si cela pouvait lui détourner l’esprit et lui permettre par la suite de dormir tranquillement jusqu’au dîner du soir, c’était déjà ça de pris. Mais il y avait une volonté personnelle aussi derrière cette question, une réelle curiosité à vouloir mieux connaître cette famille. Qui sait, peut-être pourrait-elle se moquer allègrement de son mari sur quelques bêtises de son enfance ?
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MessageSujet: Re: Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid]   Soleils ambrés, nuits azurées, cercle parfait. [Ambre & Morion de Ventfroid] - Page 7 EmptyJeu 11 Aoû 2016 - 4:09
Soulagé. C’était, partiellement, l’état de Morion à cet instant. Evidemment, il était très inquiet pour sa soeur, mais d’un autre côté… Marianne n’était pas émotive pour rien. Si elle pouvait s’inquiéter ou s’émouvoir de détails, elle s’emportait également à une vitesse qui détonait fortement avec le caractère des deux autres Ventfroid. Morion était d’un naturel assez irascible, mais toujours très mesuré, quant à Estrée, il était horriblement difficile de la mettre en colère. Marianne avait le sang chaud, c’était certain. Mais l’inquiétude semblait prendre le pas sur l’outrance subie par les remarques d’Ambre, et elle se calma rapidement, après les paroles pacifiques du chef de la famille. Un jour pareil de surcroît, il aurait fortement déprécié que les relations entre Ambre et sa famille commencent sur de mauvaises bases. Si leur mariage avait uni deux grandes et puissantes familles, ils perdaient tous, ou avaient tous perdu des êtres chers, et continueraient probablement d’en perdre. Si Morion ne comptait en aucune manière pervertir cette alliance, il n’avait pas non plus l’intention de laisser une telle union entâchée par quelques mots mal interprétés débouchant sur de ridicules conflits, comme il put y en avoir des centaines par le passé. Si l’on ne pouvait composer avec le caractère de tous, chacun pouvait cependant mettre du sien pour que les choses se passent le mieux entre eux tous. En cette époque sombre, c’était capital.

Et Marianne, malgré son comportement impulsif, sembla comprendre que l’heure n’était pas à la dispute, et que son frère ne l’avait pas invitée à Marbrume pour qu’elle se crêpe le chignon avec son épouse. Elle avait également assez de jugeote que s’énerver ne changerait pas grand chose à l’affaire. Maintenant qu’elle était là, il était hors de question qu’elle s’en aille, et avait, après s’être calmée, compris qu’Ambre n’avait en aucune manière voulu être méchante ou agressive envers elle.

La jeune femme leva les yeux vers Ambre, un sourcil haussé, puis acquiesça doucement, en signe de compréhension autant que de remerciement.

«J’espère que vos prières seront entendues,
souffla-t-elle dans un murmure. Pour les plans, je les prendrai au retour, merci de votre aide à ce sujet, par ailleurs. Je n’ai guère eu l’occasion de le dire de vive voix ni même par missive mais, les quelques qui ont été envoyés ont déjà trouvé leur utilité. Elle sembla réfléchir quelques secondes, les yeux dans le vague, puis ses prunelles retrouvèrent leur éclat. De mémoire, grâce à de nouveaux chariots dont les plans viennent d’ici nous arrivons à convoyer cent deux kilos de plus par voyage, en sus de pouvoir embarquer des morceaux de six pieds de long de plus qu’auparavant, ce qui nous est très utile pour les défenses de l’enceinte intérieure.»

Morion eut un bref sourire en coin, toujours étonné par la mémoire prodigieuse que pouvait avoir sa soeur quand il s’agissait de chiffres ou de données administratives. Elle était très peu à l’aise dans les directives à donner, préférait même seulement conseiller et suggérer, laissant à sa soeur la tête de la chaîne de commandement. Pour ainsi dire, malgré son statut de soeur de Morion, et de tête dirigeante du domaine, elle n’avait aucune autorité, et était assez facilement intimidée par les gens. Néanmoins, côté spirituel, elle impressionnait beaucoup. A titre de comparaison, Estrée ne possédait pas un quart de la mémoire de sa jeune soeur, et comptait énormément sur elle pour retenir les détails qui pouvaient lui échapper.

Le comte réfléchit quelques secondes, avant de prendre à son tour la parole.

«Si cela ne les embête pas, qu’ils viennent vers vingt heures, plutôt. Marianne aura ainsi tout le temps de se reposer après le repas, et moi je pourrai me concentrer un temps sur un contact assidu avec Edric.
Il soutint le regard de sa femme. Il ne déviait rarement des engagements, même minimes, qu’il prenait. Si cela était simplement une invitation, et que l’annonce pouvait en effet attendre, il ne comptait pas changer les dates. Et puis, il espérait que cela mette un peu de baume au coeur de sa soeur.»

Pendant un moment, le temps que le repas du midi soit servi, ils discutèrent. Heureuse de changer de sujet, Marianne se montra étonnamment loquace et… Impressionnante. Même Morion dut bien l’admettre. Depuis qu’il avait quitté le champ de bataille, et qu’il avait ordonné à sa soeur de prendre en main tant la gestion du domaine que des hommes qu’ils enverraient vers le Labret, elle avait travaillé d’arrache pieds, et cela se sentait. En fait, elle connaissait le domaine par coeur, et chacun de ses habitants avec. Si elle avait eu l’aura et la prestance d’un leader, elle aurait fait un seigneur formidable. Elle ne connaissait aucun ou presque des habitants personnellement, mais pouvait dire à toute heure où ils étaient, ce qu’ils faisaient, dans quel état ils étaient, et même ce qu’ils avaient mangé la veille. Comme elle le raconta, un peu contrite, elle couchait tout sur papier, et avait parfois tellement abusé sur les détails qu’elle annotait, pour soulager ses propres pensées, que Morion avait plusieurs fois du faire livrer ou livrer lui-même du parchemin en masse depuis la ville pour qu’elle puisse continuer à écrire sereinement. Elle n’avait en revanche aucune connaissance militaire. Pour elle, les stratégies étaient un blabla incompréhensible, et assura qu’elle ne pourrait différencier un ensis d’une lame bâtarde même si on lui expliquait la différence. En revanche, elle n’aurait aucun mal à retenir la façon dont on les fabriquait. C’était elle, également, qui était à l’origine du système de guildes, vaguement nommées ainsi comme des rassemblements de personnes aux capacités similaires, afin qu’ils oeuvrent ensemble, et surtout, que la proximité de leurs corps de métiers respectifs les aide également à mieux s’entendre. Elle avait fait créer de petites broches en fer, représentant tantôt une lame, tantôt un épi de blé, tantôt une feuille de vigne, afin de “marquer” les personnes, pour que chacun puisse savoir au premier coup d’oeil qui appartenait à quel groupe. Morion lui jetait souvent un oeil particulièrement appréciateur. Elle était plus jeune qu’Ambre, mais ses capacités intellectuelles avaient fait du domaine, abri temporaire et d’infortune d’exilés, une ville miniature qui se défendait comme elle pouvait contre la fange, et s’auto-régulait admirablement bien. Et Morion n’était que pour peu dans cette histoire. Il avait enrichi l’idée et corrigé nombre de problèmes logistiques, mais son intervention s’était arrêtée là.

Si la discussion tournait essentiellement autour du domaine, elle finit par dériver lorsqu’Ambre lui posa une question, qui fit légèrement tiquer le comte. Sa soeur lui jeta un regard amusé, puis se retourna vers son interlocutrice.

«Il était déjà un homme, aussi loin que mes souvenirs remontent mais… Vous n’êtes pas sans savoir à quel point il est méticuleux, peu importe la zizanie dans laquelle il évolue, il sait toujours exactement où se trouve chaque chose… Mais quand il était plus jeune, cela allait beaucoup plus loin. Il refusait de voir des aliments aux couleurs différentes se toucher, dans son assiette. Il les séparait un à un et allait jusqu’à en nettoyer certains.
Elle jeta un oeil à son frère, qui conservait un visage lissé de toute expression. Te souviens-tu ?

- En aucune façon, répondit, un peu trop rapidement d’ailleurs, Morion.

Elle eut un petit ricanement mesquin, puis se reconcentra sur l’épouse du comte.

- Quant au reste… Il était si mauvais perdant, que lorsque Talen lui donnait des leçons d’escrime et qu’il en sortait sans progrès satisfaisant… Eh bien une fois, dans le corridor qui mène à la salle d’armes, il a lié toutes les armures d’un fin lien, du lin ce me semble, et lorsque Talen s’est aventuré dans le couloir piégé pour y faire du rangement, elles lui sont toutes tombées dessus, les unes après les autres… Père s’est beaucoup amusé de cela, je m’en souviens. Talen… Eh bien, ses entraînements furent plus rudes que jamais, et il ne mettait que de l’eau froide dans le bain de Morion. Et cela a duré deux bonnes semaines.»

Le visage de Marianne s’était un peu éclairé, à l’évocation de ces souvenirs. Tout d’abord parce qu’ils étaient rares, Morion avait été d’un naturel taciturne et très fermé, malgré sa gentillesse, tout au long de son enfance, une grande partie de son esprit étant alors monopolisée par son père et son éducation difficile. Curieuse, cependant, elle les regarda alternativement quelques secondes.

«En revanche, une chose que Morion nous a tu, et que ma soeur et moi avons toujours brûlé de savoir, c’est comment vous, une descendante d’une famille a priori en tous points opposée à la notre, avez pu nous ravir notre frère.»
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